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Chambres des représentants de Belgique
Séance du vendredi 12 avril 1867

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1866-1867)

(Présidence de (M. E. Vandenpeereboom.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 869) M. de Florisone, secrétaire, procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. Van Humbeeck, secrétaireµ, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Florisone présente l'analyse suivante des pièces qui ont été adressées à la Chambre.

« Le sieur Joostens demande que le gouvernement supprime, pour 5 ou 6 mois, les bals publics. »

« Même demande du sieur Janssens. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le conseil communal de Placenoit prie la Chambre d’annuler la concession de chemins de fer de Bruxelles à Marbais et à Corbeek-Dyle. »

« Même demande de l'administration communale de Vierves. »

M. Le Hardy de Beaulieuµ. - Je propose de joindre à cette requête une autre pétition ayant le même objet et que le Chambre a renvoyée, à la commission des pétitions, avec demande d'un prompt rapport.

- Adopté.

Projet de loi allouant un crédit au budget du ministère des travaux publics

Dépôt

MfFO présente :

1° Un projet de loi ayant pour objet d'accorder, au département des travaux publics un crédit de 310,000 fr. pour l'exécution d'une convention qui a mis fin à deux procès ;

Projet de loi conférant les caractère de la société anonyme aux sociétés de construction d’habitations ouvrières

Dépôt

2° Un projet de loi qui autorise le gouvernement à conférer aux sociétés ayant pour but la construction d'habitations ouvrières, tous les caractères de la société anonyme, et qui règle certaines conditions d'impôt relativement aux actions de ces sociétés.

- La Chambre ordonne l'impression et la distribution de ces projets et les renvoie à l'examen des sections.

Projet de loi modifiant quelques dispositions des lois électorales

Article 23

« Art. 23. Par dérogation au deuxième paragraphe 2 de l'article 7 de la loi communale, il suffit, pour être électeur à la commune, d'y avoir son domicile réel à la date de l'inscription sur les listes électorales.

M. Jacobsµ. - Messieurs, dérogation est synonyme d'exception. Or, ici ce n'est point une exception, une dérogation, mais une véritable abrogation qu'on propose.

Le paragraphe 2 de l'article 7 de la loi communale est ainsi conçu :

« Avoir son domicile réel dans la commune au moins depuis le 1er janvier de l'année dans laquelle se fait l'élection. »

Si cette disposition est abrogée purement et simplement, nos lois électorales se trouveront en harmonie parfaite puisque l'article 7 de la loi électorale générale est ainsi conçu :

« Les collèges des bourgmestre et échevins feront tous les ans, du 1er au 15 avril, la révision des listes des citoyens de leurs communes qui, d'après la présente loi, réunissent les conditions requises pour être électeur. »

Il restera dans la loi communale une disposition absolument identique, qui est l'article 13 :

« Du 1er au 15 avril de chaque année, le collège des bourgmestre et échevins procède à la révision de la liste des citoyens de la commune qui, d'après la présente loi, réunissent les conditions requises pour concourir à l'élection des membres du conseil communal. »

Si donc on abroge la disposition exceptionnelle de l'article 7 de la lot communale, il restera deux dispositions identiques : l'article 13 de la loi communale et l'article 7 de la loi électorale générale.

Je propose d'y arriver au moyen d'un amendement ainsi conçu :

* Le paragraphe 2 de l'article 7 de la loi communale est abrogé. »

M. Tack. - Messieurs, j'ai demandé la parole pour faire une simple observation.

Il est évident que si la disposition de l'article 23 est adoptée par la Chambre, il en résultera une plus grande uniformité dans nos lois électorales, mais je me demande si cette disposition ne présentera pas certains inconvénients. N'est-il pas à craindre qu'on pourrait tout à coup, au moyen de l'article 23, créer, pour un cas donné, des fournées d'électeurs et fausser les élections dans une commune ?

Supposez que dans une petite commune on veuille s'emparer des élections communales, ne suffirait-il pas que des individus se fissent inscrire au moment même de la confection des listes électorales ? Il suffira qu'ils aient été domiciliés pendant vingt-quatre heures dans la commune, pour y être électeurs.

Je soumets cette observation à la Chambre.

Il me semble qu'il ne faut pas se laisser emporter par un désir immodéré d'uniformité, alors qu'il peut en résulter des inconvénients réels.

Je sais qu'il arrivera, comme il est arrivé parfois, que lorsqu'un individu quitte son domicile après le 1er janvier il ne sera plus électeur dans aucune commune. Il aura, en effet, perdu ses droits dans la localité qu'il a quittée et il n'en aura pas encore acquis dans celle où il se fixe.

C'est là un inconvénient qui me semble petit en comparaison de celui bien plus grand que je signale à la Chambre.

M. Mullerµ. - Je ferai remarquer, pour répondre à l'honorable M. Tack, qu'il y a aujourd'hui une catégorie d'électeurs qui n'ont besoin d'être domiciliés dans la commune qu'au moment de l'inscription sur les listes électorales, tandis que d'autres catégories doivent avoir été domiciliées dans la commune à partir du 1er janvier. Et, messieurs, cela résulte de l'article 7 de la loi communale, tel que l'a modifié la loi du 31 mars 1848, même quand il ne s'agit que d'électeurs communaux.

Ainsi, dans les communes de 15,000 âmes et au-dessus, ceux qui sont inscrits sur les listes électorales formées pour l'élection des Chambres sont de plein droit électeurs communaux.

C'est ce qui résulte de ces termes mêmes :

« Dans ces dernières communes (celles de 15,000 âmes et au-dessus), les listes électorales formées pour l'élection des Chambres serviront pour l'élection du conseil communal. »

Il y a donc une bizarrerie qu'il est nécessaire de faire disparaître.

Je ne tiens pas à ce que le domicile soit fixé plutôt à l'époque de l'inscription qu'au 1er janvier ; mais ce qui me semble clair, c'est qu'il faut l'uniformité de bases pour tous les électeurs communaux.

Voilà l'observation que j'ai à présenter quant à l'inconvénient que signale l'honorable M. Tack. Cet inconvénient existerait pour les élections provinciales comme pour les élections aux Chambres.

Puisque j'ai la parole, j'en profite pour faire remarquer que l'argument que je viens de faire valoir pour réclamer l'uniformité en ce qui concerne les électeurs des villes et ceux des campagnes s'applique également à l'article suivant, qui propose de faire juger les réclamations en matière communale, par le collège des bourgmestre et échevins, comme cela a lieu pour les élections générales et provinciales.

Il ne s'agit pas ici d'une question de parti, mais il est à remarquer qu’en maintenant dans cette matière l'attribution du conseil communal, (page 870) on a pu le constater plusieurs fois, il y a eu des inconvénients sérieux. En effet, le conseil communal, aux termes de l'article 64, ne peut délibérer à la première et à la seconde convocation que si la majorité des membres en fonctions est présente. Ce n'est qu'à la troisième convocation qu'il peut passer outre. Or, il faut un intervalle de deux jours entre chaque convocation et cette prescription crée pour les réclamations électorales une situation difficile. Il est arrivé maintes fois que des électeurs s'étaient pourvus devant le conseil communal, et que celui-ci n'avait pu statuer dans les délais fixés par la loi.

Ce sont là deux motifs de nature à faire admettre les dispositions que le gouvernement nous a soumises et dont le but est de mettre un terme aux contradictions, aux bizarreries et aux inégalités que j'ai signalées.

M. de Theuxµ. - Je demande à la Chambre de discuter séparément les deux articles, parce qu'ils comportent une solution différente.

Je commencerai par faire la même déclaration que M. Tack. C'est qu'il ne peut s'agir ici d'une question de parti. Mais voici ce que j'ai à dire.

En ce qui concerne les élections générales et provinciales, il n'existe pas les mêmes motifs de crainte que pour les élections communales. Pour les élections communales, le fait de l'acquisition d'un domicile peut être décisif sur le sort de l'élection.

Si la Chambre veut modifier la loi actuelle, je crois qu'il faut, dans tous les cas, maintenir l'article proposé par le gouvernement, qui exige un domicile réel, c'est-à-dire, outre la déclaration à l'état civil, le fait de l'habitation réelle.

Je ferai remarquer qu'en ne prenant pas ces précautions, on ouvre la porte à des fraudes, car rien ne sera facile comme de prendre une résidence passagère et, l'élection faite, de renoncer à son nouveau domicile tout fictif. Je crois cependant qu'il vaut mieux maintenir la disposition de la loi communale actuelle.

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Je crois que les inconvénients signalés ne sont pas à craindre. L'honorable membre dit que l'on pourra prendre son domicile dans une commune en vue d'une élection, quelques jours avant la confection des listes, c'est vrai ; mais le même fait peut se produire sous l'empire de la législation actuelle ; on peut, en effet, prendre domicile dans la nouvelle commune la veille du 1er janvier. Il n'y a donc là qu'une différence de quelques mois.

D'un autre côté, s'il était constaté qu'un individu a pris un nouveau domicile uniquement pour être porté sur la liste électorale et qu'immédiatement après l'élection il a changé de domicile, ce serait là une fraude manifeste et celui qui la commet aurait à en subir les conséquences.

Je crois donc que, entre les craintes peu fondées que l'on manifeste et l'avantage qui résultera d'une législation uniforme pour les Chambres, la province et la commune, il n'y a pas à hésiter, et il faut voter la disposition du projet de loi. Cette disposition, du reste, fera disparaître un inconvénient que l'on a souvent signalé et résultant de ce qu'un citoyen qui change de domicile entre le 1er janvier et le 1er avril n'est plus électeur nulle part ; il ne l'est plus dans la commune qu'il a quittée et ne l'est pas encore dans celle qu'il est venu habiter.

Il se trouve ainsi privé de son droit électoral, et cet inconvénient est certainement plus grave que ceux que l'on redoute.

Il n'est pas à supposer, d'ailleurs, qu'on ira changer effectivement de domicile dans un but purement électoral ; car, encore une fois, il faut un domicile réel, un domicile politique et non un simple changement de résidence.

Quant à l'amendement de l'honorable M. Jacobs, il répond à la pensée de l'article auquel il s'applique.

Je crois donc pouvoir m'y rallier, sauf à voir, au second vote, s'il peut être admis sans modifications.

M. Mullerµ. - Je crois pouvoir donner tous apaisements à l'honorable M. de Theux, en lui disant que, pour qu'un changement de domicile soit opéré conformément à la loi, il ne suffit pas que l'on ait fait la déclaration de sortie d'une commune et la déclaration d'entrée dans une autre commune ; il faut le fait réel de l'habitation dans cette dernière commune. Voilà le principe d'après lequel la question du domicile doit être résolue.

M. Tack. - Quoi qu'en ait dit M, le ministre de l'intérieur, il y a une ' différence assez grande entre l'obligation imposée par la législation actuelle d'avoir son domicile dans la commune depuis le 1er janvier et celui résultant de la disposition du projet de loi.

D'après cette disposition, il suffira d'avoir pris son domicile dans la commune, au moment même de la confection des listes électorales ; il suffit donc d'avoir son domicile pendant 24 heures dans une commune pour pouvoir y être électeur, tandis que, d'après la loi communale, il faut avoir eu son domicile au moins pendant trois mois et demi dans la commune.

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Il faut y avoir son principal établissement.

M. Tack. - Oui, mais tous les électeurs n'ont pas toujours un établissement principal bien caractérisé, et dès qu'un électeur aura été inscrit sur la liste électorale dans les conditions que j'indique, comment pourra-t-on le faire rayer de la liste une fois qu'elle est devenue définitive ? Il pourra quitter la commune. Les listes étant permanentes, il conservera le droit d'y être maintenu.

Quant à l'inconvénient qui existe pour les citoyens qui se déplacent entre le 1er janvier et le 1er avril et qui sont ainsi mis dans l'impossibilité d'exercer, leur droit électoral, il y a, ce me semble, une raison péremptoire pour qu'il en soit ainsi : C'est que ces citoyens n'ont plus d'intérêt dans la commune qu'ils ont quittée et n'en ont guère encore acquis dans celle où ils vont se fixer. Il est donc tout naturel qu'ils ne puissent pas encore participer aux élections dans cette dernière commune.

Quant à l'observation qu'a présentée l'honorable M. Muller, je la rencontrerai tout à l'heure à propos de l'article 24. Cependant je dirai dès à présent que je n'admets pas du tout avec lui que ceux qui viennent fixer leur domicile, après le 1er janvier, dans une localité dont la population est au moins de 15,000 habitants, aient le droit d'être électeur, à la commune, en vertu de la loi du 31 mars 1848.

La disposition de la loi du 31 mars 1848, à laquelle l'honorable membre fait allusion, n'a nullement cette portée ; je soutiens même qu'elle est inexécutable, aussi n'a-t-elle pas reçu d'exécution.

MpVµ. - L'article 23, avec l'amendement de M. Jacobs, amendement auquel le gouvernement se rallie, serait ainsi conçu : « Le paragraphe 2° de l'article 7 de la loi communale est abrogé. »

M. Delcourµ. - Messieurs, je rencontre une difficulté très sérieuse dans le texte même de la loi communale. On demande l'abrogation du n°2° de l'article 7 de cette loi. L'article porte que, pour être électeur, il faut avoir son domicile réel dans la commune. Voilà un premier principe. L'article règle ensuite que le domicile réel doit exister depuis le 1er janvier de l'année dans laquelle se fait l'élection. C'est à ce principe que déroge l'article 23 du projet, mais la condition que l'électeur ait son domicile réel dans la commune reste debout. L'amendement de mon honorable ami, M. Jacobs, en demandant la suppression du n°2 de l'article 7, va donc au delà du désir de l'honorable membre, car je pense que la Chambre veut maintenir la condition du domicile réel.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Messieurs, j'examinerai l'amendement de l'honorable M. Jacobs d'ici au second vote ; mais je crois que l'honorable M. Jacobs a raison.

Voici quel est, autant que je m'en souviens, le système des lois électorales. En matière d'élections générales et provinciales, la loi dit que chaque année le collège échevinal dresse, la liste des citoyens de la commune qui sont électeurs d'après les conditions indiquées par la loi. Or, ces conditions ne parlent pas du domicile ; d'après la jurisprudence admise, les citoyens de la commune sont ceux qui y ont eu leur domicile réel lors de la confection des listes.

L'article 13 de la loi communale se sert des mêmes termes : Le collège des bourgmestre et échevins procède à la révision de la liste des citoyens de la commune qui, d'après la présente loi, réunissent les conditions requises pour concourir à l'élection des membres du conseil communal. »

Seulement à l'article 7, on fait une dérogation à ce principe ; on y dispose que, contrairement à ce qui existe pour les élections générales et pour les élections provinciales, il faut avoir son domicile réel dans la commune depuis le 1er janvier.

Si l'amendement de l'honorable M. Jacobs, qui exprime la même pensée que l'article du gouvernement, est adopté, qu'en résultera-t-il ? C'est que la liste sera dressée d'après l'article 13 de la loi communale. Quels sont les citoyens de la commune ? Ce sont les citoyens qui ont (page 871) leur domicile réel dans la commune au moment de la révision de la liste.

Je crois donc qu'à moins d'arguments contraires qui pourraient être produits, on pourrait admettre l'amendement de l'honorable M, Jacobs ; s'il y avait des inconvénients, on pourrait, d'ici au second voie, les faire disparaître.

M. Jacobsµ. - Je ferai encore remarquer à l'honorable M. Delcour, que le but de l'article 23 et des deux articles suivants est de mettre une harmonie complète dans les dispositions législatives pour les Chambres, pour la province et pour la commune ; si donc la jurisprudence actuelle ne suffit pas, en ce qui concerne le domicile réel, il y a lieu d'y pourvoir, et c'est là le but de la disposition qui est en discussion.

M. Delcourµ. - Messieurs, la loi communale ne laisse aucun doute sur la condition du domicile réel ; l'article 7 est formel sur ce point, c'est ce que j'ai dit tout à l'heure.

La loi électorale, objecte M. le ministre de la justice, n'est pas aussi claire, et l'amendement de M. Jacobs rétablit l'uniformité dans le système. Veuillez remarquer, messieurs, que l'article 19 de la loi électorale est conçu en ces termes : « Les électeurs se réunissent au chef-lieu du district administratif dans lequel ils ont leur domicile réel. » Cette disposition est claire. Il faut donc, pour être porté sur les listes électorales pour les Chambres, que le citoyen ait son domicile réel dans la commune. Telle est la condition générale, que la Chambre ne voudra pas supprimer. Prenez garde ; je crains que la rédaction de l'amendement de mon honorable ami n'amène un résultat contraire à celui que nous voulons tous.

M. Mullerµ. - Je crois qu'on pourrait se mettre d'accord en adoptant l'amendement de l'honorable M. Jacobs, et en disant, dans l'article 13, au lieu de : « la liste des citoyens de la commune, » ceci : « la liste des citoyens ayant leur domicile réel dans la commune. »

- L'article, rédigé comme le propose M. Jacobs, est mis aux voix et adopté.

Article 24

« Art. 24. Par dérogation à l'article 15 de la même loi, les collèges échevinaux statuent en première instance sur les réclamations auxquelles peut donner lieu la formation de la liste des électeurs communaux. »

M. Liénartµ. - Messieurs, par application de la réserve faite dans l'article 93 de la Constitution, la connaissance des contestations relatives aux droits électoraux est déférée à des corps non judiciaires.

Pour les réclamations contre la liste des électeurs communaux, l'article 15 de la loi communale indique d'une façon formelle que le juge du premier degré est le conseil communal. Au contraire, en matière de réclamations contre la liste des électeurs aux Chambres ou à la province, le collège des bourgmestre et échevins juge en premier ressort, aux termes de la loi de 1843, explicative de celle de 1831.

De là des anomalies, des bizarreries que le gouvernement vous a signalées dans son exposé des motifs, et sur lesquelles il se fonde pour vous demander d'attribuer désormais au collège, d'une façon générale et uniforme, la connaissance de toutes les contestations électorales, soit qu'il s'agisse de la liste des électeurs, pour les Chambres et pour la province, soit qu'il s'agisse des électeurs communaux.

Ce n'est pas pour la première fois qu'on a tenté d'établir l'unité dans cette matière, mais autrefois on tendait à l'uniformité en suivant une voie tout opposée à celle que prend le gouvernement.

Avant la loi de 1843, dans quatre de nos provinces, on appliquait uniformément le système qui fait juger toutes les contestations électorales par le conseil. Dans les autres provinces, la loi de 1831 était interprétée en sens divers.

Plus tard, lors de la discussion de la loi de 1843, MM. Delfosse et d'Hoffschmidt proposèrent d'adopter un système uniforme, et cette fois encore, c'est le conseil et non le collège qu'ils instituèrent juge de première instance.

Aujourd'hui le gouvernement nous convie également a établir I uniformité ; mais il l'établit au détriment des conseils communaux et au profit des collèges des bourgmestre et échevins.

Je ne puis, messieurs, souscrire à cette confiscation des droits des conseils communaux en matière communale, et je suis, au contraire, d'avis que s'il y avait lieu de modifier nos lois électorales pour en arriver à un système uniforme et faire juger toutes les contestations électorales au premier degré par les mêmes juges, c'est pour le conseil et non pour le collège qu'il faudrait opter.

Et d'abord, messieurs, pourquoi priver le conseil communal de la connaissance des réclamations qui s'élèvent au sujet des listes électorales pour la commune ? N'est-ce pas là un objet d'intérêt communal qui rentre par sa nature même dans les attributions de ces conseils ?

Cette opinion était celle du législateur de 1836 qui a fait la loi communale.

La même opinion a été partagée également par le législateur de 1843, si j'en juge par le rapport de la section centrale. La majorité de cette section était pénétrée des avantages qu'il y aurait à attribuer d'une façon générale au collège des bourgmestre et échevins, la connaissance de toute espèce de contestations électorales ; et cependant, malgré cette conviction intime, elle n'a pas étendu son système aux élections communales, parce qu'elle a reconnu que la formation des listes électorales pour la commune intéresse directement la commune et qu'à ce titre la formation de ces listes doit être confiée au conseil communal.

C'est en vain que pour infirmer la valeur de cette argumentation, on objecte qu'il s'agit là d'un acte d'exécution et que les actes de cette nature sont de la compétence exclusive du collège. Cette objection repose sur la confusion regrettable de deux opérations très distinctes. Il y a d'abord une opération toute matérielle, toute préparatoire, qui se fait du 1er au 15 avril et qui consiste dans une première rédaction des listes électorales. Je comprends que l'on puisse prétendre qu'ici il s'agit d'un acte de simple exécution ; aussi personne ne songe à innover sous ce rapport. Mais autre chose est la formation préparatoire des listes électorales et autre chose le jugement des réclamations que ces listes soulèvent.

Messieurs, la proposition faite par le gouvernement me semble tout à fait inopportune et peu en harmonie avec les aspirations qui se sont manifestées dans ces derniers temps.

En effet, le jugement des contestations en matière de listes électorales, pour la commune par les conseils communaux a-t-il donné lieu à quelque grief sérieux ? des plaintes se sont-elles produites contre ce système spécial dont le gouvernement vous propose, un peu à la légère, la modification ? En aucune façon.

Il y a eu des plaintes dans ces derniers temps, c'est vrai ; des protestations se sont fait entendre ; mais les protestations ont une portée bien plus grande. Ces protestations s'attaquent à l'économie générale de nos lois électorales ; elles demandent tout autre chose que ce que vous propose le gouvernement, elles demandent précisément l'inverse, elles demandent une augmentation, un surcroît de garanties, que quelques-uns croient trouver dans la substitution de la juridiction judiciaire à la juridiction administrative, d'autres dans la publicité des séances de la députation.

Et, chose étrange ! c'est ce moment que le gouvernement choisit pour diminuer, il me sera facile de le prouver, les garanties que nous possédons en matière de contestations électorales.

Outre la publicité des séances du conseil, d'autres motifs péremptoires doivent faire décider en faveur des conseils communaux, et je me permets, à ce sujet, de faire un appel à la loyauté du gouvernement ; car il s'agit ici, avant tout, d'une question de bonne foi.

Ces motifs résultent tant de l'importance des listes électorales que de la composition différente du conseil et du collège.

Le conseil est toujours l'expression de la majorité dans la commune, tandis que le collège est parfois, et je regrette de devoir ajouter, même, souvent, composé de membres appartenant à la minorité.

Le conseil est complètement indépendant du gouvernement, tandis que les membres du collège reçoivent leur investiture du gouvernement, qui peut la leur retirer quand bon lui semble.

Ce n'est pas tout encore, et ici j'appelle l'attention toute spéciale de la Chambre et du gouvernement. Aux termes de la loi du 30 juin 1842, le gouvernement peut nommer le bourgmestre en dehors du conseil et néanmoins, dans ce cas encore, le bourgmestre conserve voix délibérative et parfois même voix prépondérante dans ce collège de bourgmestre et échevins auquel vous iriez déférer la connaissance des contestations, en matière de listes électorales.

Voilà un premier motif qui fait nécessairement suspecter l'impartialité du collège.

Objectera-t-on que le collège ne statue qu'en premier ressort, et qu'en supposant qu'il puisse céder à des influences ou pressions illégitimes, sa sentence sera sujette à appel ? C'est à peine si j'ose prévoir une pareille objection, parce qu'elle me semble peu sérieuse et surtout peu digne. Toutes les juridictions, depuis le degré le plus inférieur jusqu'au degré le plus élevé, ne doivent-elles pas être constituées dans les conditions (page 872) plus rassurantes d'impartialité et de justice ? Ne vaut-il pas mieux prévenir les appels, en attribuant le jugement en premier ressort de ces contestations a un corps qui est l'émanation directe de l'élection ? Puis, le recours à la députation n'est pas toujours recevable ; il y a des fins de non-recevoir, des délais de rigueur ; puis encore, personne ne méconnaîtra l'influence d'une première décision dans un sens ou dans un autre.

D'ailleurs, si l'argument tiré du droit d'appel devant la députation était décisif, je pourrais le rétorquer contre le gouvernement. Celui-ci appuie uniquement, l'exposé des motifs en fait foi, la nécessité d'une modification sur les anomalies qui résultent de la dualité des juridictions de première instance. Eh bien, je pourrais lui dire à mon tour : Ne vous alarmez pas tant de ces inégalités, la députation rétablira le niveau.

Il est un second motif qui fait douter de l'impartialité du collège, c'est que ce collège, est pour ainsi dire juge et partie dans sa propre cause. Par la formation des listes électorales, bien souvent le collège a décidé une première fois déjà les contestations qui vont.se reproduire devant lui. Dans ces conditions, le recours au collège n'offre plus les mêmes garanties que le recours à un juge qui examinerait à nouveau. En dernière analyse, vous aurez privé les électeurs d'un degré de juridiction.

Maintenant, songez, je vous prie, qu'il s'agit des listes électorales, que c'est l'inscription sur ces listes qui crée les électeurs et que ce sont les électeurs, après tout, qui sont appelés à juger le gouvernement et ses agents, et vous serez obligés de reconnaître avec moi que s'il était question d'abandonner le statu quo et de choisir entre les deux systèmes aujourd'hui en vigueur, il faudrait nécessairement, indubitablement, se prononcer pour celui qui présente le plus de garanties d'impartialité, c'est-à-dire pour la juridiction du conseil tout entier, siégeant publiquement.

Quant à moi, messieurs, désireux en toute occasion de maintenir et, si possible, d'augmenter encore les franchises communales, j'ai pris pour ligne de conduite invariable, chaque fois que l'intérêt général ne m'arrêtera pas, d'élargir le pouvoir communal et de restreindre celui du collège.

En agissant de la sorte, je crois servir tout autant la cause du pouvoir central que celle de la commune, car, du même coup, je diminue les occasions dans lesquelles le gouvernement pourrait être tenté d'abuser de sa prépondérance.

Qu'on ne se méprenne pas cependant sur le sens de mes paroles, je ne veux accuser personne ; je ne prétends pas que la présentation de cet article 24, perdu dans un projet de loi de réforme électorale, soit une surprise ; je constate seulement que des abus sont possibles et, pour ne pas avoir à m'en plaindre un jour, je cherche à les prévenir.

C'est dans ce but que je voterai énergiquement contre la disposition de l'article 24.

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Le gouvernement, en proposant cette modification à la loi communale, n'y a pas attaché cette grande importance qu'y voit l'honorable député d'Alost.

Le gouvernement a voulu deux choses ; il a voulu qu'il pût être statué avec plus de célérité sur les réclamations en matière électorale pour la commune, et ensuite que la procédure, si je puis m'exprimer ainsi, fût uniforme pour les listes électorales à tous les degrés.

Voilà le double but que le gouvernement a eu en vue en proposant la disposition en discussion.

Déjà, messieurs, pour un grand nombre de communes, dont la population est de plus de 15,000 âmes, cette uniformité existe, comme l'a dit tantôt l'honorable M. Muller.

Un article de la loi communale porte que, dans ces communes, les listes pour les élections aux Chambres serviront aussi pour celles à la commune.

Donc, sous ce rapport, l'uniformité existe puisque les mêmes listes peuvent servir pour cette double élection. Mais un inconvénient peut se produire pour les élections communales ; c'est le conseil qui statue sur les réclamations, c'est au contraire le collège qui statue sur les réclamations relatives aux listes électorales pour la province et pour les Chambres ; il peut donc arriver, et ce cas s'est présenté, que des électeurs tout en réunissant les mêmes conditions de payement, de cens, de domicile et autres, soient maintenus sur la liste pour les élections législatives et soient rayés pour les élections communales.

Le conseil communal pourrait, dans certains cas, rayer un électeur de la liste électorale communale et le collège échevinal pourrait le maintenir sur la liste pour les élections législatives.

C'est une anomalie qu'il faut chercher à prévenir en décrétant l'uniformité de la législation.

Il y a encore d'autres inconvénients qui peuvent se présenter aujourd'hui. D'après le système de la loi communale, un conseil communal peut se trouver parfois dans l'impossibilité de remplir son devoir et de statuer en temps utile sur les réclamations.

Le conseil n'a que dix jours pour statuer, à partir du jour de la réclamation.

S'il refuse de se réunir ou s'il n'est pas en nombre pour délibérer, il faut faire une deuxième et, au besoin, une troisième convocation, car ce n'est qu'après la troisième convocation qu'on peut statuer ; et comme il faut observer les délais de convocation posés par la loi, le conseil peut se trouver dans l'impossibilité de statuer dans les dix jours ainsi que la loi le veut.

M. Van Wambekeµ. - Cela peut arriver aussi pour le conseil échevinal.

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Ce n'est pas tout à fait la même chose. Lorsqu'un membre refuse de siéger, il est remplacé par le membre du conseil inscrit le premier au tableau ; mais quand le conseil ne veut pas se réunir il n'en est pas de même.

M. Coomans. - Cela est rare. Donc il ne faut pas s'en occuper.

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Il faut s'occuper de ce qui est possible. Quoi qu'il en soit, la modification proposée n'est pas d'une importance telle, qu'il faille s'animer beaucoup. Je vous ai dit quel est le but du gouvernement. Je le répète, il a voulu qu'on pût procéder à l'examen des listes électorales avec plus de célérité et qu'il y eût plus d'uniformité dans nos lois électorales.

M. Bouvierµ. - Il y a appel.

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Sans doute il y a appel, Pour ne pas abuser du temps de la Chambre, je ne veux pas rencontrer les observations et les critiques faites, c'est inutile.

La Chambre appréciera.

M. de Theuxµ. - En examinant attentivement l'article présenté par le gouvernement, je me suis dit qu'il était inadmissible, et en voici les motifs : c'est que le collège échevinal, dans les petites communes surtout, est réellement juge et partie. A chaque élection communale, la moitié du collège échevinal doit sortir. Le collège échevinal a donc intérêt à ce que la liste des électeurs communaux lui soit le plus favorable possible.

En aucune matière, messieurs, on n'admettrait cela. Je ne crois pas davantage devoir l'admettre en matière politique.

MfFOµ. - C'est la même chose pour le conseil.

M. Coomans. - Non.

M. Thonissenµ. - Pas au même degré.

M. de Theuxµ. - Il y a une grande différence. Il est certain qu'un bourgmestre et ses deux échevins ont une bien autre influence sur le jugement des réclamations que le conseil communal. Cela ne peut être sérieusement contesté.

On a dit qu'il y a une anomalie en ce que dans les villes où le cens est le même que pour les conseils provinciaux et communaux, c'est le collège échevinal qui dresse la liste, sauf quelques rectifications à faire pour l'élection communale.

Mais notez l'immense différence qu'il y a dans la pratique.

Dans les grandes villes, le collège échevinal est composé de 5 membres, et le nombre des électeurs se compte par milliers. Alors quelle est l'importance de la question ? Elle est nulle pratiquement. Mais, dans les communes où il n'y a qu'un bourgmestre et deux échevins, il y a peu d'électeurs, et là l'importance du jugement par le conseil communal ou par le conseil échevinal diffère du tout au tout. C'est là une question de bonne foi.

Faut-il, pour rétablir l'harmonie, faire cesser cette exception qui n'existe que dans quelques communes où elle est sans importance, et sacrifier l'intérêt de milliers de communes d'un rang inférieur ?

Cela ne peut pas être sérieusement discuté !

J'ai donné les motifs de la différence qui existe entre la loi communale et la loi électorale. Cette différence saute aux yeux.

Il n'est pas possible d'admettre que les collèges des bourgmestre et échevins soient juges en première instance des réclamations contre les (page 873) listes communales. Cela serait tellement exorbitant que je ne concevrais pas qu'un pareil système, pût rencontrer des adhérents dans cette Chambre.

Je suis loin de penser que M. le ministre de l'intérieur ait jamais l'intention de chercher à exercer directement une influence sur les élections, mais je signale le fait et il suffit qu'il soit signalé pour que la Chambre ne puisse pas le consacrer.

M. Tack. - L'objet eu discussion est assez important pour mériter de fixer un instant l'attention de la Chambre.

Sous l'empire de la législation en vigueur, ce sont les collèges échevinaux qui procèdent au travail préliminaire de la révision des listes électorales pour les Chambres, pour la province et pour la commune.

Mais ils n'arrêtent définitivement que les listes pour les Chambres et pour la province. C'est le conseil communal qui arrête définitivement les listes pour la commune.

En d'autres mots : les réclamations contre la formation des listes pour la Chambre et pour la province sont adressées au collège échevinal, qui statue en première instance.

Les réclamations contre la formation des listes dressées pour les élections communales sont envoyées au conseil communal, qui statue également en première instance, et cela s'applique à toutes les communes, même à celles qui ont une population de 15,000 habitants. M. Muller vous a dit que, dans les communes dont la population est de 15,000 habitants, ce sont les collèges échevinaux qui arrêtent définitivement les listes.

M. Mullerµ. - Pour ceux qui sont admis comme électeurs aux Chambres.

M. Tack. - Eh bien, non, cela n'est point et je vous dirai tantôt pourquoi.

Le gouvernement propose d'enlever leurs attributions aux conseils communaux pour en investir les collèges des bourgmestre et échevins.

J'admets qu'il conviendrait que la même autorité décidât, en première instance sur les réclamations élevées contre la formation des listes électorales.

Et en effet, il y a quelque chose d'anomal à ce que deux autorités peuvent être appelées parallèlement et, pour ainsi dire, au même moment, à statuer, en première instance, sur une même question, et ensuite l'autorité qui doit décider en degré d'appel, c'est-à-dire, la députation permanente, se trouver en présence de deux décisions contraires, prises sur la même question, par les juges de première instance.

La position de celui qui réclame contre la formation des listes n'est pas moins étrange ; il est obligé de s'adresser à deux autorités distinctes, pour faire trancher la même question, par exemple, une question de nationalité ; battu d'un côté, il triomphe de l'autre, et à l'instant, toutes sortes de complications surgissent quant au pourvoi en appel : le réclamant devient, d'un côté, intimé et, de l'autre, appelant.

Il suffit de signaler ces anomalies et ces difficultés, pour établir qu'il est désirable d'introduire plus d'uniformité dans la législation électorale.

Mais se présente la question de savoir à laquelle des deux autorités il convient de confier, en première instance, la clôture des listes électorales, ou, si vous voulez, le soin de statuer sur les réclamations contre la formation des listes électorales.

Au premier coup d'œil, il semble que c'est au collège des bourgmestre et échevins qu'il faut accorder la préférence.

Le collège échevinal est mieux à même d'expédier promptement cette besogne, et de se renfermer dans les délais de la loi. On pourrait ajouter, je suis ici d'accord avec M. le ministre de l'intérieur, on pourrait ajouter que, de même que les députations permanentes, et non pas les conseils provinciaux, décident en degré d'appel, de même les collèges échevinaux, et non pas les conseils communaux, doivent statuer en première instance.

Mais je vous avoue que j'attache un grand prix à la publicité qui est donnée aux débats des conseils communaux ; il y a là une puissante garantie pour ceux dont les droits pourraient être méconnus. Le collège échevinal délibère à huis clos, et souvent ses décisions sont à peine motivées ; cela peut présenter de graves inconvénients, comme l'a fait observer, tantôt, M. Liénart.

Le collège échevinal tient sa nomination du gouvernement, le conseil communal est l'émanation directe du corps électoral, au fond il en est de même de la députation permanente. Le pouvoir électif en première instance et en degré d'appel, le pouvoir judiciaire en matière de cassation, voilà le système appliqué à la formation des listes électorales pour la commune.

Avec ce système, le gouvernement ne peut peser sur la formation des listes électorales.

Mais supposez qu'un jour on introduise dans la loi pour la confection des listes électorales les principes qui ont été adoptés hier pour la formation des listes relatives aux établissements et aux professeurs aptes à délivrer des certificats de fréquentation des écoles moyennes. Qu'arriverait-il ? C'est que le gouvernement disposerait complètement de la formation des listes électorales ; cela serait surtout vrai, si par un moyen quelconque on parvenait jamais à faire perdre aux députations permanentes, en tout ou en partie, l'indépendance dont elles jouissent actuellement.

Je le déclare franchement, ces considérations me font hésiter.

Je me demande, au surplus, si l'on a bien réfléchi aux conséquences qu'entraînerait le vote de l'article 24.

S'est-on bien rendu compte des difficultés qui peuvent surgir dans l'application ? La formation des listes électorales pour les Chambres et la province est subordonnée à d'autres formalités et à d'autres délais que celle des listes électorales pour la commune.

De plus, tel qui a le droit de réclamer contre la formation des listes pour la commune, n'a pas ce droit quand il s'agit de listes pour les Chambres. Il suffit, pour se rendre compte de ces différences, de jeter un coup d'œil sur les articles 8 et 9 de la loi électorale et de les comparer aux articles 14 et 15 de la loi communale.

Quels seront les délais et les formalités qu'il faudra appliquer ? Sont-ce les délais et les formalités que prescrit la loi électorale, ou bien se rapportera-t-on aux prescriptions de la loi communale, ou faudra-t-il combiner les dispositions des lois communales et provinciales ?

Je vois là des difficultés sérieuses qu'il aurait fallu prévoir ; on ne l'a pas fait. C'est ce qui me porte à croire que la disposition de l'article 24 a été un peu improvisée.

II y a un grave inconvénient à improviser en cette matière ; nous en avons la preuve dans ce qui est arrivé en 1848, lorsque l'on a décidé que les listes électorales formées pour l'élection à la Chambre serviraient en même temps pour l'élection à la commune, là où la population «'élève à 15,000 habitants et où, par suite, le cens est le même, qu'il s'agisse d'élections pour la Chambre, la province ou pour la commune.

Cette disposition fut également improvisée, on s'aperçut trop tard qu'elle est inexécutable. On s'était dit : Il est tout simple, puisque, dans ces communes, le cens est uniformément fixé à 42 fr. 32 c., que les mêmes listes serviront pour les Chambres, pour la province et pour la commune. Inutile de faire un double travail, simplifions la besogne administrative, disons qu'on fera une seule liste pour les trois élections, et les listes supplémentaires où seront portés ceux qui ne sont pas électeurs pour la Chambre, mais bien pour la province et pour la commune ; tels que ceux qui ont obtenu la petite naturalisation, les délégués de veuves et en outre, en matière d'élections communales, le fermier du chef du tiers de la contribution foncière, ainsi que ceux qui ont atteint leur 21ème année.

Mais on avait perdu de vue trois choses bien distinctes ; c'est qu'on peut, sous l'empire de la législation actuelle, avoir droit d'être inscrit dans une commune sur la liste électorale pour les Chambres et la province, et n'avoir pas le droit d'être inscrit, dans la même commune, sur les listes pour les élections communales. Tel est le cas de celui qui n'est pas domicilié au 1er janvier dans la commune où il s'est fait inscrire ; celui-là, même dans une commune où il y a 15,000 habitants, n'a pas le droit d'être porté sur la liste communale ; il a le droit de figurer sur la liste générale et non sur la liste communale.

L'honorable M. Muller tire argument, pour prétendre le contraire, d'une disposition de la loi du 31 mars 1848, ainsi conçue : « Dans ces dernières communes (celles qui ont une population de 15,000 habitants), les listes électorales formées pour l'élection à la Chambre des représentants serviront pour l'élection an conseil communal. » Cette disposition a été introduite ex abrupto par voie d'amendement dans la loi.

M. Mullerµ. - Que signifiait-elle alors ?

M. Tack. - On s'est trompé.

- Voix à gauche. - Oh ! oh !

M. Tack. - Certainement. Consultez les commentateurs de la loi communale, M. Bivort notamment, et vous verrez, qu'il déclare que la disposition que je viens de citer est inexécutable et, en fait, elle n'est pas exécutée. On fait deux listes distinctes ; l'une pour les élections générales, l'autre pour les élections communales.

(page 874) M. Mullerµ. - Du tout ; voici ce que porte le second paragraphe de l'article :

« Néanmoins, tout habitant qui ne figurerait pas sur cette liste et qui aurait droit à être électeur communal en vertu des articles 7, 8 et 10 de la loi du 30 mars 1836, sera porté sur une liste supplémentaire, soit d'office, soit en adressant sa réclamation dans le délai fixé par cette loi. »

Or, cette liste supplémentaire, c'est relativement aux contributions des veuves, c'est relativement aux naturalisations. Mais ceux qui sont inscrits de plein droit sur la liste aux termes du premier paragraphes sont électeurs communaux ; sans cela l'article n'aurait pas de sens.

M. Tack. - Il s'agit là des listes supplémentaires.

M. Mullerµ. - Précisément.

M. Tack. - Eh bien, vous décidez la question par la question.

M. Mullerµ. - Mais non !

M. Tack. - Certainement. Quand cette disposition a été votée, elle n'avait été l'objet d'aucune discussion. Un amendement a été introduit, je le répète, ex abrupto, et c’est après coup seulement qu'on s'est aperçu que la disposition était inexécutable. (Interruption.)

Mais, messieurs, croyez-vous que, par cet amendement voté sans qu'on ait pu en calculer la portée, on ait voulu enlever aux conseils communaux le droit de statuer sur lés listes électorales ?

M. Mullerµ. - Certainement.

M. Tack. - Mais non, messieurs ; on n'en a pas dit un seul mot. Croyez-vous que par cette disposition, votée au pas de course, on ait voulu implicitement modifier l'article qu'on sent le besoin aujourd'hui d'abroger ?

Croyez-vous qu'on ait entendu enlever au conseil communal ses prérogatives, supprimer la condition que, pour être électeur à la commune, il faut y être domicilié au 1er janvier qui précède l'époque de la formation des listes ? Croyez-vous que, par la disposition de la loi du 31 mars 1848, que je citais tout à l'heure, on ait entendu abroger toutes les autres dispositions qui concernent ces délais et les formalités à remplir pour les réclamations contre les listes électorales communales ?

Evidemment non. Ce qu'on a voulu, c'est d'introduire une simplification administrative et rien de plus. On s'est dit : Simplifions la besogne. A quoi bon faire deux listes, là où le cens est uniformément fixé à 42 fr. 32 c. ? Qu'on fasse des listes supplémentaires où seront portés ceux qui ont droit à prendre part aux élections pour la commune et non pour les Chambres.

On n'a pas réfléchi qu'il y avait, sous d'autres rapports, des différences fondamentales entre la loi électorale et la loi communale. On a perdu de vue, comme je l'affirmais tantôt, trois choses : qu'on pouvait être électeur dans une commune pour les élections aux Chambres et ne pas l'être pour les élections à la commune ; que deux autorités distinctes statuaient en première instance sur les listes électorales selon qu'il s'agissait des Chambres ou de la commune ; finalement que les délais à observer et les formalités à remplir pour les réclamations contre la formation des listes électorales variaient d'après les deux cas. Ainsi, comme je viens de le dire, dans beaucoup de communes la disposition de la loi du 31 mars 1848 n'est pas exécutée, parce qu'on la considère comme inexécutable.

La disposition de cet article, que la Chambre veuille bien le remarquer, ne touche pas à la réforme électorale, elle n'étend point le droit électoral, elle révise un article de la loi communale.

N'aurait-il pas mieux valu faire un travail d'ensemble ou ne rien faire du tout sous ce rapport, mais se borner strictement aux questions qui se rattachent à la réforme électorale ?

C'est mon avis ; aussi je pense que la Chambre ferait peut-être bien de remettre à d'autres temps, pour en faire un plus mûr examen, les dispositions du projet de loi qui sont étrangères à l'objet principal qui nous occupe.

MfFOµ. - Je vais essayer d'abréger le débat. Je souscris assez volontiers aux observations par lesquelles l'honorable M. Tack vient de terminer.

Dans les deux systèmes, il y a évidemment des inconvénients, surtout pour les petites communes. Comme l'a dit l'honorable M. de Theux, il y a des inconvénients politiques à donner au collège échevinal le droit de statuer en cette matière. Je l'accorde. Mais il faudra bien qu'on me concède aussi que ces inconvénients sont équivalents lorsqu'il s'agit du conseil communal. Là aussi ce sont ceux qui sont appelés à être jugés par les électeurs, qui sont chargés de la révision des listes.

M. de Theuxµ. - Ce n'est pas la même chose ; il y a plus de garanties.

MfFOµ. - L'esprit de parti, l'esprit politique peut animer l'un et l'autre corps ; et dès lors le résultat possible est le même, avec cette seule différence que, dans le premier cas, il y a un nombre de personnes moindre que dans le second.

- Plusieurs membres. - Et la publicité !

MfFOµ. - Oui, il y a cet avantage, je le reconnais ; mais vous conviendrez aussi qu'il y a des inconvénients dans les deux systèmes.

Il y a, en outre, ceux qui résultent des anomalies signalées par plusieurs membres et que le projet de loi tendait à faire disparaître. Il y a aussi celui qui a été signalé par mon honorable ami, M. Muller. Il faudrait donc arriver à un système plus satisfaisant que celui qui existe aujourd'hui.

Aussi, nous ne faisons aucune difficulté, pour abréger la discussion, de retirer cette disposition ; nous examinerons ultérieurement quel est le mode qu'il convient d'adopter pour donner plus de garanties en matière de révision des listes électorales aux divers degrés.

MpVµ. - L'article 24 étant retiré, nous passons à l'article 25.

Article 25

« Art. 25. Par dérogation à l'article 5 de la loi provinciale, les mères veuves peuvent, à défaut de fils, déléguer leurs contributions à celui de leurs gendres qu'elles désigneront.

M. Tack. - Les articles 5 paragraphe 4 de la loi provinciale et 8 paragraphe 2 de la loi communale en vertu desquels la mère veuve peut déléguer le cens qu'elle paye, à son fils ; et, en matière d'élection communale, à son gendre à défaut de fils, ont donné. lieu à des abus réels que nous signale la section centrale.

Il est arrivé que des mères veuves ont délégué à la fois à plusieurs de leurs fils ou de leurs gendres le droit électoral et se sont ainsi ménagé plusieurs votes.

Des doutes se sont même élevés sur la question de savoir si la mère veuve peut déléguer le cens à son fils ou à son gendre domicilié dans une commune autre que celle qu'elle habile.

A l'occasion de la discussion de l'article 25, la section centrale déclare qu'il doit être entendu désormais que la mère veuve ne pourra déléguer le cens soit à son fils, soit à son gendre, que pour le cas où il est domicilié dans le même commune qu'elle.

Je suis d'accord avec la section centrale qu'il convient que cela soit ; l'observation de la section centrale s'applique à la loi communale comme à la loi provinciale ; mais une simple déclaration consignée dans un rapport de la section centrale peut-elle avoir pour effet d'interpréter la portée et le sens de la loi communale, laquelle loi communale n'est pas en question dans la disposition de l'article 25 qui nous occupe ?

Je trouve que cette déclaration de la section centrale est complètement inopérante. (Interruption.)

Est-il entendu que désormais la mère veuve ne pourra déléguer le cens qu'au fils ou au gendre domicilié dans la même commune où elle a son domicile ?

M. Mullerµ. - La loi le dit positivement.

M. Tack. - L'article du projet ne parle que de la loi provinciale, il ne parle pas de la loi communale.

M. Mullerµ. - La loi communale est assez explicite sur la question du domicile du fils ou du gendre délégué. L'article 8 porte au paragraphe 2 :

« La veuve payant le cens pourra le déléguer à celui de ses fils, ou, à défaut de fils, à celui de ses gendres qu'elle désignera, pourvu qu'il réunisse les antres qualités requises pour être électeur. »

Maintenant, d'après l'article 7, il faut avoir son domicile réel dans la commune, au moins depuis le 1er janvier.

M. Tack. - Il ne s'agit que de la loi provinciale dans le projet ; faudra-t-il interpréter la loi communale comme la loi provinciale ?...

M. Mullerµ. - Je viens de lire le texte de la loi communale...

M. Tack. - En matière d'élections provinciales, il faut également avoir son domicile réel dans la commune, pour avoir droit de s'y faire inscrire sur les listes concernant les élections provinciales, et pourtant la section centrale a jugé bon de déclarer qu'il est entendu que le gendre délégué doit avoir le même domicile que la mère ; preuve que le texte de la loi communale ne tranche pas la question.

M. Hymans, rapporteur. - Un mot d'explication. Un membre de la section centrale avait attiré son attention sur un abus qui existait, (page 875) d'après lui, et qui consistait en ce que des veuves déléguaient leurs contributions à plusieurs fils ou plusieurs gendres, domiciliés dans des communes différentes. Nous avons dit que cette pratique était illégale, mais la section centrale n'a pas entendu faire de son opinion une disposition législative.

M. Tack. - Il serait bon d'empêcher par une disposition formelle ces fraudes, au point de vue de la loi provinciale, comme au point de vue de la loi communale.

- Un membre. - Cela existe déjà dans la loi communale.

M. Tack. - Si l'on est d'accord qu'il est inutile de compléter la loi communale sous ce rapport, je n'insiste pas ; mais je doutais que l'on pût, d'une manière certaine, assigner à la loi communale la portée qu'on lui attribue.

M. Lelièvreµ. - Je pense qu'à l'occasion de l'article en discussion, il convient de trancher une question que fait naître la législation actuelle, celle de savoir si la veuve peut déléguer ses contributions au fils ou gendre qui n'habite pas la commune où la mère a son domicile.

Cette question s'est présentée l'année dernière. Une mère, ayant son domicile à Corroy-le-Château, avait délégué ses contributions à son fils, demeurant à Namur. Le collège échevinal décida qu'il n'y avait pas lieu à inscrire le fils sur la liste électorale de Namur ; mais cette résolution fui réformée par la députation permanente.

Je pense que le moment est venu de résoudre cette question, et tel est l'objet de mon amendement.

Les lois communale et provinciale ne s'expliquent pas sur ce point, mais il me paraît évident que le fils ou le gendre délégué doit avoir son domicile dans la commune habitée par la mère. En effet, il représente la famille communale, et cette famille est réputée exister là où la mère veuve a son domicile. Par conséquent, il est indubitable que la loi suppose que le délégué doit avoir son domicile au siège même où se trouve cette famille. En tout cas, il est important de savoir à quoi s'en tenir à cet égard. C'est pour ce motif que j'ai déposé un amendement ayant pour objet de faire cesser la difficulté.

MpVµ. - M. Lelièvre présente l'amendement suivant :

Je propose d'ajouter les dispositions suivantes à l'article 25.

« La délégation n'est permise qu'en faveur du fils ou du gendre domicilié dans la commune où la veuve a son domicile.

« La disposition qui précède est également applicable à la délégation énoncée à l'article 8 de la loi communale. »

M. Notelteirsµ. - Messieurs, aux termes de l'article 5 de la loi provinciale, les mères veuves peuvent déléguer leurs contributions à celui de leurs fils qu'elles désignent, et le fils désigné par sa mère est porté sur la liste supplémentaire, s'il réunit d'ailleurs les autres conditions exigées par la loi.

Il résulte de là que le fils délégué peut joindre ses propres contributions à celles qui sont payées par sa mère veuve, et former ainsi son cens électoral.

Maintenant, aux termes de l'article 8 de la loi communale, la veuve payant le cens peut le déléguer à celui de ses fils ou, à défaut de fils, à celui de ses gendres qu'elle désigne, pourvu qu'il réunisse les autres qualités requises pour être électeur.

Ici les deux cotes ne peuvent pas se joindre. La mère, pour déléguer son droit, électoral, doit payer elle-même la cote complète.

Je demande s'il ne conviendrait pas de mettre ces deux dispositions en harmonie l'une avec l'autre.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Messieurs, aux termes de l'article 5 de la loi provinciale, il peut se présenter deux cas.

Le premier cas est celui d'une mère qui délègue ses contributions à son fils, alors que son fils ne serait pas domiciliée dans la même commune qu'elle.

Le second cas est celui-ci : si le fils est domicilié dans une autre commune, peut-il venir voter dans la commune de sa mère ?

Dans la seconde hypothèse, il est impossible qu'un fils ayant été substitué à sa mère et qui est domicilié à Bruxelles, aille voter à Gand, alors que sa mère habite cette dernière ville.

Quant à la question de savoir si la mère peut déléguer à son fils domicilié dans une autre localité ses contributions pour lui créer le cens électoral, c'est un point extrêmement important. J'avoue que la disposition est douteuse, a la simple lecture de l'article 5 de la loi provinciale.

Maintenant, l'honorable M. Lelièvre demande qu'une veuve ne puisse déléguer ses contributions à son fils, que lorsque le fils habile la même commune que la mère ; j'e ne vois pas qu'il y ait le moindre inconvénient à ce que la veuve puisse déléguer ses contributions à son fils qui habite une autre commune qu'elle, pourvu que le fils vote là où il est domicilié.

J'entends d'honorables membres dire que la femme n'a pas d'intérêt communal dans une autre ville. C'est possible, vous vous imaginez donc que le vote du fils a lieu par mandat de la mère ; vous voulez prétendre que le fils va déposer dans l'urne le vote qui lui sera dicté par sa mère ? Or, le vote est exclusivement personnel.

Je ne dis pas qu'il n'y a pas d'argument en faveur de votre opinion, mais je me demande si, nous occupant d'une loi qui étend le suffrage universel, il y a des inconvénients sérieux à faire cette extension.

Si la Chambre ne veut pas aller jusqu'à cette extension, elle la rejettera. Mais je ne verrais aucune espèce d'inconvénient à ce qu'une mère délègue des contributions à son fils ou à son gendre pour qu'il puisse voter dans une autre commune, s'il réunit d'ailleurs toutes les autres conditions.

L'honorable M. Dumortier me fait signe qu'il est de mon avis. Dans ce cas, on pourrait introduire une modification dans l'article, et d'ici au second vote on arrêterait une rédaction définitive.

M. Coomans. - Il me semble que l'opinion de M. le ministre de la justice n'est pas conforme aux principes.

On ne peut déléguer que ce que l'on a. Or, quel est le but du droit de suffrage ? C'est une intervention dans le ménage communal. La mère, en déléguant ses contributions à un fils ou à un gendre, est censée participer à la direction du ménage communal ; ses intérêts sont représentés par son fils ou par son gendre.

Mais s'il n'en est pas ainsi, vous accorderez aux femmes un droit de suffrage bien supérieur à celui dont jouissent les hommes. L'homme ne peut voter que dans sa commune, ou dans son canton, ou dans son arrondissement. et la femme pourrait voter dans une autre commune, dans un autre canton, dans un autre arrondissement.

Si la mère délègue ses contributions à un électeur non domicilié dans sa commune, une mère des Flandres pourra créer un électeur luxembourgeois. Cela est tout à fait contraire aux principes.

Du reste il y a, au point de vue de la logique où je me place, une autre difficulté dont on n'a dit mot encore. La mère veuve pourra-t-elle déléguer à son fils ou à son gendre des contributions insuffisantes pour former le cens ? Ou faut-il que la mère possède le cens complet ?

M. le ministre de la justice (M. Bara). - C'est une autre question.

- Un membre. - On est d'accord.

M. Coomans. - On est d'accord. Il faut que la mère possède le cens requis pour l'électorat. Cela n'est cependant pas décrété ; la question n'est pas décidée. Je crois qu'elle devrait l'être dans le sens affirmatif, par la raison que l'on ne peut déléguer que ce que l'on a.

Non seulement vous permettriez, en suivant l'opinion de l'honorable ministre, qu'une femme eût plus de droits électoraux que les hommes ; mais vous donneriez le droit électoral à une femme dont la contribution ne formerait pas le cens requis par la loi. Cela ne se peut pas. Il faut que le délégué habite la commune de la mère ou de la belle-mère et il faut en outre que les contributions de la mère forment le cens requis par la loi. Sinon, je dois le répéter, l'anomalie serait forte. Vous permettriez à une femme d'un canton de créer un électeur d'un autre canton.

MfFOµ. - Non.

M. Coomans. - M. le ministre de la justice vient de dire que la question n'est pas décidée, et il ne voit aucun inconvénient à ce qu'elle le soit dans le sens de l'hypothèse que je pose.

Mettez-vous d'accord, MM. les ministres. Vous permettrez également, dans votre hypothèse, à une femme dont la contribution ne forme pas le cens légal, d'exercer en quelque sorte un droit électoral. Cela est contraire aux principes.

Désirez-vous que les femmes soient électrices ? Nous examinerons la question. Mais vous voulez leur accorder beaucoup plus que vous n'accordez aux hommes. C'est aller trop loin dans le sens de l'opinion des partisans du suffrage féminin.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - L'honorable M. Coomans a présenté une observation qui avait déjà été indiquée par l'honorable M. Lebeau, à savoir que le fils électeur serait électeur dans une autre commune que celle de sa mère, et par conséquent dans une commune où celle-ci n'aurait pas intérêt dans le ménage communal.

C'est une erreur, qu'une expression impropre dont je me suis servi aura pu lui faire commettre. Il s'agit ici de la province. L'article dit : « Par dérogation à l'article 5 de la loi provinciale. »

(page 876) Il s'agit donc des élections dans la province. Voilà, dans le même canton, une mère et un fils qui demeureront dans des localités différentes. Quel inconvénient y a-t-il à ce que la mère délègue ses contributions à son fils ?

Je vais plus loin : les contributions ne sont pas souvent payées dans la commune même où l'on vote. Des personnes peuvent avoir leur fortune à Anvers et voter à Bruxelles.

Ce qu'on a voulu pour les élections communales, c'est qu'une personne ait des garanties au point de vue du cens.

M. Coomans. - Et un intérêt.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Un intérêt ! Le fils l'aura par sa résidence.

Par conséquent, la délégation que je propose, d'étendre pour le fils qui habite une autre commune que la mère, me paraît en tous points conforme aux principes.

M. Dumortier. - Je crois que nous nous occupons ici bien longuement d'une affaire qui n'en vaut pas la peine ; car de quoi s'agit-il ? Il s'agit tout simplement d'étendre, quant au gendre, la disposition qui existe quant au fils. Tout le reste est en dehors de la loi.

Maintenant on a beau argumenter sur la question de savoir si la délégation devait être entière, si la contribution pouvait être jointe à d'autres. Il suffît, messieurs, d'examiner les lois dans leur texte pour voir que, dans la loi communale, on ne peut pas adjoindre les contributions, tandis que, dans la loi provinciale, on peut les adjoindre. Cela est assez étrange ; mais c'est ainsi écrit.

Que porte la loi communale : « Les veuves payant le cens pourront le déléguer, etc. » Ainsi ici, c'est le cens qui se délègue ; et comme on ne peut jouir qu'une fois du cens, on ne peut naturellement le déléguer qu'une fois.

D'après l'article 25 de la loi provinciale, les mères peuvent déléguer leurs contributions à ceux de leurs fils qu'elles désigneront. Ici c'est la contribution qu'elles délèguent. D'où il semble résulter que, pour la commune, le cens doit être complet, tandis que, pour la loi provinciale, il ne doit pas être complet (Interruption.) La loi existe, je me borne à citer le fait. C'est une anomalie, mais une anomalie légale.

On dit : la veuve pourra déléguer une personne qui n'habite pas la localité où elle réside. Qu'est-ce que cela fait ? S'il s'agissait d'impôts communaux, je comprendrais qu'il fût indispensable de résider dans la commune où ils sont payés ; mais il s'agit d'impôts payés à l'Etat, or, tout habitant de la Belgique est dans l'Etat.

Je crois, messieurs, que si des difficultés peuvent exister sur ce point, c'est à la cour de cassation qu'il appartient de statuer : quant à nous, nous n'avons qu'à voter la loi telle qu'elle est proposée, sauf à renvoyer l'amendement de M. Lelièvre à la cour de cassation.

M. Lelièvreµ. - Je désire que la Chambre se prononce sur la question qui lui est soumise. Si donc M. le ministre de la justice veut proposer un autre système que celui énoncé en mon amendement, je demande qu'il dépose une proposition qui fasse disparaître le doute.

Du reste, messieurs, je persiste à croire que mon système est le plus conforme à l'esprit et à la lettre des lois communale et provinciale. Pour se convaincre de cette vérité, il faut se pénétrer des motifs sur lesquels est fondé le droit de déléguer conféré à la mère. Lorsqu'une mère veuve paye les contributions suffisantes pour le cens électoral, il existe une famille au sein de la commune ayant des intérêts tels, qu'elle a le droit de compter dans la gestion des affaires publiques. La mère se trouve, comme femme, frappée de l'incapacité d'exercer le droit électoral ; la loi veut que s'il existe, un membre de la même famille, un fils ou un gendre, ce soit ce membre apte à l'exercice du droit qui en soit investi.

Or, ce motif suppose évidemment que le fils ou gendre réside en la commune de la mère, parce que le délégué représente celle-ci, parce qu'il représente la famille communale dont il exerce les droits, parce que c'est évidemment au nom de cette famille et comme représentant les intérêts de celle-ci, qu'il est appelé à voter.

Je pense donc que mon système est conforme à l'esprit de nos lois. Du reste, si on veut changer cet état de choses, il importe qu'on décrète de nouvelles dispositions. Sans cela, je persiste à croire que c'est un système qui doit prévaloir sous l'empire de la législation actuelle.

- L'article 25 est mis aux voix et adopté.

La disposition additionnelle, proposée par M. Lelièvre, est mise aux voix ; elle n'est pas adoptée,

Chapitre III. Dispositions transitoires

Article 26

« Art. 26. Les écoles primaires supérieures fondées en exécution de l'article 33 de la loi du 23 septembre 1842, sont considérées comme établissements d'instruction moyenne. »

M. Funckµ. - Je propose de rédiger l'article 26 de la manière suivante :

« Les écoles primaires supérieures fondées en exécution de l'article 33 de la loi du 23 septembre. 1842, ainsi que les écoles primaires fondées par les communes et où l'on enseigne les matières énumérées dans l'article 34 de la même loi, sont considérées comme établissements d'instruction moyenne. »

Voici, messieurs, les motifs de la modification que j'ai l'honneur de soumettre à vos délibérations.

Le gouvernement propose de considérer comme écoles moyennes les écoles primaires supérieures fondées conformément à l'article 33 de la loi sur l'enseignement primaire. L'article 34 de la même loi indique les matières qui constituent l'enseignement des écoles primaires supérieures du gouvernement ; mais en dehors de ces écoles, il en existe d'autres, fondées par les communes et où se donne le même enseignement ; il est juste de mettre celles-ci sur la même ligne que les écoles primaires supérieures fondées par le gouvernement, et qui, pour la plupart du moins, sont devenues aujourd'hui des écoles primaires.

MfFOµ. - L'amendement de l'honorable membre est inutile ; l'article 5 de la loi contient le principe général.

« Outre les établissements soumis au régime de la loi du 1er juin 1850, sont considérés comme établissements d'instruction moyenne ceux qui, pour être utilement fréquentés, exigent la connaissance préalable des matières faisant partie de l'enseignement primaire.»

M. Funckµ. - Dans les écoles dont je viens de parler, on donne également l'enseignement primaire.

MfFOµ. - Déjà hier, en répondant à l'honorable M. de Theux, mon collègue de l'intérieur a déclaré que les établissements qui avaient à leur base l'enseignement primaire, mais qui avaient des cours supérieurs constituant l'enseignement moyen, étaient dans les conditions voulues.

M. Funckµ. - Puisque nous sommes tous d'accord, pourquoi ne pas adopter mon amendement ? On a jugé utile de faire une réserve pour les écoles primaires supérieures fondées par le gouvernement, pourquoi ne pas faire la même réserve pour les écoles primaires supérieures fondées par la commune ?

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - L'honorable membre perd de vue que nous discutons des dispositions transitoires. On parle des écoles primaires supérieures qui n'existent plus ; on dit que les élèves qui oui fréquenté ces écoles avant 1850, date de la suppression, seraient considérés comme ayant suivi un cours d'enseignement moyen ; car les écoles primaires supérieures fondées en vertu de la loi de 1842 ont été transformées en écoles moyennes par la loi de 1850.

M. Funckµ. - Il existe aussi des écoles primaires qui ne sont pas des écoles primaires supérieures et où l'on donne le même enseignement que dans celles-ci.

L'article 5 que nous avons voté parle d'écoles dont la fréquentation exige la connaissance de l'enseignement primaire ; tandis que dans les écoles auxquelles je fais allusion, on donne en même temps l'enseignement primaire proprement dit et l'enseignement primaire supérieur.

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Les écoles primaires supérieures communales ne doivent pas figurer dans la loi. On ne parle ici que des écoles primaires supérieures du gouvernement qui sont supprimées ou plutôt transformées en écoles moyennes. Quant aux écoles primaires communales, dont le programme est plus étendu que celui des écoles primaires proprement dites, elles rentrent sous l'application de l'article 5. Les députations auront à apprécier si ces programmes sont équivalents à ceux admis dans les écoles moyennes.

M. Funckµ. - S'il est bien entendu que les écoles primaires où l'on donne l'enseignement défini par l'article 5 de la loi de 1842 sont considérées comme écoles moyennes, et que cela résulte de l'article 5, alors je n'insiste pas.

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Cela dépend du programme, la députation reste juge.

(page 877) MpVµ. - M. Funck retire son amendement.

M. Coomans. - Messieurs, je propose la suppression de l'article 26. Il résulte des explications données par le ministère et par l'honorable M. Funck, que cet article est inutile. Il est très restrictif.

M. Vleminckxµ. - C'est une disposition transitoire.

M. Jacobsµ. - La règle suffit.

M. Coomans. - Il vaut mieux le supprimer.

MfFOµ. - Il n'est pas inutile.

M. Tack. - Il faut maintenir l'article ; s'il n'est pas utile pour le présent, il peut être utile pour l'avenir.

- L'article 26 est adopté.

Article 27

« Art. 27. Dans le mois de la publication de la présente loi, les députations permanentes dressent les listes des établissements d'instruction moyenne, ayant existé dans leur ressort depuis 1830.

« Ces listes sont insérées au Moniteur et dans les Mémoriaux administratifs de toutes les provinces et publiées dans toutes les communes du pays. »

MpVµ. - La section centrale propose de remplacer le mot publiées par affichées.

Le gouvernement se rallie-t-il à cet amendement ?

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Oui, M. le président.

M. de Theuxµ. - D'après les déclarations du ministère dans la séance d'hier, il n'est pas douteux que tous les établissements libres et privés équivalant aux écoles primaires supérieures, aux écoles moyennes qui existent, aux écoles d'adultes qu'on est en train de créer, jouiront des mêmes avantages.

II n'y a aucun préjudice apporté à l'enseignement libre. Je fais, messieurs, cette observation parce qu'il s'agit ici de dresser la liste des établissements qui ont existé.

MfFOµ. - Publics ou libres.

M. de Theuxµ. - Il est donc dans l'intention du gouvernement de comprendre tous les établissements libres équivalant aux écoles d'adultes de la seconde section.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - C'est évident.

M. de Theuxµ. - Nous sommes d'accord. Mais pensez-vous qu'il ne serait pas convenable d'ajouter après le mot « moyennes » : « ou des établissements libres équivalant aux écoles d'adultes de la seconde section ? »

MfFOµ. - Le doute n'est pas possible.

M. de Theuxµ. - Alors je n'insiste pas.

M. Dumortier. - Je ne crois pas devoir laisser passer la loi sans obtenir une explication. Il s'agit d'accorder le droit électoral aux personnes qui ont trois années d'études moyennes.

Mais il y a beaucoup de personnes qui ont fait un cours d'humanités sans avoir fréquenté une école moyenne.

MfFOµ. - A fortiori.

- L'article 27 ainsi amendé est adopté.

Article 28

« Art. 28. Dans le mois de la publication des listes, toute personne intéressée, ainsi que tout individu jouissant des droits civils et politiques, peuvent réclamer auprès de la députation permanente contre les omissions ou inscriptions indues.

« A la réclamation est jointe la preuve qu'elle a été notifiée à la partie intéressée, s'il y a lieu.

« La partie intéressée a dix jours pour répondre. »

M. de Theuxµ. - Il me semble que le délai d'un mois est trop court relativement à des établissements qui ont existé. S'il s'agissait d'établissements actuellement existants, je dirais que le délai est suffisant, mais comme il s'agit, d'établissements qui ont existé, dont plusieurs n'existeront plus et se rapporteront peut-être à une époque ancienne, je crois qu'il conviendrait de donner trois mois pour les réclamations, car il faut souvent réunir des pièces probantes.

M. Hymans. - Je proposerai aussi de remplacer le mot « publication » par le mot « affiche ». C'est le terme employé dans l'article 11 de la loi communale.

- Le changement proposé par M. Hymans est mis aux voix. Il n'est pas adopté.

L'amendement de M. de Theux consistant à dire : « dans les trois mois de la publication, etc. », est mis aux voix et adopté.

- L'article ainsi amendé est adopté.

Article 29

« Art. 29. Dans le mois de la notification de la décision de la députation, toute personne ayant été partie dans l'instance, peut se pourvoir auprès du Roi.

« Le gouverneur a la même faculté.

« Au pourvoi est joint la preuve qu'il a été notifié à la partie intéressée, s'il y a lieu.

« La partie intéressée a dix jours pour répondre. »

M. Lelièvreµ. - L'article confère au gouverneur le droit de se pourvoir, mais n'indique pas d'une manière précise le point de départ du délai vis-à-vis de lui. Je pense qu'il est entendu que, vis-à-vis du gouverneur, le délai de dix jours court a partir de la décision elle-même. En effet, il n'y a rien à notifier au gouverneur qui connaît la décision immédiatement. Dès lors le délai doit courir à partir du jour de la résolution de la députation.

M. de Theuxµ. - Je demande de nouveau la parole pour prolonger le délai de dix jours.

Ce délai me paraît être bien court. Il peut y avoir des empêchements, des difficultés.

Je propose de porter ce délai à un mois.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - A l'article 28 la partie intéressée a 10 jours pour répondre. Il faut bien faire attention que la partie intéressée doit connaître la question soulevée.

L'observation n'est pas la même en ce qui concerne l'amendement proposé par M. de Theux.

Je crois que le délai de 10 jours est suffisant. Toutefois si l'honorable membre tient à son amendement, on pourrait fixer le délai dans l'article précédent à 15 jours et le fixer à 15 jours également dans celui-ci.

MfFOµ. - Il y a notification à la partie intéressée...

M. de Theuxµ. - Je demanderai à M. le ministre de l'intérieur une explication.

IIls'agit de dresser la liste des établissements qui ont existé ; cette liste une fois dressée est-elle définitive ou peut-on y ajouter plus tard d'autres établissements ? Voilà la question. Si la liste n'est pas définitive, si tous les ans on peut y faire des additions, je n'insiste pas, mais si la liste est définitive, je crois que le délai d'un mois ne serait pas trop long.

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - L'article 27 porte : a Dans le mois de la publication, les députations permanentes dressent les listes des établissements d'instruction moyenne ayant existé dans leur ressort depuis 1830. » Quand la liste sera dressée elle sera définitive ; on ne peut pas revenir sans cesse sur le passé et dresser tous les ans des listes nouvelles.

- Une voix. - Et s'il y a oubli ?

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - On pourra réclamer dans les délais.

M. de Theuxµ. - A la lecture de l'article, il m'a paru aussi que la liste était définitivement close, et c'est pour cela que j'ai présenté mon observation.

Je demande qu'on laisse un délai d'un mois pour répondre.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Il n'est pas possible, de donner un délai d'un mois pour répondre en première instance alors qu'on n'accorde qu'un délai de 10 jours en première instance.

MpVµ. - J'allais dire que le changement à l'article 29 entraînait un changement à l'article précédent.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Je propose de fixer un délai de 15 jours dans les deux articles.

- L'article 29 ainsi amendé et avec la réserve que le même changement serait introduit dans l'article 28 est mis aux voix et adopté.

Article 30

« Art. 30. Les décisions tant en première instaure qu'en degré d'appel sont rendues publiques, conformément au paragraphe 2 de l'article 27. »

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Je proposerai également une modification à cet article : la Chambre a décidé à l’article 17 (page 878) que les décisions seraient motivées ; il faudra donc dire ici : « Les décisions tant en première instance qu'en degré d'appel sont motivées et rendues publiques, etc. »

- L'article 30 ainsi modifié est mis aux voix et adopté.

Article 31

« Art. 31. Les personnes ayant terminé leurs études avant la mise en vigueur de la présente loi peuvent justifier de leurs années d'étude, soit au moyen de certificats délivrés par les chefs ou professeurs des établissements portés sur les listes dressées en exécution de l'article 27, soit au moyen d'extraits certifiés conformes des registres-contrôles de ces établissements, soit au moyen d'un acte de notoriété signé de cinq personnes et attestant le fait de la fréquentation des classes de l'un de ces établissements pendant trois années au moins. »

MpVµ. - Il y a à cet article un amendement de la section centrale ainsi conçu :

« Ajouter à l'article un paragraphe additionnel, ainsi conçu :

« Si les études ont été faites à l'étranger, la preuve de la capacité s'établit, comme il est dit à l'article 21. »

M. Hymans, rapporteur. - Cet article tombe.

M. Coomans. - Il doit être bien entendu que la personne qui aura fréquenté un ou deux établissements ou davantage en trois ans jouira du bénéfice de la loi.

- Voix nombreuses. - Cela va de soi.

M. Coomans. - Si nous sommes d'accord, je n'insiste pas.

- L'article 31 est mis aux voix et adopté.

Chapitre IV. Pénalités

Article 32

« Art. 32 (projet du gouvernement). Tout individu convaincu d'avoir obtenu son inscription sur les listes électorales, soit à l'aide d'un faux titre de capacité ou d'un titre de capacité ne lui appartenant pas, soit à l'aide d'un faux certificat de notoriété ou d'un certificat ne lui appartenant pas, soit à l'aide d'une patente délivrée pour un traitement qu'il ne touchait pas, sera puni d'un emprisonnement d'un mois à deux ans et d'une amende de 100 francs à 1,000 francs.

« Les tribunaux peuvent en outre lui interdire, pendant un terme de cinq ans au plus, l'exercice de tout ou partie des droits :

« 1° De remplir des fonctions, emplois ou offices publics ;

« 2° De vote, d'élection, d'éligibilité ;

« 3° De porter aucune décoration ;

« 4* D'être juré, expert, témoin instrumentaire ou certificateur dans les actes ; de déposer en justice autrement que pour y donner de simples renseignements ;

« 5° De faire partie d'aucun conseil de famille, d'être appelé aux fonctions de tuteur, subrogé tuteur ou curateur, si ce n'est de ses enfants et sur l'avis conforme du conseil de famille, comme aussi de remplir les fonctions de conseil judiciaire ou d'administrateur provisoire ;

« 6° De port d'armes, de faire partie de la garde civique ou de servir dans l'armée. »

« Art. 32 (amendement de la section centrale). Tout individu qui, pour se faire inscrire sur une liste d'électeurs, se sera attribué frauduleusement, soit un faux tire de capacité, soit un titre de capacité ne lui appartenant pas, ou aura produit sciemment, soit un faux certificat de notoriété, soit un certificat ne lui appartenant pas, soit une patente délivrée pour un traitement qu'il ne toucherait pas, soit un bail simulé, soit une quittance ou des extraits des rôles de la contribution foncière pour des terres qu'il n'exploiterait pas pour lui-même, sera puni d'un emprisonnement d'un mois à six mois et d'une amende de vingt-six francs à deux cents francs.

« Les tribunaux peuvent, en outre, lui interdire pendant deux ans au moins et cinq ans au plus, le droit de vole et d'éligibilité. »

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Par suite du rejet des paragraphes 2 et 3 de l'article 3, il y a une partie de l'article en discussion qui doit disparaître. Les mots : « soit à l'aide d'une patente délivrée pour un traitement qu'il ne touchait, etc. » doivent être supprimés.

M. Crombez. - Est-ce que vous ne vous ralliez pas à l'amendement de la section centrale ?

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Si.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - C'est donc sur l'amendement de la section centrale que portera la discussion. |

M. Crombez. - L'amendement de la section centrale a eu pour but de mettre l'article 32 en harmonie avec l'article premier de la loi sur les fraudes en matière électorale...

M. Coomans. - Du projet de loi.

M. Crombez. - ... du projet de loi sur les fraudes en matière électorale, projet voté par la Chambre et amendé par le Sénat. Puisqu'on a déjà fait un pas dans ce sens, il faudrait peut-être aller plus loin, car les infractions qu'il s'agit de réprimer sont de la même nature que celles qui sont réprimées par l'article premier du projet de loi sur les fraudes électorales. Or, dans cet article premier, il n'y a pas d'emprisonnement comminé, mais simplement une amende de 20 francs à 200 francs.

J'appelle l'attention de la Chambre sur ce point. (Interruption.) L'article premier du projet de loi sur les fraudes ne commine qu'une amende ; l'article que nous discutons en ce moment commine à la fois l'emprisonnement et l'amende. Comme les infractions sont de même nature, je ne vois pas pourquoi il y aurait lieu de modifier les pénalités et d'en imposer de plus fortes dans un cas que dans l'autre.

M. de Theuxµ. - Le gouvernement s'est rallié à la proposition de la section centrale ; mais cette proposition prévoit un cas qui ne peut plus se présenter, après le vote d'hier.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - J'ai prévu l'objection ; je viens d'envoyer une proposition au bureau.

MpVµ. - Le gouvernement propose la suppression des mots : « soit une patente délivrée pour un traitement qu'il ne toucherait pas. »

- L'article ainsi modifié est adopté.

Article 33

« Art. 33 (projet du gouvernement). Seront punis des mêmes peines :

« 1° Ceux qui seront convaincus d'avoir facilité l'inscription d'un électeur en falsifiant un titre de capacité, en lau procurant un faux titre ou en lui fournissant le moyen d'en obtenir un ;

« 2° Quiconque sera convaincu d'avoir, dans le même but, délivré un faux certificat d'étude ou attesté des faits mensongers dans un certificat d'étude ou de notoriété, ou dans une déclaration de traitement d'un employé. »

« Art. 33 (amendement de la section centrale). Seront punis d'un emprisonnement d'un mois à un an et d'une amende de cent francs à mille francs :

« 1° Ceux qui seront convaincus d'avoir cherché à faciliter l'inscription d'un électeur, etc. (le reste comme ci-dessus). »

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Je déclare me rallier à cet amendement.

M. Coomans. - Il y a lieu, je pense, d'effacer ces derniers mots : « ou dans une déclaration de traitement d'un employé. »

MfFOµ. - Cela n'est pas certain.

M. Lelièvreµ. - Je pense qu'il est bien entendu que le n°2 de notre article ne s'applique qu'à celui qui a délivré sciemment un faux certificat, etc. Il faut, en un mot, qu'il y ait intention coupable et que l'agent ait agi avec connaissance de la fausseté des faits énoncés aux pièces et certificats.

- L'article amendé est mis aux voix et adopté.

Article 34 (nouveau)

« Art. 34 (projet de la section centrale). Dans les cas prévus par les deux articles précédents, la poursuite ne pourra avoir lieu que quand la demande d'inscription aura été rejetée par une décision devenue définitive et motivée sur des faits impliquant la fraude.

« Les décisions de cette nature rendues, soit par les collèges des bourgmestre et échevins, soit par les députations permanentes, ainsi que les pièces et renseignements y relatifs, seront transmis par le gouverneur au ministère public, qui pourra aussi les réclamer d'office.

« La poursuite sera prescrite après trois mois révolus à partir de la décision. »

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Le gouvernement se rallie à cette disposition.

M. Coomans. - Nous ne pouvons pas adopter définitivement cet article, car il résulte des déclarations faites par le ministère, au commencement de la séance, que nous réservions la question de savoir si le collège des bourgmestre et échevins serait substitué au conseil communal dans le droit de statuer en première instance sur les réclamations (page 879) auxquelles peut donner lieu la formation de la liste des électeurs communaux,

M. le ministre de la justice (M. Bara). - L'article 24 a été retiré.

M. Coomans. - Il faut donc modifier l'article 34. On y dit : « Les décisions de cette nature rendues, soit par les collèges des bourgmestre et échevins, soit par les députations permanentes, etc. »

Il est évident que cela ne peut pas être maintenu après le retrait de l'article. 24.

MfFOµ. - Il faut maintenir « soit par les collèges des bourgmestre et échevins, » mais y ajouter « soit par les conseils communaux, soit, etc. »

M. Lelièvreµ. - Je pense qu'on pourrait se borner à dire : « Les décisions de cette nature rendues par les autorités compétentes. » Cette locution satisferait à toutes les exigences.

M. Crombez. - L'article 34 nouveau est emprunté à l'article premier du projet de loi sur les fraudes électorales, article qui a été adopté par la Chambre et par le Sénat, et qui porte : « Les décisions de cette nature rendues, soit par les collèges des bourgmestre et échevins, soit par les conseils communaux, soit par les députations permanentes, etc. » C'est donc par oubli ou par erreur que les mois « soit par les conseils communaux » n'ont pas été reproduits dans l'article maintenant en discussion.

-L'article est mis aux voix et adopté avec l'addition des mots : « soit par les conseils communaux. »

Article 35 (nouveau)

« Art. 35 (projet de la section centrale). Les chefs et professeurs d’établissements d'instruction publique moyenne qui, après en avoir été requis, auront refusé méchamment de délivrer les certificats mentionnés dans l'article 4, seront punis d'une amende de vingt-six francs à deux cents francs. »

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Je demande la suppression du mot : « publique » parce qu'il doit être bien entendu que si les chefs d'établissements et professeurs d'établissements privés refusaient méchamment un certificat, ils doivent aussi être punis de l'amende comminée par l'article 35.

M. Coomans. - La suppression proposée par M. le ministre de la justice soulève la question assez grave de savoir si ce n'est pas une atteinte à la liberté de l'enseignement que de forcer des professeurs libres à délivrer des certificats quand il ne leur plaît pas d'en donner. Je ne sais pas de quel droit vous pouvez forcer un citoyen qui a usé d'une liberté illimitée, de donner des certificats quand il lui plaît de les refuser. Je pose la question ; vous la résoudrez. C'est une intervention illicite, selon moi, dans les applications de la liberté de l'enseignement

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Je ne vois véritablement pas en quoi cette disposition touche à la liberté d'enseignement. Le fait de délivrer un certificat n'est pas le fait d'enseigner. Je ne puis pas comprendre pourquoi on ne réprimerait pas le fait d'un professeur de l'enseignement qui méchamment refuserait un certificat à un de ses anciens élèves.

Comment ! vous ouvrez un cours d'instruction ; je le fréquente, et quand je vous demande un certificat qui constate cette fréquentation, vous pourriez me le refuser méchamment ! et vous trouvez que la loi ne doit pas punir ce fait d'une amende ?

II y a des contraventions qui sont punies d'une amende et qui sont des interventions moins grandes dans la vie privée.

Je voudrais bien que l'honorable M. Coomans me dît en quoi on violente la liberté et la volonté d'un professeur privé, parce qu'on lui interdit de refuser méchamment un certificat qui ne constate qu'un fait matériel, la fréquentation de ses cours par un élève.

M. Dumortier. - Il peut se présenter des cas où la position du professeur est assez délicate. Dans tous les établissements, il y a des élèves qui travaillent et qui obtiennent des succès ; il en est d'autres qui travaillent peu ou point et qui sortent de l'école aussi savants qu'ils y étaient entrés...

MfFOµ. - Il ne s'agit pas de cela.

M. Dumortier. - Le professeur ajoutera sur le certificat qu'un tel a passé trois ans dans son établissement, qu'il a été constamment le dernier dans ses classes et qu'il n'a rien appris.

MfFOµ. - Messieurs, si l'article avait la portée que lui attribue l'honorable M. Dumortier, on donnerait à ceux qui ont le droit de délivrer les certificats, une faculté d'appréciation ; ils déclareraient que tel a suivi les cours avec fruit, que tel autre n'a pas fait de progrès. Evidemment, cela n'est pas admissible.

La loi a précisément pour objet d'éviter ces difficultés. D'après la loi, il ne s'agit que de constater un fait matériel.

Certes, parmi les personnes qui produiront un certificat, il y en aura qui n'auront pas profité grandement de l'enseignement qu'elles auront suivi ; mais c'est là l'exception ; en général, ceux qui auront suivi pendant trois années des cours d'enseignement moyen, pourront certainement être présumés avoir la capacité nécessaire pour être admis à l'exercice du droit électoral.

Voilà donc uniquement ce que l'on a voulu obtenir : la constatation du fait matériel de la fréquentation. On évite par là toutes les contestations.

M. de Theuxµ. - Messieurs, je pense aussi qu'on ne peut pas exiger que le certificat constate le degré de science acquis par l'élève.

Mais il me reste quelque doute relativement à la punition qu'on veut infliger à celui qui refusera de délivrer un certificat.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Qui le refusera méchamment.

M. de Theuxµ. - Soit ; mais je crains que quand un professeur sera attrait en justice pour avoir refusé un certificat, ou ne puisse soutenir qu'il l'a refusé méchamment, tandis qu'il n'y aura eu aucune méchanceté de sa part.

Je pense qu'il n'y aurait pas d'inconvénient à supprimer la disposition.

MfFOµ. - Messieurs, je pense que la disposition doit être maintenue. Nous l'avons demandée dans l'intérêt même des établissements libres. Les établissements publics seront toujours tenus de délivrer les certificats, ils ont leur responsabilité vis-à-vis de l'autorité supérieure, et il y aura l'appel au gouvernement. Là un refus n'est pas à craindre.

Mais les établissements libres ne sont pas dans les mêmes conditions ; les élèves n'ayant pas à leur égard les garanties que possèdent ceux des établissements publics, pourront se voir refuser méchamment le certificat. C'est un quasi-délit ; il y a un fait dommageable et s'il a été commis méchamment, le caractère délictueux ne peut être contesté. Pourquoi, dès lors, né pas comminer une pénalité contre celui qui s'en rend l'auteur ?

M. Lelièvreµ. - Quant à moi, j'estime qu'on peut forcer un professeur à délivrer un certificat auquel un réclamant pourrait avoir droit. La loi confère à un individu la qualité d'électeur, s'il justifie avoir fréquenté un établissement d'instruction moyenne. Eh bien, je ne pense pas que le chef de cet établissement puisse, en droit et en justice, se refuser à constater un fait vrai.

Ne perdons pas de vue qu'il a existé, entre le professeur et celui qui a suivi ses cours, des relations qui obligent le premier à toutes les suites que l'équité peut réclamer. Or, un devoir essentiel du professeur ou du chef d'un établissement est bien certainement de constater qu'un individu a réellement suivi son cours, si le fait est vrai, puisque cette pièce est indispensable pour l'exercice du droit électoral, droit dont on ne peut priver un citoyen sans juste motif.

Si donc méchamment un professeur refusait de délivrer un certificat de la nature de celui dont il s'agit, il commettrait un fait attentatoire à l'exercice du droit électoral, fait qu'une loi répressive peut atteindre, parce qu'en réalité il y aurait atteinte à l'exercice de droits civiques.

M. de Theuxµ. - Puisqu'il s'agit d'une pénalité, c'est le ministère public qui devra intenter l'action.

- Personne ne demandant plus la parole, l'article 35 (nouveau) est mis aux voix et adopté.

Article 36

« Art. 36 (ancien 34). S'il existe des circonstances atténuantes, les tribunaux sont autorisés à réduire l'emprisonnement au-dessous de huit jours, et l'amende au-dessous de vingt-six francs.

« Ils pourront prononcer séparément l'une ou l'autre de ces peines, sans qu'elles puissent être au-dessous des peines de police. »

- Adopté.

MpVµ. - Nous sommes arrivés à la fin du projet de loi. A quel jour la Chambre en veut-elle fixer le second vote ?

- Des membres. - Demain.

MfFOµ. - Messieurs, il est impossible de procéder demain au second vote ; plusieurs articles doivent être révisés ; des dispositions nouvelles doivent être introduites dans le projet et il faut établir l'harmonie entre les divers articles.

La Chambre pourrait fixer le second vote au mercredi qui suivra la rentrée. (C'est cela !)

Ordre des travaux de la chambre

M. Bouvierµ. - Je propose à la Chambre de s'ajourner à mardi 30 avril à 2 heures.

M. Thibautµ (pour une motion d'ordre). - Messieurs, je ne m'oppose nullement à la motion qui vient d'être faite, de nous ajourner à (page 880) mardi en quinze ; mais je demande à la Chambre la permission de lui présenter une observation qui me paraît assez sérieuse.

Il y a quelques jours, le ministère, répondant à une interpellation de l'honorable M. Vleminckx, a annoncé à la Chambre, qu'il s'occupait de la question de l'armement de nos soldats, que cette question était près d'être résolue, qu'elle le serait peut-être pendant la vacance, et que s'il en était ainsi, il se croirait autorisé par la nécessité à faire les dépenses nécessaires pour procéder immédiatement à l'armement de nos soldais.

Je crois, messieurs, que cette conduite du gouvernement serait irrégulière. Il y a, du reste, un moyen bien simple d'agir d'après toutes les règles du gouvernement représentatif. Rien ne s'oppose à ce qu'il soit convenu que si la question dont j'entretiens la Chambre est résolue pendant les vacances, M. le président nous convoquera immédiatement.

MfFOµ. - Nous ne nous y opposons pas, nous n'avons pas d'intérêt à nous y opposer.

M. Thibautµ. - Je suis convaincu que la Chambre ferait très volontiers le sacrifice de quelques jours de vacances pour s’occuper de cette grave question de l’armement.

Je demande donc qu'il soit entendu que le gouvernement ajournera toute dépense jusqu'à ce que les crédits nécessaires lui soient accordés par un vote de la législature. Je propose, en outre, de donner à M. le président le droit de nous convoquer d'urgence si le gouvernement a une proposition à nous faire.

MfFOµ. - Messieurs, j'avais énoncé l'idée que si, par événement, on venait à prendre une résolution après que la Chambre se serait séparée, comme il s'agissait d'une question urgente de sa nature et sur laquelle l'unanimité était certaine...

M. Coomans. - Non ! non !

M. Dumortier. - Si ! si !

- Des voix. - Vous excepté !

MfFOµ. - Si l'unanimité n'est pas certaine sur la question de savoir si l'on donnera un bon fusil à nos soldats, il faut renoncer à être jamais unanimes.

Maintenant, sur les observations qui sont faites par d'honorables membres, nous ne voyons pas de grandes raisons d'engager notre responsabilité. Nous tâcherons de concilier les devoirs qui nous incombent avec les convenances de la Chambre. Si l'on peut sans inconvénient attendre la rentrée de la Chambre pour demander des crédits, en supposant que la question soit résolue, nous attendrons jusque-là. S'il convient de convoquer la Chambre plus tôt, on le fera.

M. Jacquemynsµ. - Je propose de mettre en tète de l'ordre du jour, après la rentrée, le projet de loi sur la péréquation cadastrale.

M. Braconier. - Il y a un projet qui ne donnera pas lieu à de grandes discussions, c'est une demande de crédit supplémentaire au département des travaux publics. Ce crédit est excessivement urgent. Des sommes considérables sont dues à des entrepreneurs, à des fournisseurs depuis quatre à cinq mois et ne sont pas payées. Je crois qu'il est urgent de voler ce projet ; il y a des réclamations continuelles.

M. Coomans. - Messieurs, quand j'ai révoqué en doute l'assertion de l'honorable ministre des finances, que nous voterions à l'unanimité les dépenses que nous demanderait le gouvernement...

MfFOµ. - ... pour l'armement.

M. Coomans. - Pour l'armement et pour n'importe quoi, j'ai voulu dire que je suis de ceux qui n'abdiquent pas la plus précieuse de leurs prérogatives et qui veulent user de leur droit de discuter toutes les dépenses de l'Etat.

Encore une fois, je n'admets pas que le gouvernement puisse renouveler aujourd'hui l'acte qu'il a posé l'an dernier, c'est-à-dire faire des dépenses illégales. L'an dernier, il y avait un prétexte, les Chambres ne siégeaient pas ; aujourd'hui, il n'y aurait aucun prétexte ; les Chambres siègent, et il ne faut pas que l'on profite d'une quinzaine de jours de vacances que nous allons nous donner, pour faire des dépenses que nous avons le droit d'examiner d'abord.

M. Dupontµ. - Je n'ai pas à répondre aux observations qui viennent d'être présentées par l'honorable M. Coomans. Je n'ai que deux mots à dire concernant la proposition de M. Jacquemyns. Quel que soit l'intérêt qui s'attache au projet dont il nous a entretenus, il en est un autre tout aussi important, qui n'intéresse pas seulement quelques provinces, mais le pays tout entier, qui est d'un intérêt général, et dont la discussion était déjà commencée lorsque la Chambre a abordé l'examen des propositions relatives à la réforme électorale. C'est le projet de loi d'organisation judiciaire. Il est indispensable que ce projet soit voté dans cette session et j'insiste pour qu'il reste en tête de l'ordre du jour.

MpVµ. - On pourrait peut-être concilier toutes les opinions en décidant qu'on mettra à l'ordre du jour de mardi les petits projets ; à l'ordre du jour de mercredi, le second vote du projet de loi relatif à la réforme électorale ; viendrait ensuite le projet de loi sur l'organisation judiciaire dont la discussion est commencée.

- Des membres. - Non ! non ! La péréquation cadastrale.

M. Teschµ. - Messieurs, il ne reste plus que quelques articles du code pénal à voter. Je crois que, dans une seule séance, nous finirions.

M. Thonissenµ. - Très facilement.

M. Teschµ. - Je demande qu'on le mette à l'ordre du jour après la loi sur la réforme électorale.

- Des membres. - Pour le jour de la rentrée.

M. Teschµ. - Soit ; on pourrait s'en occuper le jour de la rentrée. On s'occuperait, le mercredi, du second vote du projet de loi sur la réforme électorale, et l'on pourrait ensuite reprendre l'organisation judiciaire, qui ne demandera plus beaucoup de temps.

M. Jacquemynsµ. - Le projet de loi sur la péréquation cadastrale est à l'ordre du jour depuis longtemps. Je demande que l'on fixe un jour pour s'en occuper, et je propose le mardi 7 mai.

M. Dumortier. - Messieurs, il n'est pas possible d'ajourner indéfiniment un acte de réparation, un acte de justice. L'agriculture des Flandres et de la province d'Anvers est surtaxée depuis plus de trente ans ; le jour de la réparation est venu et tous les projets de lois doivent être postposés à celui qui a pour objet d'effectuer cette réparation.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Messieurs, il est impossible de laisser la magistrature dans la situation où elle se trouve, et si la Chambre ne met pas à l'ordre du jour le projet de loi sur l'organisation judiciaire, je proposerai d'en séparer tout ce qui est relatif à la position matérielle des magistrats.

La loi sur l'organisation judiciaire est vivement désirée ; l'honorable M. Schollaert lui-même, à la fin de son discours, a convié la Chambre à s'occuper de cette loi, et il a prouvé qu'elle était beaucoup plus urgente que la réforme électorale ; maintenant parce qu'il a plu à une grande partie de l'opposition de faire donner la priorité à la réforme électorale, est-ce une raison pour ajourner la loi sur l'organisation judiciaire, une réforme exigée par la Constitution, déposée depuis longtemps et dont la discussion est commencée ?

Je crois, du reste, messieurs, que cette loi ne prendra que fort peu de temps et qu'elle ne formera pas du tout obstacle à ce qu'on discute utilement la péréquation cadastrale.

M. Dumortier. - Messieurs, la loi sur l'organisation judiciaire soulève de graves questions constitutionnelles, et la discussion en durera très longtemps. Si vous lui donnez la priorité, vous ne ferez pas la loi sur la péréquation cadastrale.

On invoque une prescription de la Constitution et l'intérêt des magistrats. Eh bien, le vœu de la Constitution a été rempli, puisqu'il y a une loi sur l'organisation judiciaire, qui est en vigueur ; et quant à la magistrature elle jouit de l'inamovibilité ; sa position n'est donc pas du tout équivoque. Mais ce qui est indispensable, c'est de rendre justice aux Flandres et à la province d'Anvers ; le pays entier reconnaît que depuis 30 ans elles sont surtaxées et j'espère que la Chambre ne reculera pas devant l'acte de réparation qui leur est dû.

M. Jacquemynsµ. - J'appuie la proposition faite par M. le ministre des finances de fixer au mardi 7 mai la discussion de la loi sur la péréquation cadastrale, sauf à la retarder de 3 ou 4 jours si la loi sur l'organisation judiciaire n'était pas terminée. (Interruption.)

M. Coomans. - L'honorable ministre de la justice propose de mettre à l'ordre du jour, à la suite du second vole de la réforme électorale, le projet de loi sur l'organisation judiciaire. Son principal argument est que l'organisation judiciaire est commandée par la Constitution. C'est vrai, mais la Constitution commande aussi deux autres choses, d'abord l'égalité de tous les Belges devant l'impôt égalité qui n'existe pas aujourd'hui ; ensuite la Constitution commande la réforme des lois de milice. Je demande donc que la révision du cadastre soit mise à l'ordre du jour immédiatement après la réforme électorale.

- La clôture est demandée.

(page 881) M. de Naeyerµ (sur la clôture). - Je voulais faire observer que ce qu'il y a de plus urgent, c'est de réparer une injustice d'après la proposition même du gouvernement, les Flandres subissent, en ce moment-ci, une criante injustice ; eh bien, je dis que la loyauté de la Chambre exige, qu'avant tout cette injustice soit réparée.

MfFOµ. - Messieurs, j'ai insisté, il y a plus d'un mois, pour que la Chambre voulût s'occuper de cet objet que je considérais comme très urgent ; la Chambre ne l'a pas voulu, les honorables membres ont pensé qu'il pouvait être ajourné.

M. de Naeyerµ. - C'est possible, mais ce n'est pas un motif pour l'ajourner encore et empêcher que la loi ne soit votée par le Sénat dans la session actuelle.

MfFOµ. - L'affaire n'a pas semblé alors tellement grave, tellement urgente qu'on ne pût donner la priorité à la réforme électorale, qui a occupé la Chambre pendant trois semaines.

Maintenant, de quoi s'agit-il ? On propose de mettre à l'ordre du jour, à la rentrée, le code pénal qui sera terminé en moins d'une séance. Nous aurions, le même jour, le crédit extraordinaire au département des travaux publics, qui est vivement réclamé. Puis viendrait le second vote de la réforme électorale, qui sera probablement terminé dans la séance de mercredi. Le jeudi, on commencerait l'organisation judiciaire.

- Plusieurs membres. - Non ! non !

MfFOµ. - Vous dites : Non ! non ! Vous le direz tout à l'heure dans le vote, si on persiste à vouloir voter. Ensuite, d'après la proposition de l'honorable M. Jacquemyns, on s'occuperait de la péréquation cadastrale, le mardi 7 mai.

Il est très vraisemblable qu'en trois jours nous auront terminé la question de l'organisation judiciaire.

M. de Naeyerµ. - Et si ce n'est pas fini ?

MfFOµ. - Alors la Chambre statuera.

De cette façon, je crois que l'on satisfera à toutes les convenances.

M. Mullerµ. - Nous discutons de manière, messieurs, à ne pouvoir nous mettre d'accord. Il ne faut pas qu'on s'imagine que nous soyons disposés à quitter les bancs du parlement sans avoir examiné les projets essentiels.

Ainsi, je ne comprendrais pas que nous fussions ajournés avant d'avoir fini l'organisation judiciaire, la péréquation cadastrale et le projet de loi sur l'assainissement.

Je crois qu'on donne satisfaction aux représentants des Flandres en mettant à l'ordre du jour le projet de loi sur la péréquation cadastrale immédiatement après le projet de loi sur l'organisation judiciaire.

M. de Naeyerµ. - Messieurs, si l'on est d'accord pour mettre le projet de loi sur la péréquation cadastrale à l'ordre du jour du 7 mai, je n'ai pas d'observations à faire.

Seulement je dois faire remarquer à l'honorable ministre des finances qu'il a tort de vouloir me mettre en contradiction avec moi-même. S'il y a contradiction, c'est évidemment dans la conduite de l'honorable ministre. Il y a trois ou quatre semaines, il trouvait que le projet de loi sur la péréquation cadastrale était urgent, et aujourd'hui il ne lui attribue plus ce caractère.

MfFOµ. - J'ai indiqué, à l'époque où l'on a fixé la discussion de la réforme électorale au 19 mars, tous les projets qu'il convenait d'examiner. Je n'ai pas indiqué seulement la péréquation cadastrale, mais aussi et spécialement l'organisation judiciaire, le code pénal, et d'autres encore !

M. de Naeyerµ. - Vous avez insisté sur la péréquation cadastrale.

MfFOµ. - Comme sur les autres projets de loi.

Aujourd'hui je tiens encore le même langage.

Je désire qu'on aboutisse, mais je trouve rationnel que la Chambre achève un travail qu'elle a commencé, avant qu'elle aborde la discussion du projet de loi sur la péréquation cadastrale.

M. de Theuxµ. - Messieurs, il y a un mois que nous avons abandonné la discussion sur l'organisation judiciaire.

La question principale que le gouvernement veut faire résoudre n'a pas encore été discutée. Il n'y a donc pas de péril à la renvoyer après la péréquation cadastrale.

J'appelle maintenant, messieurs, votre attention sur ceci :

Vous prétendez que le code pénal sera terminé en une séance, la réforme électorale en une séance et que l'organisation judiciaire ne prendra pas beaucoup de temps. Vous n'en savez rien.

Le gouvernement viendra peut-être avec des propositions militaires et il est très possible que la péréquation cadastrale ne puisse être votée par les deux Chambres avant la séparation.

Je crois qu'il est de toute justice de faire droit aux réclamations de provinces qui sont lésées depuis longtemps et de mettre la péréquation cadastrale à l'ordre du jour de jeudi après la rentrée.

- Plusieurs membres. - La clôture ! la clôture !

M. Dupontµ. - Messieurs, M. le ministre des finances a proposé de fixer au mardi 7 mai la discussion du projet de loi sur la péréquation cadastrale, mais il a déclaré en même temps que la Chambre à cette époque, si le projet de loi sur l'organisation judiciaire n'était pas voté, fixerait de nouveau son ordre du jour. (Interruption. )

Je m'étonne de voir la droite s'animer si fortement à propos de cette question ; je suis d'autant plus surpris de cette attitude que lorsqu'il s'est agi des évaluations qui ont précédé le projet de loi sur la péréquation cadastrale, nous l'avons vue se plaindre vivement des opérations auxquelles elle donnait lieu.

Vous demandez aujourd'hui qu'on vote immédiatement le projet de loi sur la péréquation cadastrale, alors qu'il a été accueilli, par vous ou tout au moins parla presse catholique, avec une grande répugnance, il faut bien le reconnaître. (Interruption.)

Il y a donc une certaine contradiction entre l'attitude que vous aviez alors et celle que vous avez aujourd'hui.

L'observation que je voulais présenter, c'est que la discussion du projet de loi sur l'organisation judiciaire est commencée et que, dans l'intérêt de la dignité de la magistrature cet examen doit être achevé. Il importe de décider la question de savoir si les magistrats âgés de 70, de 72 ou de 75 ans devront être mis forcément à la pension. On ne peut laisser indéfiniment la magistrature sous le coup de cette incertitude.

Il y a encore d'autres questions urgentes qui ne peuvent être laissées plus longtemps dans l'indécision.

Je me rallie donc à la proposition de M. le ministre des finances. C'est que, le 7 mai, on discutera le projet de loi sur la péréquation cadastrale ; toutefois il est entendu que si la discussion du projet de loi d'organisation judiciaire n'était pas terminée à cette époque, la Chambre aura à se prononcer sur le point de savoir s'il n'est pas préférable de continuer l'examen de ce projet, qui ne peut être de nouveau suspendu sans inconvénient.

M. Dumortier. - Messieurs, la manière dont l'honorable membre veut fixer l'ordre du jour consiste tout bonnement à ne pas voter, dans cette session, le projet de loi sur la péréquation cadastrale. Je conçois fort bien que la province de Liège...

- Plusieurs voix. - La clôture !

MpVµ. - M. Dumortier, vous avez la parole sur la clôture.

M. Dumortier. - C'est sur la clôture que je parle. L'ordre judiciaire dont on parle....

- Voix nombreuses. - La clôture !

M. Dumortier. - Je parle sur la clôture... j'ai le droit de vous répondre.

- De toutes parts. - Aux voix ! la clôture !

MpVµ. - La parole est à M. Delaet sur la clôture.

- Voix nombreuses. - Aux voix ! aux voix ! la clôture !

M. Delaetµ. - Oh ! j'attendrai que vous ayez fini de crier, je tiens à parler dans le silence de la Chambre. M. Dupont vous a dit : Il y a ici une question de clérical et de libéral.

- Voix à gauche. - Ce n'est pas parler sur la clôture cela...

M. Delaetµ. - Il vous a dit aussi : Convient-il que des magistrats restent dans l'incertitude pendant une année ? Messieurs, il y a des provinces qui sont surtaxées, la question à résoudre est de savoir si vous demandez aux Flandres...

- Voix nombreuses. - Aux voix ! la clôture !

M. Delaetµ. - La question à résoudre est de savoir si vous demandez un million aux Flandres pour rassurer les magistrats qui ne sont pas alarmés.

- De toutes parts. - Aux voix ! aux voix !

MpVµ. - Je vais mettre aux voix la proposition d’ordre (page 882) du jour telle qu'elle vient d'être faite par M. le ministre des finances. Je vais consulter la Chambre.

- De toutes parts. - On est d'accord ! on est d'accord !

MpVµ. - Puisqu’on est d'accord, l'ordre du jour reste ainsi fixé.

- La Chambre s'ajourne au 30 avril à 2 heures.

La séance est levée à 5 1/2 heures.