(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1865-1866)
(Présidence de (M. E. Vandenpeereboom.)
(page 851) M. Thienpont, secrétaire., procède à l'appel nominal à 1 heure et un quart.
M. de Florisone, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance.
- La rédaction en est approuvée.
M. Thienpont,. présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre/
« Le sieurs Cieters prie la Chambre d'ordonner la publication d'une traduction flamande des Annales parlementaires. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du rapport sur la question flamande.
« M. Carlier, retenu à Mons pour une affaire importante, demande un congé. »
- Accordé.
« M. Thibaut demande un congé pour cause d'indisposition. »
- Accordé.
« M. Van Overloop, obligé de s'absenter, demande un congé. »
- Accordé.
M. Orts, rapporteur. - Messieurs, quoiqu'il ne soit pas dans l'intention de la Chambre de reprendre complètement et à fond la discussion sur les questions qui se rattachent aux coalitions, je crois devoir, au nom de la commission dont j'ai l'honneur d'être rapporteur, quelques mots de réponse aux objections présentées hier par l'honorable M. Pirmez, contre le système admis par le Sénat, et que nous vous demandons de consacrer aujourd'hui par votre vote.
La question, messieurs, qui divise la Chambre et le Sénat n'est pas, comme pourraient le faire croire les dernières paroles de l'orateur auquel je réponds, celle qui a divisé, dans une circonstance récente, le corps législatif français ; question qui a amené, au sein de cette assemblée, une de ces remarquables discussions consolantes pour tous les amis du régime représentatif, car elles ont prouvé que la tribune française, quoi qu'en puisse en croire, n'est pas complètement morte.
La question, en France, était celle-ci : une partie de l'assemblée voulait laisser les coalitions de maîtres ou d'ouvriers complètement sous l'empire du droit commun. Elle ne voulait reconnaître dans le fait de coalition ni un délit, ni une contravention quelconque du moment où ceux qui se coalisent, ne recouraient ni à la violence, ni aux voies de fait pour imposer leur volonté à d'autres. On disait : S'il y a violence, s'il y a voies de fait, le code pénal est là, qui punit d'une manière générale et en toute circonstance les voies de fait et les violences coupables. D'autres ont pensé au contraire que le délit de coalition accompagné de violence ou de voies de fait, tendant à imposer la volonté des ouvriers coalisés à ceux qui ne le sont pas ou qui sont sortis de la coalition, de même qu'une situation analogue entre patrons, que cet acte nécessitait une pénalité spéciale.
Le corps législatif français s'est prononcé pour la pénalité spéciale.
Quel est le conflit entre les Chambres belges ? Le Sénat et la Chambre sont d'accord avec le corps législatif français pour faire, dans certaines circonstances, de la coalition accompagnée de violence ou de voies de fait, un délit spécial. Mais chez nous il s'est introduit une idée nouvelle, et cette idée est celle qui amène le dissentiment. La majorité de la Chambre et la commission du code pénal qui a examiné le projet en 1859 ont pensé qu'il fallait punir le délit de coalition alors même qu'il n'est pas accompagné de violence ni de voies de fait, mais quand il y a rupture des engagements contractés.
La Chambre a fait de cette violation du contrat civil par voie de coalition, un délit spécial. Le Sénat a dit : La violation du contrat civil, lorsqu'elle n'est accompagnée d'aucune espèce d'acte tombant sous l'application de la loi pénale, ne peut pas être qualifiée délit.
Ce système, messieurs, nous vous demandons aujourd'hui, au nom de la commission nouvelle, de vouloir bien le consacrer ; c'est le système que l'honorable M. Pirmez a combattu. Comme le disait très bien un honorable membre de cette Chambre en interrompant hier l'honorable M. Pirmez, le Sénat ne veut pas que la simple violation d'un contrat civil puisse être l'objet d'une répression pénale.
En agissant ainsi, messieurs, le Sénat se conforme, et c'est déjà un argument capital en faveur de son système, le Sénat se conforme à l'ensemble de notre législation. Nulle part la violation d'un simple contrat civil entre particuliers n'est punie d'une sanction pénale.
Il n'est jamais entré dans la tête d'un législateur sérieux, par exemple, de punir d'une peine, fût-ce même de simple police, l'ouvrier isolé qui quitterait brusquement son maître avant l'expiration de son engagement sans aucun concert avec d'autres, pour poser simultanément le même acte.
Personne n'a jamais songé à demander l'application d'une peine, fût-ce même de simple police, à un domestique qui quille son maître au beau milieu de son engagement et sans laisser le délai d'usage. Il n'est jamais venu à l'esprit de personne de punir d'une peine quelconque le fermier qui ne paye pas son fermage au jour convenu, non plus que celui qui a souscrit une lettre de change, parce, qu'il ne l'aurait pas soldée au jour fixe de l'échéance.
Ce sont là des violations de droits privés qui doivent trouver leur unique sanction dans l'action civile, action qui appartient à tout individu lorsque son cocontractant ne s'exécute pas.
En vain, messieurs, a-t-on voulu prétendre que cette règle de notre droit n'était pas absolue. L'honorable M. Pirmez pour le prouver a cité deux exemples dans son discours d'hier, exemples déjà produits par lui en 1860. Il a dit : Il n'est point exact de soutenir que la violation d'un simple contrat privé ne soit jamais l'objet d'une répression pénale ; nous avons dans notre législation deux cas où l'exception est consacrée : la banqueroute et la violation du dépôt ou du mandat qui constitue l'abus de confiance d'après l'article 408 de l'ancien code pénal.
L'honorable M. Pirmez s'est trompé quant à la violation du dépôt, quant à la violation du mandat qui consiste à s'approprier une chose qu'on vous avait confiée pour un emploi déterminé ou pour la garder.
La loi ne punit pas la violation d'un contrat civil ; elle punit un vol, qui suit la violation du contrat.
On punit ce fait d'une manière spéciale parce qu'il ne rentre pas dans les conditions ordinaires du rapt du bien d'autrui, appelé vol par la loi pénale dans son article 401.
La preuve qu'alors qu'on punit le violateur du dépôt c'est parce qu'il a commis un vol, et non parce qu'il a violé les conditions du contrat civil, résulte de cette simple remarque que si le dépositaire refusait de restituer le dépôt sans se l'attribuer, il ne serait pas puni par le tribunal correctionnel.
En est-il autrement du fait de banqueroute ?
La loi distingue la banqueroute frauduleuse, qui est un crime, et la banqueroute simple, qui est un délit. Si la loi punissait la violation de l'obligation civile, elle punirait la faillite : elle ne la punit pas.
Le fait de n'avoir pas payé ses créanciers à l'échéance ne constitue la banqueroute frauduleuse, qu'alors que le failli s'est approprié le gage de ses créanciers ; on le punit pour avoir volé, détourné.
Quant, à la banqueroute simple, c'est autre chose. On punit comme (page 852) coupable de banqueroute simple, le failli qui ne tient pas régulièrement ses écritures, ou se livre à des dépenses exagérées.
Le devoir de tenir des livres réguliers, le devoir de ne pas faire de dépenses exagérées, sont des devoirs professionnels imposés par la loi aux commerçants par des motifs d’ordre et d'intérêt public.
La loi punit le manquement à ces prescriptions de police professionnelle au cas de faillite. Ainsi donc dans la banqueroute on punit soit la violation d'un devoir professionnel imposé aux commerçants comme il est imposé à une foule d'autres particuliers dont la profession intéresse le public, ou bien on punit le détournement de biens, gage des créanciers.
Mais, dit-on, les conséquences de la violation du contrat civil par les coalitions sont tellement graves, qu'elles s'élèvent à la hauteur d'un danger public. Les ouvriers, se retirant brusquement, peuvent ruiner tel grand industriel, le forcer à manquer à ses engagements, et entraîner sa faillite ! Cela peut être !
Mais le mal existe ailleurs encore, et là l'honorable M. Pirmez ne punit pas. Supposons deux négociants en rapport d'affaires l'un avec l'autre. L'un, pour se libérer vis-à-vis de tiers, les paye au moyen de lettres de change que le second a promis d'accepter à présentation.
Le négociant qui a promis viole sa promesse. A l'échéance l'acceptation des lettres de change est refusée. Le débiteur ayant compté sur la réalisation de la promesse faite ne se trouve pas en mesure de payer immédiatement, il tombe en faillite.
Y a-t -il dans le code une disposition pénale contre celui qui a promis d'accepter et qui n'accepte pas ! Y a-t-il une excuse pour celui qui, ayant compté sur la promesse qui lui avait été faite, ne se trouve pas en mesure, de payer et tombe en faillite ?
Non, personne n'a jamais songé à introduire des dispositions semblables dans nos codes. Et cependant le danger qui motive la dérogation au droit commun que veut M. Pirmez, existe tout entier dans cette circonstance comme dans les coalitions.
Que serait, après tout, une législation pénale qui, pour caractériser un délit ou pour l'innocenter, se préoccuperait uniquement du préjudice causé ?
La loi pénale ne doit pas se préoccuper du point de savoir si un acte est plus ou moins nuisible : elle doit se préoccuper, avant tout, de la moralité de l'acte.
Si l'acte en lui-même, isolé, et indépendamment du préjudice causé, n'est pas un acte suffisamment immoral pour le punir, vous ne pouvez pas le punir par cela seul qu'il aura entraîné un préjudice.
Dans cette voie, vous arriveriez, pour être logiques, à punir moins fort le voleur qui m'a pris mon porte-monnaie s'il ne contient que du nickel, qui, pour le dire en passant, est encore un enfant de M. Pirmez, comme le délit de coalition...
M. Pirmezµ. - Ce n'est pas moi qui l'ai inventé.
M. Orts, rapporteur. - Je parle du délit spécial dont nous nous occupons. Vous l'avez défendu hier avec une chaleur si affectueuse qu'on ne saurait l'expliquer, sinon par un sentiment tout paternel. Ne désavouez pas votre enfant.
Je reprends mon argumentation.
Dans ce système, il faudrait donc faire une différence entre le voleur qui s'empare de mon porte-monnaie ne contenant que du nickel et celui qui s'approprie mon porte-monnaie renfermant par exemple un billet de mille francs. Pour moi, ce sont là des idées contraires aux notions élémentaires du juste et de l'injuste.
Dans un cas comme dans l'autre, le fait est le même au point de vue de la moralité.
Que le fait ait ou n'ait pas causé de préjudice à la victime, il n'est pas moins immoral, ; et si vous l'innocentez quoique répréhensible quand il n'a pas causé de préjudice, il faut l'innocenter également quels qu'en aient été les résultats.
Du reste, messieurs, le système de l'honorable membre aboutit à une conséquence qui pour moi en est la condamnation la plus formelle, la plus décisive. Cette conséquence, la voici : et elle est, cette fois encore, tirée de l'importance du préjudice que cause au maître la coalition des ouvriers. L'honorable membre admet que, dans les autres cas de violation de contrats civils, l’action civile suffit, et il n'en veut pas faire un délit. Mais, dit-il, qu'est-ce que l'action civile contre un ouvrier qui manque à ses engagements ? Ici, l'action civile est insuffisante, attendu que l'ouvrier ne possède rien.
J'attire l'attention de la Chambre sur cette conséquence ; pour moi, c'est le critérium de la question. Il en résulte, en effet, qui si l'ouvrier avait les moyens de réparer le préjudice qu'il cause, vous ne le puniriez pas ; c'est donc parce qu'il est pauvre que vous voulez l'envoyer en prison ! (Interruption.) L'honorable M. Pirmez n'a pas entendu le début de mon discours ; son interruption m'oblige à rappeler en deux mots ce que j'ai dit en commençant. J'en demande pardon à la Chambre et je m'exécute.
J'ai dit tantôt qu'en cas de banqueroute, on punit deux choses : ou bien l'appropriation par le débiteur à son profit du gage de son créancier, ou bien le manquement à des devoirs professionnels, à des devoirs qui résultent de la profession de commerçant. Or, partout où il y a vol, fût-ce même en matière de coalition, on a le droit, le devoir même de le punir. Mais je reviens à mon raisonnement et je répète : Vous ne vous contentez pas de la simple action civile pour sanctionner la violation éventuelle de contrats entre maîtres et ouvriers, parce que l'ouvrier n'a pas dans sa poche de quoi réparer le dommage qu'il a causé à son maître.
Si l'ouvrier avait les moyens de restituer à son maître ce qu'il lui a fait perdre par le fait de sa retraite, vous ne verriez point dans les coalitions d'ouvriers un délit. Donc, vous punissez l'ouvrier parce qu'il est pauvre ; cela est incontestable et vous auriez beau, avec toute votre habileté et votre éloquence, parer, farder, déguiser de la façon la plus charmante votre pensée, je l'ai déshabillée et j'ai montré à la Chambre la vérité toute nue, qui est ainsi fort laide. Vous faites donc un délit de la violation d'un contrat parce que celui qui a violé le contrat n'est pas assez riche pour réparer le dommage causé. Je dis qu'un tel système n'est ni de notre temps ni conforme à nos mœurs.
M. Dolezµ. - On peut également connaître s'il se rend coupable du fait de coalition ; et cependant il est assez riche pour réparer le tort causé.
M. Orts. - Je discute un argument qu'a produit l'honorable M. Pirmez et sur lequel il a particulièrement insisté. L'action civile est illusoire d'après lui, attendu que l'ouvrier n'a pas les moyens de réparer le tort causé.
M. Pirmezµ. - J'ai dit que notre système se fonde sur ce qu'il y avait violation d'un contrat, ce qui constitue un acte immoral. Et cet acte est immoral, non seulement parce qu'il y a eu violation d'un contrat commise sciemment, avec volonté, de propos délibéré, mais encore parce qu'il présente cette circonstance aggravante que la coalition est le résultat d'un concert prémédité entre ouvriers ; que non seulement donc c'est la violation d'un engagement civil, mais que c'est encore la violation d'un engagement avec les circonstances les plus aggravantes, circonstances plus graves que celles qu'on rencontre dans la banqueroute.
M. Orts, rapporteur. - L'honorable M. Pirmez reconnaît, par la manière dont il vient de répondre à mon argumentation, que si la réparation du préjudice causé était possible par la voie ordinaire, il serait prêt à nous concéder la liberté la plus large pour les maîtres comme pour les ouvriers.
M. de Naeyerµ. - Les maîtres sont là pour la forme, afin d'avoir une apparence d'égalité.
M. Orts, rapporteur. - Oui, comme l'observe l'honorable M. de Naeyer, les maîtres sont là pour avoir l'air de faire de l'égalité aux yeux du public, pour, comme disent les peintres de certains accessoires, pour embellir le paysage.
Messieurs, je n'ai jamais pris au sérieux la coalition des maîtres. La coalition des maîtres est pour moi un fait sans précédents dans les annales judiciaires. Je veux bien croire que des maîtres se sont quelquefois coalisés ; mais je n'ai jamais rencontré de maîtres sur les bancs de la police correctionnelle. J'ai vu au contraire, et trop souvent, des ouvriers punis par des juges auxquels le cœur saignait de devoir sévir.
J'ajoute un dernier mot ; j'ai promis à la Chambre de ne pas reprendre ce débat à fond, et nous sommes pressés par le temps.
L'honorable M. Pirmez ne peut pas méconnaître une chose, c'est l'insuffisance pratique de son système. Cette insuffisance pratique lui a été démontrée par quelqu'un qui, dans cette matière, avait bien plus d'autorité que je ne pourrais en avoir, et cela en 1860.
C'était M. Charles de Brouckere, dans le dernier discours qu'il a prononcé au sein de cette assemblée dont il a été une des plus grandes illustrations ; M. Charles de Brouckere disait en 1860 à l'honorable M. Pirmez, avec l'autorité d'un homme ayant dirigé l'un des plus grands établissements industriels du pays, établissement qui occupait un nombre considérable d'ouvriers, adonnés précisément à ce genre de travail pour lequel les coalitions sont si pernicieuses, au dire de l'honorable M Pirmez, l'industrie métallurgique, M. Charles de Brouckere disait « Votre système est impraticable ; il n'atteindra pas son but. »
(page 853) En définitive, quel est le système de l'honorable M. Pirmez ? L'honorable membre veut forcément retenir au travail pendant quinze jours, un mois, des ouvriers qui se sont concertés pour cesser le travail dans une fabrique.
Je le demande à l'honorable membre, il est dans des rapports journaliers avec l'industrie, il représente avec éclat un des arrondissements les plus industriels du pays, je lui demande s'il croit sincèrement que des ouvriers coalisés, retenus de force dans une fabrique pendant quinze jours ou un mois, par la menace d'une poursuite pénale, exécuteront un travail valant quoi que ce soit pour le maître contraignant les ouvriers à travailler. Dans ces conditions-là, ce travail lui sera, franchement, plus nuisible qu'utile ; il lui fera plus de tort qu'un chômage complet.
Et pour en finir par un exemple trivial, je demande à chacun de vous ce que vaut dans un ménage le travail d'un domestique congédié qui au bout de huit jours devra quitter la maison.
Un travail de ce genre, ne mérite pas qu'on introduise à son profit une sanction pénale dans un code.
En définitive, pour quinze jours vous êtes en dissentiment avec le Sénat ; est-ce pour atteindre un but aussi mesquin que vous devez empêcher la disparition immédiate d'une législation qui répugne à tout le monde, l'application d'une réforme qui pourrait être meilleure, dans le sens de l'honorable M. Pirmez, soit ; mais qui, telle qu'elle est, constitue une amélioration importante pour la classe ouvrière, comparée à la législation existante ?
Je demande que la Chambre vote les conclusions de la commission.
(page 867) M. Guillery. - Messieurs, j'avoue que je me trouve dans une position très délicate. Je comprends parfaitement l'importance des considérations par lesquelles l'honorable M. Orts vient de terminer son discours ; et cependant, malgré le désir que j'ai de voir opérer un grand progrès dans la loi sur les coalitions, il m'est difficile d'accepter le moyen terme auquel le Sénat s est arrêté.
En 1860, dans la séance du 24 mars, j'ai eu l'honneur de proposer un amendement qui consistait à rejeter la disposition qui vous était présentée alors et qui formait l'article 346 du code pénal, et à remplacer l'article 348 par la disposition suivante :
« Toute menace ou injure adressée, dans un rassemblement de plus de vingt personnes, à des ouvriers ou à ceux qui font travailler ; toute violence exercée contre les mêmes personnes ;. tout rassemblement près des établissements où s'exerce le travail ou près de la demeure de ceux qui le dirigent, lorsque ces faits auront porté atteinte à la liberté des maîtres ou des ouvriers.
« Ces peines pourront être élevées à mille fr. d'amende et jusqu'à un mois d’emprisonnement à l'égard des chefs ou moteurs. »
Le sentiment qui m'avait inspiré est celui-ci : de punir plus sévèrement les délits qui en eux-mêmes ne sont pas très graves, la menace ou l'injure, du moment qu'ils ont eu pour effet de porter atteinte à la liberté du maître ou à la liberté de l'ouvrier. Je désire que la liberté soit entière, que la liberté de conclure le contrat civil ne souffre aucune atteinte ; c'est-à-dire que, dans une coalition, les ouvriers, par exemple, qui veulent travailler n'en soient pas empêchés par des menaces ou des injures ; de telle sorte que la menace ou l'injure, qui ne sont que des délits fort peu importants dans les circonstances ordinaires, deviennent punissables d'une amende de 26 à 100 francs et d'un emprisonnement de 8 jours à 3 mois, dans le cas où elles ont pour but de porter atteinte à la liberté.
Mais, en dehors de ce cas, j'avoue que je ne comprends pas pourquoi le contrat civil qui se forme entre le maître et l'ouvrier est protégé, du côté du maître et à son avantage, par une disposition du code pénal.
Comment ! tout le monde, dans notre pays, a le droit de s'associer. Le droit d'association forme pour ainsi dire la base de nos institutions ; on s'associe partout. On s'associe pour faire des chemins de fer ; on s'associe pour des entreprises commerciales ; on associe des capitaux, on associe des intelligences ; on s'associe dans un but religieux ; on s'associe dans un but philosophique ; on s'associe dans un but de plaisir.
L'ouvrier seul n'aura pas le droit de s'associer, alors que pour lui le droit de s'associer n'est souvent que le droit de souffrir en commun et de chercher vainement par le travail le prix de ses sueurs !
En interdisant toute amende, toute défense, on interdit l'association. Quelle est, en effet, l'association qui n'est pas sanctionnée par une pénalité quelconque ? Peut-on concevoir des personnes qui s'associent sans qu'il y ait aucune sanction aux engagements qu'elles prennent ? La moindre amende deviendra-t-elle un crime ? Ne peut-on pas dire : Nous nous associons dans tel but et celui qui rompra les conditions de l'association payera une amende de 5 fr., de 3 fr., de 1 fr., de 50 c. ? Est-ce là un crime ? Est-ce là un délit ? Où est le délit ?
Je vois, d'un côté, le patron qui conclut seul un contrat avec plusieurs centaines d'ouvriers ; son engagement n'est protégé, à l'égard des. ouvriers, par aucune peine, par aucune mesure de droit criminel.
Oh ! il peut violer son engagement ; on pourra l'actionner devant les tribunaux civils, si on en a le moyen, mais si les ouvriers violent le contrat, ce contrat est protégé, du côté des maîtres, par des mesures de droit criminel. Où est la justice, où est l'égalité ?
Le maître, dit-on, ne s'associe pas. Je le crois bien, il forme à lui seul une association ; ou bien, c'est un homme assez riche pour que ses seuls capitaux suffisent aux besoins de son industrie, ou bien c'est une société d'actionnaires. Le maître n'a donc pas besoin de s'associer.
Pour que l’ouvrier soit placé dans le droit commun, il doit avoir le droit de dire avec d'autres : Nous ne travaillerons pas au dessous de tel taux ; il doit avoir le droit de se coaliser. Je ne comprends pas qu'il en soit autrement, de même que je ne comprends pas que nous trouvions encore dans la législation d'un pays, qui se glorifie de ses institutions démocratiques, le livret d'ouvrier comme sanction d'un contrat civil. Pourquoi l'ouvrier est-il obligé de donner cette caution, de s'assujettir à cette mesure de haute police, lorsqu'il s'agit d'un contrat purement civil ? L'ouvrier doit être libre comme tous les autres citoyens, et je ne vois pas pourquoi la loi le place dans des conditions inférieures.
Qu'on lui dénie les droits électoraux parce qu'on juge qu'il n'est pas assez intelligent pour les exercer, c'est une autre question, c'est une question à discuter ultérieurement ; mais la liberté de former un contrat civil, de disposer de son infiniment petit capital, du produit de ses bras et de sa pauvre intelligence, qu'il n'a pas eu l'occasion de développer, cette liberté est incontestable et je n'admets pas qu'on ait le droit de la restreindre. Pourquoi placer l'ouvrier dans une position exceptionnelle en dehors du droit commun à tous les hommes ?
Je désire beaucoup, messieurs, que l'article 2 soit interprété, dans le sens des observations de l'honorable M. Van Humbeeck et je crois qu'on peut l'interpréter ainsi. Mais il m'est permis de concevoir des craintes à cet égard, lorsque je vois M. le ministre de la justice ne pas accepter complètement cette interprétation et je vois alors dans les mots dont se sert le législateur une élasticité dangereuse.
Que la Chambre se prononce pour l'un ou l'autre système, soit. Mais qu'au moins elle s'énonce nettement et de manière qu'il n'y ait aucun doute dans l'application. Punira-t-on, oui ou non, les simples interdictions, les simples défenses ?
L'article 2 dit :
« Sera puni d'un emprisonnement de huit jours à trois mois et d'une amende de vingt-six francs à mille francs ou de l'une de ces deux peines seulement, toute personne qui, dans le but de forcer la hausse ou la baisse des salaires, ou de porter atteinte au libre exercice de l'industrie ou du travail, aura commis des violences, proféré des injures ou des menaces, prononcé des amendes, des défenses, des interdictions ou toute proscription quelconque, soit contre ceux qui travaillent, soit contre ceux qui font travailler.
« Il en sera de même de tous ceux qui, par des rassemblements près des établissements où s'exerce le travail, ou près de la demeure de ceux qui la dirigent, auront porté atteinte à la liberté des maîtres ou des ouvriers. »
Ainsi, messieurs, d'après ce texte on punirait les amendes, les défenses et les interdictions prononcées dans le but de forcer la hausse ou la baisse des salaires.
Ainsi les ouvriers qui s'associeraient et qui stipuleraient qu'il est interdit à aucun d'eux d'accepter de l'ouvrage en dehors de telles et telles conditions, ces ouvriers tomberaient sous l'application de la loi, s'ils ont eu pour but de forcer la hausse des salaires, car il y aura là une interdiction, et si l'on ajoute une amende, ne fût ce que de dix centimes, on tombera, de ce chef encore, sous l'application de la loi.
Mais, messieurs, ne portons pas atteinte à la liberté des contrats, à la libre discussion des intérêts civils. Il est admis par tous les économistes, et par l'honorable M. Pirmez, puisqu'il est un de nos économistes les plus distingués ; il l'a prouvé en maintes circonstances et notamment dans la discussion des dispositions du Codé pénal qui touchent aux questions économiques ; eh bien, il est admis par tous les économistes que le taux des salaires dépend du rapport entre l'offre et la demande. Aucun moyen, quel qu'il soit, aucun gouvernement, quelque puissant qu'il soit, ne saurait changer cette loi. Les ouvriers auraient beau se coaliser pour faire hausser les salaires, ils n'obtiendront aucun résultat si le rapport de l'offre et de la demande n'est pas favorable à leurs prétentions. Les patrons auraient beau prendre toutes les mesures possibles pour faire baisser les salaires, si l'offre est inférieure à la demande, ils ne baisseront pas. C'est donc la loi de l'offre et de la demande qui règle le prix des salaires comme le prix de toutes choses. Tout ce qui est rare et recherché est cher, tout ce qui est abondant et délaissé est à bon marché. Toutes les combinaisons du monde ne peuvent rien contre cette loi.
Mais si les patrons voulaient par des mesures arbitraires, par des mesures machiavéliques, faire diminuer les salaires et si les ouvriers, en état de légitime défense, disaient : « Nous lutterons, nous formerons, une association et pour que l'association soit efficace, il y aura des amendes il y aura des interdictions ; » pourquoi voulez-vous les en empêcher ? Mais leur condition n'est-elle pas déjà assez défavorable ? Ne sont-ils pas sous l'empire de la plus rigoureuse des lois, la loi de la faim, qui les forcera en peu de temps de se mettre à la discrétion des maîtres, parce que pain leur manque et manque à leurs femmes et à leurs enfants ? Le riche industriel à des économies, des capitaux, du crédit ; l’ouvrier n’a ni économies, ni capitaux, ni crédit...
Je persiste donc, messieurs, dans mon opinion de 1860; je considère comme inutiles les qui nous sont soumises. Elles sont d'abord impuissantes pour porter remède en quoi que ce soit aux maux dont on se plaint. Elles sont impuissantes pour empêcher les coalitions lorsque la force des choses les amènera. Elles sont ensuite contraires à l'égalité qui doit exister entée tous les citoyens, je comprends les inégalités nécessaires. Nous devons trop souvent, dans notre législation, consacrer des inégalités que la nature elle-même a créées, mais lorsque nous pouvons contribuer à appliquer ce grand principe de l'égalité des citoyens devant la loi, nous ne devons pas hésiter un seul instant : nous n'en avons pas le droit.
Je disais, messieurs, que ma position est très délicate. En effet, si je vote contre le projet qui nous est soumis, je puis retarder un progrès et ne pas voir, d'ici à longtemps, un gouvernement revenir à mon opinion, malgré les vues éclairées de M. le ministre de la justice, et je saisis cette occasion pour le féliciter de ce que le commencement. de son ministère a été marqué par des lois très libérales. J'avais du reste auguré ainsi de lui dès son entrée aux affaires.
Malgré ses intentions très libérales, je pourrais très bien être exposé et exposer les ouvriers à ne pas voir adopter d’ici à longtemps la thèse que je défends devant la Chambre.
En votant contre le projet, je voterais en définitive dans le sens de ceux qui ne veulent pas même de la réforme admise par le Sénat.
Dans cette situation, je voterai le projet de loi, tout en espérant pour l'avenir une amélioration.
(page 853) M. Pirmezµ. - Messieurs, pour fixer le débat, je soumets à la Chambre comme amendement les deux articles qui se trouvaient dans le projet primitif de la Chambre. De cette manière, la question recevra au moins une solution. Seulement je suis obligé de faire un changement du premier de ces articles, parce qu'une faute d'impression s'y est glissée ou plutôt parce qu'une erreur a été commise dans le procès-verbal de la Chambre.
Le. texte soumis à la Chambre portait ceci : « Les coalitions entre ceux qui travaillent et ceux qui font travailler » et l'on a oublié dans le procès-verbal : « Ceux qui travaillent, » de sorte que le ltxte tel qu'il a été inséré dans le procès verbal porte seulement la peine de la coalition contre « ceux qui font travailler. » Je rectifie cette erreur et à part cela je maintiens les mêmes articles.
Je crois que si la Chambre adoptait ce système, la commission du Sénat pourrait se réunir avec la commission de la Chambre et l'on arriverait peut-être alors à un système de conciliation entre les opinions des deux Chambres.
Je dépose donc mes amendements. J'aurai encore des observations à faire à l'honorable M. Orts, M. le ministre de la justice va probablement parler dans ce même sens. Je demanderai donc à la Chambre de parler après lui, si elle est disposée à continuer le débat.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - L'honorable M. Pirmez a combattu le projet de loi qui avait été adopté par le Sénat et il l'a fait avec le talent que vous lui connaissez. Le système auquel la Chambre s'était ralliée est évidemment très ingénieux, mais, dans l'opinion du Sénat, et cette opinion est aussi la mienne, il n'est pas praticable. Au surplus, s'il l'était, il donnerait les mêmes résultats que le système actuel du gouvernement.
En effet, je soutiens et je démontrerai tout à l'heure qu'il n'y a réellement pas de différence, entre le projet adopté par le Sénat et celui qui a été adopté par la Chambre.
D'après l'honorable membre, le Sénat n'aurait pas étudié la question. C'est une erreur, messieurs, Certainement les membres du Sénat n'ont pas été lire tous les discussions de la Chambre sur la matière.
Mais les membres qui dans cette assemblée se sont spécialement occupés du code pénal ont pris connaissance des débats de la Chambre et je prierai l'honorable M. Pirmez de parcourir le rapport de l'honorable M. d'Anethan ; il y verra, à côté des considérations qu'il a combattues et que l'on peut combattre parce que la thèse n'est pas absolue ni d'un côté ni de l'autre, des considérations qui prouvent à toute évidence que les délibérations de la Chambre n'ont pas été inconnues du Sénat.
Mais les circonstances, messieurs, ne sont plus les mêmes. La question a fait des progrès depuis 1869.
Elle a marché parce que d'abord l'expérience de la législation sur laquelle nous allons voter a été faite en Angleterre et parce qu’en outre en France on a voté une loi qui repose sur quelques-uns des principes que nous cherchons à faire prévaloir dans le projet actuel.
L'honorable M. Pirmez repousse le projet de loi actuel parce qu'il ne respecte pas le droit.
Mais, messieurs, toutes les violations du droit ne doivent pas être frappées d'une peine, et c'est en cela que l'honorable M Pirmez se trompe ; son point de départ est erroné.
Et, en effet, ce n'est pas le respect du droit qui peut être invoqué comme la base de la disposition votée par la Chambre.
Je ferai remarquer d'abord à l’honorable M, Pirmez que le projet de loi adopté par la Chambre ne respecte pas le droit. En effet, quand l'engagement dépasse la quinzaine, quand il est d'un mois ou de plus d'un mois pour certaines industries, celui qui enfreint cet engagement n'est plus passible de peine.
Voici des ouvriers qui s'engagent vis-à-vis de leur maître à ne pas le quitter avant de l'avoir prévenu trois mois d'avance.
Dans ce cas la loi pénale ne sanctionne plus le contrat.
M. Pirmezµ. - Il y a l'action civile.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Donc le respect du droit est bon pour quinze jours, mais pas pour un terme plus long.
En principe donc, point de respect du droit. Mais il y a une autre considération que vous avez fait valoir, c'est l'intérêt social. Est-ce que le législateur a le droit de garantir par une sanction pénale le respect des obligations civiles ? En aucune manière.
M. Pirmezµ. - Oui.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Vous pouvez le faire et vous l'avez fait dans certains cas, mais je dis que c'est à toute extrémité et lorsqu'un grand intérêt social est en jeu.
Vous parlez des engagements.
Voilà un père de famille qui laisse sa femme et ses enfants dans le dénuement le plus complet et qui dépense en débauches tout ce qu'il gagne. Il manque non seulement aux obligations de la loi civile, mais à des obligations contractées solennellement, à des obligations que les lois morales les plus simples, les plus élémentaires lui imposent. Allez-vous envoyer cet homme en prison ?
Evidemment, non. Vous législateur, vous vous déclarez impuissant. Vous dites : C'est un être immoral, un malhonnête homme, je le méprise. L'épouse pourra demander le divorce, une pension alimentaire, mais la loi pénale est sans action.
Mais, dit l'honorable M. Pirmez, il y a des cas où le législateur ne se contente pas de la sanction civile ; témoin : la banqueroute, le stellionat, et un nouveau délit que le Sénat vient de créer : le délit des traites en l'air. Pouvez-vous assimiler ces cas à des cas de. violation des contrats civils ?
La banqueroute simple, le seul cas qu'on puisse invoquer, touche bien aux matières qui doivent tomber sous le coup de la loi pénale. Elle intervient à cause de la présomption où l'on est que l'individu a peut-être commis un délit ou un crime. C'est une nécessité sociale ; l'impossibilité de discerner.
M. Pirmezµ. - Voilà la moralité.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Si le négociant a tenu régulièrement ses livres, s'il n'a pas fait de dépenses excessives, s'il est resté dans les termes de la loi, il n'y a rien à lui dire, bien qu'il viole tous ses engagements.
Vous ne le punissez que quand il n'a pas obéi à certaines prescriptions que le législateur a édictées pour empêcher que. le commerçant ne se livre à des vols.
Le législateur dit : Je vous préviens d'avance que dans telles circonstances déterminées je vous tiendrai pour voleur. Si par exemple vous n'avez pas les livres voulus par la loi, la présomption de vol s'élèvera contre vous.
Je veux bien qu'au point de vue absolu, toutes les condamnations du chef de banqueroute ne sont pas justifiables d'après les principes purs ; mais il n'en est pas moins vrai que l'on ne peut comparer la violation d un simple engagement civil avec la violation des règles tracées par le législateur en matière de faillite. Ce sont deux choses tout à fait différentes.
Pour les traites en l'air, il en est de même. Il y a là une véritable filouterie.
Voilà un individu qui crée une traite sur une personne qui ne lui doit rien, une traite en l'air.
Le tireur sait très bien que la traite ne sera pas payée à l'échéance ; n'importe, il la négocia, il en touche l'import. C'est presque une escroquerie.
Mais voici : un ouvrier fait un traité avec un maître pour quinze jours ; au (page 854) bout de dix jours il s'en va. L'honorable M. Pirmez dit : S'il s'en va seul, il n'est pas coupable au point de vue pénal ; s'il déserte avec ses compagnons d'atelier, il est coupable. La moralité ou la culpabilité d'un acte va donc dépendre du nombre de personnes qui participent à cet acte. Mais je suppose que l'ouvrier soit en position d'indemniser son patron. Le punirez-vous encore ? Oui, d'après le système de M. Pirmez. Il aurait beau dire : je vous payerai les dommages-intérêts qui résultent de ma désertion, il serait puni et le principe du droit civil, qui veut que toute obligation de faire se résout en dommages-intérêts, ne sera pas respecté. (Interruption.)
Dans votre système alors même que l'ouvrier s'engagerait à payer des dommages-intérêts il n'est pas autorisé à se retirer de l'atelier ; il doit faire ses quinze jours.
Mais je passe sur ce point et je concède à l'honorable membre que s'il prouve que son système est praticable et qu'il produira un résultat social quelconque, il doit être accepté.
Examinons : Je considère, pour ma part, ce système comme impraticable.
Lisons l'article :
« Sera puni d'un emprisonnement de huit jours à trois mois et d'une amende de vingt-six francs à mille francs ou de l'une de ces deux peines seulement toute personne qui, dans le but de forcer la hausse ou la baisse des salaires ou de porter atteinte au libre exercice de l'industrie ou du travail, aura commis des violences, proféré des injures ou des menaces, prononcé des amendes, des défenses, des interdictions ou toute proscription quelconque soit contre ceux qui travaillent, soit contre ceux qui font travailler. »
Il faut une notification quinze jours à l'avance. Mais M. Pirmez ne nous dit pas comment cette notification sera faite. (Interruption.) Nous allons voir ; c'est précisément là la question.
J'admets qu'actuellement quand un ouvrier a l'intention de quitter un atelier, il se rend chez son patron et lui dit : Je quitte l'atelier, remettez-moi mon livret. Mais c'est là l'entente entre le maître et l'ouvrier. Or, dans le cas de grève, de coalition, il y a guerre entre le patron et l'ouvrier.
Mais qu'arrivera-t-il si le patron vient dire : Cet ouvrier ne m'a pas notifié qu'il voulait partir ? L'ouvrier devra traduire son patron devant le conseil de prud'hommes. Et si là le patron dit encore que l'ouvrier ne lui a rien demandé, le croira-t-on sur parole ? Non, évidemment. Alors il faut une enquête. Mais qui déposera dans cette enquête ? Les personnes intéressées, les personnes qui sont au procès.
M. Sabatierµ. - A Charleroi, voici généralement comment se pratiquent ces engagements entre maîtres et ouvriers : Au moment où un ouvrier entre dans une usine, il remet son livret et en échange de ce livret on lui remet un récépissé. Ce récépissé est pris dans un livre à souche et renferme la condition que l'ouvrier ne peut quitter le travail que quinze jours, généralement, après avoir prévenu son maître de ses intentions, sous peine de perdre une partie de son salaire. L'ouvrier ne peut donc pas prétexter ignorance, il sait l'engagement qu'il contracte et qui n'est autre, du reste, que celui consacré par l'usage.
Lorsque l'ouvrier vient réclamer son livret, on peut fort bien lui faire signer une déclaration qui constate la date à laquelle il fait sa demande.
Les moyens de constater la mise en pratique des engagements réciproques des maîtres et des ouvriers ne manquent donc point.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - M. Sabatier raisonne dans l'hypothèse de l'entente entre le maître et l'ouvrier, mais dans le cas de grève l'entente n'existe plus. Ouvriers et patrons sont en opposition. Les patrons prétendent qu'ils ont usé vis-à-vis de leurs ouvriers de tous les ménagements possibles, les ouvriers prétendent que les patrons se sont montrés intraitables. L'ouvrier ira reprendre son livret, oui, à la condition que le maître veuille bien le lui remettre ; mais lorsque le maître se verra à la veille d'une grève, satisfera-t-il à la demande de l'ouvrier ? Et si l'ouvrier traduit son patron devant le conseil de prud'hommes, celui-ci ne pourra-t-il pas contester que l'ouvrier lui ait réclamé son livret ? Vous aurez donc des enquêtes. Or, voyez les inconvénients qui vont se produire. Ce seront les parties intéressées elles-mêmes qui déposeront ; l'une dira : J'ai prévenu en temps utile ; l'autre dira : Il ne m'a rien demandé.
Supposons même qu'il soit constaté qu'un ouvrier ait réclamé son livret ; dans l'intervalle une espèce d'arrangement intervient ; nouvelle enquête, nouveau débat et de procès en procès vous aurez empêché la répression. (Interruption.) Pour rendre votre système possible, il faut que la notification soit obligatoire, car le maître ne remettra le livret que lorsqu’il aura été assigné devant le conseil de prud'hommes et vous aurez alors cette singulière anomalie que pour des faits qui sont appréciés de la même manière par le peuple, il y aura des condamnations et des acquittements. (Interruption.)
Le peuple n'attachera pas d'importance à ce que l'ouvrier aura prévenu deux ou trois jours plus tôt ou plus tard.
Maintenant dans ce système il faudrait punir aussi le maître qui ordonnerait une cessation générale de travail même quand il n'y a pas de coalition. Ainsi un patron n'a pas d'ouvrage momentanément ou bien il perd de l'argent en travaillant, à cause de certains événements, il ne pourra pas fermer ses ateliers ; il devra travailler à perte ou payer ses ouvriers qui ne travailleront pas, sous peine d'être traduit devant le tribunal correctionnel ; cela n'est pas juste, mais, je le reconnais, si vous n'érigez pas ce fait en délit, vous faites une distinction entre les patrons et les ouvriers ; vous frappez les uns et vous ne frappez pas les autres.
Le maître ne peut pas fermer ses ateliers d'une manière générale, mais il peut le faire partiellement, ainsi, sur 500 ouvriers il en renvoie 300 et il n'est pas puni.
Cependant il cause un tort évident aux ouvriers qu'il jette sur le pavé. Cela n'est pas juste et vous n'avez pas paré à cet inconvénient par votre système.
Vous voyez, messieurs, que le projet qui a été adopté par la Chambre est loin d'être parfait.
Avec le système de l'honorable M. Pirmez, vous arrivez à une autre difficulté et cette fois tout le désavantage est pour les patrons. Voici un atelier qui compte 500 ouvriers ; de ces 500, 400 se coalisent et se retirent et les 100 qui restent obligent le patron à continuer son travail. Le patron se trouve ainsi d'un côté en présence d'ouvriers qui refusent de travailler et de l'autre en présence de la loi qui lui défend de cesser son travail à moins d'avoir prévenu quinze jours à l'avance. (Interruption.)
La loi dit que la cessation générale du travail ne peut avoir lieu sans un avertissement préalable de quinze jours lorsqu'il n'y a pas de cas de force majeure.
Or, si je démontre qu'avec 100 ouvriers vous pouvez marcher, vous êtes obligé de continuer ; dans l'esprit de la loi, le sort des cent ouvriers qui sont demeurés au travail ne doit pas dépendre de la fantaisie des quatre cents qui ont déserté l'atelier.
Ce système est une nouvelle source de difficultés. C'est une innovation. On a cru que par ce moyen on arriverait à prévenir les coalitions. Or, je crois que patrons et ouvriers y trouveront le moyen de se faire le plus de tort possible.
D'ailleurs, ce système est-il nécessaire ?
Il est certain, je l'admets volontiers, que vous pouvez édicter une sanction pénale pour l'exécution d'un engagement civil, s'il y a un grand intérêt social en cause. Mais vous reconnaîtrez aussi, avec moi, que vous ne pouvez pas le faire s'il n'y a réellement pas d'intérêt, s'il n'y a qu'une possibilité d'avantages. Or, voyons ce qui se passe.
L'honorable M. Pirmez dit : Les coalitions, le plus ordinairement, éclatent à l'improviste. C'est une erreur. Le corps législatif de France, quand il a discuté son projet de loi, se trouvait en présence des assertions qui avaient été émises par l'honorable M. Pirmez et d'autres.
Et qu'a-t-il fait ? Ou a consulté tous les conseils de prud'hommes ; on a fait une enquête, on a entendu des ouvriers et il a été constaté que généralement l'ouvrier exécute tous ses engagements ; ce n'est qu'après bien des pourparlers que généralement les coalitions éclatent ; et l'honorable M. Pirmez a donné hier les raisons de cet état de choses. Il a dit : quand l'ouvrier se met en grève, quand il se jette même dans la rue pour faire une émeute, soyez convaincus que c'est parce que, à tort ou à raison, il se croit victime d'une injustice.
Eh bien, s'il en est ainsi, il est évident que l'ouvrier ne quittera pas l'atelier sans avoir cherché à obtenir le redressement de ses griefs.
Et, en effet, messieurs, l'honorable M. Jamar nous disait, dans la discussion de 1860 à propos de la coalition des ouvriers typographes, que ce n'était qu'après six mois de pourparlers pour obtenir une augmentation de salaire, qu'ils s'étaient résolus à se mettre en grève.
Les coalitions n'éclatent donc pas d'ordinaire à l'improviste ; la vérité est que, presque toujours, elles sont le résultat d'un état de choses qui a duré plus ou moins longtemps.
Mais je suppose, pour aller jusqu'au bout dans les hypothèses de l'honorable M. Pirmez, je suppose que les coalitions éclatent à l'improviste (page 855) et je me demande si les doléances de l'honorable membre au sujet de la position des chefs d'industrie sont bien fondées ; je me demande s'il est vrai que leur fortune puisse être compromise, leur industrie anéantie. Voilà ce que prétend l'honorable membre, et puis il ajoute : Si par suite d'une coalition d'ouvriers qui l'aura ruiné, le maître fait faillite, il sera traduit devant le tribunal correctionnel et il pourra être condamné du chef de banqueroute simple.
Mais non, messieurs, il ne sera pas condamné du chef de banqueroute simple s'il a tenu bien ses livres, s'il s'est conformé aux prescriptions du code de commerce et s'il n'a fait aucune dépense exagérée.
Cette conséquence n'est donc pas à redouter et d'ailleurs, messieurs, les patrons, bien loin d'être exposés à la position déplorable que l'honorable M. Pirmez vous a dépeinte, auront dans l'avenir, comme ils ont aujourd'hui, une foule de moyens d'échapper aux difficultés pouvant résulter pour eux de la coalition de leurs ouvriers. Je me bornerai à en indiquer quelques-uns.
D'abord quand la loi sera votée, les patrons ne seront pas désarmés vis-à-vis de leurs ouvriers (Interruption.) Evidemment les patrons peuvent se coaliser comme les ouvriers ; ils peuvent dicter leurs conditions ; ils peuvent donc dire à leurs ouvriers : Je vous admets dans mes ateliers, mais à la condition que vous vous engagiez à ne me quitter qu'après m'avoir averti quinze jours d'avance, et pour cela j'entends vous faire des retenues successives jusqu'à concurrence d'une somme représentant quinze jours de salaire. L'ouvrier sera libre d'accepter ou de refuser ces conditions et s'il les accepte, le résultat de l'action civile sera parfaitement garanti.
Le patron peut encore recourir à un autre moyen.
Je suppose qu'une coalition éclate à l'improviste en vue d'obtenir une augmentation de salaire ; pour se soustraire au désastre que redoute l'honorable M. Pirmez, le patron n'aura qu'à se résigner au payement pendant quinze jours du salaire demandé ; et je ne pense pas qu'un seul industriel se refuse à un pareil sacrifice pour échapper à une ruine qu'on représente comme inévitable.
La position de l'industrie ne serait pas aussi fâcheuse que l'honorable M. Pirmez a bien voulu le dire, s'il était vrai que d'ordinaire les coalitions éclatent soudainement.
Mais je maintiens, messieurs, qu'il n'en est pas ainsi et que ce que l'honorable M. Pirmez a prétendu être la règle n'est en réalité que l'exception ; et d'ailleurs ce ne sont pas les dispositions de la loi qui empêcheront les coalitions violentes.
Je crois donc qu'il est plus convenable d'adopter le système de la liberté sans s'occuper de ce délai de quinze jours auquel les ouvriers n'auraient aucun égard et qui ne produira aucun des bons effets que s'en promet l'honorable M. Pirmez.
Mais, dit l'honorable membre, sans la loi française de 1864, le projet primitivement adopté par la Chambre n'eût pas été modifié.
Nous avons bien introduit dans le texte quelques termes employés par le législateur français, mais la pensée même de la loi, c'est à l'Angleterre que nous l'avons empruntée.
L'honorable M. Pirmez prétend qu'en Angleterre on punit les coalitions.
Or, messieurs, voici ce que je lis dans un ouvrage publié cette année par M. Batbie, professeur d'économie politique à Paris, et qui cite l'acte du Parlement anglais de 1859.
« Aucun ouvrier ou individu quelconque actuellement employé ou non, qui se serait borné à entrer dans une ligue avec un ou plusieurs ouvriers, une ou plusieurs personnes quelconques, dans le but de fixer ou essayer de fixer le taux des salaires ou de la rémunération du travail de tous ou de quelques-uns d'entre eux ou qui se serait borné à essayer paisiblement et par des moyens raisonnables, sans menace ou intimidation, directe ou indirecte, d'en amener d'autres à cesser ou à refuser de travailler, dans le but d'obtenir ainsi des changements de salaires ou d'heures de travail fixés, consentis, ou à fixer et consentir par eux, ne pourra désormais et pour ce seul fait être accusé ou condamné comme coupable de vexation ou d'empêchement, et ne sera, en conséquence, sujet ou exposé à aucune poursuite ou châtiment pour complot (conspiracy). Il reste entendu que rien dans le présent acte n'autorise aucun ouvrier à rompre ou violer aucun engagement, ni à faire aucune tentative pour induire aucun ouvrier à rompre ou violer aucun engagement. »
Voilà, messieurs, la législation anglaise sur cette matière.
M. Pirmezµ. - Il faut combiner cet acte avec la loi générale.
- Voix à gauche. - La loi générale n'a jamais été appliquée.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - En effet, la loi générale n'a jamais été appliquée. L'acte du Parlement de 1859 est venu régulariser un état de choses qui existait depuis 1824, car depuis lors le statut de Georges III n'avait plus été exécuté.
Voici ce que je lis dans l'ouvrage dont j'ai parlé tantôt :
« L'acte que nous venons de citer est cependant de date bien récente, puisque avant 1859 tes coalitions étaient régies par une loi sévère. Mais si la loi est nouvelle, la liberté des coalitions est ancienne en Angleterre. Avant la proclamation légale du droit de coalition pacifique, la liberté existait de fait en vertu d'une tolérance consacrée par un long usage. Depuis 1824, la loi n'était plus appliquée, et la liberté était, en fait, aussi entière que si elle avait été écrite dans un texte formel. »
Et il est bien digne de remarque, messieurs, que les coalitions en Angleterre sont beaucoup moins nombreuses depuis qu'elles y sont permises. La coalition est un mal pour l'ouvrier, c'est pour lui une cause de ruine et de malheurs souvent irréparables. Voilà, messieurs, ce que constate l'expérience.
En Belgique, qu'arrivera-t-il ? Il est possible que l'ouvrier, induit en erreur, sera tenté de se coaliser, comme nous l'avons vu en France ; mais il aura bientôt reconnu que la coalition lui est toujours fatale et qu'il en est toujours la victime.
Messieurs, la loi actuelle n'a pas pour but d'interdire les coalitions, elle les permet, au contraire ; elle fait disparaître les entraves résultant du code de 1810 ; mais elle a pour but aussi de donner à la liberté individuelle toute la protection à laquelle elle a droit.
Le projet de loi adopté par le Sénat consacre la liberté de la coalition et garantit eu même temps la liberté individuelle ; je ne crois pas qu'il y ait lieu d'innover, d'introduire en Belgique un système qui n'est appliqué nulle part. (Interruption.)
Il n'est pas appliqué en Angleterre ; je crois que l'honorable M. Pirmez fait confusion ; il s'appuie sur un statut qui n'a jamais été exécuté.
J'arrive maintenant aux observations de l'honorable M. Guillery.
Il m'est impossible d'admettre avec l'honorable membre que ce soit une atteinte à la liberté que de ne pas donner une sanction à un contrat que des individus concluent pour se ravir leur propre liberté.
Vous faites en ce moment une loi pour garantir la liberté du travail ; l'honorable M. Guillery veut que ce que nous faisons par la loi, les ouvriers puissent le défaire par des contrats ; l'honorable membre veut que l'ouvrier puisse se substituer au législateur.
Qu'est ce que la liberté de se coaliser ? C'est le fait de se réunir et de ne plus travailler ; vous vous réunissez, vous vous coalisez ; c'est très bien ; la coalition est complète ; mais nous ne voulons pas que cette coalition dure au delà de la volonté de ceux qui se coalisent.
L'honorable M. Guillery dit que c'est un contrat civil ordinaire. C'est une erreur. Si je faisais avec l'honorable M. Guillery un acte par lequel ma liberté serait aliénée pour toute la vie, bien certainement cet acte serait déclaré nul par les tribunaux. Vous ne pouvez pas vous engager à ne pas travailler, car vous ne pouvez aliéner un droit naturel. C'est un contrat sur un objet illicite.
il ne faut pas engager l'ouvrier à entrer dans les sociétés oh on lui fait souscrire des engagements qui sont contraires à ses intérêts, contraires à la liberté et contraires aux principes de l'économie politique.
Ce n'est pas dans ce sens que l'article 2 du projet de loi a été formulé.
La liberté du travail doit être garantie, non seulement vis-à-vis de la loi, mais encore contre les entreprises des particuliers et des ouvriers eux-mêmes, et il ne peut pas être permis aux ouvriers de défaire par des contrats ce que nous faisons par la loi.
(page 868) M. Guillery. - Messieurs, je serai très bref ; je veux seulement répondre quelques mots à M. ministre de la justice, qui me parait avoir méconnu complètement la question que j'ai eu l'honneur de. soumettre à la Chambre.
Il ne s'agit pas de savoir si l'on donnera une sanction à un contrat qui enchaine la liberté ; il ne s'agit pas de savoir si tel ou tel contrat sera valable ou ne sera pas valable ; il s'agit de savoir si l'on protégera par la loi criminelle un contrat civil.
M. ministre de la justice, pour prouver qu'on n'est pas en droit d'enchaîner sa liberté, dit qu'il ne pourrait pas s'enchainer pour toute la vie ; que ce serait revenir l'état d'esclave...
Cela est vrai dans l'exemple cité par M. le ministre de la justice ; mais cela ne prouve pas qu'on ne puisse pas, par un contrat, enchaîner sa liberté ; car tous les contrats ont pour but et pour effet d'enchaîner la liberté. Cela émane d'abord de notre volonté et ensuite de la nécessité.
Tous les contrats ont donc pour but d'enchainer la liberté. Or, ce que je demande au nom de l'ouvrier, c'est de ne pas introduire ou maintenir dans le code pénal des mesures exceptionnelles contre lui, c'est de lui permettre de contracter là où il est permis d'autres de contracter.
L'honorable M. Sabatier nous a fait connaître ce qui se passe dans l'arrondissement de Charleroi ; là on fait signer à l'ouvrier l'engagement que s'il se retire sans prévenir 15 jours d'avance, il perd son salaire ; on lui permet d'enchainer sa liberté sur ce point-là, de souscrire à une défense, à une interdiction, quand il s'agit du patron...
M. Sabatierµ. - Cela est réciproque.
M. Guillery. - Cela se trouve-t-il dans le contrat ? (Interruption.)
- Une voix. - Il n'y a pas un juge de paix qui ne condamne le maître dans ce cas...
M. Guillery. - Le juge de paix, me dit-on, condamnera le maître ; mais je demande de nouveau si cela ne se trouve dans le contrat. (Interruption)
Il me semble, par les timides affirmations qu'on me fait, que cela ne se trouve pas tout à fait dans le contrat, et même que cela ne s'y trouve pas du tout...
Du reste, si l'engagement est réciproque, cela prouverait que, dans les cas d'un engagement réciproque, on peut enchaîner sa liberté ; eh bien, je demande pour l'ouvrier le droit de faire une association avec ses camarades, et d'engager leur liberté s'ils le jugent à propos.
Ils ont parfaitement le droit de faire cela, comme le maitre a le droit de ne pas donner du travail à ses ouvriers, et de dire à 2,000 ouvriers, si bon lui semble. encore : Vous ne serez plus reçus dans mes ateliers à moins que vous ne subissiez une réduction de 50 centimes ou de 1 fr. Pourquoi les ouvriers ne pourraient-ils pas s'entendre et répondre : nous ne rentrerons pas dans vos ateliers à moins que vous ne rétablissiez les salaires à l'ancien taux, et, pour que cette sommation vaille quelque chose, nous prenons l’engagement entre nous que celui qui manque à l'association qui vient d'être formée, payera 50 c. ou 25 c. suivant l'importance du cas.
On n'interdit pas seulement le payement d'une amende, on interdit même la défense. On dira qu'il est défendu de sortir de l'association, et pour cela seul on sera passible d'une peine. Ainsi voilà une défense qui n’'aura pas même de sanction. Un maitre veut baisser les salaires arbitrairement. Les ouvriers s'associent pour déclarer au maître qu’ils ne veulent pas consentir à l'abaissement des salaires ; ils forment une société par laquelle ils s'engagent à ne point consentir à l'abaissement des salaires. Ils ne prononcent pas une amende, mais ils s'engagent à ne pas manquer à cet engagement d’honneur. Et vous les puniriez ?
Le maître n'a pas besoin du droit de se coaliser, parce qu'il forme seul une coalition. Mais plus que cela : les hommes appartenant à la même industrie peuvent très facilement se coaliser sans qu'on le sache ; ils peuvent facilement se rencontrer et former une coalition, tandis que les ouvriers, pour se coaliser, se réunissent sur la place publique, et le fait n’échappe à personne.
En réalité donc il n'y a pas d'égalité dans les positions faites ; c'est-à-dire que le contrat qui est permis à tout le monde n’est pas permis aux ouvriers.
(page 855) M. le ministre de la justice (M. Bara). - Je demande à répondre un mot, parce qu'on pourrait croire que le projet de loi a pour but de limiter la liberté de l'ouvrier, il ne faut pas que cette idée se propage. C'est tout le contraire. C'est la thèse que soutient l'honorable M. Guillery qui est réactionnaire et contraire à la liberté de l'ouvrier. Loin d'étendre la liberté de l'ouvrier, il veut l'enchaîner. Il suffit de quelques meneurs qui parviennent à discipliner un groupe d'ouvriers pour qu'ils perdent leur liberté. Or, ce que nous voulons, c'est que l'ouvrier soit libre, même vis à-vis de ses camarades.
L'honorable M. Guillery dit : Dans le contrat qu'a signalé l'honorable M. Sabatier, on a pu établir une amende contre celui qui manquerait à ses engagements.
Mais dans quel but est fait ce contrat ? Dans le but de travailler. Il vous est permis, dans certaines limites, d'engager votre liberté pour (page 856) travailler. Mais ce n'est pas de cela qu'il s'agît dans l'espèce qui nous occupe. Ici vous aliénez votre liberté, vous déclarez que vous ne ferez rien et vous condamnez ceux qui veulent faire quelque chose ; vous voulez que la loi se prononce contre celui qui travaillera ?
Ainsi, voilà un homme qui s'est mis dans une société dont le règlement porte : « Celui qui quittera la société pour aller travailler, payera dix francs d'amende. » Un ouvrier se trouve dans ce cas et ou lui réclame l'amende. Il refuse de la payer. On l'attrait devant les tribunaux. On constate qu'en effet il a travaillé, et le tribunal dira : Attendu qu'un tel n'aurait pas dû travailler, qu'il aurait dû rester chez lui, il est condamné à une amende de huit francs !
M. Guillery. - Il ne s'agit pas de cela ; il s'agit de savoir si l'on donnera une sanction générale à un contrat civil.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - C'est la conséquence de votre système. Vous n'admettez pas le contrat civil, c'est déjà un point important.
M. Guillery. - Je ne dis pas que je n'admets pas le contrat civil, je dis qu'il n'en est pas question.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - C'est déjà un grand point que la déclaration que le contrat civil est contraire à la liberté individuelle, est contraire à la liberté de travailler.
M. Guillery. - Je n'ai pas dit cela.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Il en est de la liberté de travailler comme de la liberté de manger. Nous voulons bien que l'on dise : Je ne mangerai pas ; mais nous ne voulons pas qu'on puisse dire : Celui qui mangera sera condamné à 10 fr. d'amende.
Vous n'admettez pas le contrat civil, et si vous n'admettez pas le contrat civil, j'ai le droit de punir celui qui fait des contrats civils de cette espèce ; ce sont là des contrats illicites, en vue de donner des armes à la coalition.
L'honorable M. Couvreur a reconnu lui-même que la coalition était toujours désastreuse pour l'ouvrier. Eh bien, faut-il lui imposer des armes par la coalition ? Il s'agit, messieurs, d'une violence d'une autre espèce ; l'amende est en fait la même chose que la menace de proscription. Vous frappez l'ouvrier dans ses intérêts dans le moment le plus malheureux, et évidemment dans ce cas le législateur, au point de vue pénal, a le droit de ne pas fournir des armas aux coalitions.
J'ai donc le droit de dire que la loi n'est nullement restrictive de la liberté individuelle. Elle a, au contraire, pour but de donner à l'ouvrier la liberté la plus grande, de le soustraire aux mauvaises influences que l'on tenterait d'exercer sur lui.
L'ouvrier peut rester dans la coalition aussi longtemps qu'il le veut. Il peut faire des coalitions comme il l'entend ; il peut dépenser de l'argent pour les maintenir. Mais ce qu'on ne lui permet pas, c'est de comminer des amendes contre celui qui veut travailler, c'est de forcer l'ouvrier qui doit être libre, à rester, malgré lui, dans une coalition.
- La clôture est demandée.
M. Van Humbeeck (contre la clôture). - J'aurai formulé plus vite mon observation que de parler contre la clôture.
M. le ministre de la justice vient de dire : «Menaces, proscriptions, amendes, sont pour moi des expressions de la violence ; je ne veux ni des unes ni des autres.
Eh bien, j'ai dit à différentes reprises que, pour moi, la proscription et l'amende n'étaient pas toujours des violences, n'étaient pas toujours l'équivalent d'une menace, et que dans le cas où le juge n'y verrait pas le caractère d'une violence ou d'une menace, le projet lui laissait la liberté de ne pas condamner.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Evidemment.
M. Van Humbeeck. - Alors nous sommes d'accord en principe ; laissons aux juges l'appréciation des cas particuliers. Ce résultat, que la discussion a permis d'atteindre, sera excellent.
(page 868) M. Guillery. - J'ai répété à deux ou trois reprises que j'admettais le contrat civil, M. le ministre de la justice a continué dire : Vous m'accordez que le contrat civil est nul.
Je tiens à déclarer que je ne reconnais pas cette nullité, que je n'admets pas que les engagements dont il s’agit soient nuls.
(page 856) MpVµ. - L'amendement de M. Pirmez consiste à remplacer l'article 2 par les n°597 et 598 du code pénal modifié.
M. Pirmezµ (sur la position de la question). - Le projet de la Chambre contenait deux articles. Le premier de ces articles punissait les coalitions qui étaient faites en violation des engagements. Le second punissait les amendes, les proscriptions, etc.
Le Sénat a fusionné ces deux articles en un seul, en sorte que l'amendement que j'ai proposé consiste à mettre aux voix le premier de ces articles.
S'il est adopté, il faudra voter sur le second. S'il était rejeté, il serait inutile de voter sur le second, parce qu'il se trouve dans l'article du Sénat.
- L'amendement de M. Pirmez est mis aux voix ; il n'est pas adopté.
L'article 2 du projet est adopté.
« Art. 3. Tous ceux qui, par des moyens frauduleux quelconques, auront opéré la hausse ou la baisse du prix des denrées ou marchandises ou des papiers et effets publics, seront punis d'un emprisonnement d'un mois à deux ans et d'une amende de trois cents francs à dix mille francs. »
- Adopté.
« Art. 4. Tout commandant des divisions militaires, des provinces ou des places et villes, tout gouverneur ou commissaire d'arrondissement, qui aura, dans l'étendue des lieux où il a le droit d'exercer son autorité, pratiqué de pareilles manœuvres ou qui y aura participé, soit ouvertement, soit par des actes simulés ou par interposition de personnes, encourra, indépendamment des peines prononcées par l'article précédent, l'interdiction des droits énoncés aux trois premiers numéros de l'article 42 du code pénal de 1810. »
- Adopté.
« Art. 5. Ceux qui, par attroupement et par violences ou menaces, auront troublé l'ordre public dans les marchés ou les halles aux grains, avec le dessein de provoquer le pillage ou seulement de forcer les vendeurs à se dessaisir de leurs denrées à un prix inférieur à celui qui résulterait de la libre concurrence, seront punis d'un emprisonnement de trois mois à deux ans.
« Les chefs ou moteurs seront punis d'un emprisonnement de six mois à trois ans et placés sous la surveillance spéciale de la police pendant cinq ans au moins et dix ans au plus. »
- Adopté.
« Art. 6. Les personnes qui, dans les adjudications de la propriété, de l'usufruit ou de la location des choses mobilières ou immobilières d'une entreprise, d'une fourniture, d'une exploitation ou d'un service quelconque, auront entravé ou troublé la liberté des enchères ou des soumissions, par violences ou par menaces, soit avant, soit pendant les enchères ou les soumissions, seront punies d'un emprisonnement de quinze jours à six mois et d'une amende de cent francs à trois mille francs. »
- Adopté.
« Art. 7. Les art. 412-420 du code pénal de 1810 sont abrogés. »
- Adopté.
M. Lelièvre a proposé un article final ainsi conçu :
« S'il existe des circonstances atténuantes, les peines prononcées par les dispositions qui précèdent pourront être modifiées, conformément à l'article 6 de la loi du 15 mai 1849. »
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Messieurs, je crois qu'il est inutile de voter cette disposition, qui aurait pour conséquence de faire retourner le projet de loi au Sénat. Le chapitre des coalitions fait partie du code pénal ; il est probable que la Chambre votera le code pénal dans la session prochaine, et en attendant le droit de grâce est toujours là pour accorder à ceux qui seraient condamnés le bénéfice des circonstances atténuantes.
M. Pirmezµ. - Je crois que l'article est inutile à un autre point de vue. Voici pourquoi : il est de principe que l'article 363 du code pénal n'est pas applicable aux lois spéciales ; c'est ce qui a porté l'honorable M. Lelièvre à présenter son amendement ; mais il ne s'agit pas ici d'une loi spéciale, il s'agit d'une partie du nouveau code pénal qui est mise en vigueur et qui remplace des articles du code pénal actuel. Il me paraît dès lors évident que l'article 363 du code pénal est applicable aux dispositions que nous venons de voter, comme il l'est aux dispositions que cet article remplacé. Je crois que nous serons tous d'accord à cet égard. (Adhésion.)
- L'amendement de M. Lelièvre est mis aux voix ; il n'est pas adopté.
Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet.
73 membres sont présents.
66 adoptent.
6 rejettent.
1 membre (M. Pirmez) s'abstient.
Ont voté l'adoption :
MM. Vanderstichelen, Van Hoorde, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Nieuwenhuyse, Vleminckx, Wasseige, Allard, Ansiau, Bara, Braconier, Bricoult, Couvreur, Crombez, David, de Baillet-Latour, C. de Bast, de Brouckere, de Conninck, de Florisone, De Fré, de Haerne, (page 857) de Kerchove, Delaet, Delcour, de Mérode, de Naeyer, de Rongé, de Ruddere de te Lokeren, de Smedt, de Terbecq, Dewandre, de Woelmont, d'Hane-Steenhuyse, Dolez, Dumortier, Elias, Frère-Orban, Funck, Goblet, Guillery, Hayez, Hymans, Jacobs, Jacquemyns, Jamar, Julliot, Lange, Lesoinne, Lippens, Mascart, Moreau, Mouton, Muller, Orban, Orts, Reynaert, Rogier, Sabatier, Schollaert, Snoy, Tack, Thienpont, Valckenaere, Alp. Vandenpeereboom et Ernest Vandenpeereboom.
Ont voté le rejet :
MM. Vander Donckt, Warocqué, Kervyn de Lettenhove, Magherman, Moncheur et T'Serstevens.
M. Pirmezµ. - Je n'ai pas voté contre la loi, parce qu'elle consacre le principe de la liberté des coalitions ; je n'ai pas voté pour la loi, parce que je trouve qu'elle ne respecte pas suffisamment le droit.
M. Dumortier. - La Chambre n'est plus très nombreuse et je crois qu'il serait bon de statuer avant tout sur les petites lois de crédits qui ne donneront lieu à aucune discussion.
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Je demande qu'on suive l'ordre du jour. S'il se présente un objet qu'on désire ajourner, on pourra toujours en demander l'ajournement.
M. Kervyn de Lettenhove. - Messieurs, j'appartenais à la minorité de la section centrale et je tiens à donner à la Chambre quelques explications à cet égard. En présence de ses dispositions, je le ferai le plus brièvement possible.
Le projet de loi dont vous êtes saisis, messieurs, tend à affecter à une destination perpétuelle un immeuble dont la valeur est considérable et tend à s'accroître de jour en jour.
Y a-t-il, au point de vue de l'art, pour lequel nous avons tous la même sympathie, une compensation suffisante ?
J'ai des doutes à cet égard.
Je rends hommage au talent de M. Wiertz ; je reconnais que son pinceau a tracé des pages admirables, mais je croîs d'autre part que M. Wiertz, égaré par ses flatteurs, a ajouté à des créations très belles des œuvres absurdes et ridicules ; et, si je suis convaincu que les meilleures toiles de Wiertz, placées au musée moderne, ajouteraient à la réputation de notre école nationale, je n'hésite pas à penser que lorsqu'on conduira le public, et surtout les visiteurs étrangers dans le musée spécial qu'on veut organiser aujourd'hui, l'éclat de notre école et la réputation de Wiertz souffriront également d'une décision que je crois regrettable.
Le gouvernement, messieurs, s'est déjà assuré la propriété des œuvres les plus importantes de M. Wiertz.
Celles qu'il s'agit de réunir aujourd'hui à celles dont le gouvernement est propriétaire ne présentent pas le même caractère ni la même valeur. Dans les unes l'imagination de l'artiste a rejeté tout frein ; dans d'autres elle a dépassé toutes les limites, même celles qu'impose la raison ; et si la Chambre veut bien jeter un coup d'œil rapide sur l'annexe jointe au rapport, elle verra combien on y rencontre de créations bizarres.
Tantôt l'œuvre est intitulée : Une seconde après la mort ; plus loin nous rencontrons trois tableaux consacrés aux pensées et visions d'une tête coupée.
Je pourrais encore signaler les n°57 et 58 et bien d'autres ; je m'arrête, car je ne veux pas abuser des moments de la Chambre, mais tous ceux qui ont visité le musée de M. Wiertz savent combien de toiles absurdes et ridicules, combien de jeux inqualifiables d'imagination, combien d'étrange machinerie viennent compromettre la gloire du talent de l'artiste.
Je ne crois pas qu'il y ait quelque avantage ni pour la mémoire de M. Wiertz, ni pour notre école nationale à organiser le musée auquel se rapporte le projet de loi ; mais en dehors de ces considérations, en dehors du legs de M. Wiertz, il y a des largesses, des prodigalités du gouvernement dont je ne puis me rendre compte.
Ainsi d'une part le gouvernement a l'intention de reproduire par la photographie toutes les œuvres de M. Wiertz, non seulement celles qu'on peut donner comme modèles, mais celles même que j'étais obligé tout à l'heure de juger si sévèrement.
D'autre part le gouvernement ne considérant plus en M. Wiertz simplement l'artiste, mais aussi l'auteur, propose de faire réimprimer, aux frais de l'Etat, ses œuvres littéraires, dont la plupart ont déjà paru, et je me demande si cette dépense est justifiée. Ainsi parmi les œuvres de M. Wiertz, parmi celles qu'on place en première ligne, il y a deux mémoires qui ont été soumis au jugement de l'Académie. Celui qui a été couronné en 1863 a seulement partagé le prix, et l'un des commissaires était même d'avis de ne pas l'accorder, même par partage, par ce motif que le mémoire soumis à la classe des beaux-arts n'était qu'une longue diatribe contre notre école nationale moderne.
Ces mémoires ont été imprimés, ils sont très peu développés ; ils présentent, je crois, peu de valeur, et ici encore il me semble qu'on engage la Chambre dans une dépense que rien ne justifie.
Telles sont, messieurs, les considérations que je me suis efforcé de présenter le plus brièvement possible, mais que j'ai cru de mon devoir de signaler à votre attention.
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Messieurs, il serait superflu, je pense, de défendre ici le talent de Wiertz, de l'artiste illustre que nous venons de perdre. Ce talent a été apprécié par le pays et par l'étranger, et l'histoire le jugera.
L'honorable M. Kervyn ne faisant pas de proposition, je pourrais m'abstenir de prendre la parole, mais je crois devoir répondre un mot à son discours en ce qui concerne les largesses et les prétendues prodigalités que voudrait faire le gouvernement.
Messieurs, il ne faut pas perdre de vue que le gouvernement devient propriétaire de 58 tableaux nouveaux, ainsi que de plusieurs œuvres de sculpture.
Celui qui donne ces œuvres à l'Etat a bien le droit de poser certaines conditions.
Or, les conditions posées entraînent une dépense relativement minime et infiniment au dessous de la valeur des œuvres de l'artiste dont l'Etat devient propriétaire.
Je pourrais m'étendre sur ce sujet, et prouver par des chiffes la vérité de mes allégations, mais la Chambre est impatiente de finir et je n'en dirai pas davantage ; d'ailleurs, il n'y a pas de proposition faite.
M. Delaetµ. - Il faudra, pour ce musée, un administrateur spécial.
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Mais non, l'Etat sera propriétaire et administrateur.
M. Delaetµ. - Mais si. C'est une fondation.
- La discussion est close.
« Il est ouvert au département de l'intérieur :
« 1° Un crédit de 10,000 francs pour couvrir les dépenses à résulter de l'exécution des charges apposées au legs fait à l'Etat par M. Wiertz, peintre d'histoire ;
« 2° Un crédit de 75,000 francs pour couvrir les dépenses relatives à la conservation des tableaux et sculptures délaissés par M. Wiertz, à la publication de son œuvre et aux travaux d'appropriation intérieure et extérieure du bâtiment et au service de surveillance.
« Ces crédits seront couverts au moyen des ressources ordinaires du budget. »
Il est procédé à l'appel nominal.
71 membres y prennent part.
50 répondent oui.
18 répondent non.
3 s'abstiennent.
En conséquence la Chambre adopte. Le projet de loi sera transmis au Sénat.
Ont répondu oui :
MM. Vanderstichelen, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Nieuwenhuyse, Vleminckx, Warocqué, Allard, Ansiau, Bara, Braconier, Bricoult, Couvreur, Crombez, David, de Baillet-Latour, de Bast, de Brouckere, de Florisone, De Fré, de Kerchove, de Rongé, de Terbecq, Dewandre, Dolez, Elias, Frère Orban, Funck, Goblet, Guillery, Jacquemyns, Jamar, Lange, Lesoinne, Lippens, Mascart, Moreau, Mouton, Muller. Orban, Orts, Pirmez, Reynaert, Rogier, Sabatier, Snoy, Thienpont, T'Serstevens, Valckenaere, Alp. Vandenpeereboom et Ernest Vandenpeereboom.
Ont répondu non :
MM. Vander Donckt, Van Hoorde, Wasseige, de Conninck, Delaet, Delcour, de Mérode, de Naeyer, de Ruddere de te. Lokeren, de Smedt, de Woelmont, d'Hane-Steenhnyse, Hayez, Jacobs, Kervyn de Lettenhove, Magherman, Moncheur et Schollaert.
Se sont abstenus :
MM. de Haerne, Dumortier et Hymans.
MpVµ. - Les membres qui se sont abstenus sont priés de faire connaître les motifs de leur abstention.
M. de Haerneµ. - Je suis porté autant que personne à faire des sacrifices pour conserver les chefs-d'œuvre dus au brillant pinceau de (page 858) M. Wiertz ; mais je crois qu'il y a dans l'œuvre de cet artiste des toiles qui fout ombre au tableau et je crains qu'en réunissant toutes ses toiles dans le même local on ne nuise à la réputation même de M. Wiertz.
M. Dumortier. - C'est à peu près pour les mêmes motifs que je me suis abstenu ; je crois que Wiertz a produit des chefs-d'œuvre. Son Patrocle est une des plus belles pages qui aient été créées. Mais il y a parmi ses dernières œuvres des choses tellement médiocres que dans mon appréciation la gloire de Wiertz ne pourrait que gagner à ce qu'on fasse un choix de ses toiles.
M. Hymans. - Je me suis abstenu en partie pour les motifs énoncés par M. Kervyn et aussi parce que certains crédits qui sont compris dans le projet n'ont rien de commun avec la gloire de Wiertz.
M. Wasseige. - Le projet qui vous est soumis en ce moment a une grande importance. Il contient des changements à une loi qu'on peut appeler organique, la loi de 1842.
Nous sommes arrivés à la fin de la session ; la Chambre ne me paraît pas disposée à entamer une discussion sérieuse et peu d'entre nous, je pense, sont préparés à la soutenir comme elle mérite de l'être. Vous le voyez, messieurs, mes observations ont pour but de demander l'ajournement du projet de loi à la session prochaine. Je crois qu'il y aurait d'autant moins d'inconvénients à cet ajournement qu'il serait impossible à l'honorable ministre de l'intérieur d'organiser ces écoles immédiatement, car il faut pour cela autre chose que des principes, il faut ce qui est le nerf de la guerre et de beaucoup d'autres choses encore, de l'argent. Or, de l'argent il ne peut en demander que dans son budget.
Je pense donc que nous pourrions attendre la session prochaine pour discuter d'une manière complète, large et logique le projet qui nous est soumis.
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Je ne vois aucun bon motif pour ajourner la discussion et le vote de ce projet.
Depuis longtemps on demande dans le pays l'augmentation du nombre des écoles normales. Les conseils communaux de nos grandes villes se sont adressés dans ce but à la Chambre, si je ne me trompe, et, dans tous les cas, au gouvernement.
Le projet sur lequel vous êtes appelé à vous prononcer n'a rencontré aucune opposition dans les sections, il a été adopté à l'unanimité par la section centrale et comme il ne s'agit que d'organiser des écoles sur le même pied que celles qui existent déjà, c'est-à-dire conformément à la loi de 1842, je crois qu'il n'y a aucune difficulté à entamer la discussion en ce moment.
M. Wasseige nous dit :
Mais le gouvernement n'a pas les crédits nécessaires pour organiser ces écoles.
A quoi sert de voter la loi en ce moment ? Attendez jusqu'au vote des budgets !
Ajourner le vote de la loi proposée serait, messieurs, retarder l'organisation des nouvelles écoles.
Si la Chambre adopte la loi qui crée les écoles, le gouvernement pourra s'occuper immédiatement de leur organisation, et pourra entrer en négociations avec les administrations communales pour établir ces écoles normales ; si la Chambre ne vote pas le principe, le gouvernement se trouvera arrêté ; on perdra une année au moins ; si la loi est admise, le gouvernement pourra, pendant l'été, s'occuper de cette affaire, et à l'ouverture de la session, rendre compte à la Chambre de ce qui a été fait, la Chambre pourra apprécier, puis voter, en parfaite connaissance de cause, les crédits qui seront demandés.
J'insiste pour que le projet, qui vous est présenté, soit voté dans la présente session.
M. Dumortier. - Au moment où la session en est arrivée, il n'est pas possible d'engager un débat sur cette question. Il s'agit d'une modification complète à la loi organique de 1842 sur l'instruction primaire. Cette loi n'a pas créé d'organisation pour des écoles normales de filles, elle est restée muette, elle a voulu rester muette à cet égard. C'est donc un système complètement nouveau qu'on veut inaugurer. Or, l'examen de pareil système nécessitera une discussion très longue, plus longue peut-être qu'on ne le pense, et, pour mon compte, je prendrai la parole pour combattre le projet. Nous sommes arrivés à une époque où la Chambre, fatiguée, désire rentrer dans ses foyers.
- Voix à gauche. - Elle y rentrera après le vote de la loi.
M. Dumortier. - Soit, mais alors, je le répète, vous aurez une discussion très longue. Je crois qu'il serait plus sage d'ajourner la discussion de ce projet et de passer à l'examen des divers crédits qui nous sont demandés.
Je me rallie donc à la proposition d'ajournement de M. Wasseige.
M. Mullerµ. - Le projet de loi qui nous est soumis en ce moment est réclamé depuis longtemps par les administrations communales du pays, par les provinces et par l'opinion publique. Ce projet a un caractère d'urgence. Nous devons le voter avant de nous séparer. Je m'étonne qu'il puisse donner lieu à une longue discussion car, dans les sections, il n'a pas rencontré l'ombre d'une opposition et en section centrale où les deux opinions étaient représentées, il n'y a pas eu non plus la moindre critique.
Le résultat de l'ajournement proposé par M. Wasseige serait une année perdue ; car, comme l’a dit M. le ministre de l'intérieur, s'il n'obtient pas dès aujourd'hui le vote de la loi, il ne pourra faire de propositions aux administrations communales, ni prendre aucune mesure pour organiser ces écoles.
On prétend que ces écoles ne figurent pas dans la loi de 1842 ! Je demanderai à la droite si elle entend inférer de là que le gouvernement ne peut pas créer des établissements normaux d'institutrices comme il a des écoles normales d'instituteurs.
La question n'est pas de savoir si ces institutions pédagogiques sont ou ne sont pas dans la loi de 1842, mais de décider s'il est utile, s'il n'est pas indispensable de les établir. Or, il ne peut y avoir de contestation à cet égard. Je demande donc, au nom de mes amis politiques, que la Chambre vote ce projet de loi avant de se séparer.
M. de Haerneµ. - Messieurs, mon intention n'est pas de combattre le projet de loi ; je ne l'ai combattu, pas plus qu'aucun autre membre, ni en sections, ni en section centrale. Cependant je dois dire que depuis la discussion en section centrale, j'ai obtenu des renseignements qui exigent de ma part des demandes d'explications, relativement à la répartition des bourses entre les établissements de l'Etat et les établissements privés.
Cette répartition n'est pas égale, elle n'est pas équitable, à mes yeux, et il en résulte de graves inconvénients, non seulement au point de vue du principe tel que je le conçois, mais même au point de vue du progrès des écoles normales, et, par conséquent, du véritable progrès de l'instruction primaire.
Je répète que je ne m'oppose pas au projet de loi ; je ne l'ai pas combattu parce que les écoles qui seront créées seront organisées conformément à la loi de 1842.
Mais pour développer ma pensée sur la répartition des bourses, pour discuter les explications dont j'ai besoin, je désirerais entrer dans d'assez longs développements et je crains que la Chambre, qui a hâte de terminer ses travaux, n'ait pas le temps de m'écouter.
Par conséquent, si je ne puis pas m'expliquer comme je le voudrais, je devrai voter l'ajournement.
MfFOµ. - Il ne s'agit aujourd'hui que du principe ; la question de répartition des bourses viendra naturellement lors de la discussion du prochain budget de l'intérieur.
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - La question de répartition des bourses et des dépenses en général à résulter de l'organisation de nouvelles écoles normales, pourra utilement être discutée lorsque, au prochain budget de l'intérieur, il sera demandé des crédits pour couvrir ces dépenses. C'est alors que la Chambre pourra examiner la question de répartition des bourses.
M. de Haerneµ. - Oui, mais dans l'incertitude où je suis quant à la solution qu'on donnera à cette question, essentielle selon moi, force me sera de m'abstenir sur le projet de loi.
- La proposition d'ajournement est mise aux voix ; elle n'est pas adoptée.
La discussion est ouverte.
M. Wasseige. - Je constate d'abord que, par suite du rejet de ma proposition d'ajournement, je ne pourrai présenter que de très courtes observations.
Franchement, je n'ai pas eu le temps d'étudier complètement le projet de loi qui nous est soumis, et force me sera, par conséquent, de me borner à quelques observations très sommaires.
Il y a, messieurs, dans ce projet de loi, deux choses : il y a augmentation des écoles normales d'instituteurs ; mais il y a surtout création d'écoles normales pour les institutrices, et je crois que c'est bien plus à ce dernier point de vue que le projet de loi vous est présenté.
(page 859) Lorsque tout à l'heure l'honorable M. Muller nous disait que l'opinion publique réclamait vivement ce projet de loi, je crois qu'il a voulu parler de l'opinion libérale.
M. Mullerµ. - Certainement.
M. Wasseige. - Je ne crois pas cependant que l'opinion libérale seule puisse encore passer pour l'opinion publique.
MfFOµ. - Dans ce cas c'est l'opinion de la minorité qui doit être considérée comme l'opinion dominante du pays.
M. Wasseige. - Elle doit au moins compter pour former l'opinion publique. Comme le disait l'honorable M. Dumortier, non seulement la loi de 1842 ne s'est pas occupée de créer des écoles normales d'institutrices . mais au contraire, il résulte des discussions auxquelles elle a donné lieu qu'à cette époque la tendance générale des esprits était opposée au principe qu'on veut consacrer aujourd'hui.
En effet, messieurs, voici comment s'exprimait l'honorable M. Rogier dans la discussion de la loi de 1842 :
« J'avais appelé l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur une lacune que. présente le projet relativement aux écoles des filles. En France, je crois que ce qui concerne les écoles des filles est réglé par arrêté royal. Du moins j'ai un arrêté de 1836 qui contient plusieurs dispositions relatives à l'organisation de ces écoles. »
Et M. le ministre de l'intérieur répondait :
« Messieurs, la loi française et le projet de 1834 ne renferment aucune disposition spéciale relative aux écoles de filles. Un premier point, c'est la séparation des sexes ; il faut, autant que possible, arriver à avoir des écoles spéciales pour les filles ; telle doit être la tendance du gouvernement, mais il est impossible de rien écrire à cet égard dans la loi. »
L'honorable M. Dumortier, qui professait déjà les idées qu'il vient de reproduire, s'écriait ;
« Je pense, messieurs, qu'il ne faut pas ici équivoquer. Si le gouvernement voulait établir des écoles de filles dans toutes les communes, avec une hiérarchie complète des écoles normales, des écoles primaires et modèles pour les filles, je déclare que je m'y opposerais de toutes mes forces. Restons, messieurs, dans ce qui est possible, et même en restant dans ce qui est possible nous faisons encore beaucoup. La femme doit être l'ange du foyer domestique, elle doit se dévouer aux soins du ménage, mais elle n'a point de mission dans l'ordre social. L'éducation des filles devra toujours être l'éducation la plus religieuse possible. Elle remplit aujourd'hui cette condition, et dès lors nous ferons bien ne pas y toucher ; moins nous interviendrons dans l'éducation des filles, mieux ce sera pour la morale publique. La morale publique ne se fait pas par les lois : les lois peuvent prendre des précautions pour la conserver, mais elles ne peuvent pas la faire. »
A cela l'honorable M Rogier répondait :
« Je ne pense pas, messieurs, qu'il y ait lieu de s'échauffer à ce point relativement à une observation très simple que j'ai faite. Je n'ai pas du tout proposé d'établir tout un système hiérarchique pour les écoles des filles. J'ai simplement fait remarquer qu'il y aurait une lacune dans le projet relativement aux écoles des filles. »
Vous le voyez, messieurs, l'honorable M. Rogier se récriait contre l'idée qu'on voulait lui prêter de vouloir une hiérarchie complète, c'est-à-dire des écoles normales d'institutrices ; c'est ainsi que s'exprimait aussi M. Nothomb en répondant à l'honorable M. Rogier.
« Il n'y a pas de lacune dans la loi ; il s'y trouve beaucoup de dispositions qui pourront être appliquées aux écoles des filles et aux institutrices. Ainsi, par exemple, la disposition relative aux bourses (et je réponds ici à l'honorable M. Dumortier), la disposition relative aux bourses doit s'appliquer aux institutrices, en ce sens que le gouvernement doit pouvoir donner des bourses aux institutrices qui suivent, les cours donnés dans des établissements dirigés par des congrégations religieuses. C'est ce qui se fait en France, et j'ai sous les yeux un rapport de M. Villemain qui dispose ainsi de certaines bourses. »
Ainsi M. le ministre déclarait que quant aux bourses à distribuer aux filles, elles devaient leur être données pour faire leur éducation d'institutrices dans des établissements dirigés par des congrégations religieuses. Il est donc évident que l'opinion générale en 1842 était que les écoles normales d'institutrices devaient être des établissements religieux où les institutrices devaient se former à l'enseignement, comme cela se fait actuellement dans l'établissement de Champion, dans la province de Namur. Si d'autres écoles normales d'institutrices existent actuellement, toutes sont dues à l'initiative privée ; elles sont le fruit de la liberté d'enseignement, et la question d'en faire des établissements de l'Etat se présente aujourd'hui pour la première fois, et cette question me paraît assez sérieuse et assez importante pour mériter un examen plus approfondi et plus sérieux qu'on ne peut l'espérera la fin d'une session. Voilà pour ce qui concerne les écoles d'institutrices.
Quant aux nouveaux établissements normaux pour les instituteurs, je crois qu'on y tient beaucoup moins, et j'ajoute que la nécessité n'en est nullement établie.
En effet, dans les 13 écoles normales actuellement existantes, il se trouvait l'année dernière 967 élèves, soit 300 environ dans les écoles du gouvernement, 200 dans les écoles normales adjointes aux écoles primaires supérieures et 467 dans les écoles normales épiscopales, le tout en chiffres ronds. Ainsi, depuis deux ans, il y a eu une augmentation de 157 élèves instituteurs et rien ne prouve que cette progression ne se maintiendra pas.
D'ailleurs, messieurs, il est à remarquer que, d'après la statistique, il faut environ 200 instituteurs tous les ans pour les besoins de l'instruction primaire, c'est-à-dire 5 p. c. des instituteurs en fonctions et dont le nombre s'élève à 3,500 ; et il est établi, par la statistique aussi, qu'il sort chaque année des écoles normales environ 200 élèves diplômés. Par conséquent, vous avez actuellement un nombre de normalistes suffisant pour les besoins de l'instruction primaire et pour remplir chaque année les vacances qui peuvent se produire dans les écoles.
S'il n'en était pas ainsi, ce ne serait pas à cause que le nombre des élèves qui se trouvent dans les écoles normales serait insuffisant, mais bien plutôt ce serait le résultat des programmes d'enseignement et des règlements adoptés qui ont pour conséquence d'engager les instituteurs à choisir d'autres carrières.
Si les normalistes étaient obligés de se consacrer à l'instruction ; si, alors qu’on leur accorde des bourses, on leur faisait souscrire l'engagement de se tenir pendant un certain temps à la disposition du gouvernement ; si, d'un autre côté, le programme d'enseignement n'était pas si étendu, si varié, vous auriez un plus grand nombre d'instituteurs pour vos écoles.
Ce programme donne par exemple beaucoup trop d'extension aux mathématiques, aux sciences exactes dont la connaissance rend les normalistes aptes à remplir beaucoup d'autres fonctions.
II n'est pas rare, de voir des normalistes se présenter à l'examen de géomètre, de commissaire voyer, et je pourrais citer un fait qui m'est particulièrement connu ; il s'agit d'un normaliste de l'école de Malonne qui s'est présenté à 1l’xamen pour obtenir une place de commissaire voyer cantonal ; un grand nombre de concurrents étaient sur les rangs ; et c'est le. normaliste qui a obtenu la première place.
- Des membres (à gauche). - C'est très bien,
M. Wasseige. - Cela prouve en faveur de l'école normale de Malonne, et je suis charmé d'entendre que vous êtes de cet avis. Cela prouve également en faveur de l'élève, mais cela ne prouve pas que vos règlements soient bien propres au résultat que vous voulez obtenir.
Si dans l’état actuel des choses vous ne trouvez pas des sujets en nombre suffisant pour recruter le personnel, vous pourriez, avec grand avantage, fortifier les écoles subsistantes, en leur accordant des subsides plus considérables, et en leur permettant ainsi d'avoir un plus grand nombre d'élèves. Cela suffirait amplement.
Ces écoles sont évidemment suffisantes, augmentez simplement le personnel, attirez-y un plus grand nombre d'élèves en les subsidiant davantage et vous aurez un meilleur résultat que celui que vous voulez obtenir par votre loi. Vous y gagnerez et sous le rapport de l'économie et sous le rapport de l'émulation et sous celui de la solidité des études.
Je ferai une dernière observation qui rentre dans celles qui ont été indiquées par l'honorable M. de Haerne.
Il y a une différence très grande, injustifiable entre le taux des bourses accordées aux normalistes des écoles de l'Etat et le taux des bourses accordées aux normalistes des écoles épiscopales.
Les élèves des écoles normales de l'Etat y reçoivent environ 171 fr. ; les élèves normalistes qui suivent les cours adjoints aux écoles moyennes reçoivent 200 francs, tandis que les élèves des écoles normales épiscopales ne reçoivent que 91 francs.
Si vous ajoutez les subsides de la province et de la commune, vous arrivez à une subvention totale de 209 francs pour les élèves des écoles normales de l'Etat ; de 300 francs pour les élèves des cours normaux adjoints aux écoles moyennes, et de 121 francs seulement pour les élèves des écoles normales épiscopales.
Je ne crois pas que cela soit juste ni conforme à l'esprit qui a présidé à l'érection et à l'adoption de ces écoles. Je crois que quand on a (page 860) autorisé l’épiscopat à ériger des écoles normales adoptées, on a voulu établir la balance parfaitement égale entre l'enseignement donné par l'Etat et celui qui se donne dans les écoles épiscopales, mais si vous augmentez le nombre des écoles normales de l'Etat, et que vous laissiez, d'un autre côté, subsister la disproportion actuelle entre les bourses accordées aux différentes catégories d'écoles, on sera autorisé à voir, dans cette manière de faire, l'idée d'une concurrence injuste à diriger contre les établissements épiscopaux.
Les écoles normales épiscopales ont admis les règlements et les programmes des écoles de l'Etat, elles sont soumises à la même inspection, pourquoi le gouvernement ne les soutiendrait-il plus ? Ne méritent-elles plus sa confiance ? Et pourquoi chercherait-il à les rendre inutiles après leur avoir fait adopter les règlements de ses propres établissements ? Cela ne serait ni juste ni loyal. Ce serait la rupture d'un état de choses consenti par tout le monde et dont tout le monde s'est montré satisfait jusqu'à ce jour.
Je n'en dirai pas davantage, car je m'aperçois que je prêche dans le désert, la Chambre étant pressée d'en finir.
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Messieurs, je croyais que ce projet de loi ne donnerait lieu à aucune discussion ; je ne me suis donc pas muni des documents nécessaires pour vérifier si la citation que vient de nous faire l'honorable M. Wasseige est exacte et surtout si elle est complète.
Mais ce que je me rappelle très bien, c'est que lors de la discussion de la loi de 1842, il a été entendu que les dispositions de cette loi, votées pour l'instruction des garçons, pourraient être appliquées, dans une certaine mesure, à l'instruction des filles. Si j'ai bonne mémoire, c'est l'honorable M. Rogier qui a fait ces observations et les réserves. Mon honorable collègue d'aujourd'hui a fait observer alors qu'il était impossible de laisser les filles en dehors de la loi de 1842.
M. J.-B. Nothomb, comme tous ses successeurs au ministère de l'intérieur, y compris l'honorable M. Rogier, ont toujours appliqué la loi dans ce sens.
On a d'abord séparé les sexes ; on a créé ensuite des écoles particulières pour les filles ; on a adopté ensuite des écoles normales pour la formation d'institutrices.
L'honorable M. Wasseige prétend que le gouvernement, pour se conformer à l'esprit de la loi de 1842, n'a pas d'autre droit que d'adopter des écoles normales tenues par des religieuses. Singulière prétention et qui révèle bien vos vues ; heureusement cela n'a jamais été compris ainsi.
Des écoles normales tenues par des laïques ont été adoptées par le gouvernement, elles reçoivent un subside sur les fonds de l'Etat, comme les écoles normales tenues par des religieuses, qui reçoivent également une subvention du gouvernement.
Ainsi, messieurs, ce que nous vous demandons ce n'est pas une innovation en principe. Si dans la loi de 1842, on n'a demandé que l'autorisation de créer deux écoles normales pour instituteurs, c'est qu'à cette époque les besoins de l'enseignement n'exigeaient pas qu'on fît davantage ni qu'on créât des écoles normales de l'Etat pour institutrices. Ce qui se passe est en vérité singulier.
On prétend que le gouvernement veut tout monopoliser ; or, il se trouve que le gouvernement a en tout 2 écoles normales primaires et 5 sections normales annexées à des écoles moyennes. Ces sections sont généralement peu importantes. Il est donc vrai de dire que le gouvernement n'a que deux grandes écoles primaires, tandis que le clergé en a 7. Et l'on se plaint !
Il existe dans le pays 16 écoles privées adoptées comme écoles normales pour la formation d'institutrices ; l'Etat n'a pas une seule école normale pour institutrices et on crie au monopole de l'Etat, c'est incroyable, et le gouvernement se montre si peu exclusif et si peu monopoleur que si le projet de loi est voté, il consentira encore à adopter de nouvelles écoles normales privées pour institutrices. Mais il me semble qu'il faut aussi donner quelque chose au gouvernement, et qu'il ne faut pas crier au monopole, quand on a le monopole soi-même, comme vous l'avez eu jusqu'ici pour l'enseignement des filles.
L'honorable M. Wasseige est d'opinion que nous avons assez d'instituteurs et d'institutrices ; que ceux que l'on formera dans les nouvelles écoles normales manqueront d'emploi. C'est une erreur, l'exposé des motifs le prouve et déjà on a constaté, à peu près dans toutes nos provinces que lorsqu'on a des nominations d'instituteurs et d'institutrices à faire les candidats diplômés manquent. Je lisais, dernièrement encore dans un rapport fait par la députation de l'une de nos provinces, que la moitié des instituteurs nommés n'étaient pas diplômes, qu'on ne trouvait pas de sujets diplômés pour leur confier les places vacantes.
Je ferai remarquer encore que si le nombre des écoles normales actuelles était suffisant quant à présent, ce que je n'admets pas.il ne le serait bientôt plus, car on crée tous les jours de nouvelles institutions communales. La population augmente sans cesse. Telle commune qui se contentait d'une seule école pour les garçons et les filles, en a ou veut en créer plusieurs. On établit des écoles séparées pour les sexes au centre des communes ou on en établit dans les hameaux. Il en résulte qu'un nouveau personnel devient indispensable.
Messieurs, la Chambre a jusqu'ici voté tous les crédits demandés pour développer l'enseignement primaire en Belgique. Vous avez voté depuis un an, six millions pour la construction de bâtiments d'écoles. Près de deux millions et demi sont déjà dépensés. Lorsque vous faites tant pour l'organisation matérielle, ne faut-il pas faire quelque chose aussi pour le personnel ? Il faut être conséquent ; si vous donnez de l'argent au gouvernement pour construire des bâtiments d'écoles, il faut bien aussi lui permettre de créer des instituteurs, pour y donner l'enseignement.
J'espère que la Chambre n'écoutera pas les scrupules de l'honorable M. Wasseige, et qu'en votant le projet de loi, elle donnera satisfaction au vœu qui s'est manifesté sur tous les points du pays et qui, en beaucoup de circonstances, a trouvé de l'écho dans cette enceinte.
Une dernière observation en ce qui concerne les bourses d'étude.
L'honorable M. Wasseige prétend que le gouvernement se montre partial dans la répartition des crédits alloués pour bourses aux élèves normalistes, les élèves des écoles normales de l'Etat, ont beaucoup, les élèves des écoles épiscopales n'ont presque rien. Je ne puis dire en ce moment, messieurs, à combien s'élève en moyenne par élève, la somme, accordée pour bourses aux établissements normaux des deux catégories, mais ce que je puis affirmer, c'est que les allocations suivantes ont été accordées en 1866.
Bourses à des élèves des écoles normales de l'Etat, 48,000
Bourses à des élèves des sections annexées à des écoles moyennes, 50,350.
Total, 98,350.
Bourses à des élèves des écoles normales épiscopales, 43,000
Bourses à des élèves institutrices des écoles adoptées, 89,710.
Total, 132,710.
Dans ces chiffres ne sont pas compris les bourses accordées par les provinces et par les communes.
Indépendamment de ces bourses, l'Etat accorde des subventions à des écoles normales adoptées pour institutrices.
Ces subventions se sont élevées en 1866 à 30,000 fr. Le gouvernement a donc dépensé cette année pour les écoles normales privées mais agréées et adoptées (bourses et subventions), une somme de 162,710 fr.
Ainsi le reproche de l'honorable M. Wasseige manque de fondement. Le gouvernement se montre équitable pour les écoles adoptées et agréées et fait pour elles des sacrifices considérables.
M. de Haerneµ. - Il y a amélioration ; mais la disproportion est grande encore.
M. Dumortier. - Messieurs, s'il ne s'agissait que de voter l'établissement de deux nouvelles écoles normales pour les garçons, je n'en verrais pas la nécessité ; mais je vous avoue que je n'y ferais pas grande opposition. Les écoles normales de garçons sont instituées par la loi de 1842. Si les instituteurs manquent, rien de plus naturel que d'augmenter le nombre des écoles. Mais ici il s'agit d'un système entièrement nouveau, système que la loi de 1842 a repoussé. Il s'agit de créer une hiérarchie pour l'instruction des filles, de créer des écoles normales pour les institutrices, en un mot de donner au gouvernement non seulement l'éducation des citoyens, mais aussi l'éducation de la citoyenne, l'éducation de la femme.
Eh bien, je dénie au gouvernement ce droit comme je le lui ai toujours dénié et comme la Chambre le lui a dénié en 1842. Je lui dénie ce droit, comme l'honorable M. Rogier lui-même le lui a dénié dans les paroles que vient de rappeler l'honorable M. Wasseige.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - Comment ! j'ai dénié ce droit au gouvernement ? C'est tout le contraire.
M. Dumortier. - La loi de 1842 n'a pas créé une hiérarchie pour l'instruction des filles ? L'honorable M. Wasseige vous a cité toute la (page 861) discussion sans en passer une ligne de manière à nous rafraîchir la mémoire sur les faits qui se sont passés.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - J'ai protesté, au contraire, de mes sympathies pour l'enseignement des filles.
Je demande la parole.
M. Dumortier. - Tout le monde éprouve ces sympathies. Mais quand j'ai combattu la pensée d'établir une hiérarchie pour l'instruction des filles, vous avez déclaré, dans les termes les plus exprès, que l'honorable M. Wasseige vient de relire, que vous n'entendiez pas créer de hiérarchie pour l'instruction des filles.
Messieurs, cette instruction de la femme par le gouvernement est-elle dans le vœu des population ?
Je dis non ! elle est antipathique à nos populations. La Belgique entend que la femme reste une ménagère, qu'elle reste l'ange du foyer domestique ; il ne veut pas en faire un être qui vienne prendre part aux affaires publiques. Elle veut que l'éducation de la femme reste religieuse, parce que ce n'est qu'avec les principes religieux que la femme peut faire le bonheur de sa famille, peut faire le bonheur de son mari, peut faire te bonheur de ses enfants.
Dans le système que l'on introduit ici, je crains, pour mon compte, que l'on ne veuille arriver à un résultat tout à fait inverse ; que l'on n'arrive à enlever à l'instruction de la femme ce caractère sacré qui est la force de la Belgique, parce que la famille doit conserver chez nous ce sentiment religieux qui constitue la plus grande force de notre existence nationale.
Messieurs, ce n'est pas en vain que je parle de la sorte. Nous avons vu des exemples frappants de ce que peut amener ce genre d'instruction. Déjà il en a été question dans cette Chambre. Mais il est un fait que je dois toujours rappeler ici, parce qu'il est d'une gravité extrême.
Dans une cérémonie qui a eu lieu à la fin de l'an dernier, les élèves des écoles primaires de la capitale ont été appelés à chanter en chœur dans la capitale, les blasphèmes que voici :
« Plus de dogme, aveugles liens !
« Plus de joug, tyran ni messie. »
Voilà à quoi aboutit l'instruction primaire dans certaines de nos communes ; elle conduit à faire chanter par les élèves des écoles de pareils blasphèmes.
Eh bien, en présence de pareilles idées, je ne puis point donner mon vote à ce projet de loi. Je le regarde comme une des conséquences du monopole dans lequel on veut étouffer la liberté sous le poids du budget, et qui a pour résultat de faire dévier l'éducation de la femme des principes qui font la force du pays et sans lesquels il n'y a pas de société possible. C'est ce qui me révolte et c'est ce qui doit faire repousser le projet de loi par tout homme qui veut conserver au peuple belge sa force religieuse qui est aussi sa force nationale.
Allez dans nos villages, que voyez-vous à chaque instant ? A chaque instant vous voyez des hommes qui appartiennent à l'opinion libérale et à l'opinion libérale la plus prononcée, et qui cherchent à introduire dans leurs communes de petites congrégations religieuses pour donner l'éducation aux filles de leurs villages. Et ils ont cent fois raison, car depuis le sommet jusqu'à la base de la société, la religion est la chose la plus indispensable, surtout à la femme.
Et vous-mêmes, ne choisissez vous pas pour vos filles l'école où on leur enseigne la religion, pour leur bonheur à elles-mêmes et pour le bonheur de leurs familles ? Je ne veux pas créer en Belgique des pépinières d'institutrices qui donneront un enseignement irréligieux, et je crains que ce ne soit la portée du projet de loi.
Le gouvernement, d'ailleurs, n'est pas en défaut de moyens de donner l'instruction normale ; je lis, en effet, dans l'exposé des motifs :
« Nous avons pour les institutrices 16 écoles normales, savoir :
« Dans la province d'Anvers, l'école des demoiselles Van Heteren, à Herenthals ;
« L'école de M. le vicaire général Van Hemel, à Wavre-Notre-Dame, spécialement destinée aux religieuses.
« Dans le Brabant, l'école dirigée par la demoiselle Eyrond, à Bruxelles, et appartenant à une association particulière ;
« L'école de la dame Joos-Thiry, à Louvain ;
« L'école des sœurs de l'Enfant Jésus, à Nivelles.
« Dans la Flandre occidentale, l'école des demoiselles Van Biervliet, à Thielf.
« L'école annexée à l'institut royal de Messines.
« Dans la Flandre orientale, l'école de la demoiselle Hofman, à Gand.
« Dans le Hainaut, l'école de la demoiselle Passage, à Mons ;
« L'école des sœurs de l'Enfant Jésus, à Brugelette.
« Dans la province de Liège, l'école de la demoiselle Journeaux, à Liège.
« L'école de la demoiselle Peeters, à Visé.
« Dans le Limbourg, l'école de la demoiselle Neven, à Tongres.
« Dans le Luxembourg, l'école des sœurs de Notre-Dame à Bastogne.
« Dans la province de Namur, les deux écoles des sœurs de la Providence, à Champion, dont l'une est destinée aux laïques et l'autre aux religieuses.
« Ces institutions sont toutes placées sous le régime de l'arrêté royal du 2 novembre 1848, modifié par ceux du 30 août 1854 et du 25 octobre 1861. »
Eh bien, messieurs, de ces seize écoles normales, la majorité se compose d'écoles laïques.
Et c'est en présence de cet état de choses que l'on vient proposer la création de deux nouvelles écoles normales pour les filles ! Je dis que c'est là le renversement de la loi de 1842. Je ne veux pas qu'on livre la femme en Belgique à toutes les expériences des idées nouvelles. Je veux conserver à la femme ces sentiments qui encore une fois font le bonheur des familles ; je veux que la femme reste l'ange du foyer domestique et qu'elle n'en soit pas le tourment.
- Plusieurs membres. - Aux voix ! aux voix !
M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - Je tiens à présenter quelques observations. Nous ne devons pas permettre à M. Dumortier de jeter le blâme sur les établissements laïques. A entendre l'honorable M. Dumortier, il n'y aurait de bonne instruction pour les femmes que l'instruction dirigée par des religieuses.
M. Dumortier. - Je n'ai pas dit cela.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - Vous venez de protester contre les établissements dirigés par des laïques. Vous avez dit que l'instruction des filles ne peut être confiée qu'à des religieuses.
M. Dumortier. - J'ai constaté des faits, mais ne me faites pas dire, ce que je n'ai pas dit.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - Vous avez dit que les écoles normales sont, pour la plus grande partie, dirigées par des laïques. Eh bien, je soutiens que les laïques sont aussi compétentes que les religieuses pour donner l'enseignement normal aux filles. Je ne veux pas dire qu'elles sont plus compétentes, mais ce que je sais, c'est que les écoles normales laïques fondées par nous, subsidiées par nous, sont très bonnes, que les élèves formées dans ces écoles sont recherchées par les établissements religieux. (Interruption.)
Ne venez donc pas laisser à entendre que dans les écoles laïques on n'est pas capable d'inculquer aux jeunes filles les sentiments religieux., Cela est complètement inexact. Les écoles normales, dirigées par des laïques et subsidiées par l'Etat, offrent toutes espèces de garantie, et je le répète, les élèves sorties de ces écoles sont recherchées même par les établissements religieux.
Je crois, messieurs, avoir suffisamment répondu à cette partie du discours de l'honorable M. Dumortier.
Ce que je tiens encore à relever, c'est que dans la discussion de la loi de 1842, je serais venu réclamer contre les écoles normes de filles.
J'ai, au contraire, exprimé une crainte ; j'ai dit ; La loi sera-t-elle applicable aux écoles de filles ? J'ai parlé en faveur des écoles primaires de filles ; car je crois que l'instruction primaire est peut-être plus utile aux femmes qu'aux hommes. La femme est la véritable éducatrice de la famille, La femme qui sait lire, écrire et compter rend les plus grands services dans un modeste ménage. Il est donc bien loin de ma pensée de vouloir exclure les filles de l'enseignement primaire. J'ai exprimé la crainte qu'elles ne fussent pas comprises dans la loi de 1842, j'ai fait toutes mes réserves à cet égard, et aussitôt mon arrivée au ministère de l'intérieur, mon premier soin a été d'organiser l'enseignement normal des filles.
Je m'étonne qu'on vienne maintenant découvrir que les écoles primaires de filles sont contraires à la loi de 1842. Chaque année on a voté au budget des subsides pour les écoles primaires destinées aux filles,, chaque année dans les réunions des inspecteurs civils et ecclésiastiques on s'occupe spécialement de ces écoles.
On a demandé depuis longtemps la séparation des deux sexes, et c'est en grande partie afin d'avoir des écoles spéciales pour les filles qu'on a augmenté chaque année les crédits pour construction d'écoles.
Quant à moi, je considère les écoles de filles comme étant tout au moins aussi utiles que les écoles de garçons. C'est aussi avec le plus (page 862) grand plaisir que je vote, comme ministre et comme député, des subsides pour les écoles normales destinées aux institutrices.
M. Dumortier. - L'honorable M. Rogier n'a pas compris ce que j'ai dit. J'ai dit qu'il y a 16 écoles, dont 9 laïques et que c'était assez. Je n'ai pas déclaré ces écoles mauvaises ou immorales.
- Plusieurs membres. - Aux voix !
M. Wasseige. - Je n'ai pas non plus dit à l'honorable M. Rogier qu'il n'avait pas voulu des écoles primaires de filles. J'ai déclaré que dans l'esprit de la loi de 1842 il n'était pas question d'écoles normales pour former des institutrices, que l'honorable M. Rogier pas plus que les autres n'y avait songé et qu'il avait au contraire exprimé une opinion tout opposés.
- Plusieurs membres. - Aux voix !
M. Wasseige. - Je n'ai plus qu'un mot à dire, en ce qui concerne les bourses. M. le ministre a répondu que si la part des élèves étudiants dans les établissements du clergé n'était pas aussi considérable que celle des élèves normalistes de l'Etat, c'est parce que je divisais par tête et qu'il y a un plus grand nombre d'élèves dans les écoles épiscopales.
J'ai ici le tableau des sommes globales qui ont été distribuées dans ces derniers temps.
On a donné 35,000 fr. aux écoles épiscopales et 69,000 fr. aux écoles de l'Etat ; c'est toujours à peu près la même disproportion.
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Et les écoles de filles ?
M. Wasseige. - Je ne parle pas des écoles de filles ; cela ne change pas la disproportion que j'ai établie entre les écoles normales d'instituteurs.
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - On a alloué 60,000 fr.
M. Wasseige. - Je borne là, messieurs, mes observations.
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - L'honorable M. Wasseige ne peut dire que les écoles normales de filles pour former des institutrices sont contraires au vœu du législateur de 1842.
Le législateur de 1842 n'a pas voulu priver les filles du bienfait de l'instruction primaire, il a donc voulu qu'il y eût des écoles primaires de tilles ; nous sommes d'accord sur ce point.
La loi de 1842 porte que les personnes chargées de donner l'instruction dans les écoles primaires doivent, en règle générale, être diplômées. Nous sommes encore d'accord.
Or, pour obtenir un diplôme, les institutrices doivent avoir suivi les cours d'une école normale. Il faut donc des écoles normales et par conséquent les écoles normales de filles ne sont pas contraires au vœu du législateur de 1842.
- Plusieurs membres. - La clôture !
M. Wasseige. - Ces cris continuels : « la clôture », justifient bien ma demande d'ajournement.
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Vous faites de l'opposition chaque fois qu'on veut faire quelque chose pour l'enseignement public.
- La discussion est close.
« Article unique. Deux nouvelles écoles normales d'instituteurs ainsi que deux écoles normales d'institutrices seront immédiatement établies aux frais de l'Etat, et placées sous le régime de la loi du 23 septembre 4843.
« Il en sera établi une de chaque catégorie dans les provinces flamandes et une dans les provinces wallonnes. »
- Adopté.
Il est procédé à l'appel nominal.
65 membres y prennent part.
49 répondent oui.
6 répondent non.
10 s'abstiennent.
En conséquence la Chambre adopte. Le projet de loi sera transmis au Sénat.
Ont répondu oui :
MM. Vanderstichelen, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Nieuwenhuyse, Vleminckx, Warocqué, Allard, Ansiau, Bara, Braconier, Bricoult, Couvreur, Crombez, David, de Bast, de Brouckere, de Conninck, de Florisone, De Fré, de Kerchove, de Rongé, Dewandre, de Woelmont, Dolez, Elias, Frère-Orban, Funck, Goblet, Guillery, Hymans, Jacquemyns, Jamar, Lange, Lesoinne, Lippens, Mascart, Moreau, Mouton, Muller, Orban, Orts, Pirmez, Rogier, Sabatier, Thienpont, T'Serstevens, Valckenaere, A. Vandenpeereboom et E. Vandenpeereboom.
Ont répondu non : MM. Vander Donckt, Van Wambeke, de Naeyer, de Terbecq, Dumortier et Reynaert.
Se sont abstenus :
MM. Van Hoorde, Wasseige, de Haerne, Delcour, de Mérode, da Ruddere de te Lokeren, Jacobs, Magherman, Moncheur et Schollaert.
M. Van Hoordeµ.- Je me suis abstenu parce que la discussion, qui a été écourtée, ne m'a pas fourni des éléments d'appréciation suffisants.
M. Wasseige. - Je me suis abstenu parce que j'ai trouvé que là discussion n'avait été ni assez sérieuse ni assez approfondie pour se former une opinion raisonnable sur le projet de loi qui vient d'être voté et que M. le ministre de l'intérieur n'a pas démontré suffisamment la nécessité des nouvelles écoles qu'il veut établir.
J'attache à mon abstention le sens d'une protestation contre cette manière, trop souvent employée, de vous faire voter à la fin d'une session, au pied levé, les projets de lois les plus importants.
M. de Haerneµ. - Je me suis abstenu pour les motifs que j'ai eu l'honneur d'indiquer tout à l'heure relativement à la répartition des bourses, que je ne crois pas convenable, même au point de vue de l'augmentation si désirable du nombre des normalistes. Ce sont ces motifs que j'aurais voulu développer.
M. Delcourµ. - Je n'ai pas voté contre, parce que je désire autant que personne le développement de l'instruction primaire dans le pays ; mais je n'ai pas cru pouvoir voter pour parce que le projet de loi soulève une question de principe qu'on aurait pu, sans inconvénient aucun, ajourner jusqu'à la prochaine session.
M. de Mérodeµ et M. de Ruddere de te Lokeren déclarent s'abstenir pour les mêmes motifs que l'honorable M. Delcour.
M. Jacobsµ. - Le règne de Léopold I", s'est écoulé sans que la nécessité de créer des écoles normales du gouvernement pour les filles se soit fait sentir. La discussion ne m'a pas révélé que celle nécessité se soit fait sentir au commencement du règne de Léopold II.
M. Maghermanµ. - Je suis favorable à tout ce qui est utile à la diffusion de l'enseignement ; mais je désapprouve les tendances illibérales du gouvernement en cette matière.
M. Moncheurµ. - Je me suis abstenu pour les motifs développés par l'honorable M. Delcour.
M. Schollaert. - Je me suis abstenu pour les motifs développés par l'honorable M. Wasseige.
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom) (pour une motion d’ordre). - Je demande la parole.
- Un membre à droite. - On ne peut prendre la parole sur un vote.
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Il s'agit non d'un vote, mais d'une abstention motivée. Si l'on n'avait pas le droit de répondre en pareil cas, on pourrait, sous prétexte de motiver une abstention, lancer au gouvernement des accusations injustes et qui resteraient sans réplique.
L'honorable M. Wasseige vient de dire qu'il attachait à son abstention le sens d'une protestation contre cette tendance du gouvernement de présenter, à la fin des sessions, les lois les plus importantes, afin de les faire enlever sans discussion.
Je proteste contre cette accusation, qui est souverainement injuste. La projet de loi dont il s'agit a été déposé le 1er mai, il y a donc près de trois semaines ; il a passé par les sections sans soulever une seule objection. Il a été admis en section centrale à l'unanimité, y compris l'honorable chanoine de Haerne et je ne devais pas m'attendre à ce qu'au dernier moment on vienne ici faire une opposition inqualifiable et nous lancer des accusations que je repousse avec énergie.
On proteste constamment de son dévouement pour l'enseignement primaire, de son désir de le voir s'étendre, et chaque fois que l'occasion se présente de faire quelque chose d'efficace, on cherche des prétexte» pour ne pas voter les lois présentées dans ce but.
M. Wasseige (pour un fait personnel). - Je maintiens la protestation que j'ai faite et je la base sur des faits très connus. A plusieurs reprises nous avons eu des projets importants présentés à la fin de la session.
C'est ainsi notamment que fut voté le projet de loi constituant une (page 863) grande société immobilière a Anvers, et le rachat du péage de l'Escaut. A cette occasion, l'honorable M. Guillery lui-même s'est joint à moi pour protester contre cette manière de faire.
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Ce n'est pas le cas ici.
M. Wasseige. - Quant au projet qui nous occupe, il a été déposé le 1er mai, au milieu des préoccupations du projet de réforme électorale et de la question des bourses soulevée de nouveau |par les interpellations de l'honorable M. Funck, et lorsque l'honorable ministre dit que son projet n'a pas rencontré d'opposition dans les sections, il serait beaucoup plus dans le vrai en disant qu'il n'y a rencontré personne. Voilà la vérité.
La discussion est ouverte ; personne ne demande la parole.
Il est procédé au vote par appel nominal sur l'article unique ainsi conçu :
« Article unique. L'acte d'accession du duché de Saxe-Cobourg et Gotha à la convention conclue, le 11 mars 1866, entre la Belgique et le royaume de Saxe pour la garantie réciproque de la propriété des oeuvres d'esprit et d'art, des dessins et des marques de fabrique, sortira son plein et entier effet. »
65 membres y prennent part, tous répondent oui ; en conséquence la Chambre adopte.
Ont répondu à l'appel :
MM. Vander Donckt, Vanderstichelen, Van Hoorde, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Nieuwenhuyse, Van Wambeke, Vleminckx, Warocqué, Wasseige, Allard, Ansiau, Bara, Braconier, Bricoult, Couvreur, Crombez, David, de Bast, de Brouckere, de Conninck, de Florisone, De Fré, de Haerne, de Kerchove, Delcour, de Mérode, de Naeyer, de Ruddere de te Lokeren, de Terbecq, Dewandre, de Woelmont, Dolez, Dumortier, Elias, Frère-Orban, Funck, Goblet, Guillery, Hayez, Hymans, Jacobs, Jacquemyns, Jamar, Lesoinne, Lippens, Magherman, Mascart, Moncheur, Moreau, Mouton, Muller, Orban, Orts, Pirmez, Reynaert, Rogier, Sabatier, Schollaert, Tack, Thienpont, T'Serstevens, Valckenaere, Alp. Vandenpeereboom et E. Vandenpeereboom.
La discussion générale est ouverte. Personne ne demandant la parole, la discussion générale est close et l'assemblée passe à celle des articles.
« Art. 1er. Il est ouvert au ministère de l'intérieur un crédit spécial de 255,000 francs, pour couvrir les frais du recensement général à effectuer au 31 décembre 1866. »
- Adopté.
« Art. 2. Ce crédit sera couvert au moyen des ressources ordinaires. »
- Adopté.
II est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet qui est adopté à l'unanimité des 63 membres présents
Ce sont :
MM. Vander Donckt, Vanderstichelen, Van Hoorde, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Nieuwenhuyse, Van Wambeke, Vleminckx, Warocqué, Wasseige, Allard, Ansiau, Bara, Braconier, Bricoult, Couvreur, Crombez, David, de Bast, de Brouckere, de Conninck, de Florisone, De Fré, de Haerne, de Kerchove, Delcour, de Mérode, de Naeyer, de Ruddere de te Lokeren, de Terbecq, Dewandre, de Woelmont, Dolez, Dumortier, Elias, Frère-Orban, Funck, Goblet, Guillery, Hayez, Jacobs, Jacquemyns, Lippens, Magherman, Mascart, Moncheur, Moreau, Mouton, Muller, Orban, Orts, Pirmez, Reynaert, Rogier, Sabatier, Schollaert, Tack, Thienpont, T'Serstevens, Valckenaere, Alp. Vandenpeereboom et E. Vandenpeereboom.
Le projet de loi sera transmis au Sénat.
Personne ne demandant la parole, la discussion générale est close et l’assemblée passe aux articles.
« Article premier. Des crédits supplémentaires sont alloués au département des finances jusqu'à concurrence de quatre-vingt-seize mille deux cent soixante-dix-huit-francs soixante-seize centimes, savoir ;
« Au budget de la dette publique :
« Chapitre IV, article 21. Minimum d’intérêt dû à la société du canal de Bossuyt à Courtrai. Exercice 1866 5,039,53 (dont année 1861, fr. 4,229 58 ; année 1862 : fr. 809 95).
« Au budget du ministère des finances :
« Chapitre I, article 5. Matériel, impressions, frais de translation des archives, etc.. Exercice 1866 : fr. 15,000.
« Chapitre I, article 7. Service de la Monnaie. Fournitures de coins, coussinets, viroles brisées, balances, etc. Exercice 1865 : fr. 5,053 02.
« Chapitre VII, article 37. Indemnités, primes et dépenses diverses (1864) : Exercice 1866 : fr. 5,900.
« Chapitre VII, article 38. Remboursement de rentes hypothéquées sur l'hôtel du gouvernement provincial du Brabant. Exercice 1866 : fr. 53,963 25.
« Chapitre VII, article 39. Frais de poursuite est d’instance. Exercice 1866 : fr. 9,465, 28 (dont exercice 1862, fr. 34 95, exercice 1863, fr. 460 15 et exercice 1864 fr. 8,973 18.
« Chapitre VII, article 40 . Traitement du personnel des domaines (exercice 1864). Exercice 1866 : fr. 224 93
« Chapitre VII, article 41. Matériel (exercice 1864). Exercice 1866 : fr. 1,532 30.
« Chapitre VII, article 42. Dépenses du domaine. Exercice 1866 : fr. 61 92, (donc exercice 1863 fr. 5 02 et exercice 1864 fr. 53,90. »
« Chapitre VII, article 43. Intérêts moratoires (exercice 1864). Exercice 1866 : fr. 50 48. »
- Adopté.
« Art. 2. Ces crédits seront respectivement imputés sur les ressources ordinaires des exercices 1865 et 1866. »
- Adopté.
Il est procédé à l'appel nominal ; le projet de loi est adopté à l'unanimité des 63 membres présents.
Il sera transmis an Sénat.
Ont répondu à l'appel nominal :
MM. Vander Donckt, Vanderstichelen, Van Hoorde, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Nieuwenhuyse, Van Wambeke, Vleminckx, Warocqué, Wasseige, Allard, Ansiau, Bara, Braconier, Bricoult, Couvreur, Crombez, David, de Bast, de Brouckere, de Conninck, de Florisone, De Fré, de Haerne, de Kerchove, Delcour, de Mérode, de Naeyer, de Ruddere de te Lokeren, de Terbecq, Dewandre, de Woelmont, Dolez, Elias, Frère-Orban, Funck, Goblet, Guillery, Hayez, Hymans, Jacquemyns, Jamar, Lesoinne, Lippens, Magherman, Mascart, Moncheur, Moreau, Mouton, Muller, Orban, Orts, Pirmez, Reynaert, Rogier, Sabatier, Schollaert, Tack, Thienpont, T'Serstevens, Valckenaere, Alp. Vandenpeereboom et E. Vandenpeereboom.
Personne ne demande la parole ; l'assemblée passe à la discussion des articles.
« Art. 1er. Des dépenses se rapportant^ des exercices clos (1864 et antérieurs) pourront être imputées à charge du budget des travaux publics pour l'exercice 1865, jusqu'à concurrence de 31,392 fr. 68 c. et y formeront un chapitra XI, subdivisé comme suit :
« Paragraphe premier. Ponts et chaussées.
« Canaux et rivières.
« Art 90. Travaux d’entretien. (Exercice 1856, fr. 145 82. Exercice 1859, fr. 4,853 20. Exercice 1863 : fr. 11,214 88. Exercice 1864 : fr. 5,075 11.) : fr. 21,289 01.
« Art. 91. Canal d'embranchement vers Hasselt (exercice 1862) : fr. 55 25.
« Art. 92. Demer (exercice 1864) : fr. 1,017 88
« Art. 93. Canal d'Ypres à l'Yzer (exercice 1863) : fr. 4,545 45
« Personnel
« Art. 94. Frais de déplacements (exercice 1864) : fr. 30 40.
« Paragraphe 2. Mines
« Art. 95. Carte générale des mines (exercice 1864) : fr. 600.
« Paragraphe 3. Chemins de fer
« Art. 96. Voies et travaux : appareils d'éclairage (exercice 1863) : fr. 107 59
« Art. 97. Transports : salaires (exercice 1864) : fr. 3,389 10.
« Paragraphe 4. Commission des annales des travaux publics
« Art. 98. Publication du recueil (exercice 1864) : fr. 360. »
- Adopté.
« Art. 2. Des crédits supplémentaires, à concurrence de 1,154,216 80 sont alloués au département des travaux publics pour couvrir les insuffisances que présentant certaines allocations du budget de 1865. Ils sont répartis comme suit entre les divers articles de ce budget auquel ils sont rattachés :
« Chapitre premier. Administration centrale.
« Art. 3. Frais de déplacements : fr. 1,952 03.
« Art. 6. Honoraires des avocats du département : fr. 1,457 60
« Chapitre II. Ponts et chaussées.
« Routes
« Art. 7. Travaux en dehors des baux d'entretien : fr. 91,000.
« Bâtiments civils
« Art. 9. Entretien et réparation : fr. 5,100.
« Canaux et rivières
« Art. 14. Meuse : fr. 34,400.
« Art. 26. Lys: fr. 896.
« Art. 34. Dyle et Demer: fr. 1,671 65.
« Art. 35. Yser : fr. 282.
« Art. 36. Plantations : fr. 1,875.
« Art. 37. Bacs et bateaux de passage : fr. 115 20.
« Ports et côtes.
« Art 39. Travaux d'amélioration : fr. 5,160.
« Art. 41. Pharos et fanaux : fr. 2,274 10.
« Frais d'études et d'adjudications.
« Art. 42. Etudes de projets ; frais d'adjudications : fr. 2,700.
« Chapitre IV. Chemin de fer, postes et télégraphes
« Art. 55. Voies et travaux : salaires : fr. 25,600.
« Art. 59. Traction et matériel : salaires: fr. 100,100.
« Art. 61. Id. : combustible, etc. : fr. 280,100.
« Art. 62. Id. : entretien : fr. 50,500.
« Art. 64. Transports : salaires : fr. 172,000.
« Art. 65. Id. : frais d'exploitation : fr. 149,400.
« Art. 66. Id. : camionnage : fr. 79,800.
« Art. 67. Id. : pertes et avaries : fr. 70,000.
« Art. 72. Postes : matériel : fr. 4,900.
« Art. 74. Télégraphes : salaires : fr. 37,500.
« Art. 77. Services en général : salaires : fr. 3,900.
« Art. 78. Id. : matériel : fr. 33,500.
« Chapitre VI. Traitements de disponibilité
« Art. 85. Personnel en disponibilité : fr. 7,651 92.
« Chapitre IX. Dépenses imprévues
« Art. 88. Subside pour l'amélioration du régime de la Vliet : fr. 10,400. »
- Adopté.
« Art. 3. Ces crédits seront couverts au moyen des ressources ordinaires. »
- Adopté.
Il est procédé à l'appel nominal ; le projet de loi est adopté à l'unanimité des 64 membres présents. Il sera transmis au Sénat.
Ont répondu à l'appel :
MM. Vander Donckt, Vanderstichelen, Van Hoorde, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Nieuwenhuyse, Van Wambeke, Vleminckx, Warocqué, Wasseige, Allard, Ansiau, Bara, Braconier, Bricoult, Couvreur, Crombez, David, de Bast, de Brouckere, de Conninck, de Florisone, De Fré, de Haerne, de Kerchove, Delcour, de Mérode, de Naeyer, de Ruddere de te Lokeren, de Terbecq, Dewandre, de Woelmont, Dolez, Dumortier, Elias, Frère-Orban, Funck, Goblet, Guillery, Hayez, Hymans, Jacquemyns, Jamar, Lesoinne, Lippens, Magherman, Mascart, Moncheur, Moreau, Mouton, Muller, Orban, Orts, Pirmez, Reynaert, Rogier, Sabatier, Schollaert, Tack, Thienpont, T'Serstevens, Valckenaere, Alp. Vandenpeereboom et E. Vandenpeereboom.
Personne ne demande la parole ; l'assemblée passe à la discussion de l'article unique ainsi conçu :
« Est ratifiée la convention conclue le 26 avril 1866, entre notre ministre des travaux publics, représentant le gouvernement belge, et la société anonyme du canal de Bossuyt à Courtrai. »
- Adopté.
Il est procédé au vote par appel nominal ; le projet de loi est adopté à l’unanimité des 64 membres présents. Il sera transmis au Sénat.
(page 865) Ont répondu à l'appel :
MM. Vander Donckt, Vanderstichelen, Van Hoorde, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Nieuwenhuyse, Van Wambeke, Vleminckx, Warocqué, Wasseige, Allard, Ansiau, Bara, Braconier, Bricoult, Couvreur, Crombez, David, de Bast, de Brouckere, de Florisone, De Fré, de Haerne, de Kerchove, Delcour, de Mérode, de Naeyer, de Ruddere de te Lokeren, de Terbecq, Dewandre, de Woelmont, Dolez, Dumortier, Elias, Frère-Orban, Funck, Goblet, Guillery, Hayez, Hymans, Jacobs, Jacquemyns, Jamar, Lesoinne, Lippens, Magherman, Mascart, Moncheur, Moreau, Mouton, Muller, Orban, Orts, Pirmez, Reynaert, Rogier, Sabatier, Schollaert, Tack, Thienpont, T'Serstevens, Valckenaere, A. Vandenpeereboom et E. Vandenpeereboom.
La discussion générale est ouverte.
M. Delcour, rapporteurµ. - Je demanderai seulement à M. le ministre de la justice s'il se rallie aux amendements proposés par la section centrale.
MpVµ. - Je me proposais de faire cette demande quand nous en serions aux articles.
- Personne ne demandant la parole, l'assemblée passe à la discussion des articles.
« Art. 1er. Amnistie est accordée aux miliciens réfractaires et à tous les militaires qui se trouvent en état de désertion et qui n'ont pas commis d'autres délits, bien qu'ils aient emporté leurs effets d'habillement ou d'armement et qu'ils ne puissent pas les représenter.
« Néanmoins, les remplaçants et les substituants ne jouiront du bénéfice du présent article que dans le cas où ils appartiennent aux classes de milice licenciées mentionnées dans l'article suivant. »
MpVµ. - La section centrale propose la suppression des derniers mots : « mentionnés dans l’article suivant » et l'addition de la disposition suivante :
« La restriction qui précède n'est point applicable à ceux qui sont rentrés aux corps dans les deux mois, ni aux substituants qui, par leur désertion, n'ont causé aucun préjudice aux substitués. »
M. le ministre se rallie-t-i. à ces amendements, ?
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Oui, M. le président.
- L'article premier, ainsi modifié, est mis aux voix et adopté.
« Art. 2. Les déserteurs qui appartiennent aux classes de milice licenciées sont libérés de tout service dans l'armée.
« Il en est de même des engagés volontaires et des réfractaires, si le terme de service qu'ils ont souscrit ou qui leur a été légalement imposé est expiré. »
- Adopté.
« Art. 3. Les déserteurs amnistiés obtiendront un certificat de libération.
« S'ils sont détenus, ils seront mis en liberté. »
- Adopté.
« Art. 4. Les réfractaires ne seront pas soumis à la production du certificat LL prescrit dans les cas prévus par les articles 197, 198 et 199 de a loi du 8 janvier 1817, quoiqu'ils n'aient pas accompli leur 36ème année d'âge.
« Ceux qui ont été incorporés dans l'armée obtiendront leur congé définitif. »
— Adopté.
« Art. 5. Les déserteurs appartenant aux classes de milice non licenciées ainsi que les réfractaires qui n'ont pas accompli toutes leurs obligations légales, seront tenus de rentrer dans leurs corps pour y achever leur terme de service.
« Il en sera de même des déserteurs qui ont contracté un engagement volontaire pour un terme qui n'est pas expiré. »
- Adopté.
« Art. 6. Ils se présenteront, les déserteurs devant le commandant provincial, les réfractaires devant le gouverneur civil, pour faire leur déclaration de soumission et de demande de service, dans les délais suivants qui courront du jour de la publication de la présente loi, savoir :
« Un mois pour ceux qui sont en Belgique ;
« Trois mois pour ceux qui sont dans les pays limitrophes de la Belgique ;
« Six mois pour ceux qui sont dans les autres pays de l'Europe ;
« Un an pour ceux qui sont hors de l'Europe ;
« Il leur sera délivré une feuille de route pour se rendre au corps qui leur sera désigné. »
- Adopté.
« Art. 7. Les déserteurs qui sont détenus seront conduits au corps qui leur sera désigné. »
- Adopté.
« Art. 8. Les réfractaires qui se trouveront dans l'un des cas d'exemption prévus par les lois sur la milice, pourront le faire valoir au moment de leur déclaration de soumission.
« Il sera statué par la députation permanente du conseil provincial. »
- Adopté.
« Art. 9. La présente loi sera obligatoire le lendemain de sa publication. »
- Adopté.
Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet de loi.
Le projet est adopté à l'unanimité des 65 membres présents.
Ce sont :
MM. Vander Donckt, Vanderstichelen, Van Hoorde, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Nieuwenhuyse, Van Wambeke, Vleminckx, Warocqué, Wasseige, Allard. Ansiau, Bara, Braconier, Bricoult, Couvreur, Crombez, David, de Bast, de Brouckere, de Florisone, De Fré, de Haerne, de Kerchove, Delcour, de Mérode, de Naeyer, de Ruddere de te Lokeren de Terbecq, Dewandre, de Woelmont, Dolez, Dumortier, Elias, Frère-Orban, Funck, Goblet, Guillery, Hayez, Hymans, Jacobs, Jacquemyns Jamar, Lesoinne, Lippens, Magherman, Mascart, Moncheur, Moreau, Mouton, Orban, Orts, Pirmez, Reynaert, Rogier, Sabatier, Schollaert, Tack, Thienpont, T'Serstevens, Valckenaere, A. Vandenpeereboom et E. Vandenpeereboom.
MpVµ. - L'article unique du projet de loi est ainsi conçu :
« Il est mis à la disposition du ministère de la justice un crédit de 500,000 francs, pour la continuation des travaux de construction, l'ornementation et l'ameublement de l'église de Laeken.
« Ce crédit sera couvert au moyen des ressources ordinaires. »
La section centrale propose de réduire le chiffre à 150,000 francs., destiné à solder les dépenses arriérées et à payer les travaux indispensables à la conservation de l'édifice,
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Je me rallie à l'amendement de la section centrale ; j'aurais insisté pour obtenir le crédit de 500,000 francs ; mais cet objet aurait pu donner lieu à une discussion et la Chambre est pressée d'en finir.
M. Hymans, rapporteur. - M. le ministre de la justice vient da se rallier à l'amendement de la section centrale qui réduit à 150,000 fr. le crédit pétitionné par le gouvernement ; la section centrale demande, en outre, que le gouvernement fasse opérer une contre-enquête composée d'ingénieurs et d'architectes et que le rapport de cette commission soit communiqué à la Chambre.
M. le ministre de la justice se rallie-t-il également à cette proposition ?
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Messieurs, je dois faire remarquer que la commission qui a examiné ces travaux s'est occupée de cet objet avec beaucoup de soin, comme on peut s'en convaincre en prenant lecture du travail remarquable annexé au rapport de la section centrale. Cette commission a examiné point par point toutes les objections qui ont été faites par la commission des ingénieurs relativement aux travaux d'art, et elle ne mérite que des éloges pour la manière dont elle a rempli sa mission. Maintenant si la Chambre désire pousser plus loin ses investigations, je n'ai pas le droit de m'y opposer
M. Hymans, rapporteur. - Je suis obligé de maintenir la proposition de la section centrale.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - La Chambre décidera. Je demande toutefois que l'on accorde au moins au gouvernement le chiffre de 150,000 fr., ainsi que le propose la section centrale.
- La discussion est close sur l'article unique du projet de loi.
Il est procédé au vote par appel nominal sur cet article unique ; il est adopté à l'unanimité des 64 membres présents.
Ce sont :
MM. Vander Donckt, Vanderstichelen, Van Hoorde, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Nieuwenhuyse, Van Wambeke, Vleminckx, (page 866) Warocqué, Wasseige, Allard, Ansiau, Bara, Braconier, Bricoult, Couvreur, Crombez, David, de Bast, de Brouckere, de Florisone, De Fré, de Kerchove, Delcour, de Mérode, de Naeyer, de Ruddere de te Lokeren, de Terbecq, Dewandre, de Woelmont, Dolez, Dumortier, Elias, Frère-Orban, Funck, Goblet, Guillery, Hayez, Hymans, Jacobs, Jacquemyns, Jamar, Kervyn de Lettenhove, Lesoinne, Lippens, Magherman, Mascart, Moncheur, Moreau, Mouton, Muller, Orban, Orts, Pirmez, Reynaert, Rogier, Sabatier, Schollaert, Tack, Thienpont, T'Serstevens, Valckenaere, Alp. Vandenpeereboom et E. Vandenpeereboom.
MpVµ. - La discussion générale est ouverte.
M. Wasseige. - Parmi les sommes sollicitées par le gouvernement, je remarque un crédit de 200,000 fr. pour reconstruction du pont de Dinant et construction de nouveaux ponts sur le même fleuve.
A cette occasion j'aurai l'honneur de signaler un fait à M. le ministre des travaux publics. Entre Namur et Dinant, c'est-à-dire sur un espace de 30 kilomètres, il ne se trouve aucun moyen de communication par voitures entre les deux rives de la Meuse. Cependant des intérêts considérables et dont l'importance grandit tous les jours, et notamment un chemin de fer établi sur la rive droite sans moyen de communication pour les voitures avec la rive gauche, réclament un terme à cet état de choses, qui offre de grands inconvénients pour les populations.
Je suis convaincu que si le gouvernement veut bien faire étudier cette question, il reconnaîtra comme moi que l'intérêt public réclame la construction de nouveaux ponts. Je suis convaincu qu'il trouvera que cet intérêt est assez considérable pour qu'il soit accordé des subsides à des compagnies concessionnaires, et même pour qu'il construise lui même ce pont avec le concours des parties intéressées, communes, province établissements industriels, et compagnies de chemin de fer.
M. Mullerµ. - Je n'ai qu'un mot à dire à l'occasion de ce crédit.
Je recommande à M. le ministre des travaux publics de bien vouloir faire hâter la construction de la passerelle qui doit rétablir les communications de tout un quartier de Liège avec le restant de la ville dont il se trouve séparé depuis plusieurs mois, à moins d'un long détour par suite de la suppression du pont-viaduc que l'élargissement de la station des Guillemins a rendue indispensable. Le gouvernement a reconnu qu'il était tenu de construire cette passerelle et les habitants attendent impatiemment le moment où ils pourront de nouveau, comme par le passé, se rendre en ville et à la station sans avoir à faire un pénible circuit.
MtpVSµ. - Il y a, en effet, engagement pris par mon département.
- La discussion générale est close.
« Article 1er. Il est ouvert au département des travaux publics des crédits spéciaux à concurrence de 1,160,000 francs, pour solder les dépenses à résulter des travaux énumérés ci-après :
« A. Reconstruction du pont en charpente, établi à Waelhem, sur la Nèthe, pour le passage de la route de première classe de Bruxelles à Anvers : fr. 200,000.
« B. Reconstruction du pont de Dinant, sur la Meuse, et construction de nouveaux ponts sur le même fleuve (premier crédit) : fr. 200,000.
« C. Continuation des travaux de restauration et d'appropriation des hôtels ministériels situés rues de la Loi, Ducale et de l'Orangerie : fr. 150,000.
« D. Continuation des travaux de restauration, d'amélioration, etc., du palais des anciens princes-évêques de Liége : fr. 450,000.
« E. Construction d'un nouveau mur orné, le long du jardin du palais royal à Bruxelles : fr. 180,000.
« Total : fr. 1,160,000. »
- Adopté.
« Art. 2. Ces crédits seront couverts au moyen des excédants des recettes des exercices 1866, 1867 et 1868. »
- Adopté.
Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet ; il est adopté à l'unanimité des 61 membres présents.
Ce sont :
MM. Vander Donckt, Vanderstichelen, Van Hoorde, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Nieuwenhuyse, Van Wambeke, Vleminckx, Warocqué, Wasseige, Allard, Ansiau, Bara, Braconier, Couvreur, Crombez, David, de Bast, de Brouckere, de Florisone, De Fré, de Kerchove, Delcour, de Mérode, de Naeyer, de Ruddere de Te Lokeren, de Terbecq, Dewandre, de Woelmont, Dolez, Elias, Frère Orban, Funck, Goblet, Rayez, Hymans, Jacobs, Jacquemyns, Jamar, Kervyn de Lettenhove, Lesoinne, Lippens, Magherman, Mascart, Moncheur, Moreau, Mouton, Muller, Orban, Orts, Pirmez, Reynaert, Rogier, Sabatier, Schollaert, Tack, Thienpont, T'Serstevens, Valckenaere, Alp. Vandenpeereboom et E. Vandenpeereboom.
Personne ne demandant la parole dans la discussion générale, la Chambre passe à la délibération sur les articles.
« Art. 1er. Il est accordé au ministère des travaux publics un crédit de cent six mille francs (fr. 106,000), à l'effet de le mettre à même de solder le montant des sommes au payement desquelles l'Etat a été condamné au principal, ainsi que du chef des intérêts judiciaires et des dépens, par un arrêt rendu, le 16 avril 1866, par la cour d'appel de Bruxelles, dans le procès qui lui a été intenté par la dame veuve Dutoit, à l'occasion de l'entreprise des travaux d'établissement, à Heyst, du chenal de l'écluse maritime dépendante du canal de dérivation de la Lys. »
- Adopté.
« Art. 2. Ce crédit sera couvert au moyen des ressources ordinaires. »
- Adopté.
« Art. 3. La présente loi sera obligatoire le lendemain de sa publication. »
- Adopté.
Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet, qui est adopté à l'unanimité des 60 membres présents :
Ce sont :
MM. Vander Donckt, Vanderstichelen, Van Hoorde, Van Iseghem, Van Nieuwenhuyse, Van Wambeke, Vleminckx, Warocqué, Wasseige, Allard, Ansiau, Bara, Braconier, Bricoult, Couvreur, Crombez, David, de Bast, de Brouckere, de Florisone, De Fré, de Kerchove, Delcour, de Mérode, de Naeyer, de Ruddere de Te Lokeren, de Terbecq, de Woelmont, Dolez, Elias, Frère-Orban, Funck, Goblet, Hayez, Hymans, Jacobs, Jacquemyns, Jamar, Kervyn de Lettenhove, Lesoinne, Lippens, Mascart, Moncheur, Moreau, Mouton, Muller, Orban, Orts, Pirmez, Reynaert, Rogier, Sabatier, Schollaert, Tack, T'Serstevens, Valckenaere, A. Vandenpeereboom et Ernest Vandenpeereboom.
La Chambre s'ajourne indéfiniment.
- La séance est levée à 5 heures et demie.