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Chambres des représentants de Belgique
Séance du samedi 10 mars 1866

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1865-1866)

(Présidence de (M. E. Vandenpeereboom.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 500) M. de Florisone, secrétaire, procèdes l'appel nominal à 1 heure et un quart.

Il donne lecture du procès-verbal de la séance précédente.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Thienpont, secrétaire., présente l'analyse des pièces qui ont été adressées à la Chambre.

« Le sieur Provost, secrétaire communal à Astene, demande une loi qui fixe le minimum de traitement des secrétaires communaux. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« M. Crombez, obligé de se rendre à Tournai pour affaires urgentes, demande un congé. »

- Accordé.


« M. Jacobs demande un congé et déclare que, s'il avait été présent, il aurait voté contre le budget de la guerre. »

- Ce congé est accordé.

Projet de loi portant le budget du ministère de la guerre de l’exercice 1866

Discussion du tableau des crédits

Chapitre premier. Administration centrale

Article premier

« Art. 1er. Traitement du ministre : fr. 21,000. »

- Adopté.

Article 2

« Art. 2. Traitements des employés civils : fr. 154,810. »

MpVµ. - M. le ministre de la guerre, d'accord avec la section centrale, demande que le crédit qui figure à l'article 2 soit divisé comme suit :

« Charges ordinaires et permanentes. Traitement des fonctionnaires et employés civils : fr. 153,910.

« Charge extraordinaire et temporaire. Traitement d'un employé en non activité : fr. 900. »

- L'article 2, ainsi modifié, est adopté.

Article 3

« Art. 3. Supplément aux officiers et aux sous-officiers employés au département de la guerre : fr. 16,000. »

- Adopté.

Article 4

« Art. 4. Matériel : fr. 40,000. »

- Adopté.

Article 5

« Art. 5. Dépôt de la guerre : fr. 19,000.

« Charge extraordinaire : fr. 100,000. »

MpVµ. - A cet article, M. le ministre de la guerre a fait parvenir au bureau un amendement qui consiste à augmenter de 95,000 francs le chiffre de l'extraordinaire pour la confection de la carte militaire ; l'ordinaire serait de 19,000 francs et l'extraordinaire de 195,000 fr.

- L'article 5, ainsi modifié, est adopté.

Chapitre II. Etats-majors

Articles 6 à 8

« Art. 6. Traitement de l'état-major général : fr. 840,270 80. »

- Adopté.


« Art. 7. Traitement de l'état-major des provinces et des places : fr. 337,225 70. »

- Adopté.


« Art. 8. Traitement du service de l'intendance : fr. 165,928 50. »

- Adopté.

Chapitre III. Service de santé des hôpitaux

Articles 9 à 11

« Art. 9. Traitement des officiers de santé : fr. 244,910. »

- Adopté.


« Art. 10. Nourriture et habillement des malades ; entretien des hôpitaux : fr. 574,750. »

- Adopté.


« Art. 11. Service pharmaceutique : fr. 120,000. »

- Adopté.

Chapitre IV. Soldes des troupes

Article 12

« Art. 12. Traitement et solde de l'infanterie : fr. 13,313,175. »

Les crédits qui resteront disponibles, à la fin de l'exercice, sur les chapitres II, III, IV et VIII, concernant le personnel, pourront être réunis et transférés, par des arrêtés royaux, à la solde et autres allocations de l'infanterie, ce qui permettra le rappel sous les armes, pendant un temps déterminé, d'une ou de deux classes de miliciens, qui appartiennent à la réserve.

M. Vleminckxµ. - La fin des débats, dans la discussion générale, a été consacrée à des questions d'une telle gravité, que je n'ai pas trouve convenable d'en arrêter la solution par quelques observations de détail. J'ai réservé ces observations pour la discussion des articles. Je demande donc à la Chambre la permission de les lui présenter en ce moment.

J'ai été, je l'avoue, un peu ému du reproche indirect que m'a fait l'honorable ministre de la guerre, d'affaiblir, par mes réflexions sur les cachots et la compagnie de discipline, les liens de la discipline. Ce reproche, je ne l'ai pas mérité, et véritablement je serais confus de l'avoir encouru.

Je connais le besoin d'une bonne discipline et même d'une discipline sévère, puisque le mot a été prononcé ; mais il y a sévérité et sévérité. Il faut de la sévérité, je le reconnais, mais il y a une sévérité intelligente, et il y en a une qui ne l'est pas, et j'attribue à celle-ci l'écart qui existe, dans les envois à la compagnie de discipline. L'honorable ministre a donné pour expliquer cette situation, plusieurs motifs que je ne puis admettre : il nous a parlé d'abord du nombre relativement plus grand de remplaçants dans un corps que dans un autre, mais cette différence n'est pas telle qu'on puisse légitimement l'invoquer ici ; il nous a signalé ensuite une autre différence, c'est celle qui résulte de ce que tels corps sont sous la main des colonels tandis que d'autres ne le sont pas.

Malheureusement, messieurs, les faits ne viennent pas à l'appui de cet argument ; il résulte en effet du tableau qui nous a été mis sous les yeux, que ce sont précisément les régiments qui sont sous la main des colonels qui envoient le plus d'hommes à la compagnie de discipline, et puisqu'on a parlé de secret de Polichinelle, je n'hésite pas à les nommer ; ce sont le 1er de ligne tout entier en garnison à Liège, le 7ème à Gand, le 10ème et le 11ème à Anvers.

- Une voix. - Mais ce sont de grandes villes.

M. Vleminckxµ. - Mais Tournai est aussi une grande ville, et le régiment de ligne qui s'y trouve n'en envoie presque pas. Je maintiens donc qu'il y a là un vice qu'il convient de corriger.

Je sais les précautions que l'on prend pour décider l'envoi d'un homme à la compagnie de discipline, mais je sais aussi que les généraux et le ministre ne décident qu'après que les punitions ont été infligées, après que le fait est accompli.

Or, c'est précisément sur les punitions infligées que se portent mes observations, et je reste convaincu, en présence du tableau qui nous a été mis sous les yeux, qu'elles ne le sont pas toutes avec intelligence, que par conséquent tous les corps ne sont pas traités avec la même circonspection, circonspection qui, je le répète, n'exclut pas la sévérité.

L'honorable ministre ne me semble pas avoir une foi bien vive dans les effets de l'isolement. C'est une opinion, mais à coup sûr cette opinion n'est pas celle de la Chambre qui récemment a adopté la loi sur la mendicité, en vertu de laquelle les vagabonds valides, âgés de 14 ans, sont (page 501) condamnés à l’isolement, loi qui vient d'être promulguée, J'ai moi, une grande foi dans les effets de l'isolement ; à cet égard, l'expérience a parlé. Je n'appréhende pas, comme l'honorable ministre, que les soldats enfermés dans des cellules, et j'ajoute dans de bonnes cellules, cherchent à y revenir après les avoir quittées. Cela ne sera pas.

Et lorsque je parle de bonnes cellules, je m'explique ; je n'entends pas qu'on donne à nos soldats punis des cellules avec des jardins ; je nt demande pour eux qu'une chose, c'est qu'ils puissent y respirer un air pur qu'ils ne trouvent pas dans la plupart des cellules actuelles des casernes, et moins encore dans nos cachots, dont l'air est empesté.

Quelques mots encore sur l'arrêté du 18 avril 1854.

L'honorable ministre se trompe, je crois, lorsqu'il soutient que naguère la Chambre l'a engagé à faire un fréquent usage de l'article 3 de cet arrêté. Non, non, ce que plusieurs membres de cette Chambre ont voulu à une certaine époque, c'est que, malgré le droit conféré au roi par la loi de pensionner à 55 ans, on se gardât bien d'en user aussi longtemps que les officiers auraient été à même de faire un bon service. Voilà ce que la Chambre a voulu. Mais jamais, au grand jamais, elle n'a approuvé, recommandé, préconisé le régime des inégalités ; elle voulait l'abolition de la limite d'âge pour tous, c'est-à-dire une règle générale pour tous.

Je reste convaincu que le régime d'exception, quoi qu'ait pu dire l'honorable général, est un mauvais régime. S'il n'en a pas abusé, lui, d'autres peuvent en abuser.

L'arrêté du 18 avril 1854 est donc une porte ouverte à des abus, qu'il conviendrait de fermer.

Je n'admets d'exception que pour le temps de guerre. En temps de guerre, j'accorderai au gouvernement tout ce qu'il voudra en cette matière ; jamais je ne lui refuserai rien de ce qu'il croira nécessaire à la défense de la patrie contre l'envahissement de l'étranger.

M. le ministre de la guerre (M. Chazal). - Messieurs, je n'ai pas contesté d'une manière absolue que la différence entre les chiffres des hommes envoyés à la compagnie de discipline par les différents régiments peut provenir jusqu'à un certain point de la manière de voir des colonels. Il y a des chefs de corps qui se trouvent dans le cas de devoir hésiter à appliquer certaines punitions. Ainsi l'honorable M. Vleminckx a dit qu'il y a des cachots désastreux pour la santé ; eh bien, il y a des colonels qui n'imposent la punition du cachot que pour remplir les conditions voulues par les règlements pour l'envoi des hommes à la compagnie de discipline.

L'honorable M. Vleminckx a cité les régiments de certaines villes où il y a plus de disciplinaires que dans les régiments d'autres villes. Cela s'explique encore parce que, dans certaines villes, les occasions de plaisir et de débauche sont plus nombreuses que dans d'autres.

Ainsi, messieurs, après la discussion qui a eu lieu sur cet objet dans une précédente séance, j'ai mandé un colonel dont le régiment a un nombre assez considérable d'hommes à la compagnie de discipline. Je lui ai dit : il y a quelque temps, vous commandiez un régiment qui n'avait que peu d'hommes à la compagnie de discipline et depuis que vous commandez un nouveau régiment dans la capitale, vous avez beaucoup de disciplinaires.

Ce colonel m'a répondu que dans son ancien régiment le soldat n'avait pas les occasions de plaisirs et de désordres qu'on rencontre dans la capitale.

Pour maintenir la discipline dans son nouveau régiment, il a été obligé de recourir à des moyens coercitifs qu'il n'employait pas auparavant. Cela s'explique tout naturellement. Je ne prétends pas cependant que tous les colonels ont le même caractère, et que les uns ne sont pas plus sévères que les autres ; mais on ne peut en tirer les conclusions absolues de l'honorable M. Vleminckx.

Quant à l'arrêté relatif à la mise à la pension des officiers, j'ai donné des explications très catégoriques à son sujet.

J'ai dit que je suis d'avis en principe que, dans une armée, il ne doit pas y avoir d'exceptions ; mais que j'ai eu à subir la pression de la Chambre elle-même qui a manifesté, à plusieurs reprises, le désir qu'on ne pensionne pas, à la limite d'âge fixée par l'arrêté, les officiers encore valides et capables de rendre des services réels.

Je ne comprends pas que l'honorable M. Vleminckx fasse un reproche au gouvernement d'avoir maintenu un très petit nombre d'officiers, alors qu'étant inspecteur général du service de santé, il n'a jamais fait aucune observation à propos des médecins, qui ont tous été maintenus, après la limite d'âge.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - Au contraire, il les a soutenus.

M. Vleminckxµ. - Cela avait été admis.

M. le ministre de la guerre (M. Chazal). - Cela n'a jamais été admis d'une manière officielle ; il n'est intervenu ni arrêté royal, ni disposition ministérielle ; il n'y a eu que le désir du ministre de la guerre de satisfaire aux demandes de la Chambre, c'est parce que la Chambre a demandé que l'on conservât les officiers chargés d'un service plus ou moins sédentaire que le département de la guerre s'est empressé de maintenir en activité, pendant deux années de plus, les officiers du service de santé et les intendants militaires.

On a poussé les choses plus loin ; pour les officiers qui étaient à la tête d'établissements militaires tels que la fonderie de canons et l'arsenal de construction, on a également prolongé la limite d'âge.

C'est ainsi qu'on a maintenu pendant quelque temps M. Frederickx comme directeur de la fonderie de canons.

M. Coomans. - Il n'y a pas eu de vote de la Chambre là-dessus.

M. le ministre de la guerre (M. Chazal). - Non, il n'y a eu que le désir de lui donner satisfaction. Il serait en effet beaucoup plus commode pour moi, messieurs, de pouvoir mettre tous les officiers à la pension à la limite d'âge.

Il y aurait peut-être moins de réclamations et je me ferais moins d'ennemis, mais dans certaines circonstances je crois que cela serait préjudiciable aux intérêts de l'Etat.

Je préfère, messieurs, maintenir le principe et encourir une certaine impopularité.

Je pense que, quand on est à la tête des affaires, on doit savoir se mettre au-dessus des clameurs, des réclamations et des petites calomnies ; mais il faudrait, d'après moi, que les mesures exceptionnelles fissent toujours l'objet d'un arrêté royal motivé.

L'honorable M. Vleminckx prétend que le maintien de quelques officiers m'a mis en butte à beaucoup de rancunes, mais l'honorable membre doit savoir qu'on n'est jamais à la tête d'une administration sans exciter des plaintes. Il a dirigé une partie de l'administration de la guerre, le service de santé, et personne n'a suscité autant de réclamations, autant de calomnies même que lui.

L'honorable M. Vleminckx ne devrait donc pas trouver extraordinaire que je sois en butte à des réclamations soulevées par l'intérêt personnel froissé.

M. Vleminckxµ. - L'honorable ministre de la guerre me rappelle quelques faits de ma gestion comme inspecteur général du service de santé.

Il est très vrai qu'en ma qualité d'inspecteur général de ce service, je n'ai pas demandé la mise à la retraite des officiers que j'avais sous mes ordres à l'âge indiqué par l'arrêté du 18 avril 1854 ; mais pourquoi ? Précisément parce qu'il avait été convenu dans cette Chambre, M. le ministre de la guerre vient de le dire, que pour les officiers de santé et les officiers d'administration, la limite d'âge ne serait pas considérée comme la limite fatale, qu'il y aurait pour ces catégories d'officiers deux ou trois ans d'activité de plus, et dès ce moment j'eusse manqué à tous mes devoirs d'inspecteur général en proposant de faire pensionner les miens avant qu'ils n'eussent atteint la limite d'âge que le ministre avait indiquée à la Chambre et que la Chambre avait acceptée.

M. Bouvierµ. - C'est la Chambre qui est coupable.

M. Coomans. - La Chambre n'a rien décidé du tout.

- L'article est adopté.

Articles 13 à 16

« Art. 13. Traitement et solde de la cavalerie : fr. 3,818,590. »

— Adopté.

« Art. 14.Tiaitemcnt et solde de l'artillerie : fr. 3,217,606 25. »

- Adopté.


« Art. 15. Traitement et solde du génie : fr. 873,410. »

- Adopté.


« Art. 16. Traitement et solde des compagnies d'administration : fr. 285,200.

« Les hommes momentanément en subsistance près d'un régiment d'une autre arme compteront, pour toutes leurs allocations, au corps où ils le trouvent en subsistance. »

- Adopté.

Chapitre V. Ecole militaire

Articles 17 et 18

« Art. 17. Etat-major, corps enseignant et solde des élèves : fr. 185,413 27. »

- Adopté.


(page 502) « Art. 18. Dépenses d'administration : fr. 20,003 73. »

MpVµ. - La section centrale, d'accord avec le gouvernement, propose de porter le chiffre à 44,003 fr, 73 c.

- L'article ainsi amendé est adopté.

Chapitre VI. Etablissements et matériel de l’artillerie

Articles 19 et 20

« Art. 19. Traitement du personnel des établissements : fr. 48,500. »

- Adopté.


« Art. 20. Matériel de l'artillerie : fr. 800,000. »

- Adopté.

Chapitre VII. Matériel du génie

Article 21

« Art. 21. Matériel du génie : fr. 700,000. »

M. Allard. - L'honorable ministre de la guerre a répondu à la section centrale, qui lui avait demandé quelles étaient les places fortes qui seraient démolies, que son département examinait en ce moment la question de savoir si l'on conserverait le fort de la Chartreuse, à Liège, et la citadelle de Tournai. Or, je lis dans un journal de Tournai, arrivé à la Chambre ce matin, qu'il doit être procédé, sous peu, à une adjudication pour des travaux à faire à la citadelle de Tournai, et dont le coût doit s'élever à environ 10,000 francs.

Je demanderai à l'honorable ministre de la guerre si, en présence de la déclaration qu'il a faite, il n'y aurait pas lieu de surseoir à cette adjudication.

M. le ministre de la guerre (M. Chazal). - Les places dont le sort n'est pas encore décidé ne recevront aucune réparation et il ne sera fait aucune dépense pour leurs fortifications ; quoi qu'il en soit, dans les places condamnées, il y a certains établissements militaires qu'on doit continuer d'entretenir, tels que les casernes, les boulangeries, les magasins de toute espèce ; or, ce sont des travaux de cette nature qui seront mis en adjudication.

M. Allard. - On ne fera donc pas de réparations aux murs ?

M. le ministre de la guerre (M. Chazal). - Non.

- L'article est adopté.

Chapitre VIII. Pain, fourrages et autres allocations

Articles 22 et 23

« Art. 22. Pain : fr. 1,903,351 36. »

- Adopté.


« Art. 23. Fourrages en nature : fr. 3,105,894 60. »

- Adopté.

Article 24

« Art. 24. Casernement des hommes : fr. 632,506 36. »

M. Coomans. - Messieurs, l'autre jour, une déclaration de l'honorable ministre de la guerre m'a appris avec peine, et je dirai avec un peu de surprise, que le gouvernement n'avait pas les moyens de forcer les villes qui ont des garnisons, à les loger convenablement, humainement, hygiéniquement. C'est possible. Je ne veux pas entrer dans cette discussion.

Je dirai seulement, j'espère avec l'assentiment unanime de la Chambre, qu'il est très déplorable de voir nos soldats aussi mal logés qu'ils semblent l'être dans beaucoup de localités.

- Un membre. - C'est vrai ; à Bruxelles aussi.

- D'autres membres. - Ailleurs aussi, presque partout.

M. Coomans. - Messieurs, je passe un peu pour philanthrope (Interruption.)

Vous le prendrez dans le sens que vous voudrez, dans un bon ou dans un mauvais sens, mais on m'a dit quelquefois que j'étais philanthrope. Je ne sais pas si je dois m'en réjouir ou m'en plaindre : car on attache différents sens à ce mot. Mais enfin, comme philanthrope, à tort ou à raison, je désire que les prisonniers de l'Etat soient convenablement logés, et même qu'on ne leur coupe pas la tête.

Mais voici où je voulais en venir, c'est qu'en fait, nos criminels sont souvent mieux logés que nos soldats, et voilà ce qui m'indigne.

Si c'est être philanthrope que d'affirmer cela, je veux bien être philanthrope. (Interruption.)

Oh ! M. Bouvier....

M. Bouvierµ. - Mais je n'ai pas ouvert la bouche. Je vous écoute.

M. Coomans. - Je suis tellement habitué à vos interruptions que quand on m'interrompt à tort ou à droit, je crois que c'est vous. Je vous en demande pardon. (Interruption.)

Mais je joue dans les cartes de l'honorable ministre de la guerre ; ne m'interrompez pas.

M. Bouvierµ. - C'est bien heureux pour le cabinet.

M. Coomans. - Naguère, j'ai visité la prison pénitentiaire de Louvain, qui est admirable sous tous les rapports, je le reconnais. J'avais l'honneur de la visiter dans la compagnie accidentelle d'une vingtaine d'officiers de la garnison.

Après que nous eûmes inspecté tout l'établissement, je leur dis que j'étais fâché de ne pas pouvoir faire aux administrateurs des casernes le compliment que j'adressais volontiers au chef de la. prison pénitentiaire de Louvain, à savoir qu'il régnait là une propreté parfaite, ce qui est essentiel.

Ces officiers furent unanimes à me donner pleinement raison et à s'étonner que les législateurs n'élevassent pas plus souvent la voix dans le sens que je viens de dire.

J'ai visité des casernes, beaucoup de casernes, quoique je ne les aime guère, voire parce que je ne les aime pas. Eh bien, la plupart, je ne dis pas toutes, étaient très mal tenues, et je félicite le gouvernement de ce qu'il déclare qu'il n'y a pas de sa faute. Dans tous les cas, il y a la faute de quelqu'un. C'est la faute des villes, c'est la faute de je ne sais qui ; c'est notre faute à tous, qui permettons qu'un pareil état de choses se perpétue.

Il faut donc que cela cesse ; nous avons vu de grandes preuves, des preuves décisives de malpropreté dans ces établissements officiels ; et quand on force des hommes à se priver de leur liberté pendant plusieurs années, il serait par trop pénible encore de ne pas les traiter aussi bien que les criminels convaincus.

Maintenant c'est à vous à trouver des moyens de remédier à ce vice-là ; je constate le vice. Je dis que M. le ministre de la guerre ne peut pas dormir tranquille aussi longtemps que des fonctionnaires de l'Etat on ne peut plus honorables et qui n'ont pas mérité leur triste sort, seront moins bien traités que les malfaiteurs.

M. Teschµ. - Les miliciens sont mieux logés à la caserne que chez eux.

M. Coomans. - Demandez-leur à tous s'ils veulent rester à la caserne ou retourner chez eux ; tous quitteront la caserne ; tous préféreront rentrer dans la chaumière paternelle, quelque malpropre qu'elle soit ; elle vaut mieux qu'une prison d'Etat.

M. Teschµ. - Je parle du logement des miliciens ; c'est la question pour le moment.

M. Coomans. - Pensez-vous que les criminels soient mieux logés chez eux ? Est-ce une objection à me faire ?

Comment ! vous enlevez des hommes à leurs familles ; vous les privez de leur liberté ; ce que vous leur devez, c'est un traitement honnête, un traitement sain tout au moins.

Puisque vous faites de la philanthropie pour les malfaiteurs, faites-en pour les défenseurs de la Belgique.

Du reste, je m'adressais à M. le ministre de la guerre, défenseur légal de nos miliciens, et non à l’ex-ministre de la justice qui, comme tous les ministres de la justice, est le défenseur légal de nos mauvais drôles, lesquels ont toujours assez de défenseurs.

J'appelle donc l'attention de la Chambre et du gouvernement sur ce point-ci : Nous sommes d'accord que nos soldats sont mal logés. M. le ministre de la guerre, qui doit mieux le savoir que qui que ce soit, l'affirme ; et je crois pouvoir l'affirmer avec lui ; il s'agit donc de les mieux loger, et puisque nous en sommes à l'article « casernement », je vous soumets la question ; c'est au gouvernement d'abord à la résoudre, ensuite à nous, si le gouvernement n'y parvient pas.

M. Teschµ. - Messieurs, l'honorable préopinant, à propos d'une observation très sensée, je pensais, que je faisais, s'est permis à mon égard une allégation que je ne puis laisser sans réponse.

L'honorable M. Coomans a cru pouvoir dire qu'alors que j'exerçais les fonctions de ministre de la justice, je m'étais fait le défenseur des mauvais drôles...

M. Coomans. - Mon observation s'appliquait, non pas seulement à vous, mais à tous les ministres de la justice.

M. Teschµ. - L'honorable M. Coomans se rend très peu compte des devoirs qui incombent à un ministre, des intentions qui l'animent et du but qu'il poursuit, lorsque, par exemple, il vient défendre un système d'emprisonnement plutôt qu'un autre.

L'honorable M. Coomans croit que le système cellulaire est introduit (page 503) en faveur des mauvais drôles, il est dans une erreur capitale ; le système cellulaire est introduit dans l'intérêt de la société, contre les mauvais drôles et comme aggravation de la peine.

Si vous consultiez les mauvais drôles dont parle l'honorable M. Coomans, je doute que beaucoup d'entre eux préférassent le système cellulaire à l'emprisonnement en commun je crois qu'ils préféreraient, tous, le système ancien, fussent-ils même beaucoup plus mal logés que ne peuvent l’être aujourd’hui les miliciens sur lesquels l'honorable membre s'est apitoyé ; je crois qu'ils préféreraient le système ancien au système cellulaire, parce que le système cellulaire ne les prive pas seulement de toute liberté, mais encore de toute communication avec leurs codétenus.

Fidèle à ses antécédents, l'honorable M. Coomans a cru devoir saisir de nouveau l'occasion de me dire quelque chose de désagréable ; j’y suis habitué, et je n'en ai, du reste, aucun souci.

Un mot, après cela, sur la question en elle-même.

A mon avis, rien de moins sérieux que de comparer, par exemple, une prison à une caserne, de nous dire : « Nos militaires sont logés de telle façon, et les prisonniers sont logés de telle autre façon. » C'est comparer des choses complètement différentes. Pouvez-vous comparer le prisonnier qui est renfermé, comme on l'a dit, dans une chemise de pierre, qui est privé de toute espèce de liberté, d'espace et de communications, avec le soldat qui, dans sa caserne, jouit entièrement de sa liberté, sauf les exercices auxquels ils est soumis ?

Si vous voulez vous apitoyer sur le sort du milicien, ne le comparez donc pas au prisonnier, mais comparez-le à la situation ordinaire qu'il aurait dans la société. Eh bien, c'est sur ce point que portait mon observation, quand j'ai interrompu tout à l'heure l'honorable M. Coomans.

L'honorable membre trouve le milicien bien malheureux, bien digne de pitié ; eh bien, moi, je prétends que le milicien est mieux logé, beaucoup mieux nourri qu'il ne l'est chez lui ; voilà la vérité. Je défie qui que ce soit de contester ce point. Sur cent fois, cela est quatre-vingt-dix-neuf fois vrai. Donc, il n'y a pas lieu de s'apitoyer de ce chef sur le milicien.

Je n'entends nullement par là que les casernes actuelles soient dans les meilleures conditions hygiéniques possibles ; je n'entends pas par là que le département de la guerre ne doive pas faire tout ce qui dépend de lui pour améliorer le sort du milicien ; je n'entends pas que le milicien ne mérite pas une indemnité, et je serai peut être le premier à la voter, lorsque la question sera soumise à la Chambre. Mais venir toujours s'apitoyer sur le sort des miliciens, chercher à démolir tout, à tout dénigrer, c'est une mission que l'honorable M. Coomans s'est donnée et contre laquelle je protesterai aussi longtemps que j'en aurai l'occasion.

M. Coomans. - Messieurs, je m'étonne de l'intervention de l'honorable M. Tesch dans ce débat, quand je présentais tout à l'heure mes observations, je ne pensais pas même à lui ; comment dès lors ai-je pu saisir l'occasion de lui dire quelque chose de désagréable ? Je m'adressais à M. le ministre de la guerre et à la Chambre, et il n'y avait rien de désobligeant dans mes paroles ; M. le ministre de la guerre ne s'en est pas formalisé et l'honorable M. Tesch n'y était pour rien.

Je disais que nos miliciens étaient plus mal logés que les criminels.

M. de Mérodeµ. - C'est vrai.

M. Coomans. - J'ai pour moi l'attestation d'hommes très compétents, de beaucoup d'hommes très compétents.

L'honorable M. Tesch, pour faire dévier le débat, me suppose un grand partisan du système cellulaire. Il a dit que je préférais de beaucoup le système cellulaire...

M. Teschµ. - Je n'ai pas dit un mot de cela.

M. Coomans. - ... que je croyais que ce système, était beaucoup plus avantageux aux prisonniers que la détention en commun.

Il n'en est rien, je ne suis pas partisan du système cellulaire ; ce qui ne m'empêche pas de dire que la prison cellulaire de Louvain est admirablement organisée.

Mais est-ce un argument à m'opposer, à moi qui prétends que nos soldats sont mal logés, que de répondre qu'ils le sont tout aussi mal chez eux ? Quand vous leur prenez leur liberté, vous leur devez au moins une compensation.

Il n'est pas vrai que nos soldats soient plus heureux en caserne qu'en prison, attendu que l'honorable M. Vleminckx a prouvé avec force chiffres que beaucoup de nos soldats se font condamner à la prison pour échapper à la caserne. Cela résulte des discours et des chiffres présentés par l'honorable M. Vleminckx, et ces chiffres et ces discours n'étaient pas même nécessaires pour nous en convaincre. Nous savons tous qu'il en est ainsi.

Au fond, il ne s'agit pas de tout cela. Il s'agit de savoir si nos soldats sont bien ou mal logés. Je dis qu'ils le sont mal ; l'honorable M. Tesch trouve qu'ils le sont bien.

Voilà la question.

Or, s'ils sont bien logés, il n'y a rien à faire et j'ai tort. S'ils sont mal logés, j'ai raison, vous devez les loger convenablement, et n'importe que ce soit la faute de la commune, que ce soit la faute du gouvernement, il y a là un vice ; il y a une erreur ; il y a un quasi-crime qu'il faut faire cesser.

Cet argument de l'honorable M. Tesch consistant à dire que nos soldats sont mieux logés dans les casernes que chez eux, est un argument de négrier et de planteur.

Il y a de longues années que nous avons entendu soutenir par les planteurs du Sud que la servitude des noirs était une chose fort heureuse pour ces derniers, attendu que les noirs étaient beaucoup mieux nourris et entretenus en esclavage que lorsqu'ils étaient libres. Mais, je le répète, c'est là un argument de négrier et de planteur endurci.

- L'article est adopté.

Articles 25 à 29

« Art. 25. Renouvellement de la buffleterie et du harnachement : fr. 100,000. »

- Adopté.

« Art. 26. Frais de route et de séjour des officiers : fr. 100,000. »

- Adopté.

« Art. 27. Transports généraux : fr. 75,000. »

- Adopté.

« Art. 28. Chauffage et éclairage des corps de garde : fr. 70,000. »

- Adopté.

« Art. 29. Remonte : fr. 580,790. »

- Adopté.

Chapitre IX. Traitements divers et honoraires

Article 30

« Art. 30. Traitements divers et honoraires : fr. 136,725 40.

« Charges extraordinaires : fr. 773 80. »

M. Bouvierµ. - Dans une séance précédente, l'honorable ministre de la guerre a tenu le langage suivant :

« Il me reste à examiner une dernière question : c'est la situation des officiers pensionnés. » Ici, je me rallie de grand cœur à l'avis de l'honorable M. Vleminckx. Je partage sa manière de voir, celle de l'honorable M. Lelièvre et celle de l'honorable M. Thonissen. Je suis parfaitement d'accord avec eux, que la pension des officiers est véritablement déplorable. Il serait juste de faire quelque chose pour eux et si, en attendant la révision de la loi, il était possible de leur accorder l'augmentation de 10 p. c. qu'on a faite sur la plupart des traitements, ce serait une chose très équitable. »

Messieurs, ces paroles sont très sympathiques aux officiers pensionnée, je me plais à le constater. Je ne dois pas dissimuler non plus que je partage aussi la manière de voir des honorables membres qui ont prêté le concours de leur parole à ces officiers, et je m'associe au langage sympathique de l'honorable ministre de la guerre. Mais il ne suffit pas d'exprimer des paroles bienveillantes.

Je voudrais que ces paroles se réduisissent en actes. Je voudrais, par exemple, que M. le ministre de la guerre apportât courageusement devant la Chambre un projet de loi en faveur des officiers pensionnés.

Personne dans cette Chambre ne soutiendra que la pension dont jouissent ces vétérans de l'armée ne soit des plus maigres.

Or, messieurs, je l'ai dit et je le répète, il est temps que l'on ne se borne plus à de la sympathie en parole ; il faut mieux que cela. Je demande qu'ils ne se trouvent plus en lutte constante avec les nécessités et les besoins de tous les jours auxquels ils ont à pourvoir pour eux et pour leur famille.

J'espère, en conséquence, que l'honorable ministre nous apportera un projet de loi pour faire cesser la situation déplorable, misérable et cruelle à laquelle je viens de faire allusion.

M. Mullerµ. - Les dernières paroles de l'honorable M. Bouvier pourraient déterminer le département de la guerre a présenter un projet de loi tendant à modifier les pensions uniquement en faveur des officiera pensionnés.

Je suis d'avis que si l'on s'occupe d'une révision des pensions, elle doit porter sur les vieux serviteurs de l'Etat dans l'ordre civil comme sur les vieux serviteurs de l'Etat dans l'ordre militaire, et pour mon compte je ne pourrais admettre un projet qui ferait une distinction entre les uns et les autres.

(page 504) - L'article est adopté.

Article 31

« Art 31. Frais de représentation : fr. 50,000. »

- Adopté.

Chapitre X. Pensions et secours

« Art. 32. Pensions et secours : fr. 103,150.

« Charge extraordinaire : fr. 2,973 86. »

- Adopté.

Chapitre XI. Dépenses imprévues

Article 33

« Art. 33. Dépenses imprévues non libellées au budget : fr. 16,171 37. »

- Adopté.

Chapitre XII. Gendarmerie

Article 34

« Art.34. Traitement et solde de la gendarmerie : fr. 2,144,270 »

- Adopté.

Second vote des articles et vote sur l’ensemble

La Chambre décide qu'elle passera immédiatement au vole définitif du budget.

L'article 5, modifié au premier vote, est définitivement adopté.


La Chambre passe à la délibération sur le projet de loi.

« Art. 1err. Le budget du ministère de la guerre est fixé, pour l'exercice 1866, à la somme de trente-cinq millions seize mille quatre cent francs (35,016,400 fr.), conformément au tableau ci-annexé. »

- Adopté.

« Art. 2. Le gouvernement est autorisé à prélever, sur les crédits ouverts aux articles 12, 13 et 21 du budget, les sommes nécessaires pour pourvoir à l'insuffisance du crédit qui pourrait résulter du renchérissement des denrées fourragères sur les articles 6, 7, 8, 9, 14, 15, 25 et 34. »

- Adopté.


Il est procédé au vole par appel nominal sur l'ensemble du budget.

84 membres sont présents.

47 adoptent.

25 rejettent.

12 s'abstiennent.

En conséquence le budget est adopté.

Ont voté pour :

MM. Thonissen, T'Serstevens, Valckenaere, Alp. Vandenpeereboom, Vanderstichelen, Van Iseghem, Van Nieuwenhuyse, Van Overloop, Warocqué, Allard, Ansiau, Bara, Bouvier-Evenepoel, Braconier, Bricoult, de Baillet-Latour, de Bast, de Brouckere, de Decker, de Florisone, De Fré, de Haerne, de Kerchove, de Macar, de Moor, de Rongé, de Terbecq, de Theux, Dolez, Dupont, Elias, Frère-Orban, Hymans, Jacquemyns, Jamar, M. Jouret, Lange, Lebeau, Lippens, Mascart, Muller, Orban, Rogier, Sabatier, Schollaert, Snoy et Tesch.

Ont voté contre :

MM. Vander Donckt, Van Wambeke, Beeckman, Coomans, Couvreur, Debaets, de eonninck, Delaet, de Muelenaere, de Smedt, de Woelmont, d'Hane-Steenhuyse, Dubois, Goblet, Grosfils, Guillery, Hayez, Landeloos, Le Hardy de Beaulieu, Mouton, Notelteirs, Reynaert, Rodenbach, Royer de Behr et E. Vandenpeereboom.

Se sont abstenus :

MM. Vleminckx, de Borchgrave, de Mérode, de Naeyer, de Ruddere de Te Lokeren, Dewandre, Julliot, Kervyn de Lettenhove, Magherman, Moreau, Nélis et Pirmez.

M. Vleminckxµ. - J'ai dit, l'année dernière, les motifs de mon abstention ; ils sont exactement les mêmes aujourd'hui.

M. de Borchgraveµ. - Je me suis abstenu par les motifs que j'ai fait connaître lors du vote précédent, concernant le même budget.

M. de Mérodeµ. - Je n'ai pas voté contre le budget de la guerre, parce que je ne veux point porter atteinte à l'organisation de l'armée, sans un examen sérieux et préalable ; je n'ai pas voté pour, désirant prendre connaissance du rapport déposé par M. le ministre de la guerre, pour me former une conviction sur l'organisation nouvelle à donner à notre armée, que je veux solide et appropriée à notre système actuel de défense.

M. de Naeyerµ. - Je ne me suis pas prononcé contre le budget de la guerre, parce qu'il a été fait en exécution d'une loi organique que j'ai votée et qui est toujours en vigueur ; mais je suis forcé de reconnaître, parce que telle est ma conviction, que cette loi rencontre aujourd'hui une vive opposition dans l'opinion publique qui révoque en doute la nécessité, la légitimité même des dépenses et des charges résultant de notre établissement militaire. Cette situation est grave, et nous devons en tenir sérieusement compte ; or, la discussion m'a prouvé que le gouvernement ne se préoccupe pas assez de cette situation : tel est le principal motif de mon abstention.

M. de Ruddere de Te Lokeren. - Je n'ai pas voté pour, parce que je désirais une diminution sur le budget de la guerre, et je n'ai pas voté contre, pour ne pas entraver le service de l'administration de la guerre.

M. Dewandreµ. - Je me suis abstenu parce que, si, d'une part, je suis prêt à voter, quel qu'en soit le chiffre, toutes les sommes nécessaires à la défense de notre indépendance nationale, d'autre part, l'inexécution pendant seize mois, par le département de la guerre, de la promesse qu'il nous a faite d'un rapport ne me permet pas de voter le budget qu'il nous a présenté.

M. Julliot. - Messieurs, depuis dix-huit ans j'ai voté le budget de la guerre.

Dans la discussion de l'année dernière, j'ai dit que si l'on continuait à dépenser pour la guerre huit à dix millions de plus qu'on ne dépensait autrefois, j'aurais à délibérer. Nous sommes toujours devant l'inconnu. Je n'ai donc pas voté contre ce budget pour ne pas entraver le service dans le courant de l'exercice.

Je n'ai pas voté pour, parce que je veux une modification à l'organisation actuelle qui maintient un plus grand nombre d'hommes sous les armes, en tenant nos miliciens plus longtemps en activité de service. Cette organisation a aggravé considérablement, et la position des miliciens, de leurs parents, et celle du trésor public.

Je me suis donc abstenu comme transition entre l'adoption et le rejet de ce budget.

M. Kervyn de Lettenhove. - Je me suis abstenu dans les sessions précédentes lors du vote sur le budget de la guerre. Aujourd'hui, sous l'empire des mêmes motifs, ma détermination est restée la même et je la justifierai le plus brièvement possible.

Plein de sympathies pour notre armée, m'associant par ces sympathies aux glorieuses épreuves des braves qui sont sortis de son sein pour combattre sur des rives éloignées, j'appelle de mes vœux un état de choses qui donne comme base au service militaire le dévouement généreux qui porte à embrasser une profession honorable, la solidité des cadres, la formation sérieuse des réserves et où, de plus, une légitime rémunération serait acquise à ceux qui consacrent leurs plus belles années à la défense de la patrie. Mais je ne tiens pas moins compte de ce grand intérêt du pays qui doit strictement limiter des dépenses improductives à ce qu'exigent son honneur et son indépendance ; je ne puis pas davantage oublier le caractère de notre existence politique qui nous permet de suivre de loin les grandes nations dans leurs dépenses militaires et d'être les premiers à les imiter quand elles réduisent leurs armements.

Pour atteindre ce double but, j'avais le droit d'attendre beaucoup de la loi de milice dont l'examen, si profondément lié à l'intérêt général, est ajourné d'année en année et trop souvent sacrifié à des questions politiques, funestes ou stériles. J'aurai aussi à peser mûrement la révision de la loi d'organisation de l'armée, révision qui sera la conséquence du rapport du département de la guerre.

Je chercherai, messieurs, dans cet ordre d'idées, le moyen de concilier mon devoir de voter un budget de la guerre modéré dans ses chiffres et ma sympathie pour l'armée, qui doit surtout trouver sa force dans la valeur de ses éléments. En ce moment, je ne veux ni renverser ce qui existe, ni en faire l'objet de mon approbation.

M. Maghermanµ. - Je me suis abstenu par les motifs que j'ai indiqués lors du vote de la loi du contingent de l'armée. Je désire vivement de voir réaliser des économies dans notre organisation militaire ; toutefois avant de prendre une attitude décisive, j'attends que la Chambre soit saisie du rapport qui nous est promis depuis longtemps.

M. Moreauµ. - Messieurs, les motifs de mon abstention sont les (page 505) mêmes que ceux que j'ai indiqués les années précédentes. Je n’ai pas voté pour le budget de la guerre parce que je n'ai pas donné mon assentiment à la loi sur l'organisation de l'armée. Je n'ai pas voté contre, parce que le budget de la guerre n'est que l'application de cette loi.

M. Nélisµ. - Je n'ai pas voté le budget de la guerre, parce que je pense qu'il est possible d'assurer la sécurité et l'indépendance du pays, sans imposer à la nation des dépenses aussi considérables.

Je n'ai pas voté contre, parce que je ne veux pas que mon vote puisse, en rien, compromettre un service public aussi important.

M. Pirmezµ. - Depuis que je fais partie de la Chambre, j'ai voté le budget de la guerre ; et j'espère que si j'ai encore à émettre un vote sur ce budget, je pourrai lui donner un vote approbatif.

Mais je ne puis que m'abstenir aujourd'hui.

Je crois que nous devons avoir une armée forte, assurant dans les limites du possible la défense nationale ; et pour atteindre ce but, il faut mettre sur le second plan la question des sommes qui y sont nécessaires.

Mais j'ai aussi la conviction que le gouvernement est, à l'égard du budget de la guerre, dans une voie regrettable.

Il y a dans l'armée des changements considérables à faire : il est impossible que l'adoption du système de défense qui a fait d'Anvers une immense place de guerre dans laquelle doit se concentrer l'armée, n'ait pas appelé des modifications dans l'organisation de l'armée. Le bon sens dit assez qu'il y a notamment lieu à supprimer une partie de notre cavalerie.

Bien loin de faire ces changements, le gouvernement cherche à conserver ce qui est, et à les repousser non seulement par des raisons, mais encore par des prétextes. On empêche ainsi l'armée d'avoir toute la force qu'elle doit posséder, on ne tire pas tout le parti des sacrifices que le pays s'impose dans l'intérêt de sa défense, et on lui ôte le sentiment de la nécessité de ces sacrifices.

J'engage le gouvernement à saisir l'occasion que lui offrira le rapport qu'il a promis, pour présenter à la Chambre une organisation nouvelle de l'armée.

En attendant, je n'ai voulu ni rejeter un budget nécessaire, selon moi, ni donner mon approbation à une marche que je ne puis que blâmer.

Rapports sur des pétitions

M. Julliot, rapporteur. - Par pétition datée de Lanaeken, le 15 janvier 1866, les membres du conseil communal de Lanaeken réclament l'intervention de la Chambre pour obtenir de la compagnie concessionnaire du chemin de fer de Liège à Maestricht de retarder de quelques minutes le départ de Liège.

D'après la pétition du conseil communal de Lanaeken, la Société du chemin de fer de Liège à Maestricht se permet un fait qui ne doit pas être toléré, à savoir : qu'elle délivre à Liège les billets pour toutes les stations intermédiaires entre Maestricht et Landen, alors qu'elle sait que son train arrive toujours deux à trois minutes après le départ du train de Maestricht pour Landen. Ce procédé est d'autant moins explicable que le train de Liège à Maestricht s'arrête à cette ville et que ce train pourrait partir quelques minutes plus tôt de Liège. Le gouvernement étant à même de pouvoir mettre ordre à ce désordre dans les relations, votre commission a l'honneur de vous proposer le renvoi de cette pétition à M. le ministre des travaux publics.

- Adopté.


M. Julliot, rapporteur. - Par pétition datée de Bruxelles, le 24 janvier 1866, le sieur de Mat adresse à la Chambre le projet de rues qu'il a soumis à la ville de Bruxelles et demande que la loi permette l'expropriation par zones s'étendant jusqu'à 53 mètres, en plus ou en moins, jusqu'à un minimum de 20 mètres suivant l'étendue des propriétés à exproprier.

Messieurs, la législation sur l'expropriation pour cause d'utilité publique n'est pas fort ancienne ; on en trouve un des premiers vestiges dans deux mandements de deux princes évêques de Liège, Clément de Bavière et Louis de Berg, ces mandements sont datés du 4 mars 1713 et du 30 octobre 1735.

Or, pour celui qui a connu la ville de Liège, il y a 40 ans, avec ses rues étroites et tortueuses, alors qu'elle portait le cachet de la ville la plus malpropre de la Belgique, il est déjà démontré que les lois de l'espèce sont d'une application difficile par les obstacles qu'elles rencontrent dans leur exécution.

Il en est encore de même aujourd'hui ; en Belgique la loi de 1810 a été retouchée par celles des 17 avril 1835 et 1er juillet 1858, et les pouvoirs publics ne sont nullement d'accord sur le plus ou le moins de leur application.

La loi de 1858 accorde l'expropriation par zones, mais cette expropriation est-elle applicable à l'embellissement comme à l'assainissement ? Les uns disent oui, les autres répondent non.

Votre commission pense, messieurs, qu'il est urgent de reprendre l'examen de ces questions qui dans nos lois ne sont pas assez nettement résolues, et on se demande :

1° Ne faut-il pas, comme en France, faire une loi spéciale pour les villes importantes dépassant une population de 100,000 âmes par exemple ?

2° Ne serait-il pas utile d'admettre dans ces cas l'expropriation par zones pour l'embellissement comme pour l'assainissement ?

3° Ne faudrait-il pas aussi augmenter la valeur vénale de 50 ou 75 p. c. en vue du sacrifice moral qu'on exige de celui qu'on expulse de sa propriété par la force ?

Telles sont les questions à résoudre dans les modifications à introduire aux lois existantes.

Du reste, messieurs, votre commission reconnaît que le progrès social révèle de nouveaux besoins, que l'expropriation pour cause d'utilité publique telle qu'elle est pratiquée, favorise injustement les propriétés voisines de la partie expropriée en ce qu'elles obtiennent, en règle générale, une plus-value considérable aux dépens des caisses communales.

Il est à désirer que les améliorations à introduire se payent elles-mêmes, et de ce chef l'expropriation par zones pourrait être appliquée dans des mesures assez larges en indemnisant généreusement le propriétaire exproprié.

Dans ces termes, votre commission a l'honneur de vous proposer le renvoi de cette pétition à MM. les ministres de l'intérieur et de la justice.

- Adopté.

Projet de loi modifiant les limites des communes de Rumes et de Taintignies

Rapport de la commission

M. T'Serstevens dépose le rapport sur le projet de loi délimitant les communes de Rumes et de Taintignies.

- La Chambre ordonne l'impression et la distribution de ce rapport et le met à la suite de l'ordre du jour.

Rapports sur des pétitions

M. Bouvier, rapporteurµ. - Par pétition datée de Niel-Saint-Trond, le 17 novembre 1865, le conseil communal de Niel réclame l'intervention de la Chambre pour que le gouvernement fasse paver ou empierrer le chemin de détournement vers la station de Gingelom.

Conclusions : Renvoi à M. le ministre des travaux publics.

- Adopté.


M. Bouvier, rapporteurµ. - Par pétition datée de Gand, le 15 novembre 1865, le sieur Reynaerts,. ancien lieutenant, se plaint de la conduite qui a été tenue à son égard avant sa mise à la pension.

Conclusions : Ordre du jour.

- Adopté.


M. Bouvier, rapporteurµ. - Par pétition datée d'Opitter, le 30 octobre 1865, les membres de l'administration communale d'Opitter demandent que le chemin de fer destiné à relier les villes de Hasselt et de Maeseyck passe par Wychmael, Peer et Bréc.

Même demande des membres des administrations communales de Neerpelt, Exel, Lille-Saint-Hubert, Achel, Overpelt, Hamont, Neerglabbeek, Wynhagen, Meuwen, Beeck, Bocholt, Tongerloo, Gruitrode, Houthalen, Caulille, Molen-Beersel, Reppel, Ellicom, Hechtel, Peer, Grand-Brogel, Gerdingen, Helchteren, Petit-Brogel, Lommel, Wychmael et Kinroy.

Conclusions ; Renvoi à M. le ministre des travaux publics.

- Adopté.


M. Bouvier, rapporteurµ. - Par pétition datée de Jodoigne, le 31 août 1865, des employés pensionnés des contributions et douanes dans le canton de Florenville demandent la révision des lois sur les pensions civiles.

Conclusions : Renvoi à M. le ministre des finances.

- Adopté.


M. Bouvier, rapporteurµ. - Par pétition datée de Tervueren, le 14 novembre 1865, le sieur Swevers demande un congé illimité, ou du moins temporaire, pour son fils, Joseph-Pierre, milicien de la levée de 1863.

Conclusions : Ordre du jour.

- Adopté.


M. Bouvier, rapporteurµ. - Par pétition datée de Maldeghem, le 25 octobre 1865, le sieur Willems demande que son neveu Jean François De Roo, soldat au 2ème régiment de chasseurs à pied, soit renvoyé dans ses foyers.

Conclusions : Ordre du jour.

- Adopté.


(page 506) M. Bouvier, rapporteurµ. - Par pétition datée de Stekene, le 6 novembre 1865, le sieur Dewispelaere, combattant de 1830, demande la décoration de la croix de Fer avec jouissance de la pension qui est attachée à cette distinction.

Conclusions : Ordre du jour.

- Adopté.


M. Bouvier, rapporteurµ. - Par pétition datée de Bruxelles, le 11 novembre 1865 le sieur Van den Bussche, colonel pensionné, prie la Chambre d'accorder à tous les officiers pensionnés le grand maximum y compris le cinquième en sus pour les 10 années de grade.

Conclusions : Renvoi à M. le ministre de la guerre.

- Adopté.


M. Bouvier, rapporteurµ. - Par pétition datée de Liège, le 30 juillet 1865, le sieur Grisa demande une augmentation de pension pour les blessés de septembre.

Conclussions : Ordre du jour.

- Adopté.


M. Bouvier, rapporteurµ. - Par pétition sans date, le sieur de Wouters demande que la garde civique soit organisée en deux bans et que le service du premier ban ne soit obligatoire que jusqu'à l'âge de 30 ans.

Conclussions : Ordre du jour.

- Adopté.

M. Coomans. - Je demande la parole.

- Un membre. - C'est voté.

M. Bouvier, rapporteurµ. - Je ferai rapport tout à l'heure sur des pétitions du même genre et alors l'honorable M. Coomans aura l'occasion de parler aussi longtemps qu'il le désirera.

M. Coomans. - Je ne veux faire violence ni à la Chambre ni à M. le président. Il est possible que j'aie demandé un peu trop tard la parole, mais peut être l'honorable président a-t-il clos trop vite la discussion.

J'admets la réalité de l'observation faite par l'honorable rapporteur ; cependant si la Chambre passait déjà à l'ordre du jour sur cette pétition, elle serait peut-être obligée, ne fût-ce que par amour-propre, de passer encore à l'ordre du jour sur des pétitions suivantes qui sont identiques-

MpVµ. - M. Coomans, vous avez la parole.

M. Coomans. - Je trouve les conclusions de la commission trop sévères.

Ce sont des gardes civiques qui vous proposent un changement à la loi sur la garde civique. Nous ne pouvons pas passer à l'ordre du jour, à moins de déclarer que notre loi sur la garde civique est la perfection même et cela au moment même où le gouvernement et nous tous nous nous préoccupons d'une réorganisation de l'armée ; je ne vois pas pourquoi on n'y comprendrait pas la garde civique. On peut bien jeter les yeux sur la garde civique quand on songe à réformer toute notre organisation militaire.

Je ne propose pas à la Chambre d'approuver ni d'improuver la pétition que je n'ai pas même lue dans ses détails, mais je propose le renvoi de cette pétition et d'autres pétitions analogues à M. le ministre de l'intérieur sans rien préjuger. M. le ministre de l'intérieur pourra, s'il le juge convenable, la communiquer à son collègue de la guerre.

M. Bouvierµ. - Je n'ai pas voulu donner lecture de cette pétition à la Chambre. Je suis persuadé que si l'honorable M. Coomans savait quel est le signataire de cette pièce, il ne se serait pas donné la peine de prendre la parole.

Cette pétition est signée par M. l'abbé de Wouters. C'est un abbé qui demande que la garde civique soit organisée en deux bans.

M. de Moorµ. - Ce n'est pas là un motif pour passer à l'ordre du jour.

M. Coomans. - Les abbés ont raison quelquefois.

M. Bouvierµ. - Vous comprenez, messieurs, que la commission, en présence de la signature d'un abbé au bas de cette pétition, a dû, dans l'intérêt de la dignité de la Chambre, vous proposer l'ordre du jour.

M. Delaetµ. - Est-ce qu'un abbé n'est pas un citoyen belge ? Est-ce qu'il n'a pas le droit de pétition ?

M. Bouvierµ. - Je ne dis pas qu'un abbé n'est pas un citoyen belge ; mais vous comprenez que nous n'avons pas pu prendre au sérieux la signature de cet abbé, demandant que la garde civique soit organisée en deux bans, attendu que les abbés ne font pas partie de la garde civique.

M. Thonissenµ. - Cela ne fait absolument rien.

M. Bouvierµ. - Et voilà pourquoi nous avons demandé l'ordre du jour.

En tout autre circonstance, nous aurions pu demander le renvoi à M. le ministre de l'intérieur.

M. Coomans. - Je ne connaissais pas cet abbé ou cet ex-abbé de Wouters. Il paraît, d'après ce que l'on vient de me dire, que si je le connaissais je n'aurais pas lieu de m'en féliciter.

Je ne sais cependant si, parce qu'une pétition ayant trait à un objet semi-militaire, à la garde civique, est signée par un abbé, il faut l'écarter par l'ordre du jour, à moins de soutenir qu'il faut modifier certain article de la Constitution portant que les Belges ont le droit de pétition, en y introduisant ces mots : « excepté les abbés. »

Je crois aussi qu'il faut bien moins avoir égard aux signatures qu'au texte signé. Or, c'est du texte que je me suis préoccupé.

J'ai entendu non pas un nom, mais un individu, se plaindre de l'organisation actuelle de la garde civique et nous proposer une division en deux ou trois bans.

M. Bouvierµ. - En deux bans.

M. Coomans. - Eh bien, d'après beaucoup de personnes, d'après plusieurs membres de la Chambre même, ce serait un progrès à réaliser.

Donc, signature à part, abbé ou ex-abbé à part, je crois qu'il convient, chaque fois que l'objet de la pétition est sérieux, de ne pas passer à l'ordre du jour.

Je propose donc formellement le renvoi à M. le ministre de l'intérieur.

M. Allard. - Messieurs, je demande que l'on ajourne la décision à prendre sur la pétition dont il s'agit afin qu'en ma qualité de questeur, je puisse prendre des informations pour savoir si cet abbé existe et, dans ce cas, si c'est bien lui qui a signé cette pétition. Je crois que la Chambre ne peut délibérer sur des pétitions signées de noms imaginaires.

M. Bouvier, rapporteurµ. - J'appuie la proposition de l'honorable M. Allard.

M. Coomans. - J'adhère à la proposition de l'honorable M. Allard. Je désire seulement qu'en cas de doute sur la réalité d'une signature, la commission des pétitions se respecte assez, et respecte assez la Chambre, pour prendre des informations avant de nous appeler à délibérer sur la pétition.

Voilà la précaution préalable que je recommande à l'attention de toutes les futures commissions de pétitions.

M. Bouvier, rapporteurµ. - Je répondrai à l'honorable M. Coomans, que si la commission des pétitions devait s'assurer de l'authenticité de toutes les signatures, elle devrait siéger tous les jours.

M. Coomans. - Vous aviez des doutes sur celle-ci. Il fallait les éclaircir avant de nous faire rapport.

- La décision sur la pétition est ajournée.


M. Bouvier, rapporteurµ. - Par pétition datée de Termonde, le 19 juillet 1865, le sieur Biemans, gendarme à pied à Termonde, réclame l'intervention de la Chambre pour obtenir son congé définitif.

La commission propose l'ordre du jour.

M. Coomans. - Il est très difficile de s'opposer à des conclusions pareilles quand on ne connaît pas les détails de la question.

J'admets en thèse générale que beaucoup de réclamations contre la manière dont on applique les lois sur la milice ne sont pas fondées, mais nous savons qu'il y en a aussi beaucoup de fondées, et je ne crois pas que la commission des pétitions veuille désormais établir comme une sorte de principe qu'il y a lieu de passer à l'ordre du jour sur toutes les réclamations de ce genre.

Je ne m'explique pas sur le fond de la question, que je ne connais pas ; mais je crois que nous devons avoir égard aux plaintes de ce genre qui nous sont adressées.

Vous ne pouvez reconnaître que toutes les décisions en cette matière sont justes. Quand la commission des pétitions viendra nous dire qu'elle a examiné à fond la réclamation du milicien ou de sa famille, je serai tout disposé à adopter les conclusions qu'elle nous proposera ; mais si elle procède à la légère, comme cela lui arrive d'ordinaire en disant : « Déjà la députation permanente et le ministre de la guerre se sont prononcés, donc nous n'avons plus à nous occuper de cette affaire, » alors il y a une atteinte réelle au droit de pétition et un dommage injuste causé à un grand nombre de familles.

Ceci soit dit à titre de réserve. Je passe outre, quant aux conclusions dont je ne connais pas l'objet, mais mon observation est générale et je la recommande ainsi que les précédentes à la commission des pétitions.

M. Bouvier, rapporteurµ. - Je ferai remarquer à la Chambre que les miliciens ont le droit de faire parvenir au conseil de milice toutes les observations qu'ils croient avoir à lui présenter. Si le conseil de milice ne statue pas dans le sens de la réclamation, les plaignants ont de par (page 507) la loi le droit de s'adresser à la députation permanente qui statue en deuxième et dernier ressort.

- Une voix. - En deuxième ressort seulement.

M. Bouvier, rapporteurµ. - Oui, en deuxième ressort, c'est ce que je voulais dire. Le pétitionnaire pouvait encore se pourvoir devant la cour de cassation.

Eh bien, messieurs, je le demande, quand ces deux degrés d'appel ont été parcourus, la Chambre a-t-elle encore à s'occuper des pétitions du genre de celles dont nous nous occupons ? Je ne le pense pas. Si elle avait à entrer dans ces questions de détail, elle devrait consacrer au moins un jour par semaine aux réclamations de ce genre, et cela sans aboutir à aucun résultat.

Je crois donc qu'il y a lieu d'adopter les conclusions de la commission des pétitions, auxquelles, du reste, l'honorable préopinant ne s'oppose pas.

M. Coomans. - Certes la commission des pétitions ne peut pas examiner à fond toutes les réclamations, très nombreuses en cette matière, dont nous sommes saisis. Je reconnais qu'en ce point M. Bouvier a raison, mais je n'admets pas, avec lui, que chaque fois que les degrés de juridiction auront été épuisés contrairement aux vœux des réclamants, la commission des pétitions ou, en d'autres termes, la Chambre n'aura qu'à passer à l'ordre du jour. Je n'exige certes pas que la commission des pétitions se prononce sur le fond, qu'elle nous propose de nous prononcer sur le fond ; je ne demande pas non plus que la Chambre appuie ces réclamations qu'elle ne peut convenablement examiner ; mais ce que je voudrais c'est que ces sortes de pétitions, à moins qu'elles ne soient évidemment mal fondées, fussent au moins renvoyées sans rien préjuger au département de la guerre et ceci est fort raisonnable.

Je sais de plusieurs ministres de la guerre que dans beaucoup de cas les demandes des miliciens ne peuvent pas être accueillies parce qu'elles sont contraires à la loi, mais que la rigueur de la loi peut être tempérée par le pouvoir quasi discrétionnaire dont est investi le ministre de la guerre d'accorder des congés. Le ministre appréciant la position du milicien, la situation de sa famille tout en respectant la décision intervenue, peut accorder des congés. Il ne faut donc pas jeter une défaveur définitive sur la réclamation en passant à l'ordre du jour. Le renvoi à M. le ministre de la guerre ne préjuge rien ; le ministre de la guerre fera de la pétition l'usage qu'il jugera équitable.

Quant à moi, je ne vois aucun inconvénient et je vois une raison de justice à prononcer ce renvoi plutôt que l'ordre du jour.

- La Chambre, consultée, prononce l'ordre du jour.


M. Bouvier, rapporteurµ. - Par pétition datée de Courtrai, le 15 juillet 1865, la veuve Declercq demande que son fils Charles-Louis, milicien de la classe de 1865, incorporé au 11ème régiment de ligne, soit renvoyé en congé dans ses foyers.

Conclusions : Ordre du jour.

- Adopté.


M. Bouvier, rapporteurµ. - Par pétition datée de Bruxelles, le 9 juillet 1865, le sieur Fonzée, combattant de septembre, demande un secours.

Conclusions : Ordre du jour.

- Adopté.


M. Bouvier, rapporteurµ. - Par pétition datée de Bruxelles, le 13 juillet 1865, la veuve Thiery demande que son fils mineur qui s'est enrôlé, sans son consentement, dans la légion mexicaine, soit renvoyé en Belgique.

Conclusions : Ordre du jour.

- Adopté.


M. Bouvier, rapporteurµ. -

Par pétition datée de Saint-Paul, le 10 juillet 1865, le sieur Duerinck, ancien soldat congédié pour infirmité contractée par le fait du service, demande une pension.

M. Coomans. - Je ne connais pas le fait sur lequel porte la réclamation dont il s'agit ; je ne viens donc ni appuyer, ni combattre la demande du sieur Duerinck ; mais je dois déclarer que les conclusions de la commission me paraissent bien sévères. En admettant même que la stricte légalité soit contraire à la demande du pétitionnaire, il me semble qu'il faudrait encore la renvoyer au département de la guerre pour une raison identique à celle que j'ai alléguée tout à l'heure. Il y a au budget de la guerre que vous venez de voter (à une majorité heureusement beaucoup moindre que celle de l'année dernière), il y a, dis-je, au budget de la guerre un fonds spécial pour secours à distribuer à d'anciens soldats qui n'ont pas droit à une pension.

Or, je sais qu'à l'époque où j'avais des relations plus ou moins intimes avec le département de la guerre, on obtenait quelquefois des gratifications de 25, 50 et 75 fr. pour des militaires qui avaient contracté prétendument au service des infirmités, mais qui n'avaient pas pu établir la preuve d'une manière régulière et conforme aux règlements. Les ministres alors déclaraient qu'il leur était impossible de pensionner certains soldats parce que tel papier leur manquait ou que telle formalité n'avait pas été remplie ; cependant eu égard à la bonne foi évidente du pétitionnaire, à la probabilité des griefs qu'il alléguait, on lui donnait un secours de 50 à 75 fr. par an.

Eh bien, encore une fois, pourquoi ne pas renvoyer de pareilles demandes au département de la guerre ? Notre vote n'influera en rien sur sa décision. Il appréciera, il examinera les faits qu'il connaît mieux que nous, que lui seul peut bien connaître, et il prononcera sans réclamation aucune de notre part.

Mais pourquoi toujours rédiger nos conclusions en ce sens-ci. On a décidé ; les divers degrés de juridiction ont été épuisés ; donc tout a été bien fait ; ne nous occupons plus de la question ! Cette manière de raisonner n'est pas la mienne. Il faut une certaine latitude. L'équité est beaucoup plus large que la stricte justice.

Il arrive très souvent que des miliciens qui ont réellement contracté des infirmités au service ne sont pas à même de le démontrer, et par conséquent n'ont pas droit à la pension réclamée par eux ; mais dans ce cas, on leur accorde des secours, et cela est tellement vrai que l'article figure au budget de la guerre. Si vous ne trouvez pas que j'ai raison, vous devriez supprimer cet article.

M. Bouvier, rapporteurµ. - D'après l'honorable membre, il faudrait que la pétition fût renvoyée à M. le ministre de la guerre.

M. Coomans. - Sans rien préjuger.

M. Bouvier, rapporteurµ. - Sans rien préjuger.

Je ne suis pas de cet avis, et en voici les motifs ; c'est que la plupart du temps, ceux qui réclament devant la Chambre se sont adressés d'abord au département de la guerre.

M. Coomans. - Pas toujours.

M. Bouvier, rapporteurµ. - Je dis que la plupart de ceux qui ont été éconduits au département de la guerre viennent, en désespoir de cause, réclamer l'intervention de la Chambre, et si leurs pétitions sont renvoyées au département de la guerre, ce département ne peut que persister dans sa décision antérieure.

Nous nous trouvons ainsi dans une espèce de cercle vicieux. Est-ce dans ce cercle que vous voulez vous mouvoir, M. Coomans ?

M. Coomans. - Dans lequel ?

M. Bouvier, rapporteurµ. - Mais dans celui dont je viens de parler. Toutes ces pétitions ont été examinées au département de la guerre.

M. Coomans. - Pas toutes.

M. Bouvier, rapporteurµ. - Lisez l'analyse de la pétition, M. Coomans : « Le sieur Duerinck, ancien soldat congédié pour infirmité contractée par le fait du service. » Or, il n'est pas un soldat qui, ayant contracté au service une infirmité, ne reçoive sinon une pension, tout au moins un secours en vertu du chapitre que vous venez d'indiquer.

Je répète donc que si nous renvoyons la pétition à M. le ministre de la guerre, celui-ci ne pourra que reproduire la réponse qu'il a faite précédemment et que la Chambre se sera vainement arrêtée sur une de ces pétitions sur lesquelles nous sommes obligés d'appeler l'ordre du jour, à moins de passer deux jours par semaine sur des pétitions qui n'ont pas de raison d'être. Je persiste donc dans les conclusions de la commission.

M. Vleminckxµ. - Il n'est pas un soldat qui, ayant contracté des infirmités au service donnant droit à la pension, ne reçoive cette rémunération.

J'ajoute qu'il est impossible de mettre plus de bienveillance qu'on n'en met dans l'appréciation des infirmités contractées au service, à telle enseigne que le service de santé, dont j'ai eu l'honneur d'être le chef, a toujours en vue d'exagérer le mal plutôt que de l'atténuer. On peut donc dire en règle générale que jamais un soldat ayant véritablement droit à la pension, ne quitte le service sans l'avoir obtenue.

Il est possible que le soldat qui quitte le service avec de petits riens se croie lésé. Mais en fait, la lésion n'existe pas. Le soldat congédié sans pension est celui qui ne la mérite pas.

- L'ordre du jour est prononcé.


M. Bouvier, rapporteurµ. - Par pétition datée de Stavelot, le 1er juillet 1865, le sieur Bodeux (page 508) se plaignant que son fils a été désigné pour le service militaire, malgré le défaut de taille, demande qu'il soit renvoyé dans ses foyers. »

Conclusions : Ordre du jour.

- Adopté.


M. Bouvier, rapporteurµ. - Par pétition datée de Molenbeek-Saint-Jean, le 27 juin 1865, le sieur Callens, volontaire de 1830 et ancien préposé des douanes, demande une augmentation de pension.3

Conclusions : Ordre du jour.

- Adopté.


M. Bouvier, rapporteurµ. - Par pétition datée d'Ath, le 21 juin 1865, l'administration communale d'Ath demande que cette ville et son arrondissement administratif soient dotés d'un tribunal de première instance et de commerce.

Conclusions : Renvoi à la commission d'organisation judiciaire.

M. Allard. - Je crois qu'on devrait renvoyer cette pétition à M. le ministre de la justice. Il y a une instruction à faire et cette instruction ne peut être faite que par lui.

Si vous renvoyez la pétition à la commission qui est chargée de l'examen du projet de loi d'organisation judiciaire, que fera cette commission ? Elle la renverra à M. le ministre de la justice en demandant qu'il lui fasse un rapport.

Je propose donc de renvoyer la pétition à M. le ministre de la justice.

M. Bouvier, rapporteurµ. - Je ne m'oppose pas à ce renvoi, mais je pense que la commission d'organisation judiciaire ayant pris connaissance de la pétition aurait statué dans un sens favorable ou dans un sens qui ne l'était pas. Si la pétition lui semblait sérieuse, comme je n'en doute pas, la commission l'aurait renvoyée avec son appui à M. le ministre de la justice.

Je pense qu'on pourrait sans inconvénient prononcer le double renvoi à M. le ministre de la justice et à la commission d'organisation judiciaire. De cette façon, je crois que l'honorable M. Allard aura lieu d'être satisfait.

- Le double renvoi est prononcé.


M. Bouvier, rapporteurµ. - Par pétition datée de Beeck, le 19 juin 1865, le sieur Steckler, ancien préposé des douanes, réclame l'intervention de la Chambre pour obtenir une pension.

Conclusions : Ordre du jour.

- Adopté.


M. Bouvier, rapporteurµ. - Par pétition datée de Rixensart, le 16 juin 1865, le sieur Mortier réclame l'intervention de la Chambre pour que son fils Pierre, milicien incorporé au 10ème régiment de ligne, malgré son défaut de taille, lui soit rendu.

Conclusions : Ordre du jour.

- Adopté.


M. Bouvier, rapporteurµ. - Par pétition datée de Bruxelles, le 21 juillet 1865, le sieur Botte demande la réforme du mode de nomination des notaires.

Le pétitionnaire critique le mode de nomination des notaires ; il désirerait que la parenté ou l'affinité ne fût pas une cause de préférence dans la collation de ces emplois, que les notaires et les chambres de discipline se montrassent plus sévères pour la constatation du stage des aspirants notaires. Déjà à l'occasion du budget de la justice, nous avons appelé l'attention de M. le ministre dirigeant ce département sur les divers points indiqués dans la pétition.

Votre commission conclut au renvoi à M. le ministre de la justice.

- Adopté.


M. Bouvier, rapporteurµ. - Par pétition datée de Lens, le 21 juin 1865, le sieur Dégrève appelle l'attention de la Chambre sur la nécessité de modifier le mode de nomination aux fonctions de notaire.

Conclusions : Renvoi à M. le ministre de la justice.

- Adopté.


M. Bouvier, rapporteurµ. - Par pétition datée de Gand, le 8 juillet 1865, le sieur Léger se plaint des retards que subissent l'envoi des Annales parlementaires et la publication des Documents.

Même pétition du sieur Libois.

Je me joindrai aux pétitionnaires. En effet les Annales parlementaires nous sont souvent remises deux ou trois jours après les discussions.

Je pense donc qu'il y a intérêt à ce que la Chambre appuie les mesures indiquées dans la pétition et votre commission vous en propose le renvoi à M. le ministre de la justice.

- Ce renvoi est ordonné.

Projet de loi modifiant les lois sur les pensions en faveur de certains instituteurs et d’inspecteurs scolaires

Rapport de la section centrale

M. Van Iseghem. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale qui a examiné le projet de loi apportant des modifications aux lois sur les pensions en faveur du personnel attaché aux établissements normaux d'enseignement primaire et des inspecteurs de l'enseignement primaire rétribués sur le Trésor public.

- La Chambre ordonne l'impression et la distribution de ce rapport et le met à la suite des objets à l'ordre du jour.

Projet de loi ouvrant un crédit au budget des affaires étrangères

MfFOµ. - Messieurs, d'après les ordres du Roi, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau de la Chambre un projet de loi qui ouvre au département des affaires étrangères un crédit supplémentaire de 70,000 francs.

- Impression, distribution et renvoi à l'examen des sections.

La séance est levée à 3 3/4 heures.