(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1866-1867)
(Présidence de (M. E. Vandenpeereboom.)
(page 929) M. Thienpont, secrétaire., procède à l’appel nominal à 2 heures et un quart.
M. de Moor, secrétaireµ, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance.
- La rédaction du procès-verbal est approuvée.
M. Thienpont,. présente l'analyse des pièces qui ont été adressées à la Chambre.
« La veuve Verreydt demande que son fils Gustave-Emmanuel, milicien de 1867, soit exemple du service militaire. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« L'institut archéologique du Luxembourg adresse à la Chambre un exemplaire du cahier du tome IV et du 4ème cahier du tome V de ses annales. »
- Dépôt à la bibliothèque.
M. d’Hane-Steenhuyseµ (pour une motion d’ordre). - La Chambre se rappellera sans doute que, dans la séance du 19 février dernier, lors de la discussion du budget des travaux publics, l'honorable ministre des finances a déclaré que les pièces que lui adresserait encore la ville d'Anvers seraient déposées sur le bureau de la Chambre, qui en ordonnerait l'impression. Le 4 de ce mois la réponse de l'administration communale doit être arrivée à l'honorable ministre ; j'ai l'honneur de la déposer sur le bureau et je prie la Chambre de vouloir bien en ordonner l'impression.
MfFOµ. - Jusqu'à présent aucune communication ne m'a été faite à cet égard.
M. d’Hane-Steenhuyseµ. - La lettre est adressée à M. le ministre de l'intérieur.
MfFOµ. - J'attendrai que M. le ministre de l'intérieur m'en ait donné communication, et je verrai s'il y a quelques explications à y ajouter. Avant d'imprimer une pièce adressée au gouvernement, il me semble assez naturel d'attendre que le gouvernement en ait pris connaissance.
M. Jacobsµ. - Lorsqu'on a décidé l'impression des premières pièces de la correspondance de la ville d'Anvers et du gouvernement, nous avons demandé qu'on voulût bien attendre qu'elle fût complète ; M. le ministre des finances a dit alors : « Publions d'abord ce qui existe ; la suite sera imprimée ultérieurement. »
Eh bien, je demande à mon tour que la nouvelle pièce soit déposée et imprimée. Si le gouvernement croit devoir y répondre, on imprimera sa réponse dès qu'elle aura vu le jour ; mais puisqu'on n'a pas attendu la réponse. de la ville d'Anvers, il me semble qu'il n'y a pas lieu d'attendre celle du gouvernement.
MfFOµ. - Les honorables membres ne sont pas ici conseillers communaux d'Anvers : ils sont membres de la Chambre.
M. Jacobsµ. - Je ne suis pas conseiller communal.
MfFOµ. - Dans tous les cas, vous n'avez pas qualité pour parler ici au nom de l'administration communale d'Anvers.
Vous demandez l'impression d'une pièce ; le gouvernement vous dit, par mon organe : « Je n'ai pas reçu cette pièce ; vous me permettrez sans doute de la lire avant que j'en fasse le dépôt. » Comment voulez-vous que je réponde autrement ? (Interruption.)
Je demande à mon collègue de l'intérieur s'il a reçu la lettre de l'administration communale d'Anvers ?
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Je ne la connais pas.
MfFOµ. - Vous demandez donc communication d'une pièce adressée au gouvernement et dont celui-ci n'est pas encore en possession. Quand nous l'aurons reçue, nous la déposerons.
M. d'Hane-Steenhuyseµ. - Messieurs, j'ai fait erreur en citant M. le ministre des nuances, c'est à M. le ministre de l'intérieur que la pièce a été adressée le 4 courant, vendredi dernier ; c'est alors qu'elle a été expédiée de l'hôtel de ville ; elle a dû arriver le 5, ou tout au plus tard le 6 au chef du département de l'intérieur. Je demande donc que lorsque M. le ministre aura pris connaissance de ce mémoire, il veuille bien le faire imprimer comme on a fait des autres pièces se rapportant au même objet, ainsi que la Chambre l'a décidé.
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - La pièce dont parle M. d'Hane m'a peut-être été adressée, mais je n'ai pas souvenir de l'avoir reçue. Peut-être est-elle envoyée dans mes bureaux, je l'ignore. Aussitôt que cette pièce me sera remise, j'en prendrai communication et je m'entendrai, en ce qui la concerne, avec mon honorable collègue des finances. Je crois. du reste, qu'il n'y aura pas d'obstacle à ce qu'il soit fait droit à la demande de l'honorable député d'Anvers ; mais avant de nous prononcer formellement, on nous permettra bien sans doute de prendre communication de la pièce dont il s'agit.
M. Van Overloopµ (pour une motion d’ordre). - Puisque M. le ministre de l'intérieur est présent, je me permettrai de lui adresser une interpellation.
Parmi les mesures prises pour combattre l'invasion de la peste bovine dans notre pays, mesures auxquelles nous avons tous applaudi, il en est une qui consiste dans l'interdiction d'importer des fourrages. Je comprends cela quant aux fourrages secs, mais quant aux fourrages verts, c'est tout différent. Ainsi nous avons un grand nombre de communes de l'arrondissement de Saint-Nicolas, La Clinge, Meerdonck, Kieldrecht, etc., dans lesquelles se trouvent des fermes dont les terres sont situées dans la Flandre zélandaise où, soit dit en passant, jamais la peste bovine n'a régné.
Si les propriétaires de ces fermes ne pouvaient pas récolter leurs fourrages dans la Flandre zélandaise, ils seraient véritablement réduits à la misère. A l'heure présente, que deviendront leurs exploitations si on les empêche de récolter les trèfles dont ils ont besoin ?
Ce que je viens de dire de quelques communes de l'arrondissement de Saint-Nicolas s'applique un grand nombre d'autres communes limitrophes de la Zélande.
Je demande donc à l'honorable ministre de l'intérieur s'il est vrai qu'il soit interdit d'importer en Belgique des fourrages verts, et, pour la cas où cette interdiction existait, s'il n'y aurait pas convenance de la faire cesser.
J'espère que l'honorable ministre me fera une réponse qui tranquillisera les populations de nos frontières. Si je suis bien renseigné, les deux tiers des fermiers qui habitent La Clinge ne cultivent que des. terres situées dans la Flandre zélandaise. Il en eu de même, ou à peu près, des fermiers de Meerdonck et de Kieldrecht. On comprend les angoisses de ces estimables cultivateurs. Il est urgent qu'on les fasse cesser.
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Ainsi que j'ai eu plusieurs fois l'honneur de le dire à la Chambre, je crois que le gouvernement doit maintenir sévèrement toutes les mesures essentielles indispensables qui ont été prises jusqu'ici pour préserver le pays de la peste bovine.
Mais comme l'épizootie a diminué en Hollande et qu'il est permis d'espérer qu'elle disparaîtra bientôt, grâce aux mesures prises par (page 930) l'administration de ce pays et comme elle a disparu complètement de notre pays, le gouvernement examine en ce moment le point de savoir s'il ne serait pas possible de se relâcher sur quelques points.
Ainsi M. Van Overloop demande que, dans les fermes placées, pour ainsi dire, à cheval sur la frontière, ou autorise le transport, d'un pays dans l'autre, des engrais et des fourrages provenant de ces terres. Je crois qu'il sera possible bientôt de donner, sous ce rapport, quelques facilités, mais je ne puis en ce moment préciser. J'examinerai et je ferai tout ce qu'il sera possible de faire, sans compromettre les intérêts de l'agriculture.
M. de Macarµ. - Puisque M. le ministre se préoccupe en ce moment des moyens à employer pour obvier a certains inconvénients que les mesures prises pour combatte l'invasion de la peste bovine ont dû nécessairement provoquer, je me permets d'appeler son attention sur la question du rétablissement de quelques marchés.
Sans doute il ne faut lever l'interdiction que lorsqu'on aura la certitude qu'on peut le faire sans danger. Mais il serait désirable que l'état de gêne où se trouvent placées quelques villes ne soit maintenu que pour autant que la chose soit reconnue indispensable.
Il importe, de tenir compte, dans la mesure, du possible, des intérêts sérieux qui sont en jeu à ce sujet. J'appelle toute la sollicitude de M. le ministre sur ce point.
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Il va de soi que du moment où je croirai que cela est possible, je me ferai un devoir de permettre la réouverture de certains marchés, et spécialement celui de Huy dont l'honorable M. de Macar a demandé si souvent le rétablissement ; mais je crois que le moment n'est pas encore venu : la prudence ne permet pas, je pense, de le faire encore.
- L'incident est clos.
M. Nothomb. - L'impatience qu'a manifestée samedi dernier la Chambre de clore cette discussion me fait comprendre la nécessité d'être concis.
La mise à la retraite des magistrats à une date fatale est une très vieille question, aussi bien dans le domaine de la théorie que dans le domaine législatif. J'ai dû naturellement, par la nature de mes fonctions et de mes études, m'en occuper. A toutes les époques, j'ai combattu énergiquement la thèse soutenue aujourd'hui par le gouvernement.
Je considère la mise à la retraite, forcée des magistrats comme attentatoire à la dignité de la magistrature, comme nuisible à la bonne administration de la justice, partant à l'intérêt public, et enfin je crois la mesure, telle qu'elle est proposée par le gouvernement, je la crois contraire à l'esprit comme au texte de la Constitution.
M. le ministre de la justice, dans son discours de samedi dernier, résumait le débat, en deux questions :
Ils se demandait : Y a-t-il utilité à faire la réforme proposée ? et la Constitution la permet-elle ?
Peut-être, messieurs, fallait-il renverser l'ordre de ces questions, et se demander d'abord si la Constitution, interprétée selon son texte et d'après son esprit, permet de mettre les magistrats forcément à la retraite à un âge fatal, à une limite légale.
Je ne dirai que quelques mots à cet égard ; ce point me semble épuisé et les opinions doivent être formées. D'honorables collègues qui ont parlé avant moi ont établi, je crois, d'une manière irréfutable, que la Constitution ne permet pas d'adopter la mesure que le gouvernement nous propose.
Ce débat s'est déjà introduit devant cette Chambre à trois reprises différentes, et chaque fois la proposition a été rejetée.
Elle s'est produite en 1842, en 1843, en 1849 ; toujours elle a été énergiquement combattue et repoussée à une grande, à une immense majorité.
L'honorable ministre, comprenant combien ces précédents sont préjudiciables à la thèse qu'il défend, répond que c'est à peine si la question a occupé l'assemblée pendant quelques instants ; que deux ou trois membres seulement ont pris part à la discussion et que tout a été dit.
Mais, messieurs, c'est précisément la nature de ce débat, la manière dont les votes ont été amenés qui y donnent une très grande importance : la question a paru tellement claire à l'assemblée que la question n'a pas eu besoin d'être longuement élucidée.
On trouvait étrange qu'une pareille question fût soulevée et d'honorables membres qui siègent encore parmi nous, ont été jusqu'à dire : Il n'y a pas lieu à discussion ; quand la Constitution porte que les magistrats sont nommés à vie, comment ose-t-on proposer de décider que les magistrats sont nommés temporairement ? Et une expression très heureuse a été proférée à cette époque par un membre dont le pays a regretté la perte prématurée, par l'honorable M. Van Hoorebeke qui s'exprimait ainsi :
Est-ce que le mot « inamovibilité », est-ce que. les mots : « nomination à vie » dont se sert la Constitution, signifient l'inamovibilité à échéance fixe ?
Cette expression pittoresque me paraît caractériser le débat de la manière la plus heureuse.
L'honorable ministre ajoute : Mais différents ministères, ayant des opinions politiques diverses, ont proposé la mesure.
Je réponds : Si différents ministères l'ont proposée, la Chambre l'a toujours rejetée ; entre les précédents posés par le gouvernement et les précédents de la Chambre, il m'est bien permis de préférer ces derniers.
On a, dans une discussion récente, beaucoup parlé du respect dû à la Constitution, à propos de la juridiction consulaire, et je ne m'étonnerais pas qu'on signalât une certaine inconséquence, une certaine contradiction chez moi qui ai voté la substitution de jurisconsultes à des juges commerçants.
Me lancer ce reproche, ce serait confondre deux questions essentiellement différentes.
A propos de la juridiction consulaire, que porte la Constitution ? Elle contient ces mots-ci : « Il y a des tribunaux de commerce. » Nous ne demandions pas l'abolition de la juridiction commerciale, nous proposions de conférer aux membres des tribunaux civils les fonctions de juges consulaires. Nous demandions que l'état de choses qui se présente dans treize tribunaux sur vingt-six devînt la règle générale, et, à coup sûr, personne ne soutien ira sérieusement que l’état de choses que je rappelle constitue une situation anticonstitutionnelle.
Je ne comprends pas deux manières de respecter la Constitution, un respect variable selon les besoins et selon les circonstances ; je m’étonne qu'on se retranche derrière un rempart de respect quand il s'agit de juridiction consulaire et qu'on le franchisse lestement quand il s'agit de l'inamovibilité de la magistrature.
Il me semble, messieurs, qu'il y a entre la mise à la retraite forcée du magistrat, quelle que soit sa situation physique et morale, à un moment fatal, obligatoire, et l'idée de la nomination à vie, de l'inamovibilité à quelque chose de contradictoire et qui s'exclut absolument.
Selon moi, on ne parviendra jamais à faire admettre par l'opinion et le bon sens public qu'un magistrat que la Constitution déclare nommé à vie, inamovible, puisse, à un moment donné, être déclaré déchu de ses fonctions, être obligé de quitter son siège, quand d'ailleurs il est dans toutes les conditions matérielles et morales de bien gérer son office.
A ces considérations, j'ajoute la suivante : Dans les pays où règnent des institutions démocratiques, dans les pays où la Constitution proclame la séparation des pouvoirs, où le pouvoir judiciaire lui-même exerce de par la Constitution une action dans l'Etat ; là surtout il faut maintenir intact le principe de l'inamovibilité.
Aussi dans les constitutions des pays vraiment libres, ce principe se trouve-t-il inscrit d'une manière générale, sans exception ; je ne sache pas que nulle part il y ait été porté atteinte.
La constitution des Etats-Unis de l'Amérique du Nord stipule formellement que les juges conservent leurs fonctions aussi longtemps qu'ils sont en état de les remplir.
C'est, messieurs, selon moi, la véritable interprétation du principe de l'inamovibilité, et c'est de ce principe, ainsi interprété, que nous demandons le maintien.
Je me bornerai à ces quelques mots en ce qui concerne la question constitutionnelle, me rapportant, d'ailleurs, à ce que mes honorables amis en ont dit, confiant surtout dans le respect de la Chambre pour ses décisions de 1842, de 1844 et de 1849.
Jusqu'ici, je dois le déclarer, je n'ai entendu aucune argumentation qui ait fait fléchir chez moi cette conviction profonde que la Constitution ne permet pas l'adoption de la mesure proposée par le gouvernement.
Je vais plus loin, et à défaut du texte et de l'esprit de la Constitution, je serais encore déterminé à combattre la mesure.
Et ici, j'en viens à l'examen de la seconde question. Y a-t-il réellement utilité à adopter la mise à la retraite forcée des magistrats ?
(page 931) Je réponds non ; il n'y a aucune utilité ; il n'y a que des inconvénients.
M. le ministre de la justice s'écrie : « Les abus sont nombreux ! »
L'affirmation est très grave. Il faudrait l'établir par des faits nombreux, incontestables. cette preuve, on ne l'a pas faite ; on n'a pas essayé de la faire, et on ne pourrait la faire. Au contraire, la situation générale atteste que ces abus ne sont pas nombreux. Sans doute il en peut exister, mais en petite quantité ; or, les avantages qui résultent du respect de ce grand principe de l'inamovibilité sont bien autrement considérables que les quelques abus que cet état de choses peut entraîner.
Mais, si l'honorable ministre de la justice avait raison, s'il était vrai, comme il l'a dit, que la justice ne peut être bien rendue par des hommes âgés ; je crois que ce sont les expressions mêmes dont M. le ministre de la justice s'est servi ; s'il était vrai que des hommes âgés ne fussent pas en état de distribuer une bonne justice, mais ce serait la condamnation de tout ce qui a été fait en Belgique depuis 36 ans ; ce serait la condamnation de toute la jurisprudence pendant plus d'un quart de siècle ; ce serait le discrédit imprimé à toutes les décisions de la magistrature ; ce serait l’interdit jeté sur toutes les sentences des tribunaux, ce serait la méfiance, ce serait le doute qu'on ferait entrer dans l'esprit de tous ceux qui ont été jugés chez nous depuis 36 ans ; si cela était vrai, ce serait la révélation d'un état de choses désastreux et qui devrait effrayer le pays.
M. le ministre de la justice a, selon moi, tracé un tableau de fantaisie ; il avait besoin de cette exagération pour défendre sa thèse ; mais j'ai la conviction que l'honorable ministre delà justice, lui qui a été avocat, lui qui remplit maintenant les fonctions de ministre de la justice, regarde la justice, telle qu'elle est rendue en Belgique, même par des vieillards, comme bonne, comme méritant la confiance du pays.
L'honorable ministre part de cette présomption qu'il veut ériger en droit absolu, qu'à 70 ans, un homme est incapable de remplir son office de magistrat. C'est là votre base de discussion ; c'est la justification de votre projet. A 70 ans, un homme doit être réputé, de par la loi, incapable de gérer les fondions de magistrat.
Eh bien, messieurs, c'est là, selon moi, une présomption erronée, contre laquelle les faits de tous les jours viennent protester. Mais voyez donc les hommes qui nous entourent ; voyez donc les hommes qui remplissent vos tribunaux. Regardez-les s'acquitter de leurs fonctions ; admirez, avec moi, la profondeur de leurs décisions et concluez, avec moi, que la présomption d'incapacité qui les frappe est contraire à la vérité matérielle des faits.
. Messieurs, osons citer quelques noms. Je ne veux pas en citer beaucoup ; mais il y a des noms qui sont l'honneur du pays et que l'on a le droit de citer à cette tribune.
Voyez la cour de cassation ; nous y trouvons à la tête, au sommet, deux hommes dont l'un a pris une part active à la fondation de la Belgique indépendante, qui a en l'honneur de présider le Congrès national ; dont l'autre, à côté de lui, a eu l'honneur de remplir des fonctions ministérielles peu de temps après la fondation de notre indépendance nationale.
Ces hommes ne sont-ils pas dans la plénitude de leur intelligence ? Ne sont-ils pas la gloire du corps auquel ils appartiennent ?
Dans le ministère public, aussi bien de la cour suprême que des autres cours, n'y a-t-il pas des hommes qui, eux aussi, ont pris une part immense à la fondation de notre indépendance et de notre nationalité ? Ces hommes sont là ; ils remplissent leurs fonctions d'une façon admirable. L'un d'eux va tomber sous l'application de votre loi ; il va subir l'exécution que votre loi lui prépare, et dans un an ou deux, un autre tombera également sous l'application de votre loi.
La cour suprême renferme d'autres hommes que je ne nomme pas ; je n'ai pas besoin de les indiquer, tout le monde les désigne ; qui ont aussi fait partie du Congrès, qui ont pris une large part à la discussion de la Constitution. Eh bien, avant deux ou trois ans, ils seront frappés ; ils disparaîtront.
J'ose vous le dire ; vous parviendrez à remplir leur place, vous ne parviendrez pas à les remplacer. De tels hommes, et si je voulais en continuer la nomenclature, je vous en citerais vingt ; de tels hommes, il faut les conserver, il faut les garder dans la magistrature dont ils sont la splendeur ; en les rejetant, en les frappant de votre loi, je n'hésite pas à dire que vous découronnez la magistrature.
Le prestige de la magistrature est-il donc uniquement dans le métier de juger, dans le métier de rendre des arrêts ? Non, le prestige de la magistrature est plus haut, je dirai à M. le ministre de la justice qu'il l'a un peu oublié. Il y a des hommes qu'il faut conserver dans la magistrature, des hommes dont les années, les antécédents, l'illustration dans le passé, exigent qu'ils ne quittent la magistrature, dont ils sont l'honneur, que lorsqu'ils sentiront leurs forces les abandonner.
Le prestige de la magistrature sera considérablement affaibli le jour où ces hommes qui en sont les traditions vivantes, auront disparu. Quand vous aurez fait disparaître, par une exécution générale, ces hommes qui résument en eux toutes les traditions de la magistrature, vous aurez fait un tort considérable à la bonne administration de la justice.
Quoi qu'on fasse, la vieillesse quand elle est brillamment portée, quand elle a derrière elle les leçons du passé, l'honneur et la gloire, inspirera toujours le respect ; et c'est l'honneur d'une nation que d'avoir le respect de la vieillesse.
L'honorable ministre, pour justifier la mesure qu'il nous propose, a fait un tableau des occupations nombreuses que les présidents, entre, autres, ont à remplir. J'ai fait longtemps partie de la magistrature, j'ai vu bien des magistrats, j'ai vu bien des présidents et je. dois dire que le service public ne souffrait pas de leur âge. Ce n'est pas au président qu'incombe l'office de faire des descentes sur les lieux, des enquêtes. Il vaut beaucoup mieux qu'un président reste sur son siège que d'aller faire des enquêtes ; c'est là l'office de magistrats plus jeunes.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Le président doit faire des enquêtes à l'audience.
M. Nothomb. - Est-ce que l'honorable M. Bara n'a pas vu, comme moi, des conseillers âgés de 72 ou 75 ans présider les cours d'assises et en faire parfaitement le service ? Nous voyons des organes du ministère public, âgés de 70 ans et davantage, remplir parfaitement les fonctions qui leur sont dévolues par la loi.
Il y a une autre considération qui me frappe encore dans l'adoption du système qui nous est soumis. Vous allez donc déclarer par la loi que les magistrats, à un certain âge, sont légalement, fatalement incapables ! Ne craignez-vous pas que le public ne se demande comment il peut se faire qu'un homme, capable aujourd'hui de décider les questions les plus importâmes devienne incapable demain ?
Un magistrat siège dans une cause des plus importantes, il préside même la cour ou le tribunal, et 24 heures après, parce que la loi aura parlé, il deviendra incapable. Mais vous donnez aux justiciables le droit de se méfier de la justice ainsi rendue.
Si la loi est adoptée, les justiciables supputeront l'âge des magistrats et, s'ils ont atteint un âge avancé, le justiciable dira : Je vais être jugé par des hommes incapables, par des hommes qui disparaîtront demain.
Vous affaiblissez le respect que l'on doit avoir pour la justice.
Mais, messieurs, une autre conséquence me frappe. Le magistrat lui-même se négligera ; sachant que sa fin est prochaine, que son jour est marqué, souvent deux ou trois ans d'avance le magistrat, je le dis avec regret, mais c'est dans la nature humaine, le magistrat cessera d'étudier, cessera de vaquer aux affaires.
M. Bouvierµ. - Son honneur et sa dignité s'y opposent.
M. Nothomb. - Les hommes sont des hommes ; et vous-même, M. Bouvier, si l'on vous disait : Dans deux jours vous cesserez d'être capable, quelle que soit votre vigueur corporelle et intellectuelle, vous ne seriez plus le même homme.
M. Bouvierµ. - Je resterais très ferme ici jusqu'à l'expiration de mon mandat.
M. Nothomb. - La considération que je viens d'émettre est contestée ; je la reproduis, et je maintiens que l'esprit humain est ainsi fait ; si vous édictez une loi portant qu'un magistrat devient fatalement incapable à tel âge, je dis que longtemps d'avance ce magistrat se négligera, n'étudiera plus et ne remplira plus ses fonctions avec le zèle désirable.
M. Bouvierµ. - Et les autres fonctionnaires ?
M. Nothomb. - Les autres fonctionnaires ne sont pas mis à la retraite forcée à un âge déterminé.
- Un membre. - L'armée.
M. Nothomb. - Ne faites pas de comparaison avec l'armée ; il n'y a pas d'analogie.
M. Van Overloopµ. - Nous voyons des pensionnés militaires venir siéger à la Chambre immédiatement après leur mise à la retraite.
M. Nothomb. - Vous parlez de l'armée, mon Dieu ! j'ai lu un écrivain militaire très distingué qui critique le système de la mise à la retraite à jour fixe. Il y a des pays où les militaires restent en fonctions indéfiniment. Voyez la dernière campagne de Bohême ; les hommes qui commandaient sont très âgés, et votre loi les aurait impitoyablement frappés, (Interruption.)
- Un membre. - Et l'arrêté du général Greindl ?
(page 932) M. Nothomb. - Je n'étais pas ministre de la guerre ; m'appartenait-il d'empêcher qu'un arrêté de ce genre ne soit porté !
Je répète que celui que vous frapperiez ainsi longtemps d'avance ne sera plus le même homme, qu'il n'étudiera plus, et, remarquez-le, il faut autre chose que la capacité ; il ne faut pas rester une seule heure sans vaquer à ses devoirs ; la profession du magistrat exige une application continuelle.
L'honorable M. Bara invoque également la loi ordinaire des pensions et il nous a dit : « Mais voyez les autres fonctionnaires ; ils doivent être mis à la retraite à l'âge de 65 ans. » Messieurs, c'est une erreur ; les fonctionnaires ordinaires ne « doivent » pas être mis à la retraite à 65 ans ils « peuvent » être mis à la retraite à 65 ans, ce qui est tout différent. La preuve de ce que j'avance, c'est que vous conservez dans toutes les administrations des hommes qui ont dépassé de beaucoup l'âge de 65 ans.
Je connais des fonctionnaires de 70 et de 75 ans qui rendent de grands et d'excellents services.
M. Vleminckxµ. - C'est du favoritisme.
M. Nothomb. - Je ne sais pas si c'est du favoritisme, mais ce que je sais, c'est que ces fonctionnaires, quoique ayant dépassé l'âge réglementaire de 65 ans, rendent de bons services au pays, remplissent bien leurs fonctions.
M. Coomans. - Il faudrait supprimer la moitié des sénateurs.
M. Nothomb. - On les conserve dans toutes les administrations, et au département de la justice, M. Bara le sait, il y a des fonctionnaires qui ont plus de 65 ans et qui remplissent parfaitement leurs fonctions.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Je ne traite pas de questions personnelles. Vous savez que, sur ce point, je ne puis pas vous répondre.
M. Nothomb. - Je parle de choses que je connais. J'ai passé au ministère de la justice.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Vous y avez été il y a 10 ans. Il n'y avait pas alors des fonctionnaires d'un âge si avancé.
M. Nothomb. - On a voulu, messieurs, faire à la magistrature une position privilégiée par un motif que tout le monde connaît et que je n'ai pas besoin de répéter ici.
L'honorable ministre nous a dit : La réforme est très populaire dans la magistrature.
L'honorable M. de Theux a répondu avec beaucoup d'à propos : Elle est peut-être populaire chez les jeunes magistrats.
Permettez-moi de vous le dire, je ne crois pas à la popularité de la mesure, même parmi les jeunes magistrats. Je ne crois pas que les jeunes magistrats ressemblent à ces mauvais fils qui espèrent la mort de leurs parents pour en hériter plus tôt.
Je ne crois pas que les magistrats cèdent à des suggestions pareilles. D'ailleurs, ils ne doivent pas oublier que, pour eux aussi, le temps marche et qu'il arrivera un moment où eux-mêmes seront déclarés incapables.
Messieurs, faut-il conclure de ce que je viens de dire qu'il n'y ait rien à faire et qu'il n'y ait pas d'améliorations à apporter à la situation actuelle ?
Dieu m'en garde ! Je crois qu'il y a des améliorations à apporter à la législations qu'il y a des mesures à prendre.
Nous sommes ici en présence de deux solutions absolues, qui donneraient lieu toutes deux à des inconvénients.
Ainsi, si par : « nomination à vie » on entendait la perpétuité quand même, l'inamovibilité quand même serait un inconvénient aussi grand que l'adoption de la mesure que le gouvernement propose, déclarant qu'à jour fixe, le magistrat est révoqué, quelles que soient sa situation morale et ses forces physiques.
Les deux systèmes absolus présentent des inconvénients, et le principe de la Constitution, qui porté la nomination des magistrats à vie, doit être interprété dans un sens raisonnable ; c'est l'honorable ministre de la justice qui l'a dit, et ici je tombe parfaitement d'accord avec lui.
Il faut interpréter le principe constitutionnel dans un sens raisonnable. Le tout est de savoir quel est ce sens. Je conçois le principe de l'inamovibilité de cette manière : que le magistrat conserve ses fonctions aussi longtemps qu'il est en état de bien les remplir. C'est la seule limite que je reconnaisse au principe de l'inamovibilité. Il faut que le magistrat soit encore en état physiquement et moralement de remplir ses fonctions. Du moment où les forces physiques n'existent plus chez lui ou que la vie morale est atteinte, il n'est plus à mes yeux un magistrat, il n'est plus dans les conditions que la Constitution a voulu établir et dès ce moment la loi doit prendre des mesures pour qu'il quitte son siège et qu'un autre vienne l'occuper.
C'est là le correctif qu'apportent la raison et la nature des choses au principe de l'inamovibilité.
Pour cela il y a deux moyens connus, dont l'un existe déjà dans la législation et dont l'autre vous est proposé.
L'un est l’éméritat. Il consiste à dire : que le magistrat qui, à l'âge de 70, de 72 et de 75 ans se relire volontairement, jouit de l'intégrité de son traitement.
Le second moyen c'est l'application de la loi de 1845.
M. le ministre nous dit : La loi de 1845 n'a pas été appliquée, elle n'est pas applicable.
Ici je ne suis pas d'accord avec lui. S'il m'est permis déparier de moi, je l'ai appliquée.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Vous l'avez appliquée une fois.
M. Nothomb. - Je l'aurais probablement appliquée plusieurs fois, si j'avais continué d'être ministre, mais il m'a suffi de l'avoir appliquée une fois pour prouver qu'on pouvait l'appliquer .Voulez-vous savoir la raison pour laquelle la loi de 1845 n'est guère appliquée, raison qui n'a rien de chevaleresque ni rien d'héroïque ? C'est que les magistrats hésitent à rejeter dans la vie privée un collègue dans la crainte de lui infliger un grand préjudice matériel en réduisant ses moyens d'existence.
Voilà la véritable raison de cet état de choses.
On peut diminuer le délai d'une année dont il est parlé dans la loi de 1845, et, déclarer que lorsqu'une infirmité ou une incapacité absolue est constatée, cela doit suffire.
De cette manière vous aurez remédié à la situation sans toucher à la Constitution. C'est là le but d'un des amendements que nous avons proposés, et c'est pour le défendre que j'ai pris la parole.
En finissant permettez-moi, messieurs, de rappeler les paroles d'un homme illustre. En 1815 on discutait à la chambre française des mesures qui touchent à la question de l'inamovibilité.
Un homme considérable entre tous, M. Royer-Collard, s'exprimait :
« C'est un principe absolu qu'on ne modifie pas sans le détruire et qui périt tout entier par la moindre restriction. »
Je prie la Chambre de méditer ces paroles qui me paraissent parfaitement applicables à la discussion d'aujourd'hui.
MpVµ. - La parole est à M. Dumortier.
M. Dumortier. - Si quelque membre voulait répondre à M. Nothomb, je lui céderais la parole.
M. Watteeu l'a demandée, je pense...
M. Watteeuµ. - Je la prendrai après vous.
M. Dumortier. - Le règlement porte que dans les discussions on entend alternativement un membre pour et un membre contre.
MpVµ. - La parole est à M. Watteeu.
M. Watteeuµ. - Je tiens seulement à présenter quelques observations nouvelles pour confirmer celles que j'ai eu l'honneur de présenter dans une séance précédente.
Vous aurez remarqué, messieurs, que la question de constitutionnalité du projet en discussion a fait un grand pas, et je constate avec plaisir qu'elle vient de trouver un nouveau défenseur dans M. Nothomb. Cet honorable membre vous a dit tout à l'heure qu'il fallait interpréter l'article 100 de la Constitution d'une manière raisonnable.
C'est en effet une règle dont aucun de nous ne doit se départir ; car nous ne devons pas facilement supposer que le législateur constituant ait voulu faire une Constitution, une loi fondamentale qui doive produire plutôt le mal que le bien. Quand les deux résultats sont possibles, il est sage, convenable, prudent d'en déduire plutôt le bien que le mal.
M. Nothomb vous dit que ce sera respecter l'article 100 de la Constitution, non seulement dans son texte, mais aussi dans son esprit, que de ne mettre les magistrats à la retraite qu'après certaines formalités. Eh bien, je n'hésite pas à dire qu'à mon sens ce serait méconnaître l'esprit de la Constitution, car où nous conduirait ce système ? A rétablir les influences, à détruire l'égalité qui est une condition première d'indépendance et à détruire par conséquent une des plus solides garanties constitutionnelles.
En effet dès l'instant où il ne sera pas édicté par une disposition générale la mise à la retraite des magistrats ; quand ce principe ne fonctionnera plus d'après une règle absolue et impartiale, le rôle des influences pourra de nouveau se produire.
Ainsi l'on pourra écarter tel magistrat, parce que telle ou telle (page 933) opinion politique, tel ou tel parti gouvernemental aura intérêt à ce qu'il soit écarté de son siège.
Dès lors, on trouvera toujours matière à faire jouer le ressort des influences pour mettre à la retraite tel ou tel magistrat, et pour maintenir tel autre, bien que l'âge du second dépasse l'âge du premier. Evidemment, vous allez à rencontre de la Constitution par un pareil système, tandis que par une loi qui maintient l'égalité des droits et des prérogatives des magistrats, vous respectez la Constitution non seulement dans son texte, mais dans son esprit.
Après avoir signalé à votre attention cette conséquence naturelle et logique, que je suis amené à déduire des paroles de M. Nothomb, je me bornerai à examiner, en quelques mots, si les considérations de fait qu'il vous a présentées sont de nature à exercer sur votre esprit une influence quelconque.
L'honorable M. Nothomb a cité des noms propres, je ne le suivrai pas sur ce terrain, car je trouve qu'il est toujours fâcheux de livrer des noms propres à la discussion. Celui qui fait intervenir des personnalités, uniquement pour en faire l'éloge, se donne toujours une position facile ; il est toujours agréable d'avoir à citer quelques personnes marquantes, dont on n'a que du bien à dire ; il n'en est pas de même da son contradicteur, car il est fort délicat de mettre en regard d'autres noms dont on ne pourrait pas signaler les antécédents et les services rendus dans des termes aussi élogieux.
Mais, messieurs, il ne fallait pas, ici, mettre en doute le point de savoir si la magistrature belge est tenue en grand honneur chez nous ; j'invoque vos souvenirs et je tiens à rappeler que j'ai été le premier à rendre hommage à sa haute réputation et aux signalés services qu'elle a rendus.
Mais il est une chose qu'il ne faut pas oublier, c'est que, en 1830, après notre rénovation politique, la magistrature belge a été presque entièrement reconstituée. Chacun subissant les lois de la nature, nous nous trouvons avoir, plus que dans la proportion ordinaire, des magistrats d'un âge avancé.
Eh bien, je le demande : faut-il maintenir ce prestige, cette auréole, de gloire qui a entouré notre magistrature ?
Faut-il au contraire l'exposer à perdre de son prestige et de sa réputation si bien justifiée ?
M. Nothomb nous a entretenus plusieurs fois des faiblesses humaines, eh bien, messieurs, il est une faiblesse humaine que nous connaissons tous, c'est qu'arrivé à un certain âge on se paye d'illusions ; on ne veut pas accepter la vieillesse, on cherche à capituler, à prolonger l'existence qui échappe.
De cette manière vous voyez bien des carrières, parcourues avec gloire, se ternir à leur déclin, parce que ceux qui l'avaient parcourue n'ont pas eu assez de résolution pour l'abandonner à un moment convenable.
Or, loin d'affaiblir le prestige de la magistrature, vous le maintiendrez intact par une loi générale qui empêchera que des magistrats qui ne se rendent pas suffisamment compte de leur situation continuent à occuper des fonctions qu'ils ne peuvent plus remplir avec le même honneur, avec la même dignité que précédemment.
M. Nothomb vous disait que le président de tribunal n'avait pas à s'occuper d'enquêtes, et de tous les travaux en quelque sorte extrajudiciaires qui réclament du mouvement. Mais c'est oublier que les fonctions de président du tribunal sont importantes à bien d'autres points de vue. M. Nothomb compte-t-il pour rien les audiences si difficiles des référés où le magistrat est appelé à prononcer seul sur des questions souvent ardues et toujours urgentes ? Compte-t-il pour rien les conciliations entre époux lorsqu'il s'agit d'action en divorce, en séparation, et une foule d'autres cas où le rôle de président exige de l'activité autant que du savoir ?
Maintenant s'il fallait, mais Dieu m'en garde, citer des noms propres, je pourrais vous citer ceux de présidents de tribunal de province qui, depuis deux ou trois ans, n'ont jamais siégé à l'audience à cause de leur grand âge. (Interruption.) M. Wasseige croit qu'on appliquera la loi ; mais songez donc que le président a son autorité qui le protège, ses collègues sont habitués au respect.
M. Wasseige. - Mais c’est la cour d'appel qui appliquera la loi.
M. Watteeuµ. - Il faut bien considérer que le président de tribunal de première instance a dans la hiérarchie judiciaire une position à peu près égale à celle de conseiller de la cour d'appel.
- Des voix. - Oh ! oh !
M. Watteeuµ. - Il H ne s'agit pas de dire oh ! oh !
Les fonctions de président de tribunal sont au moins aussi importantes que celles de conseiller de cour d'appel.
Quoi qu'il en soit, on m'objecte que la cour d'appel agira. Mais comment donc se fait-il que, depuis 1845, la loi qui permet à la cour d'appel d'agir n'ait rien produit ? (Interruption.)
Vous croyez donc que les cours d'appel, et ceci n'est guère flatteur pour elles, se sont arrêtées devant de petites considérations de bien-être, d'intérêt personnel, vous croyez qu'elles n'ont pas agi parce qu'elles n'ont pas voulu frapper d'une réduction d'émolument le magistrat en cause.
Mais si vous admettez cette faiblesse dans le personnel des cours d'appel permettez-moi alors de craindre d'autres faiblesses ; permettez-moi alors de craindre que des considérations d'un autre ordre ne portent également les cours d'appel à ne pas déplacer de son siège le magistrat qui l'a occupé dignement pendant de longues années. C'est précisément parce que le système contraire engendre ces incertitudes, ces hésitations, ces inégalités, que je persiste à dire que vous ne respecteriez pas la Constitution si vous n'édictiez pas une mesure générale qui fasse disparaître toute inégalité, toute possibilité d'influence.
Un dernier mot, messieurs, sur ce que nous disait tantôt l'honorable M. Nothomb.
Mais, disait l'honorable membre, le magistrat qui devra se retirer à 70, 72 ou 75 ans, aura devant lui un poteau qui marquera la limite légale de son existence comme magistrat ; il ne se donnera plus la peine de se tenir au courant de la science, et deux ou trois années avant le terme assigné à sa carrière le magistrat commencera à se négliger.
Je m'étonne, messieurs, qu'après avoir, à juste titre, fait l'éloge de la magistrature en termes aussi pompeux qu'il l'a fait tantôt, je m'étonne que- par un oubli de cet éloge, l'honorable M. Nothomb vienne supposer après cela que le magistrat, qui n'obéit qu'à son devoir et qui ne doit obéir qu'à la voix de sa conscience, que ce magistrat se négligera, ne se tiendra plus au courant de la science et s'exposera ainsi à rendre des arrêts, à porter des jugements qui ne seraient pas conformes à la justice.
M. Delaetµ. - Pour être magistrat, on n'en est pas moins homme.
M. Watteeuµ. - C’est précisément parce que les magistrats sont hommes qu'il faut, jusqu'à un certain point, tenir compte de leurs faiblesses. Mais il ne faut pas oublier non plus que ce sont des hommes d'élite ; il ne faut pas oublier que, pour entrer dans la magistrature, il faut avoir fait des études qui, certainement, élèvent le caractère et l'esprit ; il faut réunir d'autres qualités encore qui nous permettent de croire que le magistrat, tout en étant homme, n'aura pas de ces petites faiblesses, de ces petites défaillances qui peuvent atteindre les hommes en général.
Je ne redoute pas un instant ces. défaillances que nous présage l'honorable M. Nothomb et je suis convaincu que le magistrat, qui ne verra dans l'éméritat que la récompense d'une carrière honorablement parcourue, voudra se rendre digne de la mériter jusqu'au dernier jour qu'il sera appelé à remplir ses fonctions.
M. Dumortier. - Messieurs, j'aborde cette discussion avec une peine bien profonde, non pas à raison des considérations sur lesquelles l'honorable préopinant vient encore d'insister particulièrement, mais uniquement au point de vue constitutionnel.
Patriote de vieille date, mon cœur saigne, je l'avoue, aux atteintes si manifestes que l'on cherche à porter à notre pacte social. Chaque fois que nous parlons de la Belgique, quel est le mot qui se trouve dans toutes les bouches ? C'est l'éloge de notre Constitution ! Quand nous voulons faire l'éloge de notre souverain, nous ne trouvons rien de mieux que de constater que pendant tout son règne il a su maintenir intacte notre Constitution.
Et maintenant on vient nous proposer de la renverser dans un de ses articles les plus clairs, les plus évidents, les plus incontestables !
Voilà, messieurs, ce que je ne conçois pas.
Je siège dans cette enceinte depuis 36 ans ; eh bien, je dois dire que jamais, à aucune époque je n'ai vu traiter la Constitution avec le sans-gêne, avec les arguments de commodité et d'utilité qu'on a introduits ici.
Je le répète, messieurs, quand je vois le sans-gêne avec lequel on cherche à éluder un des textes les plus clairs de la Constitution, à lui faire dire tout l'opposé de ce qu'il dit ; je me demande s'il ne serait pas préférable de ne plus parler de la Constitution et de la supprimer purement (page 934) et simplement. Comment ! Il y a quelques jours on venait nous soutenir que ces mots : « Il y a des tribunaux de commerce » signifiaient : « il n'y a pas de tribunaux de commerce» ; et aujourd'hui on vient soutenir avec la même assurance que ces mots « les juges sont nommés à vie », veulent dire « les juges ne sont pas nommés à vie », que l'affirmative signifie la négative.
Et voilà comment on entend interpréter la Constitution ; et l'on appelle cela interpréter sainement la Constitution ! Mais je le demande, y a-t-il un seul enfant de nos écoles primaires qui soit capable de donner un pareil contre-sens à des textes aussi clairs, aussi évidents ? Y en a-t-il un seul qui, interrogé par son instituteur sur le point de savoir ce que signifient ces mots : « les juges sont nommés à vie », aurait répondu que cela veut dire « les juges ne sont pas nommés à vie. »
Et cependant voilà toute l'argumentation ; voilà l'incroyable traduction qu'on ose venir nous proposer d'un texte aussi clair que le jour.
Eh bien, messieurs, quand je vois de pareils faits, je m'émeus parce que je sens au cœur un sentiment que nous devons partager tous ; c'est de transmettre pure et intacte à nos successeurs la grande œuvre de 1830.
Et quand je vois que c'est ainsi qu'on la traite ; qu'on ne recule pas devant cette considération, de faire dire à la Constitution tout le contraire de ce qu'elle porte ; je me demande où nous marchons, je me demande ce que devient la Constitution, ce pacte social, dont nous nous vantons à chaque instant, que nous proposons tous les jours comme exemple à l'étranger, et que nous conspuons, que nous lacérons sans cesse dans la pratique ! Je dis, messieurs, qu'à une autre époque, une discussion comme celle-ci n'aurait pas pu se produire ; la Chambre ne l'eût point tolérée.
On a prétendu que la première fois que la question a été soulevée dans cette enceinte on ne s'était point occupé de la question constitutionnelle. C'est une erreur manifestent tous les députés de l'époque qui siègent encore sur ces bancs se rappellent comme moi que tout le monde disait : Comment peut-on venir prétendre que les juges pourraient être mis forcément à la retraite à 70 ans ? C'est contraire à la Constitution ! Car, à cette époque, messieurs, on portait à un haut degré le respect pour la Constitution ; on comprenait que c'est la raison d'être de la Belgique, que c'est la raison d'être de notre état social.
Au surplus, messieurs, voyons ce que dit la Constitution ? Elle porte trois choses : la première, c'est que les juges sont nommés à vie.
La seconde, un correctif, qu'ils ne peuvent être révoqués que par un jugement. La troisième, que les juges sont inamovibles ; c'est-à-dire qu'il y a deux positions tout a fait différentes : la nomination à vie qui est une question d'existence, et l'inamovibilité, c'est-à-dire que le juge ne peut être déplacé de son siège contre son gré pour être transféré ait leurs. Ne confondons pas ces deux choses consacrées par la Constitution la nomination à vie et l'inamovibilité, double garantie de l'indépendance du magistrat vis-à-vis du pouvoir.
Maintenant, on vient vous dire que la nomination à vie, c'est jusqu'à 70 ans pour les tribunaux, jusqu'à 72 ans pour les cours d'appel, et jusqu'à 75 pour la cour de cassation.
Messieurs, on prétend qu'après 70 ans l'homme est incapable. Vous me permettrez, à moi, qui ai plus de 70 ans, de prendre la défense des personnes qui ont accompli ou dépassé cet âge.
Je me demande pourquoi, si les hommes sont incapables à 70 ans, pourquoi vous exigez 72 ans pour les cours d'appel, et 75 ans pour la cour de cassation. Si on est incapable à 70 ans, à plus forte raison doit on l'être à 72, à 75 ans. Il y a là, de votre part, une inconséquence à toucher au doigt. Vous avez toujours soutenu que l'homme à 70 ans n'était plus capable : c'était là le soutènement unique ; vous venez encore de l'entendre. Je voudrais bien savoir quel est ce soutènement, si ce n'est pas là le vôtre...
- Un membre. - Demandez à M. Van Overloop.
M. Dumortier. - Mon honorable ami, M. Van Overloop, a soutenu que la mesure proposée est inconstitutionnelle, et c'est ce qu'a fait aussi, après lui, l'honorable M. Nothomb.
Voilà donc ce qui a été dit par nos honorables adversaires ; voilà la seule base de leur argumentation. Or, mon honorable ami, M. de Theux, a fait une observation extrêmement juste, c'est que lorsqu'un homme a mené une vie régulière, une vie d'ordre et qu'il ne s'est pas usé dans sa jeunesse, il conserve ordinairement ses forces et ses facultés jusqu'à un âge très avancé.
Vous dites que les magistrats, après 70, 72 ou 75 ans sont incapables de remplir leurs fonctions ; vous parlez d'une foule de magistrats qui ne sont plus en état de siéger. Oui, il y en a beaucoup ; mais savez-vous où ils se trouvent en plus grand nombre ? C'est précisément parmi ceux qui n'ont pas 70 ans. (Interruption.)
L'honorable ministre qui m'interrompt n'a-t-il pas nommé dans un tribunal des Flandres un homme à qui on a dû avancer un fauteuil à la cour d'appel de Gand, pour qu'il pût prêter serment...
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Ce magistrat était complètement capable.
M. Dumortier. - Mais son état de santé était tel, qu'il ne pouvait prêter serment...
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Il était atteint d'une maladie momentanée.
M. Dumortier. - Ce fait prouve tout au moins que vous ne nommez pas toujours des magistrats des plus valides.
Voilà, messieurs, les hommes qui, dans la magistrature, ne peuvent plus remplir leurs fonctions ; s'il s'en trouve parmi ceux qui sont plus âgés, je dis qu'ils ne font qu'une exception et une vraie exception, tandis que les hommes qui ont abusé des plaisirs, qui ont usé leur jeunesse, voilà ceux qui déclinent vite et qui sont usés avant l'âge.
A entendre nos honorables contradicteurs, le corps presque entier de la magistrature belge est dans un état de décrépitude ; il faut mettre en fourrière 100 à 150 magistrats. Il y a quelques jours, on glorifiait la magistrature belge ; on nous disait que ses membres remplissaient admirablement leurs fonctions ; mais aujourd'hui, encore une fois, pour les besoins de la cause, il y a 100 à 150 magistrats incapables de remplir leurs fonctions.
Mon honorable ami, M. Tack et d'autres collègues ont demandé à diverses reprises à M. le ministre de la justice de nous faire connaître le nombre des magistrats qui avaient dépassé l'âge prévu par la loi. Ces demandes réitérées n'ont pas eu de suite. Comment ! vous nous présentez une loi, et vous ne nous fournissez pas les moyens d'en apprécier les résultats !
Si la loi a été présentée pour faire descendre de leurs sièges les magistrats les plus éminents, je vous le demande : aurez-vous fait en cela une belle action ? Qu'est-ce donc qu'un jurisconsulte ? Ce n'est pas un jeune avocat ; c'est un homme qui a pâli sur les livres, qui a étudié les lois, qui les possède à fond ; or, de pareilles connaissances ne s'acquièrent pas en un jour ; et quand je vois l'honorable M. Watteeu et l'honorable M. Bara s'évertuera présenter la puissance du jarret comme une nécessité pour la magistrature, je me demande si nos juges doivent briller par leur habileté dans la danse, s'il faut choisir des danseurs pour les fonctions de magistrat. Beaumarchais aurait dit : Il fallait un calculateur, ce fut un danseur qui l'obtint.
Maintenant quel sera le résultat financier de la loi ? Ce n'est pas une question insignifiante ; je prie la Chambre d'y faire attention. Le gouvernement accepte l'éméritat ; eh bien, si vous mettez en fourrière une centaine de magistrats, vous arrivez à une augmentation de dépense d'un demi-million.
MfFOµ. - Vous exagérez de moitié.
M. Dumortier. - L'honorable M. Frère-Orban a une manière commode de me réfuter ; il dit que j'exagère. Mais, si j'exagérais dans la circonstance actuelle, à qui la faute ?Au cabinet seul, qui n'a pas voulu nous fournir les renseignements que plusieurs de mes honorables amis lui ont demandés à plusieurs reprises.
En ce qui concerne le nombre des magistrats qui seraient atteints par la mesure, j'ai entendu dire qu'il y en avait 100 ; d'autres portent ce nombre à 150, Je m'en tiens au chiffre le plus bas. Quelle sera la moyenne des traitements d'éméritats ! Ce sera 5,000 fr. (Interruption.) Vous avez les présidents des tribunaux de première instance qui reçoivent un traitement assez élevé ; il en est de même des conseillers des cours d'appel ; et à la cour de cassation, vous avez des magistrats qui ont des 12,000 à 15,000 francs. Vous arrivez donc à avoir au moins une moyenne de 5,000 fr. C'est donc de 500,0000 fr. de dépenses que vous augmentez votre budget.
Si je me trompe, qu'on rectifie mes chiffres, mais je ne crois pas me tromper, parce que j'envisage les traitements. les beaux traitements que nous avons faits à l'ordre judiciaire ; il me paraît évident que 5,000 fr. doit être la moyenne. Voulez-vous que ce soit 4,500 fr. ? Ce sera donc 450,000 fr. à ajouter annuellement à votre budget.
Les moindres fonctionnaires de l'ordre judiciaire, les juges de prix ont 5,000 fr. d'appointements, non compris leurs émoluments dont vous (page 935) devriez encore tenir compte ; cela fait tout au moins 4,000 francs, Et vous avez une foule d'autres magistrats qui touchent 6, 8, 10, 12, 15 mille francs . Quand je mets donc la moyenne à 5,000 fr., je n'exagère pas. Par conséquent, c'est un demi-million d'augmentation à votre budget.
El cela pourquoi ? Pour faire des places à des créatures, à des amis, à des connaissances. Car il n'y a pas autre chose. Ote-toi de là que je m'y mette, voilà tout le projet.
Comment ! j'examine le tribunal de Tournai, mais le président, quand il siégeait parmi nous, quand j'avais le bonheur de le voir ici près de moi, était une des plus grandes lumières de cette Chambre. Remplacerez-vous un homme comme celui-là ?
Vous aviez à la cour de cassation, il y a quelques années, deux jurisconsultes du Hainaut que je connaissais beaucoup. C'étaient deux des lumières de la cour de cassation et tous deux avaient plus de 75 ans. Vous iriez remplacer de tels hommes !
Mais faites-y attention ; alors dites donc, dans la loi, que les députés ne peuvent pas siéger après 70 ans, que les sénateurs ne peuvent pas siéger après 75 ans. Vous serez logique. Mettez aussi dans votre loi qu'on ne peut être ministre après 40 ans ou après 50 ans. Vous fixerez l'âge suivant le jarret des ministres.
Mais voyez ! que vous dit l'honorable M. Watteeu ? Nos magistrats, dit-il, sont des hommes d'élite, et il a raison. Nos magistrats sont des hommes d'élite, et ce sont ces hommes d'élite que vous voulez frapper, que vous voulez écarter de la magistrature en violation de la Constitution ! C'est par trop fort !
J'ai été encore étrangement surpris d'entendre l'honorable M. Watteeu nous dire que la question constitutionnelle avait fait un pas et invoquer, à cet égard, l'opinion de l'honorable M. Nothomb. Comment ! Mais mon honorable ami présente un amendement précisément pour sauvegarder la question constitutionnelle, pour la laisser dans son entier. Oui, certainement avec lui la question a fait un pas, puisqu'il sauvegarde la question constitutionnelle. Mais ce n'est pas dans le sens de ce que pense l'honorable M. Watteeu ; c'est dans le sens diamétralement opposé.
En effet, l'amendement de mon honorable ami a un but et un but unique, afin de sauver la question constitutionnelle, c'est d'intéresser le magistrat qui deviendrait incapable par son âge ou ses infirmités, à se retirer de la magistrature ; et je demeure convaincu que cet amendement qui n'amènerait pas, à beaucoup près, la dépense dont il s'agit, qui conserverait dans la magistrature beaucoup d'hommes capables, aurait pour résultat de parer aux petits vices que l'on a singulièrement gonflés, et au sujet desquels on est tombé dans une exagération inqualifiable, en représentant la magistrature comme étant devenue décrépite, comme étant incapable de remplir ses fonctions. Voilà où est l'exagération ; c'est de représenter cette magistrature comme décrépite, comme incapable, alors que, il y a quelques mois à peine, on en faisait un pompeux éloge.
Ce n'est là qu'une exagération pour les besoins de la cause, et rien qu'une exagération pour les besoins de la cause, contre laquelle la vérité et l'honneur de nos magistrats se dressent pour protester.
Mais, messieurs, deux plaintes sont formulées : la première, c'est qu'il y a des magistrats incapables ; la seconde, c'est que la loi de 1845 n'a pas reçu d'exécution.
Qu'il y ait des magistrats incapables, j'ai eu l'honneur de vous le dire, et certainement il y en a beaucoup plus parmi ceux qui n'ont pas 70 ans que parmi ceux qui ont dépassé cet âge.
L'exécution de la loi de 1845, qu'est-ce, après tout ? C'est une question de procédure. Si la loi de 1845 est formulée en termes tels qu'elle peut être éludée, modifiez-la ; faites une loi d'exécution de la loi de 1845, qu'elle soit telle qu'il ne soit plus possible de s'y soustraire, c'est une simple question de procédure. On a dit que les cours avaient interprété cette loi en ce sens qu'il fallait avoir été un an sans siéger dans le tribunal ou la cour auxquels on appartient, et que, pour se soustraire à cette exigence, de vieux magistrats venaient interrompre la prescription tous les ans en siégeant pendant quelques jours.
Rien de plus facile au monde que de faire un projet qui écarte cet obstacle, si c'est un obstacle. Dites alors que le magistrat qui n'aura pas siégé tant de séances par an sera censé ne plus siéger. Car, remarquez-le bien, si la Constitution exige que le juge soit nommé à vie, elle veut qu'il soit juge, c'est à-dire qu'il juge. Lorsque le juge n'est plus juge, il ne remplit plus lui-même les prescriptions constitutionnelles. Ce n'est pas la Constitution ici qui lui fait défaut ; c'est lui qui fait défaut à la Constitution et qui vient alors se mettre dans son tort.
Il cesse d'être juge ipso facto, et il n'y a plus de loi qui puisse le maintenir dans son siège. S'il plaisait à un tribunal de ne plus siéger, de déclarer que. plus aucun de ses membres ne siégera, serait-ce encore un tribunal ? Seraient-ce encore des juges ? Ce ne seraient plut des juges.
La loi de 1845 est donc fondée constitutionnellement, parce que, encore une fois, le magistrat qui ne siège pas fait défaut à la Constitution, et qu'il ne peut pas invoquer le bénéfice d'une disposition dont il ne supporte pas les charges.
Mais rien n'est stipulé quant à l'âge. Messieurs, la fixation d'un âge pour la mise à la retraite des magistrats est précisément ce que le Congrès a rejeté. Mon honorable collègue et ami M. Moncheur vous l'a dit : au Congrès il a été proposé de mettre le magistrat à la retraite à l'âge de 70 ans et cet amendement a été écarté. C'est encore toujours la même chose ; c'est le système de la minorité, système écarté par le Congrès, qui devient la vérité constitutionnelle, et le système qui prévaut au contraire, dans le Congrès, celui-là n'est plus la vérité constitutionnelle.
La proposition que vous faites de mettre le magistrat à la retraite à l'âge de 70 ans a été soumise au Congrès national, et elle a été écartée.
Et pourquoi ? Qu'a-t-on voulu dans la nomination des juges à vie ? Mais le motif est bien simple, c'est que l'ancien ordre judiciaire est devenu le pouvoir judiciaire, que c'est un pouvoir, on vous l'a dit, souvent égal à vous.
Et c'est ce pouvoir égal à vous que vous traitez de Turc à More, que vous prétendez décapiter ! Et cela, lorsque la Constitution est formelle ; lorsque le dernier écolier, lorsque le premier enfant qui passe dans la rue comprendra la portée de cet article. Jamais vous ne ferez croire aux populations, jamais vous ne ferez croire à qui que ce soit dans le peuple, que ces mots : « les juges sont nommés à vie » signifient : « les juges ne sont pas nommés à vie. »
Il me semble, messieurs, que vous n'avez que deux choses à faire ; d'abord et avant tout, respecter la Constitution, comme on l'a fait dans des circonstances pareilles. Respecter la Constitution en maintenant dans son texte la disposition si claire et si évidente qui s'y trouve. En second lieu, si des abus réels existent, non pas que je croie que ces abus sont nombreux, car, quant à moi, tous les magistrats que je connais ayant plus de 70 ans, remplissent parfaitement leurs fonctions et ce sont des hommes d'un très grand mérite ; mais je ne nie pas qu'il puisse y en avoir d'autres, et que quelques abus ne puissent se présenter. Eh bien, si ces abus existent, vous avez un moyen : faites une loi pour modifier la procédure ; si voire loi de 1845 n'a pas reçu son exécution, modifiez-la ; rendez-la telle qu'elle reçoive son exécution.
Puis, en deuxième lieu, si vous ne jugez pas à propos de modifier la loi, vous n'avez qu'une seule chose à faire, c'est d'accepter l'amendement présenté par quelques-uns de mes honorables amis. Du moins vous aurez ainsi respecté la Constitution. Avec cet amendement, le magistrat qui n'est pas devenu incapable restera en fonctions parce que ses collègues l'engageront à rester. Votre système, au contraire, met d'emblée à la retraite tous les magistrats âgés de 70 ans ; c'est un système ruineux pour les finances de l'Etat. (Interruption.) Combien de magistrats mettez-vous à la retraite ?
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Cinquante.
M. Dumortier. - A la cour de cassation seule, il y en a cinq ; à la cour d appel de Bruxelles, il y en a cinq ; en voilà déjà dix. Combien à la cour d'appel de Gand ?
- Un membre. - Trois.
M. Dumortier. - Je dis que vous mettez la magistrature en coupe réglée.
Messieurs, le texte de la Constitution a toujours été entendu comme nous l'entendons. Il y a même une loi conçue de la même manière et qui a reçu l'application que nous voulons maintenir à l'article 100 ; l'honorable général d'Hooghvorst avait été nommé à vie, par le Congrès national, général en chef de la garde civique.
H avait l'âge de 84 ans, ses forces le trahissaient, mais son patriotisme était toujours le même ; on aurait désiré un général plus ingambe, mais jamais on n'a songé à le mettre à la retraite ; jamais on n'a soutenu que le général d'Hooghvorst, nommé à vie, n'était pas nommé à vie.
Je dis que quand la Constitution dit oui vous n'avez pas le droit de dire non ; c'est violer votre serment. Quand vous êtes entré dans cette enceinte, le président vous a dit : « Levez la main et jurez d'observer la. Constitution. » Tous vous avez fait ce serment, sachez donc le respecter et ne donnez pas au pays l'exemple déplorable d'un parlement qui serait parjure !
(page 936) M. Pirmezµ. - Messieurs, la question principale que vous avez à résoudre se compose de deux questions secondaires.
La première est celle-ci : Pouvons-nous, en présence de la Constitution, voter la loi proposée ?
La deuxième est celle-ci : Si cela nous est permis, cette loi est-elle bonne ?
Telles sont, messieurs, les deux questions qui nous sont soumises.
J'examinerai d'abord et en très peu de mots la première question.
L'honorable M. Dumortier a commencé son discours par appeler votre attention sur la gravité de cette question, sur la haute importance qu'il y a à respecter toujours la Constitution.
Il a rappelé que l'un des plus beaux éloges qu'on ait pu faire du grand homme qui fut notre premier Roi, c'est que pendant son long règne il a toujours respecté la Constitution, et que notre premier devoir c'est de léguer à nos successeurs la Constitution pure et intacte.
Quand j'ai entendu l'honorable membre tenir ce langage, je n'ai pu m'empêcher de me remettre en mémoire combien de fois l'honorable membre nous a montré la Constitution violée ; je me suis demandé comment il nous serait possible de léguer encore pure et intacte à nos successeurs une Constitution si souvent violée.
M. Dumortier. - Cela prouve une chose, c'est le respect que je porte à la Constitution.
M. Pirmezµµ. - M. Dumortier a un respect très grand pour la Constitution, respect plus que grand, respect dont l'exagération l'entraîne dans de flagrantes erreurs. L'honorable membre a, à cet égard, des sentiments très loyaux, je le reconnais ; mais comme tout sentiment honnête exagéré qui présente des inconvénients, l'honorable M. Dumortier, précisément à cause de ce respect, voit partout et toujours des violations de la Constitution, et il en résulte pour nous que quand il signale une nouvelle violation, nous devons nous demander si celle-ci ne ressemble pas à toutes les autres.
Quand j'examine cette question de constitutionnalité, je vois que les adversaires de la loi font reposer tous leurs arguments sur un mot, pas autre chose que sur un mot, sur la lettre de la Constitution ; en dehors de ce mot, en dehors de cette lettre, il n'y a rien ; on base des arguments sur la lettre qui tue, on ne dit rien de l'esprit qui vivifie.
Messieurs, je crois que quand il s'agit d'interpréter la Constitution et précisément à cause du respect que nous devons avoir pour l'œuvre du Congrès, nous devons nous placer plus haut que sur le terrain d'une discussion de mots.
Quand il s'agit d'assigner sa portée au pacte fondamental, il faut toujours se demander quelle est la garantie sociale que la Constitution, dans tel texte, a voulu consacrer.
Tous les articles dont la Constitution se compose ont pour objet des garanties qu'elle donne au pays contre les empiétements du pouvoir, ou au pouvoir contre l'entraînement des passions populaires. Il n'est pas un seul article de la Constitution qui ne soit ainsi une haute maxime de droit public, qui ne consacre, ou une garantie de liberté, ou une garantie d'ordre.
Pour donner sa portée vraie à un texte, qu'on se demande quelle est la garantie d'ordre ou garantie de liberté que le pouvoir constituant a voulu consacrer par ce texte ; et quand on aura constaté quelle est cette garantie, arrêtez-vous si vous êtes en présence d'une loi qui ébranle cette garantie ; mais si vous considérez, au contraire, la loi comme de nature à fortifier cette garantie, au lieu de l'affaiblir, écartez le scrupule constitutionnel.
Avant de prendre un parti, je me suis posé cette question, car, comme l'honorable M. Dumortier, j'ai un profond respect pour la Constitution et pour le serment que j'ai prêté de l'observer. Je me suis donc demandé quelle est la garantie que consacre le texte qui fait l'objet de nos discussions.
Le Congrès se trouvait en présence de deux systèmes quant à l'organisation de la magistrature, systèmes qui ont tous deux des avantages et des inconvénients.
Le premier consiste à maintenir toujours le magistrat sous une surveillance quelconque, sous la surveillance du pouvoir si l'on fait émaner la nomination du pouvoir, sous la surveillance du peuple, si l'on fait émaner la nomination du peuple.
Il y a dans cette surveillance, on ne doit pas se le dissimuler, des avantages, mais aussi de graves inconvénients.
Ce système donne peut-être plus de garanties d'activité et de zèle, mais moins de garanties d'indépendance.
Le second système consiste à affranchir le magistrat, depuis l'époque de sa nomination, de tout contrôle, de toute surveillance, à le livrer à lui-même, à ne lui donner pour ainsi dire d'autre juge que son honneur et sa conscience.
Il peut y avoir dans la magistrature régie par ce système des faits regrettables, des faits de négligence, d'incapacité, mais, il faut le reconnaître aussi, il y a à côté de cela une grande garantie constitutionnelle qui permet au magistrat d'aller droit à son devoir, de ne pas craindre le pouvoir.
Le Congrès s'est trouvé en présence de ces deux systèmes, et il a pensé que ce qu' il fallait avant tout, c'était l'indépendance du magistrat, et c'est ce qu'il a consacré parle système de l'inamovibilité. Il avait pour agir ainsi, l'exemple des pays qui ont adopté ces systèmes opposés. C'est un enseignement de l'histoire que dans les pays où le magistrat est complètement indépendant par une inamovibilité d'une espèce quelconque, et notamment dans le système de la propriété des offices de judicature qui existait en France au siècle dernier, les tribunaux ont été assez indépendants pour que, lorsque le pouvoir a eu besoin d'actes de complaisance dans un intérêt politique, il n'a pu s'en référer aux tribunaux ordinaires, et a dû organiser des commissions spéciales.
On a pu constater d'autre part que dans les pays où la position du magistrat est dans les mains du pouvoir, il était inutile de nommer des commissions spéciales parce qu'on trouvait souvent des corps judiciaires complaisants pour rendre les services qu'on attendait d'eux.
Messieurs, le Congrès a adopté le système de l'indépendance et il a proscrit celui des commissions spéciales. Il a voulu que jamais le juge ne fût à la merci du pouvoir.
M. Dumortier. - Ce n'est pas le seul motif, il y en a d'autres encore. Le texte dit plus que cela.
M. Pirmezµ. - L'honorable M. Dumortier devrait me faire des objections qui sont dans l'ordre d'idées que je discute. J'examine quelle est la garantie constitutionnelle en présence de laquelle nous nous trouvons.
Est-ce que lorsque la loi sera votée, le magistrat sera plus à la merci du pouvoir qu'il ne l'est aujourd'hui ? Telle est toute la question.
Si vous parvenez à me démontrer que le projet diminue l'indépendance de la magistrature, je voterai contre. Mais comme vous ne faites pas cette preuve et que vous devez avouer que l'indépendance de la magistrature n'est pas diminuée par le projet, je dis que vos objections sont des scrupules consciencieux peut-être, mais exagérés.
Ainsi, nous constatons sans qu'il puisse y avoir de contradiction, que l'indépendance des tribunaux demeure la même avec le système de mise à la retraite forcée ; que, sans la mise à la retraite, cette indépendant est intacte, entière.
Que deviennent alors les clameurs de violation de la Constitution ? J'avoue que je ne les comprends plus.
J'irai plus loin, je crois pouvoir démontrer que la mesure est dans l'esprit de la Constitution et que la disposition de la Constitution qui permet la mise à la retraite du magistrat par un jugement doit faire admettre à fortiori la légitimité de la mise à la retraite par mesure générale.
On reconnaît, messieurs, que par un jugement particulier on peut mettre à la retraite le magistrat devenu incapable de remplir ses fonctions. Ce point n'est pas contesté. L'honorable M. Dumortier lui-même est forcé de le reconnaître.
M. Coomans. - La Constitution le dit.
M. Pirmezµ. - Précisément, et c'est pour cela que je suis autorisé à en tirer un argument à fortiori. Je dis qu'il y a moins de danger dans une mise à la retraite générale que dans une mise à la retraite par mesure spéciale. Dans cette dernière on peut craindre qu'un gouvernement ayant besoin de juges complaisants, ne mette à la retraite précisément les magistrats qui lui déplaisent.
Si le gouvernement pouvait avoir une cour supérieure composée de gens à sa discrétion, il pourrait faire mettre à la retrait, les magistrats qui lui conviendraient pas.
C'est là le plus grand danger qu'on puisse redouter. Et cependant la Constitution ne s'est pas arrêtée devant ce danger. C'est donc qu'elle a regardé la bonne composition des tribunaux comme un intérêt majeur, et de ce qu'elle n'a pas reculé pour atteindre ce but devant le danger réel des retraites spéciales, j'ai le droit de dire qu'à plus forte raison elle n'écarte pas les mises à la retraite générales, bien moins redoutables. Mais, messieurs, je tiens à la dire à la Chambre, si l'article du gouvernement (page 937) est rejeté, je proposerai comme amendement un autre, système qui aboutira au même résultat et qui sera à l'abri de l'objection d'inconstitutionnalité.
M. Dumortier. - Présentez-le.
M. Pirmezµ. - M. Dumortier ne le votera pas et, s'il veut me le permettre, je lui dirai tantôt pourquoi.
Voici, messieurs, en deux mots, et sauf à le rédiger d'une manière plus précise, le système que je proposerai.
Il est incontestable que la loi peut déterminer le roulement des magistrats d'un tribunal.
Je proposerai, pour soulager les magistrats trop âgés, que chaque fois qu'un magistrat aura atteint l'âge déterminé par la loi, il soit nommé un juge de plus dans le tribunal où se trouvera ce magistrat.
Je proposerai, par une seconde disposition, de déterminer que les magistrats les plus jeunes siégeront de préférence aux magistrats plus anciens. (Interruption.)
M. Bouvierµ. - Ils ne veulent pas.
M. Pirmezµ. - Quelle objection pouvez-vous faire à ce système ? Est-ce que nous avons, oui ou non, le droit d'augmenter le personnel des tribunaux ?
Est-ce que nous avons, oui ou non, le droit de déterminer que tels magistrats siégeront de préférence à tels autres. (Interruption.)
M. Coomans me le concède ; nous sommes donc d'accord.
M. Coomans. - Ce sera une bêtise légale.
M. Pirmezµ. - Le scrupule constitutionnel au moins disparaîtra. (Interruption.) Il y a un décret sur la magistrature, le décret de 1810, qui détermine comment se fait le roulement ; eh bien, nous ferons une loi de 1867 qui remplacera en cela le décret de 1810.
M. Van Overloopµ. - De l'époque du régime de liberté par excellence.
M. Pirmezµ. - Mais, messieurs, voyez un peu la singulière interruption que me fait M. Van Overloop.
M. Nothomb me disait, en m'interrompant, que le roulement est déterminé par la loi. Je lui réponds que cela est fait par un décret de 1810, et parce que je propose d'abroger le décret, M. Van Overloop me dit que je retourne à l’époque du décret que je propose de modifier.
M. Van Overloopµ. - C'est du gros sel.
M. Pirmezµ. - Je viens d'indiquer un système qui met complètement la question constitutionnelle en dehors du débat, je proposerai le système s’il excite assez de scrupule contre celui de M. le ministre de la justice pour faire rejeter ses propositions. Il en résultera une très légère augmentation de charges pour le trésor, mais je consentirais volontiers à ce sacrifice pour améliorer le plus important des services publics.
Je me résume sur la question constitutionnelle en un mot. La Constitution a consacré l’indépendance de la magistrature par des garanties ; loin d’affaiblir ces garanties, nous les maintenons, au contraire ; donc le principe constitutionnel est complétement sauf.
J'aborde la seconde question et je me demande : La loi est-elle bonne ?
La question a été déjà complètement discutée.
Je dois faire remarquer que M. Moncheur et ses amis qui ont signé un amendement ne peuvent l'avoir signé que parce qu'ils considèrent le but du gouvernement comme excellent. (Interruption.) Il est impossible d'interpréter autrement l'amendement que vous avez déposé que comme l'approbation du projet du gouvernement,, sauf la question constitutionnelle.
M. Moncheurµ. - Mais tout est là.
M. Pirmezµ. - Ainsi donc...
M. Moncheurµ. - Voulez-vous me permettre ?
M. Pirmezµ. - Certainement.
M. Moncheurµ. - Vous êtes dans l'erreur. Voulez-vous me permettre de m'expliquer un instant ? Dans mon discours de la semaine dernière, je crois avoir établi d'abord que le projet était inconstitutionnel mais je me suis attaché surtout à prouver qu'alors même qu'il serait permis par la Constitution, il serait inutile et même nuisible aux intérêts de la magistrature ; et comme il y a tout au moins doute sur la constitutionnalité de la mesure, j'engageais vivement la Chambre à ne pas l'adopter.
J'ai insiste sur ce point que nous offrions par notre amendement à la Chambre le moyen infaillible d'arriver au même but que le projet lui-même, mais sans violer la Constitution. (Interruption.) N'épiloguons pas sur les mots. Quel est le but que vous déclarez vouloir atteindre ? Vous voulez faire cesser les abus qui proviennent de la non exécution de la loi de 1845.
Eh bien, nous affirmons et nous prouvons que par les moyens qua nous présentons ce but sera atteint, car les abus dont il s'agît n'existeront plus et cela pour deux motifs ; d'abord parce que nous offrons aux magistrats âgés l'éméritat et que nous sommes convaincus que si ce magistrat devient assez infirme pour ne plus pouvoir utilement continuer à remplir ses fonctions et ne prend pas son éméritat, la cour n'hésitera pas à faire usage à son égard des dispositions de la loi de 1845 en le rendant au repos avec son éméritat, et ensuite parce que nous corrigeons la loi de 1845, dans laquelle nous enlevons une des causes principales pour lesquelles elle ne produisait pas le résultat qu'elle devait produire.
Cette cause était la disposition qui exigeait que le magistrat fût atteint depuis plus d'un an d'une infirmité grave et permanente pour pouvoir être mis à la retraite. Désormais il suffirait que l'infirmité grave et permanente existât réellement.
- Des voix. - Mais c'est un discours cela !
M. Moncheurµ. - Messieurs, j'abuse peut-être un peu de la permission que m'a donnée M. Pirmez ; mais je tenais à dire que si nous reconnaissons qu'il y a quelque chose à faire, nous voulons le faire dans les limites de la Constitution, tandis que le projet du gouvernement le fait en violant la Constitution.
M. Bouvierµ. - C'est la question.
M. Pirmezµ. - C'est le cas de dire : Habemus confitenteor reum.
Je disais à M. Moncheur que, question constitutionnelle à part, il reconnaissait que le projet du gouvernement est très bon, très utile à la bonne organisation judiciaire.
M. de Naeyerµ. - Pas du tout.
M. Pirmezµ. - Je disais à M. Moncheur qu'il voulait atteindre même but que poursuivait le gouvernement, mais qu'arrêté par un scrupule constitutionnel dont j'ai démontré le peu de fondement, au lieu d'aller droit au but il tournait autour.
C'est ce que ses explications viennent de prouver à l'évidence. Je ne crains pas de dire que le système de l'honorable M. Moncheur est bien plus dangereux et plus contraire à la Constitution que celui du gouvernement.
M. Dumortier. - Oh ! oh !
M. Coomans. - C'est raide ! (Interruption.)
M. Pirmezµ. - Que veut l'honorable M. Moncheur ? Il veut, au moyen d'une espèce de prime, engager les magistrats à se retirer ; il veut, en donnant l’éméritat au magistrat qui a atteint l'âge de 70 ans, engager ses collègues à proposer facilement sa mise à la retraite. C'est-à-dire qu'au lieu d’adopter une règle générale, applicable à tout le monde, il veut arriver à la mise à la retraite par dis jugements individuels qui seront favorisés par l'éméritat.
Voilà quel est le système de l'honorable M. Moncheur.
M. de Moncheurµ. - C'est le système de la Constitution.
M. Bouvierµ. - Il est bien singulier ce système.
MpVµ. - Pas d'interruption, messieurs.
M. Pirmezµ. - Vous voulez donc favoriser les décisions individuelles de manière à vous rapprocher autant que possible de la règle générale.
Je n'aime pas le système des décisions individuelles, parce que quand une question de personnes est en jeu, il y a souvent en jeu aussi autre chose que des questions de justice ; il y a les questions d'influences et d'amitié. Or, je crois que des règles générales sont toujours préférables à des mesures exceptionnelles quand il s'agit de questions de personnes.
Je crois être autorisé à dire que l'on reconnaît généralement que le gouvernement poursuit un but beau et utile, et c'est, je pense, la meilleure justification de son projet de loi.
Maintenant quel est le reproche que l'on fait à ce projet de loi ? Mais, messieurs, c'est de sacrifier un certain nombre de magistrats encore très capables et pleins de vigueur malgré leur âge avancé.
Je reconnais qu'il y aura des sacrifice pénibles, des sacrifices très douloureux, mais là n'est pas la question : vous ne regardez que le passif de la loi ; il faut en considérer aussi l'actif, il faut la juger dans ses résultats généraux et vous demander si elle ne vous procurera pas une magistrature meilleure.
M. de Mérodeµ. - Elle sera rajeunie.
M. Pirmezµ. - Evidemment elle sera rajeunie et il y a, à cela, des avantages nombreux.
Ainsi, je crois que quand la magistrature sera dégagée de tons les hommes qui ne sont plus en état de faire un service très actif, très fatigant, vous pourrez exiger d'elle beaucoup plus qu'aujourd'hui ; et (page 938) j'engage, pour ma part, M. le ministre de la justice à porter sa sérieuse attention sur le nombre d'audiences des cours et tribunaux, afin de s’assurer s'il ne serait pas possible de demander à la magistrature des services plus considérables qu'aujourd’hui. Je crois qu'il aura parfaitement le droit de le faire quand les cours et tribunaux seront composés de magistrats qui ne pourront plus prétexter de leur âge pour se soustraire aux rudes labeurs qui sont, dans notre siècle, le sort de presque toutes les professions.
Maintenant, ce rajeunissement qui m'est indiqué comme une objection, offre d'autres avantages encore.
Je crois que, dans la magistrature comme dans toutes les autres carrières, il convient de ménager un certain avancement. L'avancement, messieurs, est un puissant stimulant au travail. Lorsqu'un magistrat se voit condamné à une immobilité très longue dans les mêmes fonctions, il est bien moins désireux de se distinguer par son travail que lorsqu'il a des chances d'un avancement un peu rapide.
La conséquence de la mesure proposée sera incontestablement de produire l'émulation dont je parle.
Maintenant, et j'arrive ici à l'objection qui exerce le plus d'influence sur l'esprit de l'honorable M. Dumortecr ; je me suis convaincu que si l'honorable membre allait au fond de sa conscience et s'il se demandait pourquoi elle lui répugne tant...
M. Dumortier. - Je répondrais que c'est parce qu'elle est inconstitutionnelle. Voilà ma réponse !
M. Pirmezµ. - Quoi qu'en dise l'honorable M. Dumortier, je suis convaincu qu'il se fait en partie illusion à lui-même.
M. Dumortier. - Mais vous n'avez pas, je crois, le droit de juger ma conscience ; et quand je vous déclare que le grand grief que je reproche à la loi c'est son inconstitutionnalité, il me semble qu'il ne doit être permis à personne de m'attribuer d'autres préoccupations.
MpVµ. - M. Dumortier, faites-vous inscrire si vous le désirez, mais n'interrompez pas.
M. Dumortier. - J'ai pris la Constitution au sérieux.
MpVµ. - Je vous prie de ne pas interrompre.
M. Pirmezµ. - L'honorable M. Dumortier est profondément convaincu de tout ce qu'il vient de dire, et cependant je ne crains pas de dire qu'il verrait ses scrupules diminuer considérablement si le département de la justice appartenait à un homme de son parti.
- Voix à droite. - Oh ! oh ! (Interruption.)
M. Bouvierµ. - Il a dit que c'était pour favoriser des créatures que la mesure était proposée.
M. Dumortier. - C'est un peu fort !
Il me semble que de pareilles insinuations ne devraient pas être permises.
M. Bouvierµ. - Vous les avez autorisées en disant que la mesure tendait à faire parvenir les amis de M. Bara.
M. Pirmezµ. - Je ne crois pas avoir rien dit de blessant pour l'honorable M. Dumortier. (Interruption.)
Si je me suis exprimé comme je l'ai fait, c'est parce que l'honorable membre a dit à M. le ministre de la justice que la loi était présentée pour placer ses créatures.
M. Dumortier. - Je n'ai pas dit cela au ministre de la justice, mais à vous autres.
M. Pirmezµ. - Eh bien, que l'honorable M. Dumortier me permette de le lui dire, c'est un peu montrer le bout de l'oreille. Quant à moi, j'engage beaucoup M. le ministre de la justice à faire avec la plus grande impartialité les nombreuses nominations qui seront la conséquence du vote de la mesure (Interruption.)
Je le dis très sincèrement, je n'aime pas les nominations de parti dans la magistrature ; je désire qu'elles se fassent autant que possible en dehors de toute préoccupation de parti. Je ne crains pas de le dire, toutes choses égales d'ailleurs, le meilleur magistrat est celui qui a le moins d'activité politique.
Mais je comprends très bien que l'opposition éprouve de la répugnance à voter une pareille mesure pendant qu'un ministère libéral est au pouvoir. Cependant je lui ferai remarquer que comme un ministère catholique succédera vraisemblablement au ministère libéral quand celui-ci ne sera plus au pouvoir, et si la mesure que nous discutons doit être adoptée tôt ou tard, autant vaut, à nos yeux, qu'elle le soit maintenant que plus tard.
Je crois, messieurs, messieurs, en présence des aveux que nous avons recueillis, pouvoir dire que la loi est bonne et que si l'honorable M. Dumortier voulait se dégager des préoccupations que je viens de signaler, il reconnaîtrait la justesse de mes observations.
Quant à moi, je voterai la loi parce que je la crois constitutionnelle parce que je la crois bonne.
- Voix nombreuses. - La clôture !
M. Dumortier (pour un fait personnel). - Je ne puis laisser passer sous silence les choses toutes personnelles que l'honorable membre vient de me dire. L honorable M. Pirmez est ordinairement très agressif pour ceux dont il combat les opinions et il ne manque jamais de les taxer d'exagération. Or, s'il y a quelque chose dans cette discussion qui mérite ce reproche, c'est certainement le langage que l'honorable membre a tenu envers moi dans la fin de son discours.
Comment ! venir dire à un homme qui plus qu'aucun autre a montré de l'indépendance vis-à-vis de son parti depuis 36 ans qu'il siège dans cette enceinte, venir lui dire que si la loi était présentée par des hommes de son parti, il la voterait !
Mais l'honorable membre oublie donc que la loi de 1845 a été présentée par un homme de mon parti, et cependant je suis un de ceux qui ont voté contre ; et pourquoi, messieurs ? Parce que, pour moi, au-dessus de toute question de parti il y a la Constitution.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Vous êtes dans l'erreur ; ce n'est pas un ministère catholique qui était au pouvoir en 1845, bien que M. le baron d'Anethan en fît partie.
M. Dumortier. - Est-ce que M. le baron d'Anethan n'est pas catholique, par hasard ?
Messieurs, il n'est pas permis de venir dire à un membre qui exprime ici son opinion avec une entière franchise, qu'il est guidé par une arrière-pensée. Une autre considération, bien supérieure à l'esprit de parti, me fait parler. C'est le maintien et rien que le maintien de la Constitution. Il n'appartient à personne de m'attribuer un mauvais sentiment ; et quand vous prétendez que j'invoque la Constitution pour cacher une arrière-pensée, vous m'imputez une mauvaise intention : ce qui est formellement interdit par le règlement.
L'honorable M. Pirmez prétend encore que je me suis trop attaché à la lettre de la Constitution ; que la lettre tue et que l'esprit vivifie.
Savez-vous, messieurs, ce que disait au sujet de cette observation un des hommes les plus éminents du Congrès national, l'honorable M Destriveaux ? Il disait : « En matière de Constitution, la lettre protège et les interprétations sont de nature à tuer. »
Voilà ce que je réponds à l'honorable M. Pirmez, qui prétend refaire la Constitution.
- On demande la clôture.
M. Le Hardy de Beaulieuµ (contre la clôture). - Je crois qu'il y a des arguments qui n'ont pas été présentés. Je désire, pour ma part, dire quelques mots. Je demande que la discussion continue.
- La clôture est mise aux voix et prononcée.
MpVµ. - La Chambre a à voter sur l'article 237.
Il est rédigé de la manière suivante par la section centrale :
« Art. 237. Les membres des cours et tribunaux sont mis à la retraite lorsqu'une infirmité grave et permanente ne leur permet plus de remplir convenablement leurs fonctions, ou lorsqu'ils ont accompli :
« Dans les tribunaux, l'âge de 70 ans ;
« Dans les cours d'appel, l'âge de 72 ans ;
« A la cour de cassation, l'âge de 75 ans. »
A cet article se rattache un amendement signé par MM. Wasseige, Alp. Nothomb, Isid. Van Overloop. F. Moucheur et Alb. Liénart.
« Supprimer les mots :
« Ou lorsqu'ils ont accompli :
« Dans les tribunaux, l'âge de soixante-dix ans ;
« Dans les cours d'appel, l'âge de soixante-douze ans ;
« A la cour de cassation, l'âge de soixante-quinze ans. »
C'est donc, à proprement parler, le rejet de la dernière partie de l'article. Pour mettre tout le monde à l'aise, on pourrait voter l'article par division.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Je dois déclarer, au nom du gouvernement, que si la proposition de l'honorable M. Moucheur venait à passer, c'est-à-dire l’éméritat sans la mise à la retraite forcée des magistrats, le gouvernement ne pourrait pas prêter son concours au projet de loi.
M. de Theuxµ. - Messieurs, en fait il n'y a pas de différence essentielle entre la proposition de l'honorable M. Moucheur et celle du gouvernement. Le gouvernement accorde l'éméritat pour 30 années de services, dont 15 de services administratifs. Or, quels sont les magistrats, âgés de 70, 72 ou 75 ans, qui n'ont pas 15 années de service (page 939) judiciaire et 15 années de services administratifs, c'est-à-dire 30 années de services combinés ? Je n'en connais pas un seul.
Eh bien, la proposition de M. le ministre de la justice, qui accorde l’éméritat à ces magistrats, est exactement la même que celle de l'honorable M. Moncheur. C'est donc une pure question de dignité, si vous voulez, de la part de M. le ministre de la justice, qui déclare ne pas vouloir admettre d'amendement.
Au fond, il n'y a pas de différence entre les deux propositions. La seule différence, c'est que, d'après la proposition de M. le ministre de la justice, la mise à la retraite des magistrats est décrétée par la loi, tandis que d'aptes la proposition de l'honorable M. Moncheur, il faut que le magistrat la demande.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Messieurs, la différence entre le projet du gouvernement et celui de l'honorable M. Moncheur est radicale, c'est-à-dire que les abus ne sont pas empêchés le moins du monde par la proposition de l'honorable membre. D'après cette proposition, les magistrats incapables âgés de 70, 72 ou 75 ans peuvent encore remplir leurs fonctions si cela leur convient.
L'honorable M. Moncheur a dit que c'était une question d'argent qui engageait leurs collègues à les maintenir dans leurs fonctions. Il n'en est rien, messieurs, la question d'argent est ici complètement indifférente ; la plupart des membres resteraient en fonctions, malgré la loi, si vous ne votez pas la retraite forcée à un âge déterminé.
II y a donc une différence essentielle entre la proposition de l'honorable M. Moncheur et le projet du gouvernement. Je le répète, le gouvernement ne peut pas se rallier à la proposition de l'honorable membre.
M. Moncheurµ. - Je demande la parole pour un fait personnel.
MpVµ. - La clôture a été prononcée ; vous avez la parole pour un fait personnel ; mais renfermez-vous strictement dans le fait personnel.
M. Moncheurµ. - Je ne puis laisser sans réponse les dernières paroles de M. le ministre de la justice ; je n'ai pas dit que les magistrats se laissaient entraîner par des questions d'argent, mais j'ai dit que les magistrats, alors que l'éméritat n'existait pas, cédaient à un sentiment d'humanité, bien naturel envers des collègues qu'ils ne voulaient pas soumettre à des privations dans leurs vieux jouis. C'est la commission qui a inventé et proposé l'éméritat en faveur des magistrats ; il n'existait pas dans le projet du gouvernement. Il y a, entre mon projet et celui du gouvernement, cette immense différence que le gouvernement impose l'éméritat à un âge déterminé, tandis que je l'offre seulement, et qu'en l’imposant ainsi, il viole la Constitution, tandis que je la respecte en rendant l'éméritat facultatif.
Pour le restant nous admettons le projet du gouvernement.
MpVµ. - Il n'y a là rien de personnel. Je mets aux voix l'article 237.
M. Moncheurµ. - Notre amendement est un sous-amendement à celui de M. le ministre du la justice. Il doit donc être mis aux voix le premier.
MpVµ. - Nous mettrons l'article aux voix par division. La première partie n'est pas contestée, et votre amendement consiste à rejeter la seconde.
La première partie de l'article est ainsi conçue :
« Art. 237. Les membres des cours et tribunaux sont mis à la retraite lorsqu'une infirmité grave, et permanente ne leur permet plus de remplir convenablement leurs fonctions. »
- Cette partie de l'article est mise aux voix et adoptée.
MpVµ. - Je mets aux voix la seconde partie de l'article, modifiée par la section centrale. Elle est ainsi conçue :
« Ou lorsqu'ils ont accompli :
« Dans les tribunaux l’âge de 70 ans ;
« Dans les cours d'appel, l’âge de 72 ans ;
« A la cour de cassation, l’âge de 75 ans. »
- Plusieurs membres. - L'appel nominal !
M. Dumortier. - Je demande la parole sur la position de la question.
Aux termes du règlement, tout amendement doit être mis aux voix avant la disposition principale. L'amendement doit donc d'abord être mis aux voix.
MpVµ. - Mais l'amendement consiste dans le rejet de la seconde partie de l'article. Je vous ai mis à l'aise en vous faisant voter par division.
M. Dumortier. - Vous ne pouvez mettre aux voix la proposition du ministre avant l'amendement.
MpVµ. - C'est la proposition de la section centrale.
M. Dumortier. - Le ministre s'y est rallié.
M. Nothomb. - Le règlement porte que les amendements sont mis aux voix avant toute espèce de projet du gouvernement. Nous proposons un amendement à l'article 237 du gouvernement.
MfFOµ. - Vous ne proposez pas d'amendement. Vous demandez le rejet.
M. Nothomb. - Nous proposons la suppression de la seconde partie de l'article.
MpVµ. - Précisément. Ceux qui sont pour l'amendement de la section centrale répondront oui ; ceux qui sont contre, c'est-à-dire qui sont pour la suppression proposée par MM. Wasseige, Nothomb et autres membres, voteront contre.
- Il est procédé à l'appel nominal. 108 membres y répondent.
58 répondent oui.
49 répondent non.
1 (M. Hagemans) s'abstient.
En conséquence, la seconde partie de l'article est adoptée. Ont voté l'adoption :
MM. Crombez, de Baillet-Latour, de Florisone, De Fré, de Kerchove de Denterghem, de Lexhy, d'Elhoungne, de Macar, de Macre, de Moor, de Rongé, de Rossius, Descamps, Dethuin, Dewandre, Dupont, Elias, Frère-Orban, Funck, Guillery, Hymans, Jamar, Jonet, Jouret, Lambert, Lange, Lebeau, Lesoinne, Lippens, Mascart, Mouton, Muller, Orban, Pirmez, Preud'homme, Rogier, Sabatier, Tesch, T'Serstevens, Valckenaere, Alp. Vandenpeereboom, Vander Maesen, Vanderstichelen, Van Humbeeck, Van Iseghem, Vleminckx, Warocqué, Watteeu, Allard, Ansiau, Anspach, Bara, Bouvier-Evenepoel, Braconier, Bricoult, Broustin, Carlier et Ernest Vandenpeereboom.
Ont volé le rejet :
MM. David, de Coninck, Eugène de Kerckhove, Delaet, Delcour, de Mérode, de Muelenaere, de Naeyer, de Smedt, de Terbecq, de Theux, de Woelmont, d'Hane-Steenhuyse, Dolez, Dumortier, d'Ursel, Gerrits, Hayez, Jacobs, Kervyn de Lettenhove, Landeloos, Le Hardy de Beaulieu, Liénart, Magherman, Moncheur, Nélis, Notelteirs, Nothomb, Orts, Reynaert, Royer de Behr, Schollaert, Snoy, Tack, Thibaut, Thienpont, Thonissen, Van Cromphaut, Vander Donckt, Van Hoorde, Van Overloop, Van Renynghe, Van Wambeke, Vermeire, Vilain XIIII, Wasseige, Wouters, Beeckman et Coomans.
MpVµ. - Le membre qui s'est abstenu est invité à faire connaître les motifs de son abstention.
M. Hagemansµ. - Je suis grand partisan du projet ; mais un scrupule constitutionnel m'a empêché de voter, ni dans un sens ni dans l'autre.
M. Dumortier. - Je demande que mon vote négatif soit inscrit au procès-verbal, en vertu du règlement.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Tous les votes sont inscrits au procès-verbal.
(page 940) Plusieurs mesures. - Nous demandons tous cette insertion.
Des membres. - A demain !
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Il n'y en a plus pour très longtemps. Si la Chambre ne veut pas continuer aujourd'hui, je demande qu'elle termine l'examen de ce projet demain au commencement de la séance.
- Des membres. - Oui ! oui !
MtpVSµ. - D'après les ordres du Roi, j'ai l'honneur de déposer un projet de loi concernant le régime postal.
- Il est donné acte à M. le ministre de la présentation de ce projet de loi ; la Chambre en ordonne l'impression et la distribution et le renvoie à l'examen des sections.
La séance est levée à 4 heures trois quarts.