(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1865-1866)
(page 1) La salle est disposée et ornée comme elle l'était aux séances royales précédentes.
A onze heures et demie. les tribunes publiques et réservées sont ouvertes au public et immédiatement occupées.
Le pourtour dc la salle derrière les bancs des membres est réservé aux dames.
Dans la tribune du corps diplomatique on remarque les ministres plénipotentiaires accrédités auprès de la cour de Bruxelles, ainsi que les secrétaires et attachés de légation, tous en grand uniforme.
A midi et demi M. d'Omalius d'Halloy, sénateur et doyen d'âge des deux Chambres, prend place au fauteuil de la présidence.
MM. Jacobs et Liénart, représentants, remplissent les fonctions de secrétaires provisoires.
Il est procédé au tirage au sort des deux députations chargées de recevoir Sa Majesté le Roi et Sa Majesté la Reine.
La députation chargée de recevoir le Roi est composée de MM. le baron de Rasse, Bisschoffsheim, baron Mazeman, de Cock, Hanssens, T'Kint de Naeyer, sénateurs, et de MM. Jonet, Warocqué, Guillery, Thonissen, de Naeyer, Kervyn de Lettenhove, de Kerchove, Dolez, Mascart, Nothomb, E. Vandenpeereboom et Vleminckx, représentants.
La députation chargée de recevoir la Reine est composée de MM. Joostens et Boyaval, sénateurs, et de MM. Valckenaere, de Woelmont, Vermeire et Beeckman, représentants.
A une heure, Sa Majesté la Reine, précédée de la députation des Chambres et accompagnée de Leurs Altesses Royales le Duc de Brabant, Comte de Hainaut, et la Princesse Louise-Marie ; de la duchesse d'Ursel, grande maitresse, des dames du palais, de M. le comte de Lannoy, grand maître, et de son premier écuyer d'honneur, entre dans la tribune qui lui a été réservée à gauche du trône.
Sa Majesté est accueillie par des acclamations longtemps prolongées.
Quelques minutes après, chef des huissiers annonce : Le Roi.
Sa Majesté, précédée de la députation des deux Chambres et accompagnée de Son Altesse Royale le Comte de Flandre, de sa maison civile et militaire et d'un nombreux état-major, entre dans la salle.
Toute l'assemblée est debout.
Les cris de « Vive le Roi ! » éclatent sur tous bancs et dans les tribunes.
Sa Majesté, après avoir salué l'assemblée et adressé un salut à la Reine, monte les marches du trône et pend place. Son Altesse Royale le Comte de Flandre est assis à sa gauche.
Le grand maréchal de la cour est debout sur la première marche. Les aides de Camp et l'état-major sont groupés à droite.
Sa Majesté assise, la tête découverte, prononce le discours suivant.
I »l me tardait de me retrouver au sein de la Représentation Nationale où J'ai reçu, il y a un an à peine, un accueil si sympathique.
« Le peuple tout entier, dans chacune de nos patriotiques provinces, s'est associé à ces démonstrations touchantes ; elles se rattachaient au souvenir du Monarque vénéré dont le règne bienfaisant laissera des traces impérissables dans l'existence de la Belgique. (Vifs applaudissements.)
(page 2) « C’est avec une grande satisfaction que je constate l'état excellent de nos relations internationales.
« Au milieu des graves événements qui ont troublé une grande partie de l'Europe, la Belgique est demeurée calme, confiante et pénétrée des droits et des devoirs d'une neutralité qu'elle maintiendra dans l'avenir, Comme dans le passé, sincère, loyale et forte. (Nouveaux applaudissements.)
« Si la sécurité publique n'a pas été ébranlée, si notre situation intérieure est restée relativement satisfaisante, le pays toutefois n'a pas été à l'abri de la maladie fatale qui a désolé d'autres contrées.
« Grâce au dévouement des autorités locales et de toutes les classes de la population, les effets du fléau, aujourd'hui presque entièrement disparu, ont été heureusement allégés.
« Ayons des paroles de commisération pour ceux qui ont souffert, des paroles de reconnaissance pour ceux qui se sont dévoués.
« Ces désastres, ne l'oublions pas, ont particulièrement affecté nos classes ouvrières. C'est notre devoir à tous de continuer à nous occuper de tout cc qui peut favoriser l'amélioration matérielle et morale des populations laborieuses. (Bravos ! bravos !)
« Parmi les mesures préventives que la science et la pratique signalent comme les plus efficaces, figure au premier rang l'assainissement des quartiers insalubres qui préoccupe à juste titre le Gouvernement et les communes.
« La même sollicitude est due à l'instruction des classes ouvrières. Le concours des Chambres ne fera jamais défaut au Gouvernement pour atteindre cet utile et noble but vers lequel doit tendre sans relâche tout peuple jaloux dc sa liberté, et qui veut en rester digne. (Applaudissements.)
« Le résultat des récoltes n'a pas entièrement répondu aux espérances de nos cultivateurs. L'agriculture toutefois n'a pas reculé dans la voie du progrès où elle marche à grands pas.
« Les mesures énergiques prises par mon Gouvernement ont contribué à circonscrire et à paralyser les effets de l'épizootie, qui a sévi ailleurs avec une grande intensité.
« Indépendamment des travaux dont les Chambres ont encore à poursuivre l'accomplissement, divers projets seront soumis à leurs délibérations.
« Révision de la loi de 1858 sur les expropriations, suppression de la contrainte par corps, amélioration des lois sur la détention préventive et les extraditions, abolition de l'article 1781 du Code civil, révision du Code pénal militaire, liberté de l’industrie en matière d’or et d’argent, pêche fluviale, péréquation cadastrale ayant pour objet un plus juste répartition de l’impôt foncier ; tels sont les projets qui seront successivement proposés dans le cours de cette session et que Je recommande à l'examen éclairé du Parlement.
« Mon Gouvernement a conclu avec le Japon un traité d’amitié, de commerce et de navigation qui, joint à notre dernière convention avec la Chine, est destiné à ouvrir à la Belgique de nouvelles relations vers les pays de l'extrême Orient, en assurant à notre commerce les garanties internationales qui lui manquaient jusqu'ici.
« La garde civique et l'armée continuent de remplir leur mission avec le zèle et le patriotisme qui ont toujours distingué ces deux grandes institutions.
« Le tir national a fourni à notre milice citoyenne l'occasion de fraterniser avec la milice des pays voisins. La Belgique sera heureuse de voir se renouveler sur son sol hospitalier ccs luttes pacifiques où se forment des relations d'estime et d'amitié réciproques que l'avenir doit encore étendre et fortifier. (Bravos ! bravos ! Applaudissements !)
« Aux travaux matériels qui font la fortune du pays, nos artistes, la récente exposition l'a prouvé, associent avec éclat les travaux qui en font la gloire.
« J 'espère que tous les travailleurs belges redoubleront d'efforts pour occuper un rang honorable dans le concours universel qu'une grande Puissance amie va bientôt ouvrir à toutes les nations. (Nouveaux applaudissements.)
« Que la Belgique continue de se signaler par une énergique et féconde activité, son respect de l'ordre, la sage pratique de ses libertés ; que les éléments de prospérité qu'elle renferme sc développent de jour en jour sous l'égide de nos lois libérales ; c'est mon vœu le plus cher ; c'est l'objet de nos communes aspirations.
« Pour accomplir la tâche qui lui incombe, mon Gouvernement a besoin, Messieurs, de votre loyal et bienveillant concours ; et puissent, au début de ce nouveau règne, tous les cœurs rester unis dans l'amour du pays et de ses institutions. »
- D'énergiques applaudissements et des cris de Vive le Roi ! éclatent dc toutes parts.
Sa Majesté salue et quitte la salle.
Sa Majesté la Reine sc retire également au milieu des applaudissements et des cris de Vive la Reine !
MM. les sénateurs se rendent dans la salle de leurs séances.
- La séance royale est levée à une heure et demie.
A une heure et demie, M. Lange, doyen d'âge, prend place au fauteuil.
MM. Jacobs et Liénart remplissent les fonctions de secrétaires.
MpLangeµ. - Messieurs, nous avons à fixer l'heure et l'ordre du jour de la séance de demain.
Je vous propose de mettre à l'ordre du jour la vérification des pouvoirs et de fixer l'heure de la séance à trois heures.
- Cette proposition est adoptée.
La séance est levée.