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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mercredi 17 janvier 1866

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1865-1866)

(Présidence de (M. E. Vandenpeereboom.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 199) M. Thienpont, secrétaire., procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart et donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

Il présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.

« Le sieur Verheygen soumet à la Chambre l'idée de télégraphier de la sténographie »

M. Bouvierµ. - Je demande le renvoi à la commission des pétitions, avec prière de faire un prompt rapport.

- Adopté.


« Des fabricants d'huile et des meuniers à Harelbeke demandent la diminution du droit de patente sur les moulins à vent. »

M. de Kerchoveµ. - Je demande le renvoi à la commission des pétitions, avec prière de faire un prompt rapport.

- Adopté.


« Des habitants de Jandrenouille demandent l'établissement d'une école dans cette partie de la commune de Jandrain-Jandrenouille. »

M. le Hardy de Beaulieuµ. - Je demande le renvoi de cette requête à la commission des pétitions avec prière de faire un prompt rapport.

- Adopté.


« Le sieur Limborg demande que son fils, milicien de la classe de 1865, soit renvoyé dans ses foyers. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Les sieurs Baatard et autres membres du comité directeur des maîtres de carrières de pierres bleues prient la Chambre d'augmenter considérablement, en ce qui concerne les waggons plats, la demande de crédits pour le département des travaux publics. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi.


« Le conseil communal d'Ittre prie la Chambre d'accorder à la compagnie de Looz, la concession d'un chemin de 1er de Fleurus à Denderleeuw, avec les embranchements. »

« Même demande des membres du conseil communal de Virginal. »

M. Carlierµ. - Je demande le renvoi à la commission des pétitions, avec prière de faire un prompt rapport.

- Adopté.


« Le sieur J.-J. Koch, propriétaire à Anvers, né à Amsterdam, demande la naturalisation ordinaire. »

- Renvoi au ministre de la justice.


« M. le ministre de la justice fait connaître à la Chambre que le nommé Bewers (Guillaume), caporal au 6ème régiment de ligne, qui avait adressé une demande à l'effet d'obtenir la naturalisation ordinaire, est décédé à Malines, le 27 décembre dernier. »

- Pris pour information.


« M. de Florisone, retenu à Bruges par la mort de son frère, demande un congé de quelques jours. »

- Accordé.

Composition des bureaux des sections

Les bureaux des sections pour le mois de janvier 1866 sont composés de la manière suivante :

Première section

Président : M. Thibaut

Vice-président : M. Kervyn

Secrétaire : M. Van Renynghe

Rapporteur de pétitions : M. Vander Donckt


Deuxième section

Président : M. de Bast

Vice-président : M. Orban

Secrétaire : M. T’Serstevens

Rapporteur de pétitions : M. Hymans


Troisième section

Président : M. Lelièvre

Vice-président : M. Lesoinne

Secrétaire : M. Dupont

Rapporteur de pétitions : M. Julliot


Quatrième section

Président : M. de Ruddere

Vice-président : M. Delaet

Secrétaire : M. Bouvier

Rapporteur de pétitions : M. Jacobs


Cinquième section

Président : M. Van Iseghem

Vice-président : M. le Hardy de Beaulieu

Secrétaire : M. Van Humbeeck

Rapporteur de pétitions : M. Van Hoorde


Sixième section

Président : M. Funck

Vice-président : M. de Macar

Secrétaire : M. Braconier

Rapporteur de pétitions : M. Lippens


MpVµ. - Vous avez chargé le bureau de composer la commission chargée d'examiner le projet de loi relatif au transfert de la justice de paix d'Ingelmunster à Iseghem.

Cette commission est composée de MM. Crombez, Tack, Valckenaere, Reynaert et Van Nieuwenhuyse.

Projet de loi ouvrant des crédits spéciaux et complémentaires au budget du ministère des travaux publics, pour l’amélioration du matériel ferroviaire

Discussion générale

MpVµ. - La discussion générale continue.

M. Moncheurµ. - Je puis être d'autant plus bref aujourd'hui que presque tout le discours de l'honorable M. Sabatier peut servir de réplique de ma part et de réplique beaucoup meilleure que je n'aurais pu faire à M. le ministre des travaux publics.

Cependant, il est un point sur lequel je désire revenir, en quelques mots, c'est celui des abonnements pour waggons de marchandises.

Je ne parlerai donc plus de l'insuffisance du crédit demandé par le gouvernement ; ma thèse comme celle des deux honorables membres qui ont pris la parole hier, c'est que cette insuffisance est réelle et produira, dans peu de temps encore, des inconvénients graves.

Une demande de crédit spécial n'est pas une obligation immédiate de dépenser le montant du crédit, mais il fournit du moins au gouvernement le moyen de le dépenser en temps utile.

Du reste, la proposition faite hier par M. le ministre des travaux publics de porter le chiffre de ce crédit à 10,000,000 de francs au lieu de 8,000,000, prouve qu'au fond, nous sommes, mes honorables collègues et moi, dans le vrai.

Quant aux abonnements de waggons, ma thèse, qui est également- celle de M. Sabatier, est celle-ci :

Les abonnements à courts termes, et spécialement les abonnements mensuels, ont, dans la pratique, les plus graves inconvénients et doivent être supprimés.

Ils enlèvent presque subitement, et surtout pendant la saison d'hiver, une énorme quantité de waggons au trafic général du pays.

Dans ces conditions l'abonnement, qui a été inventé, je le veux bien, dans l'intérêt du chemin de fer, devient une cause de monopole ou de faveur pour ceux qui par la nature ou l'importance de leurs opérations peuvent y avoir recours, et contre ceux à qui il est impossible d'en user, pour une foule de raisons indépendantes de leur volonté.

Ce que j'avais prévu est arrivé dans la séance d'hier ; l'honorable ministre des travaux publics a préconisé le système d'abonnement en disant qu'il produit une utilisation plus grande du matériel que s'il n'existait pas ; je suis d'accord avec lui sur ce fait, qui est vrai en lui-même, mais (page 200) l'honorable ministre n'a pas répondu à cette observation qui est capitale dans la pratique, c'est que comme la grande majorité de ceux qui se servent du chemin de fer ne se trouvent pas et ne peuvent se trouver dans les conditions exigées pour profiter de l'abonnement, il en résulte que cette somme plus grande d'utilisation du matériel, utilisation qui est l'effet de l'abonnement, se réalise au profit de quelques-uns, à l'exclusion et au préjudice de la grande majorité.

Je ne citerai que quelques catégories d'industriels ou de particuliers qui ne peuvent point aborder le système d'abonnement et, par suite, profiter de tous les avantages qu'il présente.

Je citerai d'abord tous ceux qui ne peuvent s'engager à fournir ou à recevoir chaque jour le tonnage d'un waggon complet. Or, vous concevez que le nombre en est immense, car cinq mille kilogrammes au moins tous les jours, c'est déjà assez considérable. Donc dans cette catégorie se trouvent tous les petits industriels et les petits marchands, tous les particuliers non commerçants, tous les cultivateurs accoutumés, dans certaines localités, à commander leur chaux ou leur charbon au fur et à mesure de leurs besoins.

Une seconde catégorie d'exclus est celle des industriels qui pourraient, il est vrai, donner au chemin de fer ou en recevoir beaucoup plus que le tonnage d'un waggon par jour, mais non point d'un lieu déterminé à un autre lieu également déterminé ; or, ceci les prive de l'avantage de l'abonnement.

Enfin, je citerai une troisième catégorie des exclus de l'abonnement, ce sont les établissements quelque considérables qu'ils soient, les charbonnages par exemple, dont la clientèle principale se trouve hors du pays, non loin de la frontière, là où l'abonnement n'est pas en général admis.

Il résulte de là que l'abonnement ne profile réellement qu'aux grands courants de transport formés par les plus grands établissements et qui s'opèrent d'un lieu fixe à un autre lieu fixe.

Si du moins, messieurs, l'abonnement était fixe pour six mois minimum sans faculté d'augmenter ou de diminuer, tous les mois, pendant ce terme les quantités de waggons pris en abonnement et sans faculté également de changer mensuellement la direction de ces waggons, les inconvénients seraient moins graves au point de vue de ceux qui ne peuvent pas s'abonner, car cette période embrasserait une partie de la morte saison, et l'on ne verrait plus la pénurie du matériel se produire tout à coup et d'une manière temporaire précisément au moment où tout le monde a le plus besoin de s'adresser au chemin de fer. Ce mode d'abonnement se restreindrait dans des limites plus justes ; mais c'est la mensualité facultative qui produit les plus mauvais résultats.

C'est donc avec plaisir que j'ai entendu hier mon honorable collègue M. Sabatier demander, comme moi, la suppression des abonnements mensuels et de tout ce qui y ressemble, notamment la faculté de modifier, pendant les six mois, et les quantités et la direction des waggons pris en abonnement.

Mais je vais plus loin, comme je l'ai dit hier, que l'honorable M. Sabatier et je prétends que l'abonnement d'un an au moins, tel que le pratique uniquement la compagnie du chemin de fer du Nord, est le seul qui ait un caractère vraiment sérieux et juste, et qui amènerait, avec le temps, les résultats les plus avantageux à la grande industrie elle-même, parce qu'il forcerait peu à peu le commerce à répartir ses transports d'une manière plus égale et plus uniforme pendant les différentes saisons de l'année.

Il y aurait, il est vrai, plus de magasins chez les marchands, les détaillants et les consommateurs, mais on ne verrait plus ces stocks si énormes sur le carreau des charbonnages, stocks qui n'amènent que de la perte par la freinte et par l'intérêt perdu du capital qu'ils représentent, stocks qui sont la source des grands embarras des transports forcés.

Je prie donc M. le ministre d'examiner sans idée préconçue ces points qui sont d'une excessive importance.

En fait d'exploitation d'une entreprise aussi compliquée et qui deviendra aussi immense que celle du chemin de fer belge, personne ne peut affirmer d'être parvenu à la perfection, surtout au point de vue commercial.

Messieurs, encore un mot sur le dernier point que j'ai touché hier et je finis.

J'ai dit qu'il y avait une lacune regrettable dans l’administration du pays, c'est celle d'une inspection bien réelle et bien efficace de l'Etat des chemins de fer concédés, tant au point de vue des voies et du matériel qu'à tout autre point de vue.

J'ai dit qu'il était nécessaire de combler cette lacune, car le gouvernement et la législature qui ont créé ces concessions, qui feront retour à l'Etat, doivent avoir constamment une idée nette et précise de l'état dans lequel elles se trouvent.

J'ai cité à ce propos la compagnie du Luxembourg, parce que, à en juger par les faits, elle doit laisser beaucoup à désirer sous le rapport des voies et du matériel. Je regrette de n'avoir pas été du tout compris par M. le ministre des travaux publics qui m'a répondu sur un point tout autre dont je ne m'étais pas même occupé.

A côté de la compagnie du Luxembourg j'aurais pu également peut-être citer la compagnie du Grand Central, car, s'il faut en croire les doléances exprimées récemment à la Chambre par une pétition du comité des charbonnages, elle ne serait pas pourvue non plus d'un matériel en rapport avec l'importance des transports auxquels elle pourrait et devrait se livrer, mais j'insiste en terminant sur ces points : une inspection réelle, effective des chemins de fer concédés, et rapports annuels ou au moins bisannuels présentés aux Chambres et contenant les résultats de cette inspection.

M. Julliot. - Quand nous discutons le budget des voies et moyens, tous, nous demandons des modérations d'impôts, et chaque fois le gouvernement doit se défendre pour maintenir le chiffre de ses recettes.

Il en est tout autrement quand nous discutons des projets de dépense ; alors, souvent, ceux qui réclament la suppression de l'impôt du sel et une diminution sur celui de la bière cherchent à pousser le gouvernement à des dépenses qu'une bonne gestion financière ne peut admettre.

Hier, ce crédit au chemin de fer n'a été débattu qu'entre avocats directement intéressés à la question, le gouvernement qui défend sa caisse et MM. les industriels qui veulent grossir considérablement la leur aux dépens de la première. et quand personne ne se lève pour soutenir le gouvernement, ce dernier, peu assuré d'une majorité, croit devoir faire des concessions qui ne sont pas toujours nécessaires.

Permettez donc, messieurs, à un juré campagnard directement désintéressé à émettre son avis avant le vote.

Le gouvernement dit avec raison : J'exerce l'industrie voiturière pour compte de la société tout entière, j'ai pour actionnaires tous les contribuables du pays et si la richesse industrielle est une fraction très considérable du capital national, toutes les autres valeurs réunies sont bien plus importantes ; je ne dois donc pas sacrifier le tout à une partie ; d'ailleurs votre prospérité même accuse que vous êtes en position donc pas vous plaindre.

Le chemin de fer donne annuellement un profit considérable et le gouvernement applique ces valeurs à améliorer le service du chemin de fer ; le chemin de fer peut et doit se suffire, voilà le système et il est bon.

Si le gouvernement prélevait encore sur les impôts au profit du chemin de fer, il aboutirait à une mauvaise et dangereuse comptabilité où je ne le suivrais pas.

MM. les industriels, de leur côté, tiennent un autre langage, ils nous disent :

Le transport à bon marché est un objet d'intérêt général qui domine tout. Nous ne plaidons pas pour le producteur ni pour le négociant, c'est le consommateur seul qui nous intéresse, or, toute diminution dans le prix de la production profite directement au consommateur, dit-on ; oui, messieurs, quand la concurrence au bout de quelque temps vous y force, mais en attendant vous empochez les profits.

Je dirai même que, par une coïncidence difficile à expliquer, quand l'Etat baisse ses prix de transports, MM. les charbonniers haussent le prix de leur denrée, ce que j'ai remarqué plus d'une fois.

Messieurs, j'honore l'industrie et je vénère les industriels qui, par leur génie et leur activité, placent le pays dans une sphère si élevée, je m'incline surtout devant les honorables collègues qui joignent tant d'intelligence à une pratique bien entendue des affaires.

Seulement, je leur trouve un peu trop de zèle à vouloir couvrir du manteau de la loi des profils exagérés, à faire aux dépens du reste du pays.

Quand MM. les représentants de nos industries sont appelés à discuter canaux ou chemins de fer, ils nous arrivent avec un appétit trop aiguisé.

L'industrie charbonnière et métallurgique se dit : L'Etat a 5,000 véhicules, il en loue beaucoup par abonnement, à prix réduit, il n'en reste donc qu'une partie pour les non-abonnés, de là viennent les retards, et on se plaint,

On se dit donc tout bas : Si nous pouvons déterminer le gouvernement à porter à 12,000 le nombre de ses waggons, il en aura trop et alors il sera facile de démontrer qu'au lieu de laisser chômer le matériel, il vaut mieux de le louer avec 50 p. c. de réduction ; cela n'a pas été dit, mais cela se trouvé logiquement au fond de la prétention industrielle qui se produit.

(page 201) Messieurs je suis d'avis que le gouvernement ne doit pas perdre de vue que, dans l'industrie voiturière qu'il exerce, il a pour actionnaires tous les contribuables du pays et qu'il est difficile de donner aux uns sans prendre quelque chose à d'autres ; partant, que l'Etat doit avoir assez de matériel pour suffire aux besoins de la moyenne sans aller au delà, dût-il réduire un peu le nombre des abonnements ou en relever un peu le prix, car s'il y a une différence assez notable entre le prix des abonnés et ceux qui ne le sont pas, cela ne me semble pas juste, car c'est favoriser les forts contre les faibles.

Je voterai donc le chiffre que propose le gouvernement.

M. Braconier. - Je suis surpris que l'honorable M. Julliot n'ait pas prononcé le discours qu'il vient de faire lorsque l'honorable ministre des travaux publics a publié les nouveaux tarifs du chemin de fer que le pays tout entier a accueillis avec la plus vive satisfaction ; il eût été mieux placé dans cette circonstance.

L'honorable M. Julliot attaque l'abaissement des tarifs parce qu'il a eu pour conséquence de rendre le matériel insuffisant.

M. Julliot. - Certains détails. Je n'ai pas prononcé le mot de tarif.

M. Braconier. - Si vous n'avez pas prononcé le mot, la chose y était.

Le gouvernement propose une augmentation de matériel pour le chemin de fer ; en vous proposant cette augmentation, le ministre des travaux publics avoue que le crédit qu'il sollicite sera insuffisant pour répondre aux besoins.

Dans ces circonstances, faut-il adopter le chiffre proposé par le gouvernement où faut-il aller au delà ?

Il est évident pour tout le monde que la diminution dans le prix des transports a amené une augmentation considérable dans le trafic. C'est ce qui a causé la pénurie de matériel dont on se plaint actuellement. Ce matériel n'a pas seulement été insuffisant à l'arrière-saison ; il l'a été pendant toute l'année ; à l'époque de la moisson même, où généralement les transports sont moins considérables.

L'honorable ministre des travaux publics nous disait, lors de la présentation de son nouveau tarif, que ce ne serait pas immédiatement que les résultats se feraient sentir ; mais que, d'année en année, les transports iraient en augmentant. Nous avons vu que ces espérances ont été dépassées, que, malgré la diminution du prix des transports, les recettes ont augmenté dès la première année.

Il est une chose certaine, c'est que le projet de loi en discussion a été accueilli on ne peut plus favorablement dans tout le pays et que dans cette enceinte c'est de la part de l'honorable M. Julliot seul qu'il a été l'objet de quelques critiques.

M. Julliot. - Je suis d'accord avec le gouvernement.

M. Braconier. - Messieurs, il est évident que de toutes les parties du pays aussi bien de celles qui consomment que de celles qui produisent des plaintes unanimes et fondées se sont fait entendre. Il est évident que toutes les personnes qui ne peuvent pas recevoir les marchandises dont elles ont besoin, se plaignent et se plaignent amèrement. Il y a à porter remède à la situation. Le gouvernement ayant monopolisé entre ses mains les transports dans certaines directions, il doit satisfaire aux besoins.

MtpVSµ. - Il n'a pas monopolisé.

M. Braconier. - Il y a monopole de fait.

Faut-il que des établissements industriels soient obligés de chômer et de renvoyer leurs ouvriers faute de matériel. Evidemment non.

L'honorable M. Julliot considère une augmentation du matériel des chemins de fer comme une dépense improductive, comme une perte sèche. Quant à moi, je la considère tout différemment ; je dis qu'augmenter ses moyens de production, qu'augmenter l'ensemble de ses opérations, que faire du matériel en un mot, c'est une excellente spéculation et non pas de l'argent perdu.

Messieurs, si le gouvernement avait maintenu le chiffre primitivement fixé dans son projet de loi, j'aurais proposé une augmentation, parce que, comme vous l'a fait observer hier l'honorable M. Sabatier, la plus grande partie de ce crédit est absorbée par la construction de locomotives, de voitures de voyageurs, de voitures à bagages, etc., et qu'une part très minime était réservée à la construction de waggons à marchandises. L'honorable ministre a annoncé l'intention d'augmenter le crédit de deux millions et d'affecter cette somme principalement aux waggons à marchandises. Je me contenterai de cette augmentation.

Messieurs, j'ai quelques mots à dire du système d'abonnements qui a soulevé des critiques. Pour ma part,, je partage un peu l'opinion de notre honorable collègue M. Sabatier ; l'abonnement a son beau et son mauvais coté. L'abonnement annuel ou semestriel est bon sous tous les rapports, parce que cet abonnement établit une régularité dans les transports, régularité qui a pour conséquence d'augmenter les quantités transportées avec une même somme de matériel. Quant à l'abonnement mensuel, il a également cette conséquence ; mais il a un inconvénient, c'est qu'il a pour conséquence de faire affluer à la même époque tous les transports au chemin de fer ; le consommateur, le négociant qui a besoin d'une marchandise sachant qu'au moment qui lui conviendra le mieux il peut obtenir des waggons d'abonnement, ne fera pas d'approvisionnements dans la morte saison et réservera tous ses transports pour la saison où le matériel du chemin du fer est insuffisant.

Messieurs, on a beaucoup parlé du matériel du chemin de fer de l'Etat ; mais il ne faut pas oublier non plus qu'une grande partie du pays est desservie par des chemins de fer concédés et que si l'Etat marche dans la voie où il est entré pour mettre son matériel à même de satisfaire à tous les besoins, il faut aussi que les compagnies marchent dans la même voie.

Je ne puis qu'engager M. le ministre des travaux publics à montrer à cet égard envers les compagnies une juste sévérité.

L'honorable M. Sabatier nous disait hier que le système d'abonnement était né dans des circonstances où les transports n'affluaient pas au chemin de fer. Je crois qu'une autre question est également née dans les mêmes circonstances, c'est celle du tarif de transit. Au moyen de ce tarif on effectue les transports à travers notre pays, des marchandises étrangères à un prix inférieur à celui du tarif de la 4ème classe et cela sans distinction de catégories, c'est-à-dire qu'un waggon de pièces d'étoffe, par exemple, transporté d'Anvers à Herbesthal coûte moins si ce sont des marchandises étrangères qu'un waggon d'engrais transporté d'Anvers à Verviers.

D'un autre côté, le waggon de marchandises étrangères transportées d'Anvers en Allemagne coûte moins que le waggon de marchandises belges transportées d'Anvers au même point.

Par ce système on emploi un matériel considérable au détriment des producteurs et des consommateurs du pays.

Je suis partisan des idées de libre échange et de l'abolition de toutes les barrières possibles, mais je ne suis pas partisan d'instituer par des réductions de tarif une prime en faveur des étrangers.

Je pense donc que le moment est venu de supprimer ces tarifs et que la situation du chemin de fer n'exige plus de pareils sacrifices pour attirer des transports. Je demanderai à l'honorable ministre des travaux publics s'il ne pense pas que le matériel employé au service du transit viendrait grandement en aide au pays.

MtpVSµ. - Ce serait insignifiant.

M. Braconier. - Supprimez le tarif de transit alors ; pourquoi établir un principe qui n'est pas juste pour n'en retirer qu'un avantage insignifiant ?

M. Thibautµ. - Messieurs, je désire demander à M. le ministre des travaux publics une explication sur un passage du premier discours qu'il a prononcé dans la séance d'hier. J'ai cru comprendre qu'il avait l'intention de faire donner à tous les waggons à construire une capacité de 10 tonnes et même de réformer, dans un avenir prochain, tous les anciens waggons d'une capacité de 5 tonnes.

Je comprends que des waggons de 10 tonnes conviennent mieux que d'autres à l'administration du chemin de fer et qu'ils satisfont également aux intérêts du commerce et de l'industrie, mais il n'en est pas de même pour les intérêts des particuliers. Ainsi, il arrive souvent que pour des besoins domestiques, des particuliers demandent à une société charbonnière un waggon de 5 tonnes.

Cette quantité suffit quelquefois pour les besoins de toute une année d'une famille. Si vous ne mettez plus à la disposition du public que des waggons de 10 tonnes, les sociétés charbonnières ou bien refuseront les petites commandes ou bien elles feront sur une plus vaste échelle ce qu'elles font déjà aujourd'hui, à cause de la pénurie du matériel, c'est-à-dire qu'elles attendront une seconde demande de 5 tonnes pour satisfaire à une première, et ainsi expédier un waggon de 10 tonnes. Alors il faut procéder à un partage.

Vous comprenez que c'est là un grave inconvénient, outre des retards qui résultent nécessairement de cette situation. Je prie donc M. le ministre d'avoir égard à cette observation lorsqu'il fera construire de nouveaux waggons au moyen du crédit que nous allons voter.

M. Julliot. - L'honorable M. Braconier a critiqué mon discours, je vais lui rendre le bien pour le mai et faire l'éloge du sien.

(page 202) L'honorable député de Liège, à la fin de son discours, s'est mis d'accord avec moi ; comme moi, il se contente aujourd'hui du chiffre du gouvernement, et je l'en félicite ; mais au commencement de ce discours l'honorable membre m'a prêté des idées et des paroles qui ne m'appartiennent pas. Je n'ai pas dit un mot des tarifs pas plus que je n'ai avancé que les sommes appliquées au chemin étaient des pertes sèches ; je n'en ai pas parlé, mais j'ai dit et je répète qu'une bonne situation financière domine la question du plus ou moins de matériel. C'est donc un malentendu, rien de plus.

J'approuve l'honorable M. Braconier quand il critique le mode actuel d'abonnement, et je suis encore de son avis en ce qui concerne les avantages que l'on réserve aux transports qui ne font que transiter. II est évident que l'étranger ne doit pas être plus favorablement traité que le Belge.

Je dis donc au gouvernement : Conservez une bonne situation financière et faites du matériel en concurrence des besoins ordinaires ; mais ne vous laissez pas entraîner à un matériel au point de vue de transports exceptionnels qui ne se présentent que pendant six semaines d'hiver, et à cet égard tout le monde paraît d'accord, la question paraît donc vidée.

MtpVSµ. - Messieurs, je ne prolongerai pas davantage ce débat. Les observations qui se sont produites aujourd'hui rentrent dans le cercle de. celles qui se sont produites hier. Je dois cependant encore quelques mots de réponse aux honorables membres qui se sont occupés de la question des abonnements et du tarif de transit.

En ce qui concerne les abonnements, sans renouveler les considérations que j'ai fait valoir hier, je ferai remarquer à l'honorable M. Moncheur qu'il ne se place qu'au point de vue exclusif de l'une des deux parties en cause, le public. Mais il y a une autre partie en cause, et cette autre partie c'est le trésor. Certainement il peut être agréable d'être desservi au jour ou à l'heure qu'on fixe.

Mais, messieurs, il y a deux manières d'exploiter les chemins de fer ; il y a la manière indiquée par l'honorable M. Moncheur, qui n'a égard qu'au public ; il y a celle poursuivie par l'administration qui consiste à réaliser le plus de recettes possible avec le tarif le plus bas.

Pour aboutir à ce résultat, messieurs, que faut-il ?

Il faut aussi utiliser le matériel dans la plus large proportion possible. Maintenant, pourquoi dis-je qu'il y a une seconde partie en cause, laquelle est le trésor, dont il faut également soigner les intérêts ; et qu'il faut chercher à réaliser le plus de recettes possible ? Mais, messieurs, c'est, sous une autre forme, en faisant un circuit, c'est au profit du public qu'il faut procéder ainsi. Si le chemin de fer ne donnait pas de grandes recettes, il n'y aurait pas d'excédant ; et s'il n'y avait pas d'excédant, il n'y aurait pas d'abaissements successifs de tarifs, il n'y aurait pas d'améliorations introduites dans l'exploitation du chemin de fer.

Voilà la vérité. C'est grâce aux quelques millions d'excédant que nous réalisons par an, que nous sommes à même d'introduire dans l'exploitation du chemin de fer de l'Etat toutes les améliorations que l'on constate et auxquelles applaudit le public.

Il faut donc persévérer dans cette voie ; il faut chercher à faire le plus de recettes possible. Eh bien, messieurs, les abonnements nous ont permis et continuent de nous permettre de réaliser des recettes que nous ne réalisions pas autrefois ; et c'est ce que vous allez comprendre très facilement.

Quel est un des grands avantages des chemins de fer ? C'est la rapidité et la régularité des transports.

Quant au prix, messieurs, malgré tous les abaissements qu'on a pu opérer, la navigation l'emporte encore aujourd'hui et l'emportera probablement toujours.

Le bas prix du batelage n'est compensé pour le consommateur que par la régularité et la rapidité des transports par chemin de fer. Que cette régularité et cette rapidité viennent à faire défaut et, dans beaucoup de circonstances, on ne donnera plus la préférence au chemin de fer, attendu que le chemin de fer n'aura plus l'utilité qu'il est capable d'offrir ; et j'ajoute que, dans ce cas, il ne répondrait plus à sa mission, si je puis me servir de cette expression : on passerait à côté de lui et on s'adresserait au batelage.

Je suppose, messieurs, un fabricant qui réside à Gand ou à Bruxelles ; il peut se servir indifféremment de la navigation ou du chemin de fer ; et si vous l'obligez à s'approvisionner en été pour l'hiver, il est évident qu'il s'adressera au batelage ; cela n'est pas douteux.

Pourquoi recourt-il au chemin de fer ?

Mais précisément parce qu'il est dispensé ainsi de faire des approvisionnements qui lui sont onéreux ; or, cette raison venant à disparaître, et le fabricant étant obligé de s'approvisionner en été pour l'hiver, il n'y a plus de raison pour lui préférer le chemin de fer ; au contraire, il aura une raison toute puissante de préférer la navigation, et cette raison, c'est l'économie qu'il réalisera en se servant du batelage. C'est donc par les abonnements que nous avons augmenté, dans une proportion extrêmement considérable, la clientèle el, par conséquent, les recettes du chemin de fer.

Je répète donc et je reviens par là à mon point de départ, que, dans l'intérêt du trésor, qui se confond avec l'intérêt du public, il faut maintenir le système des abonnements. Ce système est excellent, mais il suppose évidemment qu'il y ait un matériel suffisant ; si le matériel fait défaut, c'est un mal, et c'est pour parer autant que possible à ce mal que des crédits sont successivement demandés à la législature ; mais il est incontestable que, le matériel étant suffisant, on doit reconnaître que le système des abonnements est excellent.

M. Braconier. - C'est très juste.

MtpVSµ. - Avant de quitter la question des tarifs, je dirai à l'honorable M. Braconier, qui a critiqué le tarif du transit, qu'il ne paraît pas se rendre un compte exact de la situation. Il semble dire que, tout au moins en fait, le tarif de transit aboutit souvent à favoriser l'étranger au détriment des régnicoles. Eh bien, c'est là une erreur évidente.

Le tarif de transit s'applique aux transports des marchandises qui peuvent indifféremment prendre la voie de la Belgique ou celle d'un pays voisin ; si vous n'accordez pas un traitement de faveur, - si cela peut s'appeler ainsi, - à ces mêmes marchandises, au lieu de passer par la Belgique, elles passeront, par exemple, par la Hollande ou par la France. Je suppose des marchandises expédiées d'Angleterre pour la Suisse. Ces marchandises peuvent passer par la Hollande ou par la France ; elles peuvent transiter aussi par la Belgique ; si vous ne les attirez pas en Belgique, par certaines faveurs de tarif, elles s'en iront par la Hollande ou par la France. Où sera l'avantage pour la Belgique ?

Est-ce qu'on vendra plus en Belgique ? Quelle sera la différence ? C'est que le chemin de fer de l'Etat sera privé d'une recette, sans profit pour personne.

Sans doute, on peut abuser de ce traitement de faveur ; on peut le porter au delà d'un taux raisonnable.

Mais l'honorable M. Braconier ne critique pas l'application du principe, il critique le principe en lui-même.

Ce principe me paraît inattaquable. Encore une fois, pour que l'on se fasse des idées justes à cet égard, on ne doit pas perdre de vue qu'il s'agit d'attirer chez nous, par certaines faveurs de tarif, établies au profit du trésor, des marchandises étrangères qui peuvent prendre la voie d'un autre pays.

Messieurs, en ce qui concerne l'inspection des chemins de fer concédés, l'honorable M. Moncheur semble supposer que cette inspection ne se fait pas. Elle se fait, messieurs, et elle se fait tous les jours. J'ai eu occasion de le rappeler souvent : il existe à mon département une direction spéciale, qui n'a pas d'autres attributions que de surveiller incessamment les chemins de fer concédés.

L'honorable M. Moncheur trouve que le matériel et les voies des chemins de fer concédés laissent énormément à désirer. Messieurs, le matériel et les voies des chemins de fer concédés laissent beaucoup moins à désirer que ne pense l'honorable membre. Certainement le matériel des compagnies, par exemple, n'est pas aussi confortable que celui du chemin de fer de l'Etat ; les trains n'y sont pas aussi nombreux ; on est mieux sur le chemin de fer de l'Etat que sur la plupart des chemins de fer concédés.

Mais il ne faut pas oublier que le chemin de fer de l'Etat dessert les principales relations du pays et qu'il est possible de réaliser, sur le chemin de fer de l'Etat, des recettes auxquelles ne peuvent pas songer la plupart des lignes concédées. Tout au plus pourrait-on faire une exception pour une ou deux lignes concédées. Il serait donc souverainement déraisonnable et inique de demander aux lignes concédées ce que donne l'Etat ; elles ne peuvent pas le donner et elles ne doivent pas le donner.

Au point de vue de la sécurité des voyageurs, se produit-il beaucoup d'accidents sur les chemins de fer concédés ? Non.

La sécurité, il est vrai, n'y est pas aussi grande que sur le chemin de fer de l'Etat ; mais en définitive, on voyage sur les chemins de fer concédés dans des conditions relativement satisfaisantes.

Aux inconvénients qu'on pourrait signaler sur ce point, il y a un (page 203) remède beaucoup plus efficace que celui qu'on espère trouver dans une surveillance qui, du reste, existe ; c’est le progrès qu'on peut réaliser dans l'exploitation des lignes concédées, c'est la prospérité que peuvent espérer les compagnies par le système où l’on est entré.

Un groupement s'opère dans les lignes qui sont morcelées aujourd'hui : à l'heure qu'il est, il s'établit une situation tout à fait différente de celle qui existait hier. D'ici à très peu de temps, un fait important se trouvera réalisé ; on peut même dire qu'il est réalisé dès à présent ; c'est qu'il n'y aura plus en Belgique au maximum que cinq ou six groupes de chemins de fer concédés. Dans cette situation, chaque groupe aura une exploitation suffisante pour trouver facilement des ressources qui lui permettront de réaliser les améliorations dont le chemin de fer de l'Etat a pris et devait prendre l'initiative.

L'honorable M. Thibaut a présenté des observations en ce qui concerne le tonnage des waggons à construire. Je persiste dans l'idée qu'il faut construire des waggons à dix tonnes ; si, avec les deux millions supplémentaires que je demande maintenant pour l'extension du matériel, on peut construire 700 waggons, par exemple, il vaut certes infiniment mieux pour le public que ce soient des waggons de dix tonnes que des waggons de 5 tonnes. La différence est du double au simple et il n'est pas indifférent, dans les circonstances que vous connaissez, que nous ayons 700 waggons de plus ou de moins.

Sans doute il faut des waggons de tout tonnage et l'administration pourrait se trouver sérieusement embarrassée s'il n'y avait que des waggons de 10 tonnes. Mais c'est là une circonstance qui est assez indifférente au public. Si un particulier demande 5 tonnes de charbon, l'administration doit les lui fournir, et si elle n'a pas un waggon de 5 tonnes, elle emploiera un waggon de 10 tonnes ; mais on ne chargera que 5 tonnes.

M. Thibautµ. - Les frais seront plus considérables.

MtpVSµ. - Pour qui ?

M. Thibautµ. - Pour l'expéditeur.

MtpVSµ. - Du tout. L'expéditeur paye à raison du tonnage réel. Je le répète, le public n'est pas intéressé dans la question ; et quant à l'administration, pour desservir les abonnements, elle ne peut avoir assez de waggons de 10 tonnes.

Je crois donc que ce sera de préférence des waggons de 10 tonnes qu'il faudra faire construire.

Discussion des articles

Article premier

MpVµ. - M. le ministre a présenté un amendement qui consiste à rédiger l'article premier de la manière suivante :

« Art. 1er. Il est ouvert au département des travaux publics des crédits spéciaux et complémentaires s'élevant à dix millions de francs (fr. 10,000,000), destinés :

« 1° A concurrence de neuf millions, à l'extension du matériel de traction et des transports ;

« Et à concurrence d'un million, au renouvellement extraordinaire du matériel des transports.

« Ce dernier crédit formera le chapitre X, article 89 du budget du département des travaux publics pour l'exercice 1865. »

- L'article, ainsi rédigé, est adopté.

Article 2

« Art. 2. Ces crédits seront couverts au moyen des ressources ordinaires. »

- Adopté.

Second vote des articles et vote sur l’ensemble

La Chambre décide qu'elle passera immédiatement au vote définitif du projet.

L'article premier, modifié au premier vote, est définitivement adopté.


Il est procédé au vote, par appel nominal, sur le projet de loi, qui est adopté à l'unanimité des 80 membres présents.

Ce sont :

MM. de Liedekerke, de Macar, de Naeyer, de Ruddere de te Lokeren, de Smedt, de Terbecq, de Theux, Dewandre, de Woelmont, Dolez, Dumortier, Elias, Frère-Orban, Funck, Grosfils, Guillery, Hayez, Hymans, Jacobs, Janssens, Jacquemyns, Jamar, M. Jouret, Julliot, Kervyn de Lettenhove, Lange, Le Hardy de Beaulieu, Lelièvre, Lesoinne, Lippens, Magherman, Mascart, Moncheur, Moreau, Mouton, Muller, Nelis, Notelteirs, Nothomb, Orban, Orts, Reynaert, Rodenbach, Sabatier, Schollaert, Snoy, Tack, Thibaut, Thienpont, Thonissen, T'Serstevens, Vanden Branden de Reeth, Alp. Vandenpeereboom, Vander Donckt, Vanderstichelen, Van Hoorde, Van Iseghem, Van Nieuwenhuyse, Van Overloop, Van Renynghe, Warocqué, Wasseige, Allard, Ansiau, Bara, Bouvier-Evenepoel, Braconier, Carlier, Couvreur, Crombez, David, de Baillet-Latour, de Bast, de Conninck, De Fré, de Haerne ,dc Kerchove, Delaet et Ernest Vandenpeereboom.

Proposition de loi adaptant le nombre de représentant et de sénateurs à l’évolution de la population

Développements

M. Orts. - La proposition que j'ai l'honneur de développer devant la Chambre n'est pas nouvelle. Elle est ainsi conçue :

« Vu l'article 40 de la Constitution :

« Art. 1er. Le tableau annexé à l'article 55 de la loi électorale est modifié comme suit :

« Anvers (arrondissement d'Anvers), six représentants.

« Brabant (arrondissement de Bruxelles), treize représentants ; sept sénateurs.

« Hainaut (arrondissement de Mons), trois sénateurs ; (arrondissement de Charleroi), cinq représentants.

« Liège (arrondissement de Liège), quatre sénateurs ; (arrondissement de Waremme), deux représentants.

« Namur (arrondissement de Philippeville), deux représentants.

« Art. 2. Dans chaque province, le mandat des nouveaux élus expirera en même temps que celui des représentants et des sénateurs actuellement en fonctions.

« Art. 3. La présente loi sera obligatoire le lendemain de sa publication. »

Usant de mon droit constitutionnel d'initiative, je déposai, le 29 juin 1864, un projet de loi tendant à mettre le nombre des représentants et des sénateurs en rapport avec le chiffre réel de la population du royaume.

Les développements de cette proposition furent présentés en séance du 30 juin. Ils sont imprimés aux Documents parlementaires, session 1863-1864, n° 110.

La prise en considération ne fut combattue par personne et les sections se saisirent de l'examen. Elles s'en occupèrent immédiatement ; ainsi le leur prescrivait la décision formelle de la Chambre, prise en séance publique, sans contradiction aucune, et inscrite au procès-verbal de la séance comme aux Annales parlementaires.

Cette double mention ne fut suivie d'aucune réclamation lors de la lecture du procès-verbal à la séance du lendemain.

Au dehors du parlement, la proposition obtint l'appui sympathique de quatre conseils provinciaux et de nombreux conseils communaux.

En sections, cinquante-huit membres de cette Chambre prirent part aux travaux ; quarante-deux votèrent pour ; seize rejetèrent le projet. Nul ne protesta contre sa présentation, ni contre son principe.

La section centrale, formée à la suite de cet examen, adopta le projet à l'unanimité.

L'interruption des travaux législatifs et la dissolution de la Chambre empêchèrent le dépôt du rapport et la discussion.

La proposition fut représentée en séance du 1er septembre 1864. L'auteur consentit, sur la demande d'un membre de l'opposition, à ajourner ses développements à une époque que la Chambre se réservait de fixer ultérieurement.

L'absence d'élections générales en 1865 permettait cette condescendance.

Aujourd'hui, l'approche des élections destinées au renouvellement d'une moitié de la Chambre restitue à la proposition le caractère d'opportunité qu'elle possédait au moment de sa première apparition.

Les épreuves que le projet primitif a déjà traversées ne seront point stériles. Elles ont permis de connaître les seules objections données pour la combattre, et la réfutation de ces objections sera sans contredit le développement le plus utile et le plus pratique du projet actuel.

Personne ne nie la nécessité, dans un gouvernement représentatif, que toutes les localités soient également représentées au Parlement. L'inégalité une fois reconnue doit disparaître, car elle est inique et viole la Constitution. Or, aujourd'hui il est certain que plusieurs arrondissements du pays possèdent un député par 40,000 âmes ; quelques-uns mêmes jouissent d'un privilège plus grand. Ils sont représentés dans une proportion plus favorable encore.

Les arrondissements dont la proposition nouvelle s'occupe sont hors la loi et demandent à y rentrer, l'article 6 de la Constitution à la main.

L'exiger c'est leur droit ; notre devoir est d'acquitter sans retard une dette constitutionnelle.

Un écrivain national fait à ce propos la réflexion suivante : « Tous les ans, on tient compte au ministère de l'intérieur de la progression de la population dans les provinces, quand il s’agit de la répartition entre elles du contingent de l'armée. La population sous ce rapport devient pour cet impôt du sang, le plus onéreux, le plus vexatoire de (page204) tous les impôts, un motif de détriment, de désavantage qui s'accroît en raison directe d'une population plus forte ; et l'on s'obstinerait à n'avoir pour cette augmentation aucun égard quand un droit précieux devrait en dériver ! » (Delebecque, Commentaire des lois électorales, n°41.)

La proposition n'a donc, en réalité, soulevé d'autres critiques, sinon ce qu'en termes de palais on appelle des fins de non-recevoir. Ses adversaires n'ont jamais osé nier la légitimité de la dette ; ils ont imploré un délai pour l'acquitter.

On a soutenu d'abord que des engagements ministériels, qu'une disposition positive même de la loi du 2 juin 1856 formaient obstacle à la présentation de pareil projet, avant l'achèvement du recensement décennal de la population, qui doit s'opérer en 1860. Les chiffres de ce recensement offriront seuls, prétend-on, des garanties suffisantes de certitude.

Les chiffres servant de base à la proposition sont ceux que fournissent les registres de la population pour les années postérieures au recensement de 1856 et complètent, additionnés avec ceux du recensement, les résultats qu'il accusait.

Cette méthode a été suivie en 1859 par la Chambre et par le Sénat, lors de la dernière modification apportée au nombre des membres de la Représentation nationale. Loin de s'arrêter, pour fixer ce nombre, aux résultats fournis par le recensement de 1856, on a tenu compte de la population existant au 1er janvier 1859 et même de l'accroissement présumé pour l'époque à laquelle les élections nouvelles auraient lieu. C'est pourquoi notamment le nombre des représentants a été fixé à 116 et non pas à 112 ou 114, et le nombre des sénateurs augmenté dans la même proportion. (Rapport de M. Moreau à la Chambre. Documents parlementaires 1858-59, n°135 et le rapport de M. d'Omalius au Sénat, Documents parlementaires 1858-59, n°67.)

En 1859 le caractère de certitude de cette preuve complémentaire avait été révoqué en doute. Le gouvernement répondit aux critiques en insistant sur la régularité de la tenue des registres de population, précisément depuis le recensement de 1856, et la législature ne s'arrêta pas à cette taquinerie.

« Il est inexact », affirmait l'honorable M. Rogier, ministre de l'intérieur, devant le Sénat le 18 mai 1859, « il est inexact de dire que la répartition doit se faire exclusivement sur les bases constatées par le recensement. »

« La section centrale (la section centrale de la loi de 1856, dont M. Rogier avait été rapporteur), je puis en parler de science certaine, a fait des réserves sur ce point ; elle a déclaré que le recensement ne servirait pas de base exclusive, qu'il y aurait d'autres moyens de constater la population, notamment les registres de population. »

Une proposition en sens contraire, faite au sein de la commission du Sénat, fut rejetée et ses auteurs renoncèrent à la reproduire publiquement.

L'objection tirée de ce qu'aux termes de la loi du 2 juin 1856, il faudrait toujours attendre un recensement décennal avant de procéder à une détermination nouvelle du chiffre de la représentation nationale, fût-elle aussi fondée qu'elle l'est peu, ne signifie rien pour la législature. Celle-ci a l'incontestable pouvoir de défaire ou de refaire aujourd'hui ce qu'elle a fait ou défait hier, lorsque l'intérêt du pays et la justice le commandent.

Mais l'objection ne repose sur aucune base solide. S'il fallait s'incliner devant elle et la subir partout et toujours, elle assurerait une impunité de plusieurs années à de véritables iniquités politiques, à l'inégalité des Belges devant la loi.

Sans doute, il ne faut pas, à chaque session, remanier le personnel représentatif. Il convient de procéder avec mesure et nullement à l'étourdie. Mais lorsque, sur une population de 4,940,570 âmes, 260,000 concitoyens environ manquent de représentants légaux ; lorsque la Chambre, qui devrait compter 122 membres au moins, n'en compte que 116 ; lorsque six députés, c'est-à-dire lorsqu'un vingtième à peu près de sa composition normale fait défaut ; lorsque le même vice entache par contre-coup la composition du Sénat, il semble sage autant qu'équitable d'aviser et d'agir.

Se croiser les bras est un déni de justice.

Les engagements prétendument pris par le gouvernement en 1859 n'ont pas d'autre portée. Il a été formellement reconnu à cette époque par le ministre de l'intérieur que rien ne pouvait enchaîner en cette matière l'initiative parlementaire, et c'est d'un acte d'initiative que la Chambre est aujourd'hui saisie.

Ni le principe, ni l'application du projet ne sauraient être sérieusement contestés. Le principe est maintenant, croyons-nous, justifié. L'application est exactement conforme aux précédents législatifs.

Un mot en terminant.

La proposition actuelle diffère de sa devancière en un point unique.

Le sénateur nouveau que celle-ci donnait à l'arrondissement de Louvain est attribué maintenant à l'arrondissement de Bruxelles.

Les chiffres de population constatés au 31 décembre 1863 justifiaient la première façon de procéder, en juin 1864. Mais, depuis cette époque, l'accroissement beaucoup plus rapide de l'arrondissement de Bruxelles a modifié radicalement la situation et fait naître pour lui un droit incontestable.

L'auteur de la proposition n'a pas à supporter vis-à-vis de Louvain la responsabilité de cet événement. Il n'a pas dépendu de lui que son projet ne fût voté dans la session législative de 1863-1864, et si le projet avait été voté, Louvain aurait son sénateur.

MpVµ. - Ces développements seront imprimés et distribués.

- La proposition est appuyée.

Prise en considération

A quel jour la Chambre veut-elle fixer la discussion sur la prise en considération ?

M. Dumortier. - Je demanderai à l'honorable M. Orts s'il ne consentirait pas à ce que la discussion sur la prise en considération de sa proposition fût fixée à un jour où toute la Chambre sera ici ? Il s'agit d'une question excessivement importante. (Interruption.)

Je demande que les développements que vient de présenter l'honorable membre soient imprimés et distribués et que l'on fixe un jour pour discuter la prise en considération.

Je ne pense pas qu'on veuille faire de cette proposition une question de parti. A la fin de la séance d'hier, l'honorable membre s'est levé pour demander qu'on mît à l'ordre du jour d'aujourd'hui les développements de sa proposition. Evidemment il n'y a ici que les membres qui se trouvaient à la séance d'hier, ceux qui n'étaient pas présents n'ont pu être prévenus et vous voyez que plusieurs bancs sont dégarnis.

Je le répète, je ne pense pas qu'il entre dans la pensée de la gauche de faire un coup de parti ; l'expérience prouvera si je me trompe. Je désire combattre la prise en considération de la proposition et vous comprenez qu'il est difficile de la combattre sur la simple lecture des développements que vous venez d'entendre.

Je demande donc que la Chambre veuille bien fixer la discussion sur la prise en considération au jour qui lui pourra convenir. Cela me semble excessivement loyal et honorable pour tous.

M. Orts. - Pour ma part, je ne vois aucun inconvénient à donner pour la seconde fois satisfaction à l'honorable M. Dumortier, qui, lorsque j'ai présenté, il y a dix-huit mois, ma proposition, m'a demandé également d'en remettre à un autre temps les développements. A la Chambre à décider ce qui lui convient, je ne m'oppose à quoi que ce soit. Je suis prêt à soutenir ma proposition ; je suis prêt à consentir à la remise de la discussion.

M. Bouvierµ. - On pourrait remettre la discussion à mardi.

M. Kervyn de Lettenhove. - Je demande que l'honorable auteur de la proposition veuille bien y joindre un tableau faisant connaître les excédants de populations non représentés pour tous nos districts électoraux.

MpVµ. - A quel jour la Chambre veut-elle fixer la discussion sur la prise en considération ?

- Des membres. - A mardi.

- D'autres membres. - A mercredi.

- La Chambre consultée fixe à mardi cette discussion.

M. Dumortier. - Je demanderai l'impression et la distribution des développements ainsi que de la liste demandée par M. Kervyn.

M. Kervyn de Lettenhove. - J'espère que l'honorable M. Orts ne verra pas d'inconvénient à nous indiquer les bases de sa proposition, c'est-à-dire à nous indiquer les excédants de population qui ne sont pas représentés.

M. Mullerµ. - La proposition de l'honorable M. Orts me paraît reposer sur la même situation qui existait à l'époque où il a présenté la première fois cette proposition.

- Un membre. - Il a fait un changement pour Louvain.

M. Mullerµ - Oui, et il est évident qu'elle devra être mise en rapport avec le chiffre actuel de la population. Or, les documents qui la (page 205) constatent ne peuvent être immédiatement fournis, et ii ne faut pas que le retard soit un motif pour ajourner le débat sur une simple prise en considération.

M. Kervyn de Lettenhove. - Il est évident que l'honorable M. Orts a sous la main les chiffres de la population qui ont servi de base à sa proposition, et je ne doute pas qu'il ne considère comme un devoir de justifier sa proposition en mettant ces chiffres sous les yeux de la Chambre.

M. Orts. - Je crains de m'engager à donner à l'honorable M. Kervyn des renseignements aussi complets que ceux qu'il demande.

Il demande en effet l'état de la population de tout le royaume au 31 décembre 1864 par arrondissement électoral, c'est-à-dire plus que les chiffres sur lesquels j'ai basé ma proposition ; or, messieurs, dans ces chiffres il y en avait les trois quarts, à peu près, qui étaient complètement indifférents à ma proposition et que je crains de ne pas avoir conservés. (Interruption.)

Ces chiffres ne serviraient absolument à rien pour la prise en considération, qui ne concerne que le principe.

Du reste, messieurs, je crois qu'il est un moyen beaucoup plus simple de mettre tout le monde d'accord et de donner à l'honorable M. Kervyn des chiffres plus exacts que les miens ; je crois que le gouvernement pourrait parfaitement fournir l'état de la population du royaume au 31 décembre 1864.

- Un membre. - 1865.

M. Orts. - Le gouvernement ne possède pas encore les chiffres de 1865. J'ai pris les chiffres de 1864 parce que ce sont les seuls qui existaient au moment où ma proposition a été déposée.

Maintenant je ne me refuse en aucune manière à donner à M. Kervyn tous les renseignements que je possède.

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Je ne crois pas qu'il soit impossible de fournir mardi à la Chambre les renseignements demandés par l'honorable M. Kervyn, mais pour 1864 seulement ; je ferai toutefois remarquer que ce sera là une communication peu utile, car la loi à faire ne pourra être basée que sur les chiffres de la population au 31 décembre 1865. Je n'aurai ces derniers chiffres que dans quelques semaines, du reste.

Pour le moment il s'agit seulement de décider si la proposition peut être prise en considération ; plus tard, lorsque le moment sera venu d'examiner et de voter les articles du projet de loi, je serai en mesure de fournir tous les renseignements nécessaires.

M. Dumortier. - Il résulte, messieurs, de tout ce que vous venez d'entendre, que la proposition devient tout à fait sans objet. Il me semble que l'honorable M. Orts aurait dû attendre au moins que les chiffres de 1865 fussent connus, car, enfin, il n'est pas raisonnable de baser une proposition sur des chiffres qui n'existent plus ou qui n'existeront plus dans quelques semaines.

La proposition de M. Kervyn est d'autant plus fondée qu'il faut commencer par diviser le pays par provinces et répartir ensuite entre les divers arrondissements de chaque province le nombre de représentants et de sénateurs auquel la province adroit.

Il est certain, messieurs, que nous sommes sans éléments pour examiner la proposition de M. Orts et que cette proposition est une espèce d'épée de Damoclès suspendue sur nos têtes. Tout cela est présenté avec de magnifiques paroles, mais il n'en est pas moins vrai que c'est une proposition sans base.

M. Orts. - Ma proposition n'est pas sans base ; elle se justifierait déjà par les chiffres officiels de l'année antérieure à celle dont j'ai pris la population pour point de départ de mes calculs. Quant aux provinces dans lesquelles il y a lieu d'augmenter le chiffre de la représentation nationale, je suis prêt à donner les chiffres au 31 décembre 1864. Ce sont les seuls qu'il soit utile de consulter. Mais ce que je ne possède pas, ce sont les chiffres des arrondissements appartenant à des provinces dans lesquelles il n'y a pas lieu d'augmenter le nombre des membres de la législature.

M. Dumortier. - Qu'en savez-vous, si vous n'avez pas les chiffres de toutes les provinces ?

M. Orts. - Mais les chiffres des provinces, on les trouve partout.

On les trouve dans l’Annuaire de l'Observatoire ; on les trouve dans les rapports des députations permanentes présentés à l'ouverture de la session des conseils provinciaux du mois de juillet dernier. Maintenant si M. Kervyn veut les chiffres des arrondissements qui composent les provinces où il y a lieu d'augmenter le nombre des représentants et des sénateurs, ces chiffres, les seuls à consulter utilement, je suis prêt à les fournir.,

Projet de loi portant le budget du ministère de l’intérieur de l’exercice 1866

Discussion générale

M. Lelièvreµ. - Je crois devoir appeler l'attention du gouvernement sur certaines questions se rattachant au budget soumis en ce moment aux délibérations de la Chambre.

Le contentieux administratif étant aujourd'hui l'un des services publics les plus importants, il importe qu'il existe une disposition législative réglant cet objet. Ainsi, non seulement en matière électorale, mais en toutes autres matières administratives, il serait indispensable que la procédure à suivre vis-à-vis des députations permanentes fût soumise à des prescriptions spéciales déterminées par la loi.

Il en est de même des recours contre les décisions administratives qui doivent être portées vis à-vis du gouvernement. Aujourd'hui tout est laissé à l'arbitraire ; aucune forme tutélaire des droits des intéressés n'est établie, et le conseil des ministres n'est pas même appelé à statuer, de sorte que, sous ce rapport, la Belgique n'a pas même les garanties administratives que donne l'institution du conseil d'Etat en France.

C'est là nécessairement un ordre de choses qui appelle toute la sollicitude du gouvernement.

Un autre objet que je crois aussi devoir signaler à l'attention de M. le ministre, c'est la nécessité de régler, par une loi, tout ce qui se rattache à la législation sur les cours d'eau qui ne sont ni navigables, ni flottables. C'est là une matière qui doit être régie par des dispositions législatives dans l'intérêt de l'agriculture et de l'industrie. Aujourd'hui on ne trouve dans la législation que des prescriptions éparses ; c'est un système complet, protecteur de tous les intérêts, qu'il faudrait édicter.

Plusieurs usines peuvent être établies sur le même cours d'eau. Il serait indispensable qu'il existât des dispositions claires et précises pour le règlement des droits respectifs. Dans l'état de choses actuel, une loi nouvelle est d'autant plus nécessaire qu'on n'est pas même d'accord sur la question de savoir à qui appartient la propriété des cours d'eau qui ne sont ni navigables, ni flottables.

Enfin, je ne puisque me rallier aux observations qui se sont produites dans les sections, relativement à la nécessité d'introduire l'expropriation pour cause d'utilité publique par zone ; cette mesure étant indispensable dans l'intérêt de l'embellissement des villes. Dans le système actuellement en vigueur, il n'est pas possible de réaliser des améliorations notables. Divers conseils communaux ont voté des adresses au gouvernement et des réclamations qui sont parvenues aux Chambres législatives pour appuyer des dispositions nouvelles qui réaliseraient un immense progrès. J'en recommande l'examen sérieux au département de l'intérieur, et j'espère que sous peu nous verrons appliquer le principe de la loi de 1858 sur les assainissements à tous ce qui peut concerner l'embellissement des villes.

M. Rodenbach. - Messieurs, j'ai soulevé, l'an passé, la question de la suppression de la roulette et des tripots scandaleux de Spa qui font la honte du pays.

L'administration des jeux vient de clore le bilan de cette année avec un bénéfice usuraire et immoral de deux millions. Sur cette somme, le gouvernement perçoit à lui seul environ 856,000 fr. Les actionnaires touchent 500,000 fr. La ville de Spa 335,000 fr., le bureau de bienfaisance de Spa 94,000 fr., Ostende 52,000 fr., Blankenberghe 20,000 fr., Nieuport 9,000 fr., Chaudfontaine 8,000 fr. et Heyst 4000 fr. Les villes de bains de mer n'ont pas besoin de cela pour prospérer. On sait qu'aux termes des clauses de la convention des jeux le gouvernement perçoit la moitié du bénéfice net, les actionnaires 30 p. c. et la ville de Spa 20 p. c.

Le directeur a 12,000 fr. d'appointements et 1 p. c. sur le bénéfice net. D'autre part certains croupiers étrangers font des bénéfices scandaleux. On m'en a cité qui ont gagné au delà de 180,000 fr., y compris le dividende de leurs actions.

A la section centrale il y a eu cinq voix contre trois qui ont demandé la suppression des jeux.

L'art. 410 du code pénal punit de deux à six mois d'emprisonnement le seul fait d'avoir tenu une maison de jeu et d'y avoir admis le public. En Belgique, c'est le gouvernement lui-même qui entretient la fatale passion du jeu en prenant part à l'exploitation des tripots.

Que de misères représente ce chiffre de 2,000,000 ! que de désolations il y a dans ce chiffre ! Combien de victimes ont vu leur existence brisée par la passion du jeu !

Messieurs, je tiens ici sous la main deux lettres, l'une m'est adressée de Paris par une veuve dont le fils, jeune homme des plus rangés, passa par Spa en faisant un voyage d'affaires. Il joue à la roulette et laisse cent mille francs dans ce gouffre. Ce malheureux destinait cette somme, qui était le montant de la succession de son père, à l'achat d'une étude de notaire. Cet infortuné jeune homme est devenu fou.

(page 206) L'autre missive me fait un tableau désolant du monde interlope et des gens tarés que le jeu attire à Spa. Les conclusions en sont que si l'on ne supprime pas la roulette, les familles honnêtes ne se rendront plus en cette ville et que le jeu sera la cause de la ruine de Spa.

Les défenseurs des jeux essayeront en vain de démontrer que la roulette est nécessaire, que c'est un fléau qu'il faut tolérer. Ce principe n'est pas soutenable.

C'est une excuse de dire que le gouvernement en retire des sommes dont il fait un usage utile. Si le jeu n'était pas condamnable par lui-même, il n'aurait pas besoin de cette excuse. La Chambre ne devrait pas permettre qu'on inscrive au budget des voies et moyens un chiffre de recettes qui sent le crime et le déshonneur.

Messieurs, on songe en Allemagne à imiter Aix-la-Chapelle. Le bail des banques de Wiesbaden et de Baden est près d'expirer et tout porte à croire qu'on ne le renouvellera pas. En Suisse, le conseil national vient de prendre une décision en vertu de laquelle serait introduit dans la constitution fédérale, un article qui supprimerait les loteries et les maisons de jeu sur tout le territoire suisse.

Messieurs, je ne demande pas la suppression brusque, immédiate des maisons de jeu. Le gouvernement ne pourrait-il pas ouvrir une enquête ou faire une nouvelle convention dans l'intérêt de Spa, pour ne pas priver cette ville des ressources sur lesquelles elle comptait pour exécuter et achever des travaux d'embellissement et d'utilité publique afin d'y attirer les étrangers et de les y retenir par les agréments du séjour.

Je désire que M. le ministre de l'intérieur veuille bien me donner quelques explications à ce sujet.

M. Moreauµ. - Messieurs, je n'ai pas prétendu que les jeux de Spa ne présentaient pas des inconvénients et ne pouvaient pas donner lieu à des abus. Sans doute des pères de famille, des personnes auxquelles leur fortune et leur position sociale ne permettent pas de jouer peuvent perdre à Spa des sommes d'argent dont ils ont besoin, s'y ruiner et par suite se livrer à des actes de désespoir.

Mais depuis l'établissement des chemins de fer, ces personnes adonnées aux jeux satisferont aussi facilement leur passion, au moyen de 15 à 20 francs de plus, en se rendant dans une des villes de l'Allemagne où les jeux sont encore en pleine vigueur, ou même en se livrant clandestinement à d'autres jeux, qui, comme on le sait, se tiennent même dans des villes du pays et surtout dans celles où des étrangers se réunissent.

Je crains donc que l'interdiction des jeux à Spa ne donne naissance à un mal plus grand exerçant ses ravages librement, sans frein et sans contrôle. C'est ce que l'expérience nous apprend.

D'ailleurs, je persiste à croire qu'on a singulièrement exagéré les maux produits par les jeux établis à Spa et qu'ils ne sont pas aussi grands qu'on nous les représente, depuis surtout que des mesures sévères de police ont été prises pour écarter de la table des jeux ceux qui ne doivent pas y avoir accès.

Le produit de l'échange des monnaies et d'autres valeurs étrangères indiqué dans un des tableaux annexés au rapport du gouvernement prouve, comme je l'ai avancé, que les jeux de Spa sont en grande partie alimentés par des étrangers riches et oisifs pour lesquels le jeu est une jouissance.

Mais, messieurs, ce qui m'a principalement préoccupé et ce qui, ce me semble, doit vous préoccuper également, ce sont les tristes conséquences, les résultats fâcheux que la suppression des jeux, si elle était prononcée d'une manière trop prompte, aurait- pour l'avenir des habitants et de la ville de Spa.

J'ai dit, et je répète encore, qu'interdire les jeux à Spa ce serait porter le plus grand préjudice à cette localité, si pas la ruiner.

Le rapport si clair, si concluant de M. le ministre de l'intérieur confirme pleinement mes prévisions.

Il ne faut pas, messieurs, se faire d'illusions ; d'abord il n'y a nul doute que tous les étrangers que la passion du jeu amène à Spa, au lieu de se rendre dans cette ville, iront, pendant la saison des eaux, résider dans une des villes de l'Allemagne où l'on joue encore ; d'autres personnes qui sans être joueurs, mais pour lesquels le jeu ou même la vue du jeu est une distraction, un amusement, les suivront dans ces villes étrangères. Aix-la-Chapelle nous fournit un exemple frappant. Depuis qu'on ne joue plus dans cette ville, les étrangers qui y venaient sont beaucoup moins nombreux, et c'est surtout depuis cette date qu'ils ont afflué à Spa.

Telle était l'opinion de M. le ministre déjà en 18 6, lorsqu'il renouvela la concession du jeu.

« Sans doute, disait-il, en règle générale, il est peu conseillable de donner quelque consistance aux jeux de hasard, mais ici où les jeux ont acquis droit de cité par un usage de plus de cinquante ans, la suppression de ce plaisir offert aux étrangers aurait pour résultat inévitable l’éloignement d'un grand nombre de ces étrangers mêmes. Il semble donc qu'il ne reste qu'à continuer les jeux sur le pied précédent, à moins qu'on ne veuille miner la prospérité même de la localité et transférer cette prospérité à d'autres villes où les jeux se tiennent librement.

On a dit que la ville de Spa par ses promenades et par les autres agréments qu'elle procure à ses visiteurs continuera à attirer de nombreux étrangers.

Cela peut être jusqu'à certain point exact, mais cependant à une condition, c'est que la ville de Spa puisse subvenir aux dépenses qui s'y font aujourd'hui pour rendre le séjour de la ville agréable à ceux qui la visitent.

Mais, messieurs, consultez le rapport de M. le ministre de l'intérieur, qu'y trouvez-vous ? Vous y lirez que la société des jeux dépense annuellement, à cet effet, la somme énorme de 113,000 francs, savoir : pour les courses de chevaux 25,000 fr., pour les fêtes publiques 21,000 fr., pour la musique. 32,000 fr., pour les expositions, le théâtre, etc. 35,000 fr. Total, 113,000 fr.

Et ce n'est pas tout, la ville reçoit encore, sur le produit des jeux, une somme de 30,000 francs pour payer des dépenses occasionnées par la saison des eaux.

Ainsi, c'est une somme de 150,000 francs environ dont la ville de Spa doit pouvoir disposer annuellement, non pas afin d'améliorer, mais uniquement pour maintenir les agréments que le séjour de Spa offre aux étrangers. Et cependant vous savez combien la concurrence que lui font les villes d'eaux et de bains de l'Allemagne est rude et qu'il est très probable que Spa, pour la soutenir avec succès, surtout si elle est privée de ses jeux, devra faire chaque année des dépenses plus fortes, plutôt que diminuer celles qui sont actuellement indispensables.

Messieurs, il y a plus ; ce que le rapport de M. le ministre de l'intérieur ne dit pas et cependant ce qui est, c'est que des bâtiments, des édifices qui servent de réunion aux étrangers sont la propriété de la société des jeux. Redoute, salle de spectacle dernièrement reconstruite, salle de bal et de concert lui appartiennent. La ville de Spa ne pourra plus disposer d'aucun de ces locaux, si les jeux cessent d'exister, elle devra en faire l'acquisition pour autant que la société des jeux veuille bien lui en faire la cession, ou en construire d'autres à grands frais, ce qui demandera beaucoup de temps, pendant que Spa perdra sa clientèle et sa renommée aujourd'hui bien établie dans l'Europe entière.

Ce ne sont pas là toutes les dépenses qui tomberont à charge de la ville de Spa, le rapport le constate, il lui faut encore un capital d'un million, pour achever des travaux qui sont en cours d'exécution ou projetés et que la commune a entrepris dans la prévision que le produit des jeux y pourvoirait.

En résumé le rapport, sans tenir compte du prix d'achat des locaux construits appartenant à la société des jeux ou des dépenses que nécessiterait la construction de nouveaux édifices pour les remplacer, évalue à quatre millions la somme nécessaire à la ville de Spa, et ces évaluations sont loin d'être exagérées.

J'ai donc eu raison de dire que l'interdiction des jeux à Spa, si elle a lieu d'une manière trop prompte, entraînera sa ruine. Or, messieurs, j'en ai l'intime conviction, ce n'est pas ce que vous voulez.

Spa est une ville de 5,000 à 6,000 habitants, où il n'y a ni industrie ni agriculture ; son sol ne produit aucun des éléments nécessaires à cet effet ; il n'y a pas dans cette ville d'habitants jouissant d'une grande fortune, le plus grand nombre vit au moyen des dépenses que les étrangers y tout pendant la saison des eaux.

Spa possède des jeux depuis plus d'un siècle, ils y existent encore en vertu d'un contrat qui ne prend fin qu'en 1880.

Ce sont les jeux qui ont fait de cette ville ce qu'elle est actuellement et qui sont cause de son développement.

Les habitants ont eu foi dans cette longue possession et dans la date de 1880 fixant l'expiration delà concession des jeux.

Je sais bien que, dans le contrat, il y a une clause qui permet sa résiliation avant 1880, dans le cas où, par suite d'un acte législatif ou diplomatique, il y aurait lieu de prendre cette mesure ; mais les habitants se sont dit que cette réserve insérée dans le contrat de 1858, pour éviter au gouvernement de payer éventuellement des dommages et intérêts aux concessionnaires, ne serait pas plus appliquée avant 1880, que ne l’avait été la clause du contrat du 8 février 1847 par laquelle le gouvernement se réservait le droit de retraire la concession, sans indemnité pour (page 207) les concessionnaires, si les jeux d'Aix-la-Chapelle étaient supprimés, avant le terme de l'expiration du contrat.

En fait donc, il est certain que les habitants, comme l’administration communale, ont eu confiance dans l'état actuel des choses ; ils n'ont pas cru, pas plus que les communes qui touchent aujourd'hui une part du produit des jeux, que ceux-ci seraient supprimés avant l'expiration du contrat.

Les Spadois voyant, d'un côté, la commune construire un magnifique hôtel des bains, faire d'autres dépenses considérables et des projets d'embellissements coûteux, voyant, d'un autre côté, le nombre des visiteurs s'accroître d'année en année, ont établi de nombreux hôtels et grandi ceux qui existaient ; ils ont bâti un grand nombre de maisons et les ont richement meublées, pour en retirer le plus grand profit possible.

D'après les renseignements qui m'ont été donnés et que j'ai tout lieu de croire exacts, le crédit a joué un grand rôle dans ces entreprises, et si l'on avait un relevé des charges qui grèvent les maisons de Spa, on verrait qu'elles sont considérables et l'on se convaincrait que la suppression des jeux faite inopinément produirait bien des désastres, que même on ne prévoyait pas.

C'est ainsi qu'on m'a assuré que quantité de créances qui étaient bien hypothéquées, n'auraient plus de garanties suffisantes par suite de l'énorme dépréciation des immeubles qui a déjà lieu maintenant.

Enfin, messieurs, en présence des documents qui nous ont été communiqués par le gouvernement, je pose la question actuellement en discussion dans les termes les plus simples.

J'admets, si vous le voulez, en principe, que les jeux de Spa doivent être supprimés. Mais vous reconnaîtrez que l'existence séculaire de ces jeux, un contrat qui ne doit finir qu'en 1880 et d'autres faits que je viens d'énumérer ont donné certaine direction à de nombreux capitaux qui deviennent improductifs si l'on ne prend des mesures efficaces pour qu'il n'en soit pas ainsi.

Vous reconnaîtrez que l'interdiction des jeux qui aurait lieu immédiatement priverait les habitants de Spa presque entièrement des ressources qui leur procurent aujourd'hui de quoi vivre et qu'elle compromettrait singulièrement la situation financière de la ville de Spa et des autres communes qui ont escompté la part qu'elles retirent dans le produit des jeux.

Vous reconnaîtrez en un mot que cette suppression entraînerait nécessairement, comme je l'ai déjà dit, la ruine de 4,000 à 5,000 de nos concitoyens.

C'est ce que, comme moi, vous ne voulez pas ; vous ne voulez pas que parce que des étrangers, peut-être même quelques indigènes que la passion du jeu domine, viennent ébrécher leur fortune volontairement à Spa, mettre dans la gêne des personnes qui seraient des victimes innocentes et dont la triste position mérite bien mieux toute votre sollicitude.

Eh bien, que faut-il faire ? Faut-il laisser exister les jeux à Spa jusqu'à l'expiration du contrat, en prenant des mesures pour que leur suppression ne soit une cause de ruine, ni pour les habitants, ni pour la ville de Spa et d'autres communes ?

Faut-il pendant quelques années attribuer à Spa et aux localités qui prélèvent des subsides sur le produit des jeux, une part plus forte ou la totalité des bénéfices versés actuellement au trésor et cela jusqu'à ce que cette part ait atteint certain chiffre à déterminer ?

Il est difficile, messieurs, de formuler des conclusions précises et je ne prétende pas en donner une qui satisfasse toutes les opinions.

Cependant cette affaire, ce me semble, mérite un examen sérieux, et pour que vous puissiez vous prononcer en connaissance de cause, je crois que ce qu'il y a de mieux à faire, ce serait de renvoyer cette question à l'examen d'une commission qui, le cas échéant, après enquête, vous présenterait des conclusions qui garantiraient des intérêts compromis. C'est, d'ailleurs, le moyen que l'honorable M. de Theux avait indiqué l'année dernière pour élucider d une manière spéciale cette affaire.

Et, le cas échéant, je pourrais faire une proposition en ce sens.

M. Rodenbach. - Messieurs, l'honorable préopinant n'a pas répondu à mes arguments ; il reconnaît lui-même que ces jeux sont immoraux et il consent déjà à la suppression avec conditions. Il semblerait vraiment que les maisons de jeu sont des maisons civiles, mais il n'en est rien ; lorsqu'on supprimera les maisons de jeu, comme on se dispose à le faire en Suisse et dans une partie de l'Allemagne, les propriétaires de ces locaux consentiront à les vendre à des prix raisonnables, car il leur serait impossible de prétendre aux chiffres énormes que leur rapportent les jeux. Lorsque la suppression aura eu lieu, les personnes paisibles auxquelles répugne le spectacle des débordements causés par la passion du jeu, afflueront à Spa en grand nombre, et la ville ne cessera pas pour cela de prospérer, car Spa est une ville où l'on se rend pour motifs de santé.

C'est aujourd’hui la mode d'aller aux bains de mer et aux eaux minérales. Il en résulte que dans la bonne saison les maisons de campagne, les châteaux sont plus ou moins abandonnés par l'aristocratie et par les riches propriétaires, tandis qu'autrefois on restait chez soi. (Interruption.)

Il n'en reste pas moins vrai que les jeux sont éminemment immoraux.

M. Bouvierµ. - Tout le monde est d'accord sur ce point.

M. Rodenbach. - Du reste l'article 410 du code pénal punit de 2 à 6 mois de prison ceux qui établissent des maisons de jeux clandestins.

Il faut donc absolument songer à faire disparaître ces établissements. Je ne dis pas immédiatement, je l'ai déjà déclaré dans mon premier discours, mais dans un délai sur lequel on pourra s'entendre.

M. T'Serstevensµ. - Messieurs, pour favoriser la construction de chemins de fer nouveaux, les communes ont souvent contracté des engagements onéreux envers les concessionnaires.

Elles obtiennent ainsi soit le droit d'avoir une halte, soit d'avoir le droit à fixer l'emplacement ou l'importance d'une station.

Le gouvernement autorise ces contrats, mais je crois qu'il convient aussi qu'il prenne toutes les mesures nécessaires pour ne pas abandonner les communes pendant un temps indéfini à la merci, au bon vouloir des sociétés particulières.

En 1845, la ville de Thuin, pour s'assurer les avantages d'une station principale, s'est engagée à fournir gratuitement à la compagnie concessionnaire du chemin de fer de Marchienne à Erquelinnes tous les terrains communaux qui seraient empris pour l'établissement du chemin de fer sur son territoire, c'est-à-dire une superficie d'environ 12 hectares ; elle s'engageait également à fournir, au prix de 2,000 fr. l'hectare, tous les biens appartenant au bureau de bienfaisance ou aux hospices, et au prix de 4,000 fr. tous les biens appartenant à des particuliers. Elle a rigoureusement observé ses engagements, mais jusqu'aujourd'hui elle a été dans l'impossibilité de faire observer par la compagnie les conditions auxquelles celle-ci avait souscrit.

Ces différents engagements représentent à peu près une somme de 50,000 fr. et la ville de Thuin n'a obtenu qu'une aubette pour station, et qu'un service de halte et non de station principale, parce qu'elle se trouve dans l'impossibilité de faire valoir ses droits, parce que jusqu'aujourd'hui ce contrat n'a pas été soumis à l'approbation royale.

Je sais parfaitement que des difficultés se sont présentées, mais il me semble qu'il ne faut pas vingt ans pour les résoudre. En 1855, après dix années de réflexion, poursuivi par les doléances de la ville de Thuin, le gouvernement vient déclarer qu'il ne peut se prononcer, que l'une des parties n'ayant pas encore rempli ses engagements, cette question est totalement du ressort des tribunaux.

Forte de cette déclaration, la ville s'adresse aux tribunaux. Ceux-ci répondent qu'ils ne peuvent se prononcer sur une convention qui n'a encore été ni approuvée ni désapprouvée par l'autorité compétente.

Voilà la ville dans une véritable impasse. Elle s'adresse au gouvernement ; elle s'adresse à toutes les autorités pour sortir de cette malheureuse affaire, des pourparlers s'engagent, des correspondances s'échangent, on nomme des commissaires et des commissions et l'on n'aboutit exactement à rien, c'est-à-dire que la ville est encore aujourd'hui dans la position où elle se trouvait en 1845.

Enfin elle en est réduite à demander comme une faveur que le gouvernement veuille bien lui délier les mains, c'est-à-dire : par une approbation ou une désapprobation, la mettre à même d'attraire la compagnie concessionnaire devant les tribunaux.

J'espère trop de la bienveillance de M. le ministre de l'intérieur, de l'activité du département des travaux publics pour ne pas demander au gouvernement d'exempter la ville de Thuin de procès onéreux dont nous pouvons attendre l'issue pendant bien des années, car cette affaire est pleine de difficultés et offre matière à une succession de procès.

Je demande donc au gouvernement de vouloir résoudre la question administrativement, de vouloir poser les bases d'une transaction ; il le peut, il en a le pouvoir, qu'il exige la construction d'une station, qu'il exige pour la ville de Thuin le droit de faire arrêter tous les trains circulant sur la ligne d'Erquelinnes à Charleroi, qu'il exige un service de trains correspondant, à Charleroi, avec les principaux départs pour (page 208) Bruxelles, Namur et Mons ; qu'il exige l'organisation d'un train du matin qui permette à tous les voyageurs de la ligne d'arriver à Charleroi en temps pour prendre les trains du matin. Si le gouvernement le veut, nous pourrons dire qu'il a fait quelque chose pour le district de Thuin, c'est-à-dire qu'il a rendu justice à une population de 20,000 âmes dont les droits ont été méconnus jusqu'aujourd'hui, qui a été indignement frustrée dans ses plus légitimes espérances.

M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Messieurs, une députation du conseil communal de Thuin est venue, il y a peu de temps, m'entretenir de l'affaire que l'honorable M. T'Serstevens vient d'exposer à la Chambre.

Convaincu qu'il est toujours préférable de terminer les différends par transaction, quand cela est possible, j'ai engagé l'administration communale à temporiser, et je lui ai promis d'intervenir afin d'arriver à un arrangement désirable, d'après moi, pour la ville comme pour la compagnie.

Mon honorable collègue des travaux publics a bien voulu, à ma demande, rappeler cette affaire à la compagnie concessionnaire ; il a insisté pour avoir une prompte réponse et je suis informé que M. l'inspecteur général de la société du chemin de fer du Nord a promis qu'une décision serait prise avant la fin du présent mois. J'ai tout lieu de croire, messieurs, que cette promesse sera tenue. S'il en était autrement mon intervention officieuse et amiable devrait cesser, et il ne me resterait qu'à donner à la ville de Thuin la possibilité de poursuivre ses droits devant les tribunaux. Je puis en tous cas donner à l'honorable député de Thuin l'assurance que le concours de mon département ne fera pas défaut à la ville chef-lieu de l'arrondissement qu'il représente avec tant de dévouement dans cette enceinte.

Quant aux jeux de Spa, j'espère que la discussion est close sur ce point, mais aucune proposition n'étant faite, je crois pouvoir me borner à faire observer que la Chambre m'avait demandé simplement un rapport sur cette question et que ce rapport, dont les plus grands adversaires des jeux, même M. Rodenbach, ont bien voulu faire l'éloge, a été déposé en temps utile sur le bureau de la Chambre.

Presque tous, tous peut-être et moi plus que personne, tous, dis-je, nous sommes les adversaires des jeux de hasard, et pour ma part je désirerais vivement voir supprimer les jeux de Spa. Mais quand cette suppression peut-elle être décidée ? Quand pourra-t-elle se faire ?

En attendant, il est un point, messieurs, que l'on ne peut perdre de vue, c'est que la ville de Spa se trouve dans une position toute spéciale.

Comptant sur le maintien des jeux et sur les ressources considérables que les jeux devaient lui procurer durant plusieurs années, la ville de Spa a fait de grandes entreprises, elle a fait exécuter des constructions considérables, en un mot, elle a largement engagé l'avenir ; il ne me semble donc pas possible de mettre cette ville dans l'impossibilité de faire face à ses engagements en lui retirant brusquement une source de recettes sur lesquelles elle comptait.

D'un autre côté pour attirer chez elle les étrangers, la ville de Spa devra, après la suppression des jeux, continuer à donner des fêtes ; or les ressources locales sont restreintes ; c'est là encore un point qui mérite de fixer toute l'attention du parlement ; et quand elle trouvera convenable de faire cesser les jeux de Spa, la Chambre, j'en suis convaincu, tiendra compte de la situation exceptionnelle dans laquelle se trouve cette intéressante localité.

- La séance est levée à 4 heures trois quarts.