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Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 20 décembre 1866

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1866-1867)

(Présidence de (M. E. Vandenpeereboom.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 199) M. Thienpont, secrétaire., procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. de Moor, secrétaireµ, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Thienpont,. présente l'analyse des pièces adressées à la Chambre.

« Des commerçants à Binche prient la Chambre de maintenir la loi du 24 mars 1859 sur la contrainte par corps. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi portant abolition de la contrainte par corps. .


« Des bijoutiers à Bruxelles présentent des observations contre le projet de loi relatif à la liberté des matières d'or et d'argent et proposent des mesures dans l'intérêt de leur industrie. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi.


« Le sieur Georges Schlitz, ouvrier du chemin de fer de l'Etat, à Verviers, né à Medernach (grand-duché de Luxembourg), demande la naturalisation. »

- Renvoi à M. le ministre de la justice.


« Le sieur Auguste Cazy, négociant à Tournai, né à Morfontaine (France), demande la naturalisation ordinaire. »

- Même renvoi.


« Des fadeurs ruraux attachés à la perception des postes de Jumet demandent une augmentation de traitement. »

« Même demande des facteurs ruraux attachés au bureau de poste de Jemmapes. »

- Renvoi à la section centrale, chargée d'examiner le budget des travaux publics.


« Des habitants de Deyfeld et Ourth, sections de Beho, présentent des observations sur le tracé projeté d'une route de l'Etat partant de la Prusse vers la station de Gouvy et soumettent un autre plan. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Des secrétaires communaux, délégués par leurs collègues des différents arrondissements du pays, prient la Chambre de fixer, à la fin du mois de mai 1867, le délai de rigueur pour la clôture de la statistique agricole, et proposent une modification au tarif de rétribution arrêté pour ce travail et pour le recensement de la population. »

- Même renvoi.


« Des habitants de Bruxelles demandent le suffrage universel pour les élections provinciales et communales. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du rapport sur des modifications à quelques dispositions des lois électorales.


« Le sieur Nollebaert-Concke prie la Chambre de faire réhabiliter la mémoire de Jean Coucke et de Pierre Goethals, qui ont été victimes d'une erreur judiciaire.

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Par messages du 18 et du 19 décembre 1860, le Sénat informe la Chambre qu'il a donné son adhésion à plusieurs projets de loi. »

- Pris pour notification.

Projet de loi allouant un crédit au budget du ministère des finances

Dépôt

MfFOµ. - Messieurs, d'après les ordres du Roi, j'ai l'honneur de déposer sur Je bureau de la Chambre :

1° un projet de loi qui ouvre au département des finances un crédit de 300,000 francs pour la fabrication de nouvelles monnaies divisionnaires, et qui porte une somme équivalente au budget des voies et moyens ;

Projet de loi portant le budget du ministère de la guerre de l’exercice 1867

Dépôt

2° le projet de budget de la guerre pour l'exercice 1867 ;

Projet de loi accordant des crédits provisoires aux budgets des ministères de la guerre et des travaux publics

Dépôt

3° une demande de crédits provisoires imputables sur ce budget, à concurrence d'une somme de 8,750,000 francs, c'est-à-dire pour trois mois ; et de crédits provisoires, à concurrence de 9,500,000 francs, à valoir sur le budget du département des travaux publics.

Le budget de la guerre et celui des travaux publics ne pouvant pas être votés avant la séparation de la Chambre, ces crédits sont nécessaires pour assurer les services de. ces départements.

MpVµ. - Ces projets de loi seront imprimés et distribués. Comment la Chambre entend-elle procéder à leur examen ?

M. Allard. - Je propose le renvoi des projets de crédits provisoires à l'examen d'une commission à nommer par le bureau.

Je fais la même proposition à l'égard du projet de loi sur le contingent de l'armée que M. le ministre de la guerre va déposer sur le bureau.

Et pour le cas où les crédits provisoires, la loi sur le contingent et le budget des affaires étrangères seraient votés avant dimanche prochain, je propose à Jl Chambre de se séparer samedi jusqu'au 15 janvier 1867.

Projet de loi fixant le contingent de l’armée pour 1867

Dépôt

MgGµ. - Messieurs, d'après les ordres du Roi, j'ai l'honneur de déposer sur Je bureau de la Chambre le projet de loi fixant le contingent de l'armée pour l'année 1867.

MpVµ. - Ce projet sera imprimé et distribué.

M. Allard propose de renvoyer ce projet, ainsi que les demandes de crédits provisoires à l'examen d'une commission à nommer par le bureau.

M. Coomans. - Messieurs, je demande que le. règlement soit observé, et que les deux projets de lois soient renvoyés aux sections, afin que chacun des membres de l'assemblée ait l'occasion d'exercer son droit constitutionnel et de faire des observations pour et contre.

MfFOµ. - Messieurs, il est parfaitement indifférent au gouvernement que les projets de crédits provisoires et la loi sur le contingent de l'armée qui viennent d'être déposés, et qui ont un certain caractère d'urgence, soient examinés par une commission spéciale ou par les sections. Je dois cependant faire remarquer à l'honorable membre qu'il se trompe en invoquant ici le règlement. Le règlement dispose que des projets peuvent, quand la Chambre le désire, être déférés à l'examen de commissions spéciales ; or, les projets de loi dont il s'agit étant urgents, et leur examen par les sections devant nécessairement entraîner des retards, rien ne s'oppose à ce que la Chambre les renvoie à une commission, si elle le juge convenable.

M. Coomans. - Messieurs, je n'ignorais pas que lorsqu'il y a urgence, la Chambre a le droit de renvoyer un projet de loi à une commission spéciale ; mais ce sont là des cas évidemment extraordinaires. Beaucoup de membres de cette assemblée, et je suis du nombre, attendent impatiemment, depuis bien des mois, l'occasion d'exprimer leur opinion sur notre établissement militaire, et je trouve que serait pousser trop loin les étranges procédés dont on a usé au sujet du budget de la guerre envers la Chambre depuis longtemps, notamment depuis le mois de mars dernier que d'empêcher de fait l'assemblée d'examiner de près les deux projets de lois si importants dont nous sommes saisis.

Je suis étonné du reste que l'on vienne invoquer maintenant l'urgence, quand en réalité il n'y a pas d'urgence. (Interruption.)

Il n'y a pas d'urgence en ce sens que nous pouvons siéger jusqu'au 1er janvier. (Nouvelle interruption.)

M. de Brouckere. - Et le Sénat ?

M. Coomans. - Il me semble que l'intérêt du pays va avant nos convenances.

(page 200) Vous parlez du Sénat, mais est-ce notre faute à nous si le Sénat n'a pas plus de temps que nous d'examiner les projets de loi qui nous sont soumis ? Pourquoi ne les avez-vous pas présentés plus tôt ? Ne saviez-vous pas il y a trois ou quatre mois que l'honorable général Chazal ne pouvait plus rester ministre de la guerre ? Vous saviez.

Eh bien, vous pouviez, il y a trois mois, prendre les mesures nécessaires afin de mettre la Chambre à même d'exercer librement son droit constitutionnel.

MpVµ. - Je fais remarquer à M. Coomans que la proposition de M. Allard n'a pas d'autre but que de renvoyer à une commission les deux projets de lois de crédit provisoires et de contingent de l'armée.

Il est entendu que le budget de la guerre sera renvoyé aux sections.

Je mets aux voix la proposition de M. Allard.

- Cette proposition est adoptée.

Motion d’ordre

M. Couvreurµ. - Messieurs, l'honorable ministre de la guerre a fait précéder le dépôt de la loi du contingent et du budget de la guerre, d'un arrêté royal qui a paru ce matin au Moniteur, et qui institue une commission mixte pour examiner toutes les questions qui se rattachent à l'organisation de l'armée.

Il est d'usage, lorsqu'on désire adresser une interpellation au gouvernement, d'en prévenir le ministre que la chose concerne. Je suis tout disposé à me conformer à cet usage, et à faire connaître en particulier à M. le ministre de la guerre quelles sont les questions sur lesquelles je désirerais l'interpeller à propos de l'arrêté royal qu'il a provoqué. Je n'ai pas pu le prévenir plus tôt.

M. le ministre de la guerre décidera s'il veut accepter le débat immédiatement ou s'il veut le renvoyer à demain.

- Plusieurs membres. - Posez les questions.

M. Couvreurµ. - Voici, si M. le ministre consent à répondre, les questions que je désirais poser.

La première, c'est de savoir quels sont les attributions et les pouvoirs de la commission. Le rapport est d'un laconisme excessif à cet égard.

En second lieu, je voudrais savoir comment cette commission fonctionnera, si elle fonctionnera comme a fonctionné la commission instituée, il y a dix ou douze ans, ou si elle agira sur des bases nouvelles, avec les droits d'une commission d'enquête.

Enfui je voudrais savoir si tous les membres de cette Chambre qui ont été désignés pour faire partie de la commission ont accepté le mandat dont ils ont été investis et quel sera leur rôle. Contrôleront-ils les décisions de leurs collègues militaires ou aideront-ils à les établir ? Si je pose cette question, c'est qu'à tort peut-être, c'est une appréciation personnelle, il m'est venu certains scrupules. Je n'ai pas la prétention de les résoudre ; mais je ne serais pas fâché de les soumettre à l'examen de ceux qui sont plus expérimentés que moi et plus anciens dans cette enceinte.

Il y avait deux moyens pour résoudre le problème de l'organisation militaire :

Ou bien une enquête parlementaire, telle que je l'avais proposée, se substituant à l'action du gouvernement.

Ou bien une enquête gouvernementale, mais exclusivement gouvernementale et la responsabilité de cette enquête ne reposant que sur le pouvoir exécutif.

Au lieu de cela, le gouvernement, comme en 1854, a eu recours à un système bâtard qui, je le crains, ne produira pas de bons résultats. Il faut des situations nettes, celle qui a prévalu ne l'est pas.

Je crois qu'en règle générale l'action doit appartenir au gouvernement, le contrôle aux Chambres. L'initiative parlementaire ne doit s'exercer que lorsque l'action du gouvernement fait défaut ; c'est parce que j'ai trouvé que l'action du gouvernement faisait défaut que j'ai demandé que la Chambre intervînt.

La justification de ma proposition se trouve aujourd'hui dans le rapport même que M. le ministre de la guerre a présenté au Roi à l'appui de la création de la commission.

Ce rapport, en effet, est la condamnation implicite de tout ce qui s'est fait pendant les dernières années. Si bref qu'il soit, il s'y trouve deux considérations capitales qu'il m'est permis de relever. Il y est dit que le nouveau système de défense adopté pour le pays et les progrès réalisés dans l'art de la guerre exigent l'examen du point de savoir si l'organisation actuelle de l'armée répond encore aux nécessités de la défense du pays.

Il est étrange, messieurs, que le gouvernement découvre seulement aujourd'hui la nécessité de cet examen, en dépit d'objections qui se sont produites depuis longtemps

Il a donc fallu que les fortifications d'Anvers fussent non seulement votées, mais achevées ; il a fallu que tout le système adopté il y aune dizaine d'années et qui consiste à abandonner à l'invasion ennemie une partie de nos populations, il a fallu que tout ce système fût en pleine vigueur, pour que le département de la guerre et les membres du gouvernement, anciens collègues du général Chazal, s'aperçussent que notre organisation militaire n'avait plus de raison d'être et ne s'agençait plus avec ce système nouveau. Franchement, c'est de l'imprévoyance au premier chef.

Il a fallu aussi que les grandes leçons de l'été dernier fussent acquises à l'histoire pour que le département de la guerre s'aperçût qu'il était né en Europe et en Amérique des conditions nouvelles dans lesquelles l'art de la guerre devait s'exercer ; il a fallu ces circonstances exceptionnelles pour faire constater aux yeux du ministère de la guerre que les Prussiens avaient un armement perfectionné, une organisation militaire très forte, un corps d'état-major très savant, pour faire constater enfin que les chemins de fer et les télégraphes électriques allaient apporter dans la défense des pays une transformation aussi radicale que celle qu'ils ont apportée à toutes les autres relations de la vie sociale.

Ces précédents-là ne doivent-ils pas, messieurs, nous engager à n'accorder qu'une confiance limitée aux propositions qui nous seront faites, par le gouvernement ou à celles qu'il pourra élaborer avec le concours de la commission qu'il vient d'instituer ?

Je disais donc, messieurs, que puisque le gouvernement a enfin reconnu la légitimité de nos griefs contre l'organisation de l'armée, il aurait dû prendre sur lui exclusivement, sur lui seul, la responsabilité d'une réforme. A chacun son rôle.

Il fallait faire pour la nouvelle organisation ce que vous faites pour toutes les autres lois : l'élaborer et nous la soumettre sans nous inviter à y coopérer.

J'aurais compris une enquête parlementaire fonctionnant à côté de l'enquête administrative, mais je ne comprends pas les deux institutions s'entremêlant et confondant leurs attributions.

J'aurais compris encore une commission mixte de militaires et de fonctionnaires du département des finances, mais la présence de membres du parlement dans votre commission, juges et parties en cause, me semble, je dois le dire franchement, une anomalie et un danger. Notre devoir est de juger vos propositions et non de vous aider à les édifier.

Vous n'appelez pas les membres de la Chambre à siéger dans les commissions que vous instituez pour formuler les autres lois. Je sais qu'exceptionnellement cela s'est fait, mais cela n'en est pas plus régulier.

La dignité, l'honneur des membres de la Chambre certainement n'a rien à y gagner. Ils y contractent des engagements qui les lient, et ils dégagent le gouvernement d'une responsabilité qui ne doit incomber qu'à lui seul. D'ailleurs voyez les conséquences de l'application de vos principes et rappelez-vous ce qui s'est passé dans la commission de 1852.

Dans cette commission de 1852, les membres de la Chambre se trouvaient au nombre de 12 et les éléments militaires au nombre de 13. Les membres du parlement ont été débordés.

Aujourd'hui, il y aura un peu plus d'égalité. Il y a 14 membres de la Chambre et du Sénat et 14 membres représentant plus particulièrement l'élément militaire.

Il est facile de prévoir, messieurs, que quand des éléments exclusivement militaires seront réunis, ils tendront à donner à l'organisation qui doit nous être présentée un caractère spécial, plus militaire qu'économique, plus militaire que politique.

Il y aura, il est vrai, le contre-poids des 14 membres de la législature ; mais, il faudra pour lutter contre la prépondérance de l'élément militaire, que ces 14 membres soient constamment à leur poste pour veiller si les propositions faites par leurs collègues s'accordent avec les mœurs, avec les institutions, avec les ressources économiques du pays. Cela est-il possible ?

Evidemment, dans une certaine mesure ces membres ne vont pas à l'avance engager leur responsabilité soit pour défendre, soit pour attaquer le projet adopté par la commission. Cette fausse situation a produit de très mauvais effets dans la composition de l'ancienne commission.

Les membres appartenant au parlement qui étaient opposés à (page 201) l'organisation telle qu'elle prédominait parmi les éléments militaires, s'écartèrent de la commission et renoncèrent à lutter dans les conditions d'inégalité où ils étaient placés. Et vous connaissez les fruits du passé.

il me paraît qu'il y a là un précédent délicat. Je ne veux pas prétendre qu'il soit inconstitutionnel, mais je crois qu'il crée une situation difficile pour la Chambre et pour les membres de la Chambre qui ont accepté d'agir de concert avec le gouvernement. C'est un expédient auquel celui-ci a eu recours, un expédient habile à son point de vue, mais c'est un expédient et les expédients, vous le savez, se retournent contre ceux qui les emploient et contre l'institution en faveur de laquelle on les crée.

Je serai très heureux d'avoir à cet égard des explications de nature à apaiser mes scrupules.

MgGµ. - Messieurs, l'exposé des motifs qui a figuré au Moniteur ce matin, indique les raisons pour lesquelles la commission a été instituée et la mission dont elle est chargée.

Il s'agit de refaire, en 1866, un travail de révision analogue à celui qui a été fait en 1852 par une commission mixte.

Les faits qui se sont produits dans la dernière guerre et le nouveau système de défense adopté pour notre pays nécessitent sans aucun doute des modifications dans l'organisation de l'armée.

Nous devons l'organisation actuelle à une commission qui était composée de membres pris dans les deux Chambres et de militaires, le gouvernement a pensé qu'une commission composée des mêmes éléments pouvait seule être appelée à apporter à cette organisation les modifications que les circonstances rendent nécessaires.

La commission aura à se prononcer sur les questions que le gouvernement lui soumettra. Elle pourra étendre son examen à toutes celles qu'elle jugera dignes d'intérêt. Elle aura à cet égard une liberté absolue, ce n'est que lorsque le travail de la commission sera terminé que le gouvernement appréciera, et il le fera également en toute liberté.

MfFOµ. - Mon honorable collègue vient de répondre, en ce qui le concerne, aux questions posées par l'honorable M. Couvreur. Mais il est certains points du discours de l'honorable membre qui intéressent plus particulièrement le gouvernement, et sur lesquels je crois devoir dire quelques mots.

L'honorable membre a représenté l'institution d'une commission chargée de l'examen de l'organisation militaire, comme une sorte d'expédient et comme étant la condamnation de l'attitude observée jusqu'à ce jour par le gouvernement. Je ferai remarquer tout d'abord qu'il serait assez étrange de voir le gouvernement, composé des mêmes éléments, sauf le ministre de la1guerre, venir ici apporter sa propre condamnation. La mesure qui vient d'être prise ne peut avoir une pareille signification.

L'honorable membre s'est complètement mépris sur le caractère de cette mesure ; il n'y a, en réalité, rien de changé dans l'attitude du gouvernement. En effet, que s'est-il passé ? Le gouvernement, sur les réclamations de la Chambre et reconnaissant l'utilité d'examiner si des modifications ne pourraient pas être introduites dans l'organisation de l'armée, a annoncé qu'un rapport sera déposé, contenant les conclusions de l'examen auquel il avait l'intention de se livrer. Depuis lors, il s'est produit des événements considérables, que tout le monde n'avait pu prévoir aussi heureusement que l'honorable M. Couvreur, et qui ont dû exercer une grande influence sur les idées admises jusqu'alors en matière d'organisation militaire.

Nous avons pensé que, dans de pareilles conditions, il était convenable de soumettre à une discussion contradictoire et approfondie, préalable à l'examen de la Chambre, toutes les questions qui se rapportent à la situation de l'armée, et nous avons fait ce qui avait été fait à une autre époque, du consentement de la Chambre, nous avons institué une commission mixte, composée d'éléments militaires et d'éléments pris dans le sein du parlement. Je crois que, sous le rapport de l'impartialité, il n'y a pas de critique à formuler contre la composition de la commission ; nous avons fait en sorte de réunir les divers éléments et même les diverses opinions qui se sont produites dans la Chambre, afin qu'elles puissent se produire également dans le sein de la commission, qui pourra ainsi arriver à des conclusions que tout le monde désire, c'est-à-dire aux conclusions les plus favorables à l'intérêt du pays.

L'honorable M. Couvreur a des scrupules que, je pense, personne ne partage ; il va jusqu'à se demander si la composition de la commission n'est pas inconstitutionnelle. J'avoue qu'il m'est absolument impossible de voir en quoi la composition de cette commission aurait quelque chose d'inconstitutionnel. Des membres des deux Chambres ont été priés par nous de vouloir bien en faire partie, ils ont accepté, et nous les en remercions. Ces membres auront à examiner, comme ils l'entendront, toutes les questions qui seront déférées à la commission ; leur opinion demeure parfaitement libre ; les idées qu'ils exprimeront dans la commission, ils pourront venir les défendre dans cette enceinte ; la Chambre appréciera ; la Chambre jugera.

Je crois donc que les scrupules de l'honorable M. Couvreur ne sont pas fondés et j'espère qu'il n'y insistera pas.

M. Couvreurµ. - Si j'ai bien compris la réponse de M. le ministre de la guerre, il est entendu que la commission, après avoir examiné les propositions qui lui seront soumises par le gouvernement, pourra mettre en question ltut ce qui se rattache à l'organisation militaire : l'armement, le recrutement, les fortifications.

MfFOµ. - Les fortifications sont jugées.

M. Coomans. - Tout a été jugé.

M. Couvreurµ. - L'armement, le recrutement, la participation de la garde civique, tout pourra être débattu et résolu.

Je prends acte de cette déclaration. (Interruption.) Il est bon de prendre des précautions quand il s'agit des questions militaires et j'en prends aujourd'hui le plus que je puis, autant pour le présent que pour l'avenir.

Il est donc entendu que le pouvoir de la commission est un pouvoir aussi étendu que possible, un pouvoir discrétionnaire d'examen.

MfFOµ. - En ce touche l'organisation de l'armée.

M. Couvreurµ. - ... qu'elle a un pouvoir discrétionnaire pour l'examen de toutes les questions qui se rattachent à la défense du pays.

Je crois aussi avoir compris par la réponse de M. le ministre de la guerre que cette commission ne fonctionnera pas seulement comme a fonctionné l'ancienne commission, par voie de discussion, mais par voie d'enquête. Dans l'ancien système on a mis autour d'un tapis vert un certain nombre d'individualités qui, professant des opinions plus ou moins divergentes sur certaines questions, les déballaient contradictoirement et n'ont abouti qu'à un compromis désastreux.

Je comprends que la commission actuelle aura le droit de procéder par voie d'enquête, c'est-à-dire qu'elle pourra appeler devant elle des éléments étrangers, et demander à ces éléments les renseignements qu'elle jugera utiles pour s'éclairer, pour éclairer la Chambre et le pays.

Si le rôle de la commission est ainsi entendu, et si elle remplit son devoir, je me féliciterai de son institution.

Enfin, quant au troisième point que j'ai soulevé, il touche à une question d'application constitutionnelle. Je n'entends nullement imposer ma manière de voir aux membres de la Chambre qui ont cru pouvoir accepter de faire partie de la commission. J'ai exprimé qu'ils étaient mes scrupules et mes craintes, et je crois que l'avenir prouvera que je n'avais pas tort de faire les réserves que je fais en ce moment.

M. Coomans. - Je regrette fort de n'avoir pas entendu l'honorable ministre de la guerre, je le regrette très sincèrement ; j'aurais voulu connaître les observations faites par l'honorable ministre en réponse a. l'honorable M. Couvreur.

Deux points m'ont frappé dans la bouche de l'honorable ministre des finances.

Le premier, c'est que la question d'Anvers étant une question jugée, elle ne sera pas soumise à l'appréciation de la commission nommée hier. Ai-je bien entendu ?

MfFOµ. - Parfaitement.

M. Coomans. - Il me paraît que c'est restreindre singulièrement de cercle des délibérations de la commission. S'il est vrai que le système adopté pour Anvers soit la base de notre organisation militaire, la commission n'aura plus grand-chose à faire.

Je constate, sauf à juger.

Second point qui m'a frappé dans le discours de l'honorable ministre des finances, c'est cette affirmation que depuis l'entrée de l'honorable général Goethals au ministère, il n'y a rien de changé dans la conduite et les convictions du gouvernement au sujet de notre état militaire. II m'est difficile de concilier cette affirmation du gouvernement avec le petit préambule de l'arrêté royal d'hier. Il y est dit que le système de défense adopté pour la Belgique rend nécessaire l'examen de notre organisation militaire, Mais ce système de défense a été adopté en 1859. Ce n'est donc pas depuis hier que la nécessité d'examiner, de réexaminer notre (page 202) organisation militaire, se manifeste, c’est bien depuis 1859. Or, depuis 1859 jusqu'à ces derniers temps, on nous a toujours dii qu'il n'y a rien de changer dans notre organisation militaire par suite des fortifications d'Anvers.

L'honorable général Chazal, j'en atteste tous mes collègues présents, a déclaré souvent que l'organisation de notre armée était bonne ; que cette organisation et les fortifications d'Anvers ne faisaient qu'un tout ; que ce tout avait été approuvé et qu'il serait maintenu. Il y a là une contradiction qui me choque.

Si la nécessite d'une réorganisation ressort de l'adoption de notre système de défense nationale, cette nécessité existait, il y a sept ans, quand on a voté définitivement, selon vous, le système de défense. Or, si cette nécessité existait il y a sept ans, pourquoi la reconnaissez-vous aujourd'hui ? pourquoi l’avez-vous niée jusqu'à présent ?

Quelles que soient les précautions que nous prenions à l'égard de la commission militaire, je tiens à exprimer immédiatement le peu de confiance que je place, dans la nomination de cette commission et dans les résultait qu'elle pourra produire, Je suis prêt, orgueil à part, à résumer le rapport de la commission, séance tenante. (Interruption.) Oui, séance tenante.

Ces conclusions seront très courtes ; elles seront celles-ci : La Belgique doit se défendre en toute hypothèse par les armes contre ses grands voisins. Or, puisque ses grands voisins doublent leurs forces, la Belgique doit doubler les siennes. C'est très logique, très patriotique, mais très grave.

Aujourd'hui notre établissement militaire, est constitué contre la France et contre l'Allemagne. Or, la France doublant son armement, la Belgique doit doubler le sien. Voilà quel sera le rapport de la commission ; elle proposera une grosse augmentation de dépenses. Les commissions n'en ont jamais fait d'autre.

MfFOµ. - Messieurs, le texte du rapport au Roi, ainsi que le texte même de l'arrêté royal qui institue la commission, définissent clairement la mission qu'elle est appelée à remplir. Il y est dit en propres termes qu'il s'agit d'examiner les modifications qui pourraient être introduites dans notre organisation militaire, en conséquence du système qui a été adopté pour la défense du pays.

Voilà le point de départ : on ne remet donc pas en question le système de la défense du pays. Ceci a été décidé par les Chambres ; il y a là un fait accompli qui est la base de l'examen auquel la commission se livrera.

L'organisation actuelle de l'armée est-elle suffisamment en harmonie avec ce système de défense ? Voilà la question qui a été agitée dans la Chambre. Les uns ont prétendu que l'organisation actuelle de l'armée répondait encore aux nécessités de la défense du pays ; d'autres ont soutenu que des modifications devaient y être introduites, que la composition de ses divers éléments de l'armée devait subir certains changements : c'est sur ce point que l'on diffère encore d'opinion, et c'est ce point qui devra être examiné.

Selon l'honorable préopinant, il y a une grande contradiction entre ce que l'on fait maintenant et ce qui a été affirmé jusqu'à présent par le gouvernement.

Comme je l'ai fait remarquer tout à l('heure, il n'y a pas la moindre contradiction. Si l'honorable membre part de l'idée que l'on doit nécessairement bouleverser tout ce qui existe, et que c'est là le but de l'institution de la commission, il y verra naturellement une contradiction avec ce qui a été dit et répété souvent, à savoir que l'organisation actuelle de l'armée était bonne, qu'elle était de nature à permettre une défense honorable du pays.

Mais ce n'est pas de cela qu'il s'agit ; nous ne venons pas prétendre aujourd'hui qu'il faille tout détruire pour adopter un système absolument différent de celui qui existe ; il s'agit seulement de savoir si, eu égard au nouveau système de défense qui a été adopté, et en présence des progrès de l'art militaire, que des événements récents sont venus révéler, il y a lieu de modifier l'organisation actuelle de nos forces militaires. Mais l'honorable membre connaît déjà les conclusions de la commission ! Il les combat d'avance ; et bien qu'il ait été souvent un faux prophète, il croit pouvoir annoncer au pays que la commission proposera tout simplement de doubler l'armée actuelle et, partant, de doubler le budget de la guerre. Les commissions, dit-il, n'en font jamais d'autres !

Eh bien, messieurs, nous avons une opinion entièrement différente de celle de l'honorable membre ; nous pensons que lorsque la commission aura examiné tous les éléments dont se compose la force militaire du pays, elle arrivera à des conclusions raisonnables, satisfaisantes, pratiques, conclusions qui, j'en suis convaincu, seront ensuite sanctionnées par la grande majorité de l'assemblée. La grande majorité de la Chambre veut assurer la défense du pays ; elle veut la bonne organisation de l'armée.

Chacun sait que, d'après l'honorable membre, tout ce qui se fait en Belgique pour la défense du pays est absurde et ridicule ; nous devons, selon lui, nous passer complètement d'armée, parce que jamais nous ne pouvons avoir une armée assez nombreuse pour nous défendre. Son raisonnement est celui-ci : Lorsqu'on met dans un pays voisin 1,200,000 hommes sous les armes, nous devons porter aussi notre armée à 1,200,000 hommes ; sinon, on n'aura rien fait.

Messieurs, cela n'est pas sérieux. La majorité de cette assemblée est convaincue qu'une armée est indispensable pour assurer la défense du pays, et qu'elle doit être organisée dans des conditions telles, qu'elle puisse répondre complètement à sa mission. Les critiques qui ont été présentées n'ont en général porté que sur l'organisation de nos forces militaires, que l'on croit défectueuse. Eh bien, examinons cette organisation, et attendons patiemment les conclusions qui seront formulées par une réunion d'hommes loyaux, qui jouissent, j'en suis convaincu, de toute la confiance de la Chambre.

M. Coomans. - Messieurs, je ne reviendrai pas sur l'étrange manière dont M. le ministre des finances expose mes opinions en matière militaire ; j'aime à croire qu'il se trompe lorsqu'il affirme que, suivant moi, la Belgique doit mettre sous les armes 1,200,000 hommes, quand un pays voisin met 1,200,000 hommes sous les armes. Je n'ai rien dit, rien pensé de semblable, j'ai dit que, pour rester logiques vous deviez doubler vos armements, quand un voisin menaçant double les siens.

Vous avez affirmé jusqu'à présent qu'avec notre armée de 100,000 hommes, sur le papier plus ou moins, notre défense nationale était parfaitement garantie contre un des grands voisins qui pourraient nous assaillir un jour.

Vous l'avez toujours affirmé, et c'est bien en face des forces que vous redoutiez que vous avez formulé et pratiqué votre système.

Or, n'est-il pas raisonnable que j'en conclue que quand vos voisins doublent leurs armements, vous devez doubler les vôtres ? Entre doubler vos forces et les porter à 1,200,000 hommes, il y a une différence.

Messieurs, le vrai motif qui m'a engagé à demandez la parole pour la seconde fois sur la motion d'ordre de l'honorable M. Couvreur, c'est un oubli que j'ai fait tout à l'heure dans le cours des observations que j'ai pris la liberté de présenter au ministère et à la Chambre.

II est donc entendu que la question d'Anvers reste en dehors des délibérations de la commission. Mais je voudrais savoir si la question du recrutement est aussi exclue.

MfFOµ. - Du tout ; c'est la base de l'organisation de l'armée.

M. Coomans. - Si la question du recrutement n'est pas exclue du programme de la commission, il est clair que son cercle s'élargit beaucoup, car c'est du recrutement que peut dépendre tout le système de défense.

Je suppose que vous adoptiez une opinion que je ne partage pas, mais que je trouve très honorable, très logique et très patriotique, beaucoup plus patriotique que d'autres opinions qualifiées telles, à savoir cette opinion qu'il faut mettre un million de Belges sous les armes (interruption), pour résister, coûte que coûte, à une invasion.

Messieurs, dans le système suisse, dans le système américain, cela ne serait pas impossible. Si le chiffre d'un million d'hommes vous effarouche, diminuons-la de la moitié. Vous serez moins dans la logique, mais vous serez plus dans la possibilité des choses. Eh bien, si la commission peut examiner ce système, je dis qu'elle a le droit d'examiner aussi le système de défense adopté au point de. vue d'Anvers.

M. Bouvierµ. - Donc la commission est utile.

M. Coomans. - Mais, M. Bouvier, ce ne sont pas vos lumières que j'invoque.

M. Bouvierµ. - Ce sont celles de la commission que nous invoquons.

M. Coomans. - Vous êtes beaucoup trop poli à mon égard. Vous me donnez une foule d'explications que je ne vous demande pas et que je ne désire pas.

M. Bouvierµ. - Je demande quelle est votre logique.

M. Coomans. - Si l'on veut que la commission fasse une œuvre sérieuse, il faut lui laisser pleine liberté ; il faut lui laisser tracer elle-même son programme ; il faut permettre que les questions qui pourront (page 203) être posées par chacun de ses membres soient examinées par tous. Il ne faut pas renouveler certaines mesures un peu violentes que j'ai vu pratiquer dans une ou deux des trois commissions militaires dont, moi indigne, j'ai fait aussi partie ; c'est qu'au dernier moment, quand des questions jugées importantes par plusieurs membres étaient posées, au dernier moment, le président disait qu'il ne convenait pas d'examiner ces points ; il levait la séance et congédiait très poliment les commissaires.

Il1 faut donc que la commission ait le droit d'examiner tout ce qui se rattache à la défense nationale, y compris le système d'Anvers, et surtout le système de recrutement, qui est la vraie base de toute organisation militaire.

Un dernier mot au sujet du système de recrutement.

.le voudrais savoir où en est le rapport depuis si longtemps attendu sur la réforme des lois de milice. Ce projet de loi sera-t-il renvoyé à la commission nommée hier ? Je le veux bien, si M. le président trouve que ce procédé est conforme au règlement. Si vous voulez que le projet de loi présenté soit examiné par la commission, ce qui ne serait, que naturel et sensé, renvoyez-lui ce projet, j'y consens. Si non, présentez-nous votre rapport et discutons. Il est plus que temps ; voilà quinze ans que l'on a déposé un projet de réforme des lois de milice et. nous sommes encore à attendre un débat régulier.

MfFOµ. - Quinze ans ?

M. Coomans. - Oui, c'était, pendant l'interrègne de l'honorable ministre qui m'interrompt, je crois que c'est en 1852 ou au commencement de 1853 que le ministère de Brouckere a présenté un projet de loi réformant nos lois sur la milice.

MfFOµ. - C'est une erreur, c'est nous qui avons déposé le projet.

M. Coomans. - L'honorable M. de Brouckere ici présent dira-t-il aussi que c'est une erreur ? N'est-ce pas sous son ministère qu'un projet a été déposé ? Certainement, me dit l'honorable M. de Brouckere. Eh bien, je prie l'honorable M. Frère, de s'expliquer avec son honorable voisin de droite.

M. de Brouckere. - Je demande la parole.

M. Coomans. - Je vous la cède volontiers.

M. de Brouckere. - Messieurs, je crois que l'honorable M. Coomans confond la loi d'organisation militaire avec la loi sur la milice.

M. Coomans. - Non ! non !

M. de Brouckere. - Le cabinet dont j'ai fait partie a déposé un projet de loi sur l'organisation de l'armée, et ce projet a été adopté.

M. Coomans. - Et le projet sur la milice qui portait à dix ans le nombre des années de service ?

M. Thibautµ. - Il a été déposé et n'a pas été examiné.

M. Coomans. - Il est étrange que l'honorable M. de Brouckere ait oublié une œuvre de cette importance.

M. de Brouckere. - Je ne prétends pas que, dans la loi sur l'organisation militaire, il n'y eût aucune disposition qui concernât la milice, mais nous n'avons pas présenté que je sache, à moins que l'honorable M. Coomans n'ait une meilleure mémoire que moi, une loi sur la milice.

Messieurs, je demanderai à dire quelques mots encore.

Je remercie l'honorable M. Couvreur de la sollicitude qu'il a bien voulu montrer pour ceux de ses collègues qui font partie de la commission d'organisation militaire. Mais je tiens à déclarer que je n'ai pas éprouvé le moindre scrupule à accepter de faire partie de cette commission et qu'il ne m'est venu aucun scrupule depuis que j'ai entendu l'honorable membre.

M. le ministre de la guerre a déclaré que des questions seront posées à la commission, et il a ajouté, ce qui allait du reste sans dire, que chaque membre de la commission pourra présenter des questions supplémentaires. Eh bien, dans le sein de cette commission, j'exposerai mon opinion sur chacune des questions qui seront posées.

J'en formulerai de supplémentaires, si je crois que la chose est nécessaire, et si mon opinion triomphe dans le sein de la commission, je la défendrai devant la Chambre. Si mon opinion succombe, cela ne m'empêchera pas de la reproduire lorsque la Chambre aura à s'occuper du projet de loi qui lui sera sans doute présenté, quand les opérations de la commission seront terminées.

Vous voyez, messieurs, que la position des membres de la Chambre n'aura absolument rien de gênant dans le sein de la commission militaire et que rien ne doit les empêcher d'en faire partie.

M. Mullerµ. - Je dois quelques mots d'explication à l'honorable M. Coomans, relativement au rapport qu'était chargée de vous faire la section centrale qui a examiné le projet de loi sur la milice. M. Coomans se rappellera que lui-même a été l'une des causes du retard,

M. Coomans. - C'est une mauvaise plaisanterie !

M. Mullerµ. - J'abandonne à l'honorable M. Coomans les mauvaises plaisanteries ; mais je parle très sérieusement. La Chambre n'aura pas oublié que lorsqu'on avait proposé, après la dernière dissolution, de renvoyer à l'ancienne section centrale l'examen du projet de loi de milice» projet dont elle était constitutionnellement dessaisie, c'est l'honorable M. Coomans qui, s'armant du droit que lui conférait rigoureusement le règlement, a exigé que le projet qui venait d'être représenté sans modification par le gouvernement., fût de nouveau examiné dans les sections.

En faisant appel à la mémoire de l'assemblée, ce n'est donc pas une mauvaise plaisanterie à laquelle je me serais livré, et je tiens à m'en défendre.

Maintenant, messieurs, comme rapporteur de la section centrale, j'ai achevé mon travail, sauf quelques parties à l'égard desquelles je devais avoir avec le département de l'intérieur et le département de la guerre des explications. Dans les premiers jours de cette session, je me suis adressé à M. le ministre de l'intérieur pour savoir si nous pouvions avoir une conférence ; ce haut fonctionnaire m'a répondu que, comme ministre de l'intérieur, il pouvait bien exprimer son opinion, mais que, ne faisant que l'intérim du département de la guerre, il lui serait impossible de préjuger l'opinion du futur titulaire de ce département, à l'égard de certaines parties importantes de la loi relative à la milice.

J'ai compris, du reste, que dès qu'il s'agissait d'une révision de l'ensemble de l'organisation de l'armée, réorganisation dans laquelle la question du recrutement doit être sérieusement examinée, le projet de loi actuel sur la milice ne pourrait pas être utilement présenté à la Chambre. J'avais pris, au surplus, au nom de la section centrale et à titre de rapporteur, vis-à-vis du gouvernement, l'engagement d'entendre ses observations, avant un vote définitif sur les points principaux du projet à l'égard desquels il y avait divergence entre le gouvernement et la section centrale. Il était même convenu que les explications seraient échangées au sein de cette section centrale.

Je tiens donc à dégager ici ma responsabilité personnelle et celle de mes collègues ; je tiens à ce que le reproche de l'honorable M. Coomans sur le retard qu'a éprouvé la réforme des lois de milice ne puisse pas retomber sur ceux qui n'y ont en rien contribué. J'ai dit, en commençant, que le représentant de Turnhout a été l'une des causes de ce retard, et je le maintiens.

J'ajoute, au surplus, qu'aujourd'hui, par suite de la réorganisation militaire qu'on va étudier, l'ajournement de la révision de la loi sur la milice n'aura guère produit de résultat regrettable, car il est possible qu'un certain nombre de dispositions importantes du projet subissent des modifications essentielles. Cela est même certain, si le principe et le mode de recrutement actuellement en vigueur ne sont pas conservés. Or, l'honorable M. Coomans demande lui-même, et avec raison, que les investigations de la commission militaire se portent sur ce point qu'il déclare capital.

M. Coomans (pour un fait personnel). - Messieurs, voilà la deuxième fois que l'on se permet de me dire, à moi, qui suis un réclamant assidu en faveur d'une réforme des lois de milice, que c'est par ma faute que nous n'avons pas encore cette réforme-là. Le motif allégué par l'honorable M. Muller est tellement étrange qu'il me suffira de vous le répéter pour en faire justice. Il y a deux ans et demi, une première section centrale avait examiné un projet de loi réformant notre système de milice ; elle avait fait un rapport, mais ne l'avait pas encore soumis à la Chambre.

M. Mullerµ. - Le rapporteur n'était pas nommé.

M. Coomans. - Elle avait pris des décisions dont je n'étais pas satisfait. Eh bien, après la dissolution, on propose de renvoyer le projet de loi à cette section centrale ; n'étant pas satisfait des conclusions de cette section centrale et espérant qu'une autre en présenterait de meilleures, j'ai demandé qu'une nouvelle section centrale fût formée conformément au règlement. La Chambre a fait droit à cette demande. (Interruption.)

Si M. Orban est satisfait, je ne le suis pas encore.

M. Orban. - Je n'ai pas dit un mot.

M. Coomans. - Alors j'ai mal entendu.

M. Orban. - Alors vous n'aviez pas le droit de m'interpeller.

(page 204) M. Coomans. - J’ai le droit de réclamer le silence et j'en use.

Je vous le demande, messieurs, est-il juste de me reprocher à moi le retard subi par la réforme des lois de milice alors que la Chambre a appliqué son règlement, que la Chambre a renvoyé le projet de loi il y a deux ans et demi aux sections et à une nouvelle section centrale qui a eu tout le temps de remplir sa mission ? Comment ! Il ne sera donc plus permis de demander l'exécution du règlement sans être rendu responsable de toutes les conséquences qui peuvent résulter de l'observation du règlement ?

La section centrale n'a pas fait son travail par des motifs que je n'accepte pas, c'est à elle seule de demeurer responsable du retard.

M. de Brouckere. - Messieurs, il n'y a vraiment pas lieu de nous irriter à l'occasion de ce qui s'est passé relativement au projet de loi sur la milice, mais il est bon de préciser les faits. Voici, si je ne me trompe, comment les choses se sont passées.

Le projet de loi sur la milice avait été examiné en sections et la section centrale avait été constituée. Je ne faisais pas primitivement partie de la section centrale, mais un membre étant venu à manquer, j'ai été désigné par le bureau pour le remplacer.

Nous avons travaillé activement, nous avons eu de nombreuses conférences, mais nous avons été interrompus par la dissolution de la Chambre. A la rentrée, l'honorable M. Coomans, toujours si j'ai bonne mémoire, a fait la motion que le projet de loi sur la milice fût de nouveau renvoyé aux sections et que l'ancienne section centrale fût dessaisie de la mission dont elle avait été chargée. Je ne dis pas que cela ne fut pas régulier et ce que j'affirme surtout c'est que M. Coomans était parfaitement dans son droit.

Mais il a expliqué pourquoi il avait fait cette proposition, c'est qu'il était informé de ce qui s'était passé dans la section centrale dont j'avais l'honneur de faire partie, et nos propositions ne le satisfaisaient pas ; il n'avait pas confiance dans la section centrale, et il trouvait qu'il était bon de faire recommencer tout l'examen de la loi en la renvoyant de nouveau aux sections, et en faisant constituer une nouvelle section centrale. Ne suis-je pas exact ?

M. Coomans. - Ce n'est pas nous qui avons dessaisi la section centrale ; elle était dessaisie par la dissolution.

M. de Brouckere. - Je prie l'honorable M. Coomans de remarquer que nous sommes d'accord. J'ai dit que j'étais loin de trouver que sa proposition ne fût pas régulière et j'ai ajouté, de la manière la plus formelle, qu'il était dans son droit en la faisant.

Toujours est-il que c'est la proposition de l'honorable M. Coomans qui a été la véritable cause du retard survenu dans la présentation du rapport de la section centrale sur l'organisation de la milice.

Ainsi donc, c'est par un fait qui n'a pas seulement été approuvé par l'honorable membre, mais qui est émané de lui qu'a été causé le retard dont il se plaint aujourd'hui.

Ce sont là des faits bien positifs et incontestables.

Messieurs, je ne fais point partie de la section centrale. J'y suis complètement étranger, mais j'ai eu trop souvent à m'occuper des lois sur la milice pour ne pas savoir les difficultés qu'elles présentent et je dois déclarer que, quant à moi, je ne suis pas du tout étonné de voir combien la section centrale met de soin et de temps à remplir la mission dont elle est chargée.

Le rapport a été confié à l'honorable M. Muller.

Dans la dernière session, cet honorable membre a déclaré que son rapport ne serait pas déposé dans un très bref délai et il nous a dit pourquoi, tout en faisant connaître à la Chambre qu'il s'occupait de ce travail avec la plus grande activité.

J'aime à croire, messieurs, que ces explications feront apprécier à tout le monde le véritable état des choses et que la Chambre reconnaîtra qu'il n'y a en réalité de reproche à faire à personne, pas même à l'honorable M. Coomans.

M. Vleminckxµ. - Je tiens à éclairer la Chambre et spécialement l'honorable M. Coomans, au sujet d'un fait qu'il attribuait tout à l'heure au ministère de l'honorable M. de Brouckere. Il a dit qu'à cette époque déjà, en 1854, des modifications avaient été proposées à la loi sur la milice.

Les modifications présentées à cette époque à cette loi et qui se trouvent dans la loi d'organisation de l'armée ont été votées par la Chambre. A partir de ce moment, il n'y a plus eu d'autre présentation de loi de l'espèce que celle au sujet de laquelle s'est ouverte la discussion à laquelle l'honorable M. de Brouckere vient de prendre part. En voici la preuve.

Il y a dans cette loi de 1854 un article ainsi conçu :

« En attendant la révision des lois sur la milice, le Roi pourra, en cas de guerre et si le territoire est menacé, rappeler à l'activité le nombre de classes congédiées qu'il jugera convenable. »

Cette modification a été votée, je pense, par l'honorable M. Coomans lui-même.

M. Coomans. - On proposait 10 années de service.

M. Vleminckxµ. - Eh bien, on a réduit ce terme à 8 années.

- La discussion est close.

Projet de loi portant le budget des affaires étrangères de l’exercice 1867

Discussion du tableau des crédits

Chapitre 2. Légations. Traitements des chefs de mission, des conseillers ou secrétaires, et frais de chancellerie

Articles 11 à 20

« Art. 11. Pays-Bas : fr. 46,500. »

- Adopté.


« Art ; 12. Prusse: fr. 46,500. »

- Adopté.


« Art. 13. Russie: fr. 71,000. »

- Adopté.


« Art. 14. Brésil : fr. 30,000. »

- Adopté.


« Art. 15. Danemark, Suède et Norvège, etc. : fr. 20,000. »

- Adopté.


« Art. 16. Espagne : fr. 22,000. »

- Adopté.


« Art. 17. Etats-Unis : fr. 30,000. »

- Adopté.


« Art. 18. Portugal : fr. 20,000. »

- Adopté.


« Art. 19. Turquie : fr. 45,970. »

- Adopté.


« Art. 20. Indemnités à quelques secrétaires et attachés de légation : fr. 25,000. »

- Adopté.

Chapitre III. Consulats

Article 211

« Art. 21. Traitements des agents consulaires et indemnités à quelques agents non rétribués : fr. 161,250. »

MpVµ. - Il y a une modification proposée par le gouvernement et adoptée par la section centrale. Par suite d'un transfert, ce chiffre est porté à 162,500 fr.

- L'article, ainsi modifié, est adopté.

Chapitre IV. Frais de voyage

Article 22

« Art. 22. Frais de voyage des agents du service extérieur et de l'administration centrale, frais de courriers, estafettes, courses diverses : fr. 70,500. »

- Adopté.

Chapitre V. Dépenses diverses relatives aux légations et aux consulats

Articles 23 à 26

« Art. 23. Perception des droits de chancellerie et bureau de la librairie à Paris. Personnel : fr. 6,210. »

- Adopté.


« Art. 24. Idem. Frais divers : fr. 300. »

- Adopté.


« Art. 25. Indemnités pour un drogman et autres employés dans des résidences en Orient : fr. 8,030. »

- Adopté.


« Art. 26. Frais de correspondance de l'administration centrale avec les agences, ainsi que des agences entre elles ; secours provisoires à des Belges indigents ; achat et entretien de pavillons, écussons, timbres, cachets ; achat de publications nationales et étrangères ; achat, copie et traduction de documents ; abonnement aux journaux et écrits périodiques étrangers ; frais extraordinaires et accidentels : fr. 83,120.’

- Adopté.

Chapitre VI. Missions extraordinaires, traitements d’inactivité et dépenses imprévues

Article 27

(page 205) « Art. 27. Missions extraordinaires, traitements d'inactivité et dépenses imprévues non libellées au budget : fr. 47,000. »

- Adopté.

Chapitre VII. Commerce, navigation, pêche

MpVµ. - Le gouvernement propose de supprimer le mot « pêche » dans l'intitulé de ce chapitre.

M. de Smedt. - Messieurs, vous avez tous reçu les observations que les armateurs et les pêcheurs de Nieuport ont adressées à M. le ministre des affaires étrangères, sur les conclusions de la commission d'enquête qui a fait son rapport sur les objets qui intéressent la pêche maritime.

Je vais avoir l'honneur, messieurs, de vous les résumer en peu de mots.

Les pêcheurs et armateurs de Nieuport se plaignent, et avec raison, me semble-t-il, de n'avoir pas été suffisamment représentés dans cette commission. D'où il résulte que les intérêts spéciaux de cette importante localité sont restés dans l'ombre et presque dans l'oubli.

A Nieuport, messieurs, on ne pratique guère que la grande pêche, la pêche d'été et d'hiver à la morue, et cela pour deux motifs : le premier c'est que les bateaux sont exclusivement construits en vue de cette destination, le second c'est que ce port n'étant pas jusqu'à ce jour relié au réseau général de nos chemins de fer, le poisson de marée ne peut s'y écouler assez rapidement.

Or, messieurs, il est incontestable que la morue et le hareng sont les seuls poissons d'une consommation générale et populaire ; les autres produits de la pêche sont une alimentation de luxe ou du moins tout à fait insignifiants pour le peuple. Ce seul fait méritait déjà par lui-même, de la part de la commission d'enquête, une bienveillante et spéciale attention ; c'était donc la pêche pratiquée à Nieuport qui devait surtout préoccuper le gouvernement et la commission d'enquête. Eh bien, je le déclare, à mon grand regret, c'est le contraire qui a eu lieu.

On a consulté, il est vrai, les pécheurs et armateurs de Nieuport ; mais il semblerait qu'ils ne l'ont été que pour la forme et par acquit de conscience, puisque tous les hommes pratiques et vraiment compétents qui ont été consultés à Nieuport par la commission d'enquête ont tous invariablement répondu que le maintien ou la suppression de la prime pour la pèche à la morue était pour cette importante industrie une question de vie ou de mort. Et la majorité de cette commission qui était instituée pour examiner et défendre les intérêts de cette importante et utile source du travail et de l'alimentation nationale, conclut à l'abolition sans exception de toute protection, de toute faveur pour n'importe quel genre de pêche.

L'industrie de Nieuport méritait au double point de vue de son importance alimentaire et de son objet, une représentation spéciale, on ne l'a pas fait, j'en ignore le motif, et les conséquences déplorables de ce fait ne se font que trop sentir dans la rédaction du rapport et l'adoption de ses conclusions.

Cependant si l'assertion des hommes compétents consultés à Nieuport est vraie, à savoir que sans primes la pêche à la morue est impossible, ne sera-ce pas pour le gouvernement et la commission d'enquête, qui est son émanation, une grande et lourde responsabilité ?

Un désastre financier est imminent à Nieuport et vous, gouvernement, et vous, messieurs, qui voulez, sans transition suffisante, abolir toute protection à une industrie que cette protection n'a peut-être pas exclusivement créée, mais à laquelle, évidemment, elle a donné un essor et une manière d'être toute spéciale, pouvez-vous le faire sans injustice ?

Ah ! si nous nous trouvions devant une situation à faire, s'il s'agissait, par exemple, de décider hic et nunc s'il faut établir des primes ou ne pas en établir, la question serait différente et je comprends, que sans injustice aucune, on puisse la résoudre négativement.

Mais aujourd'hui la question a une autre face, une face qu'un gouvernement et des hommes honnêtes et consciencieux ne peuvent pas ne pas envisager. Il s'agit ici d'une question de justice et de probité politique.

En effet, messieurs, c'est la protection, la faveur spéciale du gouvernement qui a lancé dans cette branche de l'activité nationale des bras et des capitaux qui, sans elle, ne se seraient pas dirigés de ce côté. A l'ombre de cette protection, des compagnies se sont formées, des armements considérables ont été entrepris, et aujourd'hui, malgré les déclarations et les réclamations les plus énergiques des autorités compétentes de Nieuport, sans égard pour des faits existants avec la complicité du gouvernement et des Chambres, vous aboliriez tout à coup ces faveurs, ces primes ? Non, messieurs, cela ne sera pas, et j'espère mieux de votre impartialité, de votre justice.

Cette rigueur extrême se comprendrait peut-être s'il s'agissait de détruire un monopole, un privilège cette branche de l'activité nationale serait seule à profiter. Mais en est-il ainsi, et n'avons-nous pas la protection en tout et par tout ? De l'instruction populaire aux beaux-arts et de l'agriculture au commerce, en passant par l'industrie elle-même, tout est faveur, tout est protection, c'est un régime largement pratiqué et généralement accepté sous des noms multiples par le gouvernement et nos Chambres législatives.

Voulez-vous modifier le régime tout entier, je serai avec vous et j'applaudirai de grand cœur à cette innovation politique et administrative. Mais quand je vois protection partout et primes partout habilement déguisées sous des dénominations qui les font accepter sans trop faire crier, comment, messieurs, voulez-vous que je me rallie en ce moment à une réforme qui se fait par exception et au détriment de mes seuls commettants ? et je dirais même au détriment de la classe de citoyens qui consomme le plus de poisson commun.

Supposez en effet la pêche à la morue détruite, comme vous l'annoncent les pêcheurs et armateurs de Nieuport, aussitôt la morue hollandaise envahira seule notre marché, puisque ce poisson, en France, est à un prix qui ne permet aucune concurrence avec le produit belge ou hollandais ; or, comme celui-ci trouvera dans notre pays un débouché important nouveau que la concurrence belge lui interdisait en partie jusqu'ici, il arrivera nécessairement que cette denrée d'alimentation populaire, alors qu'il n'y aura plus de morue belge, augmentera considérablement de prix.

Et en abolissant les primes sans ménagements suffisants, vous aurez, messieurs, du même coup ruiné beaucoup de familles, enlevé une branche importante du travail national et qui pis est, parce qu'ici les conséquences de cette désastreuse mesure s'étendront plus loin, vous aurez livré le marché belge aux seuls producteurs hollandais, qui profiteront de leur monopole pour exagérer les prix et diminuer la consommation de cette utile denrée d'alimentation populaire.

Une légère dépense de quelques milliers de francs par an ne peut soulever d'objections sérieuses, quand cette légère protection, accordée d'ailleurs, si généreusement à tant d'autres branches de l'activité nationale, pourrait éviter de pareils désastres. Ce serait, en effet, une calamité publique, si, du chef de la suppression de la prime, la pêche à la morue cessait et si cette importante denrée alimentaire augmentait sensiblement de prix.

J'ai lu, messieurs, le long et intéressant rapport de la commission d'enquête sur la pêche maritime ; il y est fait mention, à plusieurs reprises, de la déclaration des armateurs et pêcheurs à la morue, et ils sont unanimes à soutenir que, sans primes, ce genre de pêche ne sera plus possible, surtout la pêche d'hiver au Doggersbank. Je n'ai trouvé dans le rapport aucun argument de quelque valeur qui détruise cette assertion. Là est, cependant, toute la question ; prouvez-nous que la prime n'a aucune influence pour retenir nos pêcheurs et les empêcher de s'engager en France pour la saison de la pêche à la morue, où le gouvernement et les armateurs leur accordent, outre une prime de plus de 100 fr. par homme, un salaire et une part de bénéfice dans la pêche beaucoup plus importants que chez nous.

Là, ce salaire élevé et ces primes peuvent facilement être donnés aux pêcheurs, puisque la morue se vend en France le double du prix de la Belgique.

Des droits réellement prohibitifs empêchent, d'autre part, l'exportation de ce produit en France. Par suite encore de la concurrence que vient nous faire la morue hollandaise sur notre marché, nos armateurs ne peuvent augmenter assez le taux du salaire des hommes d'équipage pour les retenir en Belgique. Pour régénérer la pêche nationale, dit l'honorable rapporteur de la commission d'enquête, il faut deux éléments essentiels : des capitaux et des hommes. Nous sommes parfaitement d'accord avec M. Hymans !

Mais comment pourra-t-on, je le demande, réunir des capitaux et des (page 206) hommes, alors qu'avec les primes ces deux éléments essentiels se recrutent déjà si difficilement ? Supprimez les primes et aussitôt tous nos meilleurs pêcheurs s'en iront en France où le gouvernement et les conditions favorables de la pêche leur assurent un bénéfice certain et plus lucratif qu'en Belgique. Or, Sans équipages, vous n'aurez pas de capitaux, cela va de soi, et ainsi les deux conditions essentielles et indispensables pour le maintien et la prospérité de notre pêche nationale feront complètement défaut.

Si le gouvernement et la Chambre, conséquents dans les principes que l'on avait d'abord semblé accepter, à savoir, la suppression successive des primes par la diminution annuelle de dix mille francs sur le crédit alloué à cet objet, si la Chambre avait persévéré dans cette voie prudente, il aurait pu se faire que nos armateurs eussent trouvé d'ici là un moyen efficace de retenir leurs équipages ou de transformer leur industrie ; mais tout abolir d'un seul coup, cela ne me paraît ni sage, ni prudent. Cette manière de faire est d'ailleurs en contradiction formelle avec tous les précédents en pareille matière ; et dernièrement encore la Chambre n'a-t-elle pas été unanime à user de beaucoup de prudence et de ménagement vis-à-vis du privilège le plus exorbitant et le plus immoral qui puisse exister dans un pays libre et honnête ?

Je veux parler des jeux et de la banque de Spa.

Malgré les protestations de tous les pouvoirs et de toutes les opinions contre cette honteuse institution, le gouvernement et les Chambres n'ont-ils pas accepté de laisser continuer cette déplorable exploitation de l'immoralité publique en vue de sauvegarder les intérêts de la banque et de la ville de Spa.

Ici cependant les bénéfices de la banque et de la ville ont été scandaleux, et le passé dédommageait suffisamment, me semble-t-il, l'avenir résultant de la suppression des profits, en cas d'abolition immédiate de ce honteux trafic. Malgré cela, le gouvernement hésite et les Chambres acceptent de ménager la transition. Pour la pêche, au contraire, s'il est vrai que les primes constituaient un privilège, du moins elles venaient en aide à une intéressante industrie, qui, celle-là, n'avait pas effectué des bénéfices usuraires et qui contribuait largement à l'alimentation du peuple.

Vous voulez supprimer cependant les primes sans transition. Pourquoi, je le demande, ces deux poids et ces deux mesures, alors surtout que la pêche nationale méritait autant vos égards et vos sympathies, messieurs, que l'industrie des jeux de Spa en méritait peu ? Pour expliquer cette inconséquence et cette contradiction, je n'ose pas croire que l'intérêt des petits et des faibles vous touche moins que l'intérêt des forts et des grands.

j'espère donc encore que le gouvernement voudra bien faire, pour nos pauvres pêcheurs ce qu'il a si généreusement accepté pour la riche ville de Spa et que du moins les primes pour la pêche à la morue seront maintenues comme les faveurs pour la ville de Spa jusqu'en 1870 ; de cette manière il n'y aura de surprise pour personne, les intérêts divers que cette suppression met en jeu seront sinon complètement sauvegardés, du moins préservés d'une ruine certaine et immédiate. En acceptant cette proposition si légère pour le trésor public, le gouvernement fera acte d'humanité et de justice et les Chambres qui la voteront resteront fidèles à leurs anciennes traditions de prudence et de sagesse.

Les primes pourraient-elles être supprimées immédiatement sans danger partout et pour tous les genres de pêche, qu'elles ne le pourraient pas être impunément pour Nieuport, parce que les pêcheurs de Nieuport n'ayant ni chemin de fer, ni armement spécial pour la pêche à la marée ne peuvent trouver là la compensation nécessaire des pertes éventuelles de la grande pêche. Si le gouvernement n'accepte donc pas ma proposition d'accorder la continuation des primes à la pêche à la morue à Ostende comme à Nieuport, je demanderai subsidiairement qu'il la maintienne pour quelque temps encore à Nieuport, eu égard à la position exceptionnellement fâcheuse dans laquelle le retrait de l'allocation gouvernementale placera cette industrie.

Le chiffre du libellé peut rester tel qu'il est, il ne faut aucun changement, et si plus tard le gouvernement, convaincu de la nécessité d'établir une école de mousses, vient nous demander les fonds nécessaires à cet objet, nous les voterons.

M. Van Iseghem. - Messieurs, je regrette beaucoup que l'honorable M. Hymans, rapporteur de la commission d'enquête, ne soit pas ici pour répondre aux critiques de l'honorable M. de Smedt adressées à la commission de la pêche ; je tâcherai de le remplacer autant que possible.

L'honorable M. de Smedt, si je l'ai bien compris.se plaint de la partialité de la commission ; il prétend qu'elle était très mal disposée pour les intérêts de Nieuport et que ces intérêts n'ont pas été défendus. Je crois cependant que l'honorable sénateur de Furnes faisait partie de la commission et il défend toujours avec la plus grande ardeur les intérêts des Nieuportois dans ses discours au Sénat.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - Il la présidait.

M. Von Iseghemµ. - L'honorable membre se plaint des procédés de la commission. La commission s'est rendue dans toutes les localités de pèche et a été impartiale envers tous les intéressés. Moi aussi j'ai toujours protégé la pêche, j'ai défendu la prime pendant 19 ans, mais jamais je n'ai réclamé de faveurs spéciales pour la ville qui m'a fait l'honneur de m'envoyer dans cette enceinte, j'ai toujours défendu la pêche d'une manière générale en demandant le maintien de la prime, n'importe à quelle localité, elle devait profiter.

L'honorable membre vient de dire que depuis nombre d'années il existe à Nieuport des sociétés qui se sont formées en présence des faveurs dont la pêche maritime jouissait pour armer plusieurs navires. A Ostende, pour ainsi dire, toute la flottille se trouve dans cette position. En 1842 il y avait à Nieuport 9 bateaux et actuellement 8, tandis qu'à Ostende, il y avait, en 1842, 100 bateaux, et aujourd'hui il y en a 165. Cela prouve que nos concitoyens ont montre une grande activité. Si une ville peut se plaindre que ses intérêts soient compromis, c'est celle qui a 165 bateaux plutôt que celle qui n'en a que 8.

L'honorable M. de Smedt dit aussi que, du moment que la prime sera supprimée, on ne pourra plus importer la morue ; l'honorable membre se trompe ; la suppression de la prime fera du tort à la pêche, je l'ai toujours dit ; mais que peut-on faire contre l'impossible ? J'ai été forcé de lever l'ancre et de naviguer vers une autre destination.

Quant à la proposition de M. de Smedt de conserver la prime pour une seule catégorie de pêche, je ne puis pas l'admettre. Si la Chambre veut conserver la prime, elle doit la conserver telle qu'elle est, et pour toutes les catégories de pêcheurs, j'en serai très charmé et ce serait une bonne nouvelle pour mes concitoyens.

Mais y a-t-il lieu de maintenir la prime. ? Je ne le pense pas. La commission d'enquête en a proposé la suppression et, je dois le dire, moi-même, en présence des propositions du gouvernement, j'ai dû, à mon regret, en section centrale, me rallier à cette proposition.


MpVµ. - Le bureau a composé les commissions spéciales de la manière suivante :

La commission chargée d'examiner les projets de loi de crédits provisoires est composée de MM. Moreau, de Naeyer, Allard, Wouters, Van Humbeeck, Vermeire et Mouton.

La commission chargée d'examiner le projet de loi qui fixe le contingent de l'armée est composée de MM. Crombez, Vander Donckt, Lippens, Kervyn, Vleminckx, Coomans et de Rossius.

Ces commissions sont priées de s'occuper immédiatement des projets qui leur seront soumis.


M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - L'honorable député de Nieuport qui a pris la parole s'est plaint de ne pas être suffisamment écouté par ses collègues. Cette circonstance était un premier symptôme qui devait lui révéler, me semble-t-il, l'inutilité des efforts qu'il tentait en faveur de la localité qu'il représente.

Le gouvernement, n'a pas, je pense, de reproches à encourir de la part de l'honorable membre ; il voudra bien se souvenir que pendant plusieurs années j'ai défendu énergiquement, contre les vœux d'une grande partie de cette Chambre, le maintien de la prime au budget. Je puis dire que j'ai figuré parmi les derniers combattants. Je ne demanderais pas mieux que de donner encore la main à l'honorable membre aujourd'hui, mais je craindrais de rester seul avec lui sur le champ de bataille.

Quand je tiens ce langage, je ne suis pas suspect, surtout vis-à-vis de la ville de Nieuport, à laquelle je porte un intérêt particulier. Cette petite ville qui renferme de pauvres mais courageux habitants a droit aux sympathies des Chambres, et ce n'est pas parce qu'elle est petite, faible et isolée que notre concours lui manquera jamais ; au contraire, il se portera de préférence de ce côté.

Mais nous devons chercher à pratiquer des choses possibles. Or, aujourd'hui il est reconnu par tout le monde que la prime a fait son temps, et je suis persuadé que si l'honorable représentant de Nieuport plaide (page 207) pour le maintien de la prime, l'honorable M. de Smedt professe en principe une autre opinion. M. de Smedt figure, je pense, parmi nos économistes les plus distingués et c'est surtout à MM. les économistes que ceux qui jouissaient autrefois de la prime doivent s'en prendre s'ils sont désormais privés de cet avantage.

Après ce que je viens de dire, je ne sais s'il est nécessaire que je relève la critique qui a été faite de la composition de la commission instituée pour examiner les questions relatives à la pêche.

Cette commission a été composée, je pense, de la manière la plus impartiale et la plus bienveillante, je ne pouvais mieux faire représenter Nieuport que par le sénateur de Furnes et je ne pouvais donner une meilleure position à cet arrondissement qu'en investissant le sénateur nommé par Nieuport des fonctions de président de la commission. Heyst et Blanckenberghe n'étaient pas représentés du tout dans la commission ; vous voyez donc que Nieuport n'a pas à se plaindre.

Je donne ces détails à l'honorable M. de Smedt pour lui montrer que je ne dédaigne pas l'opinion qu'il a exprimée. Je crois qu'il a bien fait de l'exprimer, mais cela dit, il voudra bien reconnaître avec moi que des efforts pour le maintien de la prime seraient aujourd'hui inutiles.

La prime a été soumise à l'examen d'une commission dans laquelle on pouvait supposer que se trouveraient en majorité des partisans de la prime. Or, la commission l'a condamnée et l'un des hommes qui avait toujours été son plus vigoureux champion vient de lui porter le dernier coup. M. Van Iseghem a cessé de défendre la prime, il vient de lui porter le coup de grâce, de manière qu'il faudra bien en prendre notre parti.

M. de Smedt. - Messieurs, quand je me suis constitué le défenseur des intérêts de Nieuport dans cette enceinte, afin que les primes accordées jusqu'ici à la pêche de la morue ne soient pas subitement supprimées, je ne me suis pas fait illusion sur le peu de chances qu'avait ma proposition, alors surtout que j'avais à constater l'attitude fâcheuse prise par le gouvernement dans cette affaire.

Si, eu égard à la position tout à fait exceptionnelle dans laquelle se trouve cette industrie de Nieuport, le gouvernement avait maintenu quelque temps encore le subside à son budget, je suis certain que la Chambre se serait ralliée de grand cœur à sa proposition, alors surtout qu'il eût été entendu, comme je le proposais, que cette mesure était purement transitoire. En effet, il s'agissait seulement du maintien de la prime jusqu'en 1870, afin qu'il n'y eût de surprise pour personne

Il avait été décidé par la Chambre que successivement on réduirait la prime de 10,000 fr. par an. La mesure brusque à laquelle le gouvernement vient de se rallier a été pour les pêcheurs et pour les sociétés qui s'étaient constituées à l'ombre de cette protection gouvernementale, une véritable surprise.

La commission d'enquête, en se prononçant pour la suppression immédiate et radicale de cette prime, a méconnu en cela, me semble-t-il, les intérêts les plus légitimes des armateurs de Nieuport.

L'honorable ministre des affaires étrangères, tout en reconnaissant que je faisais bien de défendre les intérêts de mes commettants, a cru trouver dans l'attitude que j'ai prise dans cette question une contradiction avec mes principes économiques. Il n'en est rien, messieurs, car ennemi en principe de toute intervention permanente du gouvernement dans les différentes branches de l'activité nationale, il m'est bien permis de me prononcer en faveur de ce système lorsqu'il n'est que temporairement appliqué et alors surtout que la protection du gouvernement s'étend à tant de choses. Et c'est que j'ai fait, puisque j'ai fixé moi-même l'époque à laquelle cette intervention cesserait.

Etait-ce donc trop que de demander que l'on fît pour cette intéressante et utile industrie ce que l'on avait fait pour la ville de Spa ? C'est-à-dire ménager les transitions. On vous déclare que la pêche à la morue sera frappée de mort par la mesure rigoureuse et si inattendue que vous voulez prendre à son égard, et vous n'avez, messieurs, aucune pitié et l'honorable M. Van Iseghem lui-même qui s'est levé pour protester contre l'assertion que j'avais émise, savoir que la ville de Nieuport n'avait pas été suffisamment représentée dans la commission d'enquête, cet honorable membre, au lieu de se joindre à moi pour que la ville de Nieuport jouisse encore quelque temps de cette faveur, soutient que la prime doit être générale ou ne pas être accordée du tout.

Cependant, messieurs, la ville de Nieuport n'a pas, comme Ostende, le privilège d'être particulièrement protégée par le gouvernement ; elle ne reçoit pas, comme Ostende, des subsides par millions et des faveurs de toute nature.

Et que d'autres privilèges encore ! N'a-t-elle pas ses étrangers, son chemin de fer, qui donne tant de facilités pour le rapide écoulement des produits de sa pêche, et puis que de sacrifices pour son port et le services de ses malles-postes, etc. !

Il me semble que quand on est aussi riche que l'est Ostende et quand son honorable représentant use aussi largement du crédit qu'il a auprès du gouvernement, il me semble, dis-je, que l'on pourrait être plus généreux que ne l'est l'honorable membre vis-à-vis de ceux qui n'ont obtenu jusqu'ici que des promesses bienveillantes, dont nous prenons acte en attendant patiemment qu'elles se réalisent.

M. Van Iseghem. - Lorsque je faisais partie de la commission qui avait été instituée avec le consentement de la Chambre et dont les décisions devaient avoir une grande influence sur le gouvernement, j'ai, tout en admettant le principe de la suppression de la prime, demandé qu'elle fût maintenue jusqu'en 1867, et je suis resté tout seul de mon opinion. J'ai vu dès ce moment qu'il n'y avait plus rien à espérer et je ne crois plus pouvoir m'opposer à la suppression de la prime, suppression qui depuis longtemps était décidée en principe par la Chambre.

S'il était possible de décider mes honorables collègues à maintenir la prime, je le répète, j'en serais heureux ; mais je n'ai pas osé demander l'impossible et surtout des privilèges pour ma localité.

L'honorable membre a parlé de la richesse de la ville d'Ostende ; il a dit que la ville d'Ostende obtenait toutes les faveurs du gouvernement ; mais je demanderai à l'honorable ministre des travaux publics si son budget ne contient rien pour la ville de Nieuport depuis quelques années. Quand, grâce à l'activité de mes concitoyens, la pêche augmente considérablement et qu'il n'y a plus possibilité de loger nos bateaux pêcheurs, nous avons dû faire pendant deux ou trois ans les démarches les plus vives auprès du gouvernement pour obtenir la construction d'une crique da pêcheurs qui, à l'heure qu'il est, n'est pas encore mise en adjudication, et nos bateaux souffrent considérablement de ce retard, tandis que pour Nieuport nous avons voté des sommes considérables pour y attirer le commerce. Elle a demandé un service de pilotage et elle l'a obtenu.

Je n'admets donc pas que l'honorable membre puisse reprocher au gouvernement d'avoir négligé les intérêts de la ville de Nieuport. Le gouvernement est juste pour tout le monde. Je connais Nieuport comme je connais Ostende, et si l'une de ces deux villes pouvait se plaindre, cé serait Ostende. (Interruption.)

Je profiterai de cette circonstance pour appeler l'attention de l'honorable ministre des affaires étrangères sur la nécessité de procéder à une révision des règlements sur la pêche. La prime étant supprimée, il y a lieu de faire disparaître plusieurs dispositions de ces règlements et de porter ces décisions à la connaissance des intéressés.

J'engage aussi le gouvernement à avoir les plus grands égards à toutes les mesures que la commission d'enquête a proposées et j'espère qu'il en sera tenu compte ; principalement pour le bateau chargé de surveiller nos nombreuses chaloupes dans la mer du Nord, qui, en même temps, pourrait être l'école des mousses.

Motion d’ordre

M. de Brouckere. - Je demande pardon à la Chambre, si j'interromps un moment la discussion dont elle s'occupe. Mais je crains que dans quelques minutes la séance ne soit levée et je regretterais de n'avoir pas fait une rectification que je dois à la Chambre.

Tout à l'heure on a parlé d'un projet de loi sur la milice qui aurait été présenté en 1853. Je me suis exprimé d'une manière dubitative ; j'aï dit que je ne me le rappelais pas.

J'ai constaté depuis qu'en effet il y a eu un projet de loi sur la milice présenté en 1853. Je tiens à expliquer comment j'ai pu oublier ce fait.

Ce projet de loi était entièrement terminé avant l'entrée du cabinet qui s'est constitué à la fin de 1852, et on peut s'en assurer en examinant les dates de toutes les pièces qui accompagnent le projet. On peut le reconnaître encore en voyant que le ministre de l'intérieur qui est entré aux affaires au mois de novembre 1852, présentait ce projet au mois de février 1853, lequel projet avait été élaboré par son prédécesseur. Voilà comment il se fait que j'avais perdu de vue ce projet auquel j'étais, pour ma part, entièrement étranger, et qui n'a eu aucune suite.

M. Coomans. - Aucun d'entre nous, et moi moins que tout autre, ne songera jamais à élever le moindre doute sur la parfaite loyauté de (page 208) l'honorable M. de Brouckere. Aussi, quand l'honorable membre a contredit en termes dubitatifs, il est vrai, mon affirmation, quoique je fusse certain d'avoir raison, j'honore tant l'honorable membre que je n'ai pas osé préciser immédiatement mon assertion comme je l'aurais peut-être fait dans d'autres circonstances envers d'autres interlocuteurs.

Messieurs, j'avais dit ceci : qu'il était surprenant que la réforme des lois de milice n'aboutît pas, alors qu'elle avait déjà été proposée il y a quinze ans. Là-dessus on m'a adressé des dénégations de divers côtés, non pas M. de Brouckere, c'est possible, mais d'autres membres, et notamment les honorables MM. Frère et Vleminckx ; M. Vleminckx s'est donné la peine de se lever pour expliquer comme quoi je me trompais complètement.

Or, j'avais été très exact ; un projet de loi complet, réformant notre législation sur la milice a été déposé sur le bureau de la Chambre par l'honorable M. Piercot le 18 février 1853. (Interruption.)

L'honorable M. Rogier m'interrompt pour me dire que ce projet de loi avait été préparé par les prédécesseurs de ce ministre ; soit : cela renforce mon argument. Je dois ajouter que ce projet était complet : il se composait de 90 articles.

La principale raison pour laquelle j'ai pris la parole c'est que mon respect pour la Chambre, est tel que je ne veux pas laisser croire que je vienne à la légère alléguer des faits de cette gravité, sans être à même de justifier parfaitement mes assertions.

Projet de loi portant le budget du ministère des affaires étrangères de l’exercice 1867

Discussion du tableau des crédits

Chapitre VII. Commerce, navigation, pêche

Article 28

MpVµ. - La discussion est reprise sur l'article 28, « Chambres de commerce ».

M. Jonetµ. - Messieurs, les rapports annuels des chambres de commerce du royaume ont une importance incontestable.

Ils rendent compte des principaux faits commerciaux et industriels qui ont signalé le cours de l'année écoulée, en apprécient l'influence et les effets, et expriment la manière de voir de ces assemblées sur les moyens d'accroître la prospérité matérielle du pays.

Aussi ces rapports, que les commerçants et les industriels désirent consulter, sont-ils attendus par eux avec impatience.

L'arrêté royal du 10 septembre 1841 porte : « que les chambres de commerce doivent faire chaque année, dans le cours du mois de mars, au ministère chargé du commerce et de l'industrie, un rapport général sur toutes les branches commerciales et industrielles de leur ressort. »

Malheureusement très peu d'entre elles se conforment à cette prescription et la plupart ne font publier leurs rapports qu'en mai et juin, et même en novembre, tandis qu'ils devraient être déposés le 31 mars.

Il en résulte que les intéressés attendent fort longtemps des renseignements qu'il leur serait utile d'avoir à leur disposition le plus vite possible, et que ce long retard enlève à ces documents leur principal mérite, celui de l'actualité.

Ou comprend facilement en effet que des rapports faits en octobre et novembre sur les opérations de l'année précédente perdent beaucoup de leur intérêt.

De plus les conseils provinciaux qui se réunissent chaque année le premier mardi de juillet attachent une très grande importance à connaître l'opinion des chambres de commerce de leur province ; il arrive rarement qu'à l'époque de leur réunion, tous ces rapports leur soient parvenus.

Il serait donc vivement à désirer, messieurs, que les chambres de commerce fissent leurs rapports à la date fixée par l'arrêté royal de 1841.

C'est pourquoi je me permettrai de demander à M. le ministre des affaires étrangères s'il ne croit pas qu'il conviendrait de leur rappeler la disposition de l'arrêté royal et les invitant à s'y conformer.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - Messieurs, le département des affaires étrangères recommande à MM. les gouverneurs d'inviter les chambres de commerce à envoyer leurs rapports dans le délai voulu. Mais je dois le reconnaître, la transmission de ces documents est assez souvent tardive : ce qui amène parfois une correspondance assez vive entre le département des affaires étrangères et les chambres de commerce en retard.

Il est à remarquer que le gouvernement n'a pas d'action directe sur les chambres de commerce ; ce sont des corps indépendants.

Observons, toutefois, que si les rapports des chambres de commerce doivent être complets, il est difficile qu'on puisse les rédiger et les publier dans les trois mois qui suivent l'année dont on rend compte. Les rapports doivent être imprimés ; cette impression exige un certain temps. S'il est des chambres de commerce qui sont à même de présenter leurs rapports dans le délai voulu, il en est d'autres qui peuvent être excusées à cet égard.

Les conseils provinciaux réclament vainement, dit-on, la communication des rapports des chambres de commerce ; cependant il est à remarquer que plusieurs exposés de la situation administrative des provinces renferment ces rapports-là. Les choses se passent ainsi notamment dans la province d'Anvers.

Du reste, le discours de l'honorable député de Charleroi sera lui-même un avertissement donné aux chambres de commerce ; j'y joindrai, au besoin, mes recommandations afin d'amener dans cette partie du service une exactitude qui puisse satisfaire l'honorable membre.

M. Vermeireµ. - Messieurs, il est sans doute très désirable que les chambres de commerce envoient leurs rapports annuels dans le délai déterminé par la loi ; mais il leur est fort difficile, surtout à plusieurs d'entre elles, de satisfaire ponctuellement à cette obligation. Avant de rédiger leurs rapports, il faut nécessairement qu'elles prennent des informations ; mais bien souvent ces renseignements ne leur parviennent pas en temps utile, pour qu'elles puissent faire leur travail dans les trois mois.

Maintenant, s'il est vrai de dire que les rapports des chambres de commerce ont tous de l'importance, il faut convenir cependant que cette importance n'est que relative.

En effet, que doit constater le rapport d'une chambre de commerce ?

II doit relater si les industries qui s'exercent dans le ressort de la Chambre sont en décadence ou en progrès ; il doit mentionner, en outre, les mesures qu'on réclame pour que ces industries puissent se développer. Les mesures qu'on indique sont très simples ; c'est avant tout une diminution dans le prix de transport des produits industriels.

Les mêmes vœux se renouvellent d'année en année. Le rapport contient parfois quelques faits particuliers ; comme par exemple lorsqu'il y a une machine à vapeur de plus ou une machine à vapeur de moins. Je ne vois pas que ces détails aient une grande importance.

Je ne nie pas que les rapports de la chambre de commerce de Charleroi ne soient beaucoup plus importants ; on peut y constater si l'industrie houillère a été plus ou moins active, si elle a gagné beaucoup d'argent ; on peut y indiquer le prix du charbon et examiner l'influence de ce prix sur le salaire de la classe ouvrière ; tout cela peut être important et intéressant.

On a fait tout à l'heure l'éloge des rapports de la chambre de commerce d'Anvers ; c'est très bien ; mais il est à remarquer qu'il y a peu d'industries à Anvers ; elle n'a à s'occuper que du mouvement du port de cette ville ; puis elle se borne à réclamer chaque fois la liberté commerciale la plus complète possible et sa réalisation dans le plus bref délai

M. Jonetµ. - M. le ministre des affaires étrangères n'a pas, dit-il d'action sur les chambres de commerce ; je ne partage pas entièrement sa manière de voir, car tous les membres étant sujets à réélection tous les trois ans, M. le ministre pourrait bien ne pas renommer MM. les présidents qui n'auraient pas montré assez de zèle. Il pourrait également, lorsqu'il y a des fonds disponibles pour les chambres de commerce, ne pas les donner à MM. les secrétaires dont les rapports n'ont pas été faits en temps opportun. L'honorable M Rogier dit aussi que les rapports sont quelquefois en retard à cause du temps nécessaire pour l'impression. Je ferai remarquer à M. le ministre qu'il suffit que ces rapports soient écrits pour être remis à son département.

M. le ministre a dit encore que les conseils provinciaux reçoivent généralement en temps utile les exposés des chambres de commerce pour les faire insérer dans les rapports administratifs annuels. Je ne conteste pas le fait complètement, mais je puis assurer à M. le ministre que plus d'un tiers des exposés administratifs annuels ne contiennent pas les rapports de toutes les chambres de commerce, et que ce n'est qu'après la clôture de la session que plusieurs de ces rapports sont imprimés.

L'honorable M. Vermeire ne pense pas qu'un délai de trois mois suffise pour permettre à une chambre de commerce de rédiger son rapport ; je pense, pour ma part, que ce délai est suffisant.

(page 209) Chaque fois que j'ai fait partie d'une chambre de commerce, les rapports étaient faits en temps, mais on ne se hâtait pas de les déposer, parce que beaucoup d'autres chambres étaient toujours en retard.

J'engage donc vivement M. le ministre des affaires étrangères à réclamer, comme il a bien voulu le promettre, les rapports en temps utile.

- L'article est adopté.

Article 29

« Art. 29. Frais divers et encouragements au commerce : fr. 48,000. »

- Adopté.

Projet de loi accordant des crédits provisoires aux budgets des ministères des travaux publics et de la guerre

Rapport de la commission

M. Allard. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission qui a été chargée d'examiner le projet de loi accordant des crédits provisoires aux départements des travaux publics et de la guerre.

- La Chambre ordonne l'impression et la distribution du rapport, et met le projet de loi à l'ordre du jour de demain.

Projet de loi portant le budget du ministère des affaires étrangères de l’exercice 1867

Discussion du tableau des crédits

Chapitre VII. Commerce, navigation, pêche

Articles 30 et 31

« Art. 30. Encouragements de la navigation à vapeur entre les ports belges et les ports étrangers (pour mémoire. Voir l'art. 2 de la loi).

MpVµ. - Sur la proposition du gouvernement, d'accord avec la section centrale, cet article est supprimé.


« Art. 31 (nouveau 30). Services de navigation à vapeur entre Anvers et les ports étrangers : remboursement des droits de pilotage, de phares et fanaux. (Crédit non limitatif.) : fr. 8,000. »

- Adopté.

Articles 32 et 33

MpVµ. - D'après les propositions du gouvernement adoptées par la section centrale, les articles 32 et 33 actuels formeront les articles 40 et 41, et seront formulés comme il suit :

« Art. 40. Pêche maritime. Personnel : fr. 3,500 »

« Art. 41. Pêche maritime. Subsides aux caisses de prévoyance des pêcheurs, et encouragements à l'éducation pratique des marins : fr. 47,945. »

L'article 34 ancien devient l'article 31 nouveau.

Chapitre VIII. Marine

Paquebots à vapeur. Services spéciaux. Construction et réparations maritimes
Article 34 (nouveau 31)

« Art. 34. Personnel actif et sédentaire, en disponibilité aux deux tiers de solde, en non-activité et non replacé : fr. 339,006. »

- Adopté.

Bateaux à vapeur entre Anvers et la Tête de Flandre
Article 35

« Art. 35 (nouveau 32). Personnel : fr. 20,447. »

- Adopté.

Pilotage. Phares et fanaux. Feu flottant et service de remorque
Articles 36 à 38 (nouveaux 33 à 35)

« Art. 36 (nouveau 33). Personnel. Traitement : 266,919. »

- Adopté.


« Art. 37 (nouveau 34). Personnel. Remises aux pilotes et aux receveurs du pilotage et des droits de fanal (crédit non limitatif) : fr. 258,000. »

- Adopté.


« Art. 38 (nouveau 35). Remboursement de droits à l'administration néerlandaise, aux termes de l'article 50 du règlement du 20 mai 1843 ; restitution de droits ; pertes, par suite de fluctuations du change sur les sommes à payer à Flessingue (crédit non limitatif) : fr. 13,500. »

- Adopté.

Sauvetage
Article 39 (nouveau 36)

« Art. 39 (nouveau 36). Personnel : fr. 15,420. »

- Adopté.

Police maritime
Articles 40 et 41 (nouveaux 37 et 38)

« Art. 40 (nouveau 37). Personnel. Traitement : fr. 34,694. »

- Adopté.


« Art. 41 (nouveau 38). Personnel. Primes et remises. (Crédit non limitatif) : fr. 4,000.

- Adopté.

Ecoles de navigation
Article 42 (nouveau 39)

« Art. 42 (nouveau 39). Personnel : fr. 19,380. »

- Adopté.

Pêche maritime
Articles 40 et 41 (nouveaux)

« Art. 40 (nouveau). Personnel : fr. 3,500. »

- Adopté.


« Art. 41 (nouveau). Subsides aux caisses de prévoyance des pêcheurs, et encouragements à l'éducation pratique des marins : fr. 47,945. »

- Adopté.

Dépenses relatives aux divers services de la marine
Article 43 (nouveau 42

« Art. 43 (nouveau 42). Dépenses diverses. Charges ordinaires et permanentes : fr. 732,711.

« Charges extraordinaires et temporaires : fr. 160,000. »

MpVµ. - M. le ministre a proposé de porter ce dernier chiffre à 200,000 fr.

- L'article, ainsi modifié, est adopté.

Chapitre IX. Pensions et secours

Articles 44 et 43 (nouveaux 43 et 44)

« Art. 44 (nouveau 43). Premier terme des pensions à accorder éventuellement : fr. 2,300.’

- Adopté.


« Art. 45 (nouveau 44). Secours à des fonctionnaires, employés et marins, à leurs veuves ou enfants, qui, sans avoir droit à la pension, ont des titres à l'obtention d'un secours, à raison de leur position malheureuse : fr. 2,000. »

- Adopté.

Vote des articles

Articles 1 et 2

La Chambre passe au vote des articles du projet de loi.

« Art. 1er. Le budget du ministère des affaires étrangères est fixé, pour l'exercice 1867, à la somme de trois millions trois cent dix mille trois cent quatre-vingt-douze francs (3,310,392 fr.), conformément au tableau ci-annexé. »

- Adopté.


« Art. 2. Les fonds qui, à la clôture de l'exercice 1866, resteront disponibles sur les articles 22, 26 et 27 pourront être transférés au budget de 1867. »

- Adopté.

Vote sur l’ensemble

(page 210) Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du budget.

87 membres prennent part au vote.

83 votent pour le budget.

4 votent contre.

En conséquence, le budget est adopté ; il sera transmis au Sénat.

Ont voté l'adoption : MM. Mouton, Muller, Nélis, Orban, Pirmez, Preud'homme, Reynaert, Rogier, Sabatier, Snoy, Tack, Tesch, Thibaut, Thienpont, Thonissen, Valckenaere, Vander Donckt, Vander Maesen, Vanderstichelen, Van Hoorde, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Nieuwenhuyse, Van Renynghe, Van Wambeke, Vermeire, Verwilghen, Vilain XIIII, Warocqué, Wasseige, Wouters, Allard, Anspach, Bara, Bouvier-Evenepoel, Braconier, Bricoult, Broustin, Bruneau, Couvreur, Crombez, David, de Baillet-Latour, de Brouckere, de Kerchove, Delcour, de Lexhy, d'Elhoungne, de Macar, de Maere, de Mérode, de Moor, de Muelenaere, de Naeyer, de Rossius, Descamps, de Smedt, de Terbecq, de Theux, Dethuin, de Vrière, Dewandre, de Woelmont, Dolez, Dumortier, d'Ursel, Elias, Frère-Orban, Funck, Hagemans, Jacquemyns, Jamar, Jonet, Jouret, Julliot, Landeloos, Le Hardy de Beaulieu, Lesoinne, Lienart, Lippens, Magherman, Mascart et Ernest Vandenpeereboom.

Ont voté le rejet :

MM. Coomans, de Coninck, Dubois d'Aische et Hayez.

- La séance est levée à 4 heures trois quarts.