(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1865-1866)
(Présidence de (M. E. Vandenpeereboom.)
(page 489) M. Thienpont, secrétaire., procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.
M. de Moor, secrétaireµ, lit le procès-verbal de la dernière séance.
- La rédaction en est approuvée.
M. Thienpont,. présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.
« Les membres du conseil communal et des habitants de Mussy-la-Ville demandent la construction d'un chemin de fer qui relie Arlon à la ligne des Ardennes en passant par Chatillon, Saint-Léger, Elbe, Virion, Meix, Géronvillc, Villers-devant-Orval, pour arriver à Margut. »
M. Bouvierµ. - Je propose le renvoi à la commission des pétitions avec demande d'un prompt rapport.
- Adopté.
« Le sieur Leclerc demande la réduction du tarif des voyageurs par chemin de fer. »
- Même renvoi.
« Le sieur Brélus se plaint que les administrations centrales exigent un droit pour la délivrance de simples extraits de la matrice cadastrale. »
- Même renvoi.
« Des habitants de Bruxelles demandent le suffrage universel pour les élections communales et provinciales. »
- Renvoi à la commission qui sera chargée d'examiner la proposition de loi portant une modification aux lois provinciales et communales.
« Des habitants de Bruxelles demandent que le droit de suffrage pour les élections communales et provinciales soit étendu à tous ceux qui savent lire et écrire. »
- Même renvoi.
« Le sieur Demoulin, secrétaire communal à Fayt-lez-Seneffe, demande une loi fixant le minimum de traitement des secrétaires communaux. »
M. Lelièvreµ. - Je demande que cette pétition soit renvoyée à la commission des pétitions, avec prière de faire un prompt rapport. Il importe qu'il soit statué le plus tôt possible sur l'objet auquel elle est relative.
- Cette proposition est adoptée.
« Le sieur Vanhamme-Gerrebos demande que les collèges électoraux pour les Chambres législatives soient fractionnées autant que possible par groupes de 40,000 habitants. »
- Même renvoi.
« Le sieur Latour demande que la position des sous-officiers et des soldats pensionnés soit améliorée en même temps que celle des officiers pensionnés. »
M. Vleminckxµ. - Je demande le renvoi à la commission des pétitions avec prière de faire un prompt rapport.
- Adopté.
« M. le ministre de la justice transmet, avec les pièces de l'instruction, la demande de naturalisation du sieur Delfs. »
- Renvoi à la commission des naturalisations.
« M. le ministre de l'intérieur adresse à la Chambre deux exemplaires du rapport de la commission permanente sur la situation des sociétés de secours mutuels, pendant l'année 1864. »
- Dépôt à la bibliothèque.
M. le président. - La Chambre a commencé hier la discussion de la proposition modifiée de M. Le Hardy de Beaulieu.
M. Le Hardy de Beaulieuµ. - Si j'ai bien entendu le procès-verbal, l'honorable M. Couvreur avait demandé la priorité pour sa proposition.
Si cette priorité n'est pas admise, je demanderai la parole sur ma proposition.
M. le président. - La priorité a en effet été demandée par M. Couvreur ; la Chambre n'a pas décidé. Comme la discussion est commencée sur la proposition de M. Le Hardy de Beaulieu, je crois que c'est celle-ci qu'il faut continuer.
M. Couvreurµ. - J'insiste pour la priorité en faveur de ma proposition et je crois qu'elle est conforme aux précédents. Ma proposition s'écarte plus que celle de l'honorable M. Le Hardy de Beaulieu du fond du débat. Celle-ci porte sur le budget même, tel qu'il est présenté. La mienne est une question en quelque sorte préalable.
M. le président. - Il faudrait donc suspendre la discussion de la proposition de l'honorable M. Le Hardy de Beaulieu. Insistez-vous sur ce point ?
M. Couvreurµ. - J'insiste pour qu'on suspende la discussion sur la proposition de M. Le Hardy de Beaulieu et que la mienne ait la priorité.
MfFOµ. - Messieurs, je ne parviens pas à découvrir l'intérêt qu'il peut y avoir à statuer plutôt sur une proposition que sur l'autre, et dès lors je ne comprends pas pour quels motifs on intervertirait l'ordre qui a été admis par la Chambre.
L'honorable M. Le Hardy de Beaulieu a fait une proposition applicable au budget. Celle de l'honorable M. Couvreur n'a aucun rapport avec le budget, non plus qu'avec la proposition de M. Le Hardy. Qu'elle soit donc discutée avant ou après le budget, il me semble que cela est parfaitement indifférent.
Que le budget soit voté ou ne le soit pas encore, la proposition de l'honorable M. Couvreur peut être discutée et mise aux voix sans aucun inconvénient, sans aucune difficulté. (Interruption.) La proposition de M. Couvreur est à côté du budget ; sans s'occuper en rien du budget, elle tend à faire décider par la Chambre la nomination d'une commission d'enquête, qui serait chargée d'examiner les différentes questions qui se rattachent à notre organisation militaire.
Dans ces conditions, rien ne doit engager la Chambre à s'occuper de cette motion préalablement à tout autre objet, et il me semble au contraire très rationnel d'achever la discussion qui a été ouverte sur la proposition de l'honorable M. Le Hardy.
M. Coomans. - Je trouverais assez simple qu'on discutât en même temps les deux propositions et que la Chambre décidât ensuite à laquelle elle donnera la priorité. Quant à moi, j'ai demandé la parole pour faire au gouvernement une interpellation dont le résultat peut exercer une certaine influence sur tous les votes que nous avons à émettre. Voici ma question : Nous avons appris l'autre jour que le rapport, promis il y a près de seize mois, est entre les mains de Sa Majesté, sous les yeux de Sa Majesté, et qu'il lui a été soumis par l'honorable ministre de la guerre ; je désirerais savoir et je crois qu'il importe à la Chambre de savoir, si ce rapport a été présenté au Roi sous l'unique responsabilité du ministre de la guerre ou au nom du ministère tout entier.
II nous est beaucoup plus important de savoir quelle est l'opinion du gouvernement sur le budget de la guerre, sur toutes les questions que nous discutons aujourd'hui, que de savoir quelle est l'opinion personnelle de l'honorable ministre de la guerre, opinion personnelle qui a son poids, je le reconnais, beaucoup trop de poids, selon moi, mais enfin qui n'est pas nécessairement l'opinion du gouvernement. Messieurs, la question est importante parce que si, comme MM. les ministres l'ont affirmé, ils n'avaient pas pris encore connaissance de ce rapport, il en résulte qu'on aurait soumis au Roi, au nom du gouvernement, un travail qu'ils n'auraient pas lu, ce que je trouverais assez étrange.
Il me semble que le respect dû au Roi, que le respect dû à la Chambre exigeait qu'une œuvre de cette importance fût présentée à Sa Majesté par le cabinet tout entier. Il aurait donc fallu que le cabinet eût pris connaissance du rapport avant de le soumettre au Roi. On a cru faire une objection radicale en disant que le rapport devait être lu d'abord par le Roi et ensuite par M. les ministres ; mais pourquoi n'a-t-on pas fait copier le rapport ? Était-ce une chose si difficile, parmi les 17,000 fonctionnaires que nous avons, d'en détacher deux ou trois pour faire des copies du rapport ? De cette manière MM les ministres auraient pu le lire en même temps que Sa Majesté.
Il me semble essentiel, messieurs, que le rapport, qui nous donnera l'opinion définitive du gouvernement sur le budget de la guerre soit publié avant les élections. Il est admis, au moins par la gauche, dans notre (page 490) droit public, que les électeurs non seulement législatif, mais communaux et provinciaux, ont le droit de prononcer des arrêts sur toutes les questions politiques. On a adjugé ce droit aux électeurs communaux. Messieurs, à plus forte raison, les électeurs pour les Chambres ont-ils le droit de se prononcer en connaissances de cause sur une question aussi fondamentale que celle du budget de la guerre.
Je demande donc formellement à l'honorable ministre de la guerre, et subsidiairement aux cinq autres honorables ministres, de nous apprendre si ce rapport sera publié au moins une quinzaine de jours avant les élections, et de nous promettre qu'il le sera. Je trouve cela très essentiel et je n'y vois aucun inconvénient.
Encore une fois, si quelqu'un ne m'a pas compris, je répète que je désire savoir si ce rapport a été soumis au Roi au nom d'un ministre de la guerre, ou au nom du gouvernement, et ensuite pourquoi les cinq ministres qui sont, paraît-il, restés étrangers au rapport et qui se trouvent dans la situation désagréable où nous sommes d'en attendre impatiemment la lecture, je demande pourquoi ils n'ont pas fait prendre copie du rapport afin de le lire en même temps que Sa Majesté.
Tout aurait été hâté et l'on aurait bien certainement évité les suppositions faites par beaucoup de gens, parmi lesquels je figure dans une certaine mesure, que tous ces retards n'ont été imaginés que pour trouver une excuse quelconque à des ajournements indéfinis à la solution du problème militaire en Belgique.
MfFOµ. - Messieurs je crois qu'il est parfaitement indifférent à la Chambre de savoir comment les ministres règlent leurs relations avec la couronne. Je dirai même que la Chambre n'a pas à en connaître.
Lorsque le gouvernement soumettra à la législature les conclusions du rapport qu'il a pris l'engagement de déposer, il en assumera toute la responsabililé. Jusque-là, personne n'a rien à voir dans les préliminaires de l’acte.
La vérité est que les choses se sont passées absolument comme un de mes honorables collègues l'a fait connaître à la Chambre dans une autre circonstance. L'honorable ministre de la guerre, après avoir préparé son rapport, l'a soumis tout naturellement au chef de l'armée.
M. Coomans. - Avant de le montrer à ses collègues ?
MfFOµ. - Positivement.
M. Coomans. - Je trouve cela outrecuidant.
MfFOµ. - Et moi, je demande ce que cela peut vous faire, et en quoi cela vous importe ?
M. Coomans - C'est très important.
MfFOµ. - Ainsi, lorsque j'aurai, comme ministre des finances, quelque idée dont je croirai la réalisation utile pour le pays, et que je soumettrai au Roi un rapport pour exposer cette idée, et cela avant d'en entretenir mes collègues, l'honorable M. Coomans s'arrogera donc le droit de m'en faire un grief ? Je devrais nécessairement, d'après lui, m'entendre préalablement avec mes honorables collègues, en délibérer avec eux, et savoir tout d'abord quelle est à cet égard l'opinion du cabinet ? Je dis que cela ne peut à aucun titre regarder l'honorable M. Coomans. C'est affaire entre nous, membres du cabinet ; cela dépend uniquement de nos convenances. Mais quant à nos rapports avec la Couronne, il est évident, je le répète, que personne n'a rien à y voir.
Quant à la question spéciale qui nous occupe, tout le monde comprendra que c'était ainsi que l'on devait procéder, eu égard à la nature même du sujet traité dans le rapport de M. le ministre de la guerre. Le Roi, comme chef constitutionnel de l'armée, devait tout d'abord être saisi du rapport de son ministre de la guerre.
Mais lorsqu'il y aura un acte du gouvernement à communiquer à la Chambre, cet acte engagera la responsabilité de tous les ministres.
Maintenant quand le rapport pourra-t-il être communiqué à la Chambre ? La question a déjà été posée par un honorable membre, et il y a déjà été répondu. On a dit qu'il était impossible de préciser l'époque de ce dépôt. L'honorable membre a voulu obtenir à cet égard un engagement formel de la part du cabinet. C'est ce que l'on veut encore obtenir aujourd'hui. Nous répondons, comme nous l'avons fait précédemment, que nous ne prenons pas d'engagement. Nous ne déposerons le rapport que lorsque nous serons en mesure de faire connaître à la Chambre notre opinion raisonnée sur les questions qui intéressent la défense nationale.
L'honorable membre a surtout insisté pour que le gouvernement prît l’engagement de le déposer avant les élections.
M. Coomans. - Cela serait loyal.
MfFOµ.- Oh mon Dieu oui, la loyauté serait bien grande, en effet ! Et vous avez des motifs bien sérieux, n'est-ce pas ? pour insister à ce sujet. Eh bien, quant à moi, je suis parfaitement convaincu que, quelles que puissent être les conclusions de ce rapport, la question sera exploitée dans les élections.
Supposons un instant que nous venions proposer une réduction plus ou moins considérable de nos dépenses militaires ? Qu'arrivera-t-il ? L'honorable M. Coomans s'écriera sur-le-champ que ce n'est pas assez, que nos propositions sont dérisoires.
M. Coomans. - Ce sera quelque chose.
MfFOµ. - Ce sera quelque chose, mais ce sera dérisoire pour vous, puisque vous ne voulez pas de dépenses militaires du tout.
Si nous ne déposons pas le rapport, vous avez même un bien plus beau thème à exploiter, et ce thème nous vous l'abandonnons sans hésiter, parce que nous avons confiance dans le pays, parce que nous savons qu'on ne l'égarera pas sur cette question importante, qui est vraiment nationale, parce qu'on n'a réussi à aucune époque à lui faire croire que son salut était attaché à une réduction du budget de la guerre.
M. Coomans. - Il résulte des explications de l'honorable ministre des finances, que le rapport au Roi, pièce fondamentale dans l'examen du problème qui nous occupe, n'a été présenté à S. M. que par un seul membre du cabinet. Je puis en conclure que ce n'est pas au nom du gouvernement que ce rapport a été soumis, car il serait par trop étrange que le gouvernement ne fût représenté, dans cette circonstance, que par un seul de ses membres, alors que les cinq autres ou certains d'entre eux auraient pu ne pas être de l'avis de l'honorable ministre de la guerre.
M. de Brouckere. - Je demande la parole.
M. Coomans. - Il faut que le Roi, qui doit se prononcer, sache à qui il a affaire ; il faut qu'il sache si le rapport est l'expression de l'opinion du cabinet ou de l'un de ses membres seulement. (Interruption.) Cela importe à S. M. autant qu'à nous et je suis étonné que MM. les ministres aient osé soumettre à l'appréciation du Roi une pièce qu'ils n'avaient pas lue ; je crois que c'est là un fait unique dans l'histoire législative. Quand on parle de responsabilité ministérielle, comme vient de le faire encore l'honorable ministre des finances il ne faudrait pas chercher à l'esquiver.
Je regrette donc beaucoup qu'une pièce de cette importance n'ait pas été présentée à Sa Majesté sous la responsabilité de tous les membres du gouvernement, car il peut arriver que plusieurs membres du cabinet qui n'ont pas lu le rapport, ne soient pas de l'avis du ministre de la guerre, après l'approbation du rapport par le Roi. Voilà donc encore une fois des retards et des entraves sans fin.
C'est un point que la Chambre et le pays apprécieront.
Je passe à un second point essentiel. Je maintiens qu'il importe que nos juges à nous aient sous les yeux la pièce principale du procès politique, avant les élections. Ne pas publier avant le 12 juin ce rapport qui contiendra la pensée du gouvernement, ce serait jouer à cache-cache avec le pays, ca qui ne serait ni digne, ni loyal.
Je sais bien que je n'ai pas les moyens constitutionnels de forcer le gouvernement à remplir son devoir, mais j'ai le droit de regretter qu'il ne l'ait pas rempli et je verrai jusqu'à quel point je devrai exercer celui de critiquer l'abstention qu'on nous annonce, car je lis entre les lignes et je vois très bien qu'en disant qu'on ne s'engage pas à déposer le rapport avant les élections, on veut tout simplement dire que les électeurs ne l'auront pas, c'est-à-dire que nous resterons dans le vague où nous nous trouvons depuis longtemps. (Interruption.) C'est à l'aide de vague et de nuages qu'on perpétue un état de choses dont le gouvernement lui-même n'est pas partisan, car enfin nous désirons tous des modifications.
Des explications sont urgentes. En recevons-nous une seule ? Des mots et pas autre chose. On ne nous dit pas ni s'il y aura une réorganisation ni s'il y aura des économies. Il me paraît que quand on étudie une question depuis si longtemps, on devrait savoir ce que l'on veut ; je crois bien qu'on le sait, mais on sait aussi que ce que l'on veut n'est pas ce que veut le pays, ni la Chambre et on ajourne, autant que possible, la solution définitive.
Je me proposais de me taire, vu l'inutilité de tous les discours, mais je formule ici, en guise de protestation très catégorique, l'indignation dont je suis saisi.... (Interruption.) l'indignation qui m'anime depuis plusieurs années, au sujet de toutes les mystifications dont nous sommes l'objet dans le domaine militaire.
(page 491) M. de Brouckere. - On semble perdre de vue que le chef de l'Etat est en même temps le chef de l'armée de par la Constitution.
L'article 68 porte que le Roi commande les forces de terre et de mer. Tout ce qui concerne l'armée est donc d'un immense intérêt pour la Couronne, et le ministre de la guerre aurait, selon moi, fait une chose très peu convenable, s'il avait soumis son travail à la discussion de ses collègues avant d'en avoir obtenu l’autorisation du chef de l'armée.
Autre chose sera quand le travail devra être déposé sur le bureau de la Chambre. Avant que ce dépôt ait lieu, nécessairement le ministre de la guerre en conférera avec ses collègues, et ce ne sera qu'après que ce travail aura obtenu l'approbation du conseil des ministres qu'il sera soumis à la Chambre.
MfFOµ. - Messieurs, l'honorable M. Coomans vient de prononcer le mot de mystification. On aurait, selon lui, dans cette question du budget de la guerre, constamment mystifié le pays.
M. Coomans. - C'est mon opinion.
MfFOµ. - Eh bien, je dis que si quelqu'un a mystifié le pays sur cette question, c'est précisément l'honorable M. Coomans. (Interruption.)
L'honorable membre, selon les temps, selon les circonstances, selon ce qu'il croyait être l'intérêt de son opposition, a soutenu tour à tour les gros budgets et les budgets réduits.
Si quelqu'un a un mea culpa à faire de ce chef, c'est bien positivement l'honorable membre lui-même.
S'il a perdu le souvenir de ses discours, de ses déclarations, de ses votes, je l'ai gardé, moi, Or, il fut un temps où, parce que l'honorable membre supposait que le gouvernement voulait opérer des réductions dans les dépenses militaires, il accusait le gouvernement devant le pays.
M. Coomans. - En 1849.
MfFOµ. - En 1851. II accusait alors le gouvernement devant le pays de compromettre ses plus chers intérêts.
M. Coomans. - C'était encore une époque très dangereuse. (Interruption.)
MfFOµ. - Voici le langage que tenait alors le véritable mystificateur :
« Si nous ne nous trouvions pas devant ce chiffre fixe de 15 millions, qui est à la fois le maximum et le minimum des dépenses de l'armée, nous qui voulons une armée très forte et qui ne regardons pas à quelques centaines de mille francs, ni même à un ou deux millions pour atteindre ce but, nous insisterions moins sur l'économie à obtenir par le déplacement de l'école militaire ; mais s'il est vrai qu'une économie de deux où trois cent mille francs puisse résulter de cette mesure, il est bien naturel que nous y insistions. C'est un bataillon de plus dans l'armée belge, puisque nous ne pourrons pas sortir du chiffre fatal de vingt-cinq millions. »
Voilà, messieurs, ce que disait le mystificateur au pays en 1851 (Interruption.)
M. Coomans. - C'est vous qui vouliez le chiffre de 25 millions.
MpVµ. - L'incident est clos.
M. Coomans. - Est clos, sans ma permission, M. le président ?
MpVµ. - Demandez-vous la parole ?
M. Coomans. - Je la demande.
MpVµ. - La Chambre consent-elle a entendre M. Coomans une troisième fois ?
- Des membres. - Non ! non !
- D'autres membres. - Oui ! oui !
M. Coomans. - C'est pour une question personnelle et en vertu du règlement.
MpVµ. - La parole est à M. Coomans.
M. Coomans. - Messieurs, il n'est pas vrai que j'aie jamais soutenu les gros budgets militaires...
MfFOµ. - J'ai cité vos paroles.
M. Coomans. - Il n'est pas vrai...
MpVµ. - M. Coomans, les termes : « Il n'est pas vrai » ne sont pas très parlementaires.
M. Coomans. - Voulez-vous, M. le président, que je dise : « c'est vrai. » Mais alors je devrais me dire en moi-même : « Vous en avez menti » ; et je ne le ferai pas.
Je prétends qu'il n'est pas vrai, qu'il est faux, absolument faux que j'aie jamais soutenu les gros budgets militaires.
En 1849, en 1850 et peut-être en 1851, j'ai consenti à un budget de 25 à 26 millions ; ce que M. le ministre des finances vient de dire le prouve surabondamment : il ne s’agissait que d’un batailllon de plus ou de moins, il ne s’agisss
ait que de 200,000 ç 300,000 fr., de deux millions au plus
Le gouvernement proposait, à cette époque, un budget de 25 millions.
M. Allard. - Il était de 27 millions.
M. Coomans. - Est-ce que je proposais quelque chose à cette époque ? Montrez-moi ma proposition ; je n'en ai pas fait une seule.
Je dis que vous autres ministres, vous nous donniez alors l'espoir d'avoir un budget de 25 millions, au moyen duquel vous nous garantissiez à tout jamais l'indépendance nationale.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - Il n'est pas vrai de dire cela.
M. Coomans. - Vous nous promettiez un budget de 25 millions au maximum.
Quant l'honorable M. Rogier lui-même, toujours grand partisan de l'armée, est venu, avec l'honorable M. Frère, nous promettre de nous donner bientôt un budget de la guerre de 25 millions...
M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - Non !
M. Coomans. - Non, dit M. le ministre des affaires étrangères, je précise les termes ; quand M. le ministre des affaires étrangères d'aujourd'hui est venu nous déclarer qu'il entrait dans les vues du gouvernement (interruption), non pas dans vos convictions ? Eh bien, dans vos vues seulement... (nouvelle interruption) « si cela était possible, » auriez-vous dit, je ne crois pas que ces mots figurent dans votre déclaration ; dans tous les cas ils y figureraient comme d'autres figures de rhétorique.
Je dis que lorsque l'honorable M. Rogier et l'honorable M. Frère venaient déclarer solennellement qu'il entrait dans les vues, sinon dans les intentions du gouvernement, de réduire le budget de la guerre, en trois ans, au chiffre maximum de 25 millions, je dis que nous étions à une époque de coups d'Etat, à une époque annexionniste. Un budget de 25 à 26 millions était-il alors un gros budget ? Que pensez-vous du budget de la guerre d'aujourd'hui, maintenant que nous sommes dans des circonstances toutes différentes ; que pensez-vous d'un budget de 35 millions avec toutes les queues dispendieuses que nous connaissons ; avec les queues pour les bastilles, les canons Wahrendorff, votre budget de la guerre d'aujourd'hui doit vous paraître monstrueux à côté de celui de 1849 et de celui de 1850.
Il est donc faux que j'aie demandé de gros budgets militaires ; je les ai toujours combattus ; j'ai été presque seul avec l'honorable M. Delfosse à voter contre le budget de la guerre.
Mais en supposant qu'en 1849 et en 1850 j'eusse eu une autre opinion sur le budget militaire que celle que je professe aujourd'hui, il est fort étrange de me voir adresser ce reproche par des ministres qui ont si considérablement, j'allais dire si énormément varié sur la question du budget de la guerre. Voilà pour le fait personnel.
J'ai toujours soutenu, d'accord avec les principes si parfaitement développés par les honorable» MM. Le Hardy de Beaulieu et Couvreur, que les Etats, en général, n'avaient pas besoin de grandes armées permanentes, que la Belgique n'en avait aucun besoin ; et si jamais ces principes économiques, qui ont toujours été les miens, ont pu un peu fléchir, c'était à une époque où le patriotisme permet jusqu'à la palinodie. Mais je n'ai pas été jusque-là. Mon maximum n'a jamais dépassé le vôtre, celui de 25 millions, MM. les ministres, et si j'ai été absurde en ce point, vous l'avez été avec moi et je suis assez rangé du moins à vos yeux.
MfFOµ. - L'époque où l'honorable membre parlait comme je viens de le rappeler, et où il déplorait si amèrement que l'on fût placé devant le chiffre fatal de 25 millions, n'était pas l'époque où la palinodie eût été une preuve de patriotisme.. C'était au moment même où la question de l'institution de cette grande commission de 1851 s'agitait dans la Chambre. C'est alors que vous nous avez accusés de sacrifier les intérêts du pays, en voulant réduire l'armée.
A cette époque, nous étions calomniés, ; vous nous accusiez de vouloir à tout prix, per fas et nefas, réduire nos dépenses militaires à ce chiffre fatal de 25 millions.
M. Coomans. - Je constate que c'est plus fort que ce que j'ai dit.
MfFOµ. - Est-ce que l'on ne peut pas dire que l'on a été calomnié ?
M. Coomans. - Si ! si ! mais laisse-moi le dire aussi.
(page 792) MfFOµ. - Il est certainement permis de dire cela dans le sens que je viens d'indiquer.
Et, cependant, qu'avions-nous déclaré alors ? Voilà ce que nous sommes venus dire à la législature : Ce que nous voulons, c'est rechercher de bonne foi, loyalement, si des économies sont possibles.
Telle a été notre déclaration à cette époque. Et, en effet, s'il s'était agi de réduire le budget de la guerre, quand même et sans examen, à ce chiffre de 25 millions, mais nous l'eussions proposé formellement à la Chambre. Mais au lieu d'une pareille proposition, qu'avons-nous fait ? Nous avons demandé l'institution d'une commission qui serait chargée d'examiner la question.
L'honorable membre n'a pas, affirme-t-il, entendu prononcer les mots : « si c'est possible ». Il ne croit même pas qu'ils aient été prononcés.
Eh bien, je vais les lui citer, non pas seulement dans mes propres discours, mais dans les discours mêmes des honorables membres de cette Chambre qui demandaient le plus instamment des réductions sur le budget de la guerre.
M. Coomans. - Je ne parle pas de discours ; je parle de la déclaration officielle que vous avez apportée à la Chambre.
MfFOµ. - Vous aurez tout à l'heure ma déclaration, soyez tranquille. Mais je veux d'abord vous convaincre, comme je convaincrai la Chambre, que vous avez combattu le gouvernement, lorsque vous lui supposiez l'intention de vouloir opérer des réductions sur le budget de la guerre. Voilà ce que disait à ce sujet l'honorable M. d'Elhoungne : « Messieurs, il ne faut pas d'équivoque, pas plus de la part de la majorité que de la part du gouvernement. Certainement, le gouvernement a déclaré, comme nous, qu'il désirait arriver à un chiffre de 25 millions. Je pense que le gouvernement le désire ; je suis convaincu que c'est là son vœu. Mais le gouvernement a pris un autre engagement, qu'il tiendra avec la même fermeté, c'est de ne pas toucher à la force organique de l'armée. Or, ne pas toucher à la force organique de l'armée, ce n'est pas faire une équivoque, c'est mettre une réserve que, pour notre part, nous avons toujours mise nous-mêmes. Car enfin, en acceptant une enquête, que faisons-nous ?
« Nous faisons preuve, d'une part, sans doute de la confiance que nous avons dans les idées que nous avons toujours défendues devant vous, mais nous faisons, d'autre part, acte de modération et d'hommes pratiques.
« Croyez-vous donc que si l'enquête à laquelle on viendra soumettre toutes les questions de notre organisation militaire, croyez-vous que si la discussion qui s'établira entre des hommes capables et impartiaux, que si ce grand débat devait avoir pour résultat de nous démontrer que la moindre réduction de notre état militaire ne pourrait avoir lieu sans danger pour le pays, croyez-vous que nous viendrions perfas et ne fas soutenir la réduction du budget de la guerre ? Non, quant à moi, je ne le ferais pas.
« Quand nous soutenons qu'il y a lieu de réduire le budget de la guerre, nous le faisons parce que nous sommes profondément convaincus que l'intérêt du pays exige qu'il y ait réduction. Mais s'il nous était démontré, s'il y avait doute seulement que cette réduction fût praticable, dans le doute nous nous abstiendrions ; nous ne voudrions pas prendre une mesure qui pourrait troubler en rien la sécurité du pays, qui pourrait mettre en péril sa nationalité. »
M. Coomans. - Mais cela est clair. (Interruption.)
MfFOµ. - En effet : il est très clair que c'est exactement le contraire de ce qu'a affirmé tout à l'heure l'honorable M. Coomans.
L'honorable M. Verhaegen s'exprimait dans le même sens :
« Par vues, disait-il, d'accord avec M. d'Elhoungne, il faut entendre la promesse de rechercher toutes les économies ultérieures, et d'arriver ainsi, s'il est possible, à un chiffre de 25 millions. »
Puis il ajoutait :
« Il faut aussi donner satisfaction à ceux qui soutiennent que l'armée, telle qu'elle est organisée, n'est pas suffisante dans son organisation pour parer à toutes les éventualités.
« Les uns sont pour, les autres sont contre, soit pour dire que c'est trop, soit pour dire que ce n'est pas assez.
« Il ne s'agit pas de donner raison aux uns et de donner tort aux autres, il s'agit d'éclairer tout le monde sur une question vitale. »
M. Coomans. - M. Verhaegen n'était pas ministre.
MpVµ. - M. Coomans, pas d'interruption.
MfFOµ. - Mais moi j'étais ministre. Ce sont donc mes paroles que vous désirez entendre !
M. Coomans. - Lisez votre déclaration.
MpVµ. - M. Coomans, je vous pries de nouveau de ne pas interrompre ; sinon, je vous rappellerai à l'ordre. C'est la dernière fois que je vous préviens.
MfFOµ. - Voici ce que jet disais alors et ce qui répond directement à votre interruption :
« Le gouvernement a annoncé qu'il avait le désir d'introduire, dans une partie si importante des services publics, toutes les économies praticables ; que, s'il était possible de réduire le budget à 25 millions, il le ferait assurément, mais qu'il ne faisait pas du budget de la guerre une question d'argent ; qu'il ne voulait et ne désirait que ce qui était compatible avec le maintien d'une bonne et solide armée. »
Voilà, messieurs, quelles ont été les déclarations qui ont été faites à la Chambre, et ce sont ces déclarations, M. Coomans, que vous combattiez que vous attaquiez, que vous considériez comme compromettantes pour les intérêts du pays, parce qu'avant tout vous vouliez une forte armée (Interruption.)
Et si vous prétendez vous retrancher derrière les événements qui sa passaient en 1848, en 1849, en 1830 et en 1851, je vous mènerai jusqu'en 1853, c'est à-dire à une époque où les crises dont vous parliez avaient heureusement cessé. Il s'agissait de l'organisation de l'armée ; c'était après le travail de la grande commission.
Cette grande commission avait reconnu que le chiffre de l'armée devait être porté à 100,000 hommes. Avez-vous combattu cette proposition ?
M. Coomans. - Oui !
MfFOµ. - Vous ? Voici ce que vous avez fait. Vous vous êtes abstenu au vote, à cause des inconvénients de la milice, ni plus ni moins !
M. Coomans. - Eh bien donc je l'ai combattu ! (Interruption.)
MfFOµ. - C'est trop fort, en vérité ! Voici vos propres paroles :
« Les inconvénients du mode actuel de recrutement m'ont empêché de voter le chiffre de 100,000 hommes. »
Ce n'était donc pas la dépense qui vous arrêtait. Vous voulez bien le chiffre de 100,000 hommes, mais ce dont vous ne vouliez pas, c'était du mode de recrutement.
M. Bouvierµ. - Et on parle de mystification !
MfFOµ. - Et vous formuliez cette répugnance en disant que les inconvénients du mode actuel de recrutement vous empêchaient de voter le chiffre de 100,000 hommes.
M. Coomans. - Certainement.
MfFOµ. - La Chambre et le pays sauront maintenant où se trouvent les mystificateurs.
MpVµ. - L'incident est clos.
M. Couvreur insiste-t-il pour que la priorité soit donnée à sa proposition ?
M. Couvreurµ. - Je n'insiste pas.
M. Le Hardy de Beaulieuµ. - Messieurs, il est bon, il est utile, il est quelquefois nécessaire d'éprouver la valeur des droits des assemblées parlementaires. En proposant l'amendement qui vous est soumis, j'ai voulu voir jusqu'où allait, dans les questions du budget de la guerre, notre droit d'amendement .Vous avez vu hier, messieurs, par la discussion qui s'est produite devant vous, que ce droit nous est bien concédé en théorie, mais qu'il est nul dans la pratique, il est nul ou inopérant. En effet, messieurs, je propose de réduire le budget de la guerre de 2 millions. On me répond : Cela n'est pas possible, vous ne pouvez pas le faire ou, si vous voulez user de votre droit, vous devez le faire sur les chapitres, et l'un des orateurs qui m'ont combattu, n'a pas, il est vrai, employé le terme, mais il a laissé entendre que ma proposition était parfaitement absurde. Il est donc évident que je ne puis présenter un amendement avant la discussion des articles.
Je crois même que si j'avais insisté hier, je serais resté tout seul pour voter mon amendement. Voyons maintenant si nous pouvons au moins proposer des amendements pendant la discussion des articles. Supposons que je propose sur le chapitre I une réduction de 11,000 fr. sur le matériel par exemple, mais on me dira immédiatement : Cela n'est pas possible, vous allez désorganiser tout le service ; notre matériel doit être complet.
N'est-il pas évident dès lors que mon droit d'amendement est parfaitement nul en pratique ; en théorie, je suis d'accord avec mes contradicteurs, il est complet, mais qu'importe le droit théorique, si le droit pratique est nul ?
(page 493) Si, poursuivant l'exemple, je prends n'importe tel autre chapitre du budget, on me fera la même réponse ; mon droit d'amendement est complètement inefficace, ce n'est qu'un morceau de bois sec et vermoulu.
Poursuivant l'expérience plus loin encore, j'attends la fin du vote des articles ; tous sont adoptés, quelques-uns avec des amendements, car je me trompe quand je dis que nous ne pouvons en faire aucun ; il y en a un en effet qui a été proposé et qui est déjà adopté ; on peut modifier le budget, mais seulement pour l'augmenter, et c'est par l'exercice de ce droit, qui n'a jamais été contesté, que nous sommes arrivés aux chiffres dont je vous ai présenté hier le tableau. J'attends donc la fin du vote des articles du budget, pour présenter mon amendement ; l'honorable M. Tesch l'a dit hier avec raison, je le reconnais, ce serait absurde, comment ! vous adoptez tous les chiffres partiels et vous viendriez proposer une réduction sur l'ensemble ! Cela ne serait pas admissible. Donc, si je ne puis proposer d'amendement ni avant, ni pendant, ni après la discussion et le vote des articles, je demande quand je pourrai proposer mon amendement.
Il est donc bien démontré, messieurs, par ce peu de mots que je ne prolonge pas pour ne pas abuser de votre temps, il est établi, dis-je, que notre droit d'amendement est, en réalité, réduit à ce qui est concédé au corps législatif en France, et à la représentation nationale de Prusse. (Interruption.) Il est exactement aussi efficace. Je parle, messieurs, au point de vue des propositions d'une majorité. Evidemment une minorité peut toujours proposer des amendements, on les écarte par un vote, cela ne fait pas de mal... mais je parle d'amendements qui puissent être adoptés avec l'appui d'une majorité, de mon amendement, par exemple, qui pourrait économiser au pays, cette année, une somme de deux millions.
Voilà à quel point de vue j'ai cherché à démontrer que notre droit d'amendement est inefficace, qu'il est nul et que nous ne pouvons pas nous en servir.
Messieurs, la discussion de cet amendement m'a fait découvrir encore un autre fait ; j'ai découvert que nous avons le bonheur, en Belgique, de ne pas posséder d'opposition parlementaire.
Je suis membre de la majorité et je suis obligé, moi, de remplir sur ces bancs les devoirs de l'opposition, qui, précisément, sont de sauvegarder les droits des assemblées, et de veiller à ce que les majorités ne les amoindrissent pas.
C'est donc moi, membre de la majorité, qui ai été obligé de constater l’efficacité de nos droits, c'est moi qui, pour cela, ai été obligé de présenter un amendement dans le sens des opinions que j'ai développées.
Dans cette situation, messieurs, il est évident que mon but est complètement atteint.
Le pays sait quels sont nos droits ; il saura que nous ne pouvons en faire usage pour faire diminuer ses charges ; il saura en même temps que lui seul peut donner de l'efficacité à ces droits, dans les élections qui vont bientôt avoir lieu.
Dans cette situation, je n'ai qu'une chose à faire, c'est de retirer mon amendement.
MpVµ. - Reste la proposition de M. Couvreur.
M. Vleminckxµ. - Messieurs, je prends la parole dans cette discussion, uniquement pour motiver mon vote. J'ai écouté avec la plus scrupuleuse attention le beau discours prononcé hier par l'honorable M. Couvreur et j'ai compris que la conclusion à laquelle il avait abouti était la suivante : « Il faut à la Belgique neutre une armée défensive pour des conditions déterminées. » Quelle doit être cette armée ? L'honorable membre ne nous le dit pas. Il cherche la solution de cette question dans les résultats d'une enquête parlementaire.
Messieurs, je comprendrais cette proposition, si nous étions saisis du rapport de l'honorable ministre de la guerre et du projet d'organisation qui devra nécessairement en être la suite. Je comprendrais qu'après avoir étudié ce rapport, qu'après avoir étudié l'organisation qui vous sera soumise par le gouvernement, si l'on trouve que l'armée qui nous est présentée n'est pas l'armée défensive que nous voulons, je comprendrais, dis-je, qu'on fît la proposition de nommer une commission d'enquête et que cette enquête portât sur tous les points qui peuvent intéresser la défense de la Belgique. Aujourd'hui, je ne le comprends pas.
Messieurs, les considérations que je viens de vous présenter vous disent quel sera mon vote. Je n'accepterai pas la proposition de l'honorable M. Couvreur. J'engage même mon honorable ami à permettre qu'on en ajourne la discussion et le vote jusqu'à ce que le rapport promis par le gouvernement nous soit produit. Je lui représente, en outre, que dans deux mois la moitié de cette Chambre aura disparu. Nous ne savons pas quels sont ceux de nos collègues qui nous reviendront, quels sont ceux qui ne reviendront pas. Il serait donc actuellement très difficile, pour ne pas dire impossible, de constituer la commission d'enquête parlementaire, mais je crois que cette difficulté ne se présentera pas et que la Chambre n'acceptera pas la proposition de mon honorable ami.
M. Couvreurµ. - Messieurs, à mon grand regret, je ne puis souscrire à ce que me demande l'honorable M. Vleminckx et je vais en donner les motifs, en entrant dans quelques explications au sujet de ce qui a été dit hier de ma proposition.
L'honorable M. de Brouckere, pour mieux la combattre, s'est attaché à en forcer la portée, tandis qu'il amoindrissait la proposition de l'honorable M. de Macar. Il a cherché à établir entre ces deux propositions des distinctions fondamentales que je ne suis pas encore parvenu à y découvrir. Tous les deux nous sommes les échos d'idées qui vont dans le courant de l'opinion publique ; seulement, je prends des garanties que néglige l'honorable député de Huy, pour arriver à un résultat utile.
Qu'a voulu l'honorable M. de Macar, qui certainement n'a pas agi dans un but d'opposition ? L'honorable membre voulait une enquête faite par une commission parlementaire sur le rapport de l'honorable ministre de la guerre. Comme lui, je veux une enquête parlementaire. Où nous différons, c'est lorsqu'il prend pour point de départ des travaux de cette commission le rapport de l'honorable général Chazal, tandis que je demande des pouvoirs plus étendus.
M. de Macarµ. - Cela constitue, en effet, la différence entre les deux propositions.
M. Couvreurµ. - Très bien. Or, je le demande à la Chambre, limiterait-elle le mandat de la commission parlementaire ? Lui dirait-elle : Vous irez jusque-là et pas plus loin ?
Cette commission serait un parlement au petit pied, et elle n'aurait pas les pouvoirs que chacun de nous peut exercer ici ?
Vous ne pouvez limiter les pouvoirs de la commission. D'ailleurs, vous-même l'avez reconnu en réclamant, pour la commission telle que vous la compreniez, le droit d'appeler dans son sein et d'interroger des officiers de l'armée.
Faisons une supposition.
Parmi les officiers de l'armée qui seraient ainsi appelés devant la commission d'enquête de l'honorable M. de Macar, figurerait quelque officier modeste, peu connu, mais d'un mérite réel et doué de capacités exceptionnelles.
Il s'en trouve ainsi, dans l'armée, plus d'un qui ne partage pas toujours toutes les opinions que professe le département de la guerre.
Je suppose donc qu'un pareil homme après avoir été interrogé par vous au sein de la commission sur les détails de l'organisation actuelle, après avoir répondu avec beaucoup de précision, avec un talent qui vous permette d'apprécier sa valeur, vous tienne ce langage :
« Messieurs, le système que nous avons et sur lequel vous venez de m'interroger n'est pas mauvais ; mais j'en connais un meilleur. Il supprime l'armée permanente. Permettez-moi de vous le développer. Il ne vous imposera pas autant de sacrifices et vous donnera des effets autrement puissants que ceux que vous atteignez aujourd'hui. » Direz-vous à cet homme, la commission lui dira-t-elle : « Je ne veux pas vous entendre, je me bouche les oreilles et les yeux, je ne veux pas entrer dans l'examen de ces questions ; la Chambre me l'a défendu ; mon mandat est limité, je ne puis examiner que le rapport de M. le ministre de la guerre » ? Certes, la commission ne le dirait pas.
L'honorable M. de Macar désire des économies. Il croit qu'elles sont possibles ; c'est aussi mon sentiment ; mais je ne les crois réalisables que par une modification radicale de l'organisation actuelle.
Relisez tous les discours qui ont été prononcés depuis un certain nombre d'années dans la discussion du budget de la guerre ; n'allez pas si loin : prenez le discours que prononçait hier l'honorable rapporteur de la section centrale ; prenez les paroles de l'honorable ministre des finances dans la même séance. Que vous ont dit ces honorables orateurs ! Que le budget actuel n'est que l'application de la loi d'organisation.
Ce n'est donc pas le budget que nous devrions attaquer. C'est l'organisation basée entièrement sur le principe d'une armée permanente. Là est le vice. C'est donc en tout ce qui se rattache à cette organisation, et surtout sur ses bases, qu'il faut faire porter l'enquête, et non pas, seulement, sur les détails du rapport que nous attendons.
En limitant l'enquête, savez-vous ce qui arrivera ? C'est que l'enquête démontrera précisément ce que redoute l'honorable M. Allard ; à savoir que l'organisation actuelle est insuffisante pour la défense du pays, que pour qu'elle devienne efficace, il faut doubler les sacrifices.
(page 494) Voilà où conduit une enquête imparfaite.
Plus, au contraire, le cercle de l'enquête s élargît, plus ses pouvoirs s'accroissent ; plus vous appelez de forces à concourir au but de la commission, plus vous avez de garantie de trouver une solution satisfaisante.
Et ici je dois rectifier une erreur de l'honorable M. de Brouckere. Il a compris que je voulais que l'enquête partît de ce point de vue qu'il ne fallait plus d'armée permanente. Du tout. Je suis l'adversaire des armées permanentes, mais je suis plus large que M. de Macar. J'admets que l'enquête porte sur ce principe, comme sur tous ceux que peut soulever la défense du pays.
Si cette enquête est faite loyalement, consciencieusement, comme on voulait que l'enquête fût faite il y a une vingtaine d'années, et si alors elle me donne tort, je me résignerai au silence.
D'ailleurs, messieurs, est-ce une chose si insolite que celle que je propose ? N'avons-nous pas les précédents de la commission de 1851 ? Dans cette commission, tout a été mis en question : l'étendue des obligations de la Belgique, les divers systèmes qui régissent la défense des autres Etats, le recrutement, les forteresses, que sais-je ? Mais où était le vice ? Pourquoi cette commission a-t-elle mis au monde une organisation qui est un gouffre pour nos finances ? Parce que ses procédés d'examen étaient également irrationnels. Cette commission qui, d'après les déclarations dont vous venez d'entendre la lecture, avait à rechercher quelle devait être l'organisation modèle, cette commission dans laquelle devaient siéger des hommes impartiaux, était composée, en majorité, de personnes très honorables sans doute, mais qui, en définitive, étaient juges et parties en leur propre cause. Ce n'est pas avec de tels éléments qu'on fait une enquête sérieuse !
Et puis, comment l'enquête s'est-elle faite ?
Il y a deux façons de faire des enquêtes ; l'ancien système, qui consiste à mettre autour d'un tapis vert, dans une salle de conseil, des individualités d'opinions divergentes à les faire discuter entre elles jusqu'à ce qu'elles aient abouti à quelque compromis ; et l'enquête comme on la pratique en Angleterre, qui se distingue de la première autant que la justice moderne se distingue de l'ancienne. Dans la justice moderne, on fait comparaître des témoins devant le tribunal ; on permet au juge d'interroger les témoins, de les mettre en contradiction avec eux-mêmes ou avec d'autres témoins ; on tire d'eux tous les renseignements qu'ils peuvent donner, jusqu'à ce que la vérité éclate à tous les yeux ; dans la justice ancienne, les magistrats jugeaient et délibéraient à huis clos, sur pièces, sans débats contradictoires.
Je n'ai pas besoin de vous dire à quelle justice ni à quel mode d'enquête il convient de donner la préférence.
Le parlement d'Angleterre a des commissions d'enquête qui fonctionnent constamment, aussi bien pour les lois secondaires que pour des lois qui soulèvent de grandes questions.
Le parlement anglais juge-t-il opportun de faire une loi sur les tribunaux de commerce, il institue une commission d'enquête, composée d'hommes spéciaux de la chambre, qui font venir devant eux des hommes spéciaux de l'Angleterre et de l'étranger, pour être renseignés sur la meilleure organisation de la justice commerciale. Et vous refuseriez, pour l'armée, ce que l'Angleterre fait pour une question de juridiction !
Ce système d'enquête que nous ne pratiquons pas, et c'est un grand tort, s'est déjà transporté sur le continent. Vous le voyez fonctionner en France, avec des commissions gouvernementales, à la vérité, tantôt pour formuler une nouvelle loi sur l'organisation de sociétés commerciales, tantôt pour résoudre la question si controversée de la liberté des banques.
Je dis que ce que l'Angleterre fait d'une façon normale, régulière depuis nombre d'années, ce que la France commence à faire, nous pouvons le faire pour une question aussi importante que l'organisation militaire du pays. (Interruption.)
Mais, me dit-on, votre enquête manque de cadre. Je le nie. Elle est, au contraire, très bien précisée et définie. Je constate, d'abord, le désir de la Chambre de réaliser des économies, d'établir entre les dépenses militaires et les ressources du trésor une juste proportion.
Voilà un point de départ bien déterminé. D'autre part, pour ne pas verser dans une tentative de désarmement impossible, vu l'état actuel du pays et de l'Europe, j'ajoute que le résultat de l'enquête ne devra pas compromettre la sécurité de la nation, mais la renforcer, si la chose est possible.
Voilà les deux grandes faces du problème à résoudre. Quant aux points de détails, au programme des questions, à la marche des délibérations, ce sera la commission elle-même qui les fixe a ; c'est elle qui déterminera les conditions de son travail, c'est son droit : je ne veux pas le restreindre ; et la responsabilité qui pèse sur elle est assez grande pour qu'elle fasse usage de ce droit.
J'ai entendu dire que je jetterais la désorganisation dans l'armée ; que lé commission appellerait devant elle tous les officiers mécontents, les généraux en herbe et les colonels manques. Je le disais hier, et je ne puis assez le répéter ; L'enquête doit se faire avec le gouvernement et non pas contre le gouvernement. Si elle ne se faisait pas dans ces conditions, je ne lui conseillerais pas d'appeler dans son sein un seul officier en activité de service.
Ne faisons pas fi des rigueurs de la discipline et des carrières interrompues. Ne croyons pas les hommes meilleurs, ni plus fort qu'ils ne le sont en réalité ; ne leur demandons pas des vertus qu'ils ne peuvent nous donner qu'exceptionnellement ; ne leur imposons pas des sacrifices que nous ne pourrions compenser. A part quelques spécialistes, si j'avais à diriger une enquête pareille, je m'adresserais de préférence à des officiers rentrés dans la vie civile ou bien à des hommes compétents de l'étranger : de l'Angleterre, de la Hollande, du Danemark, des Etats-Unis, de la Suisse surtout, des peuples qui ont, avec nous, par leurs mœurs et leurs institutions, le plus d'affinité.
Savez-vous, messieurs, quelle a été ma principale préoccupation, en nous présentant ma proposition ? Elle n'a pas été de vous convaincre, tant elle me paraissait irréprochable et opportune ; mais de la faire accepter par tous les adversaires que les armées permanentes et les dépenses militaires exagérées comptent dans le pays.
Ils me diront : « A quoi bon ces délais, l'ajournement résultant d'une enquête ? Le flot monte. Avant peu, nous pourrons balayer le terrain ; en attendant, fixons un chiffre quelconque, vingt-cinq millions, vingt millions, mettons l'armée au rabais. On nous en donnera pour notre argent. L'instrument sera mauvais, que nous importe ? Nous sommes un pays neutre et nous n'avons pas besoin de soldats. »
Pour moi, messieurs, je ne joue pas à ce jeu, je ne suis pas de ceux qui, pour démolir une muraille, se buttent contre elle et la sapent dans sa base, au risque d'être écrasés.
Voilà pourquoi j'ai été si heureux de voir l'honorable M. de Macar présenter une motion qui répondait si bien à mes sentiments, et qui restera pour lui, quoiqu'il l'ajourne aujourd'hui, un titre à la reconnaissance de tous les bons citoyens.
Il l'ajourne parce qu'il veut attendre le rapport du ministre de la guerre. Mais c'est précisément parce que ce rapport n'est pas encore déposé, parce qu'il est encore soumis à l'examen de la couronne, que la proposition est opportune. Une enquête parlementaire faite aujourd'hui ne préjuge rien, pas même l'opinion du gouvernement. On ne la soupçonnera pas d'être dirigée contre lui, d'être une mise en suspicion du rapport, et quant à l'objection tirée du renouvellement prochain de cette Chambre, je ne la comprends pas. A ce compte, nous devrions arrêter l'examen de toutes nos lois, ne plus nommer une seule section centrale, ne plus demander de travaux à leurs rapporteurs. Cela n'est pas sérieux. La commission que vous nommerez aujourd'hui se constituera, jettera les bases de son enquête, en arrêtera les opérations préliminaires, et si les chances de la prochaine lutte électorale la privaient de l'un ou de l'autre de ses membres, eh bien, la nouvelle Chambre compléterait la commission, et tout serait dit.
D'ailleurs, messieurs, que veux-je, en définitive ? Je veux précisément, avant les prochaines élections et en présence du mécontentement croissant du pays, lui donner une satisfaction, et une satisfaction sérieuse. Je veux, en versant par les faits sur le système en vigueur des flots de lumières, ou convaincre le pays que ce système est le meilleur et qu'il doit s'y résigner, ou lui en présenter un autre plus acceptable et plus efficace. Mais je veux la grande lumière, la vraie lumière ; non pas de fausses lueurs. Voilà assez longtemps que le budget du ministère de la guerre ressemble à une caverne sans jour, noire, ténébreuse, où nous errons comme des âmes en peine ; je veux y voir clair, je veux savoir, en conscience, ce que je vote et pourquoi je le vote. Voilà pourquoi je persiste dans ma proposition.
M. de Macarµ. - Messieurs, l'honorable M. Couvreur qui est mon allié sur plus d'un point, vient de qualifier un peu sévèrement, à tort, je pense, la conduite que j'avais tenue dans les deux séances d'hier et d'avant-hier. Il a voulu établir une contradiction entre la portée que j'avais attribuée à ma proposition, lorsque je vous l'ai soumise, et celle que je lui ai donnée hier.
Je crois que les explications les plus formelles sont les meilleures, c'est dans ce sens que j'entends vous les donner.
Ma première idée (elle résulte nettement du discours que j'ai prononcé) (page 495) a été de provoquer une étude sérieuse et complète du document nouveau qui allait être produit, il est vrai, et je le maintiens, que dans les développements de ma proposition, j'ai déclaré que je voulais que des officiers, que des personnes compétentes pussent venir donner leur concours aux membres de la commission.
Mais jamais je n'ai entendu demander l'institution d'une commission d'enquête qui aurait pu examiner, par exemple, s'il y avait lieu de maintenir une armée permanente. Je fais un appel à la Chambre, je lui demande si ma proposition lui a paru avoir une pareille portée. Evidemment non.
Maintenant, quelle est la différence entre la proposition de l'honorable M Couvreur et la mienne ?
Si l'honorable M. Couvreur demande une enquête sur toute l'organisation de l'armée, moi, je demande un examen du nouveau document qui doit nous être soumis. Ce sont deux propositions toutes différentes, ce me semble.
Pourquoi, messieurs, ai-je demande la nomination immédiate de cette commission ? Parce que je prévoyais que le rapport de M. le ministre de la guerre pourrait ne pas être déposé dans cette session, et que je jugeais que la nomination immédiate d'une commission pourrait hâter l'examen sérieux du budget de la guerre, puisqu'elle nous permettrait d'avoir, au commencement de la session, un premier travail sur l'organisation de l'armée.
Je regrette que cette idée n'ait pas rencontré l'assentiment de plusieurs de mes honorables collègues, mais je la croyais et je la crois encore si défendable que je me propose de la reproduire quand le dépôt du rapport aura été effectué.
L'honorable M. Couvreur m'a demandé si j'entendais limiter les pouvoirs de la commission qui examinerait le rapport de M. le ministre de la guerre.
Evidemment non, je ne limiterais en aucune façon ses pouvoirs, et si un officier vient déclarer à cette commission que telle organisation lui paraît la meilleure, la commission pourra certainement rendre compte de ce fait à la Chambre.
C'est ce que j'ai dit en déposant ma proposition, et je ne vois aucune contradiction entre mes observations du premier jour et les développements que j'ai donnés hier.
Pour me résumer, je crois que l'examen du rapport de l'honorable ministre de la guerre est une chose indispensable pour que la Chambre puisse s'occuper sérieusement du budget l'année prochaine et je ne suis pas du tout convaincu que dès aujourd'hui il faille une enquête complète sur l'organisation militaire.
La distinction entre ces deux mesures est trop évidente pour que j'insiste davantage, et si j'ai retiré ma proposition, c'est par égard surtout pour les scrupules qui m'ont été manifestés sur ce fait que, par suite du renouvellement partiel de la Chambre, des membres de la commission nommée pourraient ne plus faire partie de cette assemblée.
M. Hymans. - Je ne viens pas combattre la proposition de l'honorable M. Couvreur et je serais très mal venu à la combattre, attendu que j'ai annoncé l'année dernière que je la ferais moi-même après le dépôt du rapport annoncé par M. le ministre de la guerre, et dans le cas où les conclusions de ce rapport ne seraient pas en harmonie avec ce que je crois être, pour ma part, les aspirations du pays. Mon opinion sur ce point se résume eu deux mots. Je crois que le budget de la guerre, que j'ai toujours voté et que je compte voter encore cette année, n'excède pas, quoi qu'en disent nos amis les économistes, les justes proportions dans lesquelles il doit se trouver avec nos ressources.
Je crois, d'autre part, qu'il est désirable qu'il ne les dépasse point dans l'avenir, à moins d'une nécessité parfaitement démontrée.
Je ne viens donc pas combattre la proposition de l'honorable M. Couvreur ; elle me paraît très acceptable, très digne d'examen. Je crois seulement qu'elle est inopportune.
Elle est inopportune d'abord par les raisons que l'honorable M. Vleminckx a fait valoir tout à l'heure.
Elle est inopportune parce que nous ne savons pas encore si l'enquête sera nécessaire, parce que nous ne connaissons pas les conclusions du rapport qui doit nous être soumis.
Mais elle est inopportune à un tout autre point de vue et pour un motif qui, j'en suis sûr, exercera de l'influence sur l'opinion des membres de la Chambre quant au vote qu'ils auront à émettre sur la proposition de l'honorable M. Couvreur. Dans quelle position le vote de cette proposition place-t-elle les partisans du budget de la guerre, ceux qui votent le budget tel qu'il est proposé actuellement ?
Oh ! la position est commode pour ceux qui votent quand même contre le budget. Evidemment que l'on décide qu'il y aura une enquête ou qu'il n'y en aura pas, peu importe ; ces honorables membres voteront contre le budget.
Mais comment voulez-vous que ceux qui votent ordinairement le budget, le votent encore, le votent séance tenante, après avoir déclaré avec l'honorable M. Couvreur qu'il y a lieu d'y introduire des économies et de rétablir entre ces dépenses et les revenus du trésor une juste proportion ? Cela n'est évidemment pas possible. Il faut, pour voter le budget de la guerre après avoir voté l'enquête, vous déjuger sur-le-champ.
Je crois donc, messieurs, qu'il est indispensable, qu'il est conforme aux intérêts du pays, qu'il est conforme à l'intérêt de notre propre dignité d'ajourner la proposition de l'honorable M. Couvreur, de la laisser complètement intacte et de décider que la proposition de l'honorable membre sera examinée par la Chambre, sera mise à l'ordre du jour après le dépôt du rapport annoncé par le gouvernement.
Dans ces conditions, nous ne serons pas obligés, pour pouvoir voter logiquement le budget, de voter contre une proposition d'examen qu'aucun homme raisonnable ne peut repousser.
Je propose donc l'ajournement de l'examen de la proposition de l'honorable M. Couvreur jusqu'après le dépôt du rapport annoncé par le gouvernement, soit dans la session actuelle, soit dans la session prochaine.
M. Lelièvreµ. - En ce qui me concerne, je pense qu'il faut écarter purement et simplement la proposition de l'honorable M. Couvreur» comme étant prématurée.
En effet, le gouvernement nous promet un rapport. La nature même des choses exige donc qu'on attende ce dépôt, et alors seulement il pourra être question de voir s'il y a lieu ou non de nommer une commission chargée d'examiner tout ce qui concerne notre organisation militaire.
En effet, qu'arriverait-il si le rapport concluait au maintien de la loi de 1853, et que la Chambre, déterminée par les motifs déduits, partageât cette conviction. Alors bien certainement on n'ordonnerait pas d'enquête. D'un autre côté, si le rapport proposait des réductions qui seraient jugées suffisantes, en ce cas encore, une enquête ne serait pas décrétée. II est donc impossible d'ordonner maintenant une mesure d'instruction qui sera peut-être jugée ultérieurement inutile.
Mais, messieurs, la commission que vous nommeriez ne pourrait même commencer ses travaux qu'après le dépôt du rapport annoncé par le gouvernement. C'est certainement l'appréciation de ce document qui doit être la base des opérations de la commission.
Il est donc évident qu'il est rationnel de ne s'occuper de l'objet de la proposition de M. Couvreur que quand la Chambre, par le dépôt du travail du gouvernement, aura été mise à même de juger jusqu'à qui point l'enquête peut être utile et sur quels points elle doit porter. Ce sont ces considérations qui, à mon avis, ne permettent pas d'accueillir la proposition en discussion.
M. Coomans. - Messieurs, ce que nous venons d'entendre se résume simplement en ces deux mots : La Chambre pourra faire une enquête, le jour où le gouvernement le voudra bien. On nous conseille, on nous ordonne presque d'attendre le rapport promis.
Or, messieurs, ce rapport peut rester très longtemps encore hors de cette Chambre pour différentes raisons ; en voici une : c'est une hypothèse qui peut se réaliser ; elle peut être désirable pour les uns, très regretable pour les autres. Si M. le ministre donne sa démission ? Son successeur ne réclamera-t-il pas le droit d'écrire un autre rapport ? Remarquons que ce rapport est l'œuvre du ministre de la guerre ; il peut très bien se faire que lorsqu'il reviendra du Palais, chacun des autres membres demande à son tour à faire un examen de ce rapport, et la Chambre pourra, je le répète, attendre encore longtemps ce document, c'est-à dire que le budget de 1867 aura le beau succès que va avoir le budget de 1866.
Messieurs, quant à moi, j'approuve les raisons qui ont été exposées par l'honorable M. Couvreur et je voterai cette enquête, comme je voterai toutes les propositions quelconques qui tendront à introduire un peu d'économies et un peu de lumières dans le budget de la guerre, ainsi que dans tous les problèmes économiques et sociaux qui se rattachent ce budget.
Je regrette que l'honorable M. Le Hardy de Beaulieu ait retiré sa proposition qui me paraissait également fort acceptable ; j'ai un mot à dire en réponse à une objection singulière qu'on a faite à l'honorable membre.
Cette proposition...
(page 496) MpVµ. - Il n'est plus question de la proposition de l'honorable M. Le Hardy de Beaulieu.
M. Coomans. - M. le président, je vais rappeler un précédent de la Chambre.
Maintes fois dans cette assemblée, l'idée émise par l'honorable M. Le Hardy de Beaulieu a été préconisée par des partisans dévoués du budget de la guerre ; notamment par M. le comte Félix de Mérode, qui regrettait beaucoup que la Chambre dût entrer dans de si nombreux détails. « Votez, disait-il, un chiffre global ; mettez-le à la disposition de M. le ministre de la guerre ; il en fera ce qu'il voudra. » Voilà l'idée qui a été émise ici maintes fois, notamment par M. le comte Félix de Mérode, partisan non suspect du budget de la guerre et ministre de la guerre lui-même. Au fond, chiffres à part, l'honorable M. Le Hardy ne proposait pas autre chose.
Messieurs, il n'y a aucun obstacle à l'enquête et je prétends qu'elle est plus que jamais nécessaire ; elle se fera au jour et à l'heure que la Chambre trouvera bon de fixer ; la commission d'enquête attendra ou n'attendra pas le rapport de M. le ministre de la guerre ; elle s'inspirera des intentions de la Chambre ; je parle au futur ; j'ai tort peut-être ; je suis partisan de la proposition de l'honorable M. Couvreur ; mais je vois qu'elle ne passe pas. Je me serais rallié avec empressement à la proposition de l'honorable M. Le Hardy de Beaulieu, si elle n'avait pas été retiré.
MfFOµ. - Messieurs, il y a dans la motion de l’honorable M. Couvreur un mélange d'idées économiques, financières et militaires ; je crois que ce mélange n'est pas heureux. La question de la défense du pays doit toujours être examinée en dehors des dépenses qu'il faut y consacrer.
M. Le Hardy de Beaulieuµ. - Consultez Vauban.
MfFOµ. - La situation financière du pays fût-elle cent fois plus brillante qu'elle ne l'est maintenant, que, sans aucun doute, nous ne devrions pas pour cela consacrer à la défense du pays des sommes que le soin de cette défense ne réclamerait pas. Mais aussi, la situation financière du pays fût-elle mauvaise, notre devoir serait de pourvoir à cette situation, afin d'affecter à la défense du pays toutes les sommes qui seraient reconnues nécessaires.
M. Le Hardy de Beaulieuµ. - En temps utile.
MfFOµ. - Sans doute, il faut proportionner le système de la défense aux ressources que peut présenter le pays ; mais vous avez mal compris Vauban ; ne confondez pas les ressources plus ou moins grandes du trésor avec les ressources du pays. Est-ce que, par hasard, le pays ne serait pas à même de faire face à une dépense de 40 millions pour son armée ?
M. Le Hardy de Beaulieuµ. - Même avec ses 1,200,000 pauvres.
MfFOµ. - Même avec ses 1,200,000 pauvres, puisque vous avez compté ce nombre de pauvres dans le pays.
Comment ? Nous avons le bonheur de vivre dans un des pays les plus riches et les plus prospères du continent, dans un des pays les moins taxés du continent, dans un des pays qui a la moindre dette du continent ; nous avons une situation qui ferait envie au reste du monde, et vous venez nous parler de la situation financière comme étant de nature à exercer une influence quelconque sur la question de défense du pays, sur celle qui intéresse au plus haut degré son existence comme nation ! Cela est-il admissible ?
On s'est donné la peine d'additionner les sommes qui ont été dépensées depuis 1830 pour l'entretien de notre état militaire, et l'on semble consterné en constatant qu'il a été dépensé de ce chef un milliard 400 millions ; et on se voile la face devant une pareille somme !
Je le demande, messieurs, qu'est-ce que cela signifie ? Quelle conclusion peut-on tirer de cette espèce d'épouvantail ? Mais si c'était pour pouvoir citer de gros chiffres, pour avoir sujet de s'effrayer de gros chiffres que l'on s'est livré à cet étrange calcul, pourquoi s'arrêter à 1830 ? Pourquoi n'a-t-on pas également supputé tout ce qui a été dépensé sous le gouvernement des Pays-Bas, sous l'empire, pendant la révolution, sous le gouvernement autrichien, sous le gouvernement espagnol, et même pendant les guerres de nos communes ? Vous auriez eu ainsi des centaines de milliards à citer : c'eût été bien plus effrayant, et votre thèse en eût été singulièrement renforcée.
Mais je vous ferai remarquer qu'il faudrait appliquer le même système à toutes nos institutions, à la justice, par exemple ; nous pouvons additionner ce que nous avons dépensé depuis 1830, pour cette partie importante de notre organisation sociale, et nous trouverions sans doute des millions en quantité. Et cependant pourrait-on en conclure que nous devons supprimer la justice ? Pas plus que l'addition de nos dépenses militaires ne peut nous amener à conclure que nous devons supprimer ou réduire la défense du pays ! Je ne comprends pas en réalité un pareil raisonnement.
En définitive, la question se réduit toujours à savoir si la dépense est nécessaire, si elle est justifiée.
Je m'étonne d'autant plus que l'honorable auteur de la motion d'enquête se soit associé à la théorie imaginée par son honorable voisin que, dans le discours, d'ailleurs fort remarquable, qu'il a prononcé hier et qui est empreint de sentiments auxquels je rends hommage, l'honorable membre vous a dit qu'il est disposé à faire pour la défense du pays les sacrifices les plus grands, et pour témoigner combien il poussait loin cet esprit d'abnégation pour un intérêt aussi considérable, il a déclaré qu'il irait jusqu'à lui sacrifier les principes mêmes de l'économie politique !
M. Bouvierµ. - C'est beau, cela !
MfFOµ. - Messieurs, la proposition qui vous est faite est en contradiction manifeste avec une résolution formelle arrêtée par la Chambre. La Chambre a pris acte de l'offre que lui faisait le gouvernement de présenter un rapport sur l'organisation de l'armée ; elle a décidé qu'elle attendrait ce rapport avant de se prononcer sur le budget. Telle a bien été, je pense, la décision de la Chambre.
Que vient proposer aujourd'hui l'honorable membre ? Il demande que, sans attendre ce rapport, sans examen préalable, sans savoir s'il y a ou s'il n'y a pas utilité, sans égard enfin pour sa propre résolution, la Chambre décide dès à présent le principe d'une enquête.
Messieurs, heureusement que l'honorable membre ne peut pas être soupçonné de s'être fait en cette circonstance le compère du ministère.
M. Jacobsµ. - Le ministère a donc des compères dans la Chambre ?
MfFOµ. - Vous pourriez l'être vous-même, sans le savoir.
Car enfin, si l'on avait voulu proposer un ajournement indéfini de la question du budget de la guerre, on n'eût pas trouvé un moyen qui conduisît mieux à ce but que la proposition formulée par l'honorable M. Couvreur.
L'honorable membre propose d'ouvrir une enquête générale, complète, sans limites, sur les diverses organisations militaires existantes. Il propose, qui plus est, non seulement d'enquérir sur toutes les questions qui peuvent se rattacher à ces organisations militaires, soit dans le pays, soit à l'étranger, mais de charger en outre la commission de décider quelle est la meilleure organisation et de la proposer à la Chambre. Or, messieurs, bien évidemment, il s'écoulera plusieurs années avant que la commission d'enquête ait pu terminer un travail de cette nature (Interruption). Mais l'honorable membre ne vous a-t-il pas dit : « Nous n'avons pas dans la Chambre les spécialités qui seraient indispensables pour former une pareille commission. Eh bien ! grâce à sa création, nous formerons, nous créerons ces spécialités. » C'est-à-dire que les membres de cette commission d'enquête vont commencer par faire une étude approfondie et complète de toutes les questions militaires. Cela leur sera indispensable, mais cela peut aussi les mener très loin.
Sans doute, messieurs, les organisations militaires ne sont pas choses tellement mystérieuses qu'il soit impossible de les pénétrer. Il n'est pas indispensable d'avoir endossé un habit galonné et de porter des épaulettes pour pouvoir s'en expliquer, pas plus qu'il n'est requis de s'être coiffé d'un bonnet de théologien, pour connaître la théologie. Mais tout au moins faut-il qu'on étudie la théologie et qu'on étude les systèmes d'organisation militaire, si l'ont veut s'occuper de ces questions avec connaissance de cause. Ce sera donc seulement après que les honorables membres que vous désignerez auront fait cette étude préalable, qu'ils pourront ouvrir leur enquête. Car, jusque-là, comment voulez-vous qu'ils jugent delà valeur des dépositions qui seront faites devant eux, qu'il interrogent utilement ceux qu'ils seront appelés à entendre et qui ne comprendraient peut-être pas leur langage ?
Il faudra donc, je le répète, un temps très long avant d'arriver à la solution de la question telle qu'elle est entendue par l'honorable membre.
Mais, à part même tous ces inconvénients, dont personne assurément ne saurait méconnaître l'importance, s'est-on bien rendu compte de la voie dans laquelle on voudrait entraîner la Chambre ? Je ne le pense pas : eh bien, si l'on veut bien y réfléchir, on s'apercevra que l'on veut l'engager dans une suite de difficultés inextricables.
Si j'ai bien compris les opposants au budget de la guerre qui ont (page 497) demandé à s'éclairer par un rapport, ils se sont réservé de dire, après la lecture de ce rapport : Nous sommes convaincus que l'organisation actuelle est bonne, ou nous sommes convaincus du contraire. Leur vote sera la conséquence de l'examen auquel ils se seront livrés. Dans la dernière hypothèse, ils voteront purement et simplement contre le budget, et la responsabilité de la situation restera à qui elle appartient, c'est-à-dire au gouvernement, au pouvoir exécutif. Mais avec le système de l'enquête, la responsabilité se trouvera en réalité transférée à cette commission d'enquête elle-même. C'est elle qui sera chargée de formuler une nouvelle organisation. (Interruption.)
Cela résulte des termes mêmes de la proposition : « Rechercher l'organisation militaire la plus propre à concilier la sécurité du pays avec ses ressources économiques. »
Et voilà la Chambre chargée de faire, par une commission de ses délégués, une organisation militaire. Le gouvernement est dépossédé de son action légitime, constitutionnelle, et par suite il est déchargé de la responsabilité qui lui incombe dans des conditions normales.
Mais pourtant, s'il ne se trouve personne pour accepter la charge de la mise à exécution de cette nouvelle organisation militaire décrétée par la Chambre, qu'arrivera-t-il ? Qui donc sera responsable de la situation ? La Chambre évidemment. Et, par voie de conséquence, la Chambre ira-t-elle jusqu'à nommer elle-même un ministre de la guerre ?
Evidemment, messieurs, c'est là vouloir engager la Chambre dans une voie, extrêmement dangereuse, que de la convier à faire une enquête dans les conditions indiquées par l'honorable M. Couvreur.
L'honorable membre s'est mépris, à mon sens, lorsqu'il a invoqué en cette matière l'exemple de l'Angleterre. Certes, on peut faire des enquêtes et l'on en a fait sur les questions militaires comme sur toutes les autres questions. Mais, en général, on fait des enquêtes sur des faits précis. On peut assurément faire une enquête pour savoir si l'organisation que nous avons est bonne ou mauvaise, laissant ensuite au gouvernement la responsabilité de la conclusion à prendre, sans que la commission d'enquête aille au delà de sa mission raisonnable.
On a fait en effet, en Angleterre, des enquêtes sur des questions relatives à l'armée. Par exemple, après la guerre de Crimée, on a recherché par cette voie si les plaintes que l'on avait fait entendre étaient fondées, si certains services étaient bien ou mal organisés. Mais jamais il n'est entré dans la pensée de personne, dans la chambre des communes, de vouloir transférer le pouvoir exécutif à une commission parlementaire, de déplacer la responsabilité qui incombe constitutionnellement au gouvernement, pour la reporter sur une commission parlementaire. Quant à moi, je pense que la Chambre ne peut consentir à s'engager dans une pareille voie.
Autre chose serait ce qui a été indiqué par d'autres honorables membres. Autre chose serait, après que le rapport du gouvernement aura été déposé, d'examiner s'il y a des faits précis sur lesquels on puisse faire porter une enquête, d'examiner, par ce moyen, si tel ou tel point déterminé est ou non suffisamment justifié. Mais charger une commission parlementaire de présenter une organisation militaire, c'est évidemment ce que la Chambre ne pourrait faire sans exposer gravement sa propre responsabilité.
M. Guillery. - Messieurs, je crois que la proposition de l'honorable M. Couvreur doit être adoptée et qu'elle peut, sans aucun inconvénient, être adoptée aujourd'hui.
Il m'est impossible en effet de voir dans le vote favorable à cette proposition une contradiction avec le vote qui ensuite accepterait le budget de la guerre.
Voter la proposition de l'honorable membre, c'est dire, me paraît-il, que la Chambre, constatant l'état de l'opinion publique, tient compte des vœux du pays, tient à jeter de la lumière sur la question de l'organisation militaire.
On ne peut pas contester, messieurs, qu'une opposition très forte et de laquelle on doit tenir compte dans un gouvernement constitutionnel, dans un pays qui s'occupe lui-même de ses affaires, ne se produise contre le budget de la guerre.
Une opposition de 29 voix et 8 abstentions, ce qui fait, en réalité, 37 voix, s'est prononcée, l'année dernière, contre le budget de la guerre, et cette opposition sera probablement augmentée cette année.
M. Coomans. - Les trois présidents de la Chambre.
M. Guillery. - Dès lors, messieurs, vous est-il possible de rester sourds au vœu du pays ?
Je sais que le gouvernement promet de déposer un rapport ; mais, suivant moi, ce rapport ne doit être que l'un des éléments de l'enquête proposée par l'honorable M. Couvreur. Il servira à éclairer la commission comme il servira à éclairer la Chambre. Mais le gouvernement ne peut pas avoir la prétention de tout condenser dans ce travail. Le rapport contiendra le système du ministre de la guerre, ce système sera défendu avec infiniment de talent ; il devra être examiné avec tout le soin, avec tous les égards possibles. Mais enfin c'est le système du ministre de la guerre, et il faudrait pouvoir y opposer le système d'autres personnes, qui pensent que l'organisation actuelle de l'armée est défectueuse.
La question n'est pas financière, je le reconnais bien volontiers ; mais enfin la question d'économie est quelque chose, sans doute. Il faut placer avant tout la défense du territoire ; il faut faire tous les sacrifices pour assurer l'indépendance du pays, et j'accorderai volontiers à l'honorable ministre des finances que s'il fallait un budget de la guerre double du budget actuel, on ne devrait pas hésiter à le voter ; mais, comme il l'a dit avec infiniment de justesse, il ne faut pas dépenser un centime de plus que ce qui est nécessaire.
Or, nous voyons qu'en France, qu'en Italie on réduit l'armée. Dans les pays qui ont un rôle militaire à remplir, sauf la Prusse, dont les menaces n'effrayent personne, tout le monde désarme ; toute l'Europe est à la paix, elle est plus à la paix qu'elle ne l'a jamais été depuis 60 ans. Et la Belgique resterait sourde à de pareils exemples ! elle, pays neutre, qui n'a que son territoire à défendre et qui n'a pas à prendre parti dans les guerres européennes !
Que le budget de la guerre soit voté, je le comprends parfaitement, mais y a-t-il contradiction à dire : Nous voulons examiner et avant que notre examen soit terminé, nous ne voulons rien changer à ce qui existe ?
On reprochait à l'honorable M. Le Hardy de Beaulieu de dire : Votons une réduction de 2 millions, dès à présent. La Chambre n'entrera pas dans ce système, la Chambre ne votera une réduction que quand elle sera éclairée ; mais le moyen de s'éclairer, c'est de nommer une commission d'enquête. Lorsque le rapport viendra, il sera le bienvenu ; il apportera son contingent de lumières, mais rien n'empêche de réunir d'autres éléments.
L'honorable ministre des finances craint que la nomination de cette commission ne constitue un empiétement sur les attributions du pouvoir exécutif. Si la commission, dit-il, propose un système nouveau, trouvera-t-elle un ministre de la guerre qui prenne la responsabilité de ce système ? Messieurs, cet argument, selon moi, prouve trop : la volonté de la Chambre ne doit-elle pas prévaloir en tout état de cause ? Que la proposition vienne du gouvernement ou qu'elle vienne de l'initiative d'un membre ou de l'initiative d'une commission, si la Chambre l'adopte, c'est la volonté de la Chambre, et cette volonté doit produire ses effets.
Si donc la Chambre décrète un budget de 25 millions ou un budget de 20 millions, alors même que le gouvernement aurait proposé un budget de 40 millions, il faut que le gouvernement se renferme dans les limites d'un budget de 25 ou de 20 millions. Viendra t-on dire qu'il ne se trouvera pas un seul général pour exécuter la décision de la Chambre ? La Chambre dira : Nous donnons des ordres et la Chambre trouvera un ministre de la guerre qui exécutera ses ordres. Dans un pays où tous les pouvoirs émanent de la nation, où il n'y a pas un seul pouvoir qui n'émane de la nation, c'est la volonté du pays qui doit, dans tous les cas, être obéie.
La commission, messieurs, est uniquement une commission consultative ; elle aura l'autorité nécessaire pour mander devant elle ceux qu'elle voudra interroger ; mais en dehors de cela, son enquête terminée, sans rapport déposé, cette commission n'est plus rien. Son rapport sera examiné par la Chambre en même temps que le rapport du gouvernement, en même temps que les propositions qui pourraient lui être faites par tels ou tels de ses membres. Le gouvernement combattra les propositions qui ne lui conviendront pas. Mais que résultera-t-il de ces débats ? Il en résultera que, à côté du système du gouvernement, défendu par des autorités respectables, par des voix éloquentes, par l'autorité des généraux les plus distingués, les plus instruits, à côté de ce système, vous aurez le système de la commission d'enquête.
Il y aura d'un côté l'honorable chef de l'armée se présentant devant nous avec toute l'autorité qui lui appartient, et déjà l'on nous dit et nos collègues mêmes nous disent : Vous êtes incompétents. Eh bien, vous aurez de l'autre côté le travail de la commission d'enquête, dans lequel nous trouverons les opinions qui auront été développées par des hommes incontestablement compétents ; dès lors, soit que je veuille maintenir le système actuel, soit que je veuille y substituer un système nouveau, je ne me rendrai pas seulement à la force des arguments, je céderai aussi à l'autorité des hommes compétents.
(page 498) Alors la discussion sera complète, elle sera libre, elle sera fructueuse, elle sera pratique.
En dehors de cela, messieurs, je crois qu'après le rapport de M. le ministre de la guerre nous ne serons pas plus avancés que nous ne le sommes aujourd'hui ; nous aurons l'opinion de M. le ministre de la guerre que nous connaissons et qu'il nous a promis de développer dans un rapport ; il y aura peut-être quelques modifications de détail, mais sur les questions fondamentales il n'y aura rien de changé. (Aux voix !)
Voilà, messieurs, ce que nous aurons ; mais nous n'aurons pas les éléments d'une discussion... et la patience avec laquelle la majorité m'écoule, bien que je n'aie parlé que cinq minutes, vous donne une idée de la liberté dont on jouit lorsqu'on veut discuter ici les questions militaires.
M. Couvreur.µ. - Messieurs, je n'abuserai pas des moments de la Chambre. Après ce que vient de dire l'honorable M. Guillery, je n'ai que quelques mots à ajouter. Je ne veux pas laisser clore ce débat sans protester énergiquement contre la théorie si peu constitutionnelle qu'a développée tantôt l'honorable ministre des finances. Cette théorie-là tend à enlever à la Chambre le droit d'enquête sur les questions militaires. Elle est la négation du droit d'initiative parlementaire.
M. Van Overloopµ. - Elle supprime les Chambres.
M. Couvreurµ. - Elle équivaut à la suppression du pouvoir législatif.
Je ne veux pas insister davantage. Je crois que toutes les paroles sont maintenant devenues inutiles. Les rôles sont nettement tracés.
Le gouvernement, M. le ministre des finances vous l'a dit, ne considère pas nos dépenses militaires comme trop considérables ; il ne croit pas que le pays les supporte impatiemment ; il est partisan du statu quo ; il conteste notre droit d'enquête ; quant à nous, nous ne sommes pas partisans du statu quo ; nous demandons la lumière et on nous la refuse.
Eh bien, votons là-dessus, et que le pays prononce entre nous.
MfFOµ. - L'honorable membre me fait dire beaucoup de choses que je n'ai point dites. C'est un moyen commode de combattre ses adversaires.
M. Couvreurµ. - Je vous ai très bien compris.
MfFOµ. - Vous m'avez au contraire très mal compris, et je suis persuadé que personne dans l'assemblée n'a donné à mes paroles le sens et la portée que vous leurs attribuez.
Selon l'honorable membre, j'aurais soutenu une théorie absolument inconstitutionnelle qui ne tendrait à rien moins qu'à la confiscation complète du pouvoir législatif.
Or, messieurs, je me suis borné à soutenir que la proposition de l'honorable membre, telle qu'elle était formulée, était inadmissible, et j'ai indiqué dans quelles conditions une enquête sur les affaires militaires était possible. J'ai dit qu'on ne pouvait charger une commission d'enquête de faire une organisation militaire, c'est-à-dire précisément ce qui est inscrit dans la proposition de l'honorable M. Couvreur. (Interruption.)
Vous proposez de faire faire une organisation militaire par une commission d'enquête, et dans quels termes faites-vous une semblable proposition ? Vous dites : Nous ne consulterons pas les officiers en activité de service, surtout si le gouvernement est opposé à l'enquête ; nous savons parfaitement qu'ils exprimeraient une opinion favorable à l'état de choses actuel. On ne consultera pas non plus les officiers en retraite, car, on sait d'avance quelle serait l'opinion de beaucoup d'entre eux. Mais faisons appel à des étrangers. Nous nous adresserons à des Américains, à des Anglais, pour savoir quelle est l'organisation militaire qui convient à la Belgique !
Voilà ce que l'honorable membre a indiqué et ce que j'ai combattu. Mais je n'ai pas contesté le droit de la Chambre.
Je n'ai pas dit davantage qu'aucune réduction ne dût être faites dans les dépenses militaires. J'ai seulement protesté contre cette idée, que je trouve malheureuse et absolument fausse, à savoir que les charges de notre état militaire sont excessives en égard aux ressources du pays.
La Belgique est, je le répète, un des pays les plus riches du continent. C'est le pays du continent le moins imposé, et l'un de ceux dont la dette est la moins élevée. Affirmer qu'un pays qui a le bonheur de se trouver dans une pareille situation ne fait pas de sacrifices trop considérables pour sa défense, est-ce dire que, s'il était reconnu que cette défense pût être assurée avec un sacrifice moindre, il ne faudrait pas réduire les charges actuelles ? Mais j'ai soutenu le contraire. J'ai dit que, sans examiner si la situation financière était bonne ou mauvaise, il fallait en premier lieu appliquer à la défense du pays toutes les sommes nécessaires pour assurer ce grand intérêt national.
- Plusieurs voix. - La clôture !
M. Coomans. - Je demande la parole.
MpVµ. - La clôture est demandée. Vous avez la parole sur la clôture.
M. Coomans. - J'étais inscrit avant la demande de clôture.
MpVµ. - Mais vous n'aviez pas la parole. Maintenant la clôture est demandée. Vous avez la parole sur la clôture.
M. Coomans. - C'est vrai, mais je déclare que j'avais une courte réponse à faire à l'honorable ministre des finances, et je demanderai à la majorité de la Chambre, si décidément il faut toujours mettre punctum après le magister dixit ?
La question est trop grave pour qu'on me refuse, non pas cette faveur, mais cette justice.
- Plusieurs membres. - La clôture !
M. Rodenbach. - Le ministre n'a jamais le dernier mot.
M. Coomans. - Il l'a malheureusement toujours. Le droit d'enquête de la Chambre est sans limite.
- Plusieurs voix. - La clôture !
- D'autres voix. - Parlez.
MpVµ. - M. Coomans, la clôture est demandée, je ne puis vous accorder la parole que sur la clôture.
M. Coomans. - Je faisais à la majorité l'honneur de croire qu'elle renonçait à la clôture.
M. Guillery (sur la clôture). - Messieurs, je dois faire un appel à la tolérance de la Chambre. Je lui ferai remarquer que toute la discussion relative au budget de la guerre roule, cette année, sur la proposition de l'honorable M. Couvreur. Le reste ne sera plus que l'accessoire ; il est probable que les articles seront votés sans discussion. La proposition s'est produite hier et c'est à peine si l'on y a consacre une séance. Je comprends parfaitement que l'on combatte cette proposition, mais je demande qu'on s'éclaire et qu'on ne prononce pas la clôture.
Comment, lorsque d'un côté on croit nécessaire aux intérêts du pays de nommer une commission qui éclaire la Chambre et le pays sur ses véritables intérêts, lorsque de l'autre on croit l'institution de cette commission inutile, c'est pour ainsi dire sans discussion qu'on voterait sur une pareille question. Ce ne serait pas digne de la Chambre.
M. Mullerµ. - M. Couvreur lui-même vient de demander qu'on procède au vote.
M. Van Overloopµ. - Je désire dire quelques mots.
MpVµ. - Sur la clôture ?
M. Van Overloopµ. - Non, sur la question ; il me semble que je n'abuse pas de la parole.
- Plusieurs membres. - La clôture !
M. Van Overloopµ. - Eh bien, je ne parlerai que sur la clôture.
Je dirai donc que quand un membre critique un article du budget de la guerre, on repousse cette critique en disant que celui qui la fait n'est compétent. Et quand on demande de pouvoir s'éclairer en s'adressant à des hommes compétents, on refuse d'accorder cette satisfaction.
Le principe du gouvernement que l'honorable ministre des finances a développé tantôt est celui-ci : C'est que tout ce qui ne vient pas de l'initiative du gouvernement doit être repoussé.
Eh bien, je dis que c'est là la suppression du régime parlementaire.
- Plusieurs voix. - La clôture !
M. Guillery. - L'appel nominal.
- Plusieurs membres. - Oui, l'appel nominal.
Il est procédé au vote par appel nominal.
89 membres y prennent part.
40 répondent oui :
49 répondent non :
En conséquence la clôture n'est pas prononcée.
Ont voté pour :
MM. Jacquemyns, Jamar, M. Jouret, Lange, Lebeau, Lelièvre, Lesoinne, Lippens, Mascart, Moreau, Mouton, Muller, Orban, Orts, Rogier, Sabatier, Tesch, Alp. Vandenpeereboom, Van Iseghem, Van Nieuwenhuyse, Warocqué, Allard, Ansiau, Bouvier-Evenepoel, Braconier, Crombez, de Baillet-Latour, de Bast, de Brouckere, de Florisone, De Fré, de Kerchove, de Rongé, Dolez, Dupont, Elias, Frère-Orban, Giroul, Hymans et Ernest Vandenpeereboom.
(page 499) Ont voté contre :
MM. Julliot, Kervyn de Lettenhove, Landeloos, Le Hardy de Beaulieu, Magherman, Nélis, Notelteirs, Reynaert, Rodenbach, Royer de Behr, Schollaert, Snoy, Tack, Thonissen, T'Serstevens, Vanden Branden de Reeth, Vander Donckt, Van Overloop, Van Wambeke, Vleminckx, Wasseige, Bricoult, Coomans, Couvreur, Debaets, de Conninck, de Decker, de Haerne, Delaet, Delcour, de Macar, de Mérode, de Moor, de Muelenaere, de Naeyer, de Ruddere de te Lokeren, de Smedt, de Terbecq, de Theux, Dewandre, de Woelmont, d’Hane-Steenhuyse, Dubois d'Aische, Funck, Goblet, Grosfils, Guillery, Hayez et Jacobs.
M. Thonissenµ. - J'ai l'honneur de déposer sur le bureau le rapport de la commission qui a examiné le projet de loi portant érection de la commune de Loxbergen.
- Impression, distribution et mise à la suite de l'ordre du jour.
MpVµ. - La parole est à M. Coomans.
M. Coomans. - Je n'abuserai pas du vote rationnel que la Chambre vient d'émettre. Si j'ai pris la liberté d'insister, c'est parce que je crois essentiel de protester contre la théorie professée par l'honorable ministre des finances. Selon moi, et, j'aime à le croire, selon l'immense majorité de cette assemblée, le droit d'enquête parlementaire est illimité ; il s'applique à tous les budgets. Dire que la Chambre n'a pas le droit de nommer une commission d'enquête...
M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - Personne n'a dit cela.
M. Coomans. - Dire que la Chambre n'a pas le droit de nommer une commission d'enquête chargée de lui proposer une nouvelle organisation de l'armée, un nouveau système d'établissement militaire, c'est nier l'une de nos plus précieuses prérogatives, c'est saper une base fondamentale du régime représentatif sérieusement exercé. Nous avons le droit de nommer une commission d'enquête qui serait investie des pouvoirs indiqués par M. Couvreur et de bien d'autres encore et à l'exercice de ce droit, je ne vois aucun inconvénient. Mais, dit l'honorable ministre des finances, vous déplacez la responsabilité des ministres, vous la jetez sur les épaules des commissaires de l'enquête. Nullement ; ce sera la Chambre qui sera souveraine, et de deux choses l'une, ou elle désapprouvera les conclusions de la commission d'enquête et alors l'argument de l'honorable ministre n'a pas de portée, ou la Chambre approuvera ces conclusions et alors force sera au gouvernement de les subir.
Mais dire, comme l'honorable ministre, que l'on ne trouverait pas de ministre de la guerre, que le système adopté par la Chambre ne serait, pas exécuté, c'est aller loin, c'est nier le droit parlementaire.
J'affirme donc que nous pouvons ordonner l'enquête, déterminer le programme de la commission, sauf à la majorité à se prononcer sur l'exécution de ce programment l'approuver, à le rejeter, à le modifier et qu'aucun des inconvénients signalés ne pourrait se présenter dans aucune hypothèse.
La théorie professée par M. le ministre des finances est très dangereuse ; heureusement elle est très fausse ; le budget de la guerre n'est pas plus sacré que les autres, et nous pouvons l'examiner librement, quand on veut bien nous en donner les moyens.
J'insiste sur ce point, car je serais fâché que la doctrine prussienne ou bismarkienne vînt à se propager en Belgique.
M. Couvreurµ. - Je désire dire a M. le ministre des finances que si tantôt j'ai pu m'exprimer avec quelque vivacité, c'est que j'étais sous l'impression d'un discours peut-être mal compris. Je prends acte des rectifications.
MfFOµ. - Du tout. C'est vous que j'ai rectifié.
M. Couvreurµ. - Des explications, si vous voulez, que vous venez de donner.
Je tiens aussi à déclarer que si tantôt j'ai dit : «Votons », ce n'était nullement pour enlever le droit de parler à ceux qui avaient l'intention de continuer le débat, et qu'ainsi mon vote contre la clôture n'est pas en opposition avec mes paroles.
Enfin, il m'est impossible de rester sous le poids d'une assertion de M. le ministre des finances. Il m'a mal compris lorsqu'il a cru que je voulais faire un appel à des officiers étrangers pour soumettre à leur critique notre organisation militaire. J'ai dit que je demanderais surtout à ces officiers, comme à tous les hommes compétents de l'étranger, des renseignements sur l'organisation militaire de leurs pays respectifs.
-La discussion est close.
MpVµ. - Nous sommes en présence de deux propositions ; celle de M. Couvreur et une proposition d'ajournement de M. Hymans. Celle-ci doit avoir la priorité ; je vais la mettre aux voix.
- Voix nombreuses. - L'appel nominal.
- Il est procédé au vote par appel nominal sur la proposition d'ajournement.
Voici le résultat du vote :
89 membres répondent à l'appel nominal.
49 votent pour l'ajournement.
39 votent contre.
1 (M. de Theux) s'abstient.
En conséquence l'ajournement est prononcé.
Ont voté pour l'ajournement :
MM. Jacquemyns, Jamar, M. Jouret, Kervyn de Lettenhove, Lebeau, Lelièvre, Lesoinne, Lippens, Mascart, Moreau, Mouton, Muller, Nélis, Orban, Orts, Rogier, Sabatier, Tesch, T'Serstevens, Alp. Vandenpeereboom, Van Iseghem, Van Nieuwenhuyse, Vleminckx, Warocqué, Allard, Ansiau, Bara, Bouvier-Evenepoel, Braconier, Crombez, de Baillet-Latour, de Bast, de Brouckere, de Decker, de Florisone, De Fré, de Kerchove, de Macar, de Mérode, de Moor, de Rongé, de Terbecq, Dewandre, Dolez, Dupont, Elias, Frère-Orban, Hymans et Ernest Vandenpeereboom.
Ont voté contre l'ajournement :
MM. Julliot, Landeloos, Le Hardy de Beaulieu, Magherman, Notelteirs, Reynaert, Rodenbach, Royer de Behr, Schollaert, Snoy, Tack, Thonissen, Vanden Branden de Reeth, Vander Donckt, Van Overloop, Van Wambeke, Wasseige, Bricoult, Coomans, Couvreur, Debaets, de Conninck, de Haerne, Delaet, Delcour, de Muelenaere, de Naeyer, de Ruddere de te Lokeren, Desmedt, de Woelmont, d'Hane-Steenhuyse, Dubois d'Aische, Funck, Giroul, Goblet, Grosfils, Guillery, Hayez et Jacobs.
MpVµ. - Le membre qui s'est abstenu est invité à faire connaître les motifs de son abstention.
M. de Theuxµ. - Je me suis abstenu sur la proposition d'ajournement, parce que ce vote ne conduit à rien. J'aurais préféré que l'on votât ouvertement pour ou contre la proposition de l'honorable M. Couvreur.
- La séance est levée à 5 heures.