(Annales parlementaire de Belgique, chambre des représentants, session 1865-1866)
(Président de (M. E. Vandenpeereboom.)
(page 119) M. de Moor, secrétaireµ, procède à l'appel nominal à 4 heures et un quart.
M. Van Humbeeck, secrétaireµ, donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier.
- La rédaction en est approuvée.
M. de Moorµ présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.
« M. David, obligé de s'absenter pour affaire d'une grande urgence, demande un congé de quelques jours. »
- Accordé.
Les bureaux des sections pour le mois de décembre 1865 soin composés de la manière suivante.
Première section
Président : M. Lesoinne
Vice-président : M. Mascart
Secrétaire : M. Orban
Deuxième section
Président : M. Vleminckx
Vice-président : M. Van Iseghem
Secrétaire : M. de Conninckµ
Troisième section
Président : M. Delaet
Vice-président : M. Van Renynghe
Secrétaire : M. Le Hardy de Beaulieu
Quatrième section
Président : M. de Ruddere de te Lokeren
Vice-président : M. Thibaut
Secrétaire : M. de Macar
Cinquième section
Président : M. Devroede
Vice-président : M. Magherman
Secrétaire : M. Elias
Sixième section
Président : M. J. Jouret
Vice-président : M. Thonissen
Secrétaire : M. Couvreur
La commission des pétitions est composée de MM. Allard, de Rongé, Vander Donckt, Julliot, Bricoult et Jacobs.
« Art. 1er. Traitement du Ministre : fr. 21,000. »
- Adopté.
« Art. 2. Traitements des fonctionnaires, employés et gens de service : fr. 249,100. »
MpVµ. - M. le ministre de la justice propose d'augmenter le crédit d'une somme de 12,000 fr., ce qui porterait le chiffre de l'article à 261,000 francs. La section centrale a admis cette augmentation.
- L'article 2, ainsi modifié, est mis aux voix et adopté.
« Art. 3. Matériel : fr. 30,000. »
- Adopté.
« Art. 4. Frais de rédaction et de publication de recueils statistiques : fr. 6,000. »
- Adopté.
« Art. 5. Frais de route et de séjour : fr. 7,500. »
- Adopté.
M. Guillery. - Messieurs, je me préoccupe moins, je l'avoue, de savoir ce qu'a pu croire M. le ministre de la justice, lorsqu'il était étudiant et des thèses qu'il a pu soutenir, que de savoir ce qu'il fera à la tète de l'administration importante qui lui est confiée. C'est sur ce dernier point que je désire attirer son attention et celle de la Chambre.
Nous savons, messieurs, que l'immense travail de la révision du Code pénal, commencé depuis longtemps par la Chambre, se trouve maintenant continué par le Sénat pour être repris ensuite par la Chambre, car il est évident que le Sénat introduira des amendements dans un projet de loi de cette étendue.
Ce n'est donc pas de sitôt que nous aurons un Code pénal réformant les abus qu'on a signalés dans la législation de 1810. Ne serait-il pas sage, sans vouloir arrêter en rien le travail de la révision générale, de détacher, dès à présent, les articles du Code sur lesquels tout le monde est d'accord ? Il est certaines questions en matière pénale, sur lesquelles il ne peut y avoir aucune espèce de discussion. La science et l'expérience ont prononcé, et tous les jurisconsultes sont d'accord.
En Hollande, messieurs, il y a déjà longtemps qu'on a fait une révision du Code pénal en 24 articles. Au moyen de ces 24 articles, on a fait disparaître du Code pénal de 1810 tout ce qui a semblé au législateur hollandais de nature à être amélioré. Je crois qu’il n'en faudrait pas plus pour faire du Code de 1810 un excellent Code pénal. Nous pourrions alors attendre patiemment le travail général de révision, travail qui est long, qui doit être long et dont les fruits seront recueillis plus tard. Messieurs, il est spécialement un point sur lequel nous sommes tous d'accord : c'est la suppression des lois réprimant les coalitions d'ouvriers.
Dernièrement on a distrait du nouveau Code pénal les dispositions abrogeant les lois pénales sur l'usure.
On avait également distrait antérieurement les articles du nouveau Code pénal relatifs à la contrainte par corps en matière criminelle. Ces articles sont aujourd'hui en vigueur et sont appliqués chaque jour par les tribunaux.
Si l'on employait le même système pour les coalitions d'ouvriers, on ferait un acte de justice, un acte d'équité, impérieusement réclamé par les intéressés et réclamé avec raison. Car, messieurs, voici la situation dans laquelle nous nous trouvons. La Chambre a déclaré que, dans l'intérêt de l'industrie comme dans l'intérêt de la justice, il faut supprimer les dispositions législatives punissant les coalitions d'ouvriers. La Chambre a déclaré que la répression pénale des coalitions d'ouvriers était un moyen détestable de police, un moyen détestable de protection pour l'industrie ; et néanmoins les articles condamnés subsistent et les tribunaux poursuivent.
M. Coomans. - Cette situation est très immorale.
M. Guillery. - C'est-à-dire que les ouvriers sont aujourd'hui menacés chaque fois qu'ils font usage de ce que nous avons proclamé un droit, un droit sacré, d'être traduits comme coupables devant les tribunaux correctionnels.
Evidemment, il y a là une anomalie qui frappera, j'en suis convaincu, l'intelligence et la bienveillance de M. le ministre de la justice, et il aura à cœur, j'en suis convaincu également, d'y porter remède.
Je ne parle pas, messieurs, de toutes les réformes qu'il y a à faire en matière pénale. Mais puisque l'honorable M. Dolez a signalé l'abolition de la peine de mort, je me joindrai à son initiative généreuse. Je suis convaincu qu'une étude approfondie de la question, et surtout l'exemple de ce qui se passe en maints pays de l'Europe, qui nous ont devancés dans cette réforme, convaincront tous les jurisconsultes, tous les hommes qui s'occupent de cette importante question, qui s'occupent des questions morales et politiques, que la peine de mort n'est plus dans nos mœurs, n'est plus une des tristes nécessités de l'époque.
Je me joins aussi à ce qu'a dit l'honorable M. Lelièvre au commencement de cette discussion relativement à la détention préventive. Je crois, comme lui, qu'il y a lieu aujourd'hui d'améliorer les lois sur la détention préventive. La première réforme a été bonne, mais elle est restée incomplète.
Quant à l'abolition de la contrainte par corps, je crois que nous avons, (page 120) à cet égard une quasi-promesse du gouvernement et je me permets de la rappeler à sa bienveillance et à sa sollicitude.
Le Code pénal militaire a été également signalé par l'honorable M. Lelièvre, comme un de ces abus d'un autre âge qu'il faut faire disparaître.
Il faut avoir lu le Code pénal militaire hollandais, pour voir ce qu'il renferme de barbare, d'incompatible avec notre législation criminelle.
Nous avons entrepris la révision du Code pénal de 1810. Je suis loin d'en blâmer ceux qui ont voulu améliorer notre législation pénale, mais il n’y a pas de comparaison possible entre le Code pénal de 1810 et le Code pénal militaire hollandais. C'est ainsi qu'il y a quelques années, par suite d’une condamnation prononcée par la haute cour militaire, saisie par appel d’une condamnation prononcée par le conseil de guerre d'Anvers, on a, aux applaudissements du pays, mais aussi au grand étonnement du pays, aboli la peine de la cale mouillée et autres du même genre.
Cette peine consistait à attacher le condamné à une corde et à le faire passer un certain nombre de fois sous le vaisseau. Cette punition faisait encore partie de notre arsenal pénal, sans que personne y pensât, et ce n'est que par suite de la condamnation prononcée par le conseil de guerre d'Anvers, et par suite de la publicité des plaidoiries devant la haute cour, que cette peine a été rayée de nos Codes.
Le Code pénal militaire est, comme procédure et comme fond, à la hauteur de la disposition que je viens de citer.
Je sais, messieurs, combien il est difficile de réviser tout un code, je sais combien il serait difficile à M. le' ministre de la justice de faire une promesse à cet égard ; il faut d'abord pour la révision d'un code qu'une commission composée d'homme compétents l'examine ; et c'est un travail très long. Mais il y a beaucoup de choses qui peuvent faire l'objet d'un projet de loi spéciale, je l'avoue, je suis assez partisan des révisions partielles des codes.
Je crois que l'entreprise de réviser des codes tout entiers est extrêmement difficile.
Réviser des codes sans avoir un conseil d'Etat, comme celui qui a fait le Code civil, est une très lourde entreprise, et c'est une entreprise bien plus lourde encore sous le régime représentatif que sous le régime qui a donné le jour aux codes qui nous régissent aujourd'hui.
Je voulais, messieurs, signaler spécialement une question à l'attention de M. le ministre de la justice, c'est celle qui concerne la compétence des tribunaux militaires pour le jugement des délits communs commis par les militaires.
Aujourd'hui les tribunaux militaires, tribunaux exceptionnels, ont compétence, non seulement pour juger les délits militaires (ce qui se comprend parce que les délits militaires sont spéciaux), mais pour juger les délits communs, c'est-à-dire, par exemple, qu'un militaire prévenu de contrefaçon littéraire est jugé par un conseil de guerre. Ce cas s'est présenté dans la jurisprudence. De même un militaire prévenu de délit de presse sera jugé par un conseil de guerre. Y a-t-il nécessité, messieurs, d'étendre à ce point la juridiction des conseils de guerre, surtout en temps de paix ?
Je comprendrais, à la rigueur, qu'en temps de guerre la nécessité d'une prompte répression et la difficulté de s'adresser aux tribunaux compétents exigeât une dérogation au droit commun. Mais, en temps de paix, lorsqu'un militaire est prévenu d'un délit de droit commun, où en est la nécessité ?
Les tribunaux sont là et toutes les garanties constitutionnelles peuvent protéger facilement ceux qui sont poursuivis.
Pourquoi la garantie du jury est-elle refusée aux militaires ?
Pourquoi sont-ils soumis à une juridiction exceptionnelle alors que les délits ne sont pas exceptionnels ?
Je comprends parfaitement la juridiction des conseils de guerre, lorsqu'il s'agit d'examiner, d'apprécier des infractions à la discipline, d'apprécier des délits militaires ; je comprends que seuls ils sont compétents, lorsqu'il s'agit de juger ces délits que j'appellerai des délits relatifs. Mais lorsqu'il s'agit de délits de droit commun, la discipline ne se trouve en rien compromise par les tribunaux ordinaires.
Mais, dira-t-on, comme on le dit chaque fois que nous demandons à toucher à une question militaire : Vous n'êtes pas militaires, et les militaires seuls peuvent traiter les questions militaires.
Je répondrai par l'opinion d'un militaire qui en vaut bien une autre : c'est Napoléon.
Napoléon, au sein du conseil d'Etat, énonçait l'opinion que le militaire devait être jugé par les tribunaux ordinaires pour les délits communs. Avant, disait-il, d'être militaire, on est citoyen, et on ne cesse d'être citoyen que dans ce qui concerne spécialement l'état militaire, la profession des armes.
Voici, me semble-t-il, de quoi apaiser les scrupules militaires qui pourraient alarmer nos consciences.
Cette autorité me dispensera d'en citer d'autres, Ainsi, si nous nous plaçons au point de vue de l'intérêt des militaires, de la justice qui leur est due, évidemment ils ont droit à être jugés par les tribunaux ordinaires qui offrent la garantie de juges inamovibles, indépendants et de la procédure telle qu'elle est institué par le Code ; ils ont droit à la garantie du jury et à toutes les autres garanties formulées en faveur des citoyens.
Mais les militaires ne sont pas seuls intéressés à ce que les délits communs soient jugés par les tribunaux ordinaires. Dans la poursuite d'un délit en calomnie, l'acquittement du calomniateur est très souvent la condamnation implicite du plaignant.
Si je porte une plainte contre un militaire, j'ai le droit d'exiger que la cause qui me concerne tout comme lui soit jugée par les tribunaux que me garantit la Constitution. ne suis pas obligé de m'en rapporter à un tribunal exceptionnel alors que je ne suis pas justiciable de ce tribunal.
D'un autre côté, le plaignant a devant les tribunaux ordinaires un autre droit, qui consiste à se porter partie civile ; ce qu'il ne peut faire devant les tribunaux militaires. Or, c'est là un droit très important.
Ainsi, on renvoie un militaire devant un conseil de guerre à la suite d'une lutte, par exemple, à la suite d'une série de délits ; son acquittement est souvent la condamnation de la partie plaignante.
Si moi, plaignant, je puis me porter partie civile, je puis citer des témoins, poser des questions aux témoins, éclairer ainsi le débat et arriver à la manifestation de la vérité.
Si l'accusateur public soutient faiblement la prévention, la partie civile aura un grand intérêt à pouvoir produire son système, je dirai de défense, car elle se défend en accusant.
Je crois, messieurs, ne pas devoir en dire plus quant à présent. Ces observations suffiront, j'en suis convaincu, pour appeler l'attention de M. le ministre de la justice sur cette importante question.
Il reste, messieurs, d'autres questions encore. Je me bornerai à en signaler une qui a été soulevée souvent dans cette enceinte, celle relative aux sociétés à crédit limité. Le gouvernement nous a donné à ce sujet des espérances.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Le projet de loi est déposé.
M. Pirmezµ. - Le rapport sera déposé d'ici à huit jours.
M. Guillery. - C'était donc mieux qu'une espérance. Je saisis alors l'occasion d'en remercier le gouvernement.
Je rappellerai, quant aux coalitions d'ouvriers, qu'il y a eu déjà promesse de la part de l'honorable M. Tesch d'examiner la loi.
L'honorable ministre avait promis d'examiner s'il n'y aurait pas lieu de détacher cet article du Code pénal devant le Sénat ; à la suite d'une pétition qui s'est produite dans cette enceinte et dont l'honorable M. Van Humbeeck était rapporteur, il y a eu renvoi à M. le ministre de la justice avec demande d'explications, mais les explications n'ont pas, je pense, été données.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Messieurs, d'honorables membres ont présenté des observations qui sont spéciales au budget de la justice.
L'honorable M. Dolez a demandé si le gouvernement était disposé à présenter un projet de loi abolissant la peine de mort.
En ce qui me concerne, messieurs, je serais disposé à satisfaire l'honorable membre ; mes aspirations sont vers la suppression de la peine de mort, mais il faut évidemment consulter les nécessités sociales et il faut examiner de près la question. Ce que je puis promettre, c'est de me livrer à l'étude de cette importante question. Je ferai remarquer, toutefois, que sa solution ne dépend pas seulement du gouvernement, qu'elle dépend aussi beaucoup de la Chambre. Il ne faut pas oublier que la composition de la Chambre est telle, que le gouvernement ne peut guère espérer actuellement d'obtenir un vote favorable.
M. Thonissenµ. - Cela n'est pas sûr.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Si je consulte les antécédents de la question, je crois avoir le droit de dire qu'avec la composition actuelle de la Chambre, il serait difficile au gouvernement de présenter un projet de loi abolissant la peine de mort, sans s'exposer à un échec. Dans cette situation le gouvernement doit agir avec prudence, étudier la question avec maturité, rechercher tous les moyens de (page 121) l'élucider, afin d’amener la Chambre à supprimer la peine de mort. Quant à moi, je promets d'en faire l'objet de mes études.
En ce qui concerne la contrainte par corps, je crois que la question se présente sous un aspect plus favorable. Déjà en 1859, la Chambre a diminué le nombre des cas où la contrainte par corps était appliquée ; j'étudierai également cette question et j'examinerai s'il n'y a pas lieu de faire encore un pas en avant.
MM. Lelièvre et Guillery ont parlé de la détention préventive ; une loi récente a été faite sur cet objet, et je ne pense pas qu'il faille à chaque instant modifier les législations. Ce que le gouvernement peut faire, c'est d'engager les parquets à user le moins possible de la détention préventive et à ne détenir un prévenu que lorsqu'il y a absolue nécessité.
M. Guillery m'a demandé aussi où en était la révision du Code pénal.
M. Guillery. - Je n'ai pas demandé cela...
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Vous avez demandé si le gouvernement poursuivait cette révision...
M. Guillery. - J'ai demandé s'il ne conviendrait pas de détacher quelques articles de ce Code...
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Le gouvernement sera à la disposition du Sénat lorsque cette assemblée abordera le Code pénal ; quant à détacher de ce Code les articles sur la coalition, je n'y vois pas d'inconvénients ; mais si le Sénat voulait aborder incessamment la discussion du Code pénal, il me semble qu'il ne serait peut-être pas nécessaire de donner suite à la demande de M. Guillery. Si, au contraire, le Sénat croyait devoir retarder la discussion du Code pénal, je serais disposé à faire des articles relatifs aux coalitions, l'objet d'une loi spéciale.
M. Guillery a attaqué vivement le Code pénal militaire. Ce Code est un objet mixte qui dépend en partie du département de la guerre et en partie du département de la justice, et la réforme que M. Guillery demande est excessivement importante ; comme M. Guillery lui-même le disait tout à l'heure, dans un pays où il n'y a pas de conseil d'Etat, il est fort difficile de faire toutes les lois qu'on réclame ; néanmoins je chercherai à m'entendre avec le département de la guerre pour arriver à une révision de cette importante partie de notre législation. Je reconnais avec M. Guillery qu'il y a dans le Code pénal militaire des dispositions odieuses contre lesquelles tout le monde proteste, et certainement si d'autres objets plus importants n'avaient préoccupé le gouvernement jusqu'à présent, je suis convaincu qu'il aurait déjà présenté un projet de réforme du Code pénal militaire. Déjà énormément de travaux sont soumis à la Chambre, et il est difficile de faire tout à la fois.
Je crois, messieurs, avoir répondu à toutes les observations spéciales qui ont été faites par les honorables membres.
Cependant, comme nous sommes à la discussion du chapitre II relatif à l'ordre judiciaire, je dois faire encore une déclaration à la Chambre : le gouvernement soumettra sous peu à la signature royale un projet de loi créant une cinquième chambre au tribunal de première instance de Bruxelles. Vous vous souvenez, messieurs, que l'année dernière M. le ministre de la justice a déclaré qu'il soumettrait à l'examen de son département la question de savoir s'il y avait lieu d'augmenter d'une chambre le tribunal de première instance de Bruxelles. Mais mon honorable prédécesseur s'est livré à cet examen, et le résultat de cette étude a été la conviction qu'il y avait lieu de décréter l'augmentation dont je viens de parler.
Aussi, messieurs, c'est avec le plus grand plaisir que j'aurai l'honneur de soumettre à la signature royale le projet de loi destiné à consacrer cette mesure.
M. Bouvierµ. - Je veux appeler l'attention de l'honorable ministre de la justice sur les dispositions de la loi de ventôse an XI, qui fixe le nombre des notaires d'après le chiffre de la population. Cette base, juste en ce qui concerne les villes et les localités de peu d'importance, ne l'est plus quand il s'agit de grands centres d'industrie et de commerce, où le grand nombre de transactions dépassent en quelque sorte les prévisions humaines, et cela est si vrai que déjà en 1848, alors que la population de Bruxelles, par exemple, ne s'élevait qu'à 126,000 âmes, la législature a jugé nécessaire de modifier la loi de ventôse en portant le chiffre des notaires à Bruxelles de 20 à 30.
Si la loi du 26 décembre 1848 en proclamant cette innovation est venue ainsi déroger à celle de ventôse, c'est que cette mesure était fondée sur des motifs de nécessité, tirée de l'augmentation de la population et surtout du nombre et de la grande importance des affaires qui se traitent dans les grandes villes. Vous pourrez en juger d'autant plus facilement lorsque vous saurez que les actes soumis au droit proportionnel s'élevaient en moyenne pour Bruxelles, avant 1848, à 313 par acte.
Depuis cette époque ce chiffre n'a fait qu'augmenter, en raison du développement prodigieux de la population, développement tel, que la législature sera bientôt appelée à discuter le projet de loi sur l'augmentation du chiffre des représentants et des sénateurs dans certaines parties du royaume.
Un grand nombre de candidats instruits et laborieux aspirent, depuis de longues années, à l'honneur d'entrer dans la carrière du notariat, dont l'accès est fort difficile en présence de la jurisprudence administrative, qui admet les fils des notaires à la succession notariale de leur père, mesure que je ne critique pas, parce qu'elle a le mérite de transmettre les traditions d'honneur, de probité et de délicatesse, qui sont le cortège obligé de ce que je considère comme le bon notaire.
Mais si j'admets la mesure à laquelle je fais allusion dans un intérêt public et de moralité, d'un autre côté, je désire vivement que le notariat, ne constitue pas en quelque sorte un monopole, un privilège dans une classe peu nombreuse de la société. Il faut que le nombre des notaires soit en rapport avec le chiffre de la population et surtout avec le nombre et l'importance des affaires.
J'appelle en conséquence la sérieuse attention de l'honorable ministre de la justice sur les modifications à introduire à la loi de ventôse an XI.
J'appellerai également sa bienveillante sollicitude sur l'organisation des tribunaux de commerce, dont je suis loin de demander la suppression, que je considérerais comme inconstitutionnelle et entraînant le grave inconvénient de priver le commerce de l'expérience et des connaissances spéciales d'hommes qui ont consacré toute leur existence à ces grands intérêts.
Mais il y a certaines innovations indispensables à introduire dans cette partie de notre législation.
Déjà le conseil provincial du Brabant a exprimé des vœux sur le point que je viens de toucher, vœux qui méritent de fixer l'attention du gouvernement.
L'honorable M. Guillery vient d'appeler l'attention de l'honorable ministre de la justice sur l'abolition de la contrainte par corps en matière commerciale. L'honorable M. Lelièvre s'en était déjà occupé dans une précédente séance.
J’ai écouté avec beaucoup de plaisir la réponse que vient de me faire M. le ministre aux observations qui ont été présentées par les honorables membres et qui semblent conformes aux sentiments et au vœu exprimé à l'unanimité par la commission des pétitions, de voir supprimer la contrainte par corps en matière commerciale. Ce mode odieux d'exécution, attentatoire à la liberté et à la dignité de l'homme, doit disparaître de nos codes comme antipathique à nos mœurs et incompatible avec le progrès et la civilisation.
M. Guillery. - Messieurs, je remercie l'honorable ministre de la justice des explications qu'il a bien voulu me donner ; je le remercie surtout d'avoir, dès son entrée au ministère, résolu la question concernant le tribunal de première instance de Bruxelles ; c'est là une mesure urgente et dont les justiciables lui seront, j'en suis convaincu, bien reconnaissants. C'est, de plus, d'un bon augure pour l'avenir de l'administration du nouveau ministère.
Mais, M. le ministre de la justice n'a pas répondu complètement à la question que j'ai eu l'honneur de lui poser au sujet du Code pénal militaire.
J'avais déclaré, comme lui, que la révision de ce Code était une œuvre très laborieuse et qui exigeait un temps très considérable.
Mais, à mon avis, on pourrait, en attendant, modifier la compétence pour les délits communs. Je ne demande pas une réponse immédiate. Je comprends parfaitement que M. le ministre de la justice doive examiner la question avant de se prononcer. Je la rappelle seulement à son souvenir.
En ce qui concerne les coalitions d'ouvriers, je ne suis pas, je dois l'avouer, tout à fait satisfait de la réponse de M. le ministre de la justice. Je pense qu'alors même que le Sénat serait disposé à aborder immédiatement la discussion des livres du Code pénal qui lui sont soumis, il faudrait encore en détacher les articles qui concernent les coalitions, car le Sénat ne pourrait pas finir ce travail en une session ; s'il parvenait même à le finir en un an, le Code devrait nous revenir amendé. Dès lors l'acte de justice et d'équité que je réclame du gouvernement serait différé longtemps encore.
Ainsi que nous l'avons fait pour les délits d'usure et pour la contrainte par corps en matière criminelle, rien n'empêche d'examiner les (page 122) articles qui concernent les coalitions. Il est impossible qu'au moment ou la Chambre a reconnu le droit de coalition aux ouvriers, ceux-ci restent exposés à des poursuites, sous l'empire d'une législation qui a fait son temps et que tous les principes économiques de notre temps condamnent.
M. Pirmezµ. - Messieurs, il me paraît, qu'il y a un moyen très simple de concilier le vœu des honorables membres qui demandent la publication prochaine des nouvelles dispositions sur les coalitions, avec le désir, manifesté par M. le ministre de la justice, de ne pas voir scinder légèrement une œuvre que la Chambre a complètement terminée.
Ce moyen consiste à voter le Code pénal par titres en les promulguant ensuite séparément comme lois distinctes.
Ce système a été suivi lors de la confection des Codes sous l'empire.
Si l'on voulait suivre ce système au Sénat, on pourrait arriver promptement à la solution que l'honorable M. Guillery désire. En effet, il est un titre du Code pénal qui contient les dispositions sur les coalitions et sur les autres matières qui concernent l'industrie ; les réformes ont surtout consisté à supprimer d'anciennes dispositions restrictives pour donner à la liberté plus d'étendue. Le titre est tout entier conçu dans un même ordre d'idées.
Après le vote de ce titre, on pourra prendre successivement les titres qui paraîtront les plus urgents.
Si ce système était adopté au Sénat, je suis convaincu qu'on pourrait terminer pendant la session actuelle, si pas entièrement, du moins en grande partie, la révision du Code pénal.
Si l'on se conformait à cette marche, on pourrait se prononcer, dans un avenir peu éloigné, sur la question de l'abolition de la peine de mort, qui a été soulevée dans cette enceinte. En effet, le Sénat pourrait discuter le premier livre, qui est déjà voté par les deux Chambres, mais dans lequel on a introduit quelques modifications. La question de la peine de mort se présentera, on pourra la discuter, et la Chambre prononcera sur l'inutilité de cette peine ou sur la nécessité de la maintenir dans le Code.
Sans être partisan de cette suppression, je crois qu'il est bon de discuter et de trancher une question dont on s'occupe si vivement.
Messieurs, l'honorable M. Guillery a appelé l'attention de M. le ministre de la justice sur la convenance qu'il y aurait à modifier la loi sur la détention préventive. Dans sa réponse à l'honorable membre, M. le ministre de la justice, en alléguant que la loi était récente, ne me paraît pas avoir fait valoir des raisons suffisantes pour rejeter les modifications qu'on demande.
Eu effet, j'ai entendu tout à l'heure l'honorable ministre de la justice déclarer qu'il est disposé à apporter des changements à la législation, en ce qui concerne la contrainte par corps, législation qui est cependant plus jeune de moitié que la loi sur la détention préventive.
A mon avis, il faut aller jusqu'à la suppression complète de la détention préventive pour les individus domiciliés en Belgique, excepté dans deux cas.
Le premier cas est celui-ci : il y. a un danger imminent de voir les délits se continuer, lorsque, par exemple, il est nécessaire d'enlever un individu d'un certain lieu pour qu'il ne se livre pas à des faits de violence.
Le second cas, c'est celui où il est nécessaire d'arrêter un individu, pour saisir le produit d'un délit qu'il a commis, et l'empêcher de s'enfuir avec des valeurs dont il importe d'opérer la restitution.
Eh bien, je suis convaincu qu'en dehors de ces deux cas et lorsqu'il s'agit d'individus domiciliés, la contrainte par corps en matière correctionnelle est inutile. En effet le plus grand mal qui puisse arriver, c'est que l'individu quitte le pays ; s'il fait cela, il se condamne à l'exil et l'exil est une répression suffisante pour les délits correctionnels. Si l'on trouvait que le terme de la prescription qui déterminera la durée de l'exil, est trop court, on peut reculer le terme de la prescription des peines. cette rigueur n'est rien près de la nécessité de frapper des innocents pour atteindre les coupables.
A propos de détention préventive, j'attirerai aussi l'attention de M. le ministre de la justice sur d'autres changements à faire à notre législation en cette matière. L'idée que je veux lui soumettre n'aura peut-être pas l'approbation des jurisconsultes. Je sais qu'elle est contraire aux idées de droit qui existent aujourd'hui sur la détention préventive, qu'elle modifie complètement les idées reçues en cette matière.
Je voudrais que toujours la détention préventive fût imputée sur la peine ; qu'ainsi, lorsqu'il y a une condamnation à six mois d'emprisonnement, si le condamné a subi une détention préventive de deux mois, la peine soit réduite à quatre mois.
On fera deux objections à cette proposition ; on dira d'abord ; La détention préventive n'est pas une peine, et voilà que vous voulez la considérer comme une peine, puisque vous la déduisez de la peine.
On dira en second lieu ; Voilà que vous voulez faire compter la détention préventive pour les coupables, et vous ne pouvez rien faire pour les innocents !
M. Coomans. - Il y a une troisième observation : c'est qu'on a généralement égard à la détention préventive pour l'application de la peine,
M. Pirmezµ. - Une troisième objection, c'est qu'on a égard à la détention subie pour l'application de la peine.
Quant à la première de ces objections, que la détention préventive n'est pas une peine et que je veux la considérer comme telle, on voudra bien avouer que c'est là une affaire de mois. L'individu qui se trouve en prison est exactement dans la même condition que le condamné ; il subit le même sort que le condamné lui-même. Je crois qu'il ne faut pas se payer de mots, surtout dans des choses aussi sacrées que la liberté individuelle, qu'il faut aller au fond des choses et dire que quand un individu a été en prison, il a été puni.
La seconde objection, c'est que je veux tenir compte de la détention préventive au condamné et que je n'en tiens pas compte à l'innocent. J'avoue, messieurs, qu'il en est ainsi : mais si la chose est mauvaise pour le condamné et pour l'innocent, j'aurai au moins trouvé un remède pour la moitié du mal, et la circonstance que je ne trouve pas un moyen de remédier à tout le mal ne doit pas être un obstacle pour ne pas appliquer le remède aux cas où il est possible de l'appliquer.
Messieurs, c'est une triste nécessité de voir que des individus doivent subir un emprisonnement, alors que leur culpabilité n'est pas constatée et ne le sera pas. Aussi je fais les vœux les plus ardents pour que la détention préventive diminue constamment, et je vois que les sentiments d'humanité que l’on manifeste à l'égard des assassins quant à la peine de mort, et à l'égard des individus qui ne satisfont pas leurs créanciers, quant à la contrainte par corps, seront beaucoup mieux placés, si on veut les appliquer à empêcher que des innocents soient détenus sans motifs.
J'arrive à la troisième raison, qui est celle de l'honorable M. Coomans. Je crois que l'honorable M. Coomans n'a pas voulu faire une objection, mais qu'il a voulu me souffler un argument. Je l'en remercie. Il est clair que si les tribunaux font bien de tenir compte de la détention préventive par leur jugement, ce sera mieux encore par la loi. Il ne faut pas se dissimuler que quand les tribunaux font cela, ils obéissent peut-être à un sentiment d'équité que j'apprécie, mais ils violent la loi. D'après la loi, ils ne peuvent pas tenir compte de la détention préventive.
Nous rendrons donc légal ce que l'équité seule autorise aujourd'hui. J'ajouterai que les tribunaux ne sont pas toujours libres de suivre l'équité, parce que le minimum de la peine les empêche de la réduire de manière à tenir complètement compte de la détention préventive qui a été subie.
J'attire donc sur ce point l'attention de M. le ministre de la justice. Je crois que s'il veut se mettre un peu au-dessus des idées actuellement admises et examiner la question indépendamment de toute considération d'école, il adoptera la solution que j'indique.
Quant à la contrainte par corps, je crois qu'il y a quelque chose à faire et qu'il ne faut pas hésiter à le faire parce qu'une loi a été récemment votée par la Chambre. Mais je crois aussi qu'il ne faut pas aller jusqu'à la suppression complète de la contrainte par corps. En la supprimant, vous rendriez le plus mauvais service à beaucoup de petits négociants ; cette suppression deviendrait surtout un danger dans notre temps, où une si grande partie de la fortune publique est composée de titres qui peuvent être parfaitement conservés à l'abri des poursuites des créanciers et où le débiteur de mauvaise foi a tous les moyens de se soustraire à l'acquittement de ses engagements. Mais il pourrait y avoir un tempérament : ce serait de rendre facultative la contrainte par corps en matière de commerce, en sorte que le juge pourrait apprécier s'il y a réellement malheur ou s'il y a des faits tels, qu'il faut donner au créancier des moyens énergiques pour se mettre à l'abri de la mauvaise foi.
Enfin, puisque j'ai commencé à suivre l'ordre d'idées adopté par l'honorable M. Guillery, je finirai en me joignant à lui pour demander la révision de la législation pénale militaire. Je trouve que lorsqu'il y a des délits commis par des militaires contre des citoyens, il y a quelque chose de très grave à faire juger ces militaires par un tribunal militaire. Messieurs, il ne faut pas se le dissimuler, il y a dans l'armée une espèce (page 123) d'esprit de caste, il y a des opinions, des sentiments qui la séparent, sur plusieurs points, du pays. Eh bien, du reste, je crois que quand un militaire commet un délit contre un particulier, il ne faut pas le soumettre à une juridiction qui peut se placer au point de vue de cet esprit que je vous signalais tout à l'heure pour apprécier le délit qui a été commis ; il faut le soumettre à la juridiction ordinaire. Si je voulais rappeler des faits récents, je crois que j'en trouverais facilement qui confirmeraient les craintes que j'émets et qui viendraient à l'appui de la réforme que je demande, et qui consisterait, dans les cas mixtes, à faire juger par la juridiction ordinaire les militaires comme les simples citoyens.
J'appelle donc sur ce point l'attention de M. le ministre de la justice.
M. Van Overloopµ. - Messieurs, je crois devoir appeler à mon tour l'attention de M. le ministre de la justice sur un fait qui est arrivé récemment à ma connaissance et qui paraît se répéter très fréquemment, mais dans des proportions moins fortes. J'ai vu des pièces constatant que l'acquéreur d'un petit héritage appartenant à des mineurs a payé pour prix principal de son acquisition 600 francs et pour frais de toute nature 589 fr., soit en total 1,189 fr.
Si les lois destinées à protéger les mineurs donnent lieu à des abus que j'appellerai si scandaleux, il est évident, ou que ces lois sont mauvaises ou que les magistrats à qui la loi a confié le soin de veiller aux intérêts des mineurs ne remplissent pas complètement leur devoir.
M. Teschµ. - Cela n'est pas dans la loi.
M. Van Overloopµ. - Je dis que le fait existe. Eh bien, le fait existant, il faut que la loi soit mauvaise ou que les magistrats appelés à veiller aux intérêts des mineurs ne remplissent pas leur devoir. Si la loi est mauvaise, il faut la modifier. Si la loi n'est pas mauvaise, il est du devoir de M. le ministre de la justice d'appeler l'attention des procureurs généraux sur le fait que je signale, afin que des abus de cette nature ne se renouvellent plus.
En fait, messieurs, quand il s'agit de biens de majeurs, les frais à payer par l'acquéreur s'élèvent ordinairement de 10 à 12 1/2 p. c, et quand il s'agit de biens de mineurs, je puis affirmer le fait, ces frais s'élèvent très fréquemment à 30, 40, 50, voire même presque à 100 p. c., comme je viens de le dire.
Or, il vaudrait mieux pour les mineurs de ne pas avoir de loi protectrice de leurs droits que d'avoir une loi protectrice qui soit aussi préjudiciable à leurs intérêts.
J'espère que M. le ministre de la justice aura égard à l'observation que je fais et chargera MM. les procureurs généraux de veiller soigneusement, afin que les magistrats qui sont chargés de sauvegarder les intérêts des mineurs, remplissent convenablement leur devoir.
Si je manifeste ce désir, c'est que je crois que l'abus que je signale a surtout pour cause les magistrats auxquels je fais allusion.
Il serait bon aussi d'examiner s'il ne conviendrait pas, lorsqu'il s'agit de biens de mineurs, de supprimer l'intervention des avoués, car il faut convenir que leurs vacations augmentent considérablement les frais, qui, en définitive, retombent sur de malheureux orphelins.
Il est même des personnes qui pensent qu'on pourrait supprimer l'institution des avoués, au grand complet. J'appelle sur ce point l'attention de M. le ministre de la justice.
Je n'émets pas une opinion, mais je demande qu'on examine la question.
M. Bouvierµ. - Désavouer les avoués, c'est renverser tout le Code de procédure civile.
M. Van Overloopµ. - Je suis heureux de voir M. le ministre de finances à son banc. Nos Annales parlementaires d'avant-hier n'ont pas été publiées le lendemain.
Ce n'est que ce matin que j'ai pu prendre connaissance du discours prononcé par l’honorable ministre des finances. L'honorable ministre, a cité, avant-hier, des passages d'une décision de la Propagande de Rome approuvée par notre saint-père le pape Grégoire XVI, le 15 décembre 1840.
Je ne veux pas rentrer dans la discussion.
M. Coomans. - Vous avez le droit d'y rentrer.
M. Van Overloopµ. - Je ferai seulement remarquer à l'honorable ministre des finances que le passage qu'il a cité a été, selon toute probabilité, extrait de Bouix : Tractatus de jure regularium, t. 1, p. 397.
Je ferai ensuite observer à M. le ministre que la citation de Bouix n'est pas complète, et je crois que s'il était remonté à la source au lieu de se contenter de l’ouvrage dont je parle, ou bien s'il avait donné lecture du chapitre entier (je n'incrimine pas sa bonne foi), il n'aurait pas déduit de la citation les arguments qu'il en a tirés. Je le répète, je ne veux pas rentrer dans la discussion, mais je crois devoir signaler ce fait afin que les personnes qui lisent nos Annales ne soient pas induites en erreur par des citations incomplètes de Bouix.
Cette observation suffira pour les personnes qui lisent nos Annales.
M. Bouvierµ. - J'ai demandé la parole lorsque j'ai entendu l'honorable M. Pirmez dire dans la première partie de son discours qu'il n'était pas tout à fait partisan de l'abolition de la contrainte par corps, en présence surtout du grand développement de la fortune mobilière. Je le regrette d'autant plus vivement que depuis l'abolition de la loi sur le prêt à intérêt il y a nécessité de faire disparaître de nos lois la contrainte par corps. Ce n'est pas le commerce loyal qui fait usage de ce mode de coercition que j'ai caractérisé tout à l'heure ; ce sont les usuriers ; c'est leur donner une véritable prime d'encouragement, que de permettre à ces gens, dont on ne peut assez flétrir la conduite, d'incarcérer des jeunes gens de famille après avoir audacieusement spéculé sur leur fortune.
Je dis donc que l'abolition de la contrainte par corps devient une nécessité. L'honorable M. Pirmez y a mis un certain tempérament dans la deuxième partie de son discours.
On pourrait laisser aux juges consulaires, dit-il, la faculté de prononcer la contrainte par corps. C'est déjà quelque chose, mais ce n'est pas tout, je crois qu'il est indispensable, en présence de la législation nouvelle sur la liberté du prêt, d'abolir entièrement cette législation barbare.
M. Debaets. - J’ai demandé la parole pour répéter à M. le ministre de la justice et à la Chambre un vœu que j'ai entendu émettre à différentes reprises par des commerçants et des banquiers et qui a été formulé par la chambre de commerce de Liège dans un de ses rapports annuels.
Ce vœu consiste à demander la suppression, pour le gage commercial, des formalités du gage civil.
Aux termes de l'article 2073 du Code civil « le gage confère au créancier le droit de se faire payer sur la chose qui en est l'objet par privilège et préférence aux autres créanciers. »
Mais aux termes des articles qui suivent, le privilège n'a lieu que pour autant qu'il y a un acte public ou sous seing privé, dûment enregistré, contenant la déclaration de la somme due, ainsi que l'espèce et la nature des choses remises en gage, ou un état annexé de leurs qualités, poids et mesure.
Il faut en outre pour les meubles incorporels, tels que créances mobilières, l'établir par acte public ou sous seing privé, aussi enregistré et signifié au débiteur de la chose donnée en gage.
On comprendra immédiatement les immenses inconvénients qui résultent de cet état de choses.
Je suppose qu'un négociant ait besoin d'argent ; il a des valeurs en portefeuille, il remet ces valeurs à un bailleur de fonds. Si le négociant fait faillite, le porteur de ces gages n'aura pas privilège pour se faire payer de préférence aux autres, à moins qu'il ne fasse dresser un acte et ne le fasse enregistrer. Encore faut-il qu'il signifie cet acte au débiteur.
Ainsi, par exemple, ce négociant a des fonds belges, des valeurs industrielles, des actions de chemin de fer ; il devra dresser acte du gage qu'il remet, enregistrer cet acte et le signifier, c'est à-dire proclamer aux yeux de tous l'embarras financier dans lequel il se trouve. Il y aura perte de temps et perte d'argent ; car outre les officiers ministériels, pour leur salaire, le fisc tendra la main, et souvent pour des sommes considérables de droits d'enregistrement.
Il importe de dégager le commerce de ces entraves qui ont soulevé, je le répète, des réclamations dans le monde commercial dont la chambre de commerce de Liège s'est faite l'écho dans son rapport de 1865. Ne pourrait-on pas faire en Belgique ce qu'on a fait en France ?
Une loi du 29 mai 1863 dispense le gage commercial des formalités du gage civil.
Je pense en avoir dit assez pour que cette question importante appelle l'attention de M. le ministre de la justice. Lorsque les Codes qui nous régissent ont été faits, la question n'avait pas une valeur aussi grande : le Code de commerce a été créé pour un monde commercial et industriel tout autre que celui dans lequel nous vivons.
Sous le rapport commercial et industriel, nous sommes, après tout, des gens du nouveau monde, et il nous reste à faire disparaître beaucoup d'abus d'un autre âge.
Puisque j'ai la parole ,je demanderai à ajouter encore un seul mot sur une question qui a été soulevée par l'honorable député de Virton en ce qui concerne le notariat.
(page 124) Je crois, messieurs, que tout au moins pour le district que j'ai l'honneur de représenter, le nombre des notaires est trop considérable. Je pense que dans tous ou presque tous les cantons du district de Gand on atteint le maximum déterminé par la loi.
Eh bien, je dis que le nombre des notaires y est trop considérable et voici pourquoi ? C'est qu'ils passent un nombre d'actes trop restreint et qu'il leur est fait une rude concurrence par les agents d'affaires qui ont une organisation spéciale dans les Flandres, organisation qui, je crois, n'existe pas ailleurs. J'en trouve encore la preuve dans cette circonstance que le gouvernement laisse pendant sept ou huit mois des places de notaire vacantes. Or, je dis qu'une étude qui peut rester vacante pendant sept ou huit mois est une étude parfaitement inutile. Les notaires considèrent une telle place comme le pied dans l'étrier et ils y restent comme dans un caravansérail d'où l'on sort le plus tôt possible.
J'appelle l'attention de M. le ministre de la justice sur cette question et sur celle que j'ai eu l'honneur de traiter plus longuement devant la Chambre il y a deux ans, à savoir, s'il ne faut pas égaliser la position de tous les notaires, supprimer les classes.
Je crois qu'il est inutile d'avoir des notaires d'arrondissement et des notaires de canton. Les notaires sont faits pour les justiciables ; c'est une espèce de magistrature. Il faut donc faciliter le plus possible l'accès de cette magistrature au public, et ne point maintenir des classifications qui peuvent être utiles à quelques-uns de ces honorables fonctionnaires, mais qui certes ne se justifient point par des considérations d'intérêt publics.
M. Jamarµ. - Messieurs, je partage complètement les opinions exprimées par l'honorable M. Guillery sur la plupart des réformes dont il a signalé à M. le ministre de la justice l'urgence et l'opportunité.
Parmi ces réformes, messieurs, je pose en première ligne la révision de l'article du Code pénal relatif aux coalitions et la suppression de la contrainte par corps.
Je n'entends pas, messieurs, me livrer en ce moment à une discussion approfondie sur ces matières.
L'honorable ministre de la justice, pour ne pas entraver la marche de nos travaux, s'est mis avec empressement à la disposition de la Chambre pour discuter un budget qu'il n'avait guère étudié que comme représentant. Je crois que nous aurions mauvaise grâce de lui demander une solution immédiate à toutes les questions qui viennent d'être soulevées.
Je dois insister cependant sur la question des coalitions. Si le Sénat consent à discuter, dans un délai rapproché, le titre relatif aux coalitions, rien de mieux ; mais je dois faire remarquer à la Chambre qu'il y a un an, jour pour jour, l'honorable M. Tesch nous indiquait cette marche comme le mode le plus rapide pour arriver à une solution que nous appelons de tous nos vœux, mais qui n'a pas fait un pas depuis un an.
Pour ne pas m'appesantir davantage sur cette question, il y aurait un moyen bien simple et je le soumets à l'honorable ministre de la justice : ce serait de vouloir bien nous fournir dans un délai rapproché, après s'être assuré des intentions du Sénat, des explications sur les pétitions renvoyées à son département en 1864, avec demande d'explications.
Quant à cette grave question de la contrainte par corps, je dois ajouter quelques mots aux observations qui nous ont été présentées.
il m'est impossible d'admettre le maintien de la contrainte par corps, même avec les atténuations indiquées par l'honorable M. Pirmez. Je pense qu'en matière commerciale, comme en matière civile, la contrainte par corps ne doit être appliquée que comme une répression d'un fait délictueux.
L'expérience que j'ai acquise, en présidant le tribunal de commerce pendant deux ans, m'a prouvé que les partisans de ce mode d'exécution en exagèrent singulièrement les résultats et que ces minces résultats sont obtenus au prix d'abus dont ma conscience a été profondément révoltée.
M. Pirmezµ. - Je tiens à dire à l'honorable M. Debaets, en ce qui concerne la question dont il vient d'entretenir la Chambre, que la commission de révision du code de commerce s'est occupée de cette question. Elle en connaît la gravité et elle se propose de vous soumettre dans un prochain rapport une série d'articles qui régleront ce qui concerne le gage en matière de commerce.
M. Bouvierµ. - J'ai demandé la parole pour répondre quelques mots aux observations de l'honorable M. Debaets. J'ai soutenu tout à l'heure l'opinion qu'il y avait lieu, comme en 1848, d'augmenter le nombre des notaires là où le chiffre de la population a augmenté.
L'honorable M. Debaets prétend que le maximum du chiffre fixé par la loi de ventôse an XI, a été atteint.
M. de Mérodeµ. - Pas ici ; à Gand,
M. Bouvierµ. - Je parle d'une manière générale, sans application de localités et je fais allusion à ce qui existe à Bruxelles et dans les autres grands centres de population, oh le commerce et l'industrie ont pris un développement considérable. Quoi qu'il en soit, en 1848, on ne s'est pas inquiété du point de savoir si le maximum indiqué par la loi de ventôse était atteint, oui ou non. Le chiffre des notaires était alors de vingt sur une population de 126,000 âmes ; d'après les bases qui se trouvent indiquées dans la loi sur le notarial, la proportion est d'un notaire par 6,000 âmes.
Or, en 1848, il n'aurait fallu, pour rester dans les termes de la loi, augmenter le chiffre des notaires, à Bruxelles, que d'un notaire. Or, on l'a augmenté de dix. Donc, la législature de cette époque a jugé cette augmentation utile, indispensable dans un intérêt public. Mais, dit l'honorable M. Debaets, à Gand nous ne trouvons pas la nécessité d'augmenter ce nombre, parce qu'il y a là une grande quantité d'agents d'affaires qui viennent, en quelque sorte, usurper les droits et les titres des notaires.
C'est là un mal ; tâchez de le faire disparaître, c'est votre affaire ; mais cela ne doit pas empêcher la législature de poser un acte de justice dans un intérêt général.
M. Maghermanµ. - Je dois appeler un instant l'attention de M. le ministre de la justice sur l'inégalité du régime des tribunaux appelés à connaître des affaires de commerce.
Dans certaines localités ce sont des commerçants, d'anciens négociants, des industriels qui sont appelés à former ces tribunaux.
Dans des localités moins importantes, ce sont les tribunaux civils qui sont chargés de la connaissance des affaires commerciales. Mais il est à remarquer que, depuis l'organisation de cet état de choses, la plupart des arrondissements de cette catégorie ont acquis une importance commerciale qu'ils n'avaient pas à cette époque, déjà loin de nous.
Je ne me prononce pas pour l'un ou l'autre système ; chacun d'eux a ses mérites et ses partisans.
Dans certains cas, il est très utile qu'il siège des jurisconsultes dans les affaires même commerciales. Dans d'autres cas, on peut dire que les négociants sont plus au courant des usages et pratiques du commerce, et dans des cas donnés cela n'est pas à dédaigner.
Je me borne à appeler l'attention de M. le ministre de la justice sur cette matière et je pense qu'il est temps d'arriver à un système uniforme dans tout le royaume.
M. de Theuxµ. - Dans la dernière discussion du budget de la justice il a été grandement question du domicile de secours. Des plaintes nombreuses se sont élevées depuis plusieurs années au sujet des charges qui pèsent sur les communes rurales par suite de la dernière loi sur le domicile de secours qui exige un séjour de 8 ans pour obtenir un nouveau domicile de secours.
On a démontré que les infirmités se contractent dans les centres industriels, que les ouvriers industriels abandonnent souvent leur femme et leurs enfants, les laissant à la charge de la commune et qu'eux-mêmes occasionnent ensuite des dépenses par leur séjour dans les hospices des grandes villes ou des grandes communes. M. Tesch avait compris qu'il y avait quelque chose de fondé dans les réclamations des communes à cet égard et il avait promis de se livrer à une enquête. Cette enquête a déjà été commencée, mais il n'y a pas encore eu de conclusions. Si mes souvenirs sont fidèles, M. Tesch penchait pour le système mixte qui tendrait à partager les frais entre la commune dans laquelle le campagnard a contracté les infirmités et la commune d'origine. Je crois qu'il y aurait quelque chose à faire et je serais heureux de voir que le gouvernement s'occupât sérieusement de cette question, car il y a dans les communes rurales des plaintes unanimes.
M. Teschµ. - Lorsqu'il a été question de la loi sur le domicile de secours, j'ai promis à la Chambre de faire étudier, au département de la justice, toutes les questions qui s'y rattachent ; je n'ai pas perdu cette promesse de vue et je pense même qu'un projet est déjà élaboré. Mon honorable successeur pourra l'examiner, le modifier selon ses idées et en saisir la Chambre dans le courant de cette session. cette question soulève des points difficiles qui exigeaient beaucoup d'études et de réflexions, et c est le motif pour lequel il n'a pu être présenté plus tôt, comme je l'aurais désiré. J’ajouterai que le personnel du département de la justice est extrêmement restreint et qu’avec toute la bonne volonté et toute l’assiduité possible, les employés ne peuvent préparer les projets au fur et à mesure qu'on les demande ici.
M. Guillery. - Je le reconnais, le personnel est insuffisant.
M. Teschµ. - Aussi j'ai vu avec plaisir que mon honorable (page 125) successeur a réclamé de la Chambre une augmentation d'allocation pour le personnel de son département.
Je n'examinerai pas toutes les demandes de réforme dont on vous a entretenus ; je crois qu'il est inutile de se livrer à un examen anticipé de toutes ces questions. Je dirai cependant un mot en réponse à l'observation de M. Van Overloop.
M. Van Overloop nous a dit que dans une vente faite pour compte de mineurs, où la valeur des immeubles n'était que de 600 francs, on avait dépensé pour l'autorisation, je crois, 500 et des francs...
M. Van Overloopµ. - J'ai dit que d'après des pièces que j'avais eues sous les yeux, l'acquéreur d'un petit héritage, appartenant à des mineurs, avait payé pour le principal 500 fr. et pour frais de diverse nature 589 fr., en tout 1,089 fr.
M. Teschµ. - Je vois toujours avec peine qu'on vienne ici dans cette Chambre faire le procès à une législation existante sans préciser les griefs et sans dire, d'une façon catégorique, si, réellement, il y a abus ou non. S'il y a abus, on pourra aviser. Mais d'après les explications de M. Van Overloop, il est impossible de savoir s'il y a abus. M. Van Overloop nous dit qu'un acquéreur d'immeubles qui appartenaient à des mineurs a payé une somme de 589 fr. pour frais de diverses natures. Mais quels sont ces frais ?
La vérité est que notre législation ne peut donner lieu à des abus pareils, à moins qu'on ne suppose de la concussion. En effet, quelles sont les dispositions protectrices des mineurs ? Quand les mineurs possèdent des immeubles indivis avec des majeurs, ce sont les dispositions de la loi de 1816 qui sont applicables, et quelle est la procédure qu'on suit ? C'est une simple enquête, qui est présentée au tribunal, communiquée au procureur du roi, et c'est un jugement qu'on peut appeler d'expédient, c'est-à-dire, qu'il ne peut pas y avoir en tout pour plus de 50 à 60 fr. de frais.
M. Coomans. - 200 fr. de frais ; cela m'est arrivé.
M. Teschµ. - Ce n'est pas possible ; il suffit d'une requête présentée au tribunal par un avoué ; cette requête est communiquée au procureur du roi, qui donne son avis, et le tribunal statue. Voilà comment j'ai toujours vu les choses se passer, et je ne sais à quels autres frais cette procédure pourrait donner lieu.
Lorsqu'il s'agit d'immeubles possédés par des mineurs seuls, c'est l'autorisation du conseil de famille et l'homologation du tribunal qu'il faut. Là encore, il n'y a qu'une procédure très sommaire par voie de requête et il est littéralement impossible qu'elle donne lieu aux frais exagérés dont a parlé l'honorable M. Van Overloop. S'il y a eu dans un cas donné un abus, des prévarications, c'est la faute des hommes, ce n'est pas la faute de la législation et ce n'est pas même la faute de la magistrature. C'est aux tuteurs à ne pas se laisser gruger, à ne pas payer à des avoués des honoraires exagérés, à exiger au besoin que l'état d'honoraires soit taxé par le président ; c'est le droit de chaque partie ; si l'on en avait usé, on n'aurait pas payé des frais exagérés.
M. Van Overloopµ. - Je ne crois pas qu'on puisse m'accuser d'attaquer avec légèreté une loi quelconque ; il ne m'est jamais arrivé d'appeler une loi odieuse, comme l'a fait, il n'y a qu'un instant, sans qu'on ait protesté, M. Bouvier, à propos de la loi sur la contrainte par corps.
M. Bouvierµ. - Je maintiens ce mot.
M. Van Overloopµ. - Je constate seulement un fait. J'ai affirmé et je répète que j'ai eu sous les yeux des pièces qui constatent qu'une vente d'un petit héritage appartenant à des mineurs a produit 600 fr. en principal et entraîné 589 fr. de frais.
J'ai dit que là où l'acquisition de biens de majeurs n'entraîne que des frais de 10 p. c., 12 1/2 p. c, 14 p. c, 15 p. c, comme on le dit à mes cotés, la vente de biens appartenant à des mineurs entraîne jusqu'à 30 p. c. et même 50 p. c. de frais et davantage. Je répète que cela est trop, que mieux vaudrait pour les mineurs ne pas avoir de lois protectrices de leurs droits que d'avoir des lois qui soient aussi préjudiciables à leurs intérêts. (Interruption.)
Ai-je dit que la loi était mauvaise ? Non : je me suis borné à constater un fait et j'en ai tiré la conclusion que voici : ou la loi est mauvaise, ou les magistrats chargés de veiller aux intérêts des mineurs ne remplissent pas convenablement leur mission. Maintenant M. Tesch veut-il que je lui indique une des causes qui entraînent tous ces frais extraordinaires ? Ce sont les vacations inutiles de MM. les juges de paix et greffiers ainsi que les vacations des avoués : nous sommes dans un pays civilisé, et je dis qu'il est déplorable qu'une législation prétendument protectrice des mineurs ruine les mineurs.
Je suis très enchanté d'avoir fait mes observations à M. le ministre de la justice actuel, et j'espère que M. le ministre de la justice actuel adressera aux procureurs généraux une circulaire pour éveiller leur attention sur le fait scandaleux que je viens de signaler.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Messieurs, comme l'a très bien dit l'honorable M. Tesch, il est impossible que l'application exacte de la loi sur la vente des biens des mineurs ait produit l'exagération de frais dont il vient d'être parlé.
L'honorable M. Van Overloop a parlé de la vente d'un immeuble de 600 francs qui a nécessité 589 francs de frais. Eh bien, cela est absurde.
L'honorable M. Van Overloop, qui plaide quelquefois, doit parfaitement savoir qu'il est absolument impossible de comprendre une pareille note de frais. Mais voici ce qui sera arrivé : il y avait probablement un procès en partage, une contestation, et on aura mis tous les frais à la charge de la masse. S'il on est ainsi, le fait s'explique parfaitement, car enfin, pour une somme de 5 francs vous pouvez avoir pour 1,000 francs de frais si vous allez en appel, en cassation, en un mot si vous passez par tous les degrés de la juridiction.
Maintenant, je reconnais jusqu'à un certain point que, dans certains cas, l'application de la loi de 1816 peut être défavorable aux mineurs. Il en est ainsi, par exemple, quand il s'agit d'un immeuble de peu d'importance et pour lequel il faut payer exactement les mêmes frais de justice que s'il s'agissait d'un immeuble de grande valeur. Toutefois, je me hâte de dire que les frais ne sont pas très considérables : il suffit d'un simple requête d'avoué et d'un jugement d'expédient.
Voilà les seuls frais supplémentaires qu'on peut avoir à payer et qui, dans certaines circonstances exceptionnelles, lorsque l'immeuble est de peu de valeur, peuvent augmenter l'ensemble des frais de vente.
Quoi qu'il en soit, avant de lancer la circulaire dont parle l'honorable M. Van Overloop, je le prierai de me préciser le fait dont il a parlé et de me communiquer ce fameux dossier où il a vu qu'un immeuble de 600 fr. à coûté 589 francs de frais.
M. Van Overloopµ. - Je me prêterai volontiers à ce que me demande M. le ministre de la justice, mais il est bien entendu que je n'entends me faire le dénonciateur de personne.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - C'est bien entendu ; la communication que je demande est toute confidentielle.
Les honorables MM. Guillery et Jamar sont revenus sur la question des coalitions. Je crois que l'honorable M. Guillery ne m'a pas bien compris. Je n'ai pas dit que je n'étais pas disposé à faire discuter de suite au Sénat la question des coalitions, pour autant, bien entendu, que cela convienne à cette assemblée. Je veux bien lui demander de discuter, comme l'a dit l'honorable M. Pirmez, le titre relatif aux coalitions, et si nous n'aboutissons pas au Sénat, nous verrons ultérieurement ce qu'il y a lieu de faire.
L'honorable M. Bouvier a parlé de la réforme de la loi sur le notarial, ou tout au moins d'une augmentation du nombre des notaires. L'honorable M. Debaets demande aussi une réforme de la loi sur le notariat, au point de vue de la différence de compétence entre les notaires.
Messieurs, je ne puis pas m'engager sur cette question. Le département de la justice a déjà énormément de travaux et la Chambre aussi ; vous comprenez donc parfaitement qu'il faut vider un peu l'arriéré avant d'entamer de nouveaux travaux. Je ne puis dire qu'une chose aux honorables membres, c'est que quand le temps le permettra le gouvernement examinera toutes ces questions.
M. Bouvierµ. - Nous n'avons pas demandé autre chose.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - L'honorable M. Magherman a parlé de l'organisation des tribunaux de commerce et demandé que le personnel en fût le même dans tout le royaume.
Cette question, messieurs, concerne la loi sur l'organisation judiciaire ; elle pourra être traitée lors de la discussion de cette loi.
Quant à la loi sur le domicile de secours, dont a parlé l'honorable M. de Theux, je crois, comme l'a dit l'honorable M. Tesch, qu'il y a au département de la justice un projet de loi préparé sur cette matière. Ce que je puis affirmer, c'est qu'on s'occupe des questions délicates et officielles qu'elle soulève. C'est tout ce que je puis dire à cet égard.
M. Coomans. - Bien longtemps avant moi il a été dit que la gratuité de la justice, principe enseigné dans nos universités et inscrit platoniquement dans nos lois, est un mensonge. Dans beaucoup de cas, la justice coûte horriblement cher, si cher qu'elle est tout à fait inabordable aux pauvres.
M. De Fréµ. - Et le pro Deo ?
M. Coomans. - Il y a beaucoup de pauvres qui ne sont pas admis au bénéfice du pro Deo.
- Voix diverses. - C'est une erreur. (Interruption.)
(page 126) M. Coomans. - Mais, messieurs, le mot « pauvre » est bien large : est-ce que vous n'appelez pauvres que ceux-là seulement qui sont mendiants ?
MfFOµ. - Du tout ; il ne s'agit pas de cela.
M. Coomans. - J'appelle pauvres, moi, des gens laborieux qui n'ont pas toujours 30, 40, 50 francs à leur disposition et qui vivent exclusivement de leur travail. Eh bien, je dis, me plaçant à ce point de vue parfaitement juste, que pour l'immense majorité des Belges la justice est inabordable ; ce qui constitue une distinction non seulement inconstitutionnelle mais encore contraire au droit naturel.
Je n'ai pas pris la parole pour citer l'infinité de cas que je pourrais énumérer devant vous ; je me contenterai d'en ajouter un seul à celui que l'honorable M. Van Overloop vient de signaler. Le Code civil accorde à tous les pères de famille le droit d'émanciper leurs fils. Eh bien, il n'y a que les gens qui ont de l'argent qui puissent user de cette faculté.
Que faut-il cependant pour accomplir cet acte ? Le Code prescrit une formalité très simple : le père se présente devant le juge de paix et lui déclare qu'il veut émanciper son fils. Il suffît donc d'écrire trois ou quatre lignes pour constater cette volonté. Eh bien, qu'est-ce que cela coûte ? Vingt-huit francs ! Et quand M. le ministre de la justice vient nous dire que cela n'est pas possible, je réponds que cela est tellement possible que j'en ai fait moi-même deux fois l'expérience.
Il m'a été très facile de payer deux fois 28 francs pour avoir le plaisir de hâter légalement la majorité de deux de mes fils. Mais, je vous le demande, est-ce que de petits boutiquiers, de petits industriels, qui ont souvent besoin de l'émancipation de leurs fils pour certains actes civils ou commerciaux, est-ce que ces pauvres gens sont en position de s'imposer un tel sacrifice ?
. N'y a-t-il pas une foule de familles laborieuses qui n'ont pas 28 fr. à leur disposition pour se donner cette satisfaction ? De sorte que ce droit civil n'est, comme beaucoup d'autres, qu'une lettre morte et une véritable injustice pour le pauvre.
Je demande pourquoi l'Etat ou ses représentants les juges de paix et leurs greffiers sont autorisés à percevoir un droit aussi exorbitant pour la petite peine d'écrire quelques lignes sur un petit papier sur lequel il n'y a qu'un très petit timbre. Et remarquez, messieurs, que, sans leur intervention, votre déclaration d'émancipation n'est pas valable. Ceci est positivement contraire à l'esprit du Code.
M. Rodenbach. - Je crois que l'honorable préopinant est dans le vrai, surtout en ce qui concerne le pro Deo. Pour pouvoir jouir du bénéfice du pro Deo il faut un certificat d'indigence, et ce certificat ne s'accorde qu'aux personnes qui payent moins de 10 francs de contribution.
Eh bien, vous ne pouvez pas obtenir le pro Deo ; les bourgmestres ne peuvent pas donner le certificat d'indigence lorsqu'on paye au delà de 10 francs, et même quand ils le donnent, les tribunaux n'y font pas grande attention et surtout les avoués. Je dis que la justice n'existe pas pour cette classe de malheureux, qu'elle est même fort chère pour la classe aisée de la société et que les procès ne peuvent finir. J'ai l'expérience que cela est ainsi. Il y a donc quelque chose à faire.
J'appelle l'attention de M. le ministre de la justice sur ce point, d'autant plus que je parle ici en faveur des pauvres.
Messieurs, j'ai demandé la parole lorsqu'il était question du domicile de secours, Or, je dois déclarer que les 8 années de domicile de secours, c'est un délai beaucoup trop long. Il faudrait revenir au délai de 4 années.
Les communes donnent maintenant de légers secours, pour prolonger les 8 années, pour aller jusqu'à 10, 11 ou 12 années. C'est un moyen d'éluder la loi. Il faut absolument que cette loi soit modifiée.
L'année dernière, l'ancien ministre de la justice, dans les réponses qu'il m'a faites, paraissait être d'accord avec l'opinion que j'ai émise : Je disais et je répète aujourd'hui que les communes rurales sont voisines de villes manufacturières qui sont dans une voie de prospérité ; eh bien, les pauvres de ces communes se rendent dans les villes, ils y restent pendant quelques années, et on leur donne de petits secours pendant trois ou quatre ans. Il y a un moyen peut-être d'éviter ces manœuvres. Le moyen consisterait en ceci : on payerait la moitié dans le domicile où l'on est né, et les villes se chargeraient du reste. Cela me paraît de toute justice.
Je me réserve de reprendre la parole lorsque nous arriverons au chapitre IX qui concerne les dépôts de mendicité ; l'année dernière, l’ancien ministre de la justice et moi nous avons été aussi à peu près d'accord sur ce qu'il y a à faire au sujet des dépôts de mendicité.
Je répète en terminant que la loi sur le domicile de secours doit être révisée dans un très bref délai. C'est de la plus haute importance ; vous devez désirer cette révision, si vous ne voulez pas que les communes soient en quelque sorte exploitées par les villes.
M. Guillery. - Messieurs, l'honorable M. Rodenbach vient de faire une observation très juste au sujet du pro Deo ; je crois, comme lui, que la loi doit être améliorée.
Comme l'a dit l'honorable membre, il y a une distinction à faire entre l'homme qui est tout à fait indigent et qui ne paye aucune espèce de contribution et l'homme qui est trop pauvre pour payer des frais de justice.
Aujourd'hui, pour obtenir un certificat d'indigence, il faut commencer par obtenir un certificat du receveur des contributions, constatant qu'on ne paye aucune espèce de contribution...
M. J. Jouretµ. - Moins de 10 francs.
M. Guillery. - Eh bien, je crois qu'on peut payer 10 francs de contribution, sans être en état de payer les frais d'un procès.
Autre cas. Une femme, par exemple, plaide contre son mari en séparation de corps. Le mari paye une petite patente, de plus de 10 francs. Or, on refuse à cette femme le pro Deo, la jurisprudence est ainsi. On dit à cette femme qu'elle n'est pas indigente, parce que son mari ne l'est pas, et qu'alors qu'elle demande à plaider contre son mari, elle est censée participer à la fortune du mari contre lequel elle plaide, et qui est souvent insolvable malgré sa patente.
C'est là, messieurs, un des nombreux abus de la loi sur le pro Deo. Cette loi est tout à fait incomplète ; elle a été en quelque sorte improvisée en 1815 et améliorée un peu en 1824. Il est nécessaire de faire une loi complète sur la matière.
Je sais que nous ne pouvons pas tout demander à M. le ministre de la justice ; on lui a déjà adressé un grand nombre de demandes ; mais évidemment il est des questions qui doivent être résolues et qu'il faut signaler à l'attention du gouvernement et du pays.
A ce sujet, M. le ministre de la justice a fait remarquer, comme l'avait fait son prédécesseur, l'honorable M. Tesch, que le personnel n'était pas assez nombreux au département de la justice pour qu'on puisse y préparer tous les projets de révision réclamés par l'opinion publique.
Je crois qu'il y a là, en effet, une grande lacune dans notre organisation, en ce qu'il n'existe pas en Belgique un corps, une commission permanente, une autorité quelconque à laquelle les ministres puissent s'adresser lorsqu'il s'agit de réviser la législation.
Un ministre ne peut pas s'occuper spécialement de ce travail ; il devrait entrer dans beaucoup trop de détails, et cela détournerait son attention des grands intérêts qui lui sont confiés. S'il devait se constituer le président d'une commission permanente, ou se substituer à cette commission, il ne pourrait pas suffire à ce travail ; les plus hautes intelligences qui se sont assises au banc ministériel ne pourraient pas y suffire.
En Hollande et en France il existe un conseil d'Etat. En Belgique on ne veut pas de conseil d'Etat, je ne sais pas trop pourquoi ; quoi qu'il en soit, il faudrait un corps quelconque, composé de jurisconsultes éminents, qui y entreraient soit temporairement, soit à titre permanent, et qui s'occuperaient de la révision des lois. Si cette mesure n'est pas prise, le gouvernement verra souvent sa bonne volonté paralysée.
Il y a évidemment des questions qui ne peuvent être traitées que par des spécialités.
Je ne veux pas traiter, en passant, la question du conseil d'Etat, mais je ferai remarquer que si cette institution est si impopulaire dans le pays, c'est sans motifs sérieux, c'est parce qu'on y voit toujours la juridiction administrative dans les affaires qui intéressent le gouvernement. Mais il ne peut être question de rétablir une pareille juridiction en Belgique. Mais, en matière administrative proprement dite, par quoi a été remplacée la juridiction du conseil d'Etat ? Par la juridiction des députations permanentes souvent sans contrôle et sans publicité, ou même par la juridiction d'un chef de bureau attaché à un ministère ?
Messieurs, il faudrait en matière administrative, comme en toute matière, il faudrait, avant tout, la publicité, qui est la plus grande garantie d'une bonne administration de la justice.
Je ne veux pas, messieurs, traiter à fond la question ; je n'ai voulu que la signaler à l'attention de M. le ministre de la justice. Un conseil, destiné à préparer les lois et à organiser notre juridiction administrative aujourd'hui incomplète dans presque toutes ses parties, serait, je pense, une grande et utile institution. Le moment n'est pas favorable au développement de cette idée ; mais j'espère avoir l'occasion d'y revenir.
(page 127- M. Van Humbeeck. - Plusieurs orateurs ont appelé l'attention de la Chambre et du gouvernement sur les difficultés que présente notre législation en matière de pro Deo. Ces défauts sont réels ; mais il ne faut pas se dissimuler que la matière est difficile, et si l'on compare notre législation, si imparfaite qu'elle soit, aux législations d'autres pays sur le même point, je crois que c'est encore à la nôtre qu'on doit donner la préférence.
La législation piémontaise ne m'est pas connue dans tous ses détails. Mais l'institution des avocats du gouvernement qui existe en Italie, d'après certains commentateurs, à donné lieu a des abus dont on s'est plaint avec raison.
Il y a, dans notre législation sur cette matière, un défaut capital : c'est de changer, en définitive, le rôle du magistrat. C'est le magistrat qui doit accorder le pro Deo. Pour décider s'il y à lieu d'accorder le pro Deo, il faut qu'il se livre a un premier examen de l'affaire, et s'il accorde le pro Deo, c'est encore lui qui doit prononcer d'une manière définitive. Or, c'est là changer le rôle du magistrat. Tout magistrat qui donne son avis dans une affairé doit se récuser lorsqu'il s'agit de statuer sur le fond.
Mais le moment n'est pas venu de discuter à fond quels peuvent être les défauts de la législation. Je veux seulement attirer l'attention du gouvernement, sur un point.
Si la législation a un défaut, la pratique vient encore augmenter les défauts nés de cette législation. Voici ce qui se passe dans plusieurs provinces. On croit que pour demander le pro Deo il faut déjà l'assistance d'un avoué, et cette nécessité, admise presque partout en pratique, de se pourvoir d'un avoué pour demander au tribunal la faculté de plaider gratuitement, crée les plus grandes difficultés, parce qu'il faut trouver un avoué convaincu des droits du plaideur et ayant assez de désintéressement pour prêter son concours gratuit.
Nous avons à Bruxelles un bureau de consultations gratuites, établi par l'ordre des avocats, et fonctionnant parfaitement bien ; et ce bureau, lorsqu'il jugeait une cause digne d'obtenir le pro Deo, éprouvait souvent de grandes difficultés pour obtenir le concours d'un avoué à l'effet de demander le pro Deo. J'ai eu l'honneur, il y a quelques années, de faire partie du bureau de consultations gratuites, et à cette époque j'ai examiné si ce ministère d'un avoué, requis partout, était nécessaire. Après examen des décrets sur la matière, nous sommes restés convaincus que les parties avaient parfaitement le droit de se passer d'un avoué pour soumettre leur première demande au tribunal. Nous avons soumis à l'homme éminent qui se trouvait alors à la tête du tribunal de première instance de Bruxelles, M. de Longé, aujourd'hui conseiller à la cour de cassation, nos idées sur ce point, et M. de Longé a partagé l'avis formulé par le bureau de consultations gratuites.
Depuis cette époque, les parties se présentent devant le tribunal, sans le concours d'un avoué, pour réclamer le pro Deo et lorsque le tribunal juge que l'affaire à quelque apparence de fondement, il désigne d'office un avoué chargé d'intervenir dans la procédure.
Je crois que si cette pratique était généralement suivie, un grand nombre des abus qui ont été signalés disparaîtraient. En attendant donc qu'une révision du fond de cette législation puisse être utilement étudiée, je crois qu'une circulaire de M. le ministre de la justice, recommandant dans tous les tribunaux la marche suivie au tribunal de Bruxelles, aurait une grande utilité.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - En ce qui concerne les observations qui viennent d'être faites sur le pro Deo, l'honorable M. Tesch m'assure qu'il y a au département de la justice un projet préparé sur la matière ; c'est un premier point très important.
Je trouve les observations présentées en dernier lieu par l'honorable M. Van Humbeeck fort, justes, et s'il y a quelque chose à faire à cet égard de la part du département de la justice, je m'empresserai de le faire.
M. de Theuxµ. - Je n'insisterai pas sur la question du pro Deo ; je me bornerai à appuyer les observations qui ont été faites à cet égard. Je dirai seulement que déjà plusieurs fois j'ai appelé l'attention de la Chambre sur l'élévation des frais de justice, qui deviennent tellement énormes, qu'ils rendent l'accès des tribunaux excessivement difficile, et l'on peut dire avec vérité que les dépenses de l'organisation judiciaire, par suite de la cherté des procès,, ne sont pas en rapport avec les services que la justice est appelée à rendre.
Je conviens que la question est compliquée, qu'elle est difficile à résoudre. Le meilleur moyen, c'est de chercher à avoir le moins de procès possible.
- La discussion est close.
« Art. 6. Cour de cassation. Personnel : fr. 267,400. »
- Adopté.
« Art. 7. Cour de cassation. Matériel : fr. 3,250. »
- Adopté.
« Art. 8. Cours d'appel. Personnel : fr. 757,050. »
MpVµ. - Il y a, à cet article, un amendement qui se rattache également à l'article 10. S'il n'y a pas d'opposition je mettrai les deux articles en discussion en même temps.
La parole est à M. Thonissen pour développer son amendement.
M. Thonissenµ. - La loi du 19 mai 1863 fixe les traitements des commis greffiers des cours d'appel et des tribunaux de première instance. Elle alloue 4,000 fr. aux commis greffiers des cours d'appel, 3,000, 2,800 et 2,600 fr. aux commis greffiers des tribunaux de première instance, suivant que ceux-ci sont de première, de deuxième ou de troisième classe.
L'arrêté royale du 22 mai de la même année détermine les traitements des secrétaires des parquets. (erratum, page 134) Il porte à 3,300 francs les appointements des secrétaires des parquets de cour d'appel, à 2,400, 1,800 et 1,700 fr. ceux des secrétaires des parquets des tribunaux de premier instance.
Il existe donc entre les traitements de ces deux classes de fonctionnaires une différence variant de 600 à 1,000 fr.
C'est là, messieurs, une véritable injustice, qui a été constamment signalée dans cette enceinte depuis un quart de siècle, et qu'on s'étonne de rencontrer encore dans notre législation.
Déjà en 1844, à l'occasion d'un projet de loi destiné à augmenter les traitements de la magistrature, la section centrale émit, à l'unanimité de ses membres, « le vœu que les appointements dès secrétaires des parquets des procureurs généraux et des procureurs du roi fussent les mêmes que ceux des commis greffiers des cours et des tribunaux. » Cette opinion fut vigoureusement soutenue par MM. Dolez, Lange, Delehaye, Verhaegen, De Saegher et de Garcia ; mais, quoique la plupart de ces honorables orateurs eussent rempli des fonctions judiciaires et qu'ainsi leur opinion méritât d'inspirer une confiance entière, leur demande ne fut pas accueillie.
Pendant treize années, les secrétaires des parquets gardèrent le silence ; mais, en 1857, de nouvelles réclamations se firent entendre. L'honorable M. Nothomb, chargé du portefeuille de la justice, répondant à des observations faites par la section centrale, dit à son tour que « puisque les secrétaires des parquets devaient avoir au moins autant d'intelligence que les commis greffiers, l'équité lui semblait exiger qu'on allouât le même traitement aux uns et aux autres. » Ces paroles ne rencontrèrent aucune contradiction. La réparation, admise en principe, fut seulement retardée à cause des circonstances.
Sept années se passèrent encore, et la question ne se représenta qu'en 1863, à l'occasion de l'augmentation générale des appointements de tous les fonctionnaires de l'Etat. Plusieurs de nos honorables collègues, entre autres MM. Debaets, Van Overloop, Notelteirs et Tack, plaidèrent énergiquement la cause des secrétaires des parquets, comme on l'avait déjà plaidée en 1844 ; mais, cette fois encore, l'espoir des secrétaires fut déçu et les commis greffiers furent maintenus dans une position supérieure.
Il y a un an, l'attention de M. le ministre de la justice fut de nouveau appelée sur cette question par l'honorable M. Bouvier et. par moi. Il nous répondit que le débat trouverait mieux sa place dans la discussion du nouveau projet de loi sur l'organisation judiciaire. Mais, messieurs, cette discussion ne se présentera pas dans un délai rapproché ; elle ne se présentera pas, à coup sûr, dans la session actuelle, et, comme il s'agit d'une question d'équité, j'engage vivement l'honorable chef du département de la justice à ne pas s'opposer à ce qu'on lui donne une solution immédiate.
En Belgique, de 1836 à 1845, la position des secrétaires des parqueta fut la même que celle des commis greffiers. Aujourd'hui encore la loi hollandaise les place sur la même ligne. En France, le traitement des secrétaires des parquets est supérieur à celui des commis greffiers.
Je cherche en vain une raison plausible derrière laquelle on pourrait se retrancher pour maintenir une inégalité qu'on n'aurait jamais dû admettre. Si vous vous placez au point de vue du travail matériel, tous ceux qui ont fréquenté les parquets et les greffes vous diront que la besogne des secrétaires est bien plus considérable que celle des commis.
Si au contraire, laissant de côté le travail, vous ne tenez compte que de l'intelligence et de l'instruction requises pour l'exercice des deux fonctions, l'inégalité ne se conçoit pas davantage ; car, sans vouloir déprécier les commis greffiers, il est évident qu’on pourrait très utilement (page 128) remplir leur mission, sans être capable de remplir convenablement celle du secrétaire du parquet.
Les secrétaires des parquets vérifient toutes les citations signifiées par les huissiers dans les matières correctionnelles. Ils examinent les nombreux mémoires de frais produits par les médecins, les experts, les agents de la force publique, etc. Ils aident à faire la vérification des registres de l'état civil. Ils dressent une multitude de tableaux statistiques ; ils tiennent notamment un registre où ils inscrivent toutes les condamnations, et ce registre, si je ne me trompe, renferme quarante-quatre colonnes. Ils doivent classer toutes les affaires et tous les dossiers selon leur nature, ce qui suppose des connaissances juridiques très étendues. Enfin ils tiennent, sous la direction de leurs chefs, une correspondance considérable. Ils doivent être en même temps hommes instruits, dévoués, actifs et d'une discrétion à toute épreuve. Entre leur tâche et celle qui est confiée aux commis greffiers, aucune comparaison n'est possible.
Si je ne me trompe, M. le ministre de la justice doit posséder dans ses archives les avis que tous les procureurs généraux et tous les procureurs du roi ont émis sur cette question. D'après ce qui m'a été affirmé, tous ces magistrats, sans une seule exception, émettent l'opinion que les traitements des secrétaires des parquets doivent être portés au niveau de ceux des commis greffiers. Je ne crois pas que la valeur d'un tel témoignage puisse être contestée.
Il y a donc ici une injustice à réparer, et le sacrifice pécuniaire, au milieu de tous les millions que nous votons, ne sera pas considérable. Pour les cours d'appel, il suffit de 2,100 fr. Pour les tribunaux de première instance, on arrive au but avec 23,300 fr.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Le gouvernement ne peut pas se rallier à l'amendement présenté par l'honorable M. Thonissen avec d'autres membres de cette Chambre. A cet égard, l'honorable M. Tesch avait déjà déclaré qu'il ne pouvait admettre une augmentation de traitement des secrétaires des parquets et cela, dans le courant même de cette année.
Voici, messieurs, les raisons qui déterminent le gouvernement à repousser cette augmentation.
Les traitements des secrétaires des parquets ont été augmentés il y a quelques années, comme ceux de tous les autres fonctionnaires ; on a affecté 6 millions des revenus publics par an pour faire face à l'augmentation des traitements de tous les fonctionnaires du pays. Or, messieurs, c'est là un sacrifice très grand pour le trésor, et il ne faut pas qu'à chaque instant l'on vienne demander de nouvelles augmentations ; aujourd'hui ce sont les secrétaires des parquets, demain ce seront d'autres fonctionnaires et l'on arrivera ainsi à de nouvelles dépenses considérables.
L'assimilation que l'honorable M. Thonissen réclame entre les commis greffiers et les secrétaires des parquets n'est pas possible.
Dans l'origine, les procureurs du roi n'avaient pas d'employés sous leurs ordres. Ils devaient faire eux-mêmes les minutes de toutes les dépêches qu'ils avaient à adresser. S'ils avaient un expéditionnaire, ils devaient le payer sur leur propre traitement. C'était évidemment un mal.
En 1836, on leur donne des aides, des commis avec un appointement ; c(étaient des employés pour faire la besogne grossière des bureaux, mais ne devant pas intervenir dans la besogne intelligente des procureurs du roi et des substituts. C'étaient des hommes qui devaient réaliser sur le papier les décisions et les volontés des chefs du parquet, mais ils n'avaient pas à les élaborer.
En 1846, on permit au premier de ces commis de s'appeler secrétaire du parquet. Qu'est-ce qu'un secrétaire du parquet ? C'est un commis ; dans l'esprit des arrêtés qui ont créé ces fonctionnaires, ce sont de véritables commis, des aides pour faire la besogne matérielle du bureau.
Pouvons-nous créer en quelque sorte des sous-substituts, des employés qui feront une partie de la besogne du procureur et du substitut ? Cela n’est pas possible.
Que les membres du parquet appuient la demande des secrétaires du parquet, qui sont sous leurs ordres, cela va de soi ; ils agissent ainsi, ne fût-ce que par bienveillance pour des subordonnés. Au surplus, je dois dire que je n'ai pas trouvé au dossier du département de la justice de réclamations des procureurs en faveur des secrétaires.
Il est possible qu'il y en ait, mais je n'en ai pas vu.
Voici, ce me semble, un argument décisif pour faire rejeter l'amendement de M. Thonissen.
Les jeunes gens qui entrent dans le parquet sont ou des docteurs en droit ou de simples commis. Or, si ce sont des docteurs en droit, cela leur sert de premier pas pour arriver à la magistrature. Il y en a plusieurs qui sont passés du parquet dans la magistrature. Si ce ne sont que des commis, dès lors je trouve que leur donner des appointements de 2,400 et de 1,800 francs est déjà très bien, surtout si l'on considère qu'ils peuvent postuler les places de commis greffier et obtenir ainsi la récompense de leurs services.
Je crois donc que la Chambre doit rejeter l'amendement ; s'il était admis, demain on nous présenterait d'autres réclamations, ce qui accroîtrait considérablement les charges de l'Etat.
M. Tack. - Messieurs, la question que soulève l'amendement n'est pas neuve, c'est au contraire une très vieille question ; à plusieurs reprises j'ai pris en main dans cette enceinte la défense des secrétaires de parquet ; aussi ai-je signé avec empressement l'amendement rédigé par mon honorable collègue M. Thonissen. Que demandent les secrétaires des parquets ? Que leurs traitements soient assimilés à celui des commis greffiers. Que nous répond-on ? Que si aujourd'hui nous majorons les traitements des secrétaires des parquets, demain d'autres fonctionnaires élèveront des réclamations analogues. On ajoute qu'il y a peu de temps qu'une amélioration de sort a été accordée aux secrétaires des parquets.
En fait, on a majoré leurs traitements de 20 p. c. alors qu'on augmente celui des greffiers de 33 p. c. et notez que le traitement de ceux-ci avaient été antérieurement augmenté dans des proportions plus fortes que celles admises en faveur des secrétaires des parquets.
En 1834, comme l'a fait observer tantôt M. Thonissen, on a assimilé, quant au traitement, les secrétaires de parquet des cours d'appel aux commis greffiers de ces mêmes cours. En 1845 on s'est borné à majorer celui des commis greffiers, ou tout au moins on leur a alloué un plus fort traitement qu'aux secrétaires des parquets ; on a prétexté alors le besoin d'économie pour faire cette différence. Par suite l'écart entre les deux traitements était de 250 francs, aujourd'hui il est de 700 francs. Je me demande comment il se fait que, relativement parlant, on paye aujourd'hui moins bien ces utiles employés qu'en 1834 et en 1845. Cependant de l'aveu de M. le ministre de la justice, on leur impose une besogne beaucoup plus lourde et beaucoup plus difficile que jadis. C'est donc le contraire qui devrait avoir lieu. Ils font, objecte M. le ministre, un travail qui incombe plutôt à MM. les substituts ; il ne faut pas tolérer qu'on fasse d'eux des sous-substituts. La question est de savoir s'ils peuvent sè soustraire à la besogne qu'on leur impose. Mais le fait est tel, et il existé dans tous les parquets. En attendant les secrétaires en pâtissent.
Je crois inutile de revenir sur les antécédents de la question. Je les ai déjà fait connaître à la Chambre dans une autre occurrence, et l'honorable M. Thonissen vient à son tour de les exposer d'une manière complète ; je ne pourrais donc que répéter ce qu'il vous a dit ; la Chambre est suffisamment éclairée pour pouvoir décider en pleine connaissance de cause.
Je vous ferai pourtant encore deux remarques qui prouveront combien les réclamations des secrétaires des parquets sont fondées.
Je connais tel tribunal où, il y a quelques années à peine, chaque commis greffier recevait 900 fr. de traitement ; aujourd'hui ils reçoivent chacun 2,600 fr., ils sont au nombre de deux. Le commis du parquet, qui a incontestablement le double de besogne, ne jouit que d'un traitement de 1,700 fr. ; il travaille régulièrement 10 heures par jour et pour pouvoir expédier sa besogne il est obligé de payer de sa poche un commis qui est à ses ordres. Cela est-il normal ? Non pas que je soutienne que les commis greffiers sont trop rétribués du tout, mais je prétends que comparativement les secrétaires ne le sont pas assez.
Selon moi, c'est un mal que cette désertion que l'on remarque dans les parquets et dont se prévalait tantôt M. le ministre de la justice lorsqu'il vous disait que le parquet n'est qu'une étape, un stage au moyen duquel les jeunes gens, souvent des docteurs en droit, se forment à la carrière de la magistrature ; à mon sens, cela est fâcheux ; mieux vaudrait que la position de secrétaire du parquet fût une véritable carrière comme celle de commis greffier. Il serait bon qu'il y ait au parquet un fonctionnaire qui en perpétue les traditions.
Pour les procureurs du roi, comme pour les procureurs généraux, c'est un embarras que d'être obligés constamment à former de nouveaux commis. Il me paraît juste que le traitement soit basé sur les services rendus ; et on ne saurait le contester, ces services valent ceux que rendent les commis greffiers. C'est ce que proclament tous les hommes compétents, c'est ce qui a été reconnu par les sections centrales de la Chambre qui ont eu à s'occuper des vœux exprimés par les secrétaires des parquets. L'honorable M. Tesch n'a pas affirmé d'une manière absolue qu'il n'y avait rien à faire en leur faveur et il a été loin de méconnaître l'importance de leur besogne.
Ainsi il est une chose acquise, c'est qu'il faut de leur part autant d'assiduité et d'intelligence dans l'exercice de leurs fonctions et même davantage que n’en supposent les devoirs de ceux auxquels nous demandons (page 129) qu'on les assimile. Je regrette que M. le ministre de la justice ne soit pas d'accord avec nous pour majorer leur traitement. (Aux voix ! aux voix !)
Il est procéda à l'appel nominal.
79 membres y prennent part :
34 répondent oui.
45 répondent non.
En conséquence la Chambre n'adopte pas.
Ont répondu oui :
MM. Giroul, Goblet, Guillery, Hayez, Jacobs, Janssens, Landeloos, Lange, Laubry, Le Hardy de Beaulieu, Moncheur, Nothomb, Reynaert, Rodenbach, Tack, Thonissen, Vanden Branden de Reeth, Van Overloop, Van Renynghe, Van Wambeke, Bouvier-Evenepoel, Carlier, Debaets, de Conninck, Delaet, Delcour, de Liedekerke, de Mérode, de Ruddere de te Lokeren, de Smedt, de Terbecq, de Theux, Dewandre et Dolez.
Ont répondu non :
MM. Funck, Grosfils, Hymans, Jacquemyns, Jamar, J. Jouret, M. Jouret, Lebeau, Lesoinne, Lippens, Magherman, Moreau, Mouton, Muller, Nélis, Pirmez, Rogier, Sabatier, Tesch, T'Serstevens, Valckenaere, Alp. Vandenpeereboom, Vander Donckt, Vanderstichelen, Van Hoorde, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Nieuwenhuyse, Vleminckx, Allard, Braconier, Crombez, C. de Bast, de Brouckère, De Fré, de Kerchove, de Macar, de Moor, de Naeyer, De Rongé, de Vrière, Devroede, Elias, Frère-Orban et E. Vandenpeereboom.
« Art. 9. Cours d'appel. Matériel : fr. 19,500. »
- Adopté.
« Art. 10. Tribunaux de première instance et de commerce : fr. 1,526,620.
« Charge extraordinaire : fr. 900. »
- Adopté.
« Art. 11. Justices de paix et tribunaux de police : fr. 913,500.
« Charge extraordinaire : fr. 2,000. »
- Adopté.
« Art. 12. Cour militaire. Personnel : fr. 20,500.
« Charge extraordinaire : fr. 4,233. »
- Adopté.
« Art. 13. Cour militaire. Matériel : fr. 2,000. »
- Adopté.
« Art. 14. Auditeurs militaires et prévôts : fr. 42,500. »
- Adopté.
« Art. 15. Frais de bureau et indemnité pour feu et lumière : fr. 3,540. »
- Adopté.
« Art. 16. Frais de justice en matière criminelle, correctionnelle et de police : fr. 680,000. »
- Adopté.
« Art. 17. Traitement des exécuteurs des arrêts criminels et des préposés à la conduite des voitures cellulaires : fr. 10,280.
« Charge extraordinaire : fr. 14,328. »
- Adopté.
« Art. 18. Construction, réparations et entretien da locaux. Subsides aux provinces et aux communes pour les aider à fournir les locaux convenables pour le service des tribunaux et des justices de paix : fr. 35,000.
« Charge extraordinaire : fr. 60,000. »
M. Giroulµ. - Messieurs, à propos de cet article, j'aurai à attirer l'attention de M. le ministre de la justice sur la situation du palais de justice de Huy.
Dans le cours de l'été dernier, j'ai déjà eu l'occasion de demander à M. le ministre de la justice, prédécesseur du ministre actuel, des explications à cet égard, et il a bien voulu reconnaître que tant en ce qui concerne le palais de justice de Huy, qu'en ce qui concerne la prison cellulaire à y construire, destinée à former un seul tout avec le palais de justice, il y avait lieu de prendre des mesures urgentes. (Interruption.) L'honorable ministre a dit que la construction actuelle se trouvait dans un état de vétusté tel, qu'on avait été obligé de l'étançonner, et il m'avait engagé à unir mes efforts aux siens auprès de la province pour aboutir le plus rapidement possible.
Il avait eu la bienveillance de dire également qu'en ce qui concerne la prison cellulaire la réclamation que j'avais présentée était parfaitement fondée.
Depuis lors, l'instruction a suivi son cours et la province de Liège a fait figurer à son budget une somme déterminée pour le palais de justice à construire, éventuellement.
Je prierai l'honorable chef du département de la justice de vouloir bien, pour la dépense de la prison cellulaire, qui incombe exclusivement à l'Etat, faire figurer au présent budget la somme nécessaire pour que les travaux ne soient arrêtés en rien dans le cours de la présente année.
Il y a la plus grande urgence à procéder à ces travaux, et je pense que dans cette circonstance je ne rencontrerai, de la part de l'honorable chef du département de la justice, aucune opposition.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Messieurs, en ce qui concerne le palais de justice de Huy, je ferai remarquer que le gouvernement avait promis de demander les fonds nécessaires pour la construction de la prison cellulaire, à la condition que la ville et la province commenceraient par faire les fonds pour la construction du palais de justice et de la justice de paix.
La ville doit fournir le local destiné à la justice de paix, la province le local destiné au tribunal de première instance. Le gouvernement doit construire à ses frais la prison cellulaire.
Jusqu'à l'époque où parlait mon honorable prédécesseur de la justice, la province n'avait absolument rien fait pour le palais de justice de Huy. Depuis lors le conseil provincial de Liège a voté un crédit pour la construction du palais de justice, mais quel crédit ? Une somme de 25,000 fr., imputable sur les budgets de 1866 et 1867, et cela pour un édifice qui doit coûter 283,500 francs.
Or, c'est la province qui doit construire le palais de justice. Le gouvernement n'a à intervenir que par des subsides. Evidemment il fera pour Huy ce qu'il fait pour d'autres localités, mais l'honorable M. Giroul reconnaîtra avec moi que 25,000 fr. pour une construction qui doit coûter 283,500 francs est un chiffre presque ridicule.
Au surplus, le gouvernement peut tenir sa promesse, car dans un crédit que nous demandons pour construire des locaux destinés aux tribunaux, se trouve comprise une somme pour le tribunal de Huy.
Dans la séance prochaine, et quand nous serons arrivés à l'article « Prisons », je verrai s'il y a lieu de faire quelque chose pour la prison de Huy.
M. Tack. - J'ai, dans le temps, fait valoir ici des réclamations au sujet du palais de justice de Courtrai. Le local où se trouve le tribunal de première instance à Courtrai n'appartient pas à la province, il est tenu en location par elle ; les bâtiments sont dans un état déplorable et la dignité de la justice perd à être installée comme elle l'est à Courtrai. Je dois reconnaître que mes réclamations ont été écoutées et que l'honorable M. Tesch y a fait droit. D'autre part, lors de la dernière session du conseil provincial, l'honorable ministre ayant signalé cet état de choses à la province, celle-ci a donné carte blanche à la députation permanente et mis à sa disposition la somme nécessaire pour la construction d'un palais de justice.
Je désire seulement savoir en ce moment si le budget de la justice comprend le crédit pour cet objet ; puisqu'un subside nous a été promis, il doit être pourvu par le budget à la dépense. Je demande au surplus que l'honorable ministre de la justice veuille mettre à cette affaire toute la diligence possible, afin que les nouveaux locaux soient prêts le plus tôt, possible.
M. Teschµ. - Lorsque, dans la dernière discussion du budget de la justice, M. Giroul m'a interpellé au sujet du palais de justice de Huy, je lui ai répondu que, dans ma pensée, il était nécessaire de construire un nouveau local pour l'administration de la justice à Huy, mais que c'était à la province à faire les fonds...
M. Giroulµ. - Nous sommes d'accord.
M. Teschµ. - Oui, mais je dois le dire, je regrette que la province ne se soit pas exécutée d'une manière plus convenable ; sur une dépensa de 300,000 fr., elle n'alloue que 25,000 fr. échelonnés sur deux exercices ; on ne peut donc songer à commencer les travaux.
(page 130) M. Giroulµ. - Je demande la parole.
M. Teschµ. - Je crois que l'honorable ministre de la justice continuera les traditions suivies au département de la justice et qui consistent à faire intervenir l'Etat dans la dépense pour un tiers ; la province aurait donc à payer 200,000 francs ; or sur deux exercices elle a voté à peine le 1/8 de cette somme. Si elle continue de cette manière, ce sera tout au plus dans 16 ans que l'on pourra espérer voir construit le palais de justice de Huy. M. Giroul trouvera sans doute comme moi que c'est retarder trop longtemps des constructions qui dès maintenant sont nécessaires.
Je. fais cette observation parce qu'on a toujours soutenu qu'à Huy, il était nécessaire de faire marcher de front la reconstruction de la prison et du palais de justice. Si l'on n'alloue que 25,000 fr. aujourd'hui, il est parfaitement inutile de faire figurer au budget de l'année prochaine le subside pour la prison, puisqu'on ne pourra commencer en 1866 les travaux de reconstruction du palais de justice. En 1866 vous n'aurez à votre disposition que 12,000 fr. ; est-ce dans ces conditions que vous adjugerez ? Ce ne serait pas sérieux. On ne peut commencer des constructions qui doivent nécessiter une dépense de 300,000 fr. lorsqu'il n'y a que 25,000 fr. votés. Ce serait s'exposer à être arrêté en chemin.
Je crois donc qu'il n'y a pas lieu de faire droit à l'observation de M. Giroul jusqu'à ce que la province se soit exécutée d'une manière convenable.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - M. Tesch a probablement perdu de vue que la prison doit se construire concurremment avec le palais de justice. La prison doit coûter 500,000 fr. environ ; or, il se fait qu'un terrain très favorable à la construction s'offre en ce moment. Si la Chambre votait un crédit pour la prison, on pourrait dès maintenant faire l'acquisition du terrain, si toutefois ce que la province a voté suffit. La province de Liège allouerait, l'année prochaine, des fonds considérables pour poursuivre les travaux.
M. Teschµ. - Je ne m'y oppose pas.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Si elle ne le fait pas, les fonds votés resteront disponibles.
Du reste, M. Tesch est d'accord avec moi puisqu'il consentait à distraire une somme d'un poste du chapitre prison pour la destiner à la prison de Huy,
Répondant à l'observation de M. Tack, je dirai qu'il entre dans les intentions du département de la justice de donner un subside pour la construction d'un palais de justice à Courtrai ; je lui ferai remarquer seulement que c'est à la province et non au gouvernement qu'il appartient d activer les travaux. C'est à la province à faire les fonds, «t quand elle en aura fait, comme il y a de l'argent au budget, nous ferons pour Courtrai ce qui a été fait pour d'autres localités.
M. Giroulµ. - M. Tesch vient de faire observer que le crédit que la province de Liège porte à son budget de 1866 ne répond pas à la dépense qui lui incombe.
Je suis de cet avis, mais je tiens à expliquer pourquoi la province de Liège en a agi ainsi. Lorsque le conseil provincial a eu à délibérer sur cet objet, l'instruction n'était pas terminée, et le gouvernement n'avait rien porté à son projet de budget. La province ne connaissait pas non plus la circonstance dont vient de parler M. le ministre de la justice, quant aux terrains à acheter. Elle a simplement porté une somme de 20,000 francs à son budget, pour reconnaître la question de principe et l'urgence de la dépense qui lui incombait.
L'argumentation de M. Tesch, qui consiste à dire que la province préjuge ainsi le subside qu'elle entend donner annuellement, vient donc à tomber. La province de Liège portera à son budget, toute la somme qui sera nécessaire dès qu'elle sera édifiée sur l'importance des travaux à effectuer, et sur le coût de ces travaux.
Maintenant je suis d'accord avec M. Tesch et avec l'honorable ministre de la justice sur un point. Ils reconnaissent que l'Etat doit intervenir dans les frais de reconstruction du palais de justice pour une bonne partie de la dépense totale, suivant les précédents.
D'un autre côté, l'Etat doit supporter seul toutes les dépenses relatives à la reconstruction de la prison ; et les honorables préopinants sont d'accord avec moi, pour reconnaître que tous ces travaux doivent marcher ensemble.
Je prends acte également de la promesse de M. le ministre de la justice de porter dans la séance prochaine, à l'article prison, un premier crédit pour la reconstruction de la prison cellulaire de Huy.
M. Vleminckxµ. - Puisqu'on vient de parler de divers palais de justice, je demande la permission de dire un mot aussi du nouveau palais de justice de Bruxelles. Si je ne me trompe, toutes les expropriations sont faites et les ordres de déguerpissement sont donnés.
Va-t-on mettre bientôt la main à l'œuvre ; ou bien attendra-t-on encore ? C'est sur ce point que je prierai M. le ministre de la justice de me donner quelques explications.
M. Teschµ. - On ne prendra, pour mettre la main à l'œuvre, du moins telles étaient les dispositions quand j'ai quitté le ministère de la justice, que le temps strictement nécessaire aux agents chargés de cette vaste construction, pour préparer toutes les mesures d'exécution.
Il ne reste qu'une seule propriété à exproprier, mais le défaut d'expropriation de cet immeuble, au sujet duquel une procédure st entamée et se poursuit en ce moment, ne peut pas entraver la construction. M. l'inspecteur en chef des ponts et chaussées a été placé à la tête du personnel chargé de diriger ce travail, et M. le ministre des travaux publics a bien voulu mettre à la disposition de celui de la justice plusieurs fonctionnaires pour le seconder. Ces fonctionnaires feront certainement tout ce qui dépendra d'eux pour hâter là construction.
M. Tack. - J'apprends avec satisfaction que le crédit nécessaire à la construction du palais de justice de Courtrai figure, au budget de 1866. La question, messieurs, est beaucoup plus urgente pour Courtrai que pour Huy, parce que, comme je viens de vous le dire, le local actuel n'appartient pas à la province ; il est tenu en location et le bail expire dans deux ans. Cette circonstance ne se présente pas à Huy, que je sache. L'argument tiré en faveur de cette dernière localité de la hausse probable du prix des terrains existe avec beaucoup plus de raison pour Courtrai, car le terrain sur lequel le nouveau palais de justice devra être construit va augmenter considérablement de valeur.
J'ajoute que, tandis que la province de Liège n'a alloué qu'un subside de 25,000 francs à prélever sur deux exercices, la province de la Flandre occidentale a offert d'intervenir pour le tiers de la dépense et la ville pour un sixième, de sorte que si la dépense doit s'élever à 300,000 francs, la ville de Courtrai seule interviendra pour 50,000 francs.
Vous voyez que nous sommes beaucoup plus avancés qu'on ne l'est à Huy, et que la ville de Courtrai à elle seule a voté le double des fonds que le conseil provincial de Liège a inscrits à son budget. Le conseil provincial de la Flandre occidentale a déclaré l'urgence de cette construction et donné de pleins pouvoirs à la députation permanente pour pousser les travaux avec la plus grande activité. Je suis convaincu qu'elle ne restera pas en défaut de le faire, et je suis heureux de voir que M. le ministre de la justice a, de son côté, pourvu à la dépense à résulter de l'intervention du gouvernement.
- La discussion est close.
L'article est mis aux voix et adopté.
- Plusieurs voix. - A mardi.
M. le ministre de la justice (M. Bara). - Il me serait impossible, messieurs, d'être à la Chambre mardi prochain, parce que c'est le jour fixé pour l'élection de Tournai. Je demanderai donc à la Chambre de vouloir bien renvoyer la suite de la discussion du budget de la justice à mercredi.
MpVµ. - Nous avons d'autres objets qui peuvent être mis en discussion, notamment le budget des affaires étrangères ; je propose à la Chambre de le mettre à l'ordre du jour de mardi.
- Adopté.
M. Guillery. - Je demanderai à la Chambre qu'elle veuille bien m'autoriser à développer nia proposition de loi mardi prochain ; ce sera, du reste, très court.
- Adopté.
La séance est levée à 4 heures et un quart.