(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1864-1865)
(Présidence de M. Vandenpeereboomµ.)
(page 685) M. Thienpont, secrétaire., procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.
M. Van Humbeeck, secrétaireµ, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance.
- La rédaction en est approuvée.
M. Thienpont présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.
« La veuve Dejardin demande une prolongation de congé pour son fils aîné, milicien de la classe de 1865. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Barridez, ancien soldat, demande la continuation de la pension provisoire dont il a joui pendant quelques années. »
- Même renvoi.
« Le sieur Thirion, ancien employé temporaire des ponts et chaussées, prie la Chambre de statuer sur sa demande tendante à ce que ces fonctions lui soient continuées ou qu'on lui restitue les sommes qu'il a versées à la caisse des veuves et orphelins. »
- Même renvoi.
« Le sieur Filleul se plaint d'actes posés contre lui par le pouvoir judiciaire. »
- Même renvoi.
« Le sieur Joseph Eiselein, fabricant de jalousies hollandaises et de stores peints, à Saint-Josse-ten-Noode, né à Wartzbourg (Bavière), demande la naturalisation. »
- Renvoi à M. le ministre de la justice.
« Les membres de l'administration communale de Steenkerque demandent une loi qui modifie le mode de perception du droit d'enregistrement et de succession. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Par message du 22 mars, le Sénat transmet à la Chambre un projet de loi concernant le payement effectif du cens électoral, projet dû à l'initiative de deux membres de cette assemblée.
- Ce projet sera imprimé, distribué et renvoyé à l'examen des sections.
« Par divers messages des 21 et 22 mars, le Sénat informe la Chambre qu'il a donné son adhésion aux projets de loi suivants :
« Budget de la guerre pour l'exercice 1865 ;
« Crédit d'un million au département de l'intérieur ;
« Règlement définitif des budgets des exercices 1851 et 1852 ;
« Crédits supplémentaires au département de la justice ;
« Crédit de 15,400 fr. au département de l'intérieur pour acquisition d'un terrain ;
« Réunion du hameau de Brou à la commune de Bassenge ;
« Crédits supplémentaires au département des finances. »
- Pris pour information.
« M. le directeur de la Banque de Belgique transmet à la Chambre 120 exemplaires du compte rendu des opérations de cet établissement pendant l'année 1864. »
- Distribution aux membres et dépôt à la bibliothèque.
« M. Ed. Morren, professeur à l'université de Liège, fait hommage à la Chambre de la première livraison de son livre intitulé « La Belgique horticole. »
-- Dépôt a la bibliothèque.
MpVµ. - La parole est continuée à M. Dumortier.
M. Dumortier. - Messieurs, dans la séance d'hier, en répondant à l'honorable rapporteur de la section centrale, j'ai traité les parties de cette grave question qui sont, à mes yeux, les deux points principaux de la loi :
1° L'augmentation de la prise en charge, qui est un accroissement d'impôt s'élevant à 800,000 fr., laquelle ne sera jamais remboursée aux fabricants et sera toujours, par conséquent, une perte pour eux.
2° La question de comparaison des deux tarifs, d'où il résulte que l'étranger jouira en Belgique d'une prime considérable contre les indigènes, prime qui variera, selon les qualités, de 4 1/2 à 10 p. c.
Je n'insisterai pas, pour le moment, sur ces deux points, mais comme d'honorables collègues se proposent de parler en faveur du projet de loi, je les engage vivement, si nous voulons rendre la question plus claire et plus intelligible pour tous, à réfuter ce que j'ai eu l'honneur de dire à la Chambre, à savoir : que l'accise sur les sucres constitue un forfait et qu'il ne suffit pas d'indiquer des excédants de produits dans des années exceptionnelles ; car quels que soient ces excédants, il faut aussi tenir compte du déficit constaté pendant les mauvaises années, déficit qui, comme l'a dit l'inspecteur général des douanes en France, fait tomber les prises en charge jusqu'à 1,300 et 1,200 grammes.
Si mes honorables contradicteurs voulaient se borner à nous parler des années exceptionnelles et jugeaient convenable de passer sous silence les années où il y a déficit, je prendrais la confiance de faire remarquer à la Chambre qu'il me serait impossible d'admettre un pareil mode d'argumentation attendu que les années exceptionnelles ne sont que la compensation des droits payés par les fabricants de sucres dans les années où la prise en charge n'est pas couverte et où le trésor profite de sommes considérables qui ne sont point prélevées, en réalité, sur le produit de la fabrication.
Comme il s'agit d'un forfait, bon an, mal an, il serait de très mauvais aloi de parler exclusivement de quelques années exceptionnelles pour baser un impôt d'abonnement, un impôt de forfait. Cet impôt doit être basé sur une moyenne et non sur des extrêmes dans un sens ou dans l'autre.
En second lieu, quant à ce qui est des deux tarifications, la tarification de la prise en charge et la tarification de décharge, je désire vivement que mes honorables contradicteurs veuillent bien nous dire comment ils parviennent à concilier ce système de primes en faveur de l'étranger, ce système de prohibition d'une partie des produits de l'industrie belge en harmonie avec les principes de libre échange, avec les principes d'économie politique dont on 'nous parle si souvent dans cette enceinte.
Je serais charmé d'entendre leurs explications à cet égard.
Quant à moi, messieurs, j'ai établi deux choses, c'est que si, dans les bonnes années, les fabricants de sucre ont eu des excédants, ils avaient des pertes considérables sur la prise en charge dans les mauvaises années ; qu'alors ils payaient indûment au trésor public un impôt très élevé dont ils avaient le droit de se rembourser dans les bonnes années.
D'un autre côté, la question des tarifs est une grosse affaire. Les sucres indigènes en moyenne devant payer 45 francs de droit, les sucres étrangers jouiront de ce chef d'une prime de 10 p. c. contre les sucres belges su rie marché national ; ceux du numéro 8 au numéro 12 jouiront d'une prime de 4 1/2 p. c. Ces primes ont-elles l'assentiment des membres de la Chambre qui vont prendre la parole en faveur du projet de loi ?
(page 689) M. Jacquemyns. - Je ne puis pour le moment répondre à toutes les objections de détail que l'honorable préopinant a formulées dans nos deux dernières séances et au commencement de cette séance. Evidemment beaucoup de points dans ce qu'a dit l'honorable membre s'appliquent aux articles du projet de loi, et je tiens à me renfermer pour le moment, autant que possible, dans la discussion générale du projet de loi.
Comme membre de la section centrale, j'ai été appelé à étudier la plupart des questions qui se sont présentées ; mais beaucoup de ces questions se rattachent à des articles spéciaux du projet et trouveront par conséquent leur place dans la suite de la discussion. Quant à présent, la question qui doit dominer le débat est, selon moi, celle-ci :
« Faut-il accepter ou rejeter la convention internationale ? »
Raffineurs et fabricants approuvent la convention, sauf l'article 16.
L'article 16 a été discuté dans cette enceinte ; il l'a été dans le pays ; il a été vivement attaqué par les fabricants de sucre de betterave.
Mais voici la question qui se présente : L'opposition à l'article 16 de la convention doit-elle nous engager à repousser la convention ? ou devons-nous l'accepter, malgré cette opposition à la convention ? ou bien convient-il de faire ici, comme il a été fait pour la question des cotons, de demander au gouvernement d'entrer dans de nouvelles négociations pour obtenir une modification de l'article 16 ?
J'examinerai tout à l'heure ces diverses questions.
Pour le moment examinons l'ensemble de la convention.
La convention est, dans son ensemble, évidemment avantageuse à l'industrie belge
D'abord elle implique l'abolition de la surtaxe de 2 fr. à laquelle nos sucres étaient soumis en France.
Elle présente un deuxième avantage dans le second paragraphe de l'article 16 ainsi conçu :
« Il est d'ailleurs entendu que les sucres bruts de betterave importés d'un des pays contractants dans l'autre, seront admis à l'exportation après raffinage, à la condition, en ce qui concerne l'importation en France, qu'ils ne dépasseront pas le n°16. »
Or, actuellement, d'après l'article 6 de la loi du 7 mai 1864, les sucres bruts importés d'Europe ne sont pas admis à l'exportation hors de France après raffinage. C'est donc un avantage direct pour les fabricants de sucre de betterave belges, avantage qui résulte du second paragraphe de l'article 16, si bien que les objections se réduisent à attaquer le paragraphe 1er de cet article.
Troisième avantage, tant pour nos fabricants que pour nos raffineurs : c'est la faculté accordée d'exporter les poudres blanches qui constituent une fabrication à part, ce qui permettra d'établir une branche nouvelle de l'industrie sucrière.
Quant au raffinage en particulier, les avantages sont formulés dans l'exposé des motifs du projet de loi.
Il y a abaissement notable du rendement pour la Belgique, concordant avec une élévation du rendement dans d'autres pays.
La Hollande, dans l'intérêt de ses colonies, dans un intérêt auquel on a renoncé dans ces derniers temps, avait admis un rendement notablement moins élevé que le nôtre. Le rendement en France et en Angleterre était également moins élevé que le nôtre. Les rendements se trouvent nivelés par la convention.
De plus, il y a une réduction notable sur la taxe dans les Pays-Bas.
Evidemment, si la législation sur les sucres a dû être modifiée dix-sept fois en vingt-quatre ans de temps, une notable partie de ces modifications ont été nécessitées par celles qui avaient lieu dans d'autres pays.
La convention internationale en établissant un régime uniforme à certains égards pour les divers pays, sera un élément de stabilité pour la législation sur les sucres.
Tels sont les motifs qui me disposent à me prononcer en faveur de la convention internationale, il est à remarquer d'ailleurs que la convention internationale n'est pas l'œuvre exclusive de la Belgique.
La Belgique s'était retirée des conférences internationales à une certaine époque ; sur certains points, les agents belges ont été en désaccord avec les agents des autres puissances et ils ont cru à un moment donné devoir se retirer des conférences.
Les conférences n'en ont pas moins continué, et si vos commissaires n'avaient pas cru convenable de faire des concessions, d'accéder aux vues de leurs collèges, il est évident que les conférences eussent abouti et la convention internationale aurait été arrêtée entre ls» Pays-Bas, la France, et l’Angleterre sans l'intervention de la Belgique.
Ainsi notre refus d'approuver la convention internationale ne détruit pas la convention, seulement nous en sommes exclus. Que devient dès lors la position de la Belgique ? Elle se trouve formulée à l'article 19 de la convention qui est ainsi conçu :
« Les hautes parties contractantes se réservent de se concerter sur les moyens d'obtenir l'adhésion des gouvernements des autres pays aux dispositions de la présente convention.
« Dans le cas où des primes seraient accordées dans lesdits pays à l'exportation des sucres raffinés, les hautes parties contractantes pourront s'entendre sur les surtaxes à établir à l'importation des sucres raffinés desdites provenances. »
Ainsi admettant que nous rejetions la convention internationale, il est évident que, malgré notre rejet, elle subsistera entre la France, l'Angleterre et les Pays-Bas, et dès lors commencera une série de mesures hostiles à notre industrie, en ce sens que les trois pays, avec les autres pays qui auraient accédé à la convention internationale, pourront s'entendre pour mettre des surtaxes sur nos sucres raffinés.
Dès lors, si nous accordons d'une manière quelconque une prime à l'exportation des sucres raffinés, il est évident que tout votre système aura pour résultat d'obliger le trésor public belge de verser dans le trésor public d'un pays voisin une somme déterminée. Le raffineur n'y trouverait aucun avantage. Et si, parmi les mesures que les nations voisines pourront prendre pour nous engager à accéder à la convention internationale, se trouvent par hasard quelques surtaxes sur nos sucres bruts de betteraves, évidemment dès ce montant ca serait pour le producteur comme si le sucre de betteraves payait une taxe plus élevée en Belgique, et nous serions dans le cas de payer au trésor des pays voisins une somme déterminée qui ne profiterait point aux fabricants de sucre. Les fabricants de sucre n'y trouveraient aucune différence, seulement le trésor public belge serait lésé au profit d'une nation voisine.
Voilà les conséquences du rejet de la convention internationale.
Admettra-t-on des négociations pour obtenir des modifications au paragraphe premier de l'article 16 ?
Examinons cette question et l'examen me conduira à répondre à quelques-unes des affirmations de l'honorable M. Dumortier.
Nous demanderons donc de modifier le paragraphe premier de l'article 16, c'est-à-dire de réduire la prise en charge dans les fabriques de sucre de betteraves.
L'honorable M. Dumortier s'est attaché à nous prouver que dans certaines fabriques, dans certaines années, on obtient un rendement très inférieur. Je l'admets volontiers avec l'honorable membre, mais je pense qu'il voudra bien admettre avec moi que dans certaines fabriques et dans certaines années on obtient un rendement notablement plus élevé.
M. Dumortier. - C'est ce que j'ai toujours dit.
M. Jacquemyns. - Nous sommes donc parfaitement d'accord jusque-là,
Sur quoi nous baserons-nous pour demander une prise en charge moins élevée que celle qui existe en Hollande ? Car, remarquez qu'en Hollande la prise en charge pour les fabriques de. sucres de betteraves est portée par le projet de loi même à 1,500 grammes. Cela se trouve consigné dans l'exposé des motifs du projet de loi. L'intention du gouvernement, dit-il, est de porter de suite la prise en charge pour les fabriques de sucre de betteraves à 1,500 grammes par hectolitre et par degré du densimètre ; sur quoi nous baserons-nous, dis-je, pour demander une réduction ?
J'ajouterai qu'il est constaté que la moyenne des 5 dernières années en France a été de 1,540 grammes...
M. Dumortier. - 1,470.
M. Jacquemyns. - Je vais arriver à vos 1,470. Dans les fabriques abonnées il est constaté que la quantité de sucres obtenue est de 1,540 grammes par hectolitre et par degré de densimètre.
Dans les fabriques exercées le rendement a été moins considérable. Il ne s'est élevé qu'à 1,473 grammes.
Je crois que je suis encore parfaitement d'accord avec l'honorable M, Dumortier.
Mais remarquons deux circonstances. D'abord, les conférences internationales en font foi, l'exercice est préféré en France par les fabriques qui se trouvent dans les conditions les plus défavorables et cela se conçoit ; elles ont en effet obtenu un rendement moins élevé. Mais de plus, comme les fabriques exercées payent à raison des quantités de sucre qu'elles produisent, elles ont intérêt à produire autant que possible des sucres de qualité supérieure.
(page 690) Par conséquent on comprend immédiatement que le sucre des fabriques exercées doit être de meilleure qualité que ne le sont généralement les sucres des fabriques abonnées.
En effet, il est d’observation que les sucres des fabriques exercées appartiennent en notable partie à la catégorie du n°16, tandis qu'en Belgique nous réclamerions contre une taxe de 1,475 grammes du n°12
Et à quelle catégorie appartiennent nos fabriques ?
M. Dumortier soutiendra qu'elles appartiennent à la catégorie de celles qui ont préféré l'exercice.
Mais nos fabriques exportent pour la France et l'Angleterre les 2/3 de leur production, tandis que les fabriques françaises n'exportent qu'une très faible partie de leur production. Or peut-on admettre que les fabriques qui exportent les 2/3 de leur production vers la France se trouvent dans des conditions plus défavorables que les fabriques de France ?
Voilà, je crois, un argument bien simple. A quoi tient-il que l'industrie belge concoure sur le marché français au point d'y porter les 2/3 de sa production. Si ce n'est pas à cause de la situation favorable de nos fabriques, il doit y avoir une autre raison, il faut que notre législation les favorise.
On objectera que les fabriques belges ne sont pas toutes dans un état prospère.
Je ne fais aucune difficulté à le reconnaître.
Mais il y a dans toutes les industries des usines qui ne prospèrent pas, On les rencontre même et surtout dans les industries qui sont relativement les plus prospères ; et elles sont par le fait dans des conditions moins favorables que si l'industrie qu'elles pratiquent était, en général, dans de mauvaises conditions, puisqu'elles doivent prévoir qu'elles auront chaque jour à lutter de plus en plus contre la concurrence.
Il y a donc, je le veux bien, des usines qui ne sont pas prospères, mais est-ce la généralité ?
Deux fabriques sont inactives, je l'admets ; j'admets aussi qu'il y en ait une dizaine (et je suis très large) qui perdent de l'argent. Mais en 4 ans il s'en établi 28 fabriques nouvelles.
Eh bien, je le demande, peut-on soutenir qu'une industrie dont l'importance a augmenté de 50 p. c. en quatre ans, soit une industrie compromise, ruinée par la loi des octrois, comme le prédisait M. Dumortier ?
M. Dumortier. - Je n'ai jamais dit cela.
M. Jacquemyns. - J'en appelle au souvenir de la Chambre.
Je veux bien admettre qu'on ne viendra pas chercher des renseignements en Belgique, dans nos documents parlementaires. Cependant je crois devoir, pour établir la conviction de la Chambre, rappeler un rapport de M. de La Coste en date du 28 avril 1847.
Déjà l'honorable rapporteur de la section centrale en a parlé et il a constaté que ce rapport accuse, pour tes diverses fabriques qui existaient à cette époque, un rendement moyen de 1,520 grammes par hectolitre et par degré du densimètre.
L'honorable M. Dumortier a répondu à cette objection que l'année 1846 a été une année de vins et par conséquent une année de betteraves.
Oui, l'année 1846 a été une année de vins ; mais je doute un peu, messieurs, que ce fût une année favorable à la betterave. Et voici sur quoi je fonde mon doute.
C'est que, parmi les fabriques dans lesquelles on a constaté le rendement, il y en a deux dans lesquelles le rendement avait été fort peu satisfaisant.
Ainsi, dans l'une de ces fabriques, le rendement n'avait été que de 1,380 grammes ; dans l'autre fabrique, il n'avait été que de 1,346 gr.
Admettons cependant que ce fût une bonne année. Il ne résulte pas moins des chiffres que je viens de citer, que nous avons en Belgique des fabriques de sucre de betteraves établies dans des conditions telles que, même dans les meilleures années, elles ne peuvent pas donner un rendement égal à celui qu'obtiennent les plus mauvaises fabriques de France.
Dès lors, sommes-nous fondés à demander à l'étranger, est-on fondé à demander au trésor public des dispositions en faveur de semblables établissements ? Pour ma part, je ne puis l'admettre, et je puis d'autant moins l'admettre que la même année et dans le même pays, dans une autre usine, on obtenait un rendement de 1,670 grammes.
M. Dumortier. - C'était une année exceptionnelle.
M. Jacquemyns. - Exceptionnellement mauvaise pour une usine et exceptionnellement bonne pour une autre ; voilà ce que je dois conclure des chiffres que je viens de citer.
M. Dumortier. -Etaient-ce des sucres de toute première qualité ?
MpVµ. - Je prie M. Dumortier de ne pas interrompre ; la parole est à M. Jacquemyns.
M. Jacquemyns. - Mon Dieu ! je me borne à répéter les propres paroles de M. Dumortier. Je l'ai laissé parler tout à son aise pendant deux séances ; il n'est pas satisfait et il doit encore m'interrompre.
M. Dumortier. - Il faut bien que je rectifie quand vous vous trompez.
M. Jacquemyns. - Eh bien, j'admets avec vous que l'année 1846 fût une bonne année ; il n'en est pas moins vrai que je constate encore un écart de 324 grammes entre le rendement de deux usines pendant cette année. Ainsi l’honorable M. Dumortier nous a prouvé, je veux bien admettre qu'il ait prouvé à l'évidence, qu'il y a des fabriques qui ne peuvent pas obtenir un rendement de 1,400 grammes ; mais il y en a qui obtiennent 324 grammes de plus que d'autres.
M. Dumortier. - Dans les années exceptionnelles, c'est possible ; mais en moyenne, jamais.
MpVµ. - Encore une fois, M. Dumortier, veuillez ne pas interrompre.
M. Jacquemyns. - Mais, messieurs, ce n'est point là que je cherche mes arguments, d'autant plus que l'honorable M. Dumortier explique parfaitement la chose à son point de vue en disant qu'on a tenu compte des sucres de toutes qualités !
Sans doute, messieurs, on a pris des sucres de toutes qualités, mais pour les mauvaises fabriques comme pour les bonnes ; et par conséquent la différence de 324 gammes d'une fabrique à l'autre n'en subsiste pas moins.
De plus, je ferai remarquer que l'honorable M. Dumortier nous reproche précisément de fixer tous les sucres quand il s'agit de la prise en charge.
Il dit, en effet : Tous les sucres sont fixés à 45 francs et vous devez leur donner à tous une décharge de 45 francs.
M. Dumortier. - Je n'ai pas dit cela du tout. Ne me prêtez donc pas un langage que je n'ai pas tenu.
M. de Brouckere. - Vous répondrez si vous le voulez ; mais n'interrompez donc pas.
M. Jacquemyns. - Voici ce qu'a dit l'honorable M. Dumortier :
« Tous les sucres fabriqués en Belgique payeront 45 fr., quelle que soit leur qualité et j'ai eu l'honneur de vous le dire, avec la prise en charge de 1,500 grammes on prend en charge jusqu'aux produits inférieurs et de mauvaise qualité. »
Voilà ce qui se trouve dans les Annales parlementaires, séance du 15 mars 1865.
M. Dumortier. - Oui, aujourd'hui.
M. Jacquemyns. - Et l'honorable M. Dumortier a dit de plus que tous les produits doivent obtenir la décharge de 45 fr.
M. Dumortier. - Pas le moins du monde !
M. Bouvierµ. - Je constate que c'est la droite qui interrompt à tout bout de champ ; je prends acte de ce fait.
M. de Borchgraveµ. - Il appartenait bien à M. Bouvier de faire cette observation ; c'est une plaisanterie.
M. de Moorµ. - Ce n'est pas du tout une plaisanterie.
M. Jacquemyns. - Dans cette manière de voir, messieurs, il arrivera, si une nouvelle année comme 1845-1846 se produit, que telle fabrique obtiendra la décharge calculée sur le taux de 45 francs les cent kilos de sucre pour 1,670 grammes par hectolitre de jus et par degré de densité !...
M. Dumortier. - Ne me faites donc pas dire ce que je n'ai pas dit.
M. Jacquemyns. - Et que telle autre fabrique n'obtiendra pas ce qu'elle a payé.
Ceci dit, messieurs, j'arrive à d'autres arguments qui sont, je crois, plus connus à l'étranger qu'en Belgique et sur lesquels on reviendra probablement.
L'honorable M. Dumortier nous a dit, dans une de nos dernières séances, que les commissaires belges eux-mêmes soutenaient que nos fabriques donnaient un rendement inférieur. (Interruption.)
J'ai cru le comprendre ainsi, et j'ai trouvé en effet ce fait dans les conférences internationales ; or, voici la réponse que donne le président de ces conférences, M. Barbier, le directeur général des douanes et des contributions indirectes en France :
« M. le président reconnaît l'exactitude de quelques-unes des assertions émises, mais il ignore la valeur des autres. Il est certain qu'en France, toutes les fabriques abonnées autrefois étant parfaitement outillées et dirigées, le rendement a été de plus de 1,500 grammes, Mais il (page 691) admet très volontiers qu'en Belgique il n'en est pas de même pour un assez grand nombre de petites fabriques, qui n'ont pas encore pu adopter les moyens de fabrication perfectionnés, en raison des dépenses que les machines entraînent, et que par suite le rendement de ces fabriques peut ne pas toujours atteindre 1,500 grammes. Les commissaires français acceptent donc la substitution demandée du chiffre de 1,475 gr. à celui de 1,500 grammes. »
Voilà comment s'exprime le président des conférences internationales.
L'honorable M. Dumortier nous dit : « En France les fabriques n'ont pas voulu de l'abonnement de 1,425 grammes, elles ont préféré l'exercice. »
Voyous, pour la campagne de l'année 1860-1861, année où l'abonnement fut consenti en France, il y a eu 5 fabriques abonnées à 1,425 gr. ; pour l'année 1861-1862, le nombre des fabriques abonnées s'élève à 8 ; pour l'année 1862-1863, il monte à 31 ; et comme les résultats de la campagne de 1862-1863 avaient été favorables, le nombre des fabriques abonnées double, c'est-à-dire qu'il s'élève à 62, dont quatre dans le département du Nord.
Mais il paraît qu'en 1863-1864, il y a e une de ces années défavorables dont l'honorable membre a souvent parlé. C'est à ce moment-là que le gouvernement français, sur les réclamations des fabricants soumis à l'exercice, supprima l'abonnement.
Alors un certain nombre d'industriels qui n'avaient été abonnés que pour un an vinrent soutenir qu'ils avaient, pendant cette année-là, obtenu des rendements exceptionnellement inférieurs et qu'ils n'avaient pas réalisé les quantités pour lesquelles ils avaient été abonnés.
De quoi se plaignaient les fabricants ? De l'abonnement ? Pas du tout. Ils trouvaient, au contraire, que leurs confrères qui avaient été abonnés pendant une série d'années, avaient recueilli des avantages qui compensaient largement le désavantage de l'année 1864 ; mais ils se plaignaient de n'avoir été appelés à recueillir que les désavantages, c'est-à-dire d'avoir commencé leur abonnement par une année défavorable et de n'être pas admis à le continuer ; en d'autres .termes, ils se plaignaient que leur abonnement ne fût pas continué.
Voici les phrases sur lesquelles je m'appuie ; je cite textuellement :
« La faculté d'abonnement est supprimée, nous ne pouvons avoir la pensée d'y revenir ; nous n'avons plus qu'à nous incliner devant la législation nouvelle, devenue depuis le 15 juin la loi du pays.
« Le département du Nord... a été unanime pour repousser l'abonnement qu'il considérait comme un impôt frappé indirectement sur lui, en se fondant sur ce que des excédants considérables sur la prise en charge de 1,425 grammes se produisaient dans les fabriques abonnées...
« Que si les 31 fabriques abonnées en 1863-1864 éprouvent une perte cette année, elles en trouvent la compensation dans les quantités qui, dans la campagne précédente, ont échappé au droit. »
Les fabricants du nord de la France disaient donc : « Nous sommes moins bien outillés que les autres fabricants ; imposez ces autres fabriques pour tout ce qu'elles produiront, et il y aura équité envers nous. La faculté d'abonnement permet à ces fabriques d'avoir des excédants considérables indemnes ; elle leur donne ainsi un avantage considérable Sur nous, et voilà pourquoi nous réclamons. »
Et la Hollande nous sera-t-elle plus favorable, car des commissaires du gouvernement des Pays-Bas siégeaient également dans les conférences internationales.
Comme j'ai déjà eu l'honneur de le dire, le gouvernement hollandais n'admet pas que les fabriques hollandaises puissent alléguer l'excuse qu'elles n'obtiennent pas 1,500 grammes.
Ces fabriques sont bien outillées, elles sont toutes de construction récente, dit l'exposé des motifs ; et par conséquent le rendement peut être d'emblée fixé à 1,500 grammes.
L'honorable M. Dumortier s'est appuyé sur l'enquête française et il nous a lu des passages de cette enquête. Je vais avoir l'honneur de vous en soumettre un qui suit immédiatement celui dont l'honorable M. Dumortier vous a donné lecture. Voici ce que dit M. Mariage :
Je crois devoir faire remarquer à la Chambre que ceci se rattache aux plaintes que les fabricants exercés élèvent contre les fabriques abonnées, que les fabriques moins bien outillées, établies dans des conditions défavorables, élèvent contre celles qui désirent profiter des conditions favorables dans lesquelles elles sont établies :
« Quoique le taux de la prise en charge dans les fabriques abonnées ait été jusqu'ici fixé à 1,425 grammes et qu'elle ait eu lieu sur la totalité du jus déféqué, sans aucune tolérance comme sans aucune bonification à raison des mélasses, les fabriques abonnées et surtout celles situées dans les pays neufs ont eu des excédants au moyen desquels certaines ont atteint des rendements par hectolitre et par degré de 1,490 grammes, 1,493 grammes, 1,552 grammes, 1,650 grammes.
« Pourtant les fabriques qui ont eu de pareils résultats ont produit des sucres dont les deux tiers étaient assimilables aux raffinés.
« Si pour ramener ces sucres à une nuance équivalente à celle généralement obtenue dans l'arrondissement de Valenciennes, nous ajoutons un dixième à la portion assimilable aux raffinés, nous trouvons, pour les quatre fabriques que nous venons de citer, un rendement de 1,589 grammes, 1,593 grammes, 1,613 grammes et 1,760 grammes. »
M. Dumortier. - Où sont situées ces fabriques ? Ce n'est pas dans le département du Nord.
M. Jacquemyns. - Elles sont situées en France, c'est-à-dire qu'elles sont situées dans le pays vers lequel notre industrie de la betterave exporte la moitié de ses produits.
Voici, messieurs, un autre document. C'est un extrait de l'exposé des motifs de la loi du 7 mai 1864, supprimant l'abonnement en France :
« Au point de vue financier, il est constaté qu'il fait passer dans la consommation une quantité notable de sucre exempt d'impôt et diminue ainsi les recettes du trésor sans profit pour les consommateurs et en faveur de certains producteurs qui n'ont pas plus de titres que les autres à cette immunité. »
Ainsi, l'on a supprimé l'abonnement par la raison que l'abonnement à 1,425 grammes faisait passer dans la consommation de trop grandes quantités de sucres indemnes de droit.
M. Dumortier. - Supprimez l'abonnement en Belgique.
M. Jacquemyns. - Supprimez l'abonnement en Belgique, dit l'honorable M. Dumortier, par forme d'interruption. Soit, mais ce n'est pas en faveur de la généralité des fabricants que nous devons le supprimer, ce n'est pas en faveur de ces fabriques qui font une concurrence si redoutable aux usines françaises.
Ce sera en faveur de quelques fabriques exceptionnelles qui produisent moins que le rendement que l'on établit comme légal en Hollande, qui produisent moins que les 1,475 ou les 1,500 grammes. Ce sera exclusivement en faveur de ces fabriques.
Quant à toutes les autres, il est évident que la convention internationale leur accordera une faveur et une faveur pour dix ans.
M. Dumortier. - Quelle faveur ?
M. Jacquemyns. - La faveur de n'avoir à payer que pour 1,500 grammes, d'avoir des excédants indemnes, de ne pas avoir à rendre compte de ces excédants.
Messieurs, établissons l'exercice. Mais y pense-t-on ? Quand, en Hollande, on dit que le rendement peut être fixé à 1,500 grammes, sur quels motifs se base-t-on ?
Mais sur ce que toutes les fabriques ont de bons appareils. Comment, dans les conférences internationales, explique-t-on que certaines fabriques françaises, celles qui ont préféré l'abonnement, ont un rendement plus fort ?
On se base sur la qualité des appareils, et dans les documents on ne parle guère de la nature des terrains.
On se base donc sur la qualité de l'outillage, mais il est clair que dans le pays on dira que c'est parce qu'il y a un certain nombre de fabricants de sucre de betterave qui désirent ne pas renouveler leurs appareils que vous établissez l'exercice. C'est là le motif qui se présentera à l'esprit de tout le monde.
Dans diverses circonstances, nous avons parlé très sérieusement dans cette Chambre d'abolir la douane. Pourquoi ? Parce qu'elle met des entraves à la circulation. Et l'on viendra nous demander en faveur de quelques fabriques exceptionnelles d'établir, dans l'intérieur du royaume, 95 rayons de douane autour d'autant de fabriques ! Cala est-il admissible ?
En France, il y a, autour de chaque fabrique, un rayon de douane.
En Hollande, le gouvernement se réserve la faculté d'établir, autour de chacune des fabriques, un rayon de douane de 1,000 mètres, rayon dans lequel nul ne pourra transporter plus de 3 kil. de sucre sans avoir un document, et dans lequel nul ne pourra avoir chez soi plus de 3 kil. de sucre par tête d'habitant.
Ainsi, l'on nous demande, en faveur de quelques usines et en faveur d'une industrie qui exporte les deux tiers de ses produits en concurrence avec l'industrie similaire en France, d'établir 93 rayons de douane, d'établir les visites domiciliaires dans une grande partie du pays.
Messieurs, l'exercice n'est d'ailleurs pas une chose nouvelle en Belgique. On en a fait l'essai, et je pense qu'il est contraire aux règles de la prudence de répéter trop souvent les essais. Il faut que chaque essai (page 692) apporte avec lui sa part d'instruction et rende superflu un nouvel essai du même genre.
Eh bien, je dis qu'on a fait l'essai de l'exercice en 1844, c'est consigné dans l'exposé des motifs et voici ce qu'en dit M. de La Coste, dans le rapport de la section centrale, sur la surveillance des fabriques de sucre de betterave au mois d'avril 1847 :
« ... Ainsi que le ministre le dit dans son exposé des motifs, l'arrêté du 13 août 1846 a introduit un mode d'exercice rigoureux, incessant, auquel d'autres industries ne sont pas assujetties ; cette rigueur a soulevé une vive opposition, et cependant elle aurait besoin d'être renforcée encore si l'on voulait persister à marcher dans la même voie. »
Ainsi l'exercice soulevait déjà une vive opposition et il aurait fallu le renforcer encore pour satisfaire aux justes exigences du trésor public. Aussi l'a-t-on abandonné.
Telles sont les considérations, messieurs, qui me portent à repousser l'exercice et qui me porteront à voter en faveur de la convention internationale telle qu'elle est.
Je la considère comme une convention ; honnête, loyale, et dont l'application doit être éminemment favorable aux intérêts belges.
J'arrive maintenant aux observations présentées par quelques membres, et notamment par l'honorable M. Carlier, contre les articles 2 et 4.
Il est inutile de répéter, messieurs, que la législation sur les sucres ne tend pas à frapper dans la même mesure tous les sucres quel que soit leur type.
A ce compte, vous avez vu par le tableau annexé au rapport de M. de La Coste, qu'il faudrait porter le rendement à un chiffre bien plus élevé que 1,800 grammes, puisque dès lors telle fabrique obtenait 1,670 grammes.
Il y a eu beaucoup de divergence sur la fixation du type pour le rendement. Dans les conférences de La Haye, on avait proposé, par l'article 10, de fixer la prise en charge dans les fabriques abonnées à 1,500 grammes des n°13 et 16, c'est-à-dire à 1,500 grammes de sucre contenant 90 p. c. de sucre raffiné ; mais plus tard, dans les conférences de Bruxelles, les commissaires belges obtinrent que la prise en charge fût abaissée jusqu'à une moyenne entre les n°10 et 13 d'une part, et les n°13 et 16 d'autre part, c’est-a-dire qu'ils avaient obtenu une réduction de 2 p. c. sur la prise en charge pour nos fabriques de sucre de betteraves. (Interruption.)
Messieurs, j'ignorais complètement ce que vient de dire l'honorable M. Dumortier ; je croyais que plus on abaissait la qualité du sucre pour parfaire le rendement fixé, plus on se montrait facile ; est-ce que je me serais trompé par hasard ? (Interruption.)
Ainsi, d'après l'honorable M. Dumortier, si l'on prenait pour base 1 500 grammes de mélasse, les fabricants de sucre de betteraves se trouveraient frappés au maximum.
Je disais donc, messieurs, que les fabricants de sucre de betterave, d'après les conférences de La Haye, devaient produire 1,500 grammes de bon sucre, c'est-à-dire de sucre à 90 centièmes ; dans les conférences de Bruxelles, nos commissaires ont obtenu qu'ils ne fussent pris en charge que pour 1,500 grammes de sucre de qualité moindre ; enfin sur les nouvelles instances des commissaires belges, la prise en charge fut fixée dans les commences de Paris à 1,475 grammes et, éventuellement à 1,500 grammes de sucre n°10 à 14, moyenne n°12. Ce sucre représente 85 p. c. de sucre pur, c'est-à-dire que les fabricants sont autorisés à produire quelque chose comme 5 p. c. de sucre de moins que la quantité pour laquelle on voulait les prendre en charge par la convention provisoire de La Haye.
D'après les délibérations qu'il a fallu pour engager les commissaires des diverses nations à faire à cette concession, il semble que ce soit la dernière. On dit vulgairement : « troisième fois, bonne fois. » C'était la troisième fois qu’on traitait ce point, et il est à croire, d'après ce qui s'est passé dans les conférences, que c'était bien là la dernière des concessions.
Tout le projet de loi est donc raisonné dans ce sens que les fabricants de sucre de betteraves seront prises en charge pour 1,475 grammes ou 1,500 grammes de sucre de qualité n°12 ; que ce sucre sera imposé par la loi à 45 fr. et que si le fabricant exporte 100 kilog. de ce sucre, on lui remboursera sous forme de décharge le montant total de l’accise.
Et je ferai remarquer en passant que c'est précisément là la difficulté qui se présente continuellement dans la question des sucres, c'est que le gouvernement tient à rembourser l'intégralité de ce que le producteur a payé, sans aucune déduction, tandis que pour d'autres industries, lorsqu'il s'agit d'un remboursement, il est toujours calculé sur une somme inférieure à la somme payée par l'industriel.
Ici on cherche à rembourser intégralement la somme qui a été payée. Voilà pourquoi il est très difficile d'éviter de payer des excédants.
Maintenant, messieurs, faut-il rembourser 45 fr. pour le n°10 également ? Mais il en résulterait que l'industriel qui peut, en général, abaisser ou élever, dans certaines limites, le numéro de ses produits, s'attachera à produire pour l'exportation du n°10 au lieu de produire du n°12 ; il n'exportera pas pour la France du n°12, il n'exportera que du n°10 et réclamera pour ce numéro la décharge des 45 fr. qui auront été comptés pour le n°12.
Aiusi, messieurs, si l'amendement est adopté, si la décharge pour le n°10 est portée à 45 fr., il y aura en réalité une augmentation de 2 fr. environ par 100 kilogrammes de la décharge des sucres exportés vers la France.
Quelle est la position de l'exportateur ? Il a tout intérêt, lorsqu'il se trouve en présence de la douane belge, à présenter ses sucres comme meilleurs qu'ils ne sont en réalité.
Ainsi, dans la station de Mouscron, il y a deux bureaux de douanes : celui de la douane belge d'une part, et à l'autre extrémité de la station celui de la douane française.
Quels sont les intérêts des fabricants ou des raffineurs qui exportent des sucres ? A une extrémité de la station ils ont tout intérêt à présenter leurs sucres comme excellents, comme supérieurs en qualité aux types qu'ils représentent. Arrivés à l'autre extrémité de la station, ils ont tout intérêt à les présenter comme appartenant à un type inférieur, afin d'avoir à payer un droit d'entrée moindre.
Il arrivera donc que l'on aura beaucoup de difficultés pour constater le type des sucres.
Dans tous les cas et bien qu'il soit stipulé dans le projet de loi qu'on n'accordera la décharge entière de 45 fr. que pour les n°12 et au-dessus, si le projet est traduit en loi, on ne manquera pas de demander la décharge entière de 45 francs pour les numéros inférieurs au n°12.
Si l'on admet la décharge entière pour le n°10, il est évident qu'on n'exportera plus que du n°10, parce qu'étant donnée une quantité de jus, on produira sensiblement, prenons 5 p. c, de plus du type n°10 que du type n°12.
On aura intérêt à fabriquer du n°10 pour obtenir 5 p. c. de plus, en d'autres termes, pour obtenir 5 fois 45 centimes de plus par 100 kilogrammes.
C'est pourquoi l'article 4 n'accorde qu'une décharge de 43 fr. pour le n°10, bien que l'article 2 en fixe l'accise à 45 fr.
Ou a dit que cela était très défavorable à l'industrie belge. Il y a là un manque d harmonie qui frappe les yeux. Pourquoi ne pas accorder au même numéro de sucre une décharge égale au montant de l'accise dont il est frappé à l'entrée en Belgique ?
Messieurs, il serait très facile de rétablir l’harmonie de la manière la plus complète. Il y a deux moyens : l'un de porter la décharge à 45 fr. et j'ai dit la raison pour laquelle on ne peut le faire ; l'autre de porter l'accise à l'entrée du pays à 43 fr. Il n'y aurait plus alors la moindre disparate entre les deux articles.
Mais cette combinaison serait tout entière au détriment de l'industrie belge.
M. Bara. - Ce n'est pas cela que nous demandons. Nous demandons que l'on restitue pour le n°10 ce que l'on a payé pour le n°10.
M. Carlier. - Lorsque je fabrique du n°7, du n°8, du n° 10 ou du n°15, je paye 45 fr. Nous demandons qu'on restitue cette somme à la sortie.
M. Jacquemyns. - Quand je fabrique du n°7, du n°8, du n°10 ou du n°15, je paye 45 fr., dites-vous, mais vous ne payez pas à raison des quantités fabriquées. Vous payez à raison des quantités de sucre n°12 que vous êtes censé pouvoir fabriquer par chaque degré du densimètre et par hectolitre de jus. On ne tient aucun compte des quantités que vous fabriquez. Cela ne concerne en aucune manière le gouvernement. Le trésor public n'a pas à intervenir dans la quantité de sucre que vous produisez. Vous faites avec lui un forfait, de telle sorte que pour chaque hectolitre de jus que vous fabriquez, vous payerez comme, si vous aviez produit 1,475 grammes de sucre n°12, lequel sucre est imposé à 45 fr.
Si vous fabriquez du n°10, vous produirez plus que si vous fabriquiez du n°12, et le gouvernement, qui ne vous fait payer que comme si vous aviez fabriqué 1,475 du n°12, serait obligé de vous rembourser plus que la somme pour laquelle vous êtes imposé.
J'arrive à un autre point important. Avec le projet de loi, c'est-à-dire avec l'accise et la décharge calculées d'après les bases déterminées par la convention internationale, le trésor public est-il sûr d'obtenir le revenu, qu'il est en droit d'attendre du sucre ?
(page 693) Franchement, messieurs, je crois qu'il n'est pas injuste d'exiger que le sucre produise une somme annuelle de 6 millions. Aussi longtemps que le sel sera taxe de manière à produire annuellement une somme de 5,400,000 fr., je dirai que la somme de 5,400,000 fr. qu'ont produite les sucres dans ces trois dernières années est insuffisante.
Le sel, messieurs, grève dans la même mesure, quelle que soit sa position de fortune, chaque habitant de la Belgique et cet impôt sur une denrée dont personne ne peut se passer, rapporte au pays une somme de 5,400,000 fr. Pourquoi le sucre devrait-il rapporter moins ? Lorsque vous faites la charité à un pauvre pour acheter du pain, dans cette charité se trouve comprise une partie de l'impôt sur le sel, par la raison que le sel entre même dans la fabrication du pain.
Mais si celui que vous secourez allait dépenser votre aumône à acheter du sucre, vous regretteriez de l'avoir faite.
La consommation du sucre augmente à mesure que se développe la richesse publique ; chacun consomme du sucre suivant sa position sociale, ses goûts, son degré d'aisance. Les classes nécessiteuses seules n'en consomment pas, elles qui supportent cependant l'impôt du sel. Le produit de l'accise sur les sucres n'a été en somme que de 5,400,000 francs comme celui du sel.
J'ai lu dans le temps une notice ayant pour but d'augmenter l'accise sur le sucre de telle manière qu'on pût arriver à supprimer complètement le droit sur le sel.
J'avoue que j'ai considéré cette idée comme honnête et généreuse et nous n'avons, pour excuse de ne pas l'appliquer, que les difficultés de la législation sur les sucres.
Si nous pouvions modifier la législation sans inconvénient, si, en maintenant l'impôt dans des proportions équitables, nous pouvions doubler les droits sur les sucres et supprimer l'impôt sur le sel, je voterais cette mesure avec le plus grand empressement.
Le grand point est d'être juste, et c'est la difficulté en présence de laquelle nous nous trouvons depuis un grand nombre d'années. On a essayé de lever cette difficulté par la convention internationale, mais j'estime qu'on ne l'a levée qu'en partie.
Chaque fois que des nations voisines promulguaient quelque disposition en faveur de l'industrie sucrière, chaque fois que sous une forme quelconque elles lui accordaient quelque prime, nous étions exposés à devoir établir également des primes ou à voir tomber notre industrie.
Voilà pourquoi la législation sur les sucres a varié si souvent ; il.est à espérer qu'elle variera moins par suite de la convention internationale, mais, ne nous faisons pas illusion, elle est destinée à varier encore.
La législation sur les sucres est loin d'être arrivée à la perfection. Ceux d'entre vous qui ont eu l'occasion d'examiner les types, ont pu se convaincre qu'il était très difficile de déterminer à quel type appartient tel ou tel sucre.
Dans l'une des pièces les plus importantes qui vous ont été communiquées, celle des fabricants de sucre, il y a une phrase qui m'a frappé. Cette pièce émane évidemment d'hommes spéciaux et qui méritent confiance, tout au moins à certains égards. A la page 4 de cette pièce, je lis :
« Nous ne sommes pas partisans du système des types. Il est une source de contestations et peut dégénérer, dans d'autres pays, en véritable protection. Dans bien des circonstances, la nuance du sucre est un très mauvais guide pour déterminer sa richesse saccharine. »
Ainsi, nous sommes en présence d'un mauvais guide pour déterminer la richesse saccharine des sucres bruts. C'est ce que MM. les commissaires belges ont soutenu dans la conférence internationale et ils l'ont soutenu avec insistance ; ils ont même cru devoir cesser de prendre part aux travaux de la conférence ; et ce n'est qu'après cette interruption qu'ils ont en quelque sorte transigé avec leurs collègues afin d'arriver à m résultat.
Et pourtant, d'après l'article premier on fixera le droit d'entrée sur le sucre conformément au type ou, pour être plus exact, conformément à certaines classes de types, c'est-à-dire qu'on confondra divers types comme donnant un même rendement.
Admettons un raffineur qui trouve moyen de se procurer une quantité notable de sucre appartenant au type le plus élevé de l'une de ces classes : il aura un excédant au raffinage. D'un autre côté, beaucoup de personnes et sans aucun doute beaucoup de membres de la Chambre sont d'opinion que le rendement fixé pour le sucre de betterave est inférieur à la réalité du rendement obtenu dans un grand nombre de fabriques. Il est inférieur évidemment au rendement qu'on obtient dans de bonnes années ; dans ces années les fabriques de sucre de betterave dont le rendement est évalué à l'avance à 1,475 ou 1,500 grammes, donneront encore une grande quantité de sucres indemnes. Les ressources du trésor en seront diminuées d'autant.
Quel moyen y aurait-il d'assurer au trésor public une recette de 6 millions ?
J'avoue que je voterai presque malgré moi le minimum. Pendant tout le temps que le projet de loi a été soumis à l'examen, soit en sections, soit en section centrale, je me suis préoccupé de la question de savoir s'il n'y aurait pas moyen d'éviter ce minimum.
Le minimum est une mesure exceptionnelle, une mesure arbitraire. Elle a une excuse, parce qu'après tout le sucre doit produire autant au moins, si pas plus que le sel. Quant à moi, aussi longtemps qu'on n'aura pas trouvé une meilleure législation pour assurer au trésor un revenu de 6 millions, je serai obligé de voter le minimum.
L'honorable comte de Theux a présenté au sujet du minimum quelques considérations qui m'ont frappé ; je partage son avis à cet égard et j'avais même songé, de concert avec l'honorable rapporteur de la section centrale, à un système qui diffère de celui du projet de loi et se rapproche de celui de l'honorable comte.
Au lieu de réduire la décharge quand le minimum ne serait pas atteint, nous aurions augmenté l'accise.
La question a été posée à M. le ministre des finances, mais on y a ajouté cette autre stipulation que la décharge augmenterait en même temps. Or, du moment qu'on augmente tout à la fois, et le droit et la décharge, s'il y, a prime, il est évident que la prime augmentera dans la même proportion que le droit et la décharge. Mair si l'on augmentait ou le taux du rendement ou l'accise, tout en laissant la décharge telle qu'elle est, dès ce moment le revenu du trésor augmenterait. Telle est l'idée qu'a formulée l'honorable comte de Theux et telle est aussi l'idée à laquelle on s'est rattaché en Hollande.
Ainsi l'honorable comte de Theux voudrait qu'on fît une législation sur les sucres sans établir un minimum ; mais quand le revenu ne serait pas atteint, le gouvernement présenterait un nouveau projet de loi afin d'augmenter la prise en charge qui, dans la convention, n'est fixée qu'au minimum.
Cela pourrait, par conséquent, se faire sans compromettre en rien l'existence de la convention internationale. Mais il y aurait un inconvénient, c'est qu'avant la discussion du projet de loi, avant que la loi fût rendue exécutoire, le trésor public se trouverait en présence d'une insuffisance de revenu et qu'il n'aurait aucun moyen de la combler.
Il y aurait, en d'autres termes, ce fait que de nouveau les sucres produiraient moins que le sel.
Dans les Pays Bas, le gouvernement proposé de supprimer le minimum, mais en même temps il se réserve le droit de fixer le rendement pour les sucres bruts à un taux plus élevé que celui qui est mentionné dans la convention.
De cette manière, si le revenu net est insuffisant, le gouvernement augmente, en réalité, l'accise en augmentant le taux du rendement.
En terminant ici, messieurs, les observations que j'avais à présenter en faveur du projet de loi, je répète que je réserve mon opinion quant au minimum, tout en déclarant formellement que je le voterai, s'il le faut absolument, pour assurer le revenu du trésor public.
(page 685) M. Valckenaere, rapporteurµ. - Messieurs, les discours de M. Dumortier se décomposent en deux parties. La première s'adresse à tous ceux qui, dans cette Chambre et en dehors, ne partagent pas son opinion dans la question soumise à nos délibérations.
L'honorable M. Frère, dit-il, veut sacrifier les intérêts industriels de son pays au profit de la France ; certains fonctionnaires haut placés au département du ministère des finances sont des hommes incapables ; les pétitionnaires du 14 février qui acceptent l'article 16 de la convention ont agi à la légère ; les raffineurs de sucre sont des mangeurs de primes ; la section centrale, et son rapporteur, a été partiale, elle a accordé toute sa sollicitude aux intérêts du raffinage, etc.
Je ne m'explique pas très bien le but que l'honorable M. Dumortier a voulu atteindre en nous noircissant de la sorte.
Il ne m'appartient pas de répondre aux allégations et aux insinuations acrimonieuses dont M. Dumortier nous a tous si généreusement gratifiés et comme je me trouve en fort bonne compagnie, je lui laisse tout le bénéfice des paroles qui me concernent spécialement ; je ne le suivrai donc pas sur ce terrain.
La seconde partie des discours de l'honorable membre peut se résumer eu quelques mots, puisqu'elle tend à prouver l'impossibilité, selon lui, de produire par degré de densité du jus 1,500 grammes de sucre du n°12.
Toute la question qui nous sépare est dans ce fait.
(page 686) S'il est vrai que je n'ai pas suivi le détail des chiffres produits par M. Dumortier, il ne peut méconnaître que je me suis appuyé sur des documents tout au moins aussi officiels que lés siens, pour prouver le contraire de ce qu'il contenait.
D'ailleurs, l'honorable M. Jacquemyns vient de démontrer, tout à l'heure, que les pièces consultées par M. Dumortier ont été incomplètement reproduites par lui ; on ne peut donc pas se fier aux conséquences qu'il en a déduites.
Du reste le rapport de la section centrale s'est appuyé sur des faits qui n'ont pas été combattus jusqu'à présent.
Les fabricants de sucre, dans une note d'observations présentées sur ce rapport, se sont bornés à appeler l'attention de la Chambre sur deux dispositions du projet de loi, maintenues par la section centrale.
Dans la séance de samedi j'ai exposé à la Chambre les motifs pour lesquels la section centrale a cru devoir les conserver, et ces motifs n'ont pas encore été contestés.
L'honorable M. Thonissen soutient que les fabricants indigènes sont inévitablement placés dans une condition d'infériorité vis-à-vis de leurs concurrents étrangers.
Une explication supplémentaire à celle que j'ai fournie dans mon premier discours me semble donc indispensable. On suppose, dit l'honorable membre, le cas suivant : « Un négociant de Londres a besoin de sucre n°11. Le fabricant français exportant ce n°11, obtient la décharge complète du droit. Le fabricant belge, au contraire, exportant le même n°11, n'obtient qu'une décharge de 43 fr. Il en résulte clairement, me semble-t-il, dit M. Thonissen, que le négociant français pourra fournir son sucre 2 fr. de moins par 100 kil. que le fabricant belge.
Eh bien, messieurs, cette appréciation est complètement erronée, puisqu'on n'accorde pas de décharge de droit en France, le drawback proprement dit n'y est pas alloué.
Les comptes étant tenus par quantités, on les décharge par quantités d'après les types produits.
Il faut bien comprendre, messieurs, ce qui se passe en pratique. La qualité du sucre s'obtient toujours, comme j'ai déjà eu l'honneur de vous le dire, aux dépens de la quantité.
En produisant, par exemple, du n°16, on obtient une quantité de sucre moindre qu'on n'en obtiendrait du n°7, ou de tout autre numéro en dessous du n°16. L'infériorité de la qualité constate toujours la présence d'une partie de mélasse. C'est ce que l'honorable M. Dumortier a contesté dans son discours d'avant hier en disant que 1,435 grammes du n°16 ne correspondent pas à 1,525 grammes environ du n°12, mais qu'il a cependant très bien expliqué dans sa note jointe au rapport ; il y dit, en effet, en comptant comme sucre la mélasse contenue dans les sucres inférieurs, on peut arriver à des productions de 1,600, 1,700 et 1,800 grammes, en d'autres mots à augmenter le rendement.
Ainsi, lorsqu'on fabrique du n°10 ou 11, on obtient une quantité plus grande de sucre que du n°12. En France cette quantité doit être entièrement exportée pour la décharge du compte. En Belgique, le drawback fixe le taux de la décharge par 100 kilog. Si maintenant avec le système d'abonnement à 1,500 grammes, une quantité donnée de jus produit en n°10, 103 kilog. de sucre, ou en n°11, 103 kilog. et en n°12 seulement 100 kil., il est alors facile de comprendre qu'en restituant aux n°10 et 11 les 45 fr. qui forment la base de l'impôt réglé sur le n°12, il restera dans ce cas un excédant de 5 ou de 3 kilog. de sucre pour lesquels on n'aura rien payé, tandis que le régime français exige pour la décharge l'exportation intégrale de la quantité produite.
Cette démonstration, je pense, répond parfaitement à l'hypothèse posée par M. Thonissen et prouve que la concurrence des fabricants français, sur le marché étranger, n'est pas à craindre pour les sucreries de notre pays, par suite de la décharge obtenue à l'exportation ; à moins d'admettre les motifs développés par l'honorable M. Carlier à l'occasion de son amendement proposé à l'article 4 du projet de loi. Ces motifs ont sans doute une apparence d'équité, car s'il était vrai que les 1,500 gr. de prise en charge ne représentent en moyenne qu'un produit répondant au n°10, il y aurait évidemment injustice de ne pas lui accorder la décharge du plein droit. Mais l'honorable M. Carlier éprouve lui-même un grand scrupule à ce sujet, puisqu'il déclare franchement que s'il lui était nettement et complètement démontré que la prise en charge à 1,500 grammes produit en moyenne le n°12, il considérerait son amendement comme opposé à l'intérêt des fabricants.
Il faut le reconnaître, messieurs, c'est la difficulté d'établir d'une manière précise la corrélation qui existe, année commune, entre le taux de la prise en charge et le numéro type du produit qui constitue toujours la pierre d'achoppement dans cette question si épineuse et si souvent controversée.
Et cependant toutes les pièces résultant des expériences faites dans les quatre pays contractants, qui ont été consultées et discutées par les membres de la conférence, ont établi que la corrélation, telle qu'elle est inscrite dans l'article 16 de la convention, est plutôt en dessous de la réalité qu'au-dessus.
Les délégués hollandais ont insisté longtemps pour que les 1,500 grammes représentassent le n°13 à 16 c'est-à-dire 14 1/2. C'est ce que M. Jacquemyns vient aussi de vous faire remarquer.
Les négociations sur ce point ont été laborieuses et le résultat auquel on a abouti a été généralement considéré comme une faveur pour la fabrication belge. D'autre part nous voyons aussi la Hollande admettre immédiatement les 1,500 grammes et se proposer d'établir en outre pour la suite le régime de l'exercice, parce qu'elle estime que cette prise en charge laissera encore des excédants de produits.
Les honorables MM. de Kerchove et Jacobs ont combattu le système du minimum, parce qu'il détruit l'égalité de position créée par la convention sur ce point du débat. Je suis, quant à moi, parfaitement d'accord avec l'honorable M. Jacobs et je l'ai déjà déclaré, le système du minimum me paraît ne pouvoir se maintenir qu'à titre provisoire, et devoir être abandonné dès que les expériences auront déterminé les rendements effectifs dans les raffineries comme dans les fabriques de sucre. Quant à l'amendement dont l'honorable M. Jacobs a parlé, il faudra le discuter à l'article 6 du projet de loi.
Il n'est donc pas exact de soutenir que les raffineries de sucre dont le nombre s'élève à 40 au lieu de 7, comme on l'a dit ici, n'ont pas de grands intérêts à défendre à l'occasion du projet de loi.
N'ont-elles pas le maintien du minimum contre lequel elles réclament et que la section centrale propose de conserver ? Ne faut-il pas tenir compte de la réduction considérable du droit d'entrée sur les mélasses qui de 90 fr. se trouve porté à 15 fr. par l'article 3 du projet de loi et de l'admission des cassonades comme sucres bruts, prescrite par l'article 13 de la convention, qui amènera inévitablement une grande modification dans ses conditions d'existence.
Le rendement effectif deviendra bientôt pour lui le rendement légal, mais, comme le dit M. Dumortier, il lui reste indemnes de droits, les bas produits dont je me suis abstenu, paraît-il, de parler, s'il faut en croire l'honorable membre, alors que je les ai cependant estimés à 12 p. c. des quantités exportées. Enfin, si mon honorable contradicteur ne veut pas du système du drawback, qui laisse indemnes de droits les bas produits du raffinage, il ferait bien, me semble-t-il, de faire une proposition tendante à la supprimer.
Mon honorable ami, M. Jacquemyns, s'est chargé de rectifier quelques calculs de l'honorable M. Dumortier. Je dois à mon tour, avant de terminer, lui parler d'une erreur d'appréciation qu'il a commise dans son dernier discours, erreur que j'ai signalée au même instant à quelques honorables collègues qui se trouvaient autour de moi.
D'après une note inscrite à la page 8 de l'exposé des motifs, M. Dumortier attribue au sucre brut de canne un rendement en sucres raffinés supérieur à celui de la betterave. Eh bien, messieurs, l'honorable membre se trompe. La note indique le rendement légal tel qu'il résulte du drawback. La différence du rendement des deux espèces de sucre provient du droit de douane qui frappe le sucre de canne seul. C'est ce que l'honorable membre pourra vérifier à la page 5. Il se convaincra en même temps que, dans cette circonstance, il n'a pas manqué de confondre Ambroise avec Augustin.
M. Dumortier (pour une motion d’ordre). - Dans le discours qu'il vient de prononcer, l'honorable M. Jacquemyns a cité, à plusieurs reprises, les conférences tenues à Bruxelles, et l'honorable membre qui vient de se rasseoir y a fait également allusion.
J'avais demandé la production de ces documents à M. le ministre des affaires étrangères, et, d'après les renseignements qui nous ont été donnés, ces documents n'ont pas été déposés sur le bureau. Je dois en conclure que les honorables membres qui ont parlé de ces conférences n'ont pu en prendre connaissance que dans les bureaux du ministère.
Cependant, messieurs, il importe que nous puissions tous les consulter et je réitère la demande que j'ai faite au gouvernement de vouloir bien me les communiquer.
Quant à ce que vient de dire l'honorable préopinant, que j'aurais confondu Augustin avec Ambroise, je crois être autorisé à dire que c'est lui, au contraire, qui a confondu Ambroise avec Augustin.
Il s'agit ici du rendement ; or, l'honorable M. Frère-Orban, dans une note insérée à la page 8 de son exposé des motifs, établit de la manière la plus formelle que, dans le revenu, le rendement du sucre de betterave à 2 1/2 p. c. de moins que le sucre de canne.
(page 687) Du reste cet argument n’a guère plus de valeur que la plupart de ceux qu'à fait valoir l'honorable membre. (Interruption.)
Messieurs, quand je traite une question et que je cite des documents à l'appui de mon opinion, il est tout naturel que je n'y puise que ce qui confirme ma thèse et je croirais abuser de la parole si je venais ennuyer la Chambre en lui faisant d'interminables citations étrangères à mon sujet.
Ainsi, par exemple, si je veux établir que le rendement tombe quelquefois à 1,500 et même à 1,200 grammes, je puis me borner, pour justifier cette assertion, à faire connaître la déclaration des commissaires français. Que répond-on à cela ? On s'écrie : M. Dumortier n'a pas tout cité ! Mais, messieurs, le reste n'était nullement nécessaire à ma thèse et je n'ai pas besoin de venir vous citer une vingtaine de pages plus ou moins étrangères à mon sujet.
Je comprends qu'il est très commode de chercher à affaiblir la valeur de ma citation en prétendant que j'ai fait une citation incomplète ; mais il eût été infiniment préférable de s'en tenir à la citation que j'ai faite et de tâcher de la réfuter. On a compris sans doute que cela était un peu difficile et c'est ainsi qu'aucune de mes objections n'a été réfutée ni par l'honorable rapporteur ni par l'honorable M. Jacquemyns.
Quoi qu'il en soit, comme ils ont l'un et l'autre invoqué les conférences qui ont eu lieu à Bruxelles, je demande que ces conférences soient communiquées à la Chambre, parce qu'il importe que tous les membres de cette assemblée en aient connaissance.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - J'avais compris que l'honorable membre avait demandé le dépôt des procès-verbaux des conférences tenues à Paris.
Quant aux autres, ils sont entre les mains de mon collègue, M. le ministre des finances. Si ces documents ont été communiqués à quelques membres de la Chambre, ils pourront évidemment l'être aussi à tous les autres. J'en référerai à mon collègue, et, comme si je le pense, il n'y voit pas d'inconvénients, ils seront communiqués à la Chambre.
- Un membre. - Déposez les documents.
M. Jacquemyns. - L'honorable M. Dumortier dit que j'ai fait allusion aux conférences de Bruxelles dans mon discours : il n'en est rien. Je n'ai pas eu communication des pièces, et je me joins volontiers à l'honorable M. Dumortier pour demander que M. le ministre des affaires étrangères veuille bien les déposer sur le bureau.
M. Dumortier. - Vous les avez citées.
M. Jacquemyns. - Je ne les ai pas citées.
M. Dumortier. - Je croyais avoir entendu l'honorable membre indiquer ce qui s'était passé dans les conférences de Bruxelles.
M. Jacquemyns. - Pardon.
M. Dumortier. - Quoi qu'il en soit, je commencerai par remercier le gouvernement des pièces qu'il a bien déjà voulu déposer sur le bureau. Ces pièces sont : 1° les procès-verbaux des conférences internationales qui ont eu lieu à Paris, d'abord le 24 mars 1863, et puis le 13 septembre 1864 ; 2° l'exposé des motifs et le projet de loi hollandais ; 3° les procès-verbaux des conférences de Hollande.
Mais nous n'avons pas eu communication des conférences de Bruxelles ni des conférences intermédiaires qui ont eu lieu entre la première série et la seconde série de conférences.
Nous voyons dans la première que les commissaires du gouvernement belge ont introduit une question importante ; nous voyons cette question se représenter dans la seconde série. Or, il serait très intéressant de voir ce qui s'est passé à ce sujet.
Je demande donc que ces pièces soient déposées sur le bureau.
M. Jacquemyns. - Messieurs, je me rappelle qu'effectivement, à propos d'une question, j'ai parlé des conférences de Bruxelles, mais je n'avais pas lu ces conférences ; ce renseignement reposait sur d'autres données. J'éprouve, comme l'honorable M. Dumortier le regret de n'avoir pas eu connaissance de ces conférences.
Messieurs, je le répète, l'affirmation que j'ai donnée quant à l'insistance des commissaires du gouvernement belge ne repose pas sur la connaissance de ces documents.
- L'incident est clos.
MpVµ. - Il n'y a plus d'orateur inscrit sur la question des sucres. La Chambre entend-elle remettre la séance à demain ?
M. Dumortier. - Il y a ici une question de convenance. M. le ministre des finances vient d'être frappé d'un deuil de famille. Il ne pourra pas sans doute se rendre à la séance de demain ; et il serait impossible de commencer sans lui la discussion des articles.
- Des membres. - Nous avons d'autres objets à l'ordre du jour.
M. Bouvierµ. - L'affaire du Mexique.
MpVµ. - La Chambre a déjà décidé que cet objet viendrait à l'ordre du jour le lendemain du vote du projet de loi sur les sucres.
M. Delaetµ. - Je voulais présenter la même observation que M. le président, mais il doit è're entendu, je pense, que si le vote de la loi sur les sucres a lieu un vendredi, la discussion de l'affaire du Mexique ne viendra pas à l'ordre du jour le samedi ?
MpVµ. - Pardon, la décision de la Chambre est absolue ; et elle n'admet pas cette réserve.
M. de Theuxµ/- Il conviendrait que la Chambre, jusqu'au moment où elle reprendra la discussion du projet de loi sur les sucres, ne s'occupât point d'une loi importante.
MpVµ. - Il en sera ainsi.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - M. le ministre des finances sera de retour à Bruxelles mardi prochain.
M. Crombez. - Messieurs, j'ai l'honneur de proposer à la Chambre de ne se réunir demain en séance publique qu'à trois heures. Plusieurs sections centrales doivent se réunir demain ; si ma proposition, comme je l'espère, est adoptée par la Chambre, ces sections centrales pourront avancer beaucoup leur besogne. (Assentiment.)
M. Lelièvre. - J'appuie la proposition de l'honorable M. Crombez. Demain la section centrale chargée de l'examen du projet de loi sur le temporel des cultes se réunit ; il importe qu'elle ait un temps suffisant pour cet examen qui exige une assez longue discussion. Il est donc indispensable que la séance de la Chambre n'ait lieu qu'à trois heures.
- La proposition de M. Crombez est mise aux voix et adoptée.
En conséquence, la Chambre se réunira demain en séance publique à 3 heures.
La séance est levée à quatre heures et demie.