(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1865-1866)
(Présidence de (M. E. Vandenpeereboom.)
(page 433) M. de Moor, secrétaireµ, procède à l'appel nominal à 3 heures et un quart.
M. de Florisone, secrétaire, lit le procès-verbal de la dernière séance.
- La rédaction en est approuvée.
M. de Moorµ présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.
« Le conseil communal de Corswarem demande que la route à construire de Waremme à Saint-Trond passe par Betincourt, Corswarem, Goyer, Bouckhout, Mielen-sur-Aelst, Aelst, Kerkom et Saint-Trond. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du rapport sur des pétitions relatives au même objet.
« Des habitants des cantons d'Achel, Brée, Peer, etc., demandent que le chemin de fer destiné à relier les villes de Hasselt et de Maeseyck passe par Wychmael, Peer et Brée. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Colin réclame l'intervention de la Chambre pour que le gouvernement règle l'indemnité due aux héritiers et représentants des inventeurs des mines de charbon qui existent, dans le parc de Mariemont. »
- Même renvoi.
« Des habitants de Bruxelles demandent le suffrage universel pour les élections communales et provinciales. »
- Renvoi à la section centrale qui sera chargée d'examiner le projet de loi portant modification aux lois communale et provinciale.
« Par message du 27 février, le Sénat informe la Chambre qu'il a adopté le projet de loi ouvrant au département des affaires étrangères un crédit spécial de 655,000 fr. »
- Pris pour notification.
« MM. Delcour et Magherman, retenus chez eux par une indisposition, demandent un congé. »
- Ces congés sont accordés.
M. Moreauµ. - J'ai l'honneur de déposer les rapports de la commission des finances sur le règlement définitif des comptes des exercices 1860 et 1861.
- La Chambre ordonne l'impression et la distribution de ces rapports, et les met à la suite des objets à l'ordre du jour.
MfFOµ. - D'après les ordres du Roi, j'ai l'honneur de déposer :
1° Un projet de loi qui ouvre au département des travaux publics un crédit spécial de 650,000 francs pour l'extension des lignes et appareils télégraphiques.
2° Des budgets de l'exercice 1867, à l'exception des budgets de la guerre et des travaux publics qui ne sont pas encore votés pour l'exercice courant.
- Il est donné acte à M. le ministre de la présentation de ces projets de loi ; la Chambre en ordonne l'impression et la distribution et les renvoie à l'examen des sections.
MpVµ. - La section centrale qui a examiné le projet de loi relatif à la suppression du droit de barrières sur les routes de l'Etat a proposé le renvoi à M. le ministre des finances des pétition» qui lui ont été adressées par la Chambre.
S'il n'y a pas d'opposition, cette proposition est adoptée.
MpVµ. - M. le ministre de l'intérieur se rallie-t-il aux amendements de la section centrale ?
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Oui, M. le président.
MpVµ. - La discussion est donc ouverte sur l'article unique, tel qu'il a été rédigé par la section centrale.
M. Thonissenµ. - Messieurs, je me rallie au principe du projet de loi, et je l'envisage comme parfaitement constitutionnel. Les raisons données dans le rapport si complet et si lucide de l'honorable M. Dupont sont de nature à dissiper tous les doutes.
Je n'ai demandé la parole que pour présenter une observation concernant la rédaction du paragraphe 7 du projet, rédaction qui, à mon avis, a grand besoin d'être améliorée.
Dans ce paragraphe, on prévoit le cas où le chemin intéresse des communes appartenant à des provinces différentes. On décide que, dans cette hypothèse, l'imposition exceptionnelle sera fixée directement par le Roi.
Cette règle est rationnelle ; mais, malheureusement, aussitôt après, on ajoute les mots : « les formalités qui sont prescrites au conseil communal seront également observées. »
Or, les formalités préparatoires imposées, un peu plus haut, au conseil communal, sont les suivantes :
Il faut d'abord une fixation provisoire de l'imposition. Cette fixation provisoire est notifiée aux parties intéressées. Dans la quinzaine, les parties intéressées peuvent réclamer, et l'article ajoute qu'elles ont même la faculté d'exiger une expertise contradictoire.
Messieurs, dès qu'il s'agit du chef de l'Etat, il n'est pas possible d'exiger d'abord une fixation provisoire par arrêté royal. Il est également impossible que le Roi accorde aux parties intéressées un délai de quinze jours pour réclamer contre sa décision. Il est plus impossible encore qu'un particulier, placé en présence d'un arrêté royal, réclame vis-à-vis du Roi une expertise contradictoire. Cependant si l'on prend le texte à la lettre, on arrive à ces conséquences inadmissibles.
Il me semble que l'intention de la commission serait bien mieux rendue, si l'on remplaçait les mots : « Les formalités préparatoires qui sont prescrites au conseil communal seront également observées », par ceux-ci : « après avoir entendu les parties et les conseils communaux intéressés. »
J'attendrai les explications de l'honorable rapporteur de la section centrale.
M. Dupont, rapporteurµ. - Les observations que vient de présenter l'honorable M. Thonissen sont fondées ; je me rallie pour ma part à la modification qu'il propose, et je pense que les autres membres de la section centrale, s'y rallieront également.
Je saisis cette occasion pour proposer aussi un changement de rédaction à la première partie du paragraphe. Au lieu de : « Si le chemin a été déclaré chemin vicinal de grande communication, » je propose de dire : « S'il s'agit d'un chemin vicinal de grande communication. » Je crois que cette rédaction serait préférable.
M. Wasseige. - Messieurs, j'aurai également une demande d'explications à soumettre au gouvernement et à l'honorable rapporteur, quant à l'application de la loi que nous discutons. Il est bien entendu que, d'après le texte de la loi, s'il existe des péages, celui qui supporte le péage et qui aurait dégradé la route sera également obligé de concourir à son entretien, malgré le péage auquel il est assujetti et cela me paraît de toute justice, car enfin, il peut très bien arriver que le péage soit complètement insuffisant pour l'entretien de la route, et dès lors celui qui a usé le plus doit payer le plus pour la partie de l'entretien ; ce n'est que parfaitement juste. Il est également clair que, dans l'opinion de la section centrale, les détériorations faites tombent sous l'application de la loi.
C'est pour le chemin détérioré que l'on établit l'imposition spéciale ; c'est pour ce qui est passé et non pour ce qui doit se faire ; mais je demanderai si les auteurs des détériorations qui existent actuellement pourraient être atteints après la publication de la loi, c'est-à-dire, si on pourra leur (page 434) imposer, à la suite d'une expertise contradictoire, une imposition particulière pour la réparation du chemin détérioré avant la loi. Cette question me paraît très importante, et je désire connaître l'opinion du gouvernement et celle de M. le rapporteur de la section centrale.
Il ne s'agit pas de donner à la loi un effet rétroactif. C'est un dommage causé sous une législation qui imposait à celui qui a causé le dommage, l'obligation de le réparer.
L'obligation de réparer le dommage causé existait déjà ; la sanction seule n'existait pas.
Il n'y a donc pas là le moindre effet rétroactif.
Voilà une première observation. Je passe à une seconde.
Il faut, dans ces matières, de l'énergie et surtout de la promptitude. Il ne faut pas laisser traîner en longueur la fixation définitive des impositions spéciales, il faut qu'on puisse atteindre le plus rapidement possible celui qui doit payer ; mais, pour atteindre ce but utile, je demanderai s'il est bien nécessaire de laisser ouvert le recours au Roi dans tous les cas.
Souvent ces impositions ne sont pas très considérables, et, il faut bien en convenir, l'autorité la mieux placée pour apprécier les réclamations, c'est la députation permanente. Elle est sur les lieux, elle connaît en général d'une manière plus pertinente les faits sur lesquels il s'agit de statuer. D'un autre côté, c'est un corps électif, et je ne pense pas qu'on puisse suspecter le moins du monde son impartialité. Dans ces matières je suis donc d'avis que l'on ne devrait laisser subsister le recours au Roi que pour des sommes d'une certaine importance ; la prompte expédition des affaires y est intéressée, et c'est là ce que nous devons surtout rechercher dans une loi comme celle-ci.
Je prierai M. le ministre et M. le rapporteur de vouloir bien me donner quelques explications sur les deux points que je viens de soulever.
M. Dupont, rapporteurµ. - L'honorable M. Wasseige me pose deux questions. La première est celle de savoir si les dommages extraordinaires qui existeraient au moment de la promulgation de la loi pourraient donner lieu à des impositions.
Je n'hésite pas, pour ce qui me concerne, à répondre affirmativement.
Il ne s'agit pas en effet d'une question de dommage causé comme dans l'article 1382 du Code civil, mais d'un impôt.
Jl ne peut donc être question d'effet rétroactif. C'est simplement une question d'équité, et à ce point de vue, l'imposition dont on frappera le dommage encore existant lors de la publication de la loi se justifie parfaitement.
La seconde question de l'honorable M. Thonissen est relative au recours au Roi. Cette observation avait déjà été présentée par l'honorable M. Delcour et il en est question dans le second rapport de la section centrale. Il est certain qu'il y a quelque chose d'anomal à voir le Roi statuer après que les députations permanentes ont déjà eu en appel l'occasion de se prononcer sur le quantum de l'imposition et sur l'applicabilité de la loi.
Cependant comme la section centrale le dit dans son rapport, on ne doit pas perdre de vue qu'il s'agit ici d'un impôt d'une nature toute particulière et je me demande s'il n'y a pas lieu de laisser aux industriels les garanties les plus complètes possibles. Je suis certain que les exploitants considéreront cette intervention du gouvernement, qui assure l'unité de jurisprudence dans tout le pays, comme une garantie et je ne vois pas qu'il y ait lieu de la leur enlever.
M. Eliasµ. - Un de mes honorables collègues et moi nous avons formulé un amendement au paragraphe 4 du projet. Ce paragraphe stipule :
«Si les transports à raison desquels un exploitant est frappé d'une imposition sont soumis à des péages, il lui en sera tenu compte pour déterminer le chiffre de cette imposition. »
Il nous paraît que la même raison existe de tenir compte à l'industriel des taxes locales qu'il paye pour les réparations des chemins. C'est pourquoi nous avons rédigé un amendement ainsi conçu :
« Si l'exploitant contribue à l'entretien ordinaire des routes dans une commune par le payement de taxes locales ou si les transports à raison desquels il est frappé... » Le reste comme à l'article de la section centrale.
M. Thonissenµ. - 'ai encore une question à poser à l'honorable rapporteur de la section centrale. Le paragraphe 5 du projet se termine par ces mots. « Une simple expertise contradictoire. » Il me semble qu'on devrait expliquer ce qu'on entend par cette expression. Je crois avoir entrevu l’opinion qui a guidé la section centrale ; mais, à coup sûr, cette opinion n'est pas assez clairement exprimée. En France, on peut demander une expertise judiciaire ; en Belgique, la section centrale, si je ne me trompe, ne veut que l'expertise extrajudiciaire. Si telle a été réellement l'intention des auteurs du projet, je les engage à le dire d'une manière formelle. Les parties intéressées pourraient prétendre plus tard qu'elles ont le droit d'exiger une expertise judiciaire. On préviendra toute difficulté à cet égard, en déclarant que, dans tous les cas, ceux qui ont occasionné la dégradation exceptionnelle du chemin ne pourront réclamer qu'une expertise extrajudiciaire, une expertise administrative.
M. Dupont, rapporteurµ. - L'honorable M. Elias a déposé un amendement au paragraphe 4 de l'article que nous discutons en ce moment.
Je crois que l'introduction de cet amendement n'ajouterait rien à la loi ; qu'il ne ferait pas connaître plus clairement l'intention du législateur qui résulte suffisamment du texte du rapport.
Je lis en effet dans le rapport de la section centrale : « Il faut tenir compte à l'exploitant de tous les sacrifices qui lui sont déjà imposés pour l'entretien de la voirie, des péages qu'il acquitte, et si le dommage qu'il cause dépasse dans de notables proportions la part pour laquelle il intervient dans les frais de réparation, une taxe spéciale devra être acquittée, par lui. Pour la fixer on prendra en considération le dommage extraordinaire qu'il occasionne. »
Il est donc bien certain que quand on viendra frapper un industriel d'une imposition à raison de dégradations extraordinaires qu'il a causées, il faudra commencer par tenir compte de toutes les taxes qu'il peut acquitter, de toutes les contributions qu'il peut payer pour la voirie, et en présence de ces chiffres qui formeront son actif, on placera son passif ; et. si les dégradations qu'il occasionne dépassent notablement le chiffre de cet actif, il y aura lieu de lui imposer une subvention extraordinaire proportionnée à l'excédant.
C'est ainsi que j'entends la loi, et je ne pense pas qu'en introduisant l'amendement de M. Elias dans le projet que nous discutons, l'intention du législateur serait plus clairement exprimée.
J'ai à répondre à une autre observation.
M. Thonissen me demande quelle est la signification que la section centrale attache aux mots : « simple expertise contradictoire » ; je réponds : c'est celle que M. Thonissen y attache lui-même. Comme il ne s'agit pas, suivant nous, de la réparation d'un dommage, mais d'une imposition qui est réglée par l'autorité administrative, il ne doit pas y avoir lieu à expertise judiciaire. Par les mots dont il s'agit nous avons voulu déterminer l'espèce d'expertise que nous avons en vue, et la mettre en opposition avec l'expertise judiciaire. Les mots : « simple expertise » sont ceux dont se servent les jurisconsultes et les arrêts lorsqu'ils veulent indiquée une expertise du genre de celle dont nous nous occupons, affranchie de toutes les règles du code de procédure,
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Je ne puis, pas plus que l'honorable rapporteur de la section centrale, me rallier à l'amendement proposé par M. Elias. Cet amendement me semble devoir compliquer encore et inutilement le texte de la loi ; aussi, après les explications de l'honorable rapporteur, auxquelles je me rallie, je crois que M. Elias pourra retirer son amendement.
M. Eliasµ. - En présence de ces explications, je déclare retirer mon amendement.
MpVµ. - Il ne reste donc plus que l'amendement de M. Thonissen..
M. Wasseige. - Lorsque nous arriverons au vote, je demanderai qu'on vote l'article paragraphe par paragraphe.
M. Vermeireµ. - Je voterai contre ce projet de loi, parce que je le trouve, en quelque sorte, en contradiction avec un autre projet que nous avons adopté hier. En effet, nous avons voté hier l'abolition des barrières sur les routes royales, c'est-à-dire sur les routes du gouvernement. Aujourd'hui, par le projet que nous discutons, on aggrave la position de ceux qui usent des voies de communication.
Je crois que le péage des barrières doit suffire à l'entretien des roules, et qu'en aucun cas l'on ne devrait créer des catégories de contribuables entre ceux qui se servent d'une même route.
Il me semble que lorsqu'une route est ouverte, elle l'est pour qu'on en fasse l'usage qui est consenti par les lois générales.
Les routes ne se détériorent pas extraordinairement par un usage fréquent ; la détérioration vient surtout de la disproportion de la largeur des roues avec l'importance des charges.
Nous voyons aussi que les routes se détériorent principalement après le dégel.
Pour ma part, je ne puis consentir à ce que la position da ceux qui (page 435) font usage des voies de communication soit aggravée par de nouvelles charges et je voterai contre le projet de loi.
« Article unique. L'aricle 23 de la loi du 10 avril 1841 est abrogé et remplacé par la disposition suivante : »
- Adopté.
« Lorsqu'un chemin entretenu à l’état de viabilité sera habituellement ou temporairement dégradé d'une manière extraordinaire par des exploitations de tourbières, de carrières, de mines ou de toute autre entreprise industrielle, les propriétaires ou entrepreneurs des exploitations pour lesquelles les transports se font, pourront être appelés annuellement à contribuer à l'entretien de ce chemin par des impositions spéciales, proportionnées aux dégradations extraordinaires qu'ils occasionnent. Il en sera de même pour les exploitations de forêts, en cas de défrichement. »
- Adopté.
« S'il existe des péages sur ce chemin, ces impositions ne pourront être établies que si les péages ne suffisent pas à son entretien. »
- Adopté.
« Si les transports à raison desquels un exploitant est frappé d'une imposition, sont soumis à des péages, il lui en sera tenu compte pour déterminer le chiffre de cette imposition. »
- Adopté.
« Le conseil communal fixera, à titre provisoire, le montant de chaque imposition spéciale. Sa délibération sera notifiée aux exploitants par la voie administrative ; ceux d'entre eux qui se croiraient lésés pourront, pendant quinze jours à dater de la notification, réclamer auprès du conseil communal et même exiger une simple expertise contradictoire. »
- Adopté.
« Après l'accomplissement de ces formalités, les impositions seront réglées par Ie conseil communal : toutefois, si l'exploitation est située dans une autre commune que celle sur le territoire de laquelle les dégradations ont eu lieu, l'imposition sera déterminée, à la demande du conseil communal de cette dernière commune, par la députation permanente, si l'établissement est situé dans la même province, et par le Roi dans tout autre cas. »
- Adopté.
« S'il s'agit d'un chemin vicinal de grande communication, ou si l'on se trouve dans le cas prévu par l'article 23 de la loi du 10 avril 1841, l'imposition, suivant le cas, sera fixée directement, soit par la députation. soit par le Roi après avoir entendu les parties et les conseils communaux intéressés. »
- Ce paragraphe, amendé par MM. Thonissen et Dupont, est adopté.
« Tout exploitant qui se croira surtaxé par la décision du conseil communal pourra adresser une réclamation à la députation permanente qui statuera, le conseil communal entendu : un recours au Roi pourra, dans tous les cas, être exercé par les autorités communales et par les exploitants, contre les décisions de la députation permanente. »
M. Wasseige. - Messieurs, c'est à ce paragraphe que j'aurai l’honneur de déposer un amendement qui rentre dans les observations que j'ai eu l'honneur de vous présenter tout à l'heure. Je voudrais que le recours au Roi ne fût pas ouvert dans tous les cas ; que la chose fût assez importante pour qu'il y eût véritablement intérêt, soit pour l'une, toit pour l'autre des parties, à recourir à l'autorité suprême.
Voici dans quel sens j'ai l'honneur de proposer à la Chambre de modifier le paragraphe.
« Tout exploitant... (comme ci-dessus, jusqu'au mot « entendu » ; puis remplacer le reste par ce qui suit) : Un recours au Roi pourra être exercé par les autorités communales et par les exploitants contre les décisions de la députation permanente, lorsque l'objet du litige dépassera la somme de mille francs. »
Je pense que jusqu'à la somme de mille francs, on peut laisser aux députations permanentes le soin de décider en dernier ressort : ainsi que j'ai eu l'honneur de le faire observer, elles connaissent mieux que le gouvernement, fût-il même composé du conseil des ministres, le fondement, des réclamations sur lesquelles il s'agit de statuer.
Si cependant la somme de mille francs paraissait trop considérable, je serais très disposé à la réduire ; je tiens avant tout à ce qu'une limite soit fixée par la loi ; mais, je le répète, si on veut diminuer le chiffre, je ne m'y opposerai pas.
- L'amendement est appuyé. Il fait partie de la discussion.
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Messieurs, je ne crois pas pouvoir me rallier à l'amendement qui vient d'être présenté par l'honorable M. Wasseige. Le recours au Roi dans cette circonstance est déjà un principe nouveau introduit dans notre droit administratif. En matière d'application d'impôts communaux, la législation actuelle n'autorise pas le recours au Roi. Je crois cependant pouvoir me rallier à la proposition de la section centrale pour les motifs qui sont exposés dans le rapport.
Mais il me serait impossible de donner mon assentiment à une proposition qui aurait pour but de ne pas laisser cette garantie à tous les contribuables. Il n'est pas à ma connaissance que jusqu'ici le recours au Roi n'ait été accordé que pour les réclamations ayant pour objet une certaine somme d'argent.
Lorsqu'il y a appel en matière judiciaire, on peut déterminer par la somme la compétence du tribunal ou de la cour. Mais lorsqu'il s'agit d'un recours au Roi en matière administrative, je crois que ce recours doit être ouvert à tout le monde, au plus petit comme au plus grand. Je ne vois pas pourquoi l'on refuserait ce droit à un particulier dont la taxe serait inférieure à 1,000 francs, taudis qu'on l'accorderait au propriétaire à une usine plus importante qui pourrait réclamer parce qu'il est plus riche.
Le recours doit donc être ouvert à tout le monde ou ne doit l'être à personne. Par les motifs d'équité que nous a donnés la section centrale, j'admets le recours au Roi, mais j'insiste pour que ce recours soit ouvert à tous.
M. Mullerµ. - Messieurs, il ne faut pas perdre de vue qu'il s'agît ici d'une imposition tout exceptionnelle, toute spéciale. La section centrale a cru qu'il fallait entourer la perception de cet impôt extraordinaire de toutes les garanties, et c'est pourquoi elle a demandé le recours au Roi.
Sous ce rapport, ni les intéressés, ni les conseils communaux ne doivent regretter que le recours au Roi leur soit ouvert. Il ne s'agit pas ici d'une taxe frappant tous les habitants d'une commune. Il s'agit d'une taxe spéciale frappant certains industriels déterminés et l'on comprend qu'en pareil cas, on ait voulu leur donner toute garantie contre l'erreur, contre 1'arbilraire même ; le recours au Roi ne peut donc produire que de bons effets.
M. Wasseige. - Je répète ce que j'ai eu l'honneur de dire tout à l'heure. C'est pour amener une solution plus prompte des affaires que j'ai proposé mon amendement. Si le recours au Roi reste ouvert dans tous les cas, ces affaires pourront traîner très longtemps. Il est difficile d'atteindre les grands industriels qui dégradent les chemins ; nous le savons par expérience. Si on leur permet de chicaner, de faire de la procédure administrative, il arrivera souvent que des administrations communes supporteront les dégradations sans oser faire usage de la loi, et pendant ce temps les chemins se détérioreront et la dépense augmentera. Quant au recours au Roi, je ne sais quelle garantie plus grande il peut offrir que le recours aux députations permanentes qui, comme je l'ai déjà dit, connaissent mieux les localités et les intérêts en jeu.
Ce recours au Roi n'existe d'ailleurs pas dans toutes les affaires. Ainsi que le disait M. le ministre de l'intérieur, dans la loi communale, il y a quantité de décisions que la députation permanente peut prendre sans que le recours au Roi soit ouvert ou sans que le Roi doive approuver ces décisions, et c'est dans ces cas, l'importance de la somme qui règle la compétence des députations permanentes, comme je le propose dans mon amendement.
Je ne réclame donc ici que l'application d'un principe qui se trouve inscrit dans la loi communale et que le gouvernement lui-même a récemment considérablement étendu.
- La discussion est close.
L'amendement de M. Wasseige est mis aux voix ; il n'est pas adopté.
Le paragraphe est adopté.
M. Dupont, rapporteurµ. - On pourrait introduire dans la loi une disposition qui obvierait aux inconvénients que vient de signaler l'honorable M. Wasseige.
L'honorable membre disait qu'il pourrait arriver que de grands établissements industriels, voulant en quelque sorte lasser la patience des communes, demandassent, à chaque instant, au gouvernement la réformation des décisions des députations permanentes. Un moyen d'éviter cet inconvénient, c'est de dire que le recours au gouvernement ne sera pas suspensif.
M. Wasseige. - C'est toujours une amélioration dont je vous suis reconnaissant, M. le rapporteur.
M. Mullerµ. - Cela prouve que l'on veut améliorer la loi autant que possible.
(page 436) M. Dupont, rapporteurµ. - Je propose donc d'insérer ici un paragraphe nouveau ainsi conçu : « Le recours au Roi ne sera pas suspensif. »
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Je ne vois pas l'utilité de dire dans la loi que le recours au Roi ne sera pas suspensif. La règle générale doit être appliquée dans ce cas comme dans tous les autres. Nous ne pouvons faire sur cette matière une loi tellement exceptionnelle qu'elle déroge à tous les principes administratifs admis jusqu'ici. J'ai déjà fait remarquer que plusieurs dispositions de ce projet étaient contraires à. ce qui se pratique en matière d'imposition communale. Je ne sais à quoi aboutirait cette décision que Je recours au Roi ne sera pas suspensif. Si le recours est admis, le receveur communal devra-t-il restituer la somme perçue ? Une telle mesure peut avoir des inconvénients.
M. Dupont, rapporteurµ. - Je ne vois pas, pour ma part, d'inconvénient à ce que le receveur communal soit obligé, si le gouvernement ne partage pas l'avis de la députation permanente, de restituer la somme qu'il aura perçue. C'est ce qui se présente déjà en matière de taxes communales, sous l'empire des lois existantes. En effet, lorsque l'on réclame auprès de la députation, on est obligé de joindre à la réclamation la quittance de payement.
Je crois donc que nous pouvons dire que le recours au Roi ne sera pas suspensif du payement de la subvention par d'industriel.
M. Wasseige. - J'ajouterai une considération puissante à celle qu'a fait valoir l'honorable rapporteur à l'appui de son excellent amendement et qui serait pour moi une fiche de consolation après le rejet de celui que j avais présenté ; c'est que ce qui importe en matière de voirie c'est de faire les réparations le plus tôt possible. Si l'on ne fait pas les travaux aussitôt qu'ils sont nécessaires, si l'on permet aux industriels de laisser, au moyen de l !appel au Roi, se détériorer de plus en plus le chemin qu'ils parcourent et dégradent, il arrivera souvent que la somme nécessaire pour la réparation devra être doublée. C'est pour éviter cet inconvénient que je me joins à l'honorable M. Dupont pour demander aussi qu'au moins, le recours au Roi ne soit pas suspensif et que l'on puisse exiger la réparation du dommage constaté par le conseil communal et par la députation permanente sans nouveau délai.
M. Mouton. - Je vois par le projet de la section centrale, que c'est le conseil communal qui fixe le montant des impositions spéciales. Mais il se peut que les industriels appelés à fournir ces subventions fassent eux-mêmes partie du conseil ou y dominent au point d'empêcher l'adoption de ces impositions.
M. Wasseige. - Dans ce cas, ils ne peuvent délibérer.
M. Mouton. - Je demanderai à l'honorable rapporteur ce qui arriverait dans cette hypothèse et s'il ne serait pas convenable de prévoir ce cas par une disposition particulière, afin que l'inaction calculée du conseil ne puisse faire obstacle à l'établissement de la taxe destinée à réparer les dégradations extraordinaires.
M. Dumont, rapporteurµ. - La question que vient de poser l'honorable M. Mouton a été discutée dans le sein de la section centrale ; elle avait été soulevée également dans une des sections ; on s'était demandé ce qui, arriverait s'il y avait inaction de la part du conseil communal ou bien encore si le conseil communal et les exploitants étaient parfaitement d'accord pour imposer les derniers, d'une manière complètement insuffisante.
Nous avons pensé que dans ces cas il fallait laisser les choses dans leur état et ne pas porter atteinte à l'indépendance de la commune, puisque l'intérêt général n'en souffrirait pas.. En effet, la députation permanente a, en vertu de l'article 22 de la loi de 1841, le droit d'obliger d'office les conseils communaux à entretenir les chemins. Je doute fort, dur este, que lorsque la commune devra ainsi réparer le chemin dégradé par les industriels, et lorsque les habitants devront payer des taxes de ce chef, je doute fort que, dans cette situation, les partisans des exploitants parviennent à se maintenir au sein du conseil communal.
Ce que je viens de dire est relatif au cas où il s'agit d'un chemin d'un intérêt purement local.
S'il est question d'un chemin de grande communication, alors c'est la députation permanente ou le gouvernement qui statue, et l'inconvénient ne se produira pas.
- L'amendement de M. Dupont est mis aux voix et adopté.
« Ce droit d'appel ou de recours devra être exercé dans la quinzaine, à dater de la notification, par la voie administrative, de la décision attaquée. »
- Adopté.
« L'article 137 de la loi communale et l'article 20 de la loi du 10 avril 1841 sont applicables aux impositions établies en vertu de la présente disposition. »
M. Dupont, rapporteurµ. - Messieurs, je proposerai de dire :
« L'article 137 de la loi communale et l'article 20 de la loi du 10 avril 1841 sont applicables aux impositions établies en vertu des dispositions qui précèdent. »
Je me demande ensuite s'il ne serait pas avantageux de diviser le projet de loi en deux articles. L'article premier se composerait des dispositions que nous venons de voter et le dernier paragraphe : « Le gouvernement est autorisé, etc. », formerait l'article 2.
Je ferai encore remarquer que l'amendement que nous venons de voter : « Le recours au Roi n'est pas suspensif » se placerait infiniment mieux après le paragraphe ainsi conçu :
« Ce droit d'appel ou de recours devra être exercé dans la quinzaine à dater de la notification, par la voie administrative, de la décision attaquée. »
On ajouterait :
« Le recours au Roi ne sera pas suspensif. » (Interruption) On me fait observer, messieurs, que le projet de loi étant destiné à remplacer l’arlicle 23 de la loi du 10 avril 1841, il y aurait un inconvénient à faire deux articles au lieu d'un seul.
Je n'insiste donc pas sur cette division, que j'avais proposée uniquement dans un intérêt de rédaction.
- Le paragraphe est mis aux voix et adopté avec le changement de rédaction proposé par M. Dupont et qui consiste à remplacer les mots « de la présente disposition » par ceux-ci : « des dispositions qui précèdent. »
M. Moncheurµ. - Messieurs, je demande la parole pour faire aussi une observation de rédaction. L'article est extrêmement long et bien certainement il contient plusieurs dispositions. Il me semble donc qu'il y aurait lieu de dire au première alinéa :
« L'article 23 de la loi du 10 avril 1841 est abrogé et remplacé par les dispositions suivantes», au lieu de « la disposition suivante. »
- Cette modification est adoptée.
« Le gouvernement est autorisé à appliquer, s'il y a lieu, les principes de la présente loi aux chemins entretenus par les polders et les wateringues. »
- Adopté.
La Chambre décide qu'elle procédera immédiatement au vote définitif.
Les amendements introduits au projet sont successivement remis aux voix et définitivement adoptés.
Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet.
71 membres y prennent part.
70 répondent oui.
1 (M. Vermeire) répond non.
En conséquence la Chambre adopte. Le projet de loi sera soumis au Sénat.
Ont voté : MM. Thibaut, Thienpont, Thonissen, T'Serstevens, Vanden Branden de Reeth, Alp. Vandenpeereboom, Vander Donckt, Vanderstichelen, Van Iseghem, Van Wambeke, Vilain XIIII, Vleminckx, Warocqué, Wasseige, Allard, Ansiau, Beeckman, Bouvier-Evenepoel, Carlier, Couvreur, Crombez, de Baillet-Latour, de Borchgrave, de Brouckere, de Conninck, de Florisone, De Fré, de Haerne, de Kerchove, Delaet, de Macar, de Mérode, de Moor, de Muelenaere, de Naeyer, de Rongé, de Ruddere de Te Lokeren, de Smedt, de Terbecq, de Theux, Dewandre, de Woelmont, Dumortier, Dupont, Elias, Frère-Orban, Funck, Giroul, Goblet, Grosfils, Hayez, Jacobs, Jacquemyns, M. Jouret, Julliot, Kervyn de Lettenhove, Le Hardy de Beaulieu, Lesoinne, Lippens, Mascart, Moncheur, Moreau, Mouton, Muller, Orban, Orts, Pirmez, Reynaert et E. Vandenpeereboom.
M. Wasseige. - Nous venons de voter une loi qui produira, je crois, d'excellents résultats ; mais il en est une autre qui est pour ainsi dire le complément indispensable de celle-ci, et dont la discussion me paraît un peu en souffrance ; je veux parler de la loi portant interprétation de l'article 3 de la loi du 29 floréal an X. Il s'agit dans cette loi de la constatation du délit de surchargé à l'aide du cubage ; vous savez que par suite des procès-verbaux dressés par les agents de la voirie, le tribunal correctionnel, après le tribunal de simple police de Charleroî, a déclaré que d'après le texte de l'article 3 de la loi du 29 floréal an x on ne (page 437) pouvait constater ce genre de délits sur les routes ou sur les chemins vicinaux qu'au moyen de ponts à bascule ou de lettres de voiture.
La cour de cassation, chambres réunies, a adopté une autre jurisprudence et déclare que cet article n'excluait pas les autres moyens de preuve.
Le gouvernement nous a présenté dès 1862 un projet de loi interprétatif sur cette matière, adoptant la jurisprudence de la cour de cassation.
Ce projet est tombé par suite de la dissolution des Chambres, mais il a été reproduit le 17 novembre 1864 et renvoyé à une commission spéciale composée de MM. Sabatier, Braconier, de Naeyer, Jouret, Coomans, Tack et De Fré.
Je prierai ces honorables membres de vouloir bien hâter autant que possible l'examen de ce projet et de nous présenter leur rapport aussitôt qu'il sera terminé, car c'est là le complément indispensable de la loi que nous venons de voter.
Il ne faut pas seulement que l'on puisse établir des péages, mais il faut encore qu'on ne puisse pas, par suite de surcharges impossibles à constater, en éludant la loi venir détériorer un chemin qui serait en bon état. Plusieurs pétitions sont adressées à la Chambre dans ce sens ; elles méritent, je crois, la sérieuse attention de la commission.
Je voudrais également un nouveau règlement pour la fixation du poids par mètre cube des différentes matières pondéreuses. Ainsi entre le règlement de 1862 et ce qui existe actuellement il se produit des anomalies extraordinaires.
Pour ne vous citer qu'une de ces matières pondéreuses, les minerais oligistes, je vous dirai que le poids par mètre cube des minerais oligistes, fixé d'après le tarif de 1862, diffère du poids réel dans la proportion de 1328 kilos à 2108 pour certains minerais et dans celle de 1340 à 1760 pour d'autres. Ces exemples sont les points extrêmes, mais ces différences sont toujours très importantes et elles s'expliquent facilement. On arrive à des couches plus profondes et la matière devient plus dense.
En me résumant, je prierai donc de nouveau mes honorables collègues de s'occuper rapidement du projet de loi dont je viens de parler et j'appellerai la sérieuse attention du gouvernement sur la révision du tarif de 1862.
MpVµ. - La commission sera invitée à s'occuper autant que possible de cet objet.
Plusieurs sections centrales doivent se réunir demain ; je propose donc de fixer la séance de demain à 3 heures. (Adhésion.)
- La séance est levée à quatre heures et demie.