(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1865-1866)
(Présidence de (M. E. Vandenpeereboom.)
(page 265) M. de Florisone, secrétaire, procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.
M. Thienpont, secrétaire., donne lecture du procès-verbal de la séance précédente.
- La rédaction en est approuvée.
M. de Florisone, secrétaire, présente l'analyse des pièces qui ont été adressées à la Chambre.
« Des administrateurs de charbonnages prient la Chambre de rejeter le projet de loi portant extension des chemins de fer du Haut et Bas Flénu et de décider que la concession de la ligne de Saint-Ghislain à Frameries sera mise en adjudication publique en prenant pour base le taux des péages offert par les demandeurs en concession. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi.
« Des habitants d'une commune non dénommée demandent le suffrage universel pour les élections communales et provinciales. »
-Renvoi à la section centrale qui sera chargée d'examiner le projet de loi portant modification aux lois communale et provinciale.
« Les habitants de Grosage demandent la prompte construction du chemin de fer de St-Ghislain à Ath, par Belœil.»
M. Bricoultµ. - Je demande le renvoi de cette pétition à la commission des pétitions avec prière de faire un prompt rapport. »
- Adopté.
« Des habitants de Fauvillers demandent l'établissement au chef-lieu de ce canton de bureaux de poste et d'enregistrement. »
M. Bouvierµ. - Je demande le dépôt de cette pétition sur le bureau pendant la discussion du budget des travaux publics en ce qui concerne la première partie qui a pour objet l'établissement d'un bureau de perception de poste ; et en ce qui concerne la deuxième partie, c'est-à-dire l'établissement (erratum, page 310) d'un bureau d’enregistrement, j'en demande le renvoi à la commission des pétitions avec prière dé faire un prompt rapport.
- Adopté.
« Le sieur Reinhard Schaaf, commis de commerce à Verviers, né à Wald (province Rhénane), demande la naturalisation. »
- Renvoi à M. le ministre de la justice.
« Il est fait hommage à la Chambre :
« 1° Par M. Bury, au nom de l'association pour l'abolition de la peine de mort, de 120 exemplaires imprimés d'une pétition adressée au Sénat et formant la cinquième publication de cette association. »
- Distribution et dépôt.
« 2" Par la chambre de commerce de Bruges de dix exemplaires du rapport sur la situation commerciale et industrielle de ce ressort pendant l'année 1864.
« 3° Par M. Logneau, d'un exemplaire d'un Traité des privilèges immobiliers et des hypothèques.
« 4° Par M. Vandenbrouck, d'un exemplaire de sa publication : Extraits analytiques des anciens registres des consaux de la ville de Tournai, tomes I et II. »
- Dépôt à la bibliothèque.
MpVµ. - Le premier article amendé est l'article premier ; il est ainsi conçu ;
« Art. 1er. Le gouvernement est autorisé à prescrire par arrêté royal les mesures que la crainte de l'invasion ou l'existence du typhus contagieux peut rendre nécessaires, tant dans l'intérieur du pays que sur les frontières, en ce qui concerne les relations de commerce avec l'étranger. »
L'amendement consiste dans les mots : « typhus contagieux. »
M. Dubois d'Aischeµ. - Avant que la loi qui nous est soumise soit sanctionnée et que l'on donne au gouvernement les pouvoirs qu'il réclame, je voudrais présenter encore quelques observations qui pourront, je crois, être utiles si M. le ministre de l'intérieur veut bien les accueillir avec bienveillance et les prendre en considération dans la ligne de conduite qu'il croira devoir suivre pour la réglementation des mesures à prendre dans les différentes communes et provinces.
Il y avait hier dans notre canton une réunion de bourgmestres à propos de la péréquation cadastrale. J'ai été à même de consulter ces hauts fonctionnaires sur le caractère de la maladie qui sévit et sur les moyens les plus propres à empêcher les progrès de la maladie dans notre province qui est, je pense, la plus infectée de la Belgique. (Interruption.)
La première des mesures qu'ils recommandaient est celle que M. le ministre prescrit, c'est-à-dire le recensement du bétail dans toute la province d'Anvers avant que la maladie ait éclaté dans toutes les communes. Les fermiers ont une crainte excessive de la maladie et ils désirent vivement que le recensement et le marquement des bêtes soit fait avant que la maladie existe et nécessite dans leurs étables la présence de personnes qui auraient dû aller dans des étables suspectes.
Ces messieurs signalaient encore un autre danger. Une des choses les plus dangereuses et qui ont donné lieu au plus d'abus, est le transport des engrais des bouchers. Je suis fâché de ne pouvoir faire l'éloge de ces messieurs, mais quand un boucher veut acheter une bête suspecte, pour cacher cette fraude, il jette dans son fumier les parties malsaines ou compromettantes.
Dans les villes comme dans les grands faubourgs, je parle pour la province d'Anvers, les cultivateurs achètent cet engrais assez bon marché et l'épizootie peut ainsi se répandre. C'est là un grave abus. On m'a dit que deux fois déjà, dans notre province d'Anvers, la maladie a été communiquée par ce moyen.
Il y a d'autres dangers qui me sont signalés et qui sont très graves.
A Anvers il y a un marché de céréales, un marché de légumes. Il y a aussi des puits à drêche où l'on vient chercher la subsistance pour les animaux. Cela amène quelquefois la réunion de 40 à 50 animaux, qui, après avoir été en contact, rentrent dans leurs étables, et peuvent propager le mal.
J'engage M. le ministre à aviser à prévenir ces circonstances désavantageuses pour les campagnes.
On m'a dit, je ne sais rien d'officiel à cet égard, qu'on voulait établir un cordon sanitaire sur la frontière. Je crois que ce serait très heureux ; car, d'après des renseignements que j'ai tout lieu de croire exacts, la fraude se pratique journellement.
Un chose qui ne laisse pas que d'inspirer aussi de graves inquiétudes, c'est le transport des moutons venant d'Allemagne. On en transporte des quantités énormes ; jamais un waggon chargé de ces moutons n'arrive à Anvers sans qu'un ou deux de ces animaux soient morts, soient piétinés par les autres et souvent dans un état de putréfaction avancée ; souvent aussi on ne sait pas de quoi ils sont morts. Il en résulte de graves inquiétudes.
Il est une autre circonstance que ij considère comme très grave. Je ne sais si cela existe dans d'autres provinces que celle d'Anvers. Mais il y à Lierre, comme à Borgerhout, un marché de veaux nouveau-nés.
C'est un commerce très singulier et je n'entrerai pas dans des explications sur ce commerce. Seulement je le regarde comme une des choses les plus dangereuses et les plus propres à propager le typhus contagieux. Ces veaux viennent de la Hollande, par toute la frontière ; on les transporte dans des sacs, sur des brouettes jusque sur le marché. Souvent ce sont des veaux mort-nés et il n'y a aucune espèce de reconnaissance de la part des bourgmestres et des autorités.
Dans la commune que j'habite et où je suis bourgmestre, j'ai été obligé de proscrire ce commerce ; en un seul jour, on avait transporté trois veaux morts dans des sacs et dans un état avancé de putréfaction.
Je demande s'il n'y a pas là un des dangers les plus graves que l'on puisse signaler, et j'espère que M. le ministre voudra bien fixer son attention sur ce point, d'autant plus que ce commerce est préjudiciable à l'agriculture, dans ce moment surtout où le bétail devient de plus en plus rare.
II est évident qu'une grande quantité de ces veaux se vendant à un prix élevé, on diminue la quantité du bétail à élever. Car si un paysan devait vendre un veau pour 10 francs, il préférerait l'élever. Mais le vendant 20 à 25 francs, il aime mieux le vendre et avoir tout de suite son argent, surtout dans les circonstances actuelles.
(page 296) Il se passe aussi dans d'autres provinces des faits sur lesquels j'appellerai l'attention de M. le ministre. Non pas que je veuille entrer à fond dans tout ce qui peut être l'avantage des autres provinces ; elles sont dignement représentées ici ; je crois qu'elles ont des organes plus éloquents que moi pour le faire.
Cependant que ferait-on si le typhus contagieux éclatait dans les communes où il y a des pâturages, de vaines pâtures qui deviennent des lieux de réunion d'un nombreux bétail.
Ainsi, dans la Flandre orientale, vous avez les prairies de la commune de Bachle-Maria-Leerne, Maertens-Leerne, etc., où les cultivateurs de huit à neuf communes viennent faire paître leurs hèles.
Si, dans une de ces communes, il y a une bête malade, toutes les autres ne pourront plus aller à la pâture. Il faudrait encore, sur ce point, une réglementation toute spéciale.
Il est encore un autre point qui me semble très important : il s'agit de la rapidité du développement de la maladie.
Je voudrais bien que M. le ministre de l'intérieur voulût bien autoriser les bourgmestres à correspondre directement avec lui pour ces affaires ; car si l'on est obligé de passer par l'intermédiaire du gouverneur, c'est une perte de temps assez grande ; il faudrait 10 ou 15 jours, ou peut-être même plus, avant d'avoir une réponse.
Les bourgmestres, autorisés par M. le ministre à correspondre avec lui pour les affaires concernant l'épizootie, feraient parvenir au gouverneur un duplicata de leur correspondance.
J'avais demandé l'autre jour à l'honorable ministre de l'intérieur, de faire imprimer quelques-uns des symptômes les plus marquants de l'épizootie, avec une traduction flamande pour les communes flamandes, et dont on adresserait des exemplaires aux bourgmestres qui les remettraient à qui de droit ; l'honorable M. Jacquemyns, dans la réponse qu'il a bien voulu me faire, m'a dit que cela avait été fait ; j'ai en mains un exemplaire du document qui a été envoyé ; ce document contient une foule de choses très intéressantes, mais trop longues, pour être appréciées ou interprétées d'une manière complète par tous les paysans.
Je demande en conséquence qu'on ne prenne de ce document que la partie qui traite des symptômes et qui est très courte. Ce serait une quinzaine de lignes à inscrire. J'insiste, et MM. les bourgmestres avec lesquels j'ai été réuni hier, insistaient aussi sur ce point.
M. le ministre nous a promis que désormais la bête serait ouverte, qu'on en ferait l'autopsie, et qu'ainsi il serait démontré que les bêtes étaient malades. Sans cela, il est impossible que les cultivateurs soient à même de savoir ce qui en est ; ils doivent s'en rapporter aveuglément à ce que déclarent les artistes vétérinaires ; tandis que si l'on distribue le petit document dont je parle et dont l'impression n'occasionnera qu'une très minime dépense, tout le monde sera convaincu que toutes les mesures qui sont prises par le gouvernement lui sont dictées par un esprit d'équité.
J'avais encore demandé à M. le ministre de l'intérieur que les animaux qui peuvent sortir de la commune fussent d'abord examinés par le vétérinaire, et que le bourgmestre donne alors son contreseing. Un exemple de ce genre vient d'être posé. Une bête qui a été introduite dans notre commune il y a trois jours, a été examinée d'abord par un vétérinaire, et puis l'affaire a été contresignée par le bourgmestre. Je voudrais que cette marche fût suivie dans toutes les communes. C'est une très grande garantie pour les bourgmestres, ainsi que pour les cultivateurs et aussi pour le gouvernement.
Il me reste une dernière observation à faire. Je crois que si l'on pouvait faire des modèles dans ce genre-là, ce serait rendre très facile la réception des animaux.
Je bornerai là mes observations. Je désire que M. le ministre de l'intérieur veuille bien en tenir compte.
M. Kervyn de Lettenhove. - Messieurs, l'honorable préopinant a appelé l'attention du gouvernement sur les moyens qui peuvent (erratum, page 313) préserver de l'épizootie la province d'Anvers qui, par ses relations avec le Nord-Brabant, est la plus exposée au développement de la contagion.
Mon langage, messieurs, sera tout différent ; je viens, au contraire, faire remarquer à M. le ministre de l'intérieur qu'il est, sur les frontières de la Hollande, des parties du pays qui se trouvent dans une situation exceptionnelle : je fais allusion à la Flandre zélandaise, qui est séparée de la Hollande, par un grand fleuve, et qui jusqu'ici est restée complètement à l'abri de la contagion, car pas un seul cas d'épizootie n'y a été signalé.
Je demande à M. le ministre de l'intérieur si, en cet état de choses, il ne croirait pas possible de modérer les mesures rigoureuses prescrites d'une manière générale.
M. Delaetµ. - Messieurs, j'étais absent par congé lors de la discussion générale de la loi qui nous est soumise en ce moment. Si j'avais pu prévoir qu'on y aurait introduit des articles importants qui n'avaient pas subi l'examen de la commission, j'aurais probablement interrompu mon congé pour venir les discuter.
Je vois, à l'article 5, que le gouvernement, après avoir obtenu des pouvoirs tout à fait exceptionnels, a encore obtenu un pouvoir non moins exceptionnel de faire appliquer, par des agents temporaires, les mesures qu'il prendra par arrêté royal.
D'un autre côté, j'aurais combattu la pérennité de la loi.
A l'article que nous discutons en ce moment un amendement a été proposé par M. le ministre de l'intérieur lui-même, transformant en typhus contagieux le terme général de maladie épizootique qui se trouvait dans le projet de loi. Cet amendement a pour but, nous dit-on, de restreindre les pouvoirs du gouvernement. Si la concession atteint en réalité ce but, je ne vois plus pourquoi le gouvernement tiendrait à la pérennité de la loi, puisque cette loi ne peut être appliquée à l'avenir que contre une seule maladie ; mais ou bien la concession est illusoire, ou bien elle a une portée beaucoup trop grande dans la pensée du gouvernement.
Supposons, en effet, que dans cinq, six, huit ou dix ans, lorsque le typhus aura cessé depuis longtemps ses ravages, une autre maladie pestilentielle, qui ne soit pas rangée par la science parmi les fièvres typhoïdes, tout en étant aussi meurtrière, aussi contagieuse, éclate dans le pays, le gouvernement sera complètement désarmé, même avec la loi. La loi ne s'appliquera pas à cette maladie nouvelle et le gouvernement d'alors sera bien forcé de sortir de la légalité comme vient de le faire le gouvernement actuel.
Pour motiver la durée illimitée de la loi, M. le ministre de l'intérieur nous a dit qu'on n'était pas certain de trouver à l'avenir « des personnes disposées à prendre sous leur responsabilité certaines mesures dont la légalité est contestable. »
Je crois (et tout le monde lui en sait gré), que M. le ministre de l'intérieur, dominé qu'il était par le sentiment de la nécessité, de la sécurité publique, n'a pas hésité un moment, et j'ai trop bonne opinion du civisme d'un successeur quelconque du ministre actuel pour craindre que, placé dans les mêmes circonstances, il n'hésitât plus que lui.
Est-il convenable, messieurs, est-il bon de donner à une loi d'exception un caractère de permanence ? Le gouvernement, à chaque argument que l'on produit contre la permanence de la loi, est enclin à invoquer la confiance de la Chambre. Mettez un peu de confiance, nous dit-on, dans notre modération, dans notre manière d'appliquer la loi. Je comprends, à la rigueur que, personnellement tel ou tel ministre puisse venir réclamer la confiance de la Chambre, mais je ne comprends pas que le gouvernement, comme gouvernement, réclame cette confiance non seulement pour lui, mais encore pour des successeurs, des actes desquels il ne peut pas répondre et dont il n'est, dans aucun cas, responsable.
Mais cette confiance que réclame le gouvernement pour engager la Chambre à renoncer à sa prérogative, pourquoi, lui-même, ne la met-il pas dans le parlement ? Je crois que si à l'avenir le gouvernement a besoin de sortir de la légalité dans un grand intérêt public, jamais la Chambre n'hésitera à accorder un bill d'indemnité et même à ne pas se montrer avare d'éloges. Mais il n'en est pas moins vrai, messieurs, que dans un pays constitutionnel, dans un pays de liberté et de légalité, il est toujours très dangereux de voter des lois d'exception.
Les lois d'exception, pour peu qu'elles aient un caractère permanent, ne sont jamais retirées et l'édifice de la liberté tombe ainsi pierre par pierre et sans qu'on s'en aperçoive. Je crois qu'il est de principe que toute loi d'exception ne doit durer qu'autant que les circonstances qui y ont donné lieu ; qu'aller au delà c'est, de la part du Parlement, dépasser en quelque sorte les pouvoirs qu'il a reçus du corps électoral, c'est aliéner sa prérogative. Or, je ne crois pas que le Parlement ait, moralement, le droit de l'aliéner ; je crois que le gouvernement doit avoir confiance dans le Parlement au moins au même degré qu'il réclame lui-même en sa faveur la confiance parlementaire.
Messieurs, avant de continuer, je voudrais avoir un éclaircissement de la part de M. le ministre de l'intérieur. On nous a présenté un projet de loi en 4 articles. Ce projet, je crois qu'il est bon, je crois qu'il n'y aurait ou qu'une voix dans la Chambre pour le voter, si toutefois M. le ministre n'avait pas répudié la proposition de la commission tendante à rendre la loi temporaire. Il y avait d'autant moins de danger à accepter cette proposition qu'au mois de janvier, les Chambres sont toujours réunies et que par conséquent dans trois ans, si le fléau ne nous avait pas quittés, on pourrait parfaitement faire proroger la loi.
Mais non seulement le gouvernement a écarté la proposition de la (page 297) commission, mais il est venu de plus donner au projet un caractère de gravité tel, que je ne serais pas étonné de n'en pas trouver d'autre exemple dans des temps ordinaires.
Les articles 5, 6 et 7 nouveaux forment un ensemble qui donne évidemment carte blanche au gouvernement et équivaut, pour ainsi dire, à la suppression complète de tout contrôle. Ce sont des articles qui centralisent si bien entre les mains du gouvernement la police rurale, que toute autorité locale peut être considérée comme annulée.
Le gouvernement nous dira encore cette fois : Ayez confiance dans notre modération, dans notre façon d'exécuter la loi, ne vous créez pas de fantômes ; je n'irai pas jusque-là. Mais nous savons que les promesses du gouvernement sont très souvent faites pour ne pas être exécutées, je ne dis pas par ceux qui les font, mais par les hommes qui succèdent à ceux qui les ont faites.
Voici le premier et le plus important de ces articles, l'article-principe :
« Le ministre de l'intérieur pourra conférer, soit aux agents de l'administration des douanes, des accises et des forêts, soit aux officiers et sous-officiers de l'armée, soit même à toutes autres personnes, le droit de rechercher et de constater par des procès-verbaux faisant foi jusqu'à preuve contraire, les contraventions aux dispositions prises en vertu de la présente loi. »
Les autres articles sont le corollaire de celui-là. Notez que la loi accorde au gouvernement le droit de créer, par arrêté royal, des délits qui peuvent être punis d'un emprisonnement de 3 mois à 2 ans et d'une amende de 400 francs à 4,000 fr., soit cumulativement, soit séparément.
Voilà donc bien des pouvoirs dont le parlement va investir le gouvernement et pourquoi ? Pour faire face au danger !
Oh ! s'il m'était prouvé qu'il n'y a pas d'autre moyen que celui-là de faire face au danger, j'y consentirais immédiatement ; mais encore alors j'insisterais d'autant plus sur la nécessité de donner un caractère essentiellement temporaire à la loi. Seulement, messieurs, ces mesures exorbitantes, ces pouvoirs si excessifs sont-ils nécessaires ? Je ne le crois pas, et il n'y a pas plus de 3 ou 4 jours le gouvernement ne le croyait pas lui-même .
Ainsi le projet de loi qu'il a présenté et qui a été examiné en commission ne parle pas le moins du monde de ces mesures d'exécution ; elles sont introduites après l'examen de la commission.
Or, dans ces mesures d'exécution n'y a-t-il pas, à tous les points de vue, des dangers énormes ? Ainsi voilà la police locale annulée ou du moins subordonnée aux agents temporaires qui exercent dans tout le pays, qui, indépendants de toute autorité locale, ne sont responsables que devant le ministre seul.
C'est là une mesure de centralisation telle que je ne conçois pas qu'elle puisse avoir l'assentiment de M. le ministre de l'intérieur qui se dit partisan de la décentralisation.
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Cela n'a pas le sens commun.
M. Delaetµ. - C'est ce que vous dites qui n'a pas le sens commun, et de plus cela n'est pas d'un homme bien élevé. J'avertis MM. les ministres que chaque fois qu'ils s'aviseront de me dire une insolence, je tâcherai de n'être pas en reste avec eux. Je crois n'avoir rien dit de désobligeant pour M. le ministre ; je ne m'explique donc pas son interruption !
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Vous m'avez mal compris.
M. Delaetµ. - C'est possible...
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Je n'ai pas dit que vous n'avez pas le sens commun, j'ai dit que ce que vous dites n'a pas le sens commun.
M. Delaetµ. - Cela n'est pas de bonne compagnie, et puisque vous m'y poussez je dirai toute ma pensée. Si vous avez fait un projet de loi sur les fraudes électorales combiné de telle façon que les campagnards ne puissent plus venir à la ville, vous avez, dans le projet qui vous est soumis, un moyen plus puissant et plus efficace de les en tenir éloignés. (Interruption.)
Il se peut que cela n'ait pas le sens commun, mais si cela se fait en juin, vous répondrez en novembre à toute nos réclamations par un vote muet et il se trouvera sans doute quelqu'un ici pour vous crier ; c C'est égal, l'affaire est faite. »
Je regrette d'être amené à faire cette observation, mais quand vous aurez annulé en fait toutes les autorités communales, quand vous aurez mis la première richesse du cultivateur et, dans beaucoup de provinces, sa seule richesse, à la merci de vos agents temporaires, qui, d'un trait de plume, pourront le ruiner en menant son étable en suspicion, vous aurez sur le cultivateur un moyen de pression dont vous userez ou dont vous n'userez pas, mais que je ne veux pas vous accorder.
Je désirerais demander à M. le ministre de l'intérieur pourquoi le projet qu'il nous présente n'a pas été tout d'abord suffisamment étudié pour que la commission pût se prononcer sur l'ensemble de ce projet et pourquoi il vient après coup, lorsque la commission a fait son rapport, changer le caractère du projet, substituer aux autorités régulières, aux autorités locales une police d'aventure et d'expédient.
Nous sommes tous d'accord sur un point, c'est que le gouvernement, placé devant des circonstances exceptionnelles, a besoin de pouvoirs exceptionnels, et personne dans cette Chambre ne lui refusera les pouvoirs qu'il demande par les quatre premiers articles ; mais, à la condition, pour moi du moins, que la loi n'ait qu'une durée très limitée. Quant à accorder au gouvernement le pouvoir absolu d'exercer par ses agents le droit de vie et de mort sur le bétail des cultivateurs, c'est-à-dire sur la fortune de nos populations rurales, je regrette de devoir le dire, je n'ai pas assez de confiance dans le gouvernement pour aller jusque-là. Je n'accorderai pas même ces pouvoirs à mes amis politiques s'ils siégeaient en ce moment sur les bancs du ministère
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - M. Dubois d'Aische a bien voulu adresser au gouvernement quelques recommandations. Il en sera tenu bonne note. Je ferai cependant remarquer à M. Dubois que la plupart des points qu'il a touchés concernent la police locale. C'est aux administrations communales à prendre, par des règlements locaux, les mesures qu'il recommande. L'amour de la centralisation du ministre de l'intérieur ne va pas jusqu'à dicter aux communes des règlements spéciaux. Les communes doivent savoir ce qu'elles ont a faire et, en prenant connaissance des observations faites par M. Dubois, elles pourront, si elles le jugent convenable, porter remède au mal qu'il signale.
Ainsi, lorsqu'il s'agit du recensement préventif du bétail, et du transport des engrais des bouchers, lorsqu'il s'agit d'empêcher la réunion, sur les marchés, de bêtes d'espèces différentes, telles que chevaux, ânes et mulets, ce sont les administrations communales, et non le gouvernement, qui doivent intervenir et empêcher ces abus.
On a demandé si le gouvernement a l'intention d'établir, sur les frontières, un cordon sanitaire. Il est, en effet, question, messieurs, non d'établir un cordon sanitaire proprement dit, mais de renforcer, par des détachements de soldats, le personnel de la douane ; et les employés auxiliaires que la loi actuelle autoriserait à nommer auraient avant tout la mission de renforcer ce personnel sur la frontière. Ces employés auxiliaires n'auront donc pas le droit, comme le pense un honorable membre, d'annihiler le pouvoir des bourgmestres.
En ce qui concerne l'interdiction des marchés, c'est encore aux administrations communales à surveiller cette matière ; il est de leur devoir d'empêcher les marchés de bétail maigre, puisque un arrêté royal interdit ces marchés dans tout le pays.
Les bourgmestres sont donc armés pour empêcher la vente sur les marchés du bétail maigre et notamment des jeunes veaux, dont a parlé M. Dubois.
L'honorable membre demande ce qui arriverait si le typhus éclatait dans des communes où il y a de grands pâturages. Ce serait là, messieurs, une véritable calamité, mais le gouvernement et surtout les administrations communales ne devraient pas hésiter à supprimer le pâturage commun ; c'est ce qu'on a fait du reste entre Bruxelles et Vilvorde et aux environs d'Ostende ; là on a obligé les propriétaires à retirer leur bétail des pâturages communs et à le renfermer dans les étables.
C'est un grand sacrifice, mais il faut bien s'y résoudre, si l'on ne veut empester le pays. M. Van Overloop, qui est bourgmestre, vient de vous dire qu'il a appliqué cette mesure dans la plénitude de sa liberté communale et il a bien fait.
Il n'est pas nécessaire d'autoriser un bourgmestre, ni un particulier quelconque à s'adresser directement au ministre, mais il est bon qu'ils s'adressent d'abord ou en même temps au gouverneur de leur province ou au commissaire d'arrondissement ; ils évitent ainsi au ministre l'obligation de renvoyer l'affaire à ces fonctionnaires et l'on gagne du temps pour prendre renseignements et avis.
On demande aussi que le gouvernement fasse publier, pour le distribuer aux cultivateurs, un extrait de 13 lignes d'impression de la notice qu'il a publiée ; cette réimpression peut être faite par les administrations locales...
(page 298) M. Bouvier. — Ce serait de la centralisation...
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Les commissaires d'arrondissement, les gouverneurs de province, les comices agricoles, les sociétés agricoles, les journaux d'agriculture enfin peuvent donner aussi une très grande publicité à ces extraits de la brochure du gouvernement.
D'après l'honorable membre, l'on doit toujours faire l'autopsie du bétail sacrifié. C'est ce qui a lieu et quand on ne l'a pas fait, on a perdu de vue les instructions données.
Je crois, d'un autre côté, qu'il n'est pas sans danger pour les cultivateurs d'assister à ces opérations. Si l'on ordonne l'autopsie, c'est pour avoir la certitude, par les vétérinaires, que les bêtes étaient réellement atteintes de la peste. Mais il y aurait danger à engager un grand nombre de cultivateurs, de détenteurs de bétail, à assister à ces opérations. Car ils pourraient fort bien transporter la maladie chez eux.
Messieurs, l'honorable M. Kervyn désire voir diminuer quelque peu la rigueur des mesures prises sur certaines de nos frontières.
Le gouvernement doit être très prudent, mais je ne dis pas que, dans un temps plus ou moins rapproché il ne sera pas possible de mitiger, dans une certaine mesure, les règles prescrites dans quelques parties du pays. Du reste, dans la Zélande même, déjà des cas de typhus ont été signalés. Il est vrai qu'ils ont été contestés.
M. Kervyn de Lettenhove. - Pas au Sud de l'Escaut ; au delà de l'Escaut seulement.
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - C'est possible, mais pour le moment, je le répète, je crois que nous devons être très prudents. Du reste, je ne demande pas mieux, et la Chambre en sera convaincue, que de pouvoir rendre moins sévères les mesures que j'ai été obligé de prendre. Je reconnais qu'elles jettent une grande perturbation dans les relations, et quand on pourra les faire cesser, j'en serai fort heureux.
L'honorable M. Delaet s'est vivement élevé contre la proposition que j'ai faite de donner à la loi un caractère permanent ou du moins de ne pas lui donner un caractère temporaire. Si l'honorable membre n'avait pas demandé un congé, ce dont je ne lui fais pas un reproche, et s'il avait assisté à la première discussion, il aurait pu entendre les explications que j'ai cru devoir donner sur ce point.
J'ai fait observer que le pays est exposé désormais à voir souvent le typhus contagieux menacer son bétail, par suite de la facilité croissante des communications. Nous sommes un pays de transit ; le bétail qui vient de Russie et de certaines parties de l'Allemagne, passant par la Belgique pour aller en Angleterre, peut de temps en temps infecter nos provinces. Je crois donc qu'il est utile, et c'est tout ce que j'ai dit, que le gouvernement soit toujours armé de pleins pouvoirs pour porter remède au mal dès qu'il sera signalé.
Voilà le principal motif pour lequel j'ai demandé que la loi ne fût pas temporaire.
Je ferai du reste remarquer que cet objet n'est plus en question. Nous sommes au second vote. On ne peut modifier que les articles amendés, mais pas d'autres articles. On peut modifier les articles nouveaux et les amendements que j'ai proposés ; mais on ne peut modifier la loi elle-même. Toute discussion sur ce point est donc importune et sans objet.
Je dois pourtant faire observer à l'honorable membre qu'il se trompe s’il voit en tout cela des questions de politique, des questions d'intrigue électorale. Je ne le comprends pas, en vérité, et quand tout à l'heure je l'ai interrompu, tout ce que j'ai voulu dire, c'est que de pareilles suppositions n'avaient pas le sens commun, je dois bien le dire, mais je n'ai pas voulu attribuer la chose à l'honorable membre lui-même. (Interruption.) Je suis certain qu'il n'y a pas deux membres dans cette Chambre qui pensent que la loi sur le typhus contagieux est une loi électorale, une loi politique. Avons-nous des bêtes à cornes libérales et des bêtes à cornes catholiques ? (Interruption.) Avons-nous des moulons catholiques et des moutons libéraux ? (Nouvelle interruption.)
Je dis que ce sont là des plaisanteries ; l'honorable membre me permettra donc de lui répondre en plaisantant. Qu'il me permette de le lui dire, il regarde les choses à travers je ne sais quelle espèce de prisme qui lui fait voir de la politique, de la pression gouvernementale, de la centralisation, toujours, partout, et dans toutes les questions.
Je crois donc, messieurs, ne pas devoir insister. Je constate seulement que la durée de la loi n'est plus en question. La Chambre a tranché ce point et l'a tranché définitivement dans une de nos dernières séances.
.Messieurs, avant qu'on vote l'article premier, je demanderai à la Chambre d'admettre un changement de rédaction qui rendrait l'article plus correct et qui n'a rien de politique. (Interruption.)
Au lieu de dire : « le gouvernement est autorisé à prescrire par arrêté royal les mesures que la crainte de l'invasion ou l'existence du typhus contagieux, peut rendre nécessaires, tant dans l'intérieur du pays que sur les frontières en ce qui concerne les relations de commerce avec l'étranger, » je propose de dire : « peut rendre nécessaires à l'intérieur du pays et sur les frontières, en ce qui concerne les relations de commerce avec l'étranger. »
Il y a en « que » retranché et le mot « tant » est remplacé par « et ». Enfin la virgule entre le mot « frontière » et le mot « en » est supprimé. Je prie la Chambre d'admettre cette rédaction nouvelle qui est plus correcte et qui ne permettra pas de prendre à l'intérieur du pays des mesures autres que celles concernant les relations du commerce avec l'étranger. J'espère que la Chambre voudra bien adopter cette rédaction nouvelle.
M. Lelièvreµ. - En ce qui me concerne,, je pense qu'on peut sans inconvénient confier au gouvernement les prérogatives énoncées en l'article premier, eu égard à la nature et à la gravité de la maladie dont il s'agit de prévenir les funestes conséquences, mais je pense que, relativement à la preuve des infractions, il faut maintenir intacts les principes du droit commun.
C'est ainsi que j'estime qu'il est exorbitant de décréter que des procès-verbaux feront foi jusqu'à preuve contraire, alors qu'il s'agit de contraventions punies d'un emprisonnement de trois mois à deux ans et d'une amende de cent francs à mille francs.
Or, c'est là un système contraire aux principes de la législation ; en matière rurale et forestière où les procès-verbaux font foi jusqu'à preuve contraire, le législateur a soin de déclarer qu'il n'en est pas ainsi lorsque l'amende excède certaine somme ou quand la peine d'emprisonnement est prononcée. Il me semble donc que quant à la preuve des contraventions, il faut se référer aux règles ordinaires et par conséquent supprimer les mots « faisant foi jusqu'à preuve contraire ». Les observations qui précèdent me paraissent d'autant mieux fondées qu'il s'agit de la nomination d'agents nouveaux, auxquels il ne convient pas d'accorder des pouvoirs plus étendus qu'aux officiers de police judiciaire et administrative exerçant en vertu de la législation en vigueur.
Je pense donc qu'il faut laisser régler par le droit commun le mode de preuve relatif aux infractions à la loi. Ce sera un hommage rendu à des principes qu'il ne faut jamais méconnaître. Imposer à un citoyen l'obligation de débattre un procès-verbal quand il s'agit de sa liberté, et cela sous peine d'encourir une peine grave, c'est réellement introduire dans nos lois une disposition pouvant donner lieu aux plus graves inconvénients.
MpVµ. - Ce n'est pas à l'article en discussion que vos observations se rattachent.
M. Lelièvreµ. - Je ferai remarquer que mes observations s'appliquent à l'ensemble de la loi et qu'elles se rattachent essentiellement à celles qu'a proposées M. Delaet sans contradiction d'aucun membre de la Chambre. Sur quoi porte la discussion ? Sur le caractère exorbitant que présente le projet. Eh bien, tout en ne lui reconnaissant pas ce caractère à tous égards, j'ai cru pouvoir signaler les modifications qui me semblent indispensables. Mes observations ont un rapport intime avec le débat soulevé, et en les proposant, je ne fais que suivre l'exemple des honorables préopinants.
M. Duboisµ. - Je répondrai deux mots à M. le ministre de l'intérieur.
M. le ministre veut laisser à l'initiative privée des bourgmestres le soin d'empêcher que les marchés n'aient lieu ; il a dit qu'ils étaient libres de les interdire. Un arrêté royal a décidé que les marchés étaient interdits ; mais cet arrêté n'est pas partout appliqué. J'ai eu l'honneur de vous citer le marché de Lierre qui a encore eu lieu ce matin même et celui de Borgerhout qui a lieu constamment. Or, ces marchés continuent à avoir lieu, toutes les communes avoisinantes en pâtissent ; et l'objet de ma demande était que M. le ministre de l'intérieur voulût bien adresser aux communes où ces marchés se tiennent, des ordres sévères pour qu'ils soient supprimés.
Quant à l'impression de l'instruction que je voudrais voir distribuer dans les campagnes, M. le ministre nous a dit qu'il en faudrait un nombre considérable d'exemplaires. Je le reconnais ; mais les frais ne seraient pas très grands pour le gouvernement, parce que, les planches une fois faites, les frais de papier et d'impression sont peu de chose.
Remarquons que les comices agricoles ne portent secours qu'aux communes qui ont adhéré, qui font partie des comices et qui payent (page 299) et que les autres communs n’ont rien à en attendre ; par conséquent, j’insiste pour que cette distribution ait lieu, les communes dussent-elles payer le prix des exemplaires qui leurs seraient envoyées, mais il est évident qu’on ne peut pas forcer chaque commune à faire elle-même cette impression.
M. le ministre de l'intérieur n'a pas compris ce que j'ai dit sur un autre point ; je n'ai pas exprimé le désir que toutes personnes quelconques pussent assister à l'autopsie de la bête abattue pour cause de maladie ; j'ai dit seulement que le propriétaire devait avoir le droit d'assister à l'opération, pour s'assurer si la maladie était bien réelle.
M. Delaetµ. - Messieurs, le ministre de l'intérieur a commencé par me faire en quelque sorte reproche de mon absence à la séance de vendredi... (Interruption.)
N'attribuez pas à ce mot « reproche » une portée plus grande que je ne veux y attribuer moi-même. L'honorable ministre m'a dit que si j'avais été présent à la séance, j'aurais entendu ses arguments, et que par conséquent je n'aurais pas été exposé à venir le forcer de les répéter aujourd'hui. Je prie M. le ministre de l'intérieur d'être convaincu que, quand je parle dans une question, j'ai lu consciencieusement et attentivement tout ce qui a été écrit et dit sur cette question, et que, dans le cas actuel, aucun des arguments qu'il a mis en avant ne m'est resté inconnu.
J'ai pesé ces arguments, et sans vouloir dire qu'ils n'ont pas le sens commun, ce que je ne me permettrais jamais à l'égard d'arguments produits par un si éminent personnage, je dirai pourtant qu'ils m'ont semblé trop légers et peu faits pour emporter la conviction de la Chambre, et plus spécialement la mienne.
Dans les explications qu'il a données tout à l'heure, dans sa réponse à l'honorable M. Dubois, M. le ministre de l'intérieur a prononcé quelques mots qui pourront nous mettre d'accord, si toutefois je les ai bien compris ; il a dit que ses agents spéciaux n'auront à agir que sur la frontière ; que c'est pour renforcer la ligne douanière et pour empêcher l'importation du bétail malade qu'il croit devoir demander l'autorisation de créer des agents temporaires.
Si la pensée de M. le ministre ne va pas au delà, nous serons parfaitement d'accord. Je veux croire que la loi ne sera faite que pour sauver le bétail, et que la pensée de M. le ministre de l'intérieur n'est pas de sauver sa majorité, au moyen de la loi. (Réclamations à gauche.)
L'unanimité de vos protestations m'étonne. Comment ! nous de la droite, nous ne pouvons présenter aucune mesure, sans que vous nous soupçonniez de calcul électoral ; ici vous créez des agents irresponsables, et il ne nous serait pas permis de dire que ces agents pourraient se transformer, à votre profit, en courtiers électoraux ? Je ne dis pas qu'ils auront directement cette mission ; mais M. le ministre de l'intérieur pourrait-il et oserait-il répondre des écarts de ses agents ?
M. Bouvierµ. - Vous faites de la politique même avec la peste.
M. Delaetµ. - Et même un peu avec les animaux, M. Bouvier.
Maintenant, si, en réalité, M. le ministre de l'intérieur a cette pensée, il n'hésitera pas à accepter l'amendement que je viens de faire parvenir au bureau.
L'article 6 du projet de loi est ainsi conçu :
« Les personnes ainsi investies des pouvoirs conférés en vertu de l'article précédent, les exerceront dans toute l'étendue du pays et prêteront, devant le juge de paix de leur première résidence, le serment suivant :
« Je jure fidélité au Roi, obéissance à la Constitution et aux lois du peuple belge et dé remplir fidèlement les fonctions qui me sont conférées. »
Je voudrais substituer aux mots : « dans toute l'étendue du pays, » ceux-ci : « seulement sur les frontières. »
De cette façon, je crois que la loi pourra être votée à l'unanimité.
M. Dumortier. - Messieurs, je suis un de ceux qui, lors du premier vote, ont exprimé l'opinion que la loi devrait avoir une durée définitive ; je dois encore dire quelques mots, en présence des observations que mon honorable ami M. Delaet vient de soumettre a la Chambre.
Messieurs, il est un fait incontestable, c'est que le projet de loi que nous avons à voter consacre des mesures entièrement exceptionnelles ; c'est une loi qui sort de notre législation normale et qui, dans d'autres circonstances, pourrait prêter à de graves abus. Mais, ainsi que je le disais précédemment : in extremis extrema, dans les grandes occasions les grandes résolutions.
Certes, en présence des dégâts épouvantables que cause la peste bovine dans des pays voisins, il est vivement à désirer que l'on prenne des mesures pour empêcher l'invasion du fléau.
Mais une loi est indispensable pour autoriser le gouvernement à prendre ces mesures. Il faut éviter que le gouvernement les prenne sous sa responsabilité personnelle, comme il a dû le faire, l'année dernière, pour empêcher la peste bovine de pénétrer en Belgique. Une loi permanente est indispensable, pour que le gouvernement soit armé, chaque fois que le typhus contagieux pourrait envahir le pays.
Cependant, à la séance de vendredi dernier, j'ai fait moi-même mes réserves au sujet de l'article premier ; j'ai dit que nous examinerions cet article ultérieurement, et que s'il nous paraissait susceptible d'être modifié, nous nous réservions d'en faire la proposition.
Or, il me semble que deux modifications sont nécessaires. La première porte sur les mots mêmes : « typhus contagieux ». Le typhus contagieux n'existe pas seulement chez les animaux ; il y a un typhus contagieux qui attaque les hommes ; il n'entre sans doute dans la pensée de qui que ce soit d'appliquer la loi au cas de typhus contagieux humain. (Non ! non !) Je voudrais donc qu'on dit dans la loi : « typhus contagieux épizootique ». (Interruption.)
Quand on fait une loi, il ne coûte pas plus de la faire bien que de la faire mal.
Messieurs, c'est une question de rédaction qui me paraît réellement sérieuse.
On pourrait déterminer la maladie par son nom scientifique : la peste des ruminants, de manière à ne pas avoir d'équivoque.
M. Vleminckxµ. - Le typhus contagieux est le nom scientifique en médecine vétérinaire.
M. Dumortier. - Le typhus contagieux peut aussi frapper les hommes.
- Un membre. - Non ; c'est alors le typhus ordinaire.
M. Dumortier. - Pardonnez-moi. Ce n'est pas le typhus ordinaire qui a enlevé 3,000 à 4,000 habitants dans la seule commune d'Ardoye, dans le district dont j'ai l'honneur d'être le représentant. Je crois que c'était aussi un véritable typhus contagieux, ayant un caractère beaucoup plus dangereux encore que la peste bovine.
M. Vleminckxµ. - On l'a appelé le typhus des Flandres.
M. Dumortier. - Messieurs, il ne coûte rien, lorsqu'on fait une loi, de s'expliquer clairement, et je crois qu'il est à désirer que l'on dise qu'il s'agit du typhus contagieux des bestiaux.
Une autre disposition me paraît encore nécessaire. Nous sommes tous d'accord sur un point : c'est qu'il faut une loi permanente pour mettre le gouvernement à même de prendre, en cas d'événement, toutes les mesures nécessaires. Mais s'il faut une loi permanente, il n'est pas nécessaire que les mesures prises en vertu de cette loi le soient. Quand le typhus contagieux n'existe pas, ces mesures ne doivent pas être en vigueur, car il pourrait dépendre d'un agent mal intentionné, comme nl'a dit, suivant moi, avec beaucoup de raison, de créer des embarras dans certains villages, dans certaines communes.
L'effet de ces mesures doit donc se borner au temps où le typhus contagieux règne dans le pays et cet effet doit cesser en même temps que la maladie.
Voilà l'objection qui a été faite, dans une de nos dernières séances, par des membres des deux côtés de cette Chambre, et il me semble qu'elle a un côté sérieux.
Je crois, et déjà j'avais eu l'honneur de l'indiquer à la fin du premier vote, qu'il y a un moyen bien simple d'y faire droit. Votons une loi permanente, le gouvernement prendra des arrêtés permanents aussi.
Mais ajoutons à l'article une disposition qui dise que la mise en vigueur de ces dispositions sera déterminée par un arrêté royal déclaratif de l'apparition de la maladie dans le pays, et que la cessation des effets de ces arrêtés sera déterminée de même. Ainsi, vous aurez des mesures prêtes pour le cas d'invasion et le gouvernement, dans ce cas, ne devrait plus prendre des arrêtés nouveaux.
Je ne crois pas que les arrêtés qui seront mis en vigueur à l'occasion de la peste actuelle doivent tomber en même temps que la maladie disparaîtra. J'aime mieux que ces arrêtés restent, mais je demande que leur effet soit suspendu lorsque la peste n'est plus dans le pays, et qu'un simple arrêté royal puisse les remettre en vigueur aussitôt que l'affection reparaîtra. De cette manière le gouvernement sera à même de parer au mal dès l'origine. Et cela est nécessaire. Dès que la peste envahit le pays il faut agir promptement, comme l'a fait M. le ministre de l'intérieure on n'agit jamais trop vite en pareil cas.
Si la Chambre le permet, j'aurai l'honneur de lui donner lecture des amendements que je viens d'indiquer. Ces amendements sont de nature à augmenter considérablement la majorité qui doit voter, la loi et ce n'est pas un mal.
(page 300) A l'article premier, après les mots « typhus contagieux », je proposa d'ajouter : « des bestiaux. »
M. Vleminckxµ. - Epizootique.
M. Dumortier. - J'admets le mot qui rend ma pensée. Je propose donc de dire : « typhus contagieux épizootique. »
Je propose ensuite d'ajouter à l'article un second paragraphe ainsi conçu :
« Un arrêté royal, déclaratif de l'invasion de cette maladie, ordonnera la mise en vigueur des mesures ordonnées par le paragraphe précédent.
« Un arrêté royal, déclaratif de la cessation de la maladie dans le pays, mettra fin à ces mesures. »
- Un membre. - C'est inutile.
M. Dumortier. - Vous croyez cette disposition inutile. Je n'y tiens pas ; mais je cherche à faire de la loi une bonne loi, et à rencontrer les objections qui ont été faites, Je le répète, lorsque des arrêtés royaux auront été pris, ils resteront ; leur effet sera suspendu lorsque la maladie aura cessé ; et en cas d'invasion nouvelle de la maladie, immédiatement ils seront remis en vigueur. Il ne faudra pas faire de nouveaux arrêtés, ce qui peut occasionner huit à quinze jours de retard.
Voyez si cela peut vous convenir ; mais je crois que ce serait une excellente disposition pour obvier à tous les inconvénients dans l'avenir.
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Votre second amendement trouverait mieux sa pce la la fin de la loi.
M. Dumortier. - Cette observation est juste. Je consens à ce que cet amendement figure dans la loi comme disposition finale.
- La discussion est close.
L'amendement de M. Dumortier tendant à insérer le mot « épizootique » après les mots « typhus contagieux », est mis aux voix et adopté.
L'article premier, modifié comme l'a proposé M. le ministre de l'intérieur et avec cet amendement, est définitivement adopté.
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Messieurs, je prierai la Chambre de bien vouloir autoriser une modification à l'article 4. Un mot a été omis dans l'amendement qui a été soumis à la Chambre au premier vote.
L'article est ainsi conçu : « S'il existe des circonstances atténuantes, les peines d'emprisonnement et d'amende pourront être réduites à celles de police. » Je demande qu'on mette : « de simple police. »
M. Mullerµ. - Dans le projet de loi sur la mendicité et le vagabondage on a mis partout « peines de police » au lieu de « peines de simple police ».
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Si c'est entendu ainsi, je n'insiste pas.
« Art. 5. Le ministre de l'intérieur pourra conférer, soit aux agents de l'administration des douanes, des accises et des forêts, soit aux officiers et sous-officiers de l'armée, soit même à toutes autres personnes, le droit de rechercher et de constater, par des procès-verbaux faisant foi jusqu'à preuve contraire, les contraventions aux dispositions prises en vertu de la présente loi. »
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Messieurs, d'après le texte du projet de loi adopté au premier vote, les agents de l'administration appelés à exécuter cette loi semblent devoir être obligés de prêter un nouveau serment.
Or c'est là une formalité parfaitement inutile ; pour l'éviter, j'ai l'honneur de présenter une rédaction nouvelle des articles 5 et 6, qui seraient ainsi conçus :
« Art. 5. Le ministre de l'intérieur pourra conférer aux agents de l'administration des douanes, des accises et des forêts, aux officiers et sous-officiers de l'armée et même à d'autres personnes, le droit de rechercher et de constater dans toute l'étendue du pays, par des procès-verbaux faisant foi jusqu'à preuve contraire, les infractions aux dispositions prises en vertu de la présente loi. »
« Art. 6. Les personnes investies des pouvoirs déterminés dans l'article précédent qui n'auraient point prêté le serment prescrit par le décret du 20 juillet 1831, le .prêteront devant l'un des juges de paix de l'arrondissement. »
L'honorable M. Delaet a présenté un amendement ayant pour objet de n'autoriser les agents extraordinaires à exercer leurs pouvoirs que sur les frontières : qu'est-ce qu'il entend par frontières ? Est-ce la ligne, le rayon des douanes . Il peut se faire cependant qu'il soit nécessaire d'étendre la surveillance au delà du rayon légal des douanes, de faire constater l'introduction du bétail étranger dans une zone plus étendue, des amendes peuvent être comminées en cas d'infraction à ces prescriptions. Il serait donc dangereux d'admettre l'amendement proposé.
Il me semble, messieurs, que, pour laisser au gouvernement la possibilité de prendre toutes les précautions nécessaires et surtout en présence de la déclaration que j'ai faite, on peut s'abstenir d'admettre cet amendement. M. Delaet, si l'on admet pas son amendement, votera contre la loi. Soit, messieurs, que l'honorable membre vote contre la loi, mais je crois que la majorité voudra laisser au gouvernement le moyen de prendre toutes les mesures qu'il croira utiles dans l'intérêt de l'agriculture.
M. Delaetµ. - Je crois que M. le ministre de l'intérieur exagère beaucoup la portée de mon amendement. Il ne s'agit pas de savoir si, à l'intérieur du pays, le gouvernement aura le droit de recherche ; puisqu'il y a un article antérieur qui le lui concède, il a donc le droit de rechercher dans toute l'étendue du pays. Mais il crée des agents spéciaux, des agents temporaires. Ces agents, nous dit-il, sont destinés à renforcer à la frontière la ligne de douane, la surveillance douanière. S'il en est ainsi, j'y consens, tout le monde y consent. Mais n'allez pas au delà ; de fait, le rayon des douanes est suffisant, parce que du moment que vous exercez la recherche à l'intérieur du pays, les agents ordinaires de la police rurale vous suffisent.
Vos agents de la douane, s'ils suivent une bête à la piste, peuvent ou la saisir dans le rayon ou bien la dénoncer au bourgmestre de l'endroit vers lequel elle est dirigée. Dès ce moment vos agents extraordinaires ne sont pas plus nécessaires que la surveillance extraordinaire et je ne comprends pas que le gouvernement, qui fait toujours un appel à notre confiance, ne craigne pas d'avoir en main de semblables pouvoirs. On n'a pas de tels pouvoirs sans être tenté d'en faire un usage très étendu, un usage très voisin de l'abus, et M, le ministre, qui est homme, n'est pas bien certain lui-même de résister toujours avec succès à la tentation.
Je crois donc, messieurs, que l'objection de M. le ministre n'est pas suffisante et que l'on peut très bien mettre tout le monde d'accord en limitant au rayon des douanes la faculté de faire faire le service par les agents extraordinaires. A l'intérieur du pays, les employés de la police ordinaire suffisent.
- L'amendement de M. Delaet est mis aux voix ; il n'est pas adopté.
Les articles 5 et 6, tels qu'ils ont été modifiés par M. le ministre de l'intérieur, sont successivement mis aux voix et adoptés.
« Art. 7. Les procès verbaux, dressés en vertu de l'article 5, seront transmis dans les trois jours au procureur du roi. »
- Adopté.
« Art. 8.La présente loi sera obligatoire le lendemain de sa publication. »
- Adopté.
MpVµ. - Ici vient l'amendement de M. Dumortier.
« Un arrêté royal, déclaratif de l'invasion de la maladie, ordonnera la mise en vigueur des mesures prises par la présente loi.
« Un autre arrêté, déclaratif de la cessation de la maladie dans le pays, mettra fin à ces mesures. »
- L'amendement est appuyé.
M. Jacquemynsµ. - Je ne comprends pas bien. Il semblerait, d'après l'amendement de l'honorable M. Dumortier, que la maladie devrait avoir fait invasion en Belgique pour que le gouvernement pût prendre un arrêté royal. Mais dans ce cas les mesures de précaution deviendraient bien tardives. Il me semble que du moment que la maladie existe dans un pays voisin, le danger nous menace et il y a lieu de prendre des mesures.
De plus, je suppose que la maladie existe même en Hongrie et que l'on sache positivement qu'on nous envoie du bétail de cette contrée, je croîs que le gouvernement devrait être armé pour ce cas.
Je voudrais que l'honorable M. Dumortier trouvât moyen de modifier son amendement dans ce sens et je crois qu'au fond nous sommes d'accord.
M. Dumortier. - Les observations de l'honorable membre sont très fondées. Il suffit que la maladie, ayant envahi un pays voisin, menace de se répandre chez nous.
MfFOµ. - Pas seulement un pays voisin, même un pays éloigné.
M. Dumortier. - Elle existe toujours en Russie, et je ne pense pas que l'on ait jamais songé à prendre des mesures parce que la maladie sévissait à 500 ou 600 lieues d'ici ; mais si elle existe dans un pays voisin il est évident que le gouvernement doit être armé.
Il serait facile de faire droit à l'objection très sérieuse de l'honorable M. Jacquemyns en disant : « Les arrêtés déclaratifs de l'invasion de la maladie en Belgique ou dans un pays voisin. »
(page 301) M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Messieurs, je crois que l'amendement d« l'honorable M. Dumortier est inutile.
Le gouvernement, d'après l'honorable M. Dumortier, doit déclarer que le pays est envahi ou qu'il y a danger d'invasion, et il remet alors en vigueur les différents arrêtés que la loi l'autorise à prendre.
Mais il pourra se faire qu'il faille prendre d'autres mesures. Ainsi, pour l'interdiction à l'entrée, si la maladie ne sévit que d'un seul côté, le gouvernement ne fermera pas la frontière de toutes parts, par terre et par mer, comme il a dit le faire il y a quelques mois.
D'un autre côté, si la maladie diminue, il ne faut pas que le gouvernement fasse tomber toutes les mesures à la fois, il les rapportera successivement. Ainsi si le gouvernement a envoyé des troupes à la frontière, il peut, tout en maintenant une autre surveillance, d'abord les rappeler ; s'il a interdit les marchés, quand le typhus aura disparu il retirera cette défense partiellement et certains marchés auront lieu comme auparavant.
Je crois donc, messieurs, qu'il faut laisser un peu plus de latitude au gouvernement. Lorsque le typhus n'existera plus, les arrêtés seront rapportés. Le gouvernement n'a aucun intérêt à prescrire des mesures de rigueur et à ordonner des abattages inutiles.
Je crois donc que l'amendement n'est pas nécessaire et qu'il pourrait être dangereux ; je conseille donc à l'honorable M. Dumortier de le retirer.
M. Dumortier. - Dès l'instant que le gouvernement prend l'engagement que dès que la peste cessera les arrêtés seront retirés ; je ne demande pas, quant à moi, le maintien de mon amendement.
Cette déclaration était, selon moi, nécessaire, car nous aurions pu sans cela arriver à ce résultat que les arrêtés pris en vertu d'une loi permanente eussent été permanents.
- L'amendement est retiré. L'article 8 nouveau est adopté.
Il est procédé au vote par appel nominal.
80 membres y prennent part.
69 adoptent.
4 rejettent.
7 s'abstiennent.
En conséquence, la Chambre adopte. Le projet de loi sera transmis au Sénat.
Ont voté l'adoption :
MM. de Theux, Dewandre, de Woelmont, Dubois-d'Aische, Dumortier, Elias, Frère-Orban, Funck, Goblet, Grosfils, Hayez, Hymans, Jacobs, Jacquemyns, Jamar, J. Jouret, M. Jouret, Julliot, Kervyn de Lettenhove, Landeloos, Lange, Lebeau, Lippens, Mascart, Moncheur, Moreau, Mouton, Muller, Orts, Rodenbach, Snoy, Tack, Thonissen, T'Serstevens, Valckenaere, Vanden Branden de Reeth, Alp. Vandenpeereboom, Vander Donckt, Vanderstichelen, Van Iseghem, Van Nieuwenhuyse, Van Overloop, Vilain XIIII, Vleminckx, Warocqué, Wasseige, Ansiau, Bouvier-Evenepoel, Bricoult, Carlier, Crombez, David, de Baillet-Latour, de Borchgrave, de Brouckere, de Conninck, de Decker, de Florisone, de Haerne, de Kerchove, Delcour, de Liedekerke, de Macar, de Mérode, de Moor, de Ruddere de Te Lokeren, de Smedt, de Terbecq et E. Vandenpeereboom.
Ont voté le rejet :
MM. Le Hardy de Beaulieu, Thienpont, Couvreur et Delaet.
Se sont abstenus :
MM. Lelièvre, Reynaert, Schollaert, Van Hoorde, Van Wambeke, Debaets et de Naeyer.
MpVµ. - Les membres qui se sont abstenus sont priés de faire connaître les motifs de leur abstention.
M. Lelièvreµ. - Je me suis abstenu par les motifs que j’ai déduits dans la discussion résultant notamment de la dérogation aux règles du droit commun, concernant la preuve des contraventions.
M. Reynaertµ. - J'approuve les mesures exceptionnelles que le gouvernement a prises et prendra encore dans la suite, pour combattre le fléau des maladies épizootiques. C'est le cas ou jamais de dire : Nécessité fait loi. Néanmoins, je n'ai pas donné un vote favorable au projet, parce que je partage les idées développées l'autre jour par MM. Van Overloop et Debaets, et aujourd'hui par M. Delaet, en ce qui concerne l'exagération des peines et la durée indéfinie de la loi.
M. Schollaert. - Je n'ai pas voté contre la loi parce que je comprends qu'il y a nécessité et urgence à combattre une contagion qui menace l'une des sources les plus importantes de l'alimentation publique.
Je n'ai pas voté pour la loi parce que je ne puis accorder .u gouvernement, pour un temps illimité, les divers pouvoirs que la loi lui attribue.
M. Van Hoorde. — Je me suis également abstenu, parce que la Chambre n'a pas admis l'article proposé par la commission, dans le but de donner à la loi un caractère temporaire. Si elle avait eu une durée limitée, je l'aurais votée très volontiers.
M. Van Wambekeµ. - Je n'ai pas voté pour la loi, messieurs, parce que je ne veux donner (erratum, page 310) à aucun ministre le droit de créer des délits qui peuvent amener des peines aussi fortes que celles inscrites dans la loi.
Je n'ai pas voté contre, parce je crois qu'une loi temporaire est nécessaire.
M. Debaets. - Je me suis abstenu pour les motifs que j'ai eu l'honneur de développer dans la discussion.
M. de Naeyerµ. - Je me suis abstenu pour les motifs émis par M. Schollaert.
M. Van Overloopµ. - Nous venons d'adopter une loi qui donne au gouvernement tous les moyens imaginables et inimaginables pour empêcher l'invasion du typhus contagieux du bétail en Belgique.
Je crois que le moment est plus opportun que jamais pour que j'insiste une seconde fois auprès du gouvernement à l'effet de le déterminer à prendre des mesures énergiques contre l'invasion de la maladie des trichines qui compromet la santé humaine.
Je suis heureux d'apprendre de la bouche de M. Vleminckx que jusqu'ici la maladie des trichines n'existe pas en Belgique, et que si l'on continue à y élever les porcs comme on les y élève, cette maladie n'y éclatera probablement pas. Mais j'ai lu dans la Gazette de Cologne du 17 de ce mois, que la majeure partie des porcs qu'on vend sur les marchés de Cologne et qu'on y amène de divers points de l'Allemagne, sont introduits en Belgique. Or, comme c'est en Allemagne que la maladie des trichines sévit surtout, je désirerais voir prendre des mesures rigoureuses pour empêcher que cette maladie ne soit importée dans notre pays.
Il ne faut pas se contenter de prendre des précautions cantre les porcs vivants. Remarquez qu'une quantité considérable de jambons et de saucissons, je dois bien employer le mot, sont introduits en Belgique et que de cette manière encore la maladie des trichines pourrait s'y développer. (Interruption.) Je crois, messieurs, qu'il est plus important de prendre des mesures contre l'invasion des maladies qui compromettent la santé de nos concitoyens, que d'en prendre contre l'invasion de la peste bovine.
J'insiste donc auprès de M. le ministre de l'intérieur afin que, tout en continuant à consulter les commissions scientifiques, il se détermine à prendre immédiatement des mesures énergiques destinées à prévenir l'invasion de la maladie des trichines en Belgique.
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Le gouvernement n'a pas attendu l'interpellation que lui fait M. Van Overloop pour attirer sur cette question l’attention la plus sérieuse des autorités compétentes ; ainsi dès le mois de septembre dernier, il a communiqué aux commissions médicales provinciales un extrait du procès-verbal de la séance de l'Académie, dans laquelle on a signalé la maladie des trichines, et le gouvernement a fait connaître aussi aux communes les dangers qui, de ce chef, peuvent menacer la santé publique. Il entre d'ailleurs dans les attributions des administrations communales de surveiller le débit de la viande par laquelle peut se communiquer cette maladie.
M. Thonissenµ. - Mais l'entrée à la frontière ?
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Peut-on prohiber l'entrée de la viande de porc d'une façon absolue ? Cette mesure semble bien rigoureuse en ce moment. Je ferai, du reste, examiner la question et la Chambre peut être convaincue que le gouvernement ne négligera aucun moyen en son pouvoir pour assurer la santé publique.
Maïs, je le répète, c'est, avant tout, aux administrations communales à faire surveiller le débit des viandes, et cette surveillance est très facile dans les localités où il existe un abattoir public.
M. Vleminckxµ. - Je ne sais quelles mesures pourraient être recommandées à M. le ministre de l'intérieur, et je dois déclarer qu'il me paraît tout d'abord impossible d'en trouver d'efficaces. Les trichines se logent dans les muscles et je ne sais vraiment qui pourrait les y découvrir ; ce n'est pas, à coup sûr, les administrations communales. Il faudrait, pour cela, que tous les charcutiers fussent munis d'un microscope qui irait chercher les trichines dans les viandes dépecées. Mais cela serait d'une extrême difficulté, pour ne pas dire irréalisable. Pour le moment, il ne peut s'agir, et j'espère qu'il ne s'agira jamais d’apporter des entraves à l'introduction des porcs en Belgique. D'ailleurs il n'y a aucun danger, je l'ai déjà dit, et j'ai été depuis confirmé dans cette opinion, (page 302) il n'y a aucun danger à manger de la viande de porc, pourvu, qu'elle soit parfaitement cuite... (Interruption) de part en part.
M. Van Overloopµ. - J'admets avec M. Vleminckx qu'il n'y a aucun danger à manger de la viande de porc quand elle est parfaitement cuite, mais la question est de savoir quand elle est parfaitement cuite. Suffit-il de 80 degrés de chaleur, ou en faut-il cent ou cent vingt ?
Quoi qu'il en soit, je tiens à constater (c'est la Gazette de Cologne du 20 janvier dernier qui rapporte, le fait) que les charcutiers de la commune de Rondorf se sont obligés, sous peine d'amende, à ne plus débiter de la viande de porc à moins qu'elle n'ait été examinée au microscope. L'amende est, je crois, de 25 thalers, au profit des pauvres de la commune.
Des mesures semblables pourraient être facilement appliquées en Belgique et j'engage le gouvernement à les recommander aux administrations communales, et à avertir nos populations du danger de consommer de la chair de porc venant d'outre-Rhin.
- L'incident est clos.
Personne ne demandant la parole dans la discussion générale, la Chambre passe à la délibération sur les articles.
« Art. 1er. Le budget des dépenses du ministère de la justice pour 1865, fixé par la loi du 28 décembre 1864 (Moniteur, n°366), est augmenté :
« 1° D'une somme de cent quatre mille francs (fr. 104,000), répartie comme il suit :
« Chapitre VI.
« Art. 19. Impression du Recueil des lois, du Moniteur et des Annales parlementaires : fr. 77,200.
« Chapitre X.
« Art. 50. Prisons, frais d'impression et de bureau : fr. 26,800.
« 2° D'une somme de 86,000 francs, pour liquidation des dépenses concernant les exercices clos de 1864 et années antérieures, laquelle somme fera l'objet d'un chapitre XIV, nouveau, conformément aux détails ci-après :
« Chapitre XIV
« Paragraphe premier. Frais de justice.
« Art. 67. Frais de justice criminelle, correctionnelle et de simple police concernant les exercices 1864 et antérieurs : fr. 29,400.
« Paragraphe 2. Etablissements de bienfaisance
« Art. 68. Frais d'entretien et de transport en 1864 et années antérieures d'indigents dont le domicile de. secours est inconnu, ou qui sont étrangers au pays : fr. 20,000.
« Paragraphe 3. Prisons
« Art. 69. Entretien et amélioration des bâtiments des prisons pendant l'année 1864 : fr. 27,262 65.
« Paragraphe 4. Dépenses diverses
« Art. 70. Dépenses diverses de toute nature concernant les exercices 1864 et antérieurs : fr. 9,337 35.
« Total des crédits : fr. 190,000. »
- Adopté.
« Art. 2. Les allocations qui font l'objet de la présente loi, s'élevant ensemble à la somme de cent quatre-vingt-dix mille francs (fr. 190,000), seront couvertes au moyen des ressources ordinaires de l'exercice 1865. »
- Adopté.
Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet.
69 membres sont présents.
68 votent l'adoption.
1 s'abstient.
En conséquence le projet de loi est adopté.
Ont voté l'adoption :
MM. de Theux, Dewandre, de Woelmont, Dolez, Dumortier, Elias, Frère-Orban, Funck, Goblet, Grosfils, Hayez, Jacquemyns, Jamar, J. Jouret, M. Jouret, Julliot, Kervyn de Lettenhove, Landeloos, Le Hardy de Beaulieu, Lelièvre, Lippens, Mascart, Moncheur, Moreau, Mouton, Muller, Orts, Reynaert, Schollaert, Tack, Thienpont, Thonissen, T'Serstevens, A. Vandenpeereboom, Vander Donckt, Vanderstichelen, Van Hoorde, Van Iseghem, Van Nieuwenhuyse, Van Overloop, Van Wambeke, Vleminckx, Warocqué, Wasseige, Ansiau, Bricoult, Carlier, Couvreur, Crombez, David, Debaets, de Baillet-Latour, de Borchgrave, de Brouckere, de Conninck, de Florisone, de Haerne, de Kerchove, Delaet, Delcour, de Macar, de Mérode, de Moor, de Naeyer, de Ruddere de Te Lokeren, de Smedt, de Terbecq et E. Vandenpeereboom.
S'est abstenu : M. Hymans.
MpVµ. - Le membre qui s'est abstenu est invité à donner les motifs de son abstention.
M. Hymans. - Je n'ai pas voté contre l'ensemble de la loi, parce qu'elle contient des articles qui tendent à ratifier des dépenses indispensables. Mais je n'ai pu voter pour l'article relatif aux frais d'impression du Recueil des lois, du Moniteur et des Annales parlementaires, que je persiste à trouver exorbitants.
- La séance est levée à 4 heures et demie.