(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session extraordinaire de 1864)
(Présidence de M. E. Vandenpeereboom.)
(page 53) M. de Florisone procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.
M. de Moorµ, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance.
- La rédaction en est approuvée.
M. de Florisone communique l'analyse des pièces adressées à la Chambre.
« Le sieur Warnent demande une pension pour son fils Jean-François, caporal réformé du chef d'infirmités contractées au service et par le fait du service. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« M. de Mérode, retenu chez lui par la maladie d'un de ses enfants, demande un congé. »
- Accordé.
« M. Thienpont, obligé de s'absenter pour motifs urgents, demande un congé. »
Il est procédé au tirage au sort des scrutateurs.
Il est ensuite procédé à l'appel nominal.
Nombre des votants, 86.
Billets blancs, 3.
Bulletins valables, 83.
Majorité absolue, 42.
M. de Brouckere obtient 51 voix.
M. Vermeire 32
En conséquence, M. H. de Brouckere est nommé membre de la commission de surveillance des opérations de la caisse d'amortissement, des dépôts et consignations.
MpVµ. - Messieurs, les sections ont autorisé la lecture de la proposition de loi qui a été déposée hier ; elle est ainsi conçue :
« Vu l'article 49 de la Constitution ;
« Art. 1er. Le tableau annexé à l'article 55 de la loi électorale est modifié comme suit :
« Anvers. Arrondissement d'Anvers : Six représentants.
« Brabant. Arrondissement de Bruxelles ; Treize représentants ; sept sénateurs.
« Hainaut. Arrondissement de Mons : Trois sénateurs. Arrondissement de Charleroi : Cinq représentants.
« Liège. Arrondissement de Liège : Quatre sénateurs. Arrondissement de Waremme : Deux représentants.
« Namur. Arrondissement de Philippeville : Deux représentants.
« Art. 2. Dans chaque province, le mandat des nouveaux élus expirera en même temps que celui des représentants et des sénateurs actuellement en fonctions.
« Art. 3. La présente loi sera obligatoire le lendemain de sa publication.
« (Signé) Aug. Orts, représentant. »
A quel jour l'auteur de la proposition entend-il la développer ?
M. Orts. - Je suis à la disposition de la Chambre ; du reste, je serai très bref.
- Voix à gauche : Tout de suite !
M. Dumortier. - Je crois qu'il vaudrait mieux la renvoyer à la suite de l'ordre du jour, attendu qu'elle peut soulever des discussions. La Chambre en décidera comme elle voudra, mais elle désire, je suppose, voter le plus tôt possible le crédit demandé pour Anvers, et si nous allons entamer une discussion sur la proposition qui vient d'être lue, cette discussion pouvant être assez longue, il en résulterait que le vote du crédit pour Anvers ne pourrait pas avoir lieu immédiatement. D'ailleurs l'honorable M. Orts ne tient pas à présenter aujourd'hui les développements de sa proposition.
M. Orts. - Du tout, j'ai dit déjà que je me tiens à la disposition de la Chambre.
MpVµ. - La Chambre fixera ultérieurement le jour pour les développements, s'il n'y a pas d'opposition. (Non ! Non !) Il en sera donc ainsi.
M. Coomans (pour une motion d’ordre). - Messieurs, je profite de la présence de l'honorable ministre de la guerre pour demander un renseignement dont la Chambre appréciera la valeur.
Tous ou presque tous les journaux annoncent que le gouvernement a accordé à un certain nombre de soldats belges l'autorisation de prendre du service militaire au Mexique et de s'organiser à cet effet sur le territoire national.
Je demanderai à M. le ministre de la guerre si ce fait est vrai et sur quelles dispositions légales il s'appuie pour le justifier.
Je me réserve d'examiner la réponse que M. le ministre de la guerre voudra bien me donner.
M. le ministre de la guerre (M. Chazal). - Messieurs, la loi autorise le Roi à permettre à des militaires belges de prendre du service à l'étranger. Depuis que nous sommes constitués comme Etat indépendant, ce fait s'est présenté plusieurs fois. Des militaires belges, officiers, sous-officiers et soldats, ont fait la guerre du Portugal. Quelques officiers ont servi en Espagne ; d'autres ont été autorisés à prendre part aux différentes campagnes de l'Algérie.
Quelques-uns se trouvent depuis un grand nombre d'années au Brésil et dans les principautés danubiennes. On peut même dire qu'il n'y a pas de pays où des militaires belges n'aient pris du service avec l'autorisation du gouvernement.
Je ne vois pas pourquoi on ferait une exception pour le Mexique, où la fille de notre Roi est souveraine. Je crois que nous devons agir envers ce pays comme nous avons agi envers tous les autres, et accorder à nos compatriotes l'autorisation de le servir, dans des limites qui ne soient pas de nature à nuire à l'organisation de l'armée belge.
M. Coomans. - Messieurs, la Chambre voudra bien remarquer que je n'ai pas parlé des officiers ; j'ai parlé des soldats. Je ne trouve pas mauvais que le gouvernement autorise des officiers belges à prendre individuellement du service à l'étranger et cela pour diverses raisons que je n'exposerai pas pour abréger cet incident.
J'ai donc parlé des soldats. Or, s'il est vrai qu'un certain nombre de soldats, les uns disent mille, d'autres disent deux mille, ont reçu ou reçoivent l'autorisation de prendre du service militaire au Mexique, c'est-à-dire de sortir des rangs de l'armée, je trouve le fait assez grave, j'ose dire très grave.
Je suis aussi sympathique que tout autre membre de cette assemblée à la cause, à la belle cause à laquelle est allée s'associer la fille de notre Roi vénéré. (Interruption.)
Si l'épithète belle vous déplaît, je la retirerai. Je l'ai employée surtout parce qu'il me paraît devoir bien sonner dans les oreilles de M. le ministre de la guerre. (Interruption.)
Je regrette de devoir insister sur ce point, afin qu'on ne m'attribue pas des intentions qui sont bien loin d'être les miennes. Je dis belle cause, parce que dans ma pensée, il s'agit de faire progresser la civilisation au Mexique et que je suis de ceux qui ont trouvé belle la résolution prise par deux princes, d'aller gouverner le Mexique. Je déclare qu'il faut énormément de dévouement pour aller au Mexique dans les circonstances que nous connaissons, alors qu'on n'est pas officier ou soldat désireux de le devenir.
Messieurs, je reviens à l'objet de mes préoccupations.
Si je suis bien informé, ce ne sont pas seulement des militaires en congé, des soldats en congé, qui auraient reçu l'autorisation de partir pour le Mexique ; ce seraient des soldats encore en activité de service. A moins que certains sous-officiers ne m'aient menti ce que je n'admets pas, ils ont reçu l'autorisation de quitter les rangs de l'armée et de s'embarquer pour le Mexique.
Or, ceci modifie singulièrement les choses. J'aime à croire que l'honorable ministre ne retient pas inutilement sous les armes des citoyens belges, qu'il n'en retient que le nombre strictement nécessaire. Or, si cela est vrai et si 1,000 à 2,000 hommes partent pour le Mexique, il faudra bien les remplacer au détriment de ceux de nos soldats qui auraient droit à un congé, ou si l'on veut, à la faveur d'un congé limité. Dans l'hypothèse, très bienveillante pour l'honorable ministre, où je me pose, à savoir qu'il libère, au moins provisoirement, tous les hommes dont il n'a (page 54) pas rigoureusement besoin, il faudra bien remplir les lacunes laissées dans nos cadres par suite de l'autorisation dont je parle. Or, messieurs, cela me semble très fâcheux. Car enfin, s'il vous convient d'être agréable au nouveau gouvernement mexicain, nous devrions l'être d'abord à nos compatriotes et ne pas faire supporter une sorte d'impôt nouveau en faveur du Mexique par la partie de notre population qui est déjà accablée du plus terrible et du plus injuste des impôts.
En second lieu, j'avoue qu'après avoir relu les lois, les règlements, les arrêtés royaux et ministériels au sujet de la milice, je n'ai pas trouvé une seule disposition légale qui autorise le gouvernement à permettre à des miliciens en activité de service ou qui ne sont pas libérés vis-à-vis de l'armée, de prendre du service à l'étranger, surtout après leur avoir permis, et ceci je l'affirme, de les libérer complètement envers l'Etat belge.
Quoi ! messieurs, à chaque instant, quand nous demandons un congé en faveur de pauvres miliciens qui éprouvent l'impérieux et noble besoin d'aller travailler pour leurs parents, on nous répond : Les intérêts du service militaire s'y opposent. Et quand un prince qui nous est, après tout, complètement étranger, vient nous demander un certain nombre d'hommes, nous les lui donnerions sans marchander !
Je n'admets point cela ; si le gouvernement disposait d'une armée de volontaires je n'aurais pas fait ma motion, mais comme, je le répète, il sera nécessaire, absolument nécessaire, de remplir les lacunes faites par cette faveur accordée au gouvernement mexicain, ce seront mille à quinze cents citoyens belges qui auront à supporter ce fardeau supplémentaire.
J'ajoute que, partisan très décidé de l'excellent principe de la neutralité belge, je vois avec peine que l'on permette ainsi à nos compatriotes d'aller prendre fait et cause en faveur d'un gouvernement étranger, car enfin les uns trouvent que la cause de l'archiduc Maximilien, aujourd'hui empereur du Mexique, que cette cause est bonne, d'autres trouvent que celle de Juarez est bonne ; eh bien, il me semble que dans un pays qui jouit du bienfait de la neutralité et où la liberté des opinions existe en plein, il ne faudrait pas que le gouvernement prît parti pour l'un ou l'autre parti militant.
Maintenant on me fait observer que le gouvernement aurait laissé mettre à la disposition de cette petite armée mexico-belge, les casernes d'Audenarde. C'est un fait qui n'est pas à ma connaissance, mais sur lequel je prie M. le ministre de vouloir bien nous donner des éclaircissements.
- Des membres. - Le fait est très vrai.
M. Coomans. - Messieurs, je ne puis donc pas me déclarer satisfait des explications fournies par le gouvernement. Je crois qu'il aurait dû s'abstenir. J'admets, je veux être très libéral, en cette matière comme en toute autre, j'admets qu'il doit être libre aux citoyens belges d'aller se battre et exposer leur vie à l'étranger les uns pour le pape, les autres pour Victor-Emmanuel ou Garibaldi, c'est tout un au fond, oui, même pour Garibaldi ; c'est leur affaire, et si un certain nombre de Belges libres, de soldats même, mais ayant rempli leurs obligations envers l'Etat, avaient pris des engagements pour le Mexique, j'aurais prié l'honorable ministre de la guerre et ses honorables collègues de ne pas considérer ces Belges-là comme ayant perdu leur nationalité ; mais ce qui s'est passé est tout autre chose : c'est le gouvernement qui intervient presque officiellement dans une opération que l'on peut trouver glorieuse, mais à laquelle je ne puis pas donner cette qualification, et cela me fait peine, de voir le gouvernement de mon pays, qui est condamné, heureusement condamné à ne jamais faire la guerre, exciter la guerre dans un pays étranger. Cela n'est pas dans le rôle de la Belgique.
M. le ministre de la guerre (M. Chazal). - Je ne me suis pas préoccupé de la cause du Mexique, je ne me suis préoccupé que d'une seule chose : l'intérêt de l'armée et celui du pays.
J'ai cru qu'il y avait un intérêt réel et pour l'armée et pour le pays à ne pas refuser à des Belges l'autorisation de servir dans la garde d'une princesse belge devenue impératrice du Mexique.
Messieurs, je tiens à m'expliquer catégoriquement. D'abord, on vient de dire que nous avons mis une caserne à la disposition du corps de volontaires en voie de formation. C'est une erreur.
M. Coomans. - Je ne l'ai pas dit ; j'ai demandé si cela était.
M. le ministre de la guerre (M. Chazal). - Eh bien, je Vous affirme que c'est la ville qui a mis cette caserne à la disposition du corps recruté pour le Mexique.
Nous n'avons pas cru, messieurs, devoir nous opposer à ce que des miliciens en congé fissent partie de ce corps ; je dis des miliciens en congé, car on ne permet pas à des miliciens sous les armes dont l'instruction n'est faite, de prendre part à des expéditions ; on n'accorde de congés qu'à ceux dont l'instruction est terminée. Tous les ans, du reste, une partie de nos miliciens en congé vont travailler jusque dans les contrées les plus éloignées de l'Europe.
J'ai encore une autre observation à faire. Je suppose que nous eussions refusé des congés qui nous étaient demandés ; que serait-il arrivé alors ? C'est que probablement au lieu de former le corps belge dans le pays, on l'aurait formé à la frontière et qu'au lieu d'avoir des hommes qui auraient régulièrement pris du service à l'étranger, vous auriez eu des hommes qui se seraient engagés irrégulièrement. Ce fait se présente chaque fois qu'il se prépare une expédition militaire à l'étranger ; et je vous dirai une chose qui vous étonnera peut-être, mais qui ne surprendra aucun de ceux qui savent ce qui se passe dans les armées et surtout dans les armées qui ne font pas la guerre ; c'est qu'il se trouve dans tous les corps des jeunes gens à nature ardente, qui ont besoin de courir les aventures et qui manquent à leurs devoirs et désertent en très grand nombre chaque fois qu'il y a apparence de guerre sur un point quelconque. Ainsi, en France, presque toute la légion étrangère était composée de Belges et je vous étonnerais sans doute si je vous disais qu'à l'heure qu'il est l'armée belge compte dans ses rangs 16,000 déserteurs. (Interruption.)
Savez-vous ce qui arrive ? C'est que ces hommes qui désertent, reviennent au bout de quelque temps dans le pays, qu'ils y sont mis en jugement et presque toujours condamnés. Après leur détention on les traite souvent comme des repris de justice ; c'est une tache ineffaçable dans leur existence ; et cependant la plupart reviennent avec des certificats magnifiques, quelques-uns avec des décorations gagnées sur le champ de bataille.
Nous avons dans l'armée une quantité de ces militaires qui ont admirablement servi à l'étranger mais qui, par suite de leur condamnation, ne peuvent pas obtenir l'avancement qu'ils méritent par leur valeur personnelle et l'expérience qu'ils ont acquise à la guerre.
Eh bien, je crois qu'on diminuera notablement le nombre de ces hommes déclassés, en autorisant, toutes les fois qu'on le pourra sans inconvénient pour le pays, une certaine catégorie de militaires à prendre service à l'étranger.
L'envoi d'un corps de soldats belges au Mexique produira un autre avantage sur lequel j'appelle votre attention. Tout ce qui est nécessaire à l'organisation et à l'entretien de ce corps sera fourni par le pays. C'est une occasion offerte à l'industrie belge de faire connaître et d'écouler ses produits dans une contrée avec laquelle nous ne faisons que peu d'affaires. Les relations que formeront au Mexique les Belges qui s'établiront dans ce pays seront également très utiles au développement de notre commerce.
Je crois donc qu'à tous les points de vue nous avions intérêt à ne pas nous opposer à la formation du corps belge destiné à servir de garde à l'impératrice du Mexique.
D'ailleurs, je n'ai aucun moyen d'empêcher le recrutement de ce corps.
Existe-t-il une loi qui me permette de défendre à des Belges de quitter le pays ? Je n'en connais aucune.
Dans tous les temps on a autorisé des militaires à prendre du service à l'étranger. Je ne vois pas pourquoi on eût agi autrement envers le corps mexicain qui se forme à Audenarde. J'ajouterai que j'éprouve une très vive sympathie pour ce corps, et pour les hommes courageux qui vont au loin faire connaître les qualités militaires qui distinguent les Belges et servir un pays devant lequel s'ouvre un brillant avenir !
M. Le Hardy de Beaulieuµ. - J'avais demandé la parole avant M. le ministre de la guerre, parce que je pensais qu'il aurait pu répondre aux observations que j'aurais présentées en même temps qu'il répondait à l'honorable M. Coomans.
Voici les faits sur lesquels je désirerais obtenir quelques explications :
L'article 121 de la Constitution est ainsi conçu :
« Aucune troupe étrangère ne peut être admise au service de l'Etat, occuper ou traverser le territoire qu'en vertu d'une loi. »
Or, je vois dans toutes les communes et sur toutes les murailles de la capitale des affiches qui nous annoncent qu'une troupe étrangère occupe une partie de notre territoire. (Interruption.)
Cette troupe est évidemment étrangère, car elle est à la solde d'un gouvernement étranger ; elle n'est pas belge, attendu que pour être belge elle aurait dû être prévue dans la loi annuelle du contingent de l'armée.
Je demande donc au gouvernement pourquoi il a autorisé cette troupe à occuper une partie du territoire belge sans avoir obtenu une loi de la législature ?
M. d'Hane-Steenhuyseµ. - Vous venez d'entendre les observations faites par mon honorable ami M. Coomans et les explications (page 55) demandées par l'honorable M. Le Hardy de Beaulieu ; je désire, à mon tour, au sujet du Mexique, dire quelques mots touchant la question commerciale.
L'honorable ministre de la guerre nous dit que l'envoi de nos soldats au Mexique pourra, pour l'avenir, être d'un grand avantage au point de vue commercial.
Certes, je n'ai pas, pour ce qui concerne les affaires militaires, l'expérience de M. le ministre de la guerre ; je me permettrai seulement, pour ce qui regarde les affaires commerciales, de vous faire part de mes idées.
Chacun de vous connaît les événements qui se passent aujourd'hui dans l'Amérique septentrionale ; la scission qui s'est produite entre le Nord et le Sud au sujet de l'esclavage selon les uns, pour d'autres motifs selon d'autres.
Cette guerre fratricide finira par avoir un terme et alors il est évident que le Mexique ne pourra pas subsister dans les conditions où il se trouve aujourd'hui.
- Voix à gaucheµ. - Qu'en savez-vous ?
M. d'Hane-Steenhuyseµ. - C'est mon appréciation. (Interruption.) J'ai habité les colonies espagnoles ; je sais ce que veulent les populations de ces pays ; elles sont tellement jalouses de leur liberté qu'elles ne souffriront pas qu'un gouvernement étranger vienne s'implanter chez elles.
Au point de vue commercial, quelle est aujourd'hui la position du commerce belge au Mexique ? Cette situation, messieurs, n'est guère prospère et vous n'avez, pour vous en convaincre, qu'à consulter le Recueil consulaire belge, M. le ministre des affaires étrangères est là, d'ailleurs, pour confirmer ce que je dis.
Notre commerce deviendra-t-il plus prospère par l'intervention de soldats belges au Mexique ? J'en doute très fort.
Nous sommes dans l'alternative : ou bien de voir le gouvernement de l'empereur Maximilien s'y établir, et alors, je ne sais pas trop si l'histoire ne reprochera pas un jour à la Belgique d'avoir aidé à la formation d'un gouvernement en opposition avec les institutions actuelles du Mexique ; ou bien d'être repoussé un jour avec un gouvernement antinational et de perdre ainsi nos relations antérieures.
Car, ne vous le dissimulez pas, messieurs, le Moniteur français qui a de très grandes complaisances pour cette malheureuse expédition, nous fait à son sujet des rapports qu'il est impossible de qualifier, tant ils s'éloignent du véritable état des choses.
Pour moi, messieurs, qui connais les anciennes colonies espagnoles mieux, je pense, que ceux qui rédigent le Moniteur français ; pour moi qui n'ai aucune espèce de raison de cacher la vérité, je puis vous assurer, sans crainte d'être démenti, qu'un cinquième à peu près du Mexique appartient à l'intervention française et que les quatre autres cinquièmes acclament encore Juarez.
Dans cette situation, que va faire de l'autre côté de l'Atlantique le corps d'intervention belge ?
M. le ministre de la guerre nous a dit tantôt que nous avons permis autrefois à des officiers de se rendre en Algérie et en Portugal.
Je crois, si mes souvenirs sont exacts, que des autorisations de ce genre n'ont été accordées et ne s'accordent généralement aux officiers que pour leur permettre d'aller s'instruire auprès de nations qui font la guerre dans un but de civilisation, comme c'était le cas dans l'expédition dirigée contre l'Algérie, et alors surtout que cette autorisation ne porté aucune atteinte à notre neutralité. Mais, dans la situation où se trouve aujourd'hui le Mexique, en présence d'un gouvernement qui cherche à s'y établir par la force, par la violence, je crois que la Belgique doit se garder d'y envoyer des soldats et de permettre qu'un corps militaire se forme chez elle pour aller soutenir à l'étranger un gouvernement qui non seulement n'est pas encore parvenu à s'y établir, mais qui n'est pas même encore reconnu par la plus grande partie des puissances des continents européen et américain.
Vous savez, messieurs, quel a été le résultat immédiat de la formation de l'Empire du Mexique : depuis l'isthme de Panama jusqu'au sud de la Patagonie, c'est-à-dire dans toutes les républiques de l'Amérique méridionale, depuis l'Equateur jusqu'à Buenos-Ayres, il y a une levée générale de boucliers contre cette nouvelle forme de gouvernement ; il y a une volonté énergique d'y faire une opposition à outrance.
Or, messieurs, je vous le demande, en présence du danger que peut offrir bientôt un rapprochement entre le Nord et le Sud ; alors que les Etats qui les composent se donneront de nouveau la main pour, en vertu de la doctrine de Monroe, renverser et expulser les impérialistes du sol mexicain, quelle sera notre situation au point de vue commercial ? La réponse est claire et facile : c'est qu'au lieu des avantages très éventuels que peut vous offrir le Mexique, vous aurez contre vous les Etats-Unis et que leur inimitié portera peut-être à notre commerce, si important avec eux, une atteinte mortelle.
Voilà, messieurs, pour le moment, les considérations que j'avais à soumettre à l'appréciation de la Chambre.
M. Goblet. - Messieurs, je comptais également interpeller M. le ministre de la guerre au sujet du corps belge destiné à prendre rang dans l'armée mexicaine.
La question constitutionnelle ne me paraît pas devoir être traitée aussi légèrement qu'on veut bien le faire. La Constitution dit positivement dans l'article qu'a cité l'honorable M. Le Hardy de Beaulieu, qu'aucun corps étranger ne peut, sans une loi, occuper un point quelconque du territoire belge.
Le corps est-il belge ? le corps est-il étranger ? S'il est belge, avons-nous le droit d'envoyer un corps belge comme corps belge au Mexique ? S'il est étranger, de quel droit occupe-t-il le territoire belge ? Cette question est nette et précise.
Maintenant, comment ce corps est-il organisé ? Il ne l'est pas, comme on a eu l'air de dire, à la suite d'une initiative personnelle et individuelle, il est organisé sous des influences puissantes. Et pourquoi faire intervenir ainsi la famille royale qui ne s'est jamais mêlée de l'organisation de ce corps ?
Pourquoi voyons-nous sur les murs de la capitale des proclamations signées d'un lieutenant général qui s'est illustré en Belgique, en présidant pendant un grand nombre d'années, à l'instruction des officiers de notre année, comme commandant de l'école militaire ? La main du gouvernement se manifeste ouvertement dans toute cette affaire ; son intervention y est réelle.
L'honorable général Chazal vient de dire qu'on ne peut pas empêcher la formation du corps destiné au Mexique.
Je demande pardon à l'honorable ministre : la qualité de Belge se perd, quand on ne se conforme pas aux formalités légales ; un Belge ne peut aller servir à l'étranger sans l'autorisation royale.
Ainsi, si le corps mexicain n'était pas autorisé d'une manière régulière, tout le corps cesserait d'être belge.
Mais il y a encore d'autres questions qui se présentent. Et d'abord la question de la neutralité. Dans quelle position sera votre corps au Mexique ? Vous aurez un chef de bataillon belge, qui sera revêtu du grade de colonel pour commander le corps de 2,000 hommes. Ce grade fera rejaillir plus d'éclat sur le corps, je le veux bien ; mais les commandants supérieurs seront des officiers étrangers.
Je déplore que des Belges se soient engagés pour aller servir au Mexique ; mais vous ne pouvez pas dire qu'en Belgique il est facile de trouver des gens qui soient disposés à prendre un engagement militaire pour l'étranger. Cela n'est pas exact. Si chaque fois qu'une guerre éclatait quelque part, nous voyions une masse de Belges déserter notre armée pour aller combattre sous les drapeaux étrangers, c'est que nous ne serions plus animés de sentiments de patriotisme, c'est que nous ne serions plus qu'un peuple de mercenaires. Eh bien, je le répète, cela n'est pas : le Belge est plus que tout autre attaché de cœur et d'âme à sa patrie. Vous vous le rappellerez, messieurs, toutes les tentatives d'émigrations civiles qu'on a voulu faire, ont échoué. II en est de même des soldats ; la même répugnance à quitter le pays se manifeste chez eux. Si quelques membres de notre armée ont déserté, je m'en afflige. Ces Belges-là ne méritent aucune considération.
M. le ministre de la guerre a parlé de 16,000 déserteurs. Est-ce là le nombre des déserteurs depuis 1830 ? où est-ce le nombre des déserteurs seulement depuis un certain nombre d’années ? Je suis sûr que c’est le chiffre des déserteurs depuis 1830. Ce n’est pas possible autrement. Dans tous les cas, ce n'est pas à nous à donner une publicité éclatante à ce fait.
Maintenant je demanderai si tous les Belges qui se sont engagés ont obtenu régulièrement un congé ; leur congé est-il limité ? Je m'en rapporterai, sur ce point, à la réponse loyale de M. le ministre de la guerre.
Dans tous les cas, si les congés ont été accordés régulièrement, c'est une nouvelle charge imposée, au point de vue du service de la milice, à la population belge.
Je ne puis admettre l'opinion que des jeunes gens qui ne peuvent se renfermer dans les limites d'une vie régulière, en Belgique, ont uniquement le désir de chercher des aventures à l'étranger. J'ai reçu plusieurs demandes auxquelles je n'ai pas voulu le moins du monde m'intéresser, parce que j'étais sûr de ne pas réussir, non pas par le mauvais vouloir de M. le ministre de la guerre ou de la personne de qui cela dépendait, mais je savais qu'on ne recevait dans le corps que des soldats qui n'ont pas encouru de punitions très graves. Ainsi, des soldats qui avaient été enfermés disciplinairement à diverses reprises n'ont même pu entrer dans le corps. Si cela est, c'est bien, et je ne puis qu'applaudir à cette précaution.
(page 56) Il y a encore un argument très puissant à opposer à l'honorable ministre. Des miliciens qui ont été exercés dans le pays, sur lesquels nous avons prélevé l'impôt du droit que nous ne pouvons exercer qu'uniquement au profit de notre nationalité, quittent le pays avant que le terme de leur service soit expiré. Mais c'est là un capital que nos populations ont donné à l'Etat et que nous ne pouvons pas aliéner.
Supposons que nous soyons obligés de mettre notre armée sur le pied de guerre. Pourriez-vous faire revenir le corps de 2,000 hommes ? Impossible en pratique, le temps, les moyens vous manqueront. Supposons un blocus, une guerre maritime, comment pourrez-vous faire revenir ces soldats qui seraient employés si utilement pour défendre leur patrie ?
Voilà toutes considérations auxquelles on n'a pas songé et qui ont un caractère extrêmement sérieux.
Maintenant quel est le but politique de la mesure ? C'est d'envoyer 2,000 Belges se noyer au milieu d'un peuple conquis, conquête que 25,000 Français ont payée de leur sang, de leur argent et de leur vaillance, à ces vieux soldats de la guerre d'Italie, qui restent français et autrichiens en gardant hautement leur drapeau. Nos concitoyens, quelque braves qu'ils soient, n'ont pas eu l'occasion de se distinguer et dans ce milieu, ils ne peuvent prendre le rang qui leur convient. Mais pourquoi devons-nous aller nous associer à ce qui s'est fait dans ce pays ? La main sur la conscience, quelqu'un pourrait-il justifier la conduite qui a été tenue envers le Mexique ? N'a-t-on pas envahi ce pays sans aucun motif ? Le Mexique ne demandait-il pas à faire la paix ? Ne voulait-il pas entrer en arrangement pour payer l'indemnité qu'on réclamait ? La guerre qu'on lui a faite n'a pas été justifiée d'une manière bien sérieuse jusqu'à présent. Nous ne devions pas nous associer à la responsabilité grave que cette guerre a entraînée pour une autre puissance.
Je bornerai là mes observations.
M. le ministre de la guerre (M. Chazal). - M. Goblet raisonne absolument comme si c'était le gouvernement qui organise le corps belge ; or, le gouvernement n'organise rien. Il se borne à ne pas faire opposition au recrutement de ce corps.
- Un membre. - Il devrait y faire opposition.
M. le ministre de la guerre (M. Chazal). - On a beaucoup parlé d'un général, mais ce général est à la retraite et il a agi sans caractère officiel et par pur dévouement à ce qu'il croyait avantageux pour la Belgique.
On considère le corps qui est à Audenarde comme un corps étranger. Cela n'est pas exact ; ce sont des Belges qui se réunissent dans un but commun et qui se rendent au Mexique dans l'espoir d'y trouver des avantages et d'y rendre des services, sans perdre leur nationalité et sans renoncer à l'espoir de servir un jour leur patrie, si les circonstances venaient l'exiger.
Le gouvernement n'a fait qu'une chose, c'est d'accorder à quelques militaires l'autorisation de servir à l'étranger et il l'a fait sans dégarnir les régiments.
On a raisonné aussi comme si tout le corps était composé de miliciens ; or, beaucoup d'hommes engagés à Audenarde ne font plus partie de l'armée ; ce sont pour la plupart d'anciens soldats qui ont fini leur temps de service en Belgique. Voilà la situation ; il me semble qu'elle est bien simple.
Je ferai remarquer au surplus que le corps mexicain que l'on représente comme si nombreux, compte à peine 700 hommes.
M. Guillery. - Il résulte des explications données par M. le ministre de la guerre, que tout au moins le gouvernement a favorisé l’organisation d’un corps belge qui doit aller servir au Mexique.
Il l’a favorisé en accordant aux soldats et aux officiers qui feraient partie de ce corps le privilège de ne pas perdre leur qualité de Belge, bien que prenant du service à l’étranger.
Je sais qu'il y a des précédents en pareille matière, qu'on a permis à des officiers belges d'aller faire leur éducation militaire dans l'armée française et dans d'autres armées sans perdre leur qualité de Belge et de revenir en Belgique avec une décoration noblement conquise.
Ce n'est pas là ce qu'on peut blâmer, mais nous devons blâmer l'organisation sur le sol belge d'un corps que nous rencontrons en uniforme dans nos rues, d'un corps qui est logé dans des casernes appartenant à la ville, il est vrai, mais dont l'administration et la police appartiennent au ministre de la guerre.
M. le ministre de la guerre (M. Chazal). - Je vous demande pardon.
M. Guillery. - Je vous demande pardon à mon tour ; il y a un règlement de 1811 qui détermine le service dans la garnison et qui donne au commandant de place la police des casernes.
Je crois qu’à cet égard il n'y a pas de contestation possible. Si le gouvernement abandonne une caserne, s'il lui enlève sa destination de caserne, la ville peut en disposer ; mais à coup sûr le gouvernement permettant à un corps d'armée de loger dans une caserne sans faire aucune observation, il y a là de sa part une autorisation tacite.
- Une voix. - C'est positif.
M. Guillery. - Il y a donc de la part du gouvernement le fait de favoriser l'organisation d'un corps belge qui doit aller servir au Mexique par suite de l'autorisation formelle donnée aux soldats de ce corps de ne pas perdre leur nationalité et par suite des facilités accordées pour le recrutement même au sein de nos régiments.
M. le ministre de la guerre a recommandé de ne pas affaiblir les régiments, c'est fort bien, mais ces recommandations prouvent que des instructions ont été adressées aux colonels. Il y a donc là bienveillance de la part du gouvernement. Eh bien, je vois là une violation de l'article 121 de la Constitution, qui ne permet pas qu'un corps étranger occupe le territoire, ni même le traverse.
Un escadron, une compagnie étrangère ne peut traverser le territoire, et on permet à un corps de s'y organiser et de porter l'uniforme sans que la Chambre ait été consultée sur l'intervention indirecte de la Belgique dans les affaires du Mexique.
A cet égard, le gouvernement a complètement méconnu ses devoirs. La Belgique est un pays neutre ; elle trouve sa force dans sa neutralité ; c'est dans le respect des lois et des traités, c'est dans sa position politique comme dans sa position géographique, dans le respect de l'indépendance des autres peuples et dans le respect du droit public qu'elle trouvera sa sauvegarde dans l'avenir.
Et que faites-vous ? Vous envoyez un corps belge à la suite de la gloire impériale pour aller imposer à un peuple libre un gouvernement despotique.
Nous n'avons pas à juger les gouvernements étrangers. Je ne suis pas de ceux qui viennent faire en Belgique de l'opposition au gouvernement français ; je respecte ce gouvernement, qui a toujours été loyal envers la Belgique. Mais lorsque nos soldats prennent part à une expédition française, j'ai le droit d'en apprécier le caractère ; j'ai le droit de dire que la grande faute du règne de Napoléon, c'est l'expédition mexicaine. Et c'est à propos de cette expédition que nous méconnaissons les traités, que nous allons prendre part à une guerre qui ne nous concerne ni de près ni de loin, où nous n'avons rien à gagner si ne n'est peut-être la vente de quelques aunes de drap que l'on a cru pouvoir nous offrir en compensation de notre sécurité compromise.
M. Coomans. - Et quelques décorations.
M. Guillery. - Et quelle est la position de ce corps ? On nous dit : Le Mexique n'est pas en guerre ; le gouvernement du Mexique est reconnu par la plupart des puissances. Mais est-il reconnu par le peuple auquel on veut l'imposer ? N'est-ce pas là que doit être notre grande préoccupation ?
Quoi ! si une nation ennemie venait occuper notre territoire, en versant des flots de sang à l'exemple des Français au Mexique, direz-vous que cette puissance est reconnue parce que nous n'aurons d'autre refuge que quelque coin du sol où les derniers débris de nos légions viendraient verser la dernière goutte de leur sang ?
Mais demain peut-être les Etats-Unis feront la paix, demain peut-être le Sud et le Nord vont s'entendre...
M. de Brouckere. - Tant mieux.
M. Guillery. - Tant mieux pour eux, oui ; mais tant pis pour votre expédition du Mexique, car le jour où ces fiers républicains voudront balayer les despotes du sol de l'Amérique, croyez-le bien, ce ne seront pas vos légions, ni les légions françaises qui pourront les arrêter. Ces fiers soldats, quand ils luttent entre eux, peuvent trouver des adversaires dignes de leur courage ; mais quand ils auront à défendre l'inviolabilité de leur sol ils seront invincibles.
Voilà la position que vous voulez faire aux Belges, à ces citoyens d'une république avec un président héréditaire comme on l'a répété en 1848, dans toutes les proclamations et dans toutes les circulaires.
La position est celle-ci : Ou ils perdront leur qualité de Belge en continuant à servir un prince qu'ils ont juré de défendre, ils perdront la qualité de Belge en combattant le peuple libre qui se défendra et le peuple libre qui viendra au secours de sa nationalité ; ou ils reviendront prudemment en Belgique, quittant leur drapeau, après avoir servi de garde d'honneur à Mexico, quand il n'y avait que des décorations à recueillir ou des parties de danse à conduire ; ils partiront le jour où le canon grondera ! Non, il n'y a pas un seul Belge qui reviendra ; il n'y aura pas un Belge qui quittera son poste ; vous les mettez dans la position la plus pénible, la plus insoutenable qu'un homme de cœur puisse avoir.
Voilà ce que vous auriez dû leur dire, et si vous ne connaissez pas (page 57) l'article 21 du Code civil, comme on l'a dit avec naïveté, vous auriez dû connaître les sentiments qui devaient vous faire tenir un pareil langage.
Non, messieurs, de quelque manière qu'on envisage la question, cette création c’est un acte déplorable pour la Belgique. C'est une violation de la neutralité, c'est une condamnation de la politique si sage, si modérée, si réservée, si honorable qu'elle a observée pendant vingt-neuf années ; c'est prendre parti dans une question où elle n'avait rien à voir ; c'est prendre parti, non pas comme la France qui a été entraînée par des événements dont elle n'a pas toujours été la maîtresse ; c'est prendre parti de gaieté de cœur dans une question où elle n'avait rien à faire.
Je dis donc que, sous tous les rapports, la faveur accordée par le gouvernement, la permission seule qu'il a donnée à des soldats d'aller servir à l'étranger dans des conditions semblables, est un acte déplorable et hautement blâmable.
MfFOµ. - Messieurs, il me semble que l'honorable préopinant donne à la question qui a été soulevée, des proportions qu'elle ne comporte en aucune façon.
Suivant l'honorable membre, le gouvernement aurait fait un acte d'intervention ; le gouvernement aurait organisé un corps belge, et il se disposerait à faire une expédition au Mexique.
M. Guillery. - Je n'ai pas dit cela. Je dis qu'il a favorisé la formation d'un corps belge pour aller servir au Mexique sans perdre la qualité de Belge.
MfFOµ. - Je crois reproduire fidèlement la pensée qui a été exprimée, d'ailleurs, avec une grande exagération, et en se plaçant tout à fait à côté de la réalité.
Le gouvernement n'est pas intervenu dans cette affaire. (Interruption.) Permettez : Nous arriverons tout à l'heure à ce qu'il a fait.
Le gouvernement ne peut être accusé du genre d'intervention dont on vient de parler ; le gouvernement n'a pas organisé de corps d'armée ; le gouvernement n'entreprend pas d'expédition ; le gouvernement n'intervient pas au Mexique, à quelque titre que ce puisse être.
Le gouvernement a fait une seule chose ; il a accordé à quelques officiers, à un certain nombre de Belges qui ont demandé l'autorisation d'aller servir à l'étranger...
M. Coomans. - Des soldats.
MfFOµ. - A des officiers, à des soldats, à des Belges enfin qui ont demandé à aller servir à l'étranger...
M. d'Hane-Steenhuyseµ. - Vous saviez qu'ils allaient au Mexique.
MfFOµ. - Certainement ; je viens de le dire. Le gouvernement a donc accordé à un certain nombre de nos nationaux l'autorisation d'aller servir à l'étranger, en conservant leur qualité de Belges.
En quel cas le gouvernement doit-il refuser de semblables autorisations ? Evidemment, il doit les refuser quand ces autorisations pourraient avoir des conséquences dangereuses pour les intérêts du pays, il doit les refuser quand elles pourraient être considérées comme une infraction aux devoirs que la neutralité belge nous impose. C'est seulement alors qu'il doit refuser de semblables autorisations.
Est-ce que cette hypothèse se présentait dans la circonstance qui nous occupe ?
M. Goblet. - Oui.
MfFOµ. - Est-ce que la neutralité belge pouvait être compromise par les autorisations qui ont été données ? Les intérêts du pays étaient-ils compromis dans la situation spéciale dont il s'agit ? Personne assurément ne pourrait sérieusement soutenir pareille chose ! On peut bien l'énoncer ; on peut bien l'affirmer même, à titre de mouvement oratoire ; mais incontestablement, en droit, on ne peut soutenir que l'acte, très insignifiant en lui-même que l'on reproche au gouvernement, pourrait jamais avoir les fâcheux résultats qui ont été indiqués.
Et pourquoi, messieurs, cette assertion n'est-elle pas sérieusement soutenable ? Parce qu'il y a au Mexique un gouvernement de fait, un gouvernement régulier quant à nous, le gouvernement que nous avons reconnu, que d'autres puissances ont reconnu avec nous, qui se trouve reconnu aujourd'hui par la France, par l'Espagne, par l'Italie, par l'Autriche, par les Pays-Bas (Interruption) ; l'Angleterre elle-même a déclaré qu'elle le reconnaîtrait dans certaines circonstances données. Il y a donc au Mexique un gouvernement qui est reconnu, en général, par les nations civilisées et qui n'est en guerre avec aucune puissance européenne. Et il aurait fallu que, dans la situation particulière où l'on se trouvait, alors que le souverain reconnu du Mexique est allié si intimement à la dynastie belge, il eût fallu, dis-je, que le gouvernement répondît à ces quelques officiers et à ces 5 à 600 soldats belges qui demandaient à aller servir au Mexique : Non, vous n'irez pas, si ce n'est en perdant votre qualité de Belge !
Eh bien, messieurs, je n'hésite pas à le déclarer, je trouve que c'eût été là un acte exorbitant. Cet acte, nous n'avons pas jugé, en présence d'une situation toute particulière, devoir le poser, et les autorisations sollicitées ont été accordées.
Est-ce à dire que l'octroi de ces autorisations constitue de notre part une intervention quelconque ? Messieurs, je le nie de la manière la plus formelle. Le gouvernement s'est tout simplement borné à ne pas faire application de la pénalité que pouvaient encourir les Belges qui prennent du service à l'étranger sans autorisation préalable. Là s'est absolument bornée l'action du gouvernement.
Or, était-ce bien le cas d'infliger la pénalité dont il s'agit ?
On nous dit : dans quelque temps, lorsque la paix sera faite entre le Nord et le Sud des Etats-Unis, le gouvernement américain, voulant appliquer la doctrine de Monroe, s'efforcera d'expulser le gouvernement qui se trouve aujourd'hui installé au Mexique, et qui est ce gouvernement de fait que la loi des nations nous a fait une obligation de reconnaître.
Eh bien, messieurs, si cette hypothèse se présentait, si les intérêts belges pouvaient, par suite d'une pareille situation, se trouver compromis, qu'arriverait-il ? Mais évidemment que le gouvernement enjoindrait aux Belges de rentrer dans le pays, et, à défaut par eux d'obtempérer à cette injonction, ils perdraient leur nationalité. C'est alors, mais alors seulement, que la pénalité pourrait équitablement leur être appliquée. En prenant cette attitude loyale vis-à-vis du gouvernement qui croirait avoir à se plaindre d'une intervention même tout à fait indirecte, nous serions affranchis de toute espèce de responsabilité.
Messieurs, je le répète : l'autorisation donnée à un certain nombre d'officiers ou de soldats belges d'aller servir à l'étranger est le seul acte que le gouvernement ait posé à propos de cette affaire, et l'on vous a démontré qu'il n'était guère possible de refuser cette autorisation, à cause des nombreux précédents que l'on vous a cités. Or, messieurs, je le demande, est-il juste, est-il raisonnable de conclure de là que l'expédition dont il s'agit est en quelque torte notre fait et d'aller même jusqu'à prétendre qu'il y a une intervention de notre part dans les affaires mexicaines ? C'est là évidemment une exagération que la Chambre appréciera. Non ! il n'y a eu ni intervention, ni même approbation à un degré quelconque.
Je puis prouver que le Gouvernement a rejeté résolument certaines demandes qui lui ont été faites, dans le simple but de faciliter, jusqu'à un certain point, l'équipement du corps qu'il s'agissait de former. J'en ai la preuve écrite.
M. Orts. - Vous avez très bien fait.
MfFOµ. - Certainement ! Et nous l'avons fait parce que nous voulions nous maintenir sur le terrain que je viens d'indiquer, c'est-à-dire que nous voulions uniquement ne pas appliquer la pénalité aux Belges qui demandaient à prendre du service au Mexique.
Nous ne sommes pas ici les juges des gouvernements, ni les juges des causes en litige. Individuellement nous pouvons avoir notre appréciation sur les prétentions des gouvernements, sur les droits des peuples, sur la cause des idées libérales ou sur celle du pouvoir absolu. Mais ces opinions ne peuvent exercer aucune espèce d'influence sur les déterminations du gouvernement. C'est en vertu de ces principes d'une politique sage et impartiale que nous avons reconnu le royaume d'Italie. Nous avons également déclaré alors que nous n'entendions pas nous prononcer en faveur de telle ou telle cause, ayant uniquement à prendre en considération le fait d'un gouvernement réel, en possession complète des pouvoirs publics. Ce n’est qu'avec un gouvernement établi dans ces conditions que nous pouvions nouer des relations officielles. De même, au Mexique, il y a un gouvernement de fait que nous n'avons pas à apprécier, que nous n'avons pas le droit de blâmer, pas plus que nous n'avons eu à nous prononcer quant au gouvernement italien. Il n'y avait donc aucune raison de poser cet acte exorbitant, de priver de leur nationalité des citoyens belges qui voulaient librement aller offrir leurs services à ce gouvernement.
MpVµ. - La proposition suivante a été déposée sur le bureau :
« La Chambre regrette que le gouvernement ait autorisé la formation en Belgique d'un corps de militaires belges au service d'un Etat étranger, et propose l'ordre du jour. »
M. Orts. - Messieurs, je n'entends pas me prononcer sur l'ordre du jour avant de l'avoir entendu développer par le membre à l'initiative duquel il est dû ; je voulais seulement faire quelques réserves sur les opinions émises, d'une part, par M. le ministre des finances, de l'autre, par l'honorable M. Coomans.
Pour ma part, j'ai toujours vu avec le plus vif regret des Belges préférer le service étranger au service de leur pays, Il n'est point à nos (page 58) yeux de carrière militaire plus honorable pour les enfants du pays, que celle qui a pour but de les mettre à même de défendre sur le sol natal l'indépendance et l'intégrité de la patrie.
Je regrette beaucoup toute démarche faite ou tolérée dans un but contraire, mais je reconnais en même temps, parce que cela est de justice évidente, que ce que l'on blâme aujourd'hui très énergiquement à droite, a été, à maintes reprises, toléré par des gouvernements appartenant à toutes les opinions. J'ai le vif désir que ces précédents ne soient plus suivis à l'avenir ; je serais extrêmement heureux que la marche ancienne n'influât point sur la marche à venir ; mais puisqu'on pose des principes contraires aux miens et qu'ils ont été appliqués depuis 34 ans par des hommes de toutes les opinions qui se sont succédé aux affaires, je demande que si l'on persiste dans cette voie, on applique la même règle à tout le monde. On tolère l'engagement pour aller servir au Mexique, on tolère l'enrôlement pour servir en Portugal, je demande que cette tolérante, que cette bienveillance, si, malgré moi, elles continuent, soient acquises demain à tout corps belge qui voudrait se former dans les mêmes conditions pour aller porter son appui à cette grande œuvre de l'indépendance complète de l'Italie.
Cette œuvre, je l'espère, sera reprise un jour prochain. L'Italie n'oubliera pas cette noble devise : « Tant qu'il reste à faire, il faut faire. » Elle n'oubliera pas, je l'espère, pour son honneur que tant que Venise et Rome ne seront pas réunies au royaume d'Italie, la lutte est un devoir. Eh bien, le jour où cette œuvre sera reprise, je demande que sur le sol belge les amis de M. Coomans comme les miens appuient ceux qui voudraient former des corps militaires pour servir la cause de l'Italie contre tous les gouvernements qui ne vivent sur ce sol que par l'appui des baïonnettes étrangères.
M. Coomans. — Si je demande à la Chambre la permission de prendre une troisième fois la parole, c'est parce que j'y suis en quelque sorte provoqué par l'honorable M. Orts, qui m'engage à développer l'ordre du jour. Je croyais l'avoir développé suffisamment et je croyais surtout que les excellentes raisons données par d'honorables préopinants, par M. Goblet entre autres, suffisaient seules pour déterminer la Chambre à adopter ma proposition.
J'ajouterai cependant, répondant à l'honorable M. Orts, que je n'admets pas du tout l'hypothèse où il se place avec moi. Je ne pactise pas avec les principes que je réprouve ; je regrette que l'honorable M. Orts abandonne si vite les siens. L'honorable M. Orts a déclaré d'abord qu'il n'approuvera jamais l'intervention militaire des Belges à l'étranger. Il a blâmé les précédents de ce genre.
Telle est la première partie de son discours.
La deuxième jure singulièrement avec celle-là. M. Orts nous engage à laisser recruter une armée sur le sol belge pour le roi Victor-Emmanuel ou pour Garibaldi. C'est tout un.
Il me semble que la conclusion n'est pas conforme aux prémisses. N'est-ce pas de l'inconséquence ?
Ce reproche ne peut m'être adressé, à moi qui ne veux pas que l'on recrute en Belgique pour qui que soit.
M. Orts. - Pas même pour le pape ?
M. Coomans. - Pas même pour le pape.
Si vous avez cru m'embarrasser par cette interruption, vous vous êtes singulièrement trompé, vous ne m'avez pas embarrassé le moins du monde.
Si l’un ou l’autre de nos compatriotes veut aller se battre pour le pape, je n’ai rien à redire, je veux bien que la liberté individuelle aille jusque-là ; mais si un ministère que vous appelleriez « clérical » formait un corps belge pour aller soutenir la cause papale à Rome ou ailleurs, je blâmerais cela et je ferais ce que l’honorable M. Orts n’ose pas faire vis-à-vis d’un gouvernement composé de ses amis.
Si cette idée avait figuré dans le programme de M. Dechamps, qui est mon intime ami, je m'en vante, je l'aurais combattue avec d'autant plus de force qu'il est mon ami. On prouve sa loyauté et sa logique quand on défend ses principes contre ses amis. Mais je suis bien sûr que mon honorable ami n'a jamais songé à former officiellement à Audenarde ou ailleurs des bataillons belges pour aller soutenir la cause du saint-père. (Interruption.)
Ainsi il est bien certain que nous ne voulons pas que le gouvernement belge favorise jamais officiellement la formation d'un corps belge au profit de la cause du pape. Je dis « nous », parce que je suis convaincu que je parle ici au nom de mes amis politiques.
- Plusieurs membres. - Certainement. C'est cela.
M. Coomans. - Après cette déclaration, n'ai-je pas le droit de blâmer haut et ferme ce qui s'est fait au profit du nouveau gouvernement mexicain ? (Interruption.)
On n'a pas répondu à ce dilemme posé par l'honorable M. Goblet ; « Ou c'est un corps belge qui se trouve dans les casernes d'Audenarde ou c'est un corps étranger. » Je vous laisse le soin d'en déduire les conséquences.
Il ne s'agit pas ici d'une question de parti. Ce que je viens d'avoir l'honneur de vous dire le démontre. II s'agit d'une question nationale. Il s'agit surtout d'une question d'avenir. Et si aujourd'hui nous appuyons complaisamment le gouvernement mexicain, de quel front oserons-nous refuser à de plus puissants que nous la formation de corps belges au profit de la France, de la Prusse ou de l'Angleterre peut-être ? Nous aurons posé un antécédent fâcheux dont nous subirons les conséquences, tandis que si nous sommes sévères dans cette circonstance-ci, nous dirons avec raison à d'autres : « Non possumus. » Nous avons refusé pour le Mexique, nous refusons pour tous ; nous sommes neutres, c'est notre intérêt et notre gloire.
Pour ma part, messieurs, je suis enchanté que l'armée belge soit condamnée à ne jamais se battre. C'est la plus belle position pour une armée neutre comme la nôtre. (Interruption.) C'est ma conviction, et je suis persuadé que tous nos militaires intelligents et honnêtes sont parfaitement de mon avis, à commencer par l'honorable général Chazal qui aime trop notre pays, j'aime à le croire, pour désirer même in petto d'avoir l'occasion de déployer ses talents guerriers sur les champs de bataille.
Messieurs, ce qui a été fait en faveur du gouvernement mexicain est une attaque directe contre la neutralité de la Belgique. C'est le précédent le plus dangereux qu'il soit possible de poser.
Maintenant l'ordre du jour que j'ai déposé est connu dans les termes les plus anodins ; en voulez-vous de plus anodins encore ? Soit ; proposez-les ; tout ce que je veux c'est de réserver l'avenir. Engageons le gouvernement le plus poliment du monde, mais engageons-le à ne plus marcher dans la voie dangereuse et illégale qu'il a suivie.
J'insiste donc sur l'adoption de l'ordre du jour que j'ai eu l'honneur de déposer, et j'invite tous mes collègues de la gauche à le voter dans l'intérêt de la patrie, dût-il être désagréable aux chefs de leur parti.
M. d'Hane-Steenhuyseµ. - Messieurs, vous avez tous remarqué, comme moi, que M. le ministre des finances a été excessivement faible dans sa réponse aux généreuses paroles de l'honorable M. Guillery. L'honorable membre a parfaitement exposé la question et il a prouvé au gouvernement qu'il s'est écarté des règles établies par notre Constitution, par notre pacte fondamental, en autorisant, dans le pays, la formation d'un corps destiné à se rendre à l'étranger, pour aller y soutenir un principe qui cherche à s'établir, non pas dans un but civilisateur, mais par la force, par la violence et contre le gré de la grande majorité de la population.
M. le ministre des finances semble faire bon marché de la position que pourraient faire au Mexique les Etats-Unis réconciliés.
N'est-ce pas un impérieux devoir pour nous de discuter l'éventualité d'un pareil résultat, alors que nos compatriotes engagent dans cette lutte leur vie, et ce qui est plus important encore pour la Belgique, sa neutralité ?
Des officiers fédéraux, avec lesquels je me suis trouvé à différentes reprises, ont toujours été unanimes à me dire qu'après le rétablissement de la paix, la première préoccupation des Etats-Unis sera de reconstituer la république au Mexique et d'en expulser l'empereur Maximilien.
Messieurs, avant de finir je désire vous parler encore de la situation fâcheuse faite à notre pavillon dans cette affaire, et ce, au point de vue commercial. J’appelle sur cette question toute l'attention de M. le ministre des affaires étrangères. Nous devons considérer la neutralité de la Belgique non seulement au point de vue de nos rapports politiques, internationaux, mais encore au point de vue d'une guerre maritime possible.
Je suppose que les Etats-Unis déclarent la guerre à la France, il est évident que ceux qui auront prêté leur aide et secours à la France ne jouiront plus de la plénitude de leur liberté ; et que si la Belgique se trouvait dans cette position elle courrait grand risque de voir sa marine bloquée dans l'Escaut ; qu'elle verrait probablement se fermer la route des mers, tandis qu'aujourd'hui elle peut les sillonner librement à l'abri de son pavillon neutre et partout respecté.
Un mot encore, messieurs. L'un de MM. les ministres a fait remarquer tout à l'heure, à propos du Portugal, que lors de la guerre que ce pays a eu à soutenir, des Belges allèrent prendre du service dans son armée. Je n'ai qu'une chose à dire à cet égard, c'est qu'à cette époque la Belgique n'était pas encore définitivement constituée.
MfFOµ. - Si ! si !
M. Thonissenµ. - La Belgique n'était pas neutre alors.
M. d'Hane-Steenhuyseµ. - Je pense, dans tous les cas, que la situation était tout à fait autre que celle d'aujourd'hui. C'est encore un point qu'avec tous les autres je soumets à l'appréciation de la Chambre.
M. Bara - (page 59) Je prends la parole pour m'expliquer sur la proposition de l'honorable M. Coomans. Cette proposition est ainsi conçue :
« La Chambre regrette que le gouvernement ait autorisé la formation en Belgique d'un corps de militaires belges au service d'un Etat étranger, et passe à l'ordre du jour. »
Vous comprenez, messieurs, qu’il est impossible, à la droite comme à la gauche, d'accepter cet ordre du jour. En effet, si le gouvernement avait autorisé la formation d'un corps belge sur son territoire pour être employé au service d'une nation étrangère, l'expression d'un simple regret serait une dérision de la part de la Chambre ; il faudrait immédiatement renverser le ministère qui aurait posé un tel acte, parce que cet acte serait contraire à la Constitution.
Le gouvernement ne peut pas autoriser la formation d'un corps belge destiné à aller servir à l'étranger.
La proposition de l'honorable M. Coomans va certainement au-delà de sa pensée, quand il dit dans son ordre du jour que le gouvernement a autorisé la formation d'un pareil corps et qu'il se borne à regretter seulement sa conduite.
Je ne veux pas non plus qu'en Europe et en Amérique, on puisse croire que le gouvernement a autorisé la formation d'un corps belge pour aller servir au Mexique, parce que cela, je veux le croire, est contraire à la vérité, et pourrait nuire à notre position politique.
Mais, messieurs, tout en repoussant l'ordre du jour de l'honorable M. Coomans, je crois que la Chambre a quelque chose à faire dans l'intérêt des principes qui sont la sauvegarde de notre neutralité. Il est évident, messieurs, que la Belgique, par sa position spéciale, ne peut intervenir dans les luttes dont les pays étrangers peuvent être le théâtre. Il est évident qu'elle ne peut pas intervenir pour un gouvernement qui naît contre un gouvernement que l'on croit tombé. Il est évident que, peuple sorti de la volonté nationale, elle doit respecter la volonté populaire des autres nations. C'est pourquoi, moi-même, me plaçant à un haut point de vue du droit public, comprenant les origines de notre nationalité et de notre indépendance, sachant ce qu'il en coûte à la liberté pour s'implanter, pour grandir et pour se conserver, je regrette que des Belges aient cru devoir aller servir une cause qui ne sort point d'un mouvement populaire, national et libéral. (Interruption.)
La création de l'empire du Mexique, quelque grandiose qu'elle puisse paraître à certains yeux, quelque chevaleresque qu'elle puisse être pour le prince qui l'entreprend, n'aura jamais les sympathies du peuple ; elle ne répond pas aux sentiments du monde parce que, messieurs, elle repose sur des conceptions de souverains, parce qu'elle n'a pas été le résultat de la volonté d'une nation, mais uniquement le fait de conseils de cours et d'ententes diplomatiques.
Nous n'avons pas, messieurs, à mêler le nom de la libérale Belgique à une pareille affaire et je suis heureux que le gouvernement ait déclaré par l'organe de M. le ministre de la guerre et de M. le ministre des finances qu'il ne se prononce pas, comme il ne peut pas se prononcer sur ce qui se passe au Mexique ; qu'il est resté complètement étranger à la formation du corps belge ; qu'il repousse énergiquement toute allégation qui, dans la presse ou ailleurs pourrait faire peser sur le gouvernement la responsabilité de la formation de ce corps. (Interruption.)
C'est sous le bénéfice de cette déclaration et dans la croyance que le gouvernement persistera à rester complètement étranger à cette affaire, qu'il n'accordera pas de faveurs spéciales aux officiers qui rentreraient en Belgique après l'accomplissement de leur engagement au Mexique ; que dans le cas où les Etats-Unis revendiqueraient la doctrine de Monroe et manifesteraient le projet déjà concerté, dit-on, d'envahir le Mexique, il préviendra les Belges partis pour ce pays qu'il retire son arrêté d'autorisation et que s'ils ne quittent pas le service mexicain, ils perdront la qualité de Belge.
MjTµ. - C'est évident.
M. Bara. - C'est sous le bénéfice de toutes ces déclarations, dis-je, que je repousse la motion de M. Coomans. J'eusse mieux aimé que le gouvernement eût refusé toute autorisation, mais il invoque des précédents ; tous les ministères ont dans plusieurs circonstances agi de la même manière ; il y a une jurisprudence qui me paraît contraire à nos devoirs de peuple neutre, mais qui n'en existe pas moins. Il faudra peut-être réclamer une loi pour empêcher désormais de pareils actes. Mais devait-on la première fois changer de jurisprudence dans une circonstance qui intéresse la fille de notre Roi ? Le ministère ne l'a pas cru. Tout en condamnant formellement cette manière d'entendre notre neutralité tant dans le passé que dans les faits qui nous occupent aujourd'hui, je ne pense pas que la Chambre ait autre chose à faire qu'à réclamer pour l'avenir une loi qui empêche le gouvernement d'être soupçonné d'intervenir dans les affaires des pays étrangers.
C'est par ces considérations que je demande que la Chambre passe à l'ordre du jour.
Mais il faut qu'il reste quelque chose de ce débat : c'est qu'il soit constaté devant l'Europe et surtout devant les Etats-Unis et le Mexique, que la Belgique reste complètement étrangère à la formation du corps mexicain, qui est une œuvre individuelle, que ce corps ne représentera nullement la Belgique au Mexique, et que le nom belge ne sera intéressé en rien dans ce qu'il fera ou ne fera pas ; que de plus aucun membre de la législature n'a donné son adhésion à la formation de ce corps, et que beaucoup de représentants ont formellement blâmé les Belges qui ont quitté leur pays pour aller servir une cause dont l'origine est contraire à celle de nos libertés. Comme consécration de ce que je viens de dire, je propose à la Chambre de voter l'ordre du jour que j'ai fait parvenir au bureau et qui est ainsi conçu :
« La Chambre, en présence de la déclaration formelle que le gouvernement est resté et restera complètement étranger à la formation d'un corps devant servir au Mexique, passe à l'ordre du jour. »
J'ajouterai que l'adoption de la proposition de l'honorable M. Coomans est impossible. Cette proposition suppose l'existence d'un fait coupable et qui serait de nature à faire mettre le gouvernement en accusation. Dans ce cas, l'honorable membre ne peut pas proposer d'énoncer un simple regret ; il devrait aller plus loin. Mais s'il ne pense pas qu'il y ait lieu d'aller jusqu'à la mise en accusation, sa proposition est alors dans mon ordre du jour qui affirme nettement les devoirs de notre neutralité.
Le gouvernement est resté entièrement étranger à la formation du corps mexicain, il le déclare. Vous devez accepter cette déclaration, et pour moi je l'accepte avec bonheur.
Il y a dans l'occurrence certains faits qui peuvent paraître douteux, et notamment le fait relatif à la caserne d'Audenarde ; mais le gouvernement vous déclare qu'il en décline la responsabilité. Dans une question aussi grave, en l'absence de preuves formelles et positives, je ne puis suspecter la sincérité des déclarations du ministère dont les membres sont mes amis politiques. J'engage donc la Chambre à voter mon ordre du jour, qui ôte au corps qui se forme en Belgique tout caractère officiel, et qui fait connaître à l'étranger que ce n'est qu'une entreprise particulière qui n'intéresse en aucune manière la nation belge.
M. Guillery. - Messieurs, il m'est impossible d'admettre le système de l'honorable M. Bara ; je le regrette, mais je ne pense pas que le débat qui a été soulevé doive aboutir à un pareil résultat. Il me paraît absolument impossible que la Chambre ne se prononce pas sur une question aussi grave qui lui est soumise en ce moment.
L'honorable M. Bara, rejetant toute son indignation sur les Belges qui se sont engagés pour le Mexique, accepte naïvement la déclaration du gouvernement, qu'il est resté complètement étranger à tout ce qui s'est passé.
Quant à moi je suis plein d'indulgence pour les Belges qui vont servir au Mexique, je suis plein d'indulgence pour les individualités qui ne disposent que de leur personne et qui ne compromettent en rien leur pays. Ils sont parfaitement libres d'aller servir au Mexique, comme ils sont parfaitement libres d'aller servir aux Etats-Unis, comme ils sont parfaitement libres d'aller servir sous Garibaldi. Je suis donc loin de blâmer ces personnes, je les blâme d'autant moins que je vois figurer parmi elles les personnes les plus honorables.
Mais où je blâme le gouvernement, c'est dans les actes qui émanent de lui et qu'il n'a pas contestés.
Le gouvernement a donné l'autorisation nécessaire pour que les membres du corps belge formé pour le Mexique ne perdent pas la qualité de Belge.
Ce n'est pas, il est vrai, une intervention directe, comme on me l'a fait dire par erreur. (Interruption.) Si j'ai dit cela, j'ai mal rendu ma pensée ; le sens évident de mon discours, pour quiconque a voulu l'entendre, c'est que le gouvernement avait favorisé, au moins implicitement, la formation d'un corps belge destiné au Mexique, et que l'autorisation de servir un pays étranger était, de la part du gouvernement, un acte qui constitue un abandon véritable de notre neutralité.
Le gouvernement pouvait parfaitement dire à ce corps mexicain : « Je ne permets pas que ce corps se forme en Belgique, qu'il y séjourne, qu'il s'y réunisse ; je n'écrirai pas aux colonels des circulaires favorables à la formation de ce corps ; je m'y opposerai, au contraire, en tant que les lois me le permettent ; je m'y opposerai tout d'abord en ne donnant pas l'autorisation exigée par le code civil. »
Or, il y a ici une autorisation formelle du gouvernement. C'est le mot dont on se sert : autorisation de former un corps.
Autorisation, en ce que ceux qui s'engagent dans le corps mexicain ne perdent pas leur qualité de Belge. Autorisation, en ce que tous les (page 60) militaires qui ont voulu avoir des congés, les ont obtenus. Autorisation, en ce que les militaires qui n'avaient pas droit à un congé définitif ont obtenu la permission d'aller servir dans ce corps et qu'on leur a promis qu'à leur retour en Belgique ce service leur serait compté comme s'ils l'avaient accompli en Belgique et qu'ils fussent restés à la disposition de M. le ministre de la guerre.
Je ne puis pas entrer dans tous les développements ; mais je ne puis assez insister sur le fait qui a été signalé à voire attention et qui a causé une très grande émotion dans le pays. Je respecte les convictions de mes honorables collègues ; chacun votera comme il l'entendra ; mais je pense que la Chambre doit se prononcer d'une manière positive sur la question qui lui est soumise.
M. Bara. - Messieurs, comme l'honorable M. Guillery paraît avoir des doutes sur la pensée qui a inspiré ma proposition, je tiens à donner quelques explications.
L'honorable membre nous dit d'abord que le gouvernement n'est pas dans la vérité lorsqu'il prétend qu'il n'a pas autorisé la formation d'un corps pour le Mexique.
Il est évident que si l'allégation de l'honorable M. Guillery était exacte ma proposition tomberait puisque je ne propose l'ordre du jour qu'en présence de cette déclaration formelle que j'accepte comme sincère.
Si le gouvernement était intervenu en quoi que ce soit dans la formation du corps dont nous nous occupons, je vous avoue que j'irais plus loin que l'honorable M. Coomans, et je poserais la question de confiance. Mais voici le fait ; l'honorable M. Guillery dit : « Un corps se forme en Belgique pour le Mexique. » L'honorable M. Chazal répond avec beaucoup de vérité qu'on ne peut empêcher cela. (Interruption.) On peut d'autant moins empêcher cela que l'honorable M. Coomans, qui est du congrès de Malines et qui vient d'y recevoir une ovation, a dû, l'année dernière, assister à une séance où il a été dit qu'on devrait recruter en Belgique deux zouaves pontificaux par commune ; et il a paru dans tous les journaux catholiques de la Belgique un avis indiquant le lieu où l'on pouvait s'inscrire pour faire partie des zouaves pontificaux. Est-ce clair ?
- Un membre. - C'est inexact.
- Un autre membre. - Qu'est-ce que cela prouve ?
M. Bara. - Allez vous expliquer demain au congrès de Malines. Qu'est-ce que cela prouve ? Attendez, vous le saurez.
- Plusieurs membres à droite. - Cela n'est pas exact. (Longue interruption.)
M. Bara. - Enfin, puisque vous le voulez, le congrès de Malines n'a pas décidé qu'il y aurait des enrôlements de zouaves pontificaux, et c'est par pur caprice qu'un monsieur a annoncé qu'on s'enrôlait chez lui. Mais il n'en est pas moins vrai que ce monsieur a écrit cela. (Interruption.) Mais, messieurs, laissez-moi continuer, Je ne dis pas que c'est bien, je ne dis pas que c'est mal, je ne dis pas que vous approuvez ni que vous improuvez. Je cite, je constate un fait...
- Voix à droite. - Ce n'est pas la question.
M. Bara. - Si vous m'interrompez continuellement, je ne puis évidemment pas donner ma démonstration. Laissez-moi parler, et vous verrez que c'est la question.
Vous avez donc vu qu’il y a en Belgique des sergents recruteurs pour les zouaves pontificaux. J’avoue que si j’avais trouvé une disposition de loi qui me permît d’empêcher ce recrutement, je serai monté à la tribune et j’aurais demandé au gouvernement de l’empêcher ; mais il n’y a pas dans tout l’arsenal de nos lois de dispositions qui puisse empêcher à un Belge de prendre du service à l’étranger.
Il n’y a qu’une mesure préventive qui consiste dans le refus d’autorisation de la part du gouvernement de prendre du service à l’étranger sans cesser d’être Belges. (Interruption). C’est la seule mesure qu’il puisse prendre. Je le dirai nettement ; je ne suis pas d’accord avec M. Guillery sur la valeur de l’article 21 du Code civil. Je crois que cet article, qui est l'œuvre de Napoléon, est un article détestable qu'il faudrait faire disparaître de nos lois. C'est un article inventé par le despotisme et restrictif de la liberté individuelle et des grandes idées qui dominent l'humanité.
- Une voix. - Non ! non !
M. Bara. - Non. je comprends qu'on défende à un citoyen belge d'aller prendre du service dans une armée qui est en guerre avec la Belgique. Mais en toute autre occasion, pourquoi une pareille défense ? Il faut laisser à chacun, sur ce point, une complète liberté. (Interruption.)
Vous avez dit que vous ne blâmiez pas les jeunes gens qui allaient faire la guerre en Amérique. Vous ne les blâmez, pas et vous voulez leur infliger le châtiment le plus sévère, la perte de la qualité de Belge. (Interruption.)
L'honorable M. Guillery désapprouvé, en thèse générale, un Belge d'aller prendre du service à l'étranger.
M. Guillery. - Sans autorisation.
M. Bara. - Eh bien, moi je ne suis pas de cet avis ; je crois qu'on peut aller se battre à l'étranger sans devoir perdre le titre de Belge.
Je connais des Français et des Belges qui ont été verser leur sang pour l'Italie et pour la Pologne, ils l'ont fait sous leur responsabilité, comme individus, et je ne jetterai jamais des paroles de blâme à de semblables dévouements.
Le droit des citoyens est de faire ce qu'ils veulent ; la qualité de national n'est pas quelque chose de si excessif qu'il faille la faire payer à un tel prix, et obliger le Belge de rester froid et indifférent à tout ce qui se passe au-delà de ses frontières.
Quand le gouvernement de Napoléon a défendu de prendre da service à l'étranger, il agissait dans un but spécial, pour conserver à la France des hommes dont elle avait si grand besoin. II sera donc nécessaire de faire une loi dans le sens des idées que je viens d'émettre, et si cette loi était faite, elle eût prévenu la discussion de ce jour.
On a dit que cet article a été toujours entendu de telle manière que cette autorisation ne peut être refusée sans des motifs exceptionnels. Le gouvernement invoque une jurisprudence presque constante.
MfFOµ. - Constante.
M. Bara. - On l'a fait, dit-il, en toutes circonstances.
- Une voix. - Et pour les zouaves pontificaux ?
MfFOµ. - Il y avait là des belligérants.
M. Bara. - C'est pour couper court à cette jurisprudence que je voudrais une loi qui empêchât cette intervention indirecte dans la formation d'un corps étranger, afin de laisser toute responsabilité à l'individu et de dégager la nation officielle.
M. Coomans. - C'est ce que j'ai dit.
M. Bara. - Mais pouvez-vous blâmer le gouvernement d'avoir fait ce que tous les gouvernements ont fait ? (Interruption.)
- Voix à droite. - Tous n'ont pas fait cela.
M. Bara. - Si le gouvernement le déclare, et jusqu'à preuve du contraire, je n'ai pas de raison de ne pas le croire. Il m'est donc impossible d'admettre le blâme qu'on veut infliger au gouvernement dans ces circonstances.
On vous dit qu'on a accordé l'autorisation à des officiers de servir à l'étranger. L'argumentation dont je viens de me servir pour expliquer l'usage que le gouvernement a fait de l'article 21 du Code civil, réfute cette objection. Les gouvernements passés ayant usé de ce droit d'autorisation, le gouvernement belge actuel se trouvait dans une position difficile à l'égard de la fille du roi des Belges. Je dois toutefois encore ajouter que je n'approuve pas la jurisprudence suivie et que je désire que la Chambre ne l'admette plus à l'avenir. Mon ordre du jour atteint le but que la Chambre veut poursuivre ; il affirme la neutralité de la Belgique.
M. Dumortier. - Je demande la parole.
- Voix nombreuses. - La clôture ! la clôture !
M. Dumortier. - J'aurais voulu répondre deux mots à l'honorable préopinant pour relever une erreur qu'il a faite, mais je n'insiste pas.
M. Delaetµ. - Je désire, que la clôture ne soit pas prononcée en ce moment et voici pourquoi. M, Bara vient de déblayer le terrain, il a réduit tout à une question de fait ? il s’associe comme tous les orateurs de cette chambre, sauf M. Orts, au regret, au blâme qu’on pourrait adresser au gouvernement, s’il avait autorisé la formation sur le territoire belge…
- Plusieurs voix. - La clôture !
M. Delaetµ. - Je constate qu'il n'y a ici qu'une question de fait, et je demande à établir, à prouver les faits.
- De toutes parts : Non, non, la clôture !
- La clôture est mise aux voix et prononcée.
MpVµ. - Il y a deux ordres du jour, celui de M. Coomans et celui de M. Bara ; l'ordre du jour de M. Bara étant un amendement doit passer le premier.
- Un membre. - Ce n'est pas un amendement.
M. Coomans. - Il me semble, évident que mon amendement doit être voté le premier, parce que c'est le seul qui permette la franche émission d'un vote. Quant à moi, je ne pourrais voter sur l'amendement de M. Bara qui n'est, en définitive, qu'une approbation pleine et entière des faits posés par le gouvernement.
M. Bara. - Je crois que mon amendement doit passer avant la proposition de 1 honorable M. Coomans. C'est l'amendement qui entraîne les conséquences les moins graves qui doit, me semble-t-il, passer le premier.
L'honorable M. Coomans base sa proposition sur un fait qui, s'il (page 61) existait, aurait pour résultat de faire mettre le gouvernement en accusation. Ce fait est écarté par mon amendement.
M. Dumortier. - Messieurs, il y a un fait bien clair, c'est qu'il n'y a pas d'amendement à la proposition de l'honorable M. Coomans. Il y a deux propositions tout à fait distinctes. Comme l'a dit mon honorable ami, et il faudrait pouvoir répondre à cela, ce qu'on doit faire et ce qu'on fait toujours en pareil cas, c'est de mettre la première aux voix la proposition qui permet, à ceux qui ne l'acceptent pas, de voter la seconde.
Si vous mettez d'abord aux voix la proposition de l'honorable M. Bara, que feront ceux qui veulent voter la proposition de l'honorable M. Coomans ? Ils seront forcés de voter contre ; et si ensuite la proposition de l'honorable M. Coomans n'obtient pas la majorité, il n'y aura plus rien.
MpVµ. - Y a-t-il opposition à ce que la proposition de M. Coomans soit mise la première aux voix ? (Non ! non !) En ce cas je la mets aux voix.
- Plusieurs membres. - L'appel nominal !
La proposition d'ordre du jour de M. Coomans est mise aux voix par appel nominal.
92 membres prennent part au vote.
39 votent pour.
53 votent contre.
En conséquence, la proposition n'est pas adoptée.
Ont voté l'adoption : MM. Reynaert, Rodenbach, Royer de Behr, Snoy, Tack, Thonissen, Vander Donckt, Van Hoorde, Van Overloop, Van Renynghe, Van Wambeke, Vermeire, Verwilghen, Wasseige, Coomans, Debaets, F. de Borchgrave, Guillaume de Borchgrave, de Conninck, de Haerne, Delaet, de Muelenaere, de Naeyer, de Ruddere de te Lokeren, de Terbecq, de Theux, d'Hane-Steenhuyse, Dubois d'Aische, Dumortier, d'Ursel, Guillery, Hayez, Jacobs, Kervyn de Lettenhove, Landeloos, Le Bailly de Tilleghem, Magherman et Nothomb.
Ont voté contre : MM. Rogier, Tesch, T'Serstevens, Valckenaere, Alp. Vandenpeereboom, Vanderstichelen, Van Iseghem, Van Nieuwenhuyse, Vleminckx, Warocqué, Allard, Ansiau, Bara, Bouvier-Evenepoel, Braconier, Bricoult, Couvreur, David, de Baillet-Latour, de Bast, de Florisone, De Fré, de Kerchove, de Moor, de Rongé, de Vrière, Devroede, Dewandre, Dupont, Elias, Frère-Orban, Funck, Girou, Goblet, Grosfils, Hymans, Jacquemyns, Jamar, J. Jouret, M. Jouret, Lange, Lebeau, Le Hardy de Beaulieu, Lesoinne, Lippens, Mascart, Moreau, Mouton, Muller, Nélis, Orban, Orts, Pirmez et Ernest Vandenpeereboom.
- La proposition de M. Bara est mise aux voix par appel nominal.
91 membres répondent à l'appel nominal.
50 votent l'adoption.
36 votent le rejet.
5 s'abstiennent.
En conséquence, la proposition est adoptée.
Ont voté l'adoption : MM. Rogier, Tesch, T'Serstevens, Valckenaere, Alp. Vandenpeereboom, Vanderstichelen, Van Iseghem, Van Nieuwenhuyse, Vleminckx, Warocqué, Allard, Ansiau, Bara, Bouvier-Evenepoel, Braconier, Bricoult, Couvreur, David, de Baillet-Latour, C. de Bast, de Florisone, De Fré, de Kerchove, de Moor, de Rongé, de Vrière, Devroede, Dewandre, Dupont, Elias, Frère-Orban, Funck, Giroul, Hymans, Jacquemyns, Jamar, J. Jouret, M. Jouret, Lange, Lebeau, Lesoinne, Lippens, Mascart, Moreau, Mouton, Muller, Orban, Orts, Pirmez et E. Vandenpeereboom.
Ont voté le rejet : MM. Reynaert, Rodenbach, Royer de Behr, Snoy, Tack, Thonissen, Vander Donckt, Van Hoorde, Van Renynghe, Van Wambeke, Vermeire, Verwilghen, Wasseige, Coomans, P. Debaets, F. de Borchgrave, G. de Borchgrave, de Conninck, Delaet, de Muelenaere, de Naeyer, de Terbecq, de Theux, d'Hane-Steenhuyse, Dubois d'Aische, d'Ursel, Grosfils, Guillery, Hayez, Jacobs, Landeloos, Le Bailly de Tilleghem, Magherman, Nélis et Nothomb.
Se sont abstenus : MM. de Haerne, Dumortier, Goblet, Kervyn de Lettenhove et Le Hardy de Beaulieu.
MpVµ. - Les membres qui se sont abstenus sont invités à faire connaître les motifs de leur abstention.
M. de Haerne. - J'approuve le principe de l'autorisation quant à la faculté de prendre du service à l'étranger, tel qu'il est exprimé dans la proposition ; mais, d'un autre côté, je ne crois pas que le fait que suppose la proposition soit réel ; car, selon moi, il a été démontré par l'honorable M. Guillery qu'il y a eu autorisation au moins indirecte.
Dans cet état de choses, j'ai dû m'abstenir.
M. Dumortier. - Je me suis abstenu parce qu'il m'était impossible de ratifier par mon vote une assertion aussi contraire à la réalité.
M. Goblet. - Si j'ai trouvé la proposition de M. Coomans trop radicale et emportant des conséquences trop absolues, je n'ai pas trouvé celle de M. Bara assez nette en présence de l'attitude du ministère. C'est pourquoi je me suis abstenu.
M. Kervyn de Lettenhove. - Je me suis abstenu parce que je n'ai voulu ni repousser un principe que je crois conforme à notre droit public, ni reconnaître un fait de non-intervention officielle, qui ne me paraît pas établi.
M. Le Hardy de Beaulieuµ. - Je me suis abstenu parce que le fait de violation de la Constitution ne m'a point paru suffisamment repoussé ; je n'ai pas voté contre la proposition, parce que je n'ai pas voulu, dans cette circonstance, me séparer de mes amis.
MfFOµ. - Messieurs, d'après les ordres du Roi, j'ai l'honneur de déposer les budgets de l'exercice 1865.
MfFOµ. - Aux termes de la loi du 8 mai 1861, le département de la guerre doit rendre compte des crédits alloués par cette loi. Ce compte rendu se trouve annexé au budget.
- La Chambre ordonne l'impression et la distribution des pièces déposées par M. le ministre et les renvoie à l'examen des sections.
M. Pirmez (pour une motion d’ordre). - Messieurs, nous avons perdu la séance d'aujourd'hui pour l'objet que nous devions discuter. Je crois que la Chambre compte finir demain ses travaux, qui semblent exiger encore deux séances. Je propose donc à la Chambre, pour réparer la perte de la séance actuelle, de se réunir ce soir à 8 heures.
M. Coomans. - Il me semble, messieurs, qu'il sera assez temps demain de proposer une séance du soir si nous ne pouvons pas terminer dans la séance du jour. Je propose à la Chambre de se réunir demain à 10 heures. Cette proposition est loin d'être insolite : Pendant de longues années la Chambre s'est réunie avant midi et même à 11 heures et nous pouvons fort bien nous réunir demain exceptionnellement à 10 ou 11 heures.
- Un membre. - Il y a des sections.
M. Coomans. - Qu'elles se réunissent à 9 heures.
M. Pirmez. - L'honorable M. Coomans n'a rien dit contre ma proposition. Il est évident que la séance de 7 heures consécutives qu'il propose est une chose impossible. Je maintiens donc ma proposition de se réunir ce soir.
M. d'Hane-Steenhuyseµ. - Ne serait-il pas convenable de prévenir nos collègues ?
- Des membres. - On ne votera pas.
MpVµ. - Il est entendu qu’on ne votera pas ce soir.
M. Coomans. - Et que la discussion ne sera pas close.
M. Allard. - Messieurs, je demande que ce soir on puisse voter au moins les deux petits projets qui sont à l'ordre du jour.
Je demande aussi qu’on veuille bien fixer l'heure de la séance de demain pour que les convocations puissent être envoyées en temps utile.
M. Orts. - Messieurs, j’ai entendu faire une proposition qui, au premier abord, a souri à tout le monde, mais à laquelle je ne puis me rallier après un moment de réflexion. On propose une séance du soir, mais on ajoute : « Il est entendu qu’on ne votera pas. » Et bien, je vous déclare que si cela est entendu, vous ne serez pas en nombre. (Interruption.)
Faites ce que vous voulez. Quant à moi, je n'entends m'engager à rien.
M. de Naeyer. - Je croyais qu'il était entendu qu'on procéderait au vote des deux projets de loi indiqués par M. Allard.
- La Chambre décide qu'elle se réunira ce soir à 8 heures.
La séance est suspendue à 5 heures.
A huit heures et un quart la séance est reprise.
« Art. 1er. Le port des échantillons de marchandises, affranchis dans l'intérieur et à destination du royaume, est fixé, sans avoir égard à la distance parcourue, à dix centimes par paquet du poids de cent grammes et au-dessous.
« Lorsque le paquet dépassera cent grammes, il sera perçu dix centimes pour chaque cent grammes ou fraction de cent grammes excédant. »
(page 62) « Les échantillons ne peuvent dépasser le poids de trois cents grammes, ni avoir sur aucune de leurs faces (longueur, hauteur ou largeur) une dimension supérieure à trente centimètres. »
- Adopté.
« Art. 2. Les échantillons doivent être expédiés isolément, c'est-à-dire non accompagnés de lettres.
« Ils ne peuvent avoir aucune valeur marchande, ni se composer d'objets qui soient de nature à détériorer les correspondances, ni être adressés, dans un même paquet, à des destinataires différents.
« Ils doivent être expédiés sous bandes mobiles ; s'il est nécessaire, ils peuvent exceptionnellement être placés dans des sacs ou autres récipients, mais de manière que, dans tous les cas, la vérification puisse en avoir lieu facilement.
« L'administration n'est, dans aucun cas, responsable des détériorations.
« Le poids des bandes, enveloppes, ficelles et cachets, est compris dans le poids soumis à la taxe.
Les échantillons ne peuvent porter d'autre écriture que l'adresse du destinataire, une marque de fabrique ou de marchand, et des numéros d'ordre et de prix.
Ils doivent être revêtus de l'indication de l'expéditeur, imprimée sur un endroit extérieur et apparent du paquet.
- Adopté.
« Art. 3. Les échantillons non affranchis seront taxés comme lettres. Quant à ceux dont l'affranchissement serait insuffisants, ils seront taxés du double port des échantillons ; toutefois, pour ces derniers, il sera tenu compte de la valeur des timbres-poste appliqués. »
- Adopté.
« Art. 4. Tous échantillons qui ne réuniront pas les conditions requises pour être admis à la modération de port édictée par la présente loi seront taxés au prix des lettres. »
- Adopté.
« Art. 5. Il en sera de même de ceux qui renfermeront une lettre ou une note ayant le caractère d'une correspondance ou pouvant en tenir lieu.
Ce fait sera en outre puni d'une amende de 50 à 200 francs ; mais la poursuite de ce délit ne pourra avoir lieu d'office, par le ministère public, que sur la plainte de l'administration des chemins de fer, postes et télégraphes. »
- Adopté.
« Art. 6. Les contraventions seront constatées par les fonctionnaires et employés du service des postes, pourvus d'une nomination royale ou ministérielle, depuis le grade le plus élevé jusqu'à ceux de commis et de distributeur inclusivement. »
- Adopté.
« Art 7. Jusqu'à ce qu'il soit intervenu un jugement définitif de condamnation, la poursuite pourra être prévenue ou arrêtée par une transaction que l'administration susdite pourra admettre chaque fois qu'il lui sera démontré que la contravention doit être attribuée plutôt à une négligence ou à une erreur qu'à une intention de fraude. »
- Adopté.
« Art. 8. L'article 4 de la loi du 22 avril 1849, relatif à la taxe des échantillons de marchandises, est abrogé. »
Il est procédé à l’appel nominal ; le projet de loi est adopté à l'.unanimité des membres présents.
Il sera transmis au Sénat.
Ont pris part au vote : MM. Reynaert, Rodenbach, Rogier, Royer de Behr, Tack, Tesch,, Thonissen, T'Serstevens, Valckenaere, Alp. Vandenpeereboom, Vander Donckt, Vanderstichelen, Van Iseghem, Van Overloop, Van Renynghe, Van Wambeke, Vermeire, Warocqué, Wasseige, Allard, Bara, Bouvier-Evenepoel, Carlier, Couvreur, David, Debaets, de Baillet-Latour, de Bast, François de Borchgrave, Guillaume de Borchgrave, de Conninck, de Florisone, de Haerne, de Kerchove, Delaet, de Liedekerke, de Moor, de Muelenaere, de Naeyer, de Terbecq, de Vrière, Devroede, Dewandre, d'Hane-Steenhuyse, Dolez, Dupont, Elias, Frère-Orban, Giroul, Grosfils, Guillery, Hayez, Hymans, Jacobs, Jacquemyns, Jamar, J. Jouret, M. Jouret, Landeloos, Laubry, le Bailly de Tilleghem, Lebeau, le Hardy de Beaulieu, Lesoinne, Lippens, Magherman, Mascart, Moreau, Mouton, Muller, Nothomb, Orban, Orts, Pirmez et E. Vandenpeereboom.
La discussion générale est ouverte.
Personne ne demandant la parole, l'assemblée passe à l’examen des articles.
Discussion des articles
« Art. 1er. Il est ouvert au département de la justice un crédit supplémentaire de huit cent mille francs, à titre d'avance, pour l'exercice courant. Cette somme sera ajoutée à celle qui est portée à l'article 56, chapitre X, du budget du département de la justice, pour l'exercice 1864. »
- Adopté.
« Art. 2 Ce crédit est destiné à poursuivre, dans les prisons, le travail pour l'exportation. »
- Adopté.
« Art. 3. Une somme de huit cent mille francs sera portée au budget des voies et moyens, pour 1864. »
- Adopté.
Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet de loi.
Le projet est adopté à l'unanimité des 80 membres présents.
Ce sont : MM. Reynaert, Rodenbach, Rogier, Royer de Behr, Sabatier, Tack, Tesch, Thonissen, T'Serstevens, Valckenaere, Alp. Vandenpeereboom, Vander Donckt, Vanderstichelen, Van Hoorde, Van Iseghem, Van Nieuwenhuyse, Van Overloop, Van Renynghe, Van Wambeke, Vermeire, Warocqué, Wasseige, Allard, Bara, Bouvier-Evenepoel, Carlier, Couvreur, David, Debaets, de Baillet-Latour, de Bast, François de Borchgrave, Guillaume de Borchgrave, de Conninck, de Florisone, de Kerchove, Delaet, de Liedekerke, de Moor, de Muelenaere, de Naeyer, de Terbecq, de Vrière, Devroede, Dewandre, d'Hane-Steenhuyse, Dolez, Dumortier, Dupont, Elias, Frère-Orban, Giroul, Goblet, Grosfils, Guillery, Hayez, Hymans, Jacobs, Jacquemyns, Jamar, J. Jouret, M. Jouret, Landeloos, Laubry, Le Bailly de Tilleghem, Lebeau, Le Hardy de Beaulieu, Lesoinne, Lippens, Magherman, Mascart, Moreau, Mouton, Muller, Nothomb, Orban, Orts, Pirmez et E. Vandenpeereboom.
M. Bouvierµ. - Je viens, en peu de mots, expliquer mon vote, qui sera favorable au projet de loi.
Le crédit qui est soumis à votre approbation n'a d'autre but que d'assurer l'exécution des lois antérieurement votées par la législature et qui ont solennellement consacré l'établissement des fortifications d'Anvers. Une partie de ce crédit est indispensable pour les compléter. La question est donc de savoir s'il faut abandonner ces travaux on les achever. Poser cette simple question, c'est la résoudre. Il faut donc voter ce crédit pour en finir, une bonne fois, avec ces fortifications, dont le pays est fatigué d'entendre parler.
En voici le motif : c'est qu'Anvers, sans même faire allusion aux millions pour le rachat des péages de l'Escaut, a énormément coûté au pays. Dans le solennel verdict du 11 août, il a proclamé sa ferme volonté d'arrêter les sacrifices d'argent qu'il s'est imposés pour Anvers, et si j'avais un blâme à formuler, c'est contre le ministère actuel, qui, sans la volonté du corps législatif et sans son contrôle, a dépensé 252,000 fr. pour la dérivation du Schyn, 92,000 fr. pour le détournement, comme le dit le projet de loi, du canal d'Herenthals ; un million 200,000 fr. pour nouvelles portes à la ville d'Anvers, sans compter les frais d'établissement d'une route de plus de 16 kilomètres qui absorbe à elle seule 630,000 fr. et cela pour faciliter les communications entre les communes voisines d'Anvers et surtout pour plaire et faire plaisir à messieurs les Anversois.
Le gouvernement a donc imposé au reste du pays des sacrifices énormes pour satisfaire aux exigences insatiables et toujours renaissantes de notre métropole dite commerciale ! et qu'avez-vous obtenu pour le prix de tant de condescendance ? Vous en avez été récompensés par la plus monstrueuse coalition dont jamais pays constitutionnel ait donné le spectacle en même temps que le scandale.
Vous avez donc manqué de résolution et de vigueur en n'opposant pas une digue infranchissable aux envahissements de ce sordide intérêt matériel qui dévore cette cité. Je m'empresse de déclarer bien hautement que je suis fermement décidé à ne plus jamais voter un centime en ce qui concerne les fortifications d'Anvers, et je crois être l'interprète fidèle des sentiments qui animent la plupart des membres de la gauche, en déclarant qu'ils partagent la même pensée, et vous, membres de la droite qui accusez de servilisme ministériel les membres de la gauche, vous vous convaincrez par notre langage que jamais ce servilisme ne va jusqu'à la lâcheté, et que nous ne courbons le front devant aucuns autre puissance que celle de l'opinion publique.
Si je soutiens le cabinet actuel, c'est qu'il est l'expression de la (page 63) majorité de la Chambre et partant de celle du pays, qui veut le progrès, la liberté et l’indépendance du pouvoir civil, et si le gouvernement, au lieu de marcher en avant avec le pays, reculait, il trouverait dans nos rangs des combattants parmi lesquels je me ferais un devoir et un honneur démarcher.
Ce que, pour ma part, j'attends avec une légitime impatience du gouvernement, c'est la discussion prochaine, devant le Sénat, de la loi sur les bourses d'études, la présentation du projet de loi sur le temporel des cultes.
- Des membres à droite. - Quel rapport cela a-t-il avec le projet de loi en discussion ?
MpVµ. - -Renfermez-vous dans la question d'Anvers. Nous sommes dans la question d'Anvers.
M. Bouvierµ. - La gauche pense-t-elle que j'aie le droit de continuer ?
- Des membres à gauche. - Continuez ! continuez !
- Des membres à droite. - Vous n'êtes pas dans la question !
M. Allard. - Nous verrons tout à l'heure, quand vous parlerez, si vous êtes dans la question.
M. Bouvierµ. - ... Non une loi spoliatrice des biens de fabrique, mais une loi qui établit un contrôle sérieux sur l'administration et la perception des revenus de ces biens, sans s'inquiéter de la question puérile de savoir si M. le curé tiendra la droite ou la gauche du président du conseil de fabrique ; une loi populaire sur la milice et surtout une loi radicale sur les fraudes électorales, fraudes qui doivent disparaître à tout prix de nos mœurs politiques. Qu'il me soit permis, en passant, d'engager le gouvernement à examiner la question de savoir si le bulletin imprimé n'obvierait pas à l'inconvénient des billets marqués, si préjudiciables à l'opinion libérale. Il faut également faire disparaître ces régals scandaleux. (Nouvelle interruption.)
C'est vous qui en avez pris l'initiative et nous avons dû vous suivre sur ce terrain.
MpVµ. - M. Bouvier, je vous engage de nouveau à vous renfermer dans la question d'Anvers.
M. Bouvierµ. - … Et les frais de transport des électeurs.
Dans les petits arrondissements... (Nouvelle et longue interruption.)
M. Allard. - C'est un scandale !
M. Bouvierµ. - Ces interruptions ne m'effrayent pas, elles prouvent que j'ai frappé juste.
MpVµ. - Je vous rappelle une troisième fois à la question.
M. Bouvierµ. - M. le président, si vous m'aviez laissé achever, ce serait déjà fini.
... Dans les petits arrondissements, on ne trouvera bientôt plus pour la représentation nationale que des personnes puissamment riches ou les produits du denier de Saint-Pierre.
Le grand principe que proclame notre Constitution démocratique que tous les pouvoirs émanent de la nation, deviendra une véritable lettre morte, et, je le déclare bien haut, dans un avenir bien éloigné, si l'on n'y porte un remède radical, tous les pouvoirs émaneront de ce vil métal, qu'on appelle l'or. Ce ne sera plus le cœur, l'intelligence, les grands et nobles caractères, les sympathies publiques qui permettront l'accès dans cette enceinte, mais l'or, ceux qui pourront faire les frais d'élection sans avoir les qualités nécessaires pour représenter convenablement les grands intérêts du pays.
Le pays, je le répète, exige cette réforme. Hier, on me disait que mon opinion était faite avant la présentation du projet de loi que nous discutons. C'était une accusation malveillante et injurieuse, j'y ai répondu. Mais, à mon tour, je demanderai si la droite, reniant son passé, elle qui a eu l'initiative des fortifications d'Anvers...
Vous voyez, M. le président, que je suis dans la question des fortifications d'Anvers.
MpVµ. - Vous êtes maintenant dans la question d'Anvers, et c'est pour cela que je vous laisse aller.
M. Bouvierµ. - ... si elle ne voter pas comme un seul homme contre le projet actuel. J'ai tout lieu de le croire, et si mes prévisions s'accomplissent, je lui dirai, puisqu'elle a taxé la gauche de servilisme, que je préfère être attelé au char libéral qui avance et qui a pour lui le pays, qu'au char épiscopal qui recule et qui a contre lui le pays.
M. Hayezµ. - Messieurs, nous avons eu très peu de temps pour examiner les pièces et préparer un travail, le rapport ne m'ayant été remis qu'à 2 heures ; je réclame donc toute votre indulgence pour le peu d'ordre qu'il y aura sans doute dans les observations que je vais avoir l'honneur de vous présenter.
Dans l'exposé des motifs du projet de loi tendant à accorder au département delà guerre un nouveau crédit de 5,575,000 fr., M. le ministre de la guerre affirme que cette somme sera suffisante pour le complet achèvement des travaux d'Anvers ; et que le coût total de ces travaux s'éloigne fort peu des prévisions qui ont servi à l'évaluation des dépenses.
Je ne puis partager les opinions de M. le ministre, en voici les raisons : je lui présenterai le plus succinctement possible pour abréger la discussion, la Chambre se montrant très désireuse de se séparer.
Le crédit demandé sera insuffisant ; en effet :
Il reste à achever, à terminer la plus grande partie des terrassements de l'enceinte, qui ne sont guère qu'ébauchés.
Il faudra construire des hôpitaux, des arsenaux proportionnés à l'importance de l'immense place de guerre qui a été créée.
Tous ces établissements sont indispensables, de toute nécessité.
J’ai l'intention de suivre les divers articles du rapport. C'est, je pense, la méthode la plus sûre pour rendre le débat intelligible pour tout le monde.
La première question posée à M. le ministre de la guerre est celle de savoir si le fort de Merxem serait ou non achevé. M. le ministre de ta guerre répond :
« Le réduit du fort de Merxem, que l'on considère comme inutile en présence de l'action énergique que l'enceinte exerce sur le terrain qu'aurait dû occuper ce réduit, et de l'impossibilité où se trouverait l'ennemi d'établir des batteries sur l'étroite langue de terre qui dépasse l'inondation au nord de Merxem. Il est à remarquer, du reste, que le réduit du fort de Merxem n'est pas mentionné dans le devis qui a été soumis à la section centrale en 1859. »
Nous verrons plus loin une contradiction,
M. le ministre de la guerre trouve donc que le fort de Merxem est complètement inutile à la défense de la ville.
Mon opinion n'est pas celle de M. le ministre de la guerre et je crois qu'en ce qui concerne ce fort, je suis en revanche parfaitement d'accord avec la commission nommée en 1861 pour examiner les travaux nécessaires à la défense d'Anvers. Cette commission a rédigé des procès-verbaux ; ces procès-verbaux existent, il est facile d'y recourir. La lecture de ces documents vous fournira la preuve que cette commission, composée d'un grand nombre d'officiers les plus distingués de notre armée, a émis l'avis que le fort de Merxem doit être construit.
Je passe maintenant au fort d'Austruweel. Ce fort est également prescrit par la loi. Que répond l'honorable ministre de la guerre, lorsqu'il lui est demandé, si ce fort sera construit ?
« Le fort de la rive gauche eu face d'Austruweel, qui devait être un simple ouvrage en terrassement dont l'utilité serait aujourd'hui très contestable, en présence des nouveaux moyens de défense du fleuve qui fournissent les mines sous-marines, et du système de barrages qui sera établi en temps de guerre sous la protection des forts du bas Escaut. »
Ce fort d'Austruwel, contenu dans la loi de 1859, a également été indiqué comme nécessaire par la même commission. Je demande encore qu'on ait recours aux procès-verbaux de cette commission pour s'assurer de ce que j'ai dit. La Chambre a le droit de réclamer du ministre la production de ces documents et je suis persuadé que le ministre ne voudra pas refuser d'accéder à la demande qu'on pourrait lui adresser à ce sujet.
Les mines sous-marines sur lesquelles on compte pour défendre les passages de l'Escaut produisent d’après différentes expériences, de très bons résultats. Les essais auxquels on s'est livre récemment ont été entièrement satisfaisants.
Il semblerait donc que ce moyen de défense, pour empêcher une flotte de remonter l'Escaut, aurait quelque valeur, mais il n'en est pas de même des barrages.
Le rapport parle d'un nouveau système de barrages ; je ne connais pas ce nouveau système, mais je sais qu'en 1857 et 1858 une commission a été nommée pour examiner quelle espèce de barrages on pourrait établir pour empêcher l'accès de l'Escaut.
J'ai eu connaissance de quelques projets et je puis affirmer qu'aucun d'eux n'est pratique ; il en est même de tellement ridicules, que je ne comprends pas comment on a osé les produire. L'un de ces systèmes exigeait, rien que pour conserver les éléments dont il se composerait, des bâtiments dont le coût s'élèverait à plus d'un million. Un tel projet peut-il avoir chance de réussite ?
Nous arrivons à la lettre c.
« Les revêtements d’escarpe de sept forts du camp retranché ont été supprimés, parce que des expériences et des faits de guerre postérieurs à l'adoption de la loi, ont démontré qu'il était avantageux de remplacer ces revêtements, exposes à être battus en brèche de loin et en peu de temps, par des bâtiments à l'épreuve de la bombe établis dans (page 64) l'épaisseur du rempart. Ces bâtiments serviront de logement et d'abri à une partie de la garnison et à tout le matériel des fronts de tête des forts. Cette modification est considérée, par tous les ingénieurs militaires, comme une des plus avantageuses en présence des progrès réalisés par l'artillerie.
Il est parlé ici d'expériences récentes faites pour constater la supériorité des remparts en terre sur les remparts revêtus. Ces expériences datent déjà de longtemps. Elles étaient parfaitement connues avant la discussion de la loi de 1859, et les avis étaient tellement bien partagés, que l'officier qui passe pour le principal auteur des fortifications d'Anvers a non seulement dit, mais écrit qu'il n'oserait pas conseiller de ne pas revêtir les escarpes des forts du genre de ceux qui entourent la ville d'Anvers, il en donne une raison qui est acceptée par tous les militaires ; c'est que les ouvrages dont les parapets ne sont pas revêtus en maçonnerie peuvent être pris par un coup de main, c'est-à-dire sans passer par les longueurs d'un siège régulier.
Quand on veut faire adopter une modification, un projet de fortification, le même argument est toujours reproduit : des expériences récentes ont prouvé que.,., tous les militaires instruits sont d'avis, etc.
Il est dit également dans le même article que les escarpes sont remplacées par des bâtiments servant de logement et d'abri.
Je ferai observer à la Chambre que tous les forts sont du même modèle, qu'ils sont tous identiques, à cette exception près que le fort n°3 est le seul qui ait des revêtements en maçonnerie. Pourquoi les autres forts ont-ils des remparts non revêtus ? C'est qu'on s'est aperçu que le fort n°3 le premier construit entraînait, avec ces revêtements en maçonnerie, à une dépense trop élevée. (Interruption.) Ce fort à lui seul coûte au moins 3 millions ; pour les huit forts qui entourent l'enceinte il y aurait donc eu, de ce chef, une dépense de 24 millions. Cette dépense eût absorbé une trop grande partie du crédit alloué ; alors on a immédiatement découvert que des expériences récentes très concluantes prouvaient que les parapets en terrassements étaient plus efficaces pour la défense que les revêtements en maçonnerie.
- Une voix à gauche. - Il fait l'éloge du ministère.
M. Hayezµ. - De ce chef on a économisé 800,000 francs par fort.
Relativement aux six casernes défensives qui, d'après le projet, devaient être construites derrière les six grandes caponnières, l'honorable ministre de la guerre répond :
« Les six casernes des fronts attaquables ont été remplacées par deux casernes plus grandes et par des bâtiments voûtés, plus vastes et plus nombreux, établis sur les deux côtés de douze portes de ville et sous les ailes de six grandes caponnières du corps déplace. Ces divers abris voûtés remplacent avantageusement les quatre casernes supprimées. »
Je ne puis accepter cet avantage, attendu que les troupes seront moins bien placées pour les sorties que si elles étaient disposées dans le voisinage des différentes portes.
Toutes les troupes seront divisées en deux parties, c'est-à-dire dans une position plus désavantage que si elles étaient divisées en six. Les deux casernes sont plus grandes que chacune des six projetées ne l'aurait été ; à la bonne heure, mais je ne puis admettre que ces deux casernes coûtent à elles seules autant que les six autres. Il doit donc y avoir eu de ce chef une économie ; qu'en a-t-on fait ? C'est d'ailleurs toujours le même argument dont on s'est servi plus haut : Ces divers abris remplacent avantageusement etc.
Cette assertion est très contestable et je la conteste et je la contesterai jusqu’à ce que la preuve en soit faite.
« Les travaux de la citadelle du Nord, répond l’honorable ministre à une autre question, ont été exécutés conformément au plan primitif. Le rôle de cette citadelle n’exige pas la construction d’autres terrassements et d’autres bâtiments permanents que ceux qui ont été prévus.
« Tant que le gouvernement conservera les bâtiments dont il dispose actuellement à l'intérieur de la place, il n'a pas l'intention d'en créer de nouveaux. »
Remarquez-le, messieurs, le gouvernement n'a pas l’intention « maintenant ». Cette intention peut lui venir, et si elle vient, ce sera nécessairement de nouveaux crédits à demander.
M. Bouvierµ. - Nous ne les voterons pas.
M. Hayezµ. - Le rôle de là Citadelle, dit-on, n'exige pas la construction d'autres terrassements pour répondre à la destination qui lui a été assignée, c'est-à-dire pour constituer le véritable réduit de la position, M. le ministre de la guerre l'a dit dans la séance du 15 mars 1862.
Cette citadelle, pour remplir la destination que lui a réservée M. le ministre de la guerre, doit de toute nécessité, d'absolue nécessité, être pourvus de bâtiments militaires à l’abri de la bombe. M. le ministre ne l'ignore pas, puisque dans la séance du 23 septembre 1863, il a dit à propos du bombardement de Sébastopol :
« Malgré cette effroyable quantité de projectiles, au dire des Russes comme des alliés, la ville avait relativement peu souffert ; mais la garnison, au contraire, avait été décimée, précisément parce qu'elle manquait de ces abris casemates que les défenseurs d'Anvers trouveront sur tous les points susceptibles d'attaque. »
Si l'on supprime, comme on a supprimé les quatre casernes défensives, les bâtiments qui doivent exister dans la citadelle du Nord, considérée comme réduit, les défenseurs d'Anvers ne trouveront pas beaucoup d'abris.
D'après ce qui a été dit dans cette Chambre, les grands pouvoirs de l'Etat doivent trouver un dernier refuge dans la citadelle du Nord ; nous sommes du nombre, messieurs, et par conséquent, nous nous y rencontrerons avec ce qui restera de la garnison après la chute des forts et de l'enceinte. Peut-on loyalement soutenir, après cette déclaration, que des bâtiments à l'épreuve de la bombe ne sont pas d'absolue nécessité dans cette forteresse ? Voyons ce qu'il en coûtera, rien que pour les débris de l'armée.
D'après les évaluations généralement admises, on compte sur une dépense d'un million par mille hommes ; en admettant qu'il ne reste plus que 10,000 hommes à abriter, et j'espère bien que cette évaluation est beaucoup en dessous de la vérité, puisqu'elle suppose la perte des cinq sixièmes de la garnison présumée avant le commencement du siège, la dépense, rien que pour la troupe, s'élèvera à 10 millions.
Mais outre ces bâtiments, il y aura encore autre chose à faire. Il faudra exhausser le terre-plein de 3 mètres pour rendre cette citadelle habitable. Ce terre-plain se trouve aujourd'hui beaucoup plus bas que les marées moyennes. Cet exhaussement exigerait de 800,000 à 900,000 mètres cubes de terre et pourrait se faire de deux manières différentes. Par le premier moyen, on prendrait des sables qui se trouvent dans l'Escaut sur un banc à proximité de Tamise. Ce moyen occasionnerait une dépense d'un million et demi. Mais comme ce banc ne peut fournir annuellement qu'environ 80,000 mètres cubes de sable, il faut douze ans pour faire compléter le remblai.
L'autre moyen consisterait à faire venir le sable de Calmpthout. Ce serait plus expéditif, mais il en coûterait 2 millions.
Vous le voyez, messieurs, rien que pour rendre la citadelle habitable, il faudrait 12 millions, c'est-à-dire plus du double que le crédit demandé, et à ces 12 millions il faut ajouter l'achèvement des travaux commencés et surtout de ceux qui ne sont pas même commencés.
Si le ministère se refuse à faire ces travaux, la citadelle du Nord ne peut remplir en rien la destination pour laquelle on l'a érigée.
MfFOµ. - Nous ne devrons pas la démolir.
M. Hayezµ. - A la question adressée relativement à la marine militaire, l'honorable ministre répond :
« Pour ce qui regarde la marine militaire, le gouvernement ne peut que s'en référer aux déclarations qu'il a faites lors de la discussion de loi du 8 septembre 1859. »
Messieurs, je vous avoue que je ne connais pas du tout ces déclarations. Je crois qu'il a été dit qu'une marine militaire serait toujours avantageuse à la défense, mais qu’on pourrait s’en passer.
M. Orts. - Voulez-vous me permettre de vous répondre ?
Voici ce qui a été dit.
On a dit que la question de la marine militaire était une question réservée, mais que si les fortifications d’Anvers recevaient les développements que le gouvernement voulait leur donner en 1859 et que nous leur avons donnés, la marine militaire, en supposant qu’il en fallût une, serait beaucoup moins importante et coûterait beaucoup moins d'argent que dans le système contraire.
M. Hayezµ. - Il n'y a donc plus de marine militaire !
- Plusieurs membres. - Si ! si !
M. Hayezµ. - Je demande alors : Dans l'état de la question, y aura-t-il ou n'y aura-t-il pas de marine militaire ? '
M. Mullerµ. - C'est la Chambre qui décidera.
M. Hayezµ. - C'est une question que j'adresse au gouvernement, et je crois qu'il peut y répondre, qu'il peut dire les intentions dans lesquelles il se trouve, puisqu'il déclare le système de défense complété. A-t-il l'intention de créer ou de ne pas créer une marine militaire ? En supposant qu'on ne crée pas de marine militaire, il me semble qu'il ne faut pas affaiblir les rives de l'Escaut, c'est-à-dire le priver des forts qui étaient projetés, Ainsi le fort d'Austruweel était projeté et décrété, il devait être construit. Il en est de même du fort Philippe, dont je parlais tout à l'heure. Pour relever ce fort Philippe et pour agrandir le fort (page 65) Ste-Marie, il a été adressé à la Chambre une demande de crédit. Cette demande a été accordée et le crédit tout entier a été employé au fort Ste-Marie ; le fort Philippe est encore à faire. Je demande si la Chambre ne doit pas demander compte à M. le ministre de la guerre des dépenses faites contrairement aux prescriptions formelles de la loi, et sans aucune autorisation du pouvoir législatif. Si de pareils faits passent inaperçus, à quoi bon faire des lois ?
« En janvier 1862, les travaux n'étaient pas assez avancés pour que l'on pût savoir au juste quelle serait la dépense à laquelle ils donneraient lieu. On venait d'exiger l'établissement de nouvelles portes. La nécessité de les pourvoir de logements, de magasins, d'abris, de corps de garde, etc., entraînait à des dépenses qu'on ne pouvait alors évaluer qu'approximativement. »
Dans l'exposé des motifs, il est dit que la ville d'Anvers n'avait que huit portes et que, maintenant, par une condescendance dont la ville d'Anvers doit être très reconnaissante, au lieu de huit, elle en aura quatorze. Ceci, messieurs, n'est pas tout à fait exact : il y aura quatorze portes ; mais il y a aussi six grandes caponnières ; à chacune de ces caponnières on a construit deux portes, l'une destinée au passage des bourgeois, l'autre exclusivement réservée à la troupe. Or, messieurs, je ne vois pas en quoi les Anversois peuvent tirer bénéfice d'un passage qui leur est complètement interdit.
Du reste, messieurs, je ne vois pas la nécessité de construire ces deux portes ; une seule suffisait amplement ; c'est donc une dépense tout à fait gratuite dont on a chargé le crédit voté pour les fortifications. On ne doit donc pas dire qu'on a favorisé la ville de quatorze portes, tandis qu'elle n'en avait que huit.
Ensuite, messieurs, si vous agrandissez démesurément une enceinte qui, dans le principe, n'avait que huit portes, vous vous mettez dans la nécessité d'en créer un plus grand nombre, pour ne pas diminuer les facilités des communications avec l'extérieur.
On peut faire valoir eu faveur des six portes créées non pour la facilité des habitants d’Anvers mais exclusivement dans un but militaire, ou peut faire valoir ce motif-ci : c'est que de nombreuses issues favorisent les sorties en cas de siège ; on peut en conclure que ces portes sont utiles à l'armée ; mais qu'on ne dise plus qu'on les a faites dans l’intérêt des habitants.
« L'économie résultant de la suppression des revêtements en maçonnerie a été absorbée par la construction des bâtiments voûtés à l'abri de la bombe, établis dans l'épaisseur des remparts des forts et par l'élargissement des réduits. »
J'ai eu l'honneur de dire tout à l'heure, messieurs, que tous les forts étaient construits sur le même modèle, tous sans exception, sauf un seul, le n°3. On a donc épargné des revêtements et la dépense des revêtements ne doit point avoir été absorbée par la construction d'abris, parce que ces abris devaient exister à tous les forts.
« Le gouvernement déclare de nouveau que les fonds votés pour l'armement de la place d'Anvers seront suffisants. »
Quant au chiffre total des dépenses occasionnées par les travaux d'Anvers, M. le ministre s'applaudit de le voir différer si peu du crédit demandé primitivement, c'est-à-dire 49 millions, et qu'il porte aujourd'hui à 54 millions.
Je regrette de ne pouvoir partager cette opinion ; je crois en effet que la somme des dépenses portées au devis dressé par le génie se rapproche beaucoup plus du coût réel que celle annoncée comme un minimum par M. le ministre.
Le devis du génie était de 63 à 64 millions. Ce chiffre a paru trop élevé pour être admis par les Chambres, on l'a ramené à 49 millions que l'on espérait pouvoir suffire en employant les moyens suivants :
1°. On a appliqué 5 à 6 mille hommes en moyenne, aux travaux de terrassements et même aux maçonneries.
Or, il faudrait, pour faire un calcul équitable, porter au compte des dépenses tout ce que coûte annuellement ce petit corps d'armée transformé en travailleurs, ou le défalquer du budget de la guerre, et l'on sait que mille hommes coûtent un million par an.
Il faut ajouter à cette somme le crédit demandé aujourd'hui ; l'économie résultant de la transformation des escarpes en maçonnerie de sept forts détachés et qui sont en terrassements, sauf au fort n°3. Or, ces escarpes étaient évaluées par fort à 800,000 fr. ou 5,600,000 fr. pour les sept forts.
Ces chiffres se trouvent au devis, l'économie provenant de la suppression de 4 casernes défensives.
La valeur des matériaux provenant de la démolition des places fortes ; ces matériaux ont été employés au lieu d'être vendus au profit du trésor.
Quand on a démoli les places fortes, on a dirigé sur la ville d'Anvers une partie des matériaux provenant de la démolition.
Je ne sais jusqu'à quel point cette manière d'agir est légale ; mais toujours est-il que c'est une valeur qui devait venir en déduction sur le crédit de 49 millions.
Enfin, les dommages causés au matériel d'artillerie par les transports continuels, l'usure prématurée des chevaux, des harnais et l'emploi du personnel d'artillerie aux transports, au grand détriment de son instruction.
Il est de fait qu'à Anvers on ne voit dans les rues, dans les chemins que des convois de fourgons d'artillerie ; les chevaux, à une certaine époque, étaient d'une maigreur effrayante. (Interruption.) Oui, messieurs, riez si cela vous convient, je maintiens mon assertion.
Il est de fait également que quand on emploie les artilleurs à des transports continuels, on ne peut leur donner l'instruction qui est si nécessaire et si difficile à acquérir ; veuillez croire, messieurs, que je ne suis pas de ceux qui pensent qu'en vingt jours on forme un artilleur. Je ne parle pas du procès intenté par la compagnie au gouvernement, attendu que je n'ai aucune donnée sur les frais qui pourront s'ensuivre. En voilà plus qu'assez, vous le voyez, messieurs, pour arriver au chiffre fixé par le génie, c'est-à-dire 64 millions ; nous voilà donc bien loin des 54 millions, qui paraissaient une si petite dépense pour la grande œuvre des fortifications.
Mais admettons, par impossible, que les travaux de la rive droite soient terminés au moyen des crédits demandés ; ne sera-t-il plus fait d'autres appels aux finances de l'Etat ?
J'ai, messieurs, la conviction du contraire ; dans quelques années, ou bien si l'horizon politique s'obscurcit un peu, on trouvera, notez le mot, que la rive gauche n'est pas assez bien défendue ; que, dans l'état actuel des choses, la place est ouverte à la gorge ; que, pour remédier à cet inconvénient, il faut un sacrifice de plusieurs millions, sous peine d'avoir fait, sur la rive droite, des travaux complètement inutiles et de nulle valeur pour conserver le dernier refuge de notre nationalité.
J'en appelle à M. le ministre de la guerre lui-même, et je lui demande s'il ne craindrait pas d'amoindrir considérablement sa réputation militaire, en déclarant ici, dans cette enceinte, en présence du pays, que les ouvrages en voie d'exécution sont suffisants pour faire d'Anvers une position militaire de premier ordre.
M. le ministre sait trop bien qu'à Burght, situé sur la rive gauche, on peut établir des batteries qui battraient la gorge des forts n°7 et 8, balayeraient la droite du camp retranché, et bombarderaient la ville.
Il sait bien aussi que, dans l'espace qui sépare le fort n°8 de l'Escaut, 800 à 1,000 mètres, il existe une forte dépression du terrain et qu'on peut y passer sans être vu par le fort.
Il faudra donc construire un ouvrage pour défendre ce passage ; de là de nouveaux frais qui auraient pu être prévus si on n'avait pas mis tant de précipitation dans la confection des plans, si cette œuvre avait été suffisamment contrôlée.
Ainsi, plus tard, messieurs, quand l'impression du moment sera affaiblie, il n'est pas impossible que l'on revienne à une partie du programme de M. Dechamps, et que l'on vous propose d'adopter la mesure trouvée impraticable aujourd'hui. Alors il n'y aura plus d’objection contre l’aliénation des domaines de l'Etat.
Le rapport dit encore :
« En section centrale, la discussion s’est concentrée sur le point unique de savoir si l’intérêt vrai du pays commande de refuser ou d’allouer le crédit demandé par le gouvernement.
« Les conséquences d'un rejet sont gravés à plus d'un point de vue.
« Nous laissons de côté les embarras politiques que ce refus de concours au cabinet pourrait entraîner ; nous nous bornons à examiner les résultats matériels d'un vote défavorable.
« Refuser les fonds nécessaires au complet achèvement des fortifications d'Anvers... »
(Notez bien cette expression, « complet achèvement », messieurs ; il sera peut-être nécessaire de la rappeler un jour ; elle signifie évidemment que le crédit de 5 millions étant employé, il n'y aura plus de dépenses à faire aux fortifications d'Anvers.)
« Refuser les fonds nécessaires au complet achèvement des fortifications d'Anvers, c'est frapper de stérilité toute les dépenses faites jusqu'à ce jour. Autant vaut, mieux vaudrait même décréter ouvertement le démantèlement de la place et faire tout d'un coup le sacrifice des millions, dix fois plus considérables, déjà absorbés par l'œuvre de la défense nationale.
Je vous le déclare ici, messieurs, mon opinion est que conserver la place dans l'eut où on paraît vouloir la laisser, c'est-à-dire fortifier (page 66) uniquement la rive droite et laisser la rive gauche sans défense sérieuse comme elle l'est maintenant, c'est amoindrir considérablement la valeur de la forteresse ; c'est exposer Anvers à être pris en quelques jours ou tout au moins à subir de prime abord les désastreuses conséquences d'un bombardement.
Je termine, messieurs, par une observation qui me semble digne d'attention.
Depuis quelques années, les dépenses militaires ont été portées à un chiffre énorme, disproportionné à l'étendue de notre territoire ; j'ai malheureusement la crainte que des sommes considérables n'aient été dépensées légèrement et en pure perte ; je ne puis donc consentir à accorder de nouveaux crédits avant qu'il me soit permis de m'assurer s'ils sont nécessaires, et je ne puis le faire au moyen des renseignements insuffisants fournis par le département de la guerre.
Il est arrivé déjà que des crédits n’ont pas reçu l'emploi auquel ils étaient destinés ; je vous en ai cité un exemple. Ne devons-nous pas prendre les mesures nécessaires pour qu'un pareil abus ne puisse se renouveler ?
Je ne veux donc voter qu'en connaissance de cause, car, quoique je n'aie pas contribué par mon vote à l'adoption de l'ordre du jour du 24 décembre dernier, je ne veux pas voter en aveugle de nouvelles dépenses militaires.
M. J. Jouret. - Je ne sais, messieurs, si, après le discours que vous venez d'entendre, je dois encore vous présenter les observations que je m'étais proposé de vous soumettre. L'honorable membre, en effet, a porté la discussion sur le terrain purement technique, et je n'ai pas besoin de dire à la Chambre que je suis complètement incompétent pour répondre à toutes les observations qu'il a faites ; c'est un soin qui revient naturellement à M. le ministre de la guerre et je le lui laisserai.
Il est cependant dans les observations qu'a présentées l'honorable M. Hayez un point que, comme membre de la section centrale de 1859, il est en quelque sorte de mon devoir de relever.
L'honorable membre a dit que le fort du Nord n'était pas dans la loi.
Messieurs, je n’ai qu'un mot à répondre à cet égard. J'affirme que tous ceux qui siégeaient comme moi dans la section centrale de 1859 et qui ont eu, pendant des semaines et des mois, sous des yeux les plans que nous avions à examiner à l'appui du projet de loi, savent parfaitement à quoi s'en tenir sur cette assertion. Elle a du reste été réfutée par les intéressés eux-mêmes, par les personnes qui, comme l'honorable M. Hayez, étaient intéressées à établir, que réellement le fort du Nord n'était pas sur le plan qui nous avait été soumis. Vous vous rappellerez à quelle circonstance je fais allusion ; c'est-à-dire, à certaine lettre écrite par M. Cogels-Osy à l'honorable M. Vervoort, et je ne crains pas de dire que le pays a depuis longtemps fait justice de cette assertion qui est complètement erronée ; et je m'étonne que l'honorable colonel Hayez se soit permis de la reproduire dans cette enceinte.
Voilà ce que j'avais à répondre à l'honorable préopinant.
Maintenant, messieurs, qu'il me soit permis de vous faire les observations plus générales, qui motiveront mon vote.
Comme je viens de le dire, j'ai eu l'honneur, en 1859, de faire partie de la section centrale qui a examiné le projet de loi d'exécution des travaux d'Anvers.
C'est cette circonstance, dont j'ai été très fier, je l'avoue, qui m'a amené à prendre part à cette mémorable discussion et à appuyer, par un discours beaucoup trop long, le vote approbatif que j'ai émis alors comme je le ferai aujourd'hui.
Je finissais ainsi le discours que je prononçai dans cette occasion :
« Messieurs, la résolution que nous allons prendre est une de ces résolutions solennelles qui datent dans la vie des peuples. S'il est vrai que le projet en discussion n'ait point toutes les sympathies de la nation, c'est à votre patriotisme dévoué à lui en faire comprendre la nécessité, afin qu'elle l'accepte et lui rende la faveur qu'elle mérite. »
« On a dit souvent : Noblesse oblige. Cela est vrai, lorsque l'on donne à ce mot son sens véritable, élevé.
« Eh bien, l'indépendance et l'étendue des libertés qu'un peuple a su se donner lui-même, et pratiquer avec constance et énergie, constituent ses titres de noblesse devant les autres nations, mais fixent également l'étendue de ses obligations et de ses devoirs.
« Messieurs, ne l’oublions pas dans ces circonstances redoutables, lorsqu'on les envisage au point de vue de l'avenir !
« Pour moi, sans me préoccuper des conséquences que mon vote doit avoir pour moi-même, ce qui importe peu, je me suis placé devant ma conscience et devant les résultats probables que devait avoir pour la patrie un vote improbatif. J'ai pensé à Venise, rayée de la carte des nations, après des siècles d'une nationalité puissante et forte. J'ai pensé à Lisbonne et au Portugal, résistant avec succès dans les lignes de Torres-Vedras, au colosse qui menaçait de tout envahir. J'ai pensé à Turin, sauvé récemment par Alexandrie, et à Vérone, conservant la Vénétie à l'Autriche, contrairement aux prévisions qu'avait fait naître une désastreuse campagne.
« En faisant mon retour sur le passé de notre chère Belgique, j'ai tremblé, je vous l'avoue, à l’idée des malheurs que notre faiblesse et notre aveugle confiance dans une neutralité désarmée pouvaient accumuler sur elle dans l'avenir.
« Nous serions indignes de nous-mêmes, nous mériterions les sévérités de l'histoire et peut-être l'exécration de nos neveux si nous n'avions pas assez d'énergie pour faire tout ce qui est en notre pouvoir afin de leur transmettre intact ce précieux héritage.
« Je vote donc pour le projet de loi, parce qu'il réalise l'une des œuvres les plus utiles, les plus indispensables qu'il ait été donné à la nation de faire pour la sécurité de son avenir, pour son honneur et pour le maintien de son indépendance et de ses institutions ! »
Messieurs, je n'ai pas changé d'avis à cet égard. Comme l'honorable M. Orts, qui présidait la section centrale et qui en a été le rapporteur, je suis fier et je le resterai jusqu'à mon dernier jour d'avoir contribué au vote de ce grand et national projet de loi.
Le principal reproche que les adversaires des fortifications d'Anvers leur ont adressé, c'est d'être inutiles, en ce qu'elles sont incapables de résister en définitive aux efforts de l'une ou l'autre des grandes puissances qui nous entourent.
Cela fût-il vrai, je ne comprendrais pas qu'un pays qui doit à son indépendance et à ses libellés un développement sans, exemple de sa richesse et de sa prospérité, ne s’imposât pas avec joie quelques sacrifiées matériels pour défendre ces biens précieux.
Les nations, comme les individus, vivent avant tout de dignité et d'honneur, et si un jour, ce qu'à Dieu ne plaise, nous devons être victimes de la force brutale, l'honneur et la dignité sauvés seraient encore la garantie la plus puissante du maintien de notre indépendance dans l'avenir.
Il me semble, messieurs, que ce crédit doit être voté par la droite de cette Chambre. « Son chef, tombé, malheureusement pour elle, dans la mêlée du 11 août, se bornait à promettre dans son programme de ne pas dépasser, pour les travaux entrepris à Anvers, les limites des dépenses prévues et annoncées. »
Or, c'est à des dépenses de cette nature que le projet de loi est destiné à faire face et je ne puis croire que les membres de la droite oseront trouver systématiquement mauvais ce qu'ils auraient inévitablement trouvé bon, si leur chef était arrivé aux affaires.
Je voterai donc le projet de loi avec d'autant plus de plaisir que si l'on fait abstraction des travaux exécutés pour satisfaire à des intérêts locaux, à ceux d'Anvers surtout qui importent une somme de 1,544,000 fr. et de l'augmentation de 4 p. c. sur le prix d'entreprise qui est de 1,660,000 fr., total 3,204,000 fr.. Les dépenses non prévues dans l'évaluation primitive ne s'élèvent en réalité qu'à 2,370,000 fr., et qu'on nous annonce de la manière la plus formelle dans l’exposé des motifs que « c'est la dernière somme nécessaire pour le complet achèvement des travaux d'Anvers. »
En votant ce crédit, j'éprouve une autre satisfaction, c'est celle de nous sentir débarrassés pour toujours, j'espère, des menaces de dépenses de 20 à 25 millions de francs, peut-être que la droite aurait dû faire sur l'autre rive de l'Escaut, si elle avait voulu, et je crois qu'elle y aurait été contrainte à la longue, donner satisfaction à MM. les représentants d'Anvers, ses amis d'un jour.
Je voterai donc le crédit en discussion.
M. Devroedeµ. - Messieurs, je n'avais pas l'honneur de faire partie de la Chambre, quand la question des fortifications d'Anvers a été résolue par l'assemblée ; mais maintes fois, j'ai eu occasion de témoigner à plusieurs de mes collègues et à mes commettants ma manière de voir à cet égard. Je vous déclare franchement que je n'ai jamais été partisan des fortifications d'Anvers. Je ne le suis pas encore. Maintenant est-ce un motif pour moi de refuser le crédit qui nous est demandé ? Je ne le crois pas ; je pense que ce serait perdre le fruit de tous les sacrifices que le pays s'est imposés jusqu'ici pour cet objet, que ce serait aller à l'encontre de l'opinion de ceux qui m'ont envoyé dans cette enceinte, si je refusais mon approbation au projet de loi en discussion.
Aujourd'hui la question n'est pas de savoir si les fortifications d'Anvers doivent ou ne doivent pas être conservées ; il s'agit uniquement de décider si l'on veut, oui ou non, terminer les fortifications d’Anvers, si l'on veut ne pas rendre stériles les dépenses immenses qui ont été faites (page 27) jusqu'ici. Je ne partage pas l'opinion de ceux qui ont fait triompher ce système de défense nationale. Mais c'est un fait accompli. Que le pays puisse au moins, à l'aide de quelques nouveaux millions, recueillir le fruit des sacrifices considérables qui lui ont été imposés pour les fortifications d'Anvers ; votons dès lors le dernier crédit qui nous est demandé pour l'achèvement de cette grande œuvre. Je croirais manquer à mon devoir, si je ne votais pas en faveur du projet de loi.
M. Van Overloopµ. - Messieurs, je m'associe aux observations qui viennent d'être présentées par l'honorable préopinant et qui me paraissent parfaitement justes. Mais je désirerais qu'avant tout M. le ministre de la guerre voulût bien s'expliquer sur la question qui lui a été posée par l'honorable M. Hayez, savoir s'il est bien certain que les 5,575,000 francs qui nous sont demandés suffiront pour l'achèvement complet des travaux de la défense nationale à Anvers.
Ensuite, n'y a-t-il pas nécessité absolue d'exécuter des travaux sur la rive gauche de l'Escaut ? Sur cette rive, on peut inonder à concurrence de 3,000 mètres, ne faudra-t-il pas y établir un fort à Burght ? En cas d'affirmation, à combien s'élèveront les sommes nécessaires pour la construction de ce fort ?
Puis ce fort étant construit, comme il existera une trouée entre Burght et le fort de Sainte-Marie, ne faudra-t-il pas encore faire exécuter sur la rive gauche de nombreux travaux pour couvrir la trouée contre le passage de l'ennemi ?
Remarquez bien, et les nombreuses personnes que j'ai consultées à cet égard sont compétentes, remarquez bien que si l'on ne construit pas un fort à Burght, on pourra prendre à revers la défense de la rive droite, et si l'on peut prendre à revers la défense de la rive droite, à quoi servent toutes les dépenses faites sur cette rive ? (Interruption.)
On m'interrompt en disant que le fort de la Tête de Flandre et la citadelle du Sud sont là pour parer au danger que je signale ; mais je doute, et des personnes très compétentes sont de mon avis, que ce fort et cette citadelle suffisent pour empêcher de prendre à revers la défense de la rive droite.
Quoi qu'il en soit, il existera toujours, comme on me l'assure, une trouée qu'il faudra nécessairement couvrir.
C'est un point, me dit-on, excessivement important. Je ne le décide pas. Je ne me crois pas juge compétent.
Voilà une première série de questions que je prie M. le ministre de la guerre de vouloir bien résoudre.
Vient maintenant un second ordre de questions.
Notre artillerie suffit-elle pour la défense d'Anvers ? Même en supposant qu'il ne faille pas exécuter des travaux sur la rive gauche, on m'assure qu'il faudra au moins 24 à 30 batteries nouvelles pour mettre Anvers en état de défense. Je voudrais savoir si le fait est vrai, et, le fait étant vrai, à combien s'élèveront les frais de la mise en état convenable de notre artillerie ?
Vous comprenez, messieurs, que ce sont là des questions très graves.
Je n'ai jamais hésité et je n'hésiterai jamais à voter les sommes nécessaires à la défense de mon pays, Je pense qu'à droite comme à gauche on ne balancera pas à voter toutes les dépenses qui seront demandées, quand elles seront justifiées ; mais je pense qu'à gauche comme à droite on refusera d'accorder au gouvernement les sommes auxquelles manquerait une justification complète.
Messieurs, je dois faire un reproche à tous les ministres de la guerre qui se sont succédé jusqu'ici ; je ne m'adresse pas spécialement à tel ou tel de ces ministres ; je leur fais à tous indistinctement un grief d'avoir manqué de franchise en ce qui concerne les crédits qui ont été demandés à la législature pour les besoins de la défense nationale. Au lieu de nous déclarer ouvertement, catégoriquement qu'il fallait autant de millions pour sauvegarder ce grand intérêt, tous les ministres de la guerre sont venus réclamer seulement quelques millions, affirmant erronément, comme l'expérience l'a prouvé, qu'ils auraient suffi ; et jamais le pays n'a su ce que devait lui coûter l'organisation complète de la défense nationale.
J'espère donc que M. le ministre de la guerre donnera au pays des explications claires, nettes et catégoriques, dignes d'un militaire loyal.
- La suite de la discussion est remise à demain à midi.
La séance est levée à 10 heures.