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Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 13 décembre 1866

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1866-1867)

(Présidence de (M. E. Vandenpeereboom.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 159) M. Thienpont, secrétaire., procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. Van Humbeeck, secrétaireµ, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Thienpont,. présente l'analyse des pièces adressées à la Chambre.

« Le sieur Lejeune, garde du canal latéral à la Meuse, réclame l'intervention de la Chambre pour que le gendarme Larose reçoive l'autorisation de se marier sans fournir le cautionnement voulu. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Nys, soldat au 2e régiment de chasseurs à cheval, se plaint qu'on lui refuse le bénéfice de l'amnistie qui a été accordée à des militaires déserteurs. »

- Même renvoi.


« Le sieur Verheggen demande qu’il soit pris des mesures pour que les récompenses honorifiques expédiées au ministère soient remises à les destination par les administrations communales. »

- Même renvoi.


« Des combattants de 1830 demandent la médaille distinctive décrétée par la loi du 30 décembre 1833, pour récompenser les services rendus au pays par les volontaires. »

- Même renvoi.


« Des habitants de Bruxelles demandent la révision de la loi sur la garde civique. »

- Renvoi à la commission des pétitions avec demande d'un prompt rapport.


« Des facteurs ruraux attachés au bureau des postes de Cherain demandent une augmentation de traitement. »

« Même demande des facteurs ruraux attachés au bureau de Warneton. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le budget des travaux publics.


« Des habitants de Bastogne et de Paliseul se plaignent du retard mis par la compagnie du Luxembourg à la construction de l’embranchement de Bastogne. »

- Même renvoi.


« M. Borlier, ancien armateur et membre de la commission d'enquête sur la situation de la pêche maritime, transmet 132 exemplaires d'une lettre qu'il a adressée à M. le ministre des affaires étrangères au sujet de cette question. »

- Distribution aux membres et dépôt à la bibliothèque.


« M. Dubois d'Aische, empêché, par la maladie d'une personne de sa famille, d'assister aux travaux de la Chambre, demande un congé de quelques jours. »

- Accordé.


« M. Nothomb, obligé de s'absenter, demande un congé de quelques jours. »

- Accordé.

Projet de loi relatif aux fraudes électorales

Motion d’ordre

M. Bouvierµ. - En l'an de grâce 1865, la Chambre a consacré vingt-trois séances, du 4 juillet au 2 août, à la discussion du projet de loi sur les fraudes électorales. Ce projet reste cependant dans les cartons du Sénat. Je désire savoir si le gouvernement l'abandonne. Dans le cas contraire, il me semble qu'il devrait demander à cette auguste assemblée d'en aborder la discussion. Le projet de loi sur les fraudes électorales a été très vivement réclamé par l'opinion publique. Le grand nombre des pétitions qui ont été envoyées, dans cette assemblée, avant la discussion l'atteste et le proclame. Il est plus que temps d'en finir avec ce projet, qui a pour but d'assurer la sincérité du régime représentatif.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Le projet de loi dont vient de parler l'honorable M. Bouvier est soumis en ce moment aux délibérations du Sénat qui, je crois, n'a pas encore reçu le rapport de la commission chargée de l'examiner.

M. Bouvierµ. - Voilà tout à l'heure deux ans que le Sénat est saisi de ce projet.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Le gouvernement n'est pour rien dans le retard qu'éprouve le vote de ce projet : le Sénat est complètement maître de régler comme il l'entend l'ordre de ses délibérations.

Voilà, messieurs, la seule explication que le gouvernement puisse donner à la Chambre.

M. Coomans. - Il est très vrai qu'en matière électorale nous sommes devant un arriéré déplorable. Je m'associerai à tous les efforts qui se feront ici ou ailleurs pour combattre les fraudes électorales. Le grand point serait d'aboutir enfin à une réforme électorale ; voilà le point essentiel ; mais je crains fort que ce ne soit celui qu'on hésite le plus à aborder.

Je demanderai formellement à MM. les ministres s'ils veulent se joindre à nous pour engager la Chambre à continuer le plus tôt possible l'examen des diverses thèses de réforme électorale qui sont portées à l’ordre du jour.

MpVµ. - Personne ne demandant la parole, nous abordons l'ordre du jour.

M. Coomans. - Mais je viens d'adresser au ministère une interpellation à laquelle je désire une réponse. J'ai demandé si MM. les ministres entendent proposer le plus tôt possible la continuation de l'examen des projets relatifs à la réforme électorale.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - C'est comme membre du gouvernement que l'honorable M. Coomans m'interpelle ? Eh bien, je dirai qu'il devrait se montrer plus soucieux des droits et des prérogatives de la Chambre : ce n'est pas au gouvernement qu'il appartient de faire mettre à l'ordre du jour de la Chambre les projets de loi qui sont soumis à cette assemblée. La Chambre est maîtresse de régler comme elle l'entend l'ordre de ses délibérations.

M. Coomans. - A en croire l'honorable ministre de la justice, le gouvernement n'a rien à voir, rien à faire à ce propos. Mais, messieurs, le gouvernement a tenu une toute autre conduite chaque fois qu'il a voulu que certains projets aboutissent. Il n'a nullement craint alors de blesser les prérogatives parlementaires en insistant sur un prompt examen de ces projets.

Il est bien vrai que ce sont des membres de la Chambre qui ont pris l'initiative des projets de réforme électorale auxquels je fais allusion ; mais il est vrai aussi que le gouvernement s'y est associé, qu'il a reconnu la nécessité d'une réforme électorale, qu'il a produit son système et que la section centrale s'en est occupée.

Il me paraît que, sans blesser le moins du monde la dignité parlementaire, dont, du reste, on n'a pas un si grand souci dans d'autres circonstances, le gouvernement pourrait parfaitement se joindre aux réformistes de la Chambre de droite et de gauche, qui considèrent la réforme électorale comme le besoin le plus urgent auquel il soit nécessaire de pourvoir. Si l'on veut escamoter le projet de réforme électorale, comme, on a escamoté, depuis quelques années, la discussion du budget de la guerre, je serai obligé de me servir de termes plus sévères que ceux que j'ai employés jusqu'ici.

(page 160) M. le ministre de la justice (M. Bara). - Messieurs, l'honorable préopinant dit que le gouvernement a quelquefois demandé à la Chambre de mettre à l'ordre du jour des projets de loi ; c'est son droit, mais chaque membre de la Chambre a le même droit et c'est à la Chambre seule qu'il appartient de statuer. Ce n'est donc pas au gouvernement, mais à la Chambre, que l'honorable M. Coomans doit s'adresser.

La manière d'agir de l'honorable membre dans cette circonstance est presque injurieuse pour la Chambre ; il va en quelque sorte jusqu'à prétendre que si on ne discute pas les projets de loi dont il a parlé, c'est que le gouvernement ne le veut pas.

Le gouvernement d'abord comme gouvernement, ensuite parce que ses membres font partie de la Chambre, a certainement le droit d'exprimer son opinion sur la mise à l'ordre du jour d'un projet de loi, mais ce n'est pas le gouvernement qui règle l'ordre du jour de la Chambre. Il y a déjà 6 ou 7 mois que je fais tous mes efforts pour que la Chambre veuille s'occuper du projet de loi sur la réorganisation judiciaire et je ne puis l'obtenir. .

- Une voix. - La commission n'a pas terminé son travail.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Je n'accuse nullement la commission, je cite un fait ; si l'honorable membre désire la prompte discussion du projet de loi sur la réforme électorale, je désire, pour mon compte, la prompte discussion d'un autre projet de loi. C'est à la Chambre à décider auquel des projets de loi elle accordera la priorité.

Mais, je le répète, ce n'est pas le gouvernement, mais la Chambre elle-même qui fixe son ordre du jour.

Projet de loi portant le budget du ministère de la justice de l’exercice 1867

Discussion du tableau des crédits

Chapitre II. Ordre judiciaire

Article 9

MpVµ. - La Chambre est arrivée à l'article 10.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Je prierai la Chambre de revenir un instant à l'article 9 (Matériel des cours d'appel). Je dois demander d'augmenter de 8,000 fr. le crédit qui fait l'objet de cet article.

Cette augmentation est nécessaire pour compléter le mobilier de la (manquent quelques mots) francs que je demande à la Chambre comme charge extraordinaire est absolument indispensable.

- La Chambre décide qu'elle reviendra sur l'article 9.

MpVµ. - Le chiffre était de 19,500 francs ; M. le ministre de la justice propose une augmentation de 8,000 francs, ce qui porterait le chiffre à 27,500 fr.

- Le chiffre de 27,500 francs est mis aux voix et adopté.

Article 10

« Art. 10. Tribunaux de première instance, et de commerce : fr. 1,528,620.

« Charge extraordinaire : fr. 1,900. »

M. le ministre de la justice (M. Bara). - A cet article il y a un amendement majorant le crédit d'une somme de 32,300 fr.

Cet amendement est la conséquence de la loi votée par la Chambre l'année dernière, augmentant d'une chambre le tribunal de première instance de Bruxelles et créant une place de juge au tribunal de Charleroi.

M. Maghermanµ. - Messieurs, à l'occasion de l'article en discussion, je me permettrai d'appeler l'attention de la Chambre a du gouvernement sur la bigarrure que nous remarquons dans l'organisation des tribunaux qui sont appelés à connaître des affaires commerciales.

Dans les grands centres de population, dans les centres les plus importants d'affaires, les juges qui connaissent des affaires commerciales sont élus par les commerçants eux-mêmes. Ce sont des négociants ou anciens négociants retirés des affaires, et dans ces ressorts les commerçants sont jugés par leurs pairs.

Dans les centres moins importants, ce sont les tribunaux civils qui connaissent de ces affaires.

On peut différer d'opinion sur le mérite de ces différentes organisations. Selon les uns, il vaut mieux que les affaires soient soumises à des juges qui soient en même temps jurisconsultes, et en effet dans les affaires commerciales il se présente souvent des questions de droit assez ardues.

D'autres au contraire pensent que les affaires sont mieux jugées par ceux qui ont l'habitude du commerce, qui connaissent ses us et coutumes.

Je ne veux pas entamer une discussion sur la préférence à accorder à l'un ou à l'autre de ces systèmes. Mais il me semble que ce qui est mieux dans une localité doit être mieux dans l'autre, qu'il faudrait une règle uniforme.

La plupart des circonscriptions qui autrefois pouvaient paraître trop peu importantes pour avoir des juges consulaires, ont gagné en importance et en ont acquis une assez considérable pour avoir également des juges consulaires, c'est-à-dire des juges de leur choix. La bigarrure qui existe aujourd'hui me paraît singulière et il importe d'y mettre un terme.

La Chambre est saisie depuis deux années d'un projet d'organisation judiciaire. Ce projet consacre la même anomalie. J'appelle sur cette matière l'attention de la commission spéciale qui est saisie de ce projet de loi. Je pense que cet objet est digne de ses méditations et que la commission pourra arriver à un système uniforme qui satisfera les différentes circonscriptions.

Je me bornerai pour le moment à ces considérations.

- La discussion est close.

MpVµ. - Nous avons à voter sur la seconde partie de l'amendement de MM. Thonissen et consorts. M. Thonissen, insistez-vous ?

M. Thonissenµ. - C'est tout à fait inutile, M. le président ; le rejet de l'amendement à l'article 8 entraîne le rejet de l'amendement à l'article 10.

MpVµ. - Reste donc l'augmentation de 32,300 fr. demandée par M. le ministre de la justice.

- L'article 10 est adopté avec cette augmentation.

Article 11

« Art. 11. Justices de paix et tribunaux de police : fr. 913,500.

« Charge extraordinaire : fr. 2,000. »

- Adopté.

Chapitre III. Justice militaire

Article 12

« Art. 12. Cour militaire. Personnel : fr. 20,500.

« Charge extraordinaire : fr. 4,233. »

M. Coomans. - Messieurs, parmi les meilleures promesses qui nous ont été faites depuis un grand nombre d'années, figure celle de la révision du Code militaire.

L'honorable M. Bara n'a pas manqué de renouveler cette promesse-là ; j'en ai pris bonne note, mais je voudrais savoir de lui quelles sont ses espérances quant à la réalisation de cette réforme.

Messieurs, on a demandé avec raison la réforme du Code rural, la réforme du Code de procédure et d'autres Codes.

Je m'associe à toutes ces réclamations, mais permettez-moi de faire observer que le plus essentiellement réformable de nos Codes est le Code pénal militaire, qui semble dater du temps des croisades au moins.

Je ne sais pas si tous les membres de cette assemblée ont lu le Code pénal militaire ; j'en doute fort ; il m'est arrivé de le lire et j'ai éprouvé chaque fois une horreur profonde. Messieurs, la torture y figure encore ! Voilà un abus d'un autre âge ! et je suis étonné que l'honorable M. Bara qui a très éloquemment, très habilement pourchassé les abus d'un autre âge, même quand ils n'étaient pas complètement abusifs, ne montre pas plus de résolution à cet égard. J'aurais voulu que la réforme du Code pénal militaire figurât en tête de toutes les réformes, j'ai bien peur que cette réforme ne nous échappe comme d'autres ; tout au moins ne l'aurons-nous pas d'ici à de longues années si l'on n'y met pas plus de résolution que pour la réforme électorale, la réforme des lois de milice, la réforme du Code de procédure civile, etc.

Messieurs, la torture figure dans notre Code pénal militaire en présence d'une Constitution qui proclame la liberté et l'égalité. Vous avez la torture contre les citoyens belges qui endossent l'habit militaire. C'est bien la torture que les fers aux pieds dans un cachot humide, avec du pain sec pour toute nourriture pour plusieurs jours. Voilà, messieurs, voilà une loi belge !

Maintenant on nous répond que ces dispositions ne sont pas appliquées ; mai son les a appliquées, j'en ai des preuves et je ne suis pas certain qu'on ne les applique plus aujourd'hui. Dans tous les cas, si vous ne les appliquez pas, vous violez la loi ; vous faites bien et j'en suis satisfait, mais vous violez la loi. Or, si le maintien de cette loi est un scandale, sa violation est également un scandale.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Personne n'a soutenu que le Code pénal militaire ne devait pas être réformé. Au contraire, sur tous les bancs de la Chambre on a été unanime pour demander la révision de ce Code.

(page 161) M. Coomans. - Eh bien, révisons-le.

M. Bouvierµ. - Tâchons de ne pas discuter inutilement.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Avec M. Coomans, il faudrait tout faire en un jour.

M. Coomans. - Il y a 7 ou 8 articles du Code pénal militaire qu'on pourrait réformer en 10 minutes.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - M. Coomans trouve le Code pénal militaire très dur ; je suis de son avis, mais dans la pratique il n'en est pas ainsi ; ce Code a été excessivement corrigé.

M. Coomans. - Illégalement.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Pas du tout ; le droit de grâce n'est-il pas une prérogative de la couronne ?

M. Coomans. - Ce sont les chefs de corps qui ont arbitrairement atténué la rigueur des dispositions du Code pénal militaire.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - L'honorable membre oublie qu'il y a dans le Code pénal militaire une disposition qui permet aux conseils de guerre et à la cour militaire de réduire les peines. (Interruption.) Les conseils de guerre peuvent, en vertu d'une disposition du Code pénal militaire, réduire toutes les peines à 24 heures de cachot.

Ces abus d'un autre âge, dont parle M. Coomans, n'existent donc pas en réalité, puisque les conseils de guerre n'appliquent plus les dispositions de ce Code. Mais quoi qu'il en soit, je reconnais qu'il ne faut pas maintenir dans notre législation les pénalités qui sont édictées dans notre Code pénal militaire.

L'honorable M. Coomans craint que la révision de ce Code ne tarde plusieurs années ; de mon côté, je crois qu'on ne l'attendra pas longtemps et si la Chambre veut voter le Code pénal qui lui est soumis en ce moment, le département de la justice sera à même de fournir, dans un bref délai, une réforme du Code pénal militaire.

Voici le système adopté en dernier lieu au département de la justice ; il reste à savoir pourtant si le département de la guerre s'y ralliera, ce que j'espère.

Nous nous sommes dit qu'il valait mieux ne pas faire un nouveau Code pénal militaire complet, mais un Code qui s'adapterait au Code pénal ordinaire, c'est-à-dire qu'on se référerait, pour un grand nombre de crimes et de délits, au code pénal ordinaire.

Ce travail est presque achevé, mais M. Coomans comprendra qu'il est impossible de le déposer, tant que le Code pénal ordinaire est encore en question devant la Chambre. Ce serait atteler les bœufs derrière la charrue. Il faut que la Chambre commence par terminer son travail, et alors je m'engage à déposer, dans un bref délai, le projet de révision du Code pénal militaire.

- L'article 12 est adopté.

Articles 13 à 15

« Art. 13. Cour militaire. Matériel : fr. 2,000. »

- Adopté.


« Art. 14. Auditeurs militaires et prévôts : fr. 42,500. »

- Adopté.


« Art. 15. Frais de bureau et indemnité pour feu et lumière : fr. 3,540. »

- Adopté.

Chapitre IV. Frais de justice

Article 16

« Art. 16. Frais de justice en matière criminelle, correctionnelle et de police : fr. 680,000. »

M. le ministre de la justice (M. Bara). - A l'article 16, le gouvernement est obligé de demander un supplément de 20,000 fr. Les frais de justice augmentent dans le pays, et depuis deux ans les crédits accordés au gouvernement sont insuffisants pour satisfaire aux diverses nécessités. Il est indispensable, pour ne pas se trouver plus tard dans l'obligation de voter des crédits supplémentaires, d'élever aujourd'hui de 20,000 fr. le chiffre en discussion.

- L'article 16, augmenté de 20,000 francs, est mis aux voix et adopté.

Article 17

« Art. 17. Traitement des exécuteurs des arrêts criminels et des préposés à la conduite des voitures cellulaires : fr. 11,800.

« Charge extraordinaire : fr. 12,808. »

M. Hagemansµ. - J'ai entendu tantôt avec grand plaisir, je dois l'avouer, la réclamation de l'honorable M. Coomans contre les lois pénales militaires ; j'ai entendu aussi avec non moins de plaisir les explications données ensuite par M. le ministre de la justice ; ses paroles étaient pleines de promesses.

Je crois, en effet, qu'il est inutile de laisser dans nos lois des pénalités qu'on n'applique plus ; et à ce sujet, je ferai une observation à l'égard de l'article 17 qui commence par ces mots : « Traitements des exécuteurs des arrêts criminels. »

J'émets le vœu formel de voir disparaître le plus tôt possible cet article, vestige des temps barbares, qui souille de sa présence à la fois notre législation et ce budget.

Chaque fois que la moindre occasion se présentera, j'en profitera pour élever la voix contre la peine de mort, qui n'est plus de notre temps ni de nos mœurs, et qui soulève notre conscience. Pour moi, je le déclare, ce sera mon delenda Carthago aussi longtemps qu'on n'aura pas supprimé le bourreau, ce meurtrier patenté, aux gages de l'Etat.

M. Coomans. - J'ai demandé la parole pour prier M. le ministre de la justice de me dire combien de bourreaux nous possédons encore en Belgique. (Interruption.) Je ne trouve pas ce renseignement dans nos papiers gouvernementaux.

Je désire, donc connaître le nombre de ces hauts fonctionnaires et le chiffre de leur traitement, ainsi que l'indication des projets du gouvernement à cet égard.

M. Bouvierµ. - Voulez-vous le supprimer ?

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Il me serait impossible de répondre immédiatement à cette question. Si l'honorable membre m'avait prévenu, j'aurais pu prendre des renseignements positifs à cet égard. Le personnel dont il parle n'a pas été augmenté, je crois même qu'il a été diminué depuis un certain temps.

M. Thonissenµ. - Il a été réduit, il n'y a plus aujourd'hui qu'un exécuteur et quatre aides.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Indépendamment de l'exécuteur, il y a quatre aides qui exécutent les arrêts criminels prononcés contre les contumaces, et qui ont encore quelques autres attributions. Voilà tout le personnel.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Je dois faire remarquer que si les deux chiffres ont une certaine importance, c'est à cause de l'augmentation de dépenses résultant du transport des prévenus et des condamnés au moyen de voitures cellulaires.

La Chambre se rappellera que plusieurs membres, et notamment l'honorable M. Pirmez, ont souvent réclamé pour qu'on ne fît plus voyager à pied les prévenus et les condamnés, pour qu'on leur épargnât cette humiliation. Eh bien, c'est en vue de satisfaire à ces idées généreuses que le gouvernement a augmenté le service des voitures cellulaires, et c'est la cause de la majoration du crédit.

Quant à la somme affectée à l'exécuteur des hautes œuvres, elle est absolument la même depuis très longtemps, depuis le ministère de l'honorable M. de Haussy.

- L'article 17 est mis aux voix et adopté.

Chapitre V. Palais de justice

Article 18

« Art 18. Construction, réparations et entretien de locaux. Subsides aux provinces et aux communes pour les aider à fournir les locaux convenables pour le service des tribunaux et des justices de paix : fr. 35,000.

« Charge extraordinaire : fr. 60,000. »

- Adopté.

Chapitre VI. Publications officielles

Article 19

« Art. 19. Impression du Recueil des lois, du Moniteur et des Annales parlementaires : fr. 180,000. »

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Le gouvernement se trouve dans l'obligation de présenter un amendement augmentant de 40,000 fr. le crédit demandé à cet article. (Interruption.)

Le coût des Annales parlementaires et du Moniteur augmente Continuellement. Il est impossible, avec le crédit alloué au gouvernement, de satisfaire à tous les besoins.

M. Coomans. - Dès que M. le ministre affirme que les crédits sont insuffisants, il faut bien qu'on l'en croie ; mais notre devoir, notre droit tout au moins, est d'examiner s'il n'y a pas moyen d'échapper à ces augmentations continuelles de dépenses pour le Moniteur et ses ap et dépendances.

Or, il me semble qu'il y a deux moyens d'arriver à ce résultat.

(page 162) Le premier serait de supprimer le Recueil des lois, le Bulletin des lois qui fait double emploi avec le Moniteur. La publicité du Moniteur, quoiqu'elle ne soit pas aussi large que je le désire, est beaucoup plus grande que celle du Bulletin des lois. Ce Bulletin nous coûte cher et n'a vraiment pas de raison d'être. La partie officielle du Moniteur pourrait suffire pour la promulgation des lois et tous les actes officiels.

Voilà une première économie à réaliser si nous voulons y mettre un peu de bonne volonté et si nous ne nous attachons pas trop à conserver cet abus d'un autre âge.

Maintenant, messieurs, on pourrait encore réaliser une autre et plus forte économie que le chiffre demandé, sous forme d'amendement, par M. le ministre de la justice, en supprimant du Moniteur la partie non-officielle.

Je conçois que le gouvernement ait une feuille officielle à lui, pour promulguer les lois, pour y insérer les arrêtés royaux et une foule d'actes et d'avis officiels qu'il importe de transmettre au public.

Mais je ne crois pas du tout qu'il soit nécessaire que le gouvernement se fasse simple journaliste et se mette à la remorque d'autres journaux beaucoup mieux rédigés que ne peut l'être le Moniteur.

La partie non officielle du Moniteur a pris depuis quelques années un développement immense. Je ne veux pas en examiner la valeur intrinsèque, cela pourrait nous mener un peu loin ; je reste au point de vue purement financier et d'utilité publique. Cette partie non officielle, qui n'est pas même officieuse, cette partie est complètement inutile, pour ne pas dire ennuyeuse et nous coûte par an beaucoup plus de 40,000 fr.

Eh bien, messieurs, bornez-vous à un journal simplement officiel, ayez votre Moniteur, mettez-y tout ce que vous voulez, fût-ce des articles pour expliquer vos actes et les commenter, mais que le journal se borne à être officiel.

Supprimez le reste, et vous ferez, comme j'ai eu l'honneur de le dire, une très grosse économie.

Je crains fort que nous n'atteignions une époque où des sommes de 40,000 fr. et 100,000 fr. nous seront fort utiles. Nous faisons des économies bien moins justifiées que celle-là.

J'appelle l'attention du gouvernement et de la Chambre sur les deux idées que je viens d'émettre et je crois très sérieusement qu'il y a lieu de gagner une centaine de mille francs par an, sans perte pour qui que ce soit.

Personne ne regrettera la partie non officielle du Moniteur. Beaucoup de journaux sont naturellement mieux rédigés que le Moniteur, qui, outre les petits ménagements qu'il doit garder envers toutes les opinions, n'est pas outillé comme il devrait l'être pour faire un journal nouvelliste.

C'est encore par imitation du vieux Moniteur français que nous avons maintenu cet abus-là.

Je demande, du reste, que si l'on n'est pas d'accord avec moi sur ce point, l'on justifie l'état actuel des choses, que le ministère me prouve que le Recueil des lois est indispensable, que la partie non-officielle du Moniteur, qui se résume en une paperasserie épouvantable à la fin de l'année, l'est également, et alors je retirerai ma proposition, mais je suis très tenté d'y donner la forme réglementaire pour provoquer un vote de la Chambre.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Messieurs, l'honorable membre a critiqué le Recueil des lois, mais je ne pense pas qu'il serait possible de supprimer ce recueil.

On emploie pour le Recueil des lois la composition du Moniteur ; il n'y a d'autres frais que ceux de la mise en page, du papier et du tirage.

Il y a beaucoup de communes et d'administrations qui sont abonnées au Recueil des lois.

L'honorable membre sait comme tout le monde que les gros volumes du Moniteur ne sont pas maniables. Si le Recueil des lois n'existait pas, il faudrait que ces administrations s'abonnassent à la Pasinomie. Vous ne supprimerez pas la dépense pour cela.

Or, si je ne me trompe, l'abonnement à la Pasinomie coûte plus que l'abonnement au Recueil des lois.

- Une voix. - La Pasinomie n'est pas officielle.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - La Pasinomie n'est pas officielle, c'est très vrai, mais chacun sait que ce recueil est fait avec beaucoup de soin.

L'honorable membre s'imagine que la majoration de crédit sollicitée par le gouvernement est causée par la partie non officielle du Moniteur.

M. Coomans. - En partie.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Je ne partage point votre avis. L'augmentation provient de ce qu'on insère au Moniteur beaucoup plus de documents qu'auparavant et de ce que les Annales parlementaires ont pris une très grande extension.

Voilà les deux causes d'augmentation. On demande constamment des publications de toute nature au Moniteur. On a évidemment raison, mais si l'on veut s'éclairer sur tout, avoir des renseignements commerciaux et financiers complets, il faut que. l'on supporte la dépense.

Si le Moniteur se réduisait à quelques feuilles, le gouvernement ne serait pas obligé de demander des crédits supplémentaires. Mais si le Moniteur doit donner toutes les publications que demandent les deux Chambres, il est évident que la dépense ne fera que s'accroître.

Quant aux publications non officielles, c'est fort peu de chose. Le Moniteur reproduit les comptes rendus des séances du corps législatif français et d'autres assemblées délibérantes. Ce n'est pas sans doute de ces publications que l'honorable M. Coomans se plaint.

J'ai entendu, dans cette Chambre, faire à ce sujet l'éloge du Moniteur.

Mais, je le répète, ce n'est pas là le motif de l'augmentation des dépenses.

M. Vilain XIIIIµ. - Il y aurait une compensation à ces dépenses.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Selon l'honorable M. Vilain XIIII, il y aurait une compensation ; mais que l'honorable membre veuille bien ne pas oublier que les dépenses du Moniteur progressent, chaque année, non pas du chef de la partie non-officielle, mais seulement du chef de la partie officielle ; la partie non-officielle n'est pas plus développée aujourd'hui qu'elle l'était il y a dix ans...

M. Thonissenµ. - Pardon, elle est beaucoup plus développée.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Il y a des jours où il n'y a pas 4 pages de partie non officielle.

M. Thonissenµ. - Il y a des jours où il y a deux suppléments de nouvelles.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Outre les débats des assemblées délibérantes étrangères, la partie non-officielle contient des rapports adressés au gouvernement belge ; si on supprimait la partie non-officielle, il faudrait insérer ces rapports dans la partie officielle.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Et les articles du Journal des débats que le Moniteur belge reproduit.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Ils ne sont ni nombreux ni très longs.

Il est impossible au gouvernement de dire combien il y avait d'articles à telle ou telle époque, dans la partie non-officielle du Moniteur et combien il y en a maintenant.

Je ne puis assez le répéter, et je prie la Chambre d'en être convaincue ; l'augmentation progressive des dépenses du Moniteur provient en très grande partie de l'impression des Annales parlementaires, ainsi que de toutes les autres publications officielles.

Un jour dans cette Chambre on a agité la question de savoir si on ne pouvait pas établir une imprimerie nationale pour la publication du Moniteur. Cette question est à l'étude. Il s'agit de savoir si, en créant une imprimerie nationale, on réaliserait une économie. Pour ma part, j'hésite à me prononcer.

Il faut se résigner, messieurs, à payer les dépenses que la Chambre ordonne. Cette année, la dépense du Moniteur sera d'environ 250,000 fr. ; il y a, comparativement à l'année dernière, une diminution de 7,000 francs.

M. Coomans. - Messieurs, je constate à regret, que M. le ministre de la justice ne m'a pas compris. Je n'ai pas dit que la cherté du Moniteur provenait surtout de la publication de la partie non-officielle ; j'ai dit qu'en supprimant la partie non-officielle, nous pourrions supprimer une forte partie du crédit voté. De l'aveu de M. le ministre, la Chambre pourrait, en adoptant ne fût-ce que la moitié de ma proposition, réaliser immédiatement une économie de 60,000 fr. Je vais le prouver.

M. le ministre de la justice reconnaît que les dépenses relatives à l'ensemble des publications dont je parle est de 255,000 francs par an. Je suis persuadé que la partie non-officielle y figure pour plus d'un quart. En fait, la partie non-officielle occupe le tiers du Moniteur, parfois la moitié, jamais moins du quart. Si donc la partie non officielle absorbe le quart du chiffre de 253,000 fr., vous avez là une économie de 60,000 à 65,000 fr. à réaliser, c'est-à-dire que nous pouvons nous abstenir de voter le chiffre demandé par le gouvernement et faire en outre une économie de plus de 25,000 fr.

J'insiste ; si je voyais la moindre utilité à la partie non-officielle du (page 163) Moniteur, je pourrais vous accorder un certain chiffre de ce chef ; mais cette utilité n'existe pas.

Vous parlez de la reproduction des séances du corps législatif français ; mais nous avons en Belgique 260 journaux ; ces 260 journaux ne se font pas faute de reproduire ce qui est intéressant dans les débats de ce corps législatif ; mais vous n'avez pas besoin pour cela du Moniteur qui n'est guère lu. Du reste, quand le corps législatif français ne siège pas, le Moniteur n'a-t-il pas une partie non-officielle ?

Quoi qu'il en soit, je signale une économie de 65,000 fr. à réaliser par la suppression de la partie non-officielle du Moniteur.

Maintenant il reste à savoir quel bénéfice résulterait de la suppression du Recueil des lois dont l'inutilité absolue me semble démontrée.

Quand le Moniteur sera réduit à la partie officielle et quand on en aura un peu diminué le prix, ce qui serait très facile et très utile, les communes s'y abonneront ; aujourd'hui les communes reçoivent en double le journal officiel et le recueil des lois. Cela est bien superflu.

Il y aurait encore bien des choses à dire. Ainsi, par exemple, le Moniteur est presque illisible \on n'a pas toujours sous la main un sabre de bois pour le découper, on le distribue sous forme de brochure vierge.

Permettez-moi, messieurs, de finir cette discussion par un mot : Si votre Moniteur est si intéressant, comment se fait-il que la plupart d'entre vous ne le conservent pas ? Nous n'avons garde de le conserver, bien qu'il coûte tant d'argent au trésor.

Et remarquez que si aux documents statistiques de toute espèce, publiés par le gouvernement et qui occasionnent une dépense de 500,000 francs, vous ajoutez les dépenses du Moniteur et du Recueil des lois, vous arrivez à un chiffre de 650,000 francs, rien que pour du papier.

Si je connaissais exactement le coût de la partie non-officielle cet du Bulletin des lois, je proposerais à la Chambre de réduire le crédit dans la proportion de cette dépense ;mais je ne la connais pas ; cependant il ne doit, pas être inférieur à 60,000 francs. Je ne crois donc pas faire une proposition exagérée en demandant de réduire le chiffre d'une trentaine de mille francs, comme indication du vœu de l'assemblée, de voir le gouvernement proposer les économies que j'indique.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Je ne puis admettre avec l'honorable membre que le fait de supprimer la partie non-officielle du Moniteur entraînerait une économie de 65,000 fr. L’honorable membre calcule cela immédiatement sans aucune espèce d'éléments, et il affirme très carrément et très nettement que c'est 65,000 fr. de gagnés. Je suis persuadé que cette somme est de beaucoup exagérée, et voici pourquoi.

Le coût du Moniteur ne provient pas tant de l'étendue des matières qui sont composées que de ce qu'il doit y avoir en permanence un nombre d'ouvriers suffisant pour qu'on puisse faire paraître en temps le compte rendu des séances de la Chambre et des séances du Sénat.

Ces ouvriers, à certains jours et à certains moments, n'ont pas à travailler aux Annales parlementaires ; on les emploie à la composition de la partie non-officielle ; mieux vaut cela que de les payer pour ne rien faire du tout.

Si vous supprimez la partie non-officielle du Moniteur,' vous réaliserez peut-être une économie de 10,000 fr., comme me le disait tout à l'heure l'honorable vicomte Vilain XIIII. Mais je prie la Chambre de ne pas compter sur une économie de 65,000 fr. ; elle se tromperait, je pense.

Je n'en dirai pas davantage sur cette question, afin de réaliser les idées émises par l'honorable M. Coomans et de ne pas augmenter par un discours les frais de publication des Annales parlementaires.

MpVµ. - M. Liénart, retenu chez lui par l'indisposition d'un membre de sa famille, demande un congé.

- Ce congé est accordé.

MpVµ. - M. le ministre propose de porter le chiffre en discussion de 180,000 à 220,000 francs.

M. Coomans vient de déposer un amendement ainsi conçu :

« J'ai l'honneur de proposer une réduction de 30,000 francs, résultant de la suppression de la partie non-officielle du Moniteur. »

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Messieurs, l'honorable membre propose une réduction de 50,000 fr., de telle sorte que le crédit, qui était de 180,000 fr., serait réduit à 150,000 francs.

M. Wasseige. - Non, c'est 30,000 francs de réduction sur voire proposition.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Soit, de sorte que le crédit serait de 190,000 francs, au lieu d'être de 220,000 francs. Je le veux bien ; seulement, je dois prévenir la Chambre que le gouvernement devra faire cesser la publication du compte rendu des séances, quand il n'aura plus de fonds à sa disposition. (Interruption.)

Comment ! à l'heure qu'il est, le gouvernement est importuné par l'imprimeur du Moniteur, qui demande le payement des impressions qui ont été faites pour la Chambre. Si vous ne nous donnez pas d'argent, les membres de la Chambre supporteront les conséquences de leur refus. Nos discours ne paraîtront plus au Moniteur, et je suis convaincu que l'honorable M. Coomans n'en sera point très satisfait.

Je dis donc que présenter un amendement de cette nature, venir proposer une réduction de 30,000 fr. sans examen, sans même être certain que la suppression de la partie non-officielle entraînera une réduction de 30,000 fr., c'est un système qui ne peut être adopté par la Chambre. Je suis convaincu que l'honorable M. Coomans ne l'a présenté qu'à titre de plaisanterie.

M. Bouvierµ. - Il ne peut pas se supprimer lui-même, c'est impossible.

M. Vilain XIIIµ. - Proposez une réduction de 1,000 fr.

M. Coomans. - C'est à titre de plaisanterie, dit M. le ministre, que j'ai déposé mon amendement ; je lui réponds qu'une vraie plaisanterie de sa part, c'est de me supposer l'intention de supprimer la reproduction des débats de la Chambre. On ne peut pas attribuer des bêtises pareilles à un adversaire politique.

M. Bouvierµ. - Le mot n'est pas poli.

M. Coomans. - Il est en situation.

Quoi ! l'honorable ministre prétend que si nous votons une réduction de 30,000 fr., c'est-à-dire si nous votons en réalité une augmentation de 10,000 fr., nous n'aurons plus demain nos Annales parlementaires. Mais telle n'a pas été ma pensée ; telle n'est pas sa crainte non plus. Il est évident que je ne tiens pas au chiffre, que je ne veux qu'une chose. : la suppression de la partie non-officielle du Moniteur, et ce que veut M. le ministre, c'est le maintien de celle partie non-officielle.

Voilà la vérité ; il y a une question de principe, une question de publicité, une question de convenance et j'ajouterai une question de loyauté politique.

Messieurs, je suis bien convaincu que la partie non-officielle du Moniteur figure pour plus du quart dans la dépense ; par conséquent en l'évaluant à 65,000 fr., je suis resté dans la vérité. Mais si la Chambre a quelque scrupule, si elle n'en croit pas, à ce sujet, un vieil imprimeur comme moi, qu'elle réduise le chiffre de 10,000 fr., de 1,000 fr., de 500 fr. de 10 centimes, peu m'importe, pourvu qu'il résulte de son vote la partie non-officielle du Moniteur sera supprimée. Telle est la seule portée de mon amendement, et je prie M. le ministre de ne plus répondre par des plaisanteries à des arguments qui n'ont pas ce caractère déplacé.

Si j'avais commis une plaisanterie à cet égard, elle serait partagée par une grande partie de cette Chambre et sur les deux bancs de cette Chambre. Maintes fois, j'ai entendu des libéraux se plaindre du Moniteur et en dire pis que je n'en ai dit aujourd'hui. Il n'y a pas de plaisanterie là-dessous, il y a quelque chose de très sérieux. Car il y a quelque chose de très sérieux à supprimer une dépense inutile de 60,000 fr. On oublie souvent combien il y a de gouttes de sueur et de larmes derrière maintes pièces de 5 fr. qui entrent forcément dans le trésor public.

MpVµ. - M. d'Hane vient de faire parvenir au bureau l'amendement suivant : « J'ai l'honneur de proposer à la Chambre de. réduire la somme demandée par le gouvernement du coût de la partie non-officielle du Moniteur. »

M. Coomans. - Je me rallie à cet amendement.

M. d'Haneµ. - Je viens donner mon appui aux considérations qu'a présentées mon honorable collègue, M. Coomans, au sujet de la partie non-officielle du Moniteur. Je crois que nous sommes tous d'accord pour reconnaître qu'elle est complètement inutile.

- Des membres. - Non ! Non !

M. Bouvierµ. - Nous ne sommes pas d'accord du tout.

M. d’Haneµ. - Elle est inutile, non seulement parce que le Moniteur n'est pas très répandu, mais encore parce que les nouvelles dont elle se compose paraissent généralement deux, trois et même quatre jours après qu'elles ont paru dans d'autres journaux.

Je crois que ce qu'il y a de plus important, d'uniquement important dans la publication du Moniteur, c'est sa partie officielle. Je me rallie complètement à la manière de voir de l'honorable M. Coomans.

Je crois que le gouvernement doit pouvoir donner à la partie officielle tous les développements qu'elle comporte. Mais, je le répète, je crois aussi qu'il est superflu d'y joindre encore des nouvelles publiées dans d'autres journaux.

Tout à l'heure,. l'honorable M, Coomans a proposé de réduire de (page 164) 30,000 fr. la somme demandée par le gouvernement. Après les explications données par M. le ministre de la justice, je crois qu'il serait difficile d'adopter cette proposition, parce que le chiffre de la dépense d'impression de la partie non-officielle du Moniteur n'est pas connue en ce moment. Mon amendement écarte cet inconvénient et permet de décider en connaissance de cause.

Le gouvernement verra ce que coûte la partie non-officielle, et si la Chambre adopte ma proposition, cette dépense disparaîtra du budget.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Le vote de l'amendement présenté par l'honorable M. d'Hane aurait pour but d'obliger le gouvernement à supprimer la partie-non-officielle du Moniteur. Messieurs, il est évident que s'il résultait de l'examen à faire que cette partie non-officielle entraîne une très légère dépense, l'intention de la Chambre serait peut-être modifiée. L'honorable M. Coomans a déclaré que la partie non-officielle est inutile, mais je ne pense pas que la Chambre soit tout à fait de son avis. Pour ne parler que d'une partie des objets qui paraissent dans la partie non officielle, je citerai les séances des conseils provinciaux dont les comptes rendus ont un caractère officiel.

- Un membre. - Il faut les y maintenir.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Mais alors la partie officielle du Moniteur va s'augmenter d'une partie des matières qui figurent aujourd'hui dans la partie non-officielle. Il y a des actes des gouvernements étrangers qui intéressent beaucoup la Belgique et qu'il faut faire connaître aux fonctionnaires. Il y a des actes des administrations étrangères qui intéressent les communes limitrophes belges. Il y a les comptes rendus des séances des Académies, les rapports du conseil d'hygiène. On parle beaucoup de maisons d'ouvriers ; le gouvernement publie, dans la partie non-officielle du Moniteur, tous les rapports sur cette question ; voulez-vous supprimer tout cela ?

Il y aurait peut-être et je ne me prononce pas à cet égard, quelque chose à supprimer dans la partie non-officielle du Moniteur, mais l'amendement de M. d'Hane, tel qu'il est libellé, aurait de graves conséquences.

M. Vilain XIIIIµ. - Tout ce que le gouvernement enverrait serait imprimée.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Si nous envoyions des faits comme ceux-ci, par exemple : « La commune de... vient de prendre telle mesure, il vient de se former une société pour la construction de maisons ouvrières, etc. ». On les imprimera. Donc tous ces faits seraient considérés comme officiels.

Je crois que l'honorable membre ne s'attaque qu'à quelques rares articles politiques publiés au Moniteur ; eh bien, au lieu de 65,000 fr. je ne serais pas étonné que ces articles n'eussent pas coûté 65 francs.

Au surplus, messieurs, le gouvernement examinera s'il n'y a pas lieu de réduire la partie non-officielle ; mais sur ce point, je ne puis prendre d'engagement formel.

J'ajouterai, en dernier lieu" messieurs, que je n'ai pas présentes à la mémoire toutes les clauses du contrat avec l'imprimeur, et je ne sais pas si, en vertu du contrat, le Moniteur ne doit pas avoir une partie non-officielle. (Interruption.)

M. Coomans ne peut pas forcer le gouvernement à violer ses engagements.

M. d'Hane-Steenhuyseµ. - L'honorable ministre de la justice vient de nous parler d'autres publications que les faits divers, qui figurent dans la partie non-officielle du Moniteur ; il a parlé entre autres des séances des conseils provinciaux. Eh bien, messieurs, j'ai remarqué que le Moniteur donne exactement, d'une manière développée et spécialement même, les séances du conseil provincial du Brabant, mais je n'ai pas vu qu'il en fût de même pour les autres provinces.

Du reste, messieurs, il ne faut pas faire de mon amendement une proposition impraticable. Je demande une seule chose, c'est qu'on élague du Moniteur toutes les nouvelles qui n'ont aucun caractère officiel et qui sont surtout et exclusivement du domaine de la presse quotidienne.

Ouvrez le Moniteur à la partie non officielle, et vous verrez des histoires de naufrages, des articles de théâtre, les articles nécrologiques des généraux prussiens et autres, etc., etc., et cent autres faits de la même importance qui ne touchent en rien aux intérêts de la Belgique et qui ne peuvent même pas exciter la curiosité des rares lecteurs du Moniteur.

Quant au contrat qui pourrait exister avec l'imprimeur, ce n'est pas là un motif sérieux, et j'ignore comment ce contrat pourrait empêcher la Chambre de décréter des économies lorsqu'elles sont nécessaires et possibles.

Le gouvernement est loin d'avoir obtenu, du chemin de fer par exemple, les recettes qu'il en attendait.

L'honorable ministre des finances reconnaîtra sans doute que la caisse de l'Etat n'est pas aussi bien remplie par les ressources de cette année qu'elles l'étaient l'année dernière.

L'épidémie d'un côté et la guerre de l'autre y ont, malheureusement, mis obstacle, mais c'est là, évidemment, une raison de plus de réaliser l'économie que l'honorable M. Coomans et moi préconisons.

Elle est bien faible, me dira-t-on ; mais, n'oublions pas, messieurs, que les petits ruisseaux forment les grandes rivières. Aussi, demandé-je encore que la Chambre veuille bien mettre aux voix mon amendement.

M. Bouvierµ. - Je désirerais savoir quelle est l'économie qui résulterait de l'adoption de l'amendement de M. d'Hane.

MpVµ. - L'amendement est ainsi conçu :

« J'ai l'honneur de proposer à la Chambre de réduire la somme demandée par le gouvernement du coût de la partie non officielle du Moniteur. »

- La discussion est close.

MpVµ. - Aux termes du règlement c'est le chiffre le plus élevé qui doit être mis aux voix le premier.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Si le chiffre du gouvernement était adopté les deux amendements tomberaient.

M. Coomans. - Il faut laisser à tous les membres la liberté de leur vote et dès lors il importe de commencer par résoudre la question de principe, la question d'économie, car il est évident que si l'on repoussait l'amendement de l'honorable M. d'Hane, il faudrait bien passer par la dépense proposée par le gouvernement.

Par conséquent, l'on ne peut d'avance rejeter la dépense, et il faut commencer par décider s'il y aura ou s'il n'y aura pas d'économie du chef de la suppression des pages non-officielles du Moniteur.

Quel obstacle y voyez-vous ? Nous proposons de réduire d'une certaine somme le chiffre demandé par le gouvernement. Si cette réduction n'est pas adoptée, on votera sur le chiffre du gouvernement.

M. Bouvierµ. - Indiquez-nous votre chiffre. Il faut que nous sachions sur quoi nous votons.

M. Coomans. - Je crois qu'il n'y aurait pas de liberté dans le vote si l'on ne commençait pas par décider la question du maintien on de la suppression de la partie non-officielle du Moniteur.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Il y a d'abord une erreur dans l'amendement. Il n'y a pas de partie officieuse, mais bien une partie non-officielle.

Ensuite l'honorable M. d'Hane ne fixe pas de chiffre, de telle sorte qu'il n'y aurait rien de voté et qu'on laisserait au gouvernement la faculté de fixer le chiffre.

M. Bouvierµ. - Ce serait un blanc seing.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Il importe de fixer le chiffre. On parlait tout à l'heure de 1,000 fr.

M. Coomans. - Soit.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - L'honorable M. Coomans dit que l'on n'aurait plus de liberté si l'on votait d'abord sur la proposition du gouvernement. Mais il est évident que si les honorables membres ne veulent pas du chiffre fixé par le gouvernement, ils seront bien obligés de vouloir du chiffre fixé par l'honorable M. d'Hane, de telle sorte que le raisonnement de l'honorable M. Coomans s'appliquerait, à plus forte raison, si l'on votait d'abord sur le chiffre de M. d'Hane.

Il est certain qu'il faut commencer par le chiffre le plus élevé. Si l'on trouve une majorité pour le chiffre le plus élevé, on en trouvera une, à plus forte raison, pour le chiffre le moins élevé.

M. Coomans. - C'est le moyen de supprimer le droit d'amendement.

M. d’Hane-Steenhuyseµ. - Je crois cependant qu'il est d'usage de commencer le vote par l'amendement qui s'éloigne le plus de la proposition primitive.

MfFOµ. - Il faut commencer par le chiffre le plus élevé.

MpVµ. - — Evidemment. C'est un usage constant.

M. d’Hane-Steenhuyseµ. - Je ne renouvellerai pas les observations de l'honorable M. Coomans, mais je ferai remarquer que M. le ministre de la justice, qui ne nie pas d'une manière absolue que la partie non-officielle du Moniteur soit inutile, ne sait pas cependant indiquer le chiffre (page 165) de la dépense qu'elle occasionne. Je ne lui en fais pas un reproche, mais alors il doit permettre à ceux qui ne veulent pas de cette superfétation, de ne pas fixer de chiffre non plus.

Il doit être très facile à l'honorable M. Bara de savoir ce que coûte la partie non-officielle du Moniteur et il n'aura qu'à supprimer la dépense en même temps que la chose.

M. Coomans. - C'est un travail de 10 minutes. On n'a qu'à prendre les pages, à les compter et à défalquer le chiffre.

M. d’Hane-Steenhuyseµ. - Je le répète, M. le ministre doit comprendre que s'il ne peut, lui, fixer le chiffre de la dépense, je, ne puis pas le faire non plus. C'est, comme l'a dit l'honorable M. Coomans, une question de principe. Devons-nous avoir ou non une partie non-officielle publiée par le Moniteur ?

Je demande que nous n'en ayons pas.

- La discussion est close.

MpVµ. - Je mets aux voix le chiffre le plus élevé, qui est la proposition du gouvernement. Si ce chiffre n'est pas adopté, nous en viendrons naturellement aux amendements.

- Plusieurs membres. - L'appel nominal !

Il est procédé à l'appel nominal.

86 membres y prennent part.

51 répondent oui.

35 répondent non.

2 s'abstiennent.

En conséquence le chiffre est adopté.

Ont voté pour :

MM. Allard, Ansiau, Bara, Bouvier-Evenepoel, Braconier, Broustin, Bruneau, Carlier, Couvreur, Crombez, David, de Baillet-Latour, de Brouckere, De Fré, de Kerchove, d'Elhoungne, de Maere, de Rossius, Descamps, Dethuin, de Vrière, Dewandre, Dupont, Elias, Frère-Orban, Funck, Hagemans, Jacquemyns, Jonet, Jouret, Lambert, Lange, Lebeau, Le Hardy de Beaulieu, Lesoinne, Lippens, Mascart, Moreau, Mouton, Mutin, Nelis, Orban, Pirmez, Rogier, Sabatier, Valckenaere, Vander Maesen, Van Iseghem, Van Nieuwenhuyse et Ernest Vandenpeereboom.

Ont voté contre :

MM. Beeckman, Coomans, Delaet, Delcour, de Liedekerke, de Mérode, de Muelenaere, de Naeyer, de Terbecq, de Theux, d'Hane-Steenhuyse, d'Ursel, Guillery, Hayez, Janssens, Julliot, Magherman, Moncheur, Notelteirs, Schollaert, Thibaut, Thienpont, Thonissen, Van Cromphaut, Vander Donckt, Van Hoorde, Van Renynghe, Van Wambeke, Vermeire, Verwilghen, Vilain XIIII, Wasseige et Wouters.

Se sont abstenus :

MM. Kervyn de Lettenhove et Tack.

MpVµ. - Les membres qui se sont abstenus sont priés de faire connaître les motifs de leur abstention.

M. Kervyn de Lettenhove. - Je me suis abstenu, messieurs, parce que, tout en reconnaissant que, dans la partie non-officielle du Moniteur, il y a des matières que l'on pourrait supprimer, je crois qu'il en est d'autres qu'il est utile de conserver.

M. Tack. - Je n'ai pas voulu me prononcer sur l'amendement, parce que je n'ai pas mes apaisements sur l'utilité ou l'inutilité de la publication non-officielle du Moniteur, et parce qu'il m'est impossible de me fixer sur le montant de la dépense.

Articles 20 à 22

« Art 20. Abonnement au Bulletin des arrêts de la Cour de cassation : fr. 3,000. »

- Adopté.


« Art. 21. Publication d'un recueil des anciennes lois des Pays-Bas autrichiens, de la principauté de Liège et d'autres pays dont le territoire est compris dans le royaume de Belgique ; publication d'un recueil d'instructions-circulaires émanées du département de la justice, depuis la réunion de la Belgique à la France, en 1795 ; impression d'avant-projets de lois et autres documents législatifs ; frais de route et autres des membres des commissions de législation : fr. 25,300. »

- Adopté.


« Art 22. Traitement d'employés attachés à la commission royale de publication des anciennes lois, nommés par le gouvernement : fr. 14,000. »

- Adopté.

Chapitre VII. Pensions et secours

Articles 23 à 26

« Art. 23. Pensions civiles : fr. 40,000. »

- Adopté.


« Art. 24. Secours à des magistrats et à des employés près des cours et tribunaux, ou à leurs veuves et enfants mineurs qui, sans avoir droit à une pension, ont des titres à un secours, par suite d'une position malheureuse : fr. 11,800. »

- Adopté.


« Art. 25. Secours a des employés ou veuves et enfants mineurs d'employés de l'administration centrale du ministère de la justice, ou des établissements y ressortissant, qui se trouvent dans, le même cas que ci-dessus : fr. 1,700. »

- Adopté.


« Art. 26. Secours à des employés ou veuves et enfants mineurs d'employés des prisons, se trouvant dans le même cas que ci-dessus : fr. 3,000. »

- Adopté.

Chapitre VIII. Cultes

Articles 27 à 31

« Art. 27. Clergé supérieur du culte catholique, personnel enseignant et dirigeant des grands séminaires, à l'exception de celui de Liège : fr. 318,200. »

- Adopté.


« Art. 28. Bourses et demi-bourses affectées aux grands séminaires, à l'exception de celui de Liège : fr. 62,011. »

- Adopté.


« Art. 29. Clergé inférieur du culte catholique, déduction faite de 7,710 fr., pour revenus de cures : fr. 4,230,000. »

- Adopté.


« Art. 30. Subsides aux provinces, aux communes et aux fabriques d'église pour les édifices servant au culte catholique, y compris les tours mixtes et les frais du culte dans l'église du camp de Beverloo : fr. 460,000.

« Charge extraordinaire : fr. 256,000. »

- Adopté.


« Art. 31. Culte protestant et anglican (Personnel) : fr. 65,956. »

- Adopté.

Article 32

« Art. 32. Subsides pour frais du culte et dépenses diverses : fr. 12,300. »

M. le ministre de la justice (M. Bara). - J'ai l'honneur de déposer un amendement tendant à augmenter de 700 fr. le chiffre porté au budget. Cette somme est nécessaire pour rémunérer quelques pasteurs protestants qui doivent exercer leur ministère dans des localités où il n'y a pas de pasteur. Ainsi, la commune de Seraing n'a pas de pasteur, le pasteur de Liège doit faire un certain nombre de visites dans cette commune ; il a droit à des frais de déplacement.

M. Allard. - Il en est de même de Tournai.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Oui.

- L'article est mis aux voix et adopté.

Articles 33 à 36

« Art. 33. Culte israélite (Personnel) : fr. 11,220. »

- Adopté.


« Art. 34. Frais de bureau du consistoire central et dépenses imprévues : fr. 300. »

- Adopté.


« Art. 35. Subsides aux provinces, communes et consistoires pour construction d'édifices consacrés aux cultes protestant et israélite ; charge extraordinaire : fr. 20,000. »

- Adopté.


(page 166) « Art. 36. Pensions ecclésiastiques (payement des termes échus avant l'inscription au grand-livre) : fr. 8,000. »

- Adopté.

Article 37

« Art. 37. Secours pour les ministres des cultes ; secours aux anciens religieux et religieuses : fr. 21,400. »

M. le ministre de la justice (M. Bara). - J'ai l'honneur de déposer un amendement ayant pour but de porter à 30,000 fr. le chiffre de 21,400 fr. inscrit au budget.

Le crédit pour secours aux ministres des cultes et aux religieuses n'est plus suffisant. On a augmenté les traitements des ministres des cultes, mais le chiffre pour secours est resté le même.

- Une voix à gauche. - Voilà de la persécution !

- L'article amendé est mis aux voix et adopté.

Chapitre IX. Établissements de bienfaisance

Article 38

« Art. 38. Frais d'entretien et de transport d'indigents dont le domicile de secours est inconnu ou qui sont étrangers au pays : fr. 160,000. »

M. Van Cromphautµ. - Messieurs, n'ayant pas pris la parole dans la discussion générale, je profite du chapitre IX pour présenter quelques considérations en faveur de la réforme de la loi sur le domicile de secours, à l'appui de celles qu'a fait valoir l'honorable comte de Theux dans la séance d'avant-hier. L'honorable ministre de la justice a répondu, comme son honorable prédécesseur, qu'une nouvelle loi est à l'étude depuis longtemps et qu'il continuera à étudier cette question en faisant des efforts pour présenter à la Chambre un projet dans le délai le plus rapproché possible. M. le ministre ne contracte ainsi aucun engagement positif, ce qui me fait craindre que cette loi ne soit renvoyée à plusieurs années encore, pour ne pas dire aux calendes grecques.

En 1862 j'ai pris l'initiative d'un pétitionnement qui a pris de grandes proportions. De tous les coins du pays on a réclamé contre les abus qui résultent de la loi du 18 février 1845, relative au domicile de secours.

Plus de 400 pétitions sont arrivées à la Chambre des représentants et au Sénat. Elles y ont été vivement appuyées sur tous les bancs. L'honorable M. Tesch, alors ministre de la justice, semblait parfaitement bien disposé pour faire droit aux griefs signalés par les pétitionnaires. Néanmoins le projet de loi promis est resté dans les carions, et probablement à l'heure qu'il est, il n'y a pas un commencement de rédaction.

Il importe cependant de mettre un terme à la criante injustice qui pèse si lourdement sur les communes rurales et sur les petites villes. Les charges des bureaux de bienfaisance deviennent de plus en plus écrasantes à cause de l'émigration des ouvriers de la campagne vers les grands centres. C'est au point que l'agriculture, cette branche qui constitue la plus grande richesse du pays, manque de bras pour soigner ses travaux. Et un fait à remarquer, c'est que bien des ouvriers honnêtes qui, par un sentiment d'amour-propre, n'auraient point réclamé du secours dans leur lieu de naissance, s'affranchissent immédiatement de cette délicatesse lorsqu'ils se trouvent dans les grands centres.

Les principaux griefs reprochés à la loi du 18 février 1845 consistent en ceci :

Le terme de huit années pour acquérir le domicile de secours est beaucoup trop long.

La loi du 24 vendémiaire an II n'exigeait que deux années, et par celle du 18 novembre 1848, ce terme fut porté à quatre ans.

Il se trouve encore que le terme de huit années est souvent interrompu par les déplacements successifs d'une localité à l'autre : et il arrive parfois qu'un individu qui a quitté sa commune natale depuis 20 à 30 ans, reste toujours à charge de son lieu de naissance, alors même que personne n'a plus souvenir de son nom.

Il est bien rare qu'un même individu reste pendant huit années consécutives dans sa nouvelle résidence. Vous reconnaîtrez donc que ce terme est beaucoup trop long, et qu'il faut le réduire notablement.

Hier encore, j'ai eu devant moi un exemple frappant d'un pareil fait. La ville de Liège réclame, de la part de la commune de Wetteren, le remboursement d'une somme de plus de 2,000 fr., pour un aliéné retenu depuis longtemps dans un établissement de cette ville. On a découvert qu'en effet un individu du même nom avait quitté Wetteren il y a 30 ans, mais on a constaté qu'il était allé habiter Calcken, et que cette commune payait pour le même individu depuis plusieurs années à la ville de Lierre où cet aliéné et mis à sa charge. Il se trouve donc que deux individus portant le même nom, se trouvent l'un dans une maison d'aliénés à Lierre, et l'autre à Liège. Voilà une complication difficile à débrouiller et qui donne lieu à une correspondance qui restera probablement sans résultat.

Je pourrais citer une masse d'exemples de l'espèce, mais je ne veux pas abuser des moments de la Chambre. Je me résume en donnant un passage des pétitions arrivées à la Chambre en 1862. Voici ce que demandent les pétitionnaires :

« Pour obvier à cet état de choses, nous vous proposons, messieurs, d'introduire dans la loi de 1845 les modifications suivantes :

« Le terme de 8 années est porté à 4 ans. Les dépenses occasionnées en suite des dispositions de cette loi seront supportées, l'une moitié par la commune du domicile de secours, et l'autre moitié par la commune où réside l'indigent secouru. »

J'espère que l'honorable ministre de la justice voudra bien avoir égard à cette proposition, et qu'il ne négligera rien pour, nous présenter dans le cours de la présente session, un projet de loi plus équitable et plus juste.

- L'article est adopté.

Article 39

« Art. 39. Subsides : 1°à accorder extraordinairement à des établissements de bienfaisance et à des hospices d'aliénés ; 2° aux communes, pour l'entretien et l'instruction des aveugles et sourds-muets indigents, dans le cas de l'article 131, n°17, de la loi communale ; 3° aux établissements pour aveugles et sourds-muets ; 4° pour secours aux victimes de l'ophtalmie militaire, qui n'ont pas droit à une pension ou à un secours à la charge du département de la guerre : fr. 166,000. »

M. Mouton. - A l'occasion de cet article 39 du budget, j'appelle l'attention de M. le ministre de la justice sur la situation des établissements destinés à l'entretien et l'instruction des aveugles et sourds-muets indigents.

Il existe dans le pays, si je ne me trompe, onze établissements privés ayant cette destination, mais je crois qu'une meilleure organisation serait désirable dans l'intérêt de cette classe d'infortunés.

La loi communale (article 131, n°17) impose aux communes comme dépense obligatoire les frais d'entretien et d'instruction des aveugles et des sourds-muets, et cependant aucune loi n'est venue créer cet enseignement qui est resté abandonné à l'initiative privée. Aussi qu'est-il arrivé ?

C'est que les établissements créés, à cause de l'insuffisance des ressources dont ils disposent, n'ont pas complètement atteint ce but, et qu'en outre des communes laissent sans instruction aucune un certain nombre de malheureux de cette catégorie..

Il me semble que des instituts de ce genre, qui sont à la fois des établissements de bienfaisance et d'instruction, présentent un caractère d'intérêt général qui doit appeler l'intervention des pouvoirs publics, notamment celle du pouvoir central, et je prie M. le ministre de la justice d'examiner s'il ne conviendrait pas de combler cette lacune en organisant par une loi cet enseignement tout spécial.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - La question soulevée par l'honorable préopinant a déjà fait l'objet des débats de la Chambre il y a deux ans. M. de Kerchove, je pense, s'est occupé de ce poste du budget, et a présenté des observations dans le sens de celles que vient de développer M. Mouton. Je reconnais que ces observations sont fondées.

Il y a deux ans M. de Kerchove demandait à l'Etat de se charger de l'instruction des sourds-muets et des aveugles et de créer, aux frais de l'Etat, des établissements qui seraient dirigés par ses soins. Mon honorable prédécesseur a réservé cette question par le motif qu'il ne l'avait pas examinée suffisamment.

Depuis lors, cette question a été étudiée, et je dois dire qu'il me paraît inutile de conseiller à la Chambre de créer, aux frais de l'Etat, des établissements pour les sourds-muets et aveugles ; la charge de l'instruction des sourds-muets et des aveugles indigents doit plutôt retomber sur les communes et sur les provinces que sur l'Etat.

Aussi, la loi communale a-t-elle appliqué les véritables principes en disant que c'est d'abord la commune, puis la province et enfin l'Etat qui doivent créer de semblables établissements, ou bien venir en aide aux malheureux sourds-muets ou aveugles.

(page 167) Je reconnais que l'initiative privée n’a pas produit tout ce qui était désirable dans l'intérêt de ces malheureux. L'initiative privée a sans doute créé des établissements relativement bons, mais il y en a aussi de très mauvais ; il y en a même où les enfants ne reçoivent seulement pas une nourriture suffisante. Dernièrement encore, ce fait a été constaté à charge d'un établissement que je m'abstiendrai de faire connaître.

Du reste, messieurs, comment est-il possible de créer de bons établissements alors qu'on voit les instituts les plus importants n'avoir que 34 élèves sourds-muet-ici 209élève-aveugles subsidiés, alors que dans d'autres il n'y en a que 13, 11, 10, 7, 5, 2 ? II y a même un établissement où il n'y a qu'un seul élève. Comment voulez-vous que, dans de pareilles conditions, on crée des internats avec le personnel qu'ils nécessiteraient ? Je parle ici des indigents seulement, et c'est la grande majorité.

Le mieux serait, je pense, de n'avoir dans le pays que deux établissements, l'un dans la partie wallonne, l'autre dans la partie flamande. De cette façon, on pourrait avoir un personnel capable, intelligent, bien rémunéré. Voilà, je crois, le meilleur moyen d'aplanir les difficultés que nous constatons. Mais faut-il pour cela que le gouvernement intervienne, faut-il qu'il prenne à sa charge ces établissements ? Je ne le pense pas. Selon moi, c'est à la province et, à défaut de la province, c'est à la commune et aux hospices à se charger de la création de ces établissements et je suis persuadé que les pouvoirs publies ne se refuseraient pas à leur accorder des subsides même importants pour les aider dans cette œuvre toute d'humanité.

Je ne doute pas que la législature ne fasse pour les sourds-muets et aveugles ce qu'elle a fait pour les aliénés ; son concours ne ferait pas défaut à la création, dans de bonnes conditions, d'établissements spéciaux, et elle allouerait les crédits nécessaires pour permettre à ces établissements d'accomplir leur généreuse mission.

M. Mullerµ. - Je remercie M. le ministre de la justice de ses dernières paroles. Je me permettrai cependant de lui faire remarquer que certaines considérations qu'il a émises tendent à justifier et à rendre nécessaire la création d'établissements de la part du gouvernement plutôt que de la part des autorités provinciales, communales ou hospitalières.

En effet, M. le ministre de la justice vient de nous dire qu'il y a actuellement des établissements qui n'ont que 30, 15, 8, 7, 6, 5 et même 2 élèves. Mais, messieurs, est-il à espérer que l'administration des hospices de telle localité, pour prendre cet exemple, qui n'aura que 2, 3 ou 4 sourds-muets ou aveugles, consente à créer un établissement spécial pour l'instruction et l'entretien de ces quelques malheureux ? Ce serait beaucoup trop onéreux, si l'institution est établie d'une manière convenable. J'irai plus loin en ajoutant, par expérience administrative, qu'un établissement par province serait encore trop.

Je crois, messieurs, que ce qu'indique la raison et ce qui serait le complet accomplissement des prescriptions de la loi communales, ce serait la création de deux établissements pour tout le royaume, un pour les populations flamandes, l'autre pour les populations wallonnes, et le concours de l'Etat me paraît indispensable pour obtenir ce résultat.

Je crains fort que, malgré toute la bonne volonté que témoigne M. le ministre de la justice, on n'aboutisse pas à combler la lacune regrettable que présente l'enseignement actuel des sourds-muets et aveugles, livré exclusivement et sans contrôle à des établissements privés, si l'on se repose sur l'initiative d'autorités, qui ne sont pas intéressées directement à la création d'écoles toutes spéciales, qui doivent servir non seulement à leurs indigents, mais à ceux d'autres localités, voire même d'autres provinces.

Et cependant, messieurs, je le dis avec conviction : l'article 131 n°17 de la loi communale n'est pas aujourd'hui appliqué comme il devrait l'être, et si l'on ne fait rien de plus que ce qui existe, vous êtes à peu près sans action légale sur les communes. Vous dites à une localité rurale qu'elle est obligée de pourvoir à l'entretien et à l'instruction de ses jeunes sourds-muets et aveugles, qui sont indigents. Or, elle ne peut pas y pour voir dans son sein, et vous n'avez pas d'établissement placé sous votre surveillance directe à lui désigner !

D'un autre côté, il y a des institutions privées qui ont été fondées par souscriptions publiques. Je citerai notamment celle qui existe à Liège. Cet établissement est aujourd'hui insuffisant. Les souscriptions publiques ont permis d'acquérir un immeuble ; et maintenant les personnes honorables et dévouées qui en ont pris la direction ne désirent rien de mieux que de céder gratuitement toute la propriété à une autorité quelconque, parce que, privées d'un concours assez efficace de la part des autorités publiques, alors que cependant la loi communale est formelle à cet égard, elles sont en quelque sorte frappées d'impuissance et obligées d'abandonner une institution éminemment utile, et des mieux tenues entre toutes celles du même genre, quoiqu'elle soit loin d'être parfaite. Je bornerai là mes observations pour le moment.

M. Tack. Je n'ai qu'une courte observation à présenter. Je n'admets pas avec l'honorable M. Muller que les administrations communales ne sont pas à même de remplir les devoirs que la loi leur impose.

Il peut y avoir des établissements qui ne répondent pas à leur but ; mais il y en a d'autres qui sont dans d'excellentes conditions. Seulement il arrive que des communes cherchent à faire des économies et ne veulent payer que la moitié de la pension nécessaire à un traitement convenable de leurs sourds-muets et aveugles dans un établissement bien monté. Je voudrais, pour parer à cet abus, que le gouvernement refusât toute intervention aux communes qui ne veulent pas faire les sacrifices que la loi leur impose.

Ainsi, messieurs, actuellement, dans le meilleur établissement du pays, la part d'intervention des communes ne s'élève qu'à une somme de 120 francs. C'est, évidemment, bien peu de chose et il est aisé de comprendre que les sourds-muets et aveugles seraient mieux traités qu'ils ne le sont si les communes intervenaient pour une somme plus considérable.

Je ne vois donc pas du tout que les communes soient dans l'impossibilité de remplir leurs devoirs, mais je constate que, par esprit d'économie mal entendue, il en est qui cherchent à se soustraire aux charges que la loi leur impose.

M. Mullerµ. - Je ferai une simple observation en réponse à celles que vient de présenter l'honorable M. Tack.

Il faut aux communes des établissements qui leur offrent des garanties sérieuses ; il leur faut des établissements qui soient soumis au contrôle de l'autorité publique et surveillés par elle, puisqu'il s'agit de l'accomplissement d'une obligation imposée par la loi communale.

Supposé que les écoles, plus ou moins imparfaites, que nous possédons n'existent pas ; que vous n'ayez pas d'institutions privées ; il faudrait cependant bien se résigner à rendre exécutoire l'article 131 de la loi communale, qui ne pourrait rester une lettre morte.

Il y a, d'ailleurs, ici une question d'humanité qui ne permet pas de laisser à l'abandon des malheureux qui sont assez à plaindre déjà à cause de leur infirmité.

Je sais, messieurs, ce qui se passe aujourd'hui en fait de répartition de la dépense ; elle se partage par tiers entre la commune, la province et l'Etat ; mais quelles garanties d'un bon enseignement y a-t-il pour ces diverses autorités, et y en a-t-il une seule qui dirige ? Y a-t-il aujourd'hui un seul établissement doté de ressources suffisantes ? Non.

J'ai déclaré à M. le ministre de la justice que la création, par l'Etat, de deux établissements, l'un dans les provinces flamandes, l'autre dans les provinces wallonnes, serait ce qu'il y aurait de mieux à faire ; je répète que je le remercie néanmoins de la bienveillance avec laquelle il a accueilli les observations présentées par l'honorable M. Mouton, et que s'il était possible d'arriver indirectement au résultat que nous avons en vue, je m'j rallierais avec plaisir.

M. Wasseige. - Messieurs, je ne comptais pas prendre la parole dans cette discussion ; je tiens à faire une observation pour qu'on ne pense pas que nous soyons tous d'accord sur l'utilité de créer deux grands établissements de sourds-muets, l'un dans les provinces wallonnes, l'autre dans les provinces flamandes. La réalisation de cette idée offrirait de très grands inconvénients.

Messieurs, nous avons à Namur un établissement de sourds-muets parfaitement organisé. Je crois que M. le ministre de la justice lui rendra cette justice. L'établissement est fréquenté par un certain nombre d'élèves ; le gouvernement le subsidie et le surveille. Deux commissions l'administrent, l'une nommée par la province, l'autre par le gouvernement.

Or, alors même qu'il s'agit d'établissements provinciaux, il est très difficile de décider les parents à y envoyer leurs enfants sourds-muets, bien qu'ils puissent, sans se déplacer beaucoup, aller les visiter de temps à autres.

Lorsque je faisais partie de la députation permanente du conseil provincial de Namur, nous avons eu à cet égard des faits très caractéristiques ; nous avons vu des parents, bien que la pension complète de leur enfant leur fût garantie, se refuser à s'en séparer ; et remarquez que ces parents demeuraient à quelques lieues de Namur.

(page 168) Je suis convaincu que s'il y avait seulement deux établissements en Belgique, établissements qui seraient plus éloignés qu'aujourd'hui des communes où se trouvent des sourds-muets, les parents se décidaient encore plus difficilement à se séparer de leurs enfants affligés de cette infirmité. Ce serait dès lors aller à l’encontre des sentiments d'humanité exprimés par l'honorable M. Muller : le nombre des sourds-muets abandonnés serait plus considérable.

Je pense donc qu'il faut chercher, au contraire, à avoir le plus grand nombre possible d'établissements dans de bonnes conditions bien entendu afin qu'ils soient plus rapprochés des malheureux auxquels ils sont destinés à venir en aide.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Messieurs, ce que demande l'honorable M. Wasseige est réellement impossible...

M. Wasseige. - Je demande le maintien de ce qui existe.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Malheureusement ce qui existe est très mauvais. Cela résulte de tous les rapports adressés au gouvernement.

Les commissions administratives elles-mêmes viennent déclarer au gouvernement qu'il est impossible de satisfaire aux nécessités de ces établissements avec les ressources dont ils disposent ; elles vont jusqu'à déclarer qu'il leur est impossible de faire quoi que ce soit, si le gouvernement ne s'en mêle pas.

L'honorable M. Wasseige a parlé de l'établissement provincial de Namur ; eh bien, je dois dire que cet établissement se trouve dans des conditions d'imperfection très grandes. Du reste, il n'est pas possible qu'il en soit autrement. L'établissement a 15 garçons et 11 filles qui reçoivent des subsides du gouvernement ; ajoutez à ce nombre quelques élèves de plus, et voilà toute l'institution. Comment voulez-vous qu'avec un si petit nombre d'élèves, vous ayez un personnel qui donne à ces malheureux l'instruction et l'éducation appropriées à l'infirmité dont ils sont affligés ?

L'honorable M. Wasseige a dit qu'il serait très difficile de faire venir les jeunes sourds-muets dans des établissements qui se trouveraient au centre des provinces wallonnes et des provinces flamandes. C'est une erreur. Le problème a été résolu en Hollande ; on a créé, dans la ville de Rotterdam, un grand établissement central qui est parfaitement organisé et qui a un certain nombre d'élèves.

Il en serait sans doute de même en Belgique, alors que des provinces, même éloignées, on voit des parents envoyer leurs enfants sourds-muets à Bruxelles ; d'autres, les envoyer même à Paris. On ne recule plus maintenant devant les distances.

Messieurs, les communes mettent leurs indigents aveugles ou sourds-muets dans un établissement, uniquement pour assurer un asile à ces malheureux. Mais ce ne sont point des refuges, des hospices qu'il faut à cette classe d'infortunés ; ce qui leur est nécessaire, ce sont des établissements où ils puissent recevoir une instruction spéciale et apprendre un métier qui les mette à même de pourvoir à leur subsistance.

L'honorable M. Tack a émis une idée très juste : le gouvernement devrait refuser son concours aux établissements qui ne sont pas bien organisés. C'est évident, le gouvernement ne devrait accorder de subsides qu'aux aveugles et aux sourds-muets qui seraient placés dans des institutions bien organisées et soumises au contrôle de l'Etat. Voilà la véritable amélioration qu'il faut introduire dans l'intérêt de ces malheureux.

M. Coomans. - L'honorable ministre de la justice pourrait-il m'indiquer la somme qu'il prélève sur le crédit de 106,000 fr. pour les victimes de l'ophtalmie militaire qui n'ont pas droit à une pension ou à un secours, à charge du département de la guerre ?

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Je n'ai pas le chiffre dans ce moment, mais je pourrai le fournir.

M. Coomans. - Je crois que cette somme est très faible ; et d'après l'intérêt très légitime qu'on porte aux autres catégories de malheureux mentionnées dans l'article 39, j'ai peur qu'on ne diminue encore un peu la très faible quote-part des ophtalmiques militaires.

Messieurs, il s'agit ici non-seulement d'une œuvre d'humanité, d'une action de charité, mais encore d'un acte de stricte justice. Nous avons des centaines de militaires qui ont contracté l'ophtalmie à l'armée et qui n'ont pas obtenu de pension ni même de secours. Le gouvernement a si bien compris l'iniquité de cet état de choses, qu'il est venu de temps en temps en aide à cette catégorie de malheureux ; je les retrouve mentionnés dans l'article 39 ; mais je désire vivement qu'ils n'y figurent pas pour la forme, que le gouvernement fasse quelque chose en leur faveur.

- La discussion est close.

L'article 39 est mis aux voix et adopté.

Articles 40 à 42

« Art. 40. Frais de route et de séjour des membres des commissions spéciales pour les établissements de charité et de bienfaisance ; des médecins chargés de rechercher et de traiter les indigents atteints de maladies d'yeux, suite de l'ophtalmie militaire ; des membres et secrétaires de la commission permanente et de surveillance générale des établissements pour aliénés, ainsi que des comités d'inspection des établissements d'aliénés. Traitement du secrétaire de la commission permanente d'inspection ; traitement du secrétaire de la commission d'inspection de l'établissement de Gheel, ainsi que de l'employé adjoint à ce secrétaire : fr. 12,000. »

- Adopté.


« Art. 41. Impressions et achat d'ouvrages spéciaux concernant les établissements de bienfaisance et frais divers : fr. 2,000. »

- Adopté.


« Art. 42. Subsides pour les enfants trouvés et abandonnés, sans préjudice du concours des communes et des provinces : fr. 100,000. »

- Adopté.

Article 43

« Art. 43. Subsides pour le patronage des condamnés libérés : fr. 20,000. »

M. Coomans. - Je désirerais connaître l'emploi de cette somme, non pas certes avec l'intention de la diminuer, mais plutôt avec le désir de l'accroître.

Le gouvernement n'a à distribuer par an que 20,000 fr. en subsides pour le patronage des condamnés libérés. C'est bien peu de chose, même au point de vue économique. Car voilà une des bonnes œuvres auxquelles l'action gouvernementale peut et doit se mêler.

Quand on voit le chiffre éminemment lamentable, épouvantable des récidives, on doit considérer comme un strict devoir et comme un grand intérêt gouvernemental, le patronage des condamnés libérés.

Je désirerais particulièrement savoir comment et à qui cette faible somme de 20,000 francs est distribuée. J'ignore si M. le ministre accorde ces libéralités aux sociétés privées qui se sont organisées pour le patronage des condamnés libérés. Je verrais avec plaisir que les sociétés qui rempliraient toutes les conditions morales et économiques convenables pussent participer à l'application de cet article du budget.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Messieurs, l'institution des comités de patronage des condamnés libérés a complètement échoué et l'expérience a prouvé que cette institution est mauvaise. Telle est l'opinion que je me suis formée en étudiant l'organisation des comités de patronage et en voyant ce qu'ils ont produit.

On a créé des comités de patronage de condamnés libérés dans chaque canton sous la présidence des juges de paix ; bientôt ces comités n'ont plus fonctionné, ils n'ont plus existé que de nom.

Il existe actuellement peut-être cinq ou six comités de patronage des condamné libérés qui fonctionnent encore et rendent de très faibles services. Aussi le crédit de 20,000 fr. n'est-il jamais épuisé ; c'est à peine si l'on en dépense la moitié ; le reste fait retour au trésor.

L'honorable membre a demandé quels étaient les comités qui touchaient encore des subsides et à quelle somme ces subsides se montaient. Si je prends les subsides donnés dans les cinq dernières années, je vois :

(page 169) (suit la liste des comité actif entre 1862 et 1866, non reprise dans la présente version numérisée)

M. Wasseige. - C'est Gand qui absorbe tout.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - On me dit que c'est Gand qui absorbe tout. Mais aussi c'est de la prison centrale de Gand que sortent les malfaiteurs de la pire espèce.

M. Coomans. - Est-ce que les associations privées n'ont rien eu ?

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Elles n'ont rien eu et ne pouvaient rien avoir, attendu que les subsides portés au budget sont attribués en vertu d'un arrêté organique, aux comités de patronage des condamnés libérés.

M. Coomans. - N'y a-t-il pas possibilité de faire un autre arrêté tout aussi organique ?

M. le ministre de la justice (M. Bara). - C'est tout autre chose. Vous me demandez de vous rendre compte de l'exécution des lois et arrêtés. Or, évidemment vous ne voudriez pas que je les eusse violés.

Les comités de patronage des condamnés libérés, tels que les entend honorable membre, ont peu de chance de réussir, que ce soient des associations privées ou des associations placées sous le contrôle de l'autorité publique ; et voici pourquoi : les condamnés ne veulent pas avoir de communications avec des personnes, quelque honorables qu'elles soient, qui sont connues pour patronner des condamnés libérés.

La première chose que recherche le condamné, c'est de dissimuler ses fautes passées, c'est de se soustraire, par tous les moyens possibles, à ce qui peut rappeler la malheureuse position dans laquelle il s'est trouvé. Et c'est un sentiment qu'il faut encourager ; car les personnes qui ont été placées sous la tutelle de ces comités sont bien prêtes à sortir des rangs de la société et à se considérer comme des individus dégradés à toujours.

Ces comités ne pouvaient fonctionner pour un autre motif.

II y avait un comité par canton. Eh bien, il n'y a pas, dans un canton, assez de condamnés libérés pour donner de l'occupation au comité.

II y avait un ou deux condamnés qui acceptaient le patronage du comité. De temps on temps les membres du comité leur donnaient un conseil ou leur trouvaient de l'occupation, mais ils s'apercevaient que leur influence n'amenait pas de résultats sensibles ; alors ils se décourageaient et ils finissaient par abandonner les fonctions de membre du comité de patronage.

Voulez-vous créer un comité par arrondissement, un comité par province ? Eh bien, alors la circonscription est trop étendue. Les comités ne pourront pas surveiller la conduite des condamnés libérés ; ils ne sauront pas s'ils s'amendent, s'ils sont dignes de secours, et ce contrôle de tous les jours, qu'on voulait organiser sur les condamnés libérés sera impossible.

La vérité, messieurs, est qu'il faut conserver des comités auprès des grandes prisons. Là on donne aux condamnés libérés, à leur sortie, des habillements, des outils et des indications pour pouvoir mieux se conduire dans la vie. Pour le restant, il faut s'en remettre à la tutelle des administrations communales et des bureaux de bienfaisance. Ce sont les administrations communales et les bureaux de bienfaisance qui doivent veiller sur ces condamnés.

Les bureaux de bienfaisance sont chargés de distribuer des secours à domicile ; ils doivent leur protection aux malheureux, et par conséquent aux condamnés libérés ; ils doivent les aider de toutes les manières. Au lieu de s'adresser aux membres des comités de patronage, les condamnés iront trouver sans répugnance les membres des bureaux de bienfaisance. Là il n'y a plus de distinction. Les bureaux de bienfaisance sont établis pour venir en aide à tous les malheureux.

Remarquez-le d'ailleurs, les membres des comités de patronage sont souvent des membres de bureaux de bienfaisance. Ce sont des personnes qui exercent la bienfaisance poussés par de généreux instincts.

Les condamnés libérés trouvent, donc dans les administrations dépendant de la commune, tous les moyens d'être secourus, et qui plus est, ils n'en reçoivent pas de secours à titre d'une ancienne condamnation, à titre d'une faute passée.

En leur donnant de l'argent et des conseils, on ne leur rappelle pas leur faute, et c'est un grand avantage. Aussi, je maintiens le subside, mais en déclarant à la Chambre que le gouvernement examinera s'il n'y a pas lieu de revenir sur cette organisation de comités de patronage des condamnés libérés, s'il n'y a pas lieu de les supprimer ou de les réorganiser d'une autre façon.

Quant à la somme, elle n'est pas exagérée ; l'honorable M. Coomans vous l'a dit tout à l'heure. Si l'on ne peut donner toute cette somme aux comités, on verra s'il n'y a pas lieu de la faire parvenir aux condamnés par d'autres intermédiaires, par d'autres moyens.

M. Coomans. - L'honorable ministre de la justice a fait une critique sévère, je dirai trop sévère, du patronage des condamnés libérés.

Cette critique va plus loin, j'aime à le croire, que la pensée de l'honorable ministre.

Le patronage des condamnés libérés est une excellente chose.

Tant pis pour les institutions plus ou moins officielles qui ont échoué dans cette généreuse tentative.

L'honorable ministre doit en savoir là-dessus plus long que moi et j'accepte volontiers ses explications comme irrécusables, mais il est à la connaissance de beaucoup de membres de cette assemblée que des associations privées ont réussi et très bien réussi dans les tentatives si éminemment chrétiennes et si noblement libérales qu'elles ont faites.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - Nous ne les empêchons pas ; si elles réussissent, tant mieux !

M. Coomans. - Eh bien, oui, M. le ministre, elles ont réussi en ce sens qu'elles sont parvenues à maintenir dans la bonne voie bien des gens qui n'étaient que trop portés à s'en écarter, mais il va de soi que le succès obtenu n'est pas un succès financier, parce que toutes les caisses sont épuisées. Eh bien, si le gouvernement ne peut pas convenablement employer le crédit que nous votons, pourquoi ne donnerait-il pas des subsides à celles de ces associations qui ont fait preuve de dévouement ? A Paris, à Bruxelles, et dans beaucoup d'autres localités, des comités libres de patronage ont parfaitement réussi.

Maintenant, je suis d'accord avec l'honorable ministre que c'est dans les grands centres de population et dans les grandes prisons de l'Etat que la nécessité de ces comités se fait le plus sentir. C'est aussi là que se trouvent les sociétés libres. Eh bien, quand nous dépensons si largement les fonds de l'Etat, j'apprends avec douleur que le gouvernement ne trouve moyen que de consacrer 10,000 francs par an à l'une des meilleures dépenses qu'il puisse faire, celle qui concerne la surveillance des condamnés libérés, au point de vue de la charité.

J'ajouterai, messieurs, que le grand argument de M. le ministre contre le patronage ne me touche guère ; il prétend que le condamné libéré est naturellement intéressé à se cacher. Je n'en crois rien, il y eu a qui ont intérêt à obtenir la protection des honnêtes gens et qui l'obtiennent. A Paris, messieurs, il y a beaucoup de condamnés libérés qui sont discrètement soutenus par des protecteurs généreux et qui, sans cette protection, ne seraient jamais parvenus à gagner leur vie. Je connais à Bruxelles des condamnés libérés qui se sont maintenus dans des établissements industriels que sous la garantie morale de leurs protecteurs.

Du reste, messieurs, si la surveillance des condamnés libérés est une si mauvaise chose, pourquoi le gouvernement la maintient-il ? Je ne blâme pas cette surveillance, mais je voudrais qu'on la développât de la manière la plus efficace. Le trésor y gagnerait.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - L'honorable membre dit qu'il existe des sociétés qui ont réussi dans l'œuvre de patronage des condamnés libérés. Je ne les connais pas, et je ne connais pas de demandes de subsides émanées de sociétés semblables. Sont-ce des sociétés charitables dont l'objet n'est pas exclusivement de patronner les condamnés libérés ? Mais alors le gouvernement ne peut pas les subsidier. Le gouvernement n'a pas le droit d'accorder des subventions pour le patronage des condamnés libérés sans savoir comment l'argent est employé.

M. Coomans. - Il faudrait un contrôle.

M. le ministre de la justice (M. Bara). - La première personne venue dirait : J'ai donné à un condamné libéré, et il faudrait que le (page 170) gouvernement allât prendre des renseignements ! On trouverait des gens qui accepteraient avec beaucoup de plaisir la mission de patronner, dans ces conditions, les condamnés libérés.

Il est impossible, messieurs, de s'en rapporter à des particuliers pour une œuvre de cette nature, et je m'étonne fort de voir l'honorable M. Coomans, qui crie toujours contre la charité publique, blâmer le gouvernement de ne dépenser que 10,000 fr. par an pour le patronage des condamnés libérés. En principe, messieurs, la charge du patronage des condamnés libérés ne doit pas peser sur l'Etat, c'est une charge de la commune. L'honorable M. Vermeire, qui est un économiste, me fait un signe affirmatif. Ce sont les bureaux de bienfaisance qui devraient faire cette dépense, sauf au gouvernement à leur venir en aide par des subsides dans le cas où leurs revenus seraient insuffisants.

- L'article est mis aux voix et adopté.

Article 44

« Art. 44, Ecoles de réforme pour mendiants et vagabonds âgés de moins de 18 ans : fr. 200,000. »

- Adopté.

La séance est levée à quatre heures trois quarts.