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Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 30 juin 1864

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1863-1864)

(Présidence de M. E. Vandenpeereboom.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 669) M. Thienpont, secrétaire., procède à l'appel nominal à deux heures et un quart.

M. Van Humbeeck, secrétaireµ, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Thienpont présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.

« Des habitants d'Alsemberg demandent la diminution des droits d'accise sur la bière indigène. »

« Même demande d'habitants de Wavre, Esschene, Huldenbergh. »

- Renvoi à la commission permanent} de l'industrie.


« L'administration communale d'Isières demande qu'il soit établi dans cette commune une station sur la ligne d'Ath à Hal. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le conseil communal d'Avin prie la Chambre d'accorder la concession d'un chemin de fer de Bruxelles à Mayence par Huy. »

- Même renvoi.


« Des habitants de Bruxelles demandent la révision des articles 47 et 53 de la Constitution. »

- Même renvoi.


« Des habitants de Bruxelles demandent la révision de l'article 47 de la Constitution. »

- Même renvoi.


« Le conseil communal de Grez-Doiceau prie la Chambre d'accorder la concession d'un chemin de fer de Bruxelles à Mayence et de Grez à Hal, avec station à Grez-Doiceau. »

- Même renvoi.


« Des habitants de Molenbeek-Saint-Jean demandent des modifications aux articles 19 de la loi électorale, 2 de la loi du 12 mars 1848, et le vote à la commune. »

« Même demande d'habitants d'Ixelles. »

- Même renvoi.


« Des habitants d'Evelette prient la Chambre d'accorder aux sieurs de Haulleville et Wergifosse la concession d'un chemin de fer d'Anvers à Saint-Vith. »

« Même demande d'habitants de Marbais. »

- Même renvoi.


« M. de Renesse, empêché de se rendre à la Chambre, demande un congé. »

« M. de Florisone, obligé de s'absenter, demande un congé de quelques jours. »

- Accordé.


« M. le gouverneur de la Flandre orientale transmet à la Chambre 116 exemplaires de l'Exposé de la situation administrative de la province pour 1864. »

- Distribution aux membres de la Chambre et dépôt à la bibliothèque.

Proposition de loi augmentant le nombre de représentants et de sénateurs dans certains arrondissements

Lecture, développements et prise en considération

MpVµ. - Les sections ont autorisé la lecture de la proposition déposée hier ; elle est ainsi conçue :

« Vu l'article 49 de la Constitution et l'augmentation de la population du royaume constatée par les Exposés de la situation des provinces, adressés par les députations permanentes aux conseils provinciaux, pour la session 1864.

« Art. 1er. Le tableau annexé à l'article 53 de la loi électorale est modifié comme suit :

« Anvers. District d'Anvers : Six représentants.

« Brabant. District de Bruxelles : Treize représentants. District de Louvain : Trois sénateurs.

« Hainaut. District de Mons : Trois sénateurs. District de Charleroi : Cinq représentants.

« Liège. District de Liège : Quatre sénateurs. District de Waremme : Deux représentants.

« Namur. District de Philippeville : Deux représentants

« Art. 2. La présente loi sera obligatoire le lendemain de sa publication.

« (Signé) : Aug. Orts. »

Quand M. Orts veut-il développer sa proposition ?

M. Orts. - Immédiatement, si la Chambre le permet.

Messieurs, les développements de ma proposition seront extrêmement courts.

L'article 49 de la Constitution détermine le chiffre de la représentation nationale, en prenant pour base la population générale du royaume, la population des provinces et la population des arrondissements.

La proportion est d'un député par 40,000 âmes, d'un sénateur par 80,000 âmes.

D'après les relevés de la population générale du royaume au 31 décembre 1863, tels qu'ils existent officiellement entre les mains du gouvernement, tels qu'ils sont reproduits dans les exposés de situation dressés pour la session actuelle de nos conseils provinciaux par les députations permanentes, la population du royaume atteint aujourd'hui le chiffre de 4,894,045 habitants, ce qui fait, eu égard au nombre des représentants et des sénateurs actuellement nommés sur le pied de la loi électorale en vigueur, un excédant de 254,095 âmes, qui n'ont pas de représentant dans la proportion de 40,000 âmes, et de sénateurs dans la proportion de 80,000. Cet excédant comporte donc une augmentation de six représentants et de trois sénateurs. Ceci permet de maintenir la proportion établie par la Constitution entre le Sénat et la Chambre, c'est-à-dire un nombre double de représentants et un nombre simple de sénateurs.

Les arrondissements qui ont droit à cette augmentation sont ceux qui figurent dans ma proposition. Lorsque l'augmentation, soit d'un sénateur soit d'un représentant est acquise à la province entière, conformément aux précédents que la Chambre a toujours suivis depuis 1861, j'ai attribué la nomination à l'arrondissement qui possédait l'excédant de population non représenté le plus considérable.

En fait donc, ma proposition est justifiée dans son principe et justifiée dans son application.

Une seule question peut être soulevée. C'est la question d'opportunité. Je comprendrais qu'on la discutât dans d'autres circonstances que celles où nous nous trouvons ; mais il est évident pour tout le monde qu'après la clôture de la session, le pays doit être consulté, par voie de dissolution, sur la situation difficile dans laquelle l'équilibre des partis place et la Chambre et le pays.

Dans une circonstance aussi solennelle, en présence d'une dissolution incontestable, imminente, il me paraît qu'il y aurait un véritable déni de justice vis-à-vis des populations, vis-à-vis des parties du pays qui ont le droit d'être représentées dans une mesure plus large qu'elles ne le sont aujourd'hui, à retarder la jouissance de ce droit.

Ce serait réellement manquer d'équité, manquer de justice, que de ne pas permettre à chaque arrondissement du pays de prendre part, avec toutes les forces légales qui lui sont accordées par la Constitution, à l'épreuve qui se prépare. Cette épreuve sera d'autant plus solennelle qu'elle sera plus juste et plus large, que tout le monde ayant le droit de voter au scrutin aura pu exercer son droit, aura pu voter efficacement.

Je ne comprendrais donc pas que l'opportunité de la proposition fût contestée, puisqu'elle est justifiée en principe comme elle est justifiée dans l'application par le tableau de la population que je me permettrai d'ajouter à mon texte si la Chambre prend mon projet en considération.

Je n'en dirai pas davantage, messieurs ; pour une cause juste, les développements ne doivent pas être nombreux devant des hommes impartiaux et éclairés comme vous l'êtes.

- La Chambre prend la proposition en considération, ordonne qu'elle sera imprimée et distribuée et la renvoie à l'examen immédiat des sections.

Projet de loi portant le budget du ministère des travaux publics de l'exercice 1864

Discussion générale

M. de Mérode. - Moi aussi, messieurs, je dois entretenir la Chambre quelques instants des travaux entrepris à l'un des affluents de l'Escaut, à la Grande-Nèthe. L'Etat poursuivait un double but en modifiant le régime de cette rivière : d'abord de parer à ses inondations, ensuite, et pour ainsi dire simultanément, d'améliorer sa navigabilité. Le premier but paraît atteint par les travaux actuellement exécutés, mais la rapidité avec laquelle les eaux s'écoulent aujourd'hui supprime toute navigation, sauf aux courts intervalles des grandes pluies.

De là, de légitimes inquiétudes chez les nombreux intéressés de la vallée de la Grande-Nèthe, qui voient échapper leur plus économique mode (page 670) de transport. Ces inquiétudes, très fondées, je dois le dire, ont retenti dans le conseil provincial d'Anvers. Un honorable membre de ce conseil, lui proposant d'inviter la députation permanente à réclamer auprès du gouvernement le prompt achèvement des travaux, dirait ;

Messieurs, vous savez que l'intervention de la province dans les travaux de la grande Nèthe a été contractée à certaines conditions, surtout à la condition de maintenir et d'améliorer la navigabilité de cette rivière jusqu’à Westerloo.

Je ne doute nullement que cette stipulation claire, et formelle ne soit exécutée par le gouvernement ; cependant, comme la province est très intéressée et que nous tenons d’une manière toute spéciale, vu la grande importance de cette voie, à ce qu’elle soit navigable, nous nous unissons pour rappeler au gouvernement cette condition qui a été le motif principal de notre large intervention pécuniaire.

Je viens à mon tour m'enquérir auprès de M. le ministre des travaux publics et lui demander à quel moyen le département qu'il dirige s'est arrêté pour assurer cette navigabilité, si ardemment réclamée. N'est-ce pas à un système de barrages échelonnés dans la rivière de façon à la diviser en biefs, toujours navigables ou à peu près ?

Messieurs, la province d'Anvers a de puis un an soldé loyalement le subside qu'elle s'était engagée à fournir pour les travaux en question.

A l’Etat maintenant de remplir complètement sa promesse, et cette promesse est inscrite dans deux lois successives. Nous en réclamons vivement l'exécution prochaine.

M. de Montpellier. - Messieurs, la discussion du budget des travaux publics offre aux représentants une occasion toute naturelle de s'occuper des intérêts du pays, en dehors de toutes préoccupations politiques.

Je demande donc à la Chambre la permission d'adresser à M. le ministre des travaux publics quelques observations.

Dans son discours d'hier, M. le ministre a fait observer qu'en matière de concessions de chemins de fer, nous devions être d'une extrême sobriété.

Je ne viens pas attaquer cette proposition, bien qu'elle me semble fort discutable ; et pourtant je viens demander la concession d'un chemin de fer.

Parmi les nombreuses pétitions adressées à la Chambre et à M. le ministre des travaux publics, il en est une qui se distingue par les motifs sérieux sur lesquels elle s'appuie ; je veux parler du chemin de fer de Gembloux à Fosses et de Fosses à la Meuse.

Déjà le gouvernement a été autorisé par la législature à accorder la première partie de cette ligne, c'est-à-dire celle de Gembloux à la Sambre.

Nous venons demander la continuation jusqu'à Fosses et plus tard la prolongation jusqu'à la Meuse.

La continuation jusqu'à Fosses n'est pas une affaire très importante, il ne s'agit que de 12 kilomètres, aussi je suis persuadé que nous l'obtiendrons sans peine ; mais le complément nécessaire de la ligne, c'est le prolongement jusqu'à la Meuse, à un point qui n'est pas jusqu'à présent déterminé.

La ville de Fosses, restée jusqu'à cette heure dans un profond isolement, est un chef-lieu de canton d'une population très industrieuse, on y remarque des brasseries, des moulins à vapeur, des tanneries importantes et ces industries ne demandent pour pouvoir s'étendre, ne réclament que les é bouchés qui leur manquent.

Entre Fosses et la Meuse, il existe une contrée d'une rare fécondité, bien qu'elle soit vierge encore de tout moyen de locomotion rapide.

Dans cette contrée, il n'y a pas seulement une richesse agricole très remarquable et des bois très vastes ; mais on y rencontre des richesses en minerais et en marbres d'une nature bien remarquable ; ce marbre est même recherché par les sculpteurs italiens.

J'espère donc qu'avant notre séparation, M. le ministre des travaux publics voudra bien nous présenter un projet de loi sur le chemin de fer que je demande.

Du reste, le cautionnement a été versé entre les mains de M. le ministre et les capitaux sont réunis ; la délicatesse exige donc qu'on ne les laisse pas plus longtemps demeurer stériles.

Messieurs, il se fait, dans ce moment, à Namur des travaux d'une nature fort urgente : ce sont les travaux de réparation du pont sur la Sambre. il en est résulté un obstacle dans la circulation ; jusqu'ici on n'a pas porté de remède à cet état de choses ; il s'ensuit que le commerce et l'industrie en éprouvent un immense détriment.

Les deux tiers de la province de Namur, pour entrer dans le chef-lieu, doivent passer par le pont sur la Sambre. Or, ce passage est maintenant interdit, Les matériaux, les marchandises, tous les autres produits expédiés pour Namur sont obligés de faire un grand détour par les anciennes fortifications. C'est un véritable dédale, un défilé affreux, à telles enseignes qu'on a vu... 24 chariots attendra que 14 autres chariots fussent sortis de ce dédale pour pouvoir y pénétrer à leur tour.

Le mal n’est pas sans remède. Puisque je signale le mal, je veux aussi indiquer le remède.

A Namur, - quelques personnes ne s'en doutent peut-être pas, - il y a un port. Ce port n'est ni vaste ni bien profond. On pourrait établir a l'extrémité de ce port un pont provisoire ou un pont de bateaux comme on l'a fait à Liège lorsqu'on a reconstruit le pont des Arches. Je suis persuadé que ce qu'on a fait pour Liège on le fera pour Namur ; car en fait de travaux publics, il ne peut y avoir deux poids et deux mesures.

J'espère donc que M. le ministre mettra un terme à cet état de choses si fâcheux pour l'industrie et le commerce namurois.

Messieurs, on a parlé hier de la canalisation de la Meuse supérieure ; l'honorable M. de Macar a appelé sur ce point l'attention de M. le ministre des travaux publics. Je viens joindre ma voix à la sienne, et à l'appui de ma demande, je rappellerai one pétition de la ville de Namur qui indique un moyen qui me semble de nature à concilier les résultats que nous désirons.

Cette pétition signale un moyen d'arriver à une économie de plus de la moitié de la somme, qui est de 8 millions ; l'économie serait donc de 4 millions. Il s'agirait de substituer au système actuel d'écluses à fermettes un nouveau système d'écluses à hausses, qui est employé en France et qui réaliserait, je le répète, une économie de plus de 4 millions.

J'espère que cette heureuse invention pourra hâter la solution de la question.

J'ai entendu hier avec peine l'honorable ministre des travaux publies, répondant à l'honorable M de Moor, au sujet de la malheureuse catastrophe de Godinne, nous dire qu'on n'est point parvenu à en découvrir les causes ; il a ajouté, ce qui est très vrai, qu'en fait de déraillement, il est extrêmement difficile d'établir les véritables causes. La compagnie a probablement un certain intérêt à ne pas les indiquer.

Selon moi, le danger est dans les deux courbes en sens différents qui sont juxtaposées immédiatement l'une à l'autre ; évidemment si les courbes sont très éloignées l'une de l'autre, le danger n'est pas grand, lorsqu'un train doit franchir des courbes.

Ainsi que reste-t-il à faire aux convois de cette nature ? On devrait en ralentir la marche ; mais on néglige cette précaution, et cela au grand risque de la sécurité des voyageurs.

Du reste, il est à remarquer qu'il y a, sous ce rapport, une immense différence entre il chemin de fer de l'Etat et les lignes concédées : c'est que l'Etat a établi partout sou railway dans les meilleures conditions de sécurité pour les voyageurs ; le matériel est en parfait état, le personnel à l'abri de tout reproche, tandis que les chemins de fer concédés laissent infiniment à désirer sur la plupart de ces points. Je citerai entre autres la ligne du Luxembourg, celle de Pepinster à Spa et celle de Namur à Givet, qui sont établies dans des conditions excessivement dangereuses.

Je ne tiens, messieurs, à prouver qu'une seule chose : c'est que l'Etat est beaucoup moins sévère pour les compagnies qu'il ne l'est pour lui-même, c'est qu'il est moins exigeant pour les compagnies que pour lui-même. Si, lorsqu'on a fait le chemin de fer de Verviers, l'Etat avait voulu faire des économies au lieu de faire tant et de si dispendieux tunnels, il aurai, comme on l'a fait pour les chemins de fer du Luxembourg et de Namur à Givet, suivi le contour des montagnes, les sinuosités des vallées, sans beaucoup se préoccuper du danger que doivent faire courir constamment aux voyageurs les courbes nombreuses que ce mode de construction nécessite.

Mais l'Etat s'est avant tout préoccupé de la sécurité des voyageurs, il n'a reculé devant aucun sacrifice pour la garantir.

Aussi, jamais on n'entend parler d'accidents sur cette ligne, tandis que sur celles des chemins de fer concédés, il n'en arrive que trop souvent, et ces accidents sont généralement le résultat de la fréquence des courbes.

Ces courbes ne seraient pas dangereuses si l'on y ralentissait la marche des convois, mais comme on néglige généralement cette précaution, il en résulte inévitablement les plus graves dangers.

Aussi, jusqu'à preuve du contraire, je resterai convaincu que c'est aux deux courbes de Godinne et à la marche rapide du convoi que doit être attribuée l'horrible catastrophe qui y est arrivée.

J'ai une dernière observation à faire ; elle est relative au télégraphe. Ici encore je n'ai que des éloges à adresser au service organisé par l'Etat ; mais il n'en est nullement de même du service organisé par les compagnies concessionnaires. Un seul exemple suffira pour justifier ma (page 671) critique : une dépêche partie de la rue Villa Hermosa à Bruxelles à 9 1/2 heures du matin n'est parvenue à Lustin, station du chemin de fer de Namur à Givet, que quatre heures après, tandis qu'une dépêche expédiée de Liverpool pour la même destination n'a mis que deux heures pour y parvenir.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. – C’est un abus.

M. de Montpellier. - Eh bien, je prie M. le ministre de faire en sorte que cet abus ne se reproduise plus.

M. Magherman. - En jetant dernièrement un coup d'œil sur le Moniteur, j'y ai lu avec plaisir que la société des chemins de fer Hainaut et Flandres a été la première à s'approprier le tarif que M. le ministre des travaux publics a récemment adopté.

Cette résolution ne sera pas seulement favorable aux localités que le chemin de fer dessert directement, elle fera encore sentir ses salutaires effets sur toutes les autres localités en relation avec elle.

J'espère que cet exemple sera suivi par les autres compagnies concessionnaires, et que de cette manière nous parviendrons bientôt à avoir un tarif uniforme sur toutes les lignes du pays.

Mais j'ai vu avec regret qu'en annonçant que la compagnie Hainaut et Flandres était entrée dans la voie large ouverte par l'Etat, des restrictions avaient été apportées à cette mesure en ce qui concerne les relations de Hainaut et Flandres avec la ligne de Jurbise ; et cependant, messieurs, cette ligne est exploitée par l'Etat lui-même. Cette exception est excessivement fâcheuse, car la ligne de Jurbise coupe, sinon par son milieu du moins dans une de ses parties principales, dans la ville de Leuze, le chemin de fer Hainaut et Flandres.

M. le ministre rencontre des obstacles, je le sais, il n'est pas complètement libre dans ses allures ; mais il doit avoir des moyens directs ou indirects de forcer la main à cette compagnie. Je le prie de faire cesser cet état de choses qui est préjudiciable à de nombreux intérêts. Il est non seulement fâcheux au point de vue des expéditions de marchandises, mais aussi au point de vue du transport des voyageurs, car les voyageurs qui viennent de la ligne Hainaut et Flandres, en destination d'une des stations de la ligne de Jurbise, sont obligés de se munir d'un second coupon de circulation à Leuze, et lorsque les convois sont en coïncidence, ils ont à peine le temps de courir à la station pour prendre ce coupon. C'est là un contre-temps très fâcheux et qu'il serait facile d'éviter aux voyageurs.

Puisque j'ai la parole, j'appellerai l'attention du ministre des travaux publics sur un autre point qui a déjà été l'objet d'observations dans cette enceinte.

M. le ministre a annoncé à diverses reprises que la station de l'Etat à Gand serait reliée à la ligne d'Eecloo dans un délai rapproché ; cette jonction doit mettre en communication la partie septentrionale de la Flandre orientale avec la partie méridionale de cette même province, ainsi qu'avec les bassins houillers du Hainaut et les riches carrières de toute nature de cette importante province.

Enfin, j'appellerai l'attention toute spéciale de M. le ministre sur la situation de l'Escaut supérieur. Je ne puis qu'appuyer les considérations judicieuses présentées par mon honorable ami, M. Vander Donckt. Les propriétés riveraines de l'Escaut sont dans une situation déplorable ; autrefois les propriétaires se plaignaient des inondations, aujourd'hui la pénurie d'eau pour irriguer les prairies est l'objet de leurs doléances. La sécheresse des saisons peut y être pour quelque chose. Les travaux exécutés sur ce fleuve l'ont-ils été de manière à concilier les intérêts de l'agriculture avec ceux de la navigation. Je prie M. le ministre de vouloir ordonner des études sérieuses sur cet objet.

M. de Muelenaere. - L'année dernière, lors de la discussion du budget des travaux publics, j'ai signalé à M. le ministre plusieurs communes de l'arrondissement de Thielt, dans lesquelles le service de la poste laissait beaucoup à désirer et où il aurait utile et même nécessaire d'établir une perception ou tout au moins une seconde distribution de lettres par jour. Depuis lors quelques unes de ces localités ont adressé en ce sens des demandes au département des travaux publics, une enquête a été faite qui a établi que ces réclamations étaient fondées. J'espère que M. le ministre ne tardera pas à y faire droit.

J'ai aussi appelé l'attention de M. le ministre sur la nécessité d'établir, dans les principales stations de la Flandre, des bureaux télégraphiques.

Voici ce que me répondit alors l'honorable M. Vanderstichelen :

« Je me bornerai à dire que si 1'établissement de certains bureaux télégraphiques a spécialement souffert des retards dans la Flandre occidentale, la cause en est à la compagnie du chemin de fer de la Flandre.

« Nous sommes enfin parvenus à un arrangement avec elle et dans peu de jours une série de bureaux seront encore établis. »

En effet, depuis lors plusieurs bureaux ont été créés, mais on a procédé d'une manière tout à fait singulière, tout à fait anomale.

On a négligé l'importante commune de Meulebeke, la plus populeuse de la Flandre, celle où le commerce et l'industrie sont appelés tous les jours à prendre un plus grand développement.

Rien cependant n'empêchait le gouvernement d'acquiescer aux demandes réitérées qui lui étaient faites et à poser cet acte de justice. Les fonds ne manquaient pas, car un crédit de 325,000 fr. affecté spécialement à l'établissement de nouveaux bureaux télégraphiques avait été voté par la Chambre. J'avoue que je ne comprends pas le motif qui a fait agir le gouvernement de la sorte.

Toutefois, j'ose espérer que M. le ministre ne refusera plus de remédier au fâcheux état de choses qui existe aujourd'hui, et qu'il ne tardera pas à rendre complète et entière satisfaction aux intéressés.

M. d'Hane-Steenhuyseµ. - Messieurs, je viens appuyer les observations qu'a présentées tout à l'heure notre honorable collègue, le comte de Mérode.

Je m'occupe, il est vrai, d'un arrondissement qui n'est pas le mien, et j'en demande pardon aux honorables membres qu'il a envoyés dans cette enceinte. Si je me permets de prendre la parole à cette occasion, c'est qu'ayant fait partie pendant quatre ans du conseil provincial d'Anvers, j'ai vu se reproduire, à chaque session, la question de la Grande-Nèthe et qu'elle mérite toute la sollicitude du gouvernement.

Par un décret de Marie-Thérèse, la Grande-Nèthe fut déclarée navigable et flottable ; par ce fait, elle rentrait dans le domaine public. De là l'obligation aussi pour l'Etat de s'en charger complètement et de veiller à son entretien.

Par la suite, le gouvernement hollandais trouvant trop lourde, sans doute, la charge qui lui incombait de ce chef, prit un nouvel arrêté, en date du 19 décembre 1819, par lequel il faisait don à la province d'Anvers de cette rivière, lui imposant ainsi toutes les conséquences financières d'un pareil cadeau.

En 1854, de par la loi budgétaire, le gouvernement belge reprit à sa charge la Grande-Nèthe, mais à la condition, pour la province, les communes et les propriétaires riverains, d'intervenir dans les dépenses qu'occasionnerait son entretien, s'écartant ainsi des précédents suivis invariablement en pareille matière.

Comme j'ai déjà eu l'honneur de le dire, cette question a été soulevée chaque année au conseil provincial et je ne doute pas qu'elle ne s'y représente encore dans la session qui va s'ouvrir.

La province d'Anvers a déjà fait d'immenses sacrifices pour assurer la navigabilité de la Grande-Nèthe, ainsi que l'écoulement régulier de ses eaux.

En 1858, une offre fut faite par la province d'une somme de 222,000 francs, et l'Etat alloua, si je ne me trompe, pour l'entretien de cette rivière, une somme de 890,000 fr., avec la promesse formelle de faire exécuter non seulement les travaux d'entretien jusqu'à Lierre, mais encore tous ceux que nécessiterait la rivière en amont de cette ville, alors même qu'ils devraient dépasser le subside de 890,000 fr. alloué par l'Etat.

La Grande-Nèthe, ainsi que vous le savez tous, messieurs, traverse un pays peu favorisé au point de vue des voies de communication ; il possède peu de routes et n'a que de rares cours d'eau navigables.

Il est donc indispensable d'assurer complètement la navigabilité de la Nèthe jusqu'à Oosterloo au moins, navigabilité qui n'existe même pas, en de certains endroits, pour de simples embarcations. Des industries pourraient s'établir sur ses bords, mais il est évident que ne trouvant pas en elle un moyen facile et peu coûteux de transporter leurs produits, les industriels ont de très grands obstacles à surmonter et hésitent à s'établir dans cette partie du pays.

Rappelant donc au gouvernement les promesses qu'il a faites, à différentes reprises, je demanderai a M. le ministre des travaux publics s'il compte pousser avec toute l'activité désirable les travaux à exécuter.

Et, à cet effet, je pre l'honorable ministre de vouloir bien nous dire si des ordres précis ont été donnés pour que la navigabilité de la Grande-Nèthe soit assurée, d'une manière convenable, sur tout son parcours.

Puisque j'ai la parole, messieurs, j'en profiterai, en terminant, pour demander à M. le ministre des travaux publics où en sont les travaux de la deuxième section du canal de Saint-Job in 't Goor. La partie de la Campine qu'il doit traverser est également dépourvue de voies de communication, et il est indispensable que ce travail important soit complété le plus tôt possible, afin de donner au nord de notre province des moyens sérieux et efficaces d'assurer et d'augmenter sa prospérité.

(page 672) M. Van Hoordeµ. - Messieurs, le discours qui a été prononcé à la fin de la séance d'hier n'ayant pas encore paru aux Annales parlementaires, il me serait difficile de suivre, dans tous ses détails, l'argumentation de M. le ministre des travaux publics.

Au lieu de répondre simplement et directement à mes demandes, et aux griefs exposés par moi, au nom de mes commettants, il s'est engagé tout d'abord dans une foule de considérations générales. Il a cru nécessaire d'établir, ce qui n'est douteux pour personne, que le chiffre de la population du Luxembourg est moins élevé que celui de chacune des autres provinces ; et que, par conséquent, c'est là que l'Etat trouve les ressources les plus faibles.

A mon avis, ceci prouve uniquement que le Luxembourg, étant la province la plus pauvre, a le plus de droits à la sollicitude du gouvernement.

M. le ministre, se tenant toujours au point de vue des intérêts généraux, a abordé, ensuite, la question des voies de communication. Il a constaté, comme je l'avais fait la veille pour la partie de la province qui m'intéresse spécialement, que, les canaux et les rivières navigables faisant défaut, toute l'attention du gouvernement avait dû nécessairement se concentrer sur la création de routes et de chemins de fer.

Quant aux chemins de fer, il a cité la somme qui représente l'intervention de l'Etat, mais en se gardant bien toutefois de la comparer avec la totalité des dépenses faites ailleurs dans le même but.

Quand aux routes, il a invoqué des proportions ; mais ici encore, il a habilement écarté les éléments de statistique qui auraient pu faire tache dans le tableau.

D'abord, il n'a pas tenu compte des différences résultant de l'établissement des chemins de fer.

Il est clair cependant que les provinces qui possèdent des voies ferrées ne peuvent pas être assimilées, pour ce qui concerne la création des routes, aux provinces qui en sont dépourvues.

Le Luxembourg n'ayant été doté, jusqu'à présent, que d'une seule ligne mise fort tard en exploitation...

M. Allard. - On lui a donné deux millions parce qu'on ne pouvait pas y faire des chemins de fer.

M. Van Hoordeµ. - ... a dû, par la force même des choses, ouvrir des routes en nombre plus considérable que les autres provinces, que les railways sillonnent dans tous les sens.

En outre, j'avais dit mardi, parlant exclusivement de l'arrondissement que je représente, que le rapport entre l'étendue de ses routes et l'étendue de son territoire est au-dessous de la moyenne. J'aurais pu aller plus loin, car il résulte des documents officiels que le Luxembourg entier se trouve dans cette situation.

Or, M. le ministre n'a pas signalé cette circonstance. Deux provinces seulement présentent des chiffres inférieurs, ce sont les provinces d'Anvers et de Limbourg, qui sont au bas de l'échelle, mais la différence est fort minime. Voilà encore une proportion passée sous silence par M. le ministre. Enfin, quand il nous a donné le total des dépenses faites pour construction de routes dans le Luxembourg, il aurait bien dû, me semble-t-il, constater l'état de choses existant au point de départ en 1830.

Si tout était à faire, dans cette province, à la différence des autres provinces, où presque tout était fait, il est certain que les dépenses ont dû y être plus élevées, mais il ne résulte pas toujours de ce qu'on a dépensé plus dans une province que dans une autre, que la première ait été favorisée. La faveur ne peut commencer que lorsque l'égalité a été atteinte, et je viens de vous prouver que sous plusieurs rapports l'infériorité du Luxembourg existe encore actuellement.

D'ailleurs, messieurs, je ne vois pas où peut aboutir tout cet étalage de chiffres généraux qui constituent la majeure partie des renseignements que M. le ministre m'a donnés.

.Sa manière de raisonner est au moins étrange. Je lui parle au nom de l'arrondissement de Bastogne. Il me répond au nom de la province de Luxembourg. Je lui dis que l'arrondissement de Bastogne se plaint. Il me répond que le Luxembourg lui doit toute sa reconnaissance.

En admettant, contrairement à ce que je viens d'établir, que ceci soit vrai, en faut-il conclure qu'aucune partie de la province, qu'aucun arrondissement, qu'aucun canton, qu'aucune commune n'a de griefs à faire valoir ? Si c'est là votre système, il vous conduira loin. Il vous amènera, par exemple, à dire qu'une contrée pauvre qui possède une capitale riche est le pays le plus heureux de la terre parce que la moyenne y est bonne. Le Luxembourg comprend cinq arrondissements. Si quatre arrondissement sont contents, le cinquième ne l'est pas : Si les premiers ont été comblés des faveurs du budget, le dernier n'a pas même eu sa part, je le répète. Que mes collègues du Luxembourg se réjouissent, c'est fort bien, mais rien ne m'oblige à m'associer à leur joie quand j'ai personnellement à me plaindre.

Et si je me plains, messieurs, c'est en acquît de mon devoir. Il faudrait avoir le cœur ou l'esprit mal fait pour trouver dans mes réclamations une accusation à charge de mon prédécesseur.

En quoi, je prie ceux qui se sont permis des insinuations dans ce sens, de me le dire, en quoi mes réclamations constituent-elles pour lui une accusation, une injure, un reproche, ou même un soupçon ? J'aurais, à ce point, perdu tout souvenir !

Certes, en politique, un abîme nous sépare : c'est le motif de ma présence ici.

Mais, sur la question dont il s'agit, mon honorable prédécesseur et moi nous marchons d'accord. Les plaintes que je vous ai faites, les griefs que je vous ai signalés, les craintes que je vous ai manifestées, chaque année, à pareille époque, vous les entendiez sortir de sa bouche.

M. de Moorµ. - Pour l'embranchement.

M. Van Hoordeµ. - Il vous disait tout ce que je viens de vous dire ; avec cette seule différence qu'il parlait au futur : Si vous ne faites pas droit à mes réclamations, répétait-il sans cesse, si vous n'y faites pas droit dans un délai rapproché, on sera fondé à soutenir que vous êtes oublieux des intérêts de l'arrondissement de Bastogne, que cet arrondissement est un arrondissement déshérité, et même, à plusieurs reprises, en vous parlant de ses commettants il a employé ce mot de paria, qui m'a valu tant d'anathèmes. S'il occupait ma place sur ces bancs, il devrait vous tenir aujourd'hui, pour être logique, exactement le même langage que moi.

M. de Moorµ. - C'est le mot bâtard qui a déplu.

M. Van Hoordeµ. - Bâtard ou paria, peu importe. Le sens est le même. Comment s'est-il fait que ce qui était chez lui vérité et accomplissement du devoir soit devenu chez moi réclame et basse accusation, toutes choses étant restées dans le même état, rien n'étant changé dans l'ordre des intérêts matériels de l'arrondissement ?

Messieurs, avant de discuter les explications que M. le ministre nous a fournies sur la question spéciale du chemin de fer, je dois constater qu'il n'a absolument rien répondu à la demande principale. Je l'avais prié de me dire si, dans sa pensée, le délai actuel est le dernier, et comment il agirait, car j'ai tenu à prévoir toutes les hypothèses, même les plus invraisemblables, si, étant encore ministre à l'expiration de ce délai, il voyait de nouveau la convention inexécutée. Au lieu de consentir à donner à mon arrondissement ce renseignement essentiel, il a fait, à sa manière, l'historique de l'embranchement de Bastogne, mais il a perdu son temps et ses peines.

Je vais vous prouver, messieurs, par des extraits des Annales parlementaires, par ses propres paroles et celles de ses amis qu'en 1860 on était ici unanime à dire que l'exécution de l'embranchement était obligatoire.

Cela établira, une fois de plus, que si l'embranchement de Bastogne n'est pas encore fait, c'est à un ministère libéral, au cabinet actuel, et à lui seul, qu'incombe la responsabilité de sa non-exécution.

Pendant la session 1859-1860, l'honorable ministre des travaux publics avait pris en main, quoique assez timidement, la défense des prétentions de la Compagnie du Luxembourg, qui, ne contestant pas l'existence de la dette, en niait l'exigibilité. Comme tous les mauvais payeurs, elle disait : Je payerai, mais je payerai plus tard. Les explications de M. le ministre ne satisfont pas l'ancien député de Bastogne.

Il est d'avis « qu'il ne faut pas chicaner sur les termes d'engagements solennellement acceptés, équivoquer pour s'en affranchir. »

La discussion amène l'examen de la convention de 1855, qui avait été une nécessité et un bienfait. Si M. le ministre de la justice était présent, il ne me démentirait pas. Sans elle, la ligne principale, elle-même, serait restée dans le néant. M. le ministre des travaux publics en ayant exposé la portée, l'honorable M. d'Hoffschmidt, insistant toujours, lui pose cette question :« Quand l'exécution sera-t-elle exigible ? » M, le ministre répond : « Lorsque la société se sera développée, et qu'elle aura fait des recettes suffisantes. »

Au moment même où M. le ministre prononçait ces mots, l'hypothèse prévue était réalisée. L'honorable M. Nothomb en avertit M. le ministre. L’honorable orateur avait pris une grande part dans l'arrangement de 1855. Il l'a toujours revendiquée comme un honneur. Il en connaissait toutes les conditions ; or, voici comment il s'exprime dans cette séance du 20 janvier 1830 :

« M. Nothomb. - Nous avions en vue un délai moral, et ce délai c'était celui-ci : Nous voulions que la compagnie pût d'abord exécuter la grande ligne, et qu'elle fût mise en jouissance du minimum d'intérêt ; c'est-à-dire que les charges principales qui pesaient sur la compagnie eussent disparu, Eh bien, ce jour est venu ! J'entends vanter souvent la (page 673) prospérité de l'entreprise, la grandeur des recettes. Les charges font place aux avantages, et la compagnie est nantie du minimum d'intérêt. Dès ce jour la compagnie est à certains égards indemne, puisqu'elle touche la garantie de 4 p. c.

« Notre double condition est donc atteinte ; et la confection de la ligne principale, et la jouissance du minimum d'intérêt. Le délai moral est échu. Je persiste à soutenir qu'en justice et en droit la Compagnie est tenue de mettre enfin la main à l'exécution des embranchements de Bastogne et de l'Ourthe, dont la loi lui fait une obligation personnelle, et l'équité un impérieux devoir. »

Et que vous dit M. de Moor, dans cette même séance du 20 janvier 1860 ? Ecoutez ses paroles : « Je suis convaincu que d'ici à peu de temps les caisses de l'Etat n'auront plus à payer de minimum d'intérêt. » M. de Moor devinait juste. Il était meilleur prophète alors qu'il ne l'a été depuis à Dinant, et au début de l'enquête de Bastogne.

Le payement du minimum ‘ intérêt a entièrement cessé, pour la Compagnie du Luxembourg, à partir du 1er janvier 1860. Cela est constaté par les chiffres officiels.

« Eh bien, continue M. de Moor, le jour où l'exploitation de la ligne principale produira ce résultat, nous pourrons réclamer et, je crois, avec succès, l'exécution des embranchements. » (Annales parlementaires, page 523.)

Vous pouviez réclamer l'exécution des embranchements, M. le ministre, vous l'aviez déclaré vous-même dans la phrase que je vous ai rappelée tout à l'heure ; votre ami politique, M. de Moor, avait fait une déclaration analogue, tout le monde était d'accord, et cette exécution, vous ne l'avez pas réclamée ! Vous ne l'avez réclamée ni en 1860, ni en 1861. Pourquoi ?

Est-ce parce que l'honorable M. Malou, est-ce parce que l'honorable M. Osy ont émis des doutes autrefois sur la valeur des projets qui étaient soumis à la Chambre ? Que vous importaient leurs opinions ? Et dès lors, que m'importe à moi votre revue rétrospective ? Elle m'importe d'autant moins que chacun sait que toutes les questions relatives aux chemins de fer ont toujours trouvé des partisans et des adversaires de chaque côté du parlement. Les intérêts des voies ferrées du Luxembourg ont partagé en cela le sort commun. S'ils ont été quelquefois méconnus sur nos bancs, ils l'ont été aussi sur les vôtres, et souvent les orateurs qui les défendaient le plus énergiquement dans ces circonstances, appartenaient à la droite. Faut-il vous rappeler les noms de M. Louis Orban et de M. le comte Vandensteen ?

D'ailleurs, un membre de la gauche, M. Allard a prouvé hier, par une simple interruption, que les embranchements de Bastogne et de l'Ourthe se présentaient, à l'époque à laquelle M. le ministre a fait allusion, dans des conditions telles, qu'il y avait des doutes sérieux sur l'opportunité de leur adoption, de votre côté comme du nôtre. M. Allard a déclaré que c'est pour M. d'Hoffschmidt qu'il a voté l'embranchement de Bastogne...

M. Allard. - Parce qu'il l'avait bien défendu.

M. Van Hoordeµ. - Pardon, j'en appelle au souvenir de tous les membres qui étaient présents à la séance. Je rapporte vos expressions.

- A droite. - Oui ! oui ! il l'a dit.

M. Van Hoordeµ. - Vous voyez, messieurs, que je rends volontiers justice à l'influence de mon prédécesseur, aussi volontiers que je rendais justice à son zèle le jour où je vous ai cité les paroles dont j'ai tiré une conclusion qui nécessairement a dû vous déplaire. Je les répète textuellement aujourd'hui, d'après les Annales parlementaires : « Le gouvernement ne se montrerait pas soucieux des intérêts des populations s'il n'exigeait l'exécution. Il est temps qu'une promesse faite depuis seize années soit enfin accomplie, » (Session de 1861, page 1013.)

Examinons maintenant comment l'honorable ministre des travaux publics a répondu aux observations que j'ai eu l'honneur de lui faire concernant les routes de l'arrondissement de Bastogne. Il m'a dit : « Vous êtes dans l'erreur. Votre arrondissement ne songe même pas à provoquer l'établissement de routes nouvelles. Il n'en demande pas. Vous ne pourriez pas me signaler un seul refus ! »

Les vœux des conseils provinciaux ne parviennent donc jamais jusqu'à vous, M. le ministre ? Vous ne lisez jamais les bulletins des séances du conseil provincial du Luxembourg ? Si vous les aviez parcourus, vous auriez vu à chaque page des propositions, des rapports et des votes sur la création de voies de communication jugées indispensables. Les propositions sont si nombreuses, que leur examen est souvent renvoyé d'une année à l'année suivante. Et voulez-vous savoir dans quels termes se justifient ces propositions ? Si vous le permettez, je vous lirai les réflexions qu'ont suggérées à M. Lepeucque, conseiller provincial d'Houffalize, des projets qui concernent tout spécialement l'arrondissement dont je vous ai parlé.

Vous allez voir que son rapport confirme d'une manière éclatante la vérité de mes assertions. Les paroles dont je vous donnerai connaissance ont été prononcées par l'un des vôtres : elles ne peuvent, par conséquent, vous être suspectes.

Et puisque j'ai sous les yeux le nom de M. Lepeucque, aujourd'hui décédé, je crois devoir vous dire que son remplacement comme notaire s'est fait dans des conditions telles, qu'il a causé un étonnement général. Huit jours après l'enterrement de cet homme dont personne ne pouvait prévoir la fin soudaine, le successeur était nommé. Le gouvernement avait-il consulté les intérêts du canton ? Avait-il pris l'avis de la chambre des notaires ? Avait-il examiné les titres de tous les candidats ? Avait-il même laissé à ces titres le temps de se produire ?

C'est dans les termes suivants, messieurs, que s'exprimait cet honorable conseiller provincial, dans la séance du 14 juillet 1863, appuyant deux projets de routes réclamées par les cantons d'Houffalize et de Bastogne :

« Le canton d'Houffalize, messieurs, on vous l'a dit dans les développements produits, et je tiens à insister sur ce point, est, eu égard aux voies de communication existantes et comparativement aux autres cantons de la province, le moins bien partagé de tous. Il est resté en quelque sorte jusqu'ici dans un état de délaissement et d'abandon.

« En effet, il résulte des renseignements fournis qu'il ne possède que 24 kilomètres de route provinciale ou de l'Etat, tandis qu'il a droit, si, d'une part, on tient compte de l'importance de sa population, à 42 kilomètres, et si, d'autre part, on prend pour base son étendue territoriale, à 75 kilomètres.

« En ce qui concerne le second objet de la proposition tendant à ce que le gouvernement rattache Bastogne à la gare-frontière de Watermael par une route construite aux frais de l'Etat, les mêmes considérations militent en sa faveur. Il faut bien le dire, toutes ces communes où l'industrie agricole a des agents nombreux et éclairés, manquent de toutes communications et surtout de routes, si ce n'est quelques bouts de chemins vicinaux encore inachevés. »

Messieurs, ces explications ont été admises par le conseil provincial. Aucune objection ne leur fut faite. Et aujourd'hui vous osez prétendre que je me plains sans raison !

Dois-je répondre, messieurs, aux deux orateurs qui, ayant le pressentiment de la faiblesse de l'argumentation de M. le ministre lui ont apporté d'avance le secours de leur éloquence. Se sentant incapables de réfuter le fond de mon discours ,il se sont attachés, ramassant les plaisanteries de leurs journaux, à en critiquer la forme. Il ont trouvé à relever un mot, un seul. Ce mot n'est ni incorrect, ni impropre ; il était simplement inutile.

Je consens sans regret à admettre qu'il n'était pas indispensable à l'expression de ma pensée ; mais à ce sujet, je tiens à faire remarquer à ces honorables collègues, que, s'il est fort aisé, comme ils le savent par expérience, de prononcer un discours correct quand on se contente de lire l'une après l'autre des pages péniblement écrites à coups de dictionnaire, il est fort difficile au contraire de rencontrer toujours le mot propre, d'éviter les redites et même les imperfections de style, dans une improvisation continuellement traversée par les interruptions les plus malveillantes. Si, au lieu d'un seul mot à retrancher, j'en avais employé dix, j'aurais encore eu des droits à leur indulgence.

M. B. Dumortier. - Messieurs, j'ai demandé la parole pendant que l'honorable M. Vander Donckt parlait de l'état des prairies aux environs de l'Escaut. Cette question est extrêmement sérieuse ; le fait est, comme l'a dit mon honorable ami, qu'aujourd'hui les prairies des deux rives de l'Escaut ont énormément perdu de leur valeur. Or, messieurs, le parcours de l'Escaut depuis Tournai jusqu'à Gand est d'environ 25 lieues kilométriques.

Si vous considérez que chacune de ces deux rives souffre de ce fait, cela fait 50 lieues de parcours. Maintenant comme nous connaissons la contenance des hectares par lieue de parcours, nous arrivons à ce résultat que 2,500 hectares de prairies ont perdu presque toute leur valeur, par suite des travaux faits à l'Escaut tant en Belgique qu'en France. C'est là quelque chose d'extrêmement fâcheux. 2,500 hectares de prairies, ayant jadis une valeur considérable, rapportant de 400 à 800 francs par an, ne rapportent rien aujourd'hui, cela mérite certes toute l'attention, du gouvernement.

Messieurs, on n'a envisagé cette question du haut Escaut qu'au point de vue de la navigation, au point de vue des relations entre les Flandres et le Hainaut ; mais je pense qu'il serait sage de ne pas perdre de vue un autre intérêt, l'intérêt agricole qui a sa grande valeur et qui doit peser d'un certain poids dans les délibérations de la Chambre et du pays.

Les prairies dont je parle et qui étaient autrefois si belles se vendaient (page 674) chaque année 400, 500 ou 600 fr., même 800 fr. par hectare, Eh bien, savez-vous ce qu'elles rapportent aujourd'hui ? 15 à 20 fr. Jugez par là du préjudice causé aux propriétaires de ces 2,500 hectares !

Messieurs, à la suite du dessèchement de ces prairies par défaut d'irrigation, on a voulu y faire des essais de culture ; mais il a été impossible d'arriver à les cultiver ; le motif en est extrêmement simple : les terrains d'alluvion, voisines du fleuve, ne s'asséchant pas, elles sont tout à la fois compactes, dures et non perméables à la chaleur. Aussi toutes les tentatives de culture ont amené pour résultat de ne rien produire du tout ; de façon qu'après avoir tenté la mise en culture, on a été forcé de les mettre de nouveau en prairies.

Il en résulte donc un préjudice qui s'élève à des millions par année. Mais ce préjudice n'est pas dû seulement au motif indiqué par l'honorable député d'Audenarde ; il y a un autre motif qui vient en ce moment causer un tort considérable à l'Escaut, à sa navigation, à ses magnifiques prairies.

Ce motif, ce sont les travaux qui se sont faits et qui se font en France sur l'Escaut français et sur la Scarpe.

Ceci est d'une importance extrême. La Belgique a reçu de très vives réclamations de la Hollande, par suite des prises d'eau faites à la Meuse par le canal de la Campine. Il me semble que le gouvernement est bien en droit de faire des réclamations semblables, à raison des travaux exécutés en France sur les affluents de l'Escaut.

Avant d'entrer sur notre territoire, l’Escaut reçoit la Scarpe et la Sensée ; à Mortagne, près de Tournai, s'établit le confluent des deux rivières. Il y a quatre ou cinq ans, nous avons eu deux années de sécheresse, la ville de Lille s'est trouvée dépourvue d'eau. Qu'a t-on imaginé en France ? On a imaginé de détourner les eaux de la Scarpe et de les jeter dans la Deule. Pour cela, on a baissé le niveau du canal de la Deule et les radiers de ses écluses de manière à porter les eaux de la Scarpe à Lille et de les enlever à l'Escaut ; par là l'Escaut, qui a perdu près de la moitié de ses eaux, voit ses prairies dépourvues des irrigations, tandis que la Lys, qui reçoit aujourd'hui les eaux de la Scarpe au moyen de ces travaux, a ses prairies submergées.

Ce n'est pas tout. Tout récemment, le gouvernement a mis en adjudication publique la construction d'une écluse sur l'Escaut près de Mortagne à quelques minutes du territoire belge. Au moyen de ce travail, on pourra faire refluer vers Lille, non seulement les eaux de la Scarpe, mais même celles de l'Escaut français. Nous avons déjà perdu à Tournai la moitié de nos eaux qui se rendent aujourd'hui dans la Deule et dans la Lys ; avec les travaux qu'on veut exécuter en France, que deviendra, je vous le demande, la navigation de l'Escaut, qui est la plus belle de l'Europe ?

L'Escaut a cet avantage qu'il transporte en descente de fleuve et à des prix extrêmement bas dans les Flandres les produits pondéreux qui abondent dans le Hainaut.

Le Hainaut est riche en houilles, en pierres et en chaux ; les Flandres n'ont rien de tout cela. Si les Flandres veulent se chauffer, elles ont besoin des houilles du Hainaut ; si elles veulent bâtir, elles ont besoin de la chaux et des pierres de Tournai.

Cette navigation est donc d'une importance extrême pour les Flandres et pour le Hainaut.

Cette importance est telle, que chaque semaine, par le bassin de Tournai, passent, si je suis bien informé, 200 énormes bateaux. En présence d'une pareille situation, le gouvernement ne doit-il pas faire tous ses efforts pour qu'un préjudice aussi notable ne soit pas apporté aux industries du Hainaut et des Flandres ?

Quand le bassin de la ville de Tournai a été créé sous Louis XIV, ce bassin pouvait contenir la rame et le tirant d'eau nécessaire pour transporter les bateaux à Gand et dans les Flandres.

Mais depuis que l'industrie de Gand a pris de si magnifiques développements, ce bassin est devenu insuffisant pour établir la rame, et pour recueillir le tirant d'eau nécessaire pour les bateaux.

Le bassin de Tournai a été construit par Vauban. pour contenir 72 bateaux ; ces bateaux sont de très forte dimension ; ils sont de 200 à 250 tonneaux. La rame est d'environ 200 bateaux. Vous sentez qu'une rame aussi considérable devant prendre son tirant d'eau dans le bassin de Tournai, fait pour 70 bateaux, n'a pas d'eau suffisante pour la navigation.

Chaque semaine, la moitié de la rame doit rester là pour attendre un surcroît d'eau. Il en résulte des retards considérables dans la navigation ; ces retards sont préjudiciables et au Hainaut et aux Flandres.

D'un autre côté des accidents nombreux peuvent arriver ; les eaux n'étant pas suffisantes, on peut avoir à déplorer des malheurs à chaque instant sur l'Escaut.

Ceci, messieurs, est d'une gravité extrême : il s'agit d'un des plus grands intérêts de la navigation du pays. Nous avons fait pour la Meuse de très grands sacrifices, et, pour mon compte, je ne le regrette certainement pas : ces sacrifices ont eu pour objet de créer la navigation de la Meuse, j'entends créer une navigation satisfaisante ; on a, dans ce but, dérivé, canalisé la Meuse, on a créé un canal de jonction entre Maestricht et le canal du Nord.

Or, messieurs, si nous avons consenti à d'énormes sacrifices pour créer une navigation satisfaisante sur la Meuse, n'est-il pas très important de faire quelque chose aussi pour ne point perdre la navigation que nous possédons sur l'Escaut ?

Encore une fois, je me félicite des sacrifices qu'on a faits pour la Meuse ; mais je demande si, après avoir imposé ces charges au pays pour un fleuve qui ne traverse que trois de nos neuf provinces ; il serait juste de ne rien faire pour conserver une navigation que nous possédons sur un autre fleuve qui parcourt ou alimente cinq ou six provinces, c'est-à-dire les deux tiers du pays ?

L'intérêt dont je prends en ce moment la défense est tellement grave, tellement sérieux, qui je suis convaincu que M. le ministre des travaux publics y prêtera l'appui de son intelligence et de ses sympathies, car il s'agit d'une question qui intéresse le pays tout entier et spécialement une ville dont il est le représentant et qu'il connaît aussi bien que moi.

Pour porter remède au danger que je viens de signaler, il est indispensable, selon moi, qu'une réserve d'eau servant à la fois de bassin et de chasse soit faite à Tournai pour pouvoir loger toute la rame descendante et pour doubler, tripler s'il est possible le bond d'eau qui doit entraîner cette rame.

On sait, messieurs, que, sous ce rapport, on s'est fait souvent d'étranges illusions : on s'est imaginé qu'on pouvait sans inconvénient prendre à satiété les eaux de l'Escaut.

C'est ainsi que dans un projet de canal du Borinage jusqu'à la Dendre il s'agissait ni plus ni moins que d'alimenter ce canal au moyen des eaux de la Haine.

M. de Naeyer. - C'est une erreur.

M. B. Dumortier. - Cette idée a été positivement mise en avant. Or, il importe qu'ici encore l'attention de M. le ministre des travaux publics soit éveillée sur ce point ; car si déjà nous avons perdu les eaux d'un de nos affluents, la Scarpe et la Sensée, il ne faut pas que nous soyons encore exposés à perdre une partie des eaux de l'Escaut français, il ne faut pas, pour créer une mauvaise navigation, détruire une navigation bien établie et qui ne réclame que très peu de chose pour se trouver dans d'excellentes conditions.

M. de Naeyer. - La navigation de la Dendre deviendra bonne.

M. B. Dumortier. - Soit, mais nous demandons qu'elle se contenue de ses eaux.

M. Bara. - C'est cela ! Que chacun reste chez soi.

M. B. Dumortier. - Il faut absolument, messieurs, que Iè gouvernement porte remède à un état de choses devenu extrêmement dangereux pour l'avenir. Comme je le disais tout à l'heure, le vice de la navigation de l'Escaut n'est pas ailleurs qu'à Tournai.

Ce vice provient de ce que le bassin créé sous Louis XIV pour contenir la rame descendante est devenu insuffisant par suite du développement de l'industrie gantoise, et le bond d'eau est lui-même insuffisant pour transporter la rame.

Eh bien, que faire en pareil cas ? Il suffirait de faire une réserve d'eau, une chasse de nature à faciliter la descente des bateaux et la navigation de l'Escaut. Il s'agit ici d'un devoir qui incombe à l'Etat ! l'Etat est propriétaire de l'Escaut et comme tel il doit y faire tout ce qui est nécessaire pour en améliorer la navigation.

Eh bien, il y a un moyen très simple, selon moi, d'arriver à ce résultat. Par suite. de la suppression des fortifications de Tournai, la petite rivière qui entoure la ville à la rive droite va devenir disponible ; eh bien, que le gouvernement la canalise, qu'il l'utilise en la dévasant et en l'approfondissant, qu'il y place des écluses en amont et en aval et qu'ainsi il en fasse la réserve d'eau et le bassin dont la navigation de l'Escaut a besoin. Avec le terrain des remparts qu'il fasse le quai de halage et qu'il vende les excédants de terrain au profit du trésor public. C'est le seul moyen de sauver la navigation de l’Escaut du désastre qui la menace.

Ainsi que je l'ai dit, le mal n'est pas du tout dans les circuits de l'Escaut ; ces circuits, on a voulu les couper dans un but déplorable de canalisation et il en est résulté les plus grands préjudices pour les prairies qui, dès ce moment, ont été asséchées et frappées de stérilité. Le mal (page 675) vient de ce que le bassin de Tournai ne suffit plus à la navigation et ne contient plus le tirant d'eau nécessaire à la navigation.

C'est à ce mal que le gouvernement doit porter remède en canalisant la petite rivière qui semble faite exprès pour attendre ce résultat, et cette dépense incombe à l'Etat qui en est le propriétaire.

Comme je le disais tout à l'heure, 70 bateaux seulement peuvent entrer dans le bassin de Tournai, tandis que, d'après mes informations, la rame descendante est d'environ 200 bateaux. Eh bien, complétez le bassin, en canalisant la petite rivière qui est votre domaine, qui est une propriété de l'Etat ; c'est là une dépense qui vous incombe, et vous trouverez dans cette petite rivière le moyen, d'une part, de mettre toute votre rame descendante dans le bassin et, d'autre part, de tripler la masse d'eau qui doit entraîner les bateaux vers les Flandres, Anvers et le Brabant.

Mons expédiera facilement ses produits vers les Flandres, les Flandres les recevront avec rapidité et vous aurez ainsi sauvé une navigation que les travaux exécutés en France compromettent au plus haut degré. Les fonds nécessaires à cette dépense sont d'ailleurs à la disposition dj gouvernement, car plus d'un million et demi de francs, votés en 1849 et en 1851 pour l'amélioration du haut Escaut, sont disponibles et il est impossible d'en faire meilleur emploi.

J'appelle donc sur ce point l'attention de M. le ministre des travaux publics. J'ai eu déjà l'honneur de lui en parler et, j'aime à le dire, il a accueilli mes observations avec une bienveillance parfaite et dont je le remercie.

Mais puisqu'il était question de cette affaire dans la discussion du budget des travaux publics, j'ai cru qu'il était opportun d'en entretenir la Chambre et le pays. Je demeure convaincu que les travaux que j'ai indiqués pourront sauver la navigation de l'Escaut et rendre un immense service au Hainaut, aux deux Flandres, au Brabant et à la province d'Anvers, ainsi qu'à la ville de Tournai.

M. Thibaut. - M. le ministre des travaux publics nous a annoncé hier que la compagnie Forcade s'occupe de la rédaction des plans des diverses lignes qui lui ont été concédées dans les provinces da Namur et de Luxembourg.

L'une d'elles prend naissance au point où doit s'opérer la jonction de la ligne de Mariembourg vers Dinant, avec le chemin de fer de Dinant à Givet. Il faut donc que ce point de raccordement soit préalablement désigné. Je désire que M. le ministre des travaux publics veuille bien nous dire si cela est fait ; s'il a désigné à la compagnie du chemin de fer de Mariembourg le point où la ligne qu'elle construit doit rejoindre la ligne de Dinant à Givet.

J'ai lu dans un journal que le raccordement se fera à très peu de distance en amont d'Hermeton. S'il en était ainsi, je n'hésiterais pas à déclarer que la loi de concession est violée.

Hermeton est situé à quelques kilomètres de distance de la ville de Givet ; ainsi le chemin de fer qui de Philippeville aboutirait à Hermeton serait un chemin de fer vers Givet, plutôt qu'un chemin de fer vers Dinant.

Lorsque la loi de concession a été proposée par M. le ministre des travaux publics en 1861, l'article était formulé en ces termes : « Le gouvernement est autorisé à concéder une ligne de Mariembourg à la Meuse en amont de Dinant. » J'ai fait remarquer alors que ces mots ne désignaient pas suffisamment la direction que nous avions en vue ; qu'ils permettaient à la compagnie de se diriger vers Givet comme vers Dinant, et j'ai demandé par amendement que l'article de la loi fût rédigé en ces termes :

« Une ligne de Mariembourg vers Dinant. » M. le ministre s'est rallié à cet amendement.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - Sans prendre d'engagement.

M. Thibaut. - Sans engagement de construire une ligne directe de Philippeville jusqu'à Dinant même, mais avec l'engagement de la porter à un point rapproché de Dinant et plus rapproché de Dinant que de Givet.

L'année dernière, quand il s'est agi de la concession Forcade, nous avons encore discuté cette question, et d'après les paroles de M. le ministre, j'ai dû croire que dans sa pensée le raccordement devait se faire à la station d’Hastière.

Je demande que la loi soit exécutée selon ses termes et selon l'interprétation que nous lui avons donnée l'année dernière, pour fixer le point de raccordement commun aux trois lignes dont je viens de parler.

Messieurs, après ce qui s'est passé dans les séances précédentes, je ne puis m'empêcher de parler du triste et déplorable accident qui a eu lieu dernièrement sur la ligne de Namur à Dinant.

Je me serais abstenu d'entretenir la Chambre si un honorable membre de la gauche n'avait pas cru convenable d'interpeller le gouvernement à ce sujet.

Dans l'intérêt même du gouvernement, je me serais tu parce que je connaissais la réponse que pouvait faire M. le ministre des travaux publics, et qui est presque désolante pour la sécurité des voyageurs.

Dès le premier jour de la reprise de nos travaux, j'ai eu l'honneur d'entretenir M. le ministre des travaux publics de cette douloureuse catastrophe ; il m'a fait le triste aveu qu'il avait été impossible d'en découvrir la cause.

L'honorable ministre déclara même que dans aucun cas de déraillement ou du moins neuf fois sur dix, on ne parvient pas à l'expliquer.

En ce qui concerne celui qui a eu lieu sur la ligne de Namur à Dinant, on croit généralement qu'il faut l'attribuer à la rupture de la vis d'attache de la première voiture qui a déraillé avec celle qui la précédait, et de la rupture d'une chaîne de sûreté.

Dans des courbes prononcées comme elles le sont sur la ligne de la Meuse, si la vis d'attache vient à se rompre, de deux chaînes de sûreté qui restent, une seule est tendue, celle qui correspond au plus grand rayon ; et si elle se brise à son tour, le déraillement est inévitable.

Ou peut, je crois, prévenir cette cause de déraillement. Le moyen, si mes renseignements sont exacts, est employé déjà sur quelques lignes en France.

Il suffit de placer deux vis d'attache superposés au milieu de la voiture. Si une vis vient à se rompre, la seconde reste et suffit mieux que deux chaînes pour empêcher la déviation des voitures.

Je ferai observer aussi que la trop grande longueur des voilures sur des lignes à courbes nombreuses présente certains dangers. Elles ont plus de poids que les autres et par suite la vis d'attache est plus fatiguée et la rupture en est toujours à craindre.

Maintenant, messieurs, je demanderai à M. le ministre si les études qu'il a souvent promis de faire exécuter, concernant la canalisation de la Meuse supérieure, sont terminées ; je lui demanderai spécialement s'il a fait étudier un nouveau système de barrage employé en France, je ne dirai pas concurremment avec le système suivi en Belgique, mais de préférence à celui-ci.

Si je suis bien informé, on avait exécuté sur la Marne des barrages semblables à ceux que l'on construit entre Namur et Liège, et on vient de les remplacer par d'autres.

Il paraît même que c'est l'inventeur du premier système qui applique le nouveau, dont il a recommandé la supériorité. Ce système porte, messieurs, le nom de son auteur, M. l'ingénieur Chanoine. (Interruption) Je n'ai aucunement la prétention d'en signaler les divers avantages ; je ne suis pas compétent en ces matières.

Je dirai seulement qu'il paraît que chaque barrage coûte moitié moins dans le nouveau système que dans celui que l'on exécute encore en ce moment en aval de Namur. Je me bornerai à ces observations.

M. J. Jouret. - Dans la séance d'avant-hier, j'ai présenté quelques observations en faveur de la demande en concession de la ligne du Centre à celle da Midi, de Houdeng par la ville du Roeulx par Jurbise et Soignies.

M. le ministre a fait une réponse générale qui se rapporte en partie aux observations que j'ai présentées. Le discours de M. le ministre n'ayant pas été inséré au Moniteur, j'ai noté ses paroles au moment où il les a prononcées, mais je ne suis pas bien sûr de les avoir exactement saisies. Ces paroles, telles que je les ai comprises, me paraissant peu rassurantes, je prie M. le ministre, dans les observations qu'il fera aux nouveaux discours qui ont été prononcés, de vouloir bien préciser le sens et la portée des paroles qu'ii a dites à cet égard dans la séance d'hier.

M. de Naeyer. - Comme le gouvernement vient de nommer une commission chargée d'examiner la question de l'assainissement de la Senne, je crois devoir présenter quelques observations, afin d'attirer spécialement l'attention de l'honorable ministre des travaux publics sur l'importance de l'intérêt agricole qui est engagé dans cette question. Il est un fait qui est trop généralement inaperçu, mais qui ne saurait assez éveiller la sollicitude du gouvernement. Chaque année nous devons acheter à l'étranger des engrais pour 15 à 20 millions de francs. C'est un sacrifice assez considérable. Mais ce qui est plus grave, c'est que, même avec ce tribut que nous payons à l'étranger, notre sol arable, loin de s'enrichir, s'appauvrit au contraire.

En d'autres termes, nous ne restituons pas à la terre sous forme d'engrais ou d'amendements ce que nous lui enlevons par la culture de plantes alimentaires, fourragères et industrielles ; cela est vrai surtout pour les substances minérales et notamment pour les phosphates, qui sont (page 676) cependant des éléments de fertilité essentiels et indispensables. Ce fait, je le répète, ne frappe guère les yeux du vulgaire, mais il n'est que trop réel, quoique se produisant d'une manière en quelque sorte latente, et il préoccupe à bon droit tous ceux qui s'intéressent à l'avenir de notre agriculture ; or, il est évident que la situation que je viens de signaler provient en grande partie de ce que, dans nos principaux centres de population, les immondices et notamment les vidanges, de même que les résidus et les déchets de plusieurs industries sont presque totalement perdues pour l'agriculture. Sous ce rapport Bruxelles surtout présente un spectacle vraiment navrant pour tout ami de l'agriculture. Il y a ici des pertes énormes, chaque année la Senne engloutit des substances fertilisantes qui ont une valeur de plusieurs millions.

Eh bien, messieurs, j'engage vivement l'honorable ministre à signaler spécialement ce côté de la question à la commission qui a été nommée récemment. Il est évident que le gouvernement en intervenant dans cette affaire doit avoir en vue les intérêts généraux du pays.

M. Prévinaire. - C'est une raison pour qu'il intervienne dans la dépense.

M. de Naeyer. - Or, parmi ces intérêts généraux, ceux de l'agriculture occupent incontestablement une des premières places, et il est du devoir du gouvernement de leur accorder la plus vive sollicitude.

Si ce côté de la question, messieurs, était négligé, ce serait une faute immense et une faute irréparable, parce qu'enfin les travaux ayant l'importance de ceux dont il est ici question ne peuvent plus guère être refaits dans la suite.

Ce serait aussi un détestable exemple pour les autres villes du royaume où, dans un avenir prochain, des travaux d'assainissement deviendront probablement nécessaires.

Messieurs, j'ai un peu étudié cette question de l'assainissement de la Senne, parce que je trouve qu'elle offre un immense intérêt pour l'agriculture. Je me rappelle notamment avoir lu, l'année dernière, le rapport assez détaillé d'une commission dont notre collègue, l'honorable M. Le Hardy de Beaulieu, a fait partie, et qui a délégué quelques-uns de ses membres pour aller examiner de près en Angleterre les différents systèmes d'assainissement qui y sont appliqués ; or, quant aux mesures à prendre pour l'assainissement de la Senne, il y a eu dans cette commission de grandes divergences d'opinion ; si j'ai bonne mémoire, cinq ou six projets différents ont été proposés et discutés.

Toutefois, les différentes opinions mises en avant se rattachent à deux systèmes principaux. Suivant les uns, il faudrait que la Senne continuât à être le réceptacle de toutes les immondices de la ville de Bruxelles et de ses faubourgs, et il serait satisfait à l'intérêt de la salubrité, ou bien en voûtant la Senne ou bien en amenant en amont de Bruxelles une quantité d'eau suffisante pour chasser régulièrement les immondices déposées dans le lit de la rivière.

Messieurs, dans ce système-là on ne fait absolument rien pour l'agriculture. On ne remédie en aucune manière à cette énorme déperdition de matières fertilisantes dont je parlais tout à l'heure, et je pense que les hommes les plus compétents en ce qui concerne la salubrité publique sont généralement d'accord que cet intérêt si important resterait également en souffrance. Il est donc impossible que le gouvernement donne son adhésion à des projets basés sur cette idée-là. Il est évident qu'il doit accorder la préférence aux projets se rattachant à l'autre système qui admet comme condition fondamentale la séparation des immondices d'avec les eaux de la rivière et qui permet ainsi d'utiliser les matières pouvant servir à l'agriculture.

Or, à cet égard, je crois devoir signaler spécialement à l'attention de M. le ministre le projet développé dans un mémoire qui vous a été envoyé il y a quelques jours et dont plusieurs exemplaires se trouvent à la bibliothèque.

Ce mémoire est intitulé comme suit :

« Projet d'assainissement de la Senne et ouverture d'une grande voie de communication par M. Lambert, agent d'immeubles. »

J'ai lu ce travail avec intérêt, il me paraît sérieux et il s'appuie sur des études à peu près complètes, de manière que la mise à exécution ne devrait pas être différée longtemps.

C'est déjà un avantage, et voici pourquoi, c'est qu'il est à craindre qu'il n'arrive pour la Senne ce qui a lieu pour le raccordement des deux stations du Nord et du Midi, c'est-à-dire que les retards dans l'exécution se traduiront en des accroissements de dépense considérables.

Je me rappelle qu'il y a quelques années la dépense pour raccorder les deux stations n'était évaluée qu'à 2 ou 3 millions.

M. Prévinaire. -4 millions.

M. de Naeyer. - J'ai entendu parler de moins, mais il y a assez longtemps.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - C'était un autre projet, M. de Naeyer.

M. de Naeyer. - C'est possible, mais vous avez cité hier le chiffre de 6 millions. 11 y a donc déjà une différence énorme et je pense que le résultat a été prévu et prédit. On a dit que chaque jour la dépense devait aller en augmentant, par la raison toute simple qu'il y a un renchérissement continu des terrains qui avoisinent la capitale et que chaque année il y a une extension considérable des bâtisses dans les faubourgs.

Ce sont là des causes qui agissent d'une manière permanente et qui doivent chaque année augmenter la dépense.

Sous ce rapport je suis d'avis et je l'ai dit depuis plusieurs années, que si ce raccordement est nécessaire, indispensable même, il faut mettre la main à l'œuvre le plus tôt possible, la dépense étant urgente, par cela même que chaque jour de retard la fait grossir. Je crois que ces considérations pourraient bien s'appliquer aussi aux travaux d'assainissement de la Senne. Sans doute, il faut des études sérieuses, approfondies, mais si ces études durent trop longtemps, soyez certain qu'elles coûteront excessivement cher.

Je tenais surtout à constater que l'auteur du mémoire dont je viens de parler pose comme conditions fondamentales de son projet :

1° La séparation complète des immondices dans le cours de la rivière ;

2° Les moyens de recueillir les matières pouvant servir à l'agriculture.

Ce projet a donc ce mérite incontestable, qu'il satisfait aux intérêts de l'agriculture dans la mesure du possible.

Eh bien, je conjure l'honorable ministre de faire en sorte que l'on accorde à ces intérêts l'importance qu'ils méritent.

Je le répète, négliger ce côté de la question, ce serait une faute immense et puis ce serait un détestable précédent. Il s'agit en quelque sorte de faire une première expérience.

S'il est prouvé, par ce qui se fera à Bruxelles, qu'il y a moyen d'utiliser au profit de l'agriculture les immondices de nos grands centres de population, ce sera un immense service rendu à cette branche de la richesse publique.

Je me permets d'attirer sur ce point toute l'attention de M. le ministre. J'espère que jamais le gouvernement ne consentira à adopter pour l'assainissement de la Senne un projet dans lequel les intérêts de l'agriculture seraient perdus de vue.

M. Van Iseghem. - Je désire dire quelques mots sur un travail qui intéresse les provinces du Hainaut et des deux Flandres. Toutes les communes riveraines du canal de Plasschendaele à Nieuport se sont plaintes au gouvernement de l'état dans lequel se trouve le chemin de halage de ce canal.

Ces communes demandent que l'on fasse sur toute la longueur de ce canal un chemin empierré, afin de rendre plus facile le halage des bateaux, ainsi que les communications entre les diverses communes. Des chemins pareils existent le long de plusieurs autres canaux.

Outre le batelage, l'agriculture est fortement intéressée dans la construction de ce chemin.

J'appuie la demande de ces communes et comme elle doit avoir été examinée maintenant par le département des travaux publics, je prie l'honorable ministre de nous dire si dans son prochain budget il se propose de porter un premier crédit pour commencer ces travaux et puis d'année en année une somme pour leur achèvement.

M. Ch. Lebeau. - Je dois une réponse à ce qui a été dit hier par l'honorable ministre des travaux publics concernant les différents objets sur lesquels j'ai eu l'honneur d'appeler son attention.

D'abord, en ce qui touche la station de Charleroi, l'honorable ministre des travaux publics a dû reconnaître lui-même qu'elle se trouve dans un état vraiment déplorable et qu'il y avait nécessité, urgence même d'établir une station plus grande et en rapport avec l'importance des besoins de la localité, mais il a cherché à justifier le retard apporté jusqu'à ce jour à la construction de la station nouvelle par la longueur des études auxquelles il a dû se livrer et l'accord qu'il a cherché à établir entre le gouvernement d'une part et les sociétés concessionnaires des chemins de fer qui aboutissent à la station, d'autre part. Messieurs, j'ai reconnu moi-même que la construction de la station, telle qu'elle se doit se faire, avait nécessité des études assez longues et très sérieuses.

Mais ce dont je me plains, c'est que les retards se prolongent depuis trop longtemps ; il y a déjà trois ans que le gouvernement s'occupe de la construction de la station de Charleroi, et cependant il n'y a rien encore de décidé définitivement.

M. le ministre nous a dit qu'il y avait d'autres stations que celle-là qui se trouvaient à l'état provisoire. Sur ce point, il y a, je pense, une rectification à faire. Je crois, en effet, que les travaux des autres stations (page 677) sont, pour la plupart, commencés, ou au moins décrétés, tandis qu'à Charleroi on se livre encore à des études.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - Non ! non !

M. Ch. Lebeau. - Soit, s'il y a quelque chose de décidé, au moins, jusqu'ici on n'a pas encore voté les fonds ni avisé aux moyens de commencer les travaux.

Messieurs, un pareil état de choses ne peut se prolonger plus longtemps. non seulement l'intérêt local mais l'intérêt public s'y opposent. Car, comme je l'ai dit avant-hier, il n'y a pas à Charleroi de locaux suffisants ni convenables ; il n'y a pas non plus de gares couvertes.

Les voyageurs qui doivent prendre les trains ou en changer, sont exposés aux intempéries, et il y a quelque chose de plus fâcheux, c'est que la station n'est pas le quart de ce qu'elle devrait être, ce qui oblige le gouvernement à occuper un plus grand nombre d'ouvriers que celui strictement nécessaire si la station était suffisamment grande, de sorte que cela occasionne une dépense en pure perte de plus de 100 francs par jour. Il y a, je pense, un personnel d'environ trois cents ouvriers occupés à la station, et un certain nombre sont employés à manœuvrer les voitures.

Et comme il y a chaque jour 70 arrivées et 70 départs de trains, on doit faire les manœuvres plus ou moins précipitamment parce qu'elles doivent avoir lieu entre le départ et l'arrivée des trains, ce qui présente des dangers pour les ouvriers ; aussi chaque année y a-t-il des accidents.

J'insiste donc pour que le gouvernement prenne une décision et mette la main à l'œuvre dans le plus bref délai.

Quant aux bureaux télégraphiques et aux bureaux de postes dont j'ai parlé, je n'ai pas très bien compris la réponse de M. le ministre des travaux publics. Je lui ai rappelé le vœu qui avait été émis, il y a deux ans, par la section centrale qui a examiné le projet de loi allouant, un crédit de 325,000 francs pour le développement des lignes télégraphiques. Je lui ai rappelé également le vœu qu'avait aussi émis la section centrale qui a examiné le budget en discussion et je lui ai cité deux localités très importantes, deux localités industrielles qui possèdent de nombreux établissements, qui sont en rapport journalier avec les négociants et les industriels du pays, et même de l'étranger et qui doivent à chaque instant recourir aux bureaux télégraphiques, pour expédier des dépêches. Les industriels de ces localités sont obligés d'envoyer leurs dépêches télégraphiques à 3, 4 ou 5 kilomètres de distance, de même qu'on doit leur expédier des expiés lorsqu'ils ont des dépêches à recevoir.

Notez bien que l'établissement des bureaux télégraphiques que je réclame ne nécessiterait qu'une légère dépense.

Comme j'ai eu l'honneur de le faire remarquer, la dépense serait d'environ 250 fr. par kilomètre pour le placement des poteaux et des fils télégraphiques. Quant au service, je maintiens ce que j'ai dit ; il ne nécessiterait aucun surcroît de dépenses. Le percepteur des postes pourrait être chargé de ce service sans majoration de traitement.il n'y aurait donc aucune augmentation de personnel et par conséquent aucune dépense nouvelle si ce n'est les frais de premier établissement, c'est-à-dire un millier de francs pour chacune des deux localités que j'ai signalées, à savoir la ville de Gosselies, qui est un chef-lieu de canton et la commune de Jumet qui a une population de 15,000 âmes et où se trouve également un bureau de poste.

Quant au bureau de poste à établir à Ransart, je ne puis admettre les raisons qu'a fait valoir M. le ministre des travaux publics. Il a dit qu'il y avait dans cette commune deux distributions par jour ; cela est vrai, mais la dernière distribution ne se fait presque jamais.

En effet, l'on conçoit que si le facteur n'a que deux ou trois lettres à transporter de Gosselies, où est le bureau de distribution, à Ransart qui se trouve éloigné d'environ une lieue et demie, il ne s'y rend ordinairement que le lendemain.

Je maintiens donc ce que j'ai dit : c'est qu'une lettre mise à la poste à Charleroi à 8 heures du matin n'arrive que le lendemain à onze heures à Ransart. L'honorable ministre m'a dit : Mettez vos lettres à la poste de meilleure heure. Mais je demande si l'on fait ordinairement sa correspondance avant huit heures du matin. D'ailleurs il faut avoir reçu ses lettres pour faire la correspondance destinée à y répondre, et comme la distribution des lettres ne se fait que vers huit heures du matin, ce n'est qu'après cette heure qu'on répond et qu'on met ses lettres à la poste, ce qui fait qu'elles n'arrivent que le lendemain à 11 heures, c'est-à-dire 27 heures après et cela dans une commune qui n'est éloignée du bureau de Charleroi que d'environ cinq quarts de lieue.

Cependant, messieurs, comme je l'ai dit, il n'y a presque pas de frais à faire pour établir un bureau de poste à Ransart, puisqu'il s'y trouve une station de chemin de fer. L« gouvernement n'a qu'à charger le chef de station des fonctions de percepteur des postes, et moyennant une faible rétribution qui ne s'élèvera peut être pas à 200 fr. par an, ce bureau sera créé.

Quant au personnel pour la distribution, il est très possible que l'on puisse détacher un facteur du bureau de Gosselies pour le placer au bureau de Ransart, puisqu'il faut à peu près un facteur spécial pour faire la distribution dans cette commune.

En ce qui concerne le chemin de fer direct destiné à relier le basin de Charleroi à Bruxelles, je crois devoir rappeler à la Chambre comme au gouvernement que ce chemin de fer est vivement sollicité par tous nos industriels, qu'il est appuyé par les administrations communales, non seulement des environs de Charleroi, mais encore de la province de Brabant, par l'administration communale de Bruxelles, et si je me rappelle bien, par le conseil provincial du Brabant, comme il l'a été par le conseil provincial du Hainaut.

Ce chemin de fer est destiné non seulement à abréger le parcours entre Charleroi et Bruxelles, mais encore à desservir une partie des provinces de Hainaut et de Brabant qui, jusqu'à ce jour, a été laissée à l'écart du réseau de nos voies ferrées. Il serait donc un bienfait pour de nombreuses populations.

L'honorable ministre des travaux publics ne conteste pas, je pense, l'utilité et même la nécessité d'établir cette voie directe de communication. Mais il nous dit qu'il y a déjà un grand nombre de chemins de fer concédés en voie d'exécution, qu'on en demande encore beaucoup et qu'il ne serait guère possible de se procurer les capitaux nécessaires pour la construction de tous ces chemins de fer.

Je crois pouvoir lui donner toute espèce d'apaisement à cet égard. Si le gouvernement veut autoriser la construction du chemin de fer de Charleroi à Bruxelles, par voie de concession, je puis lui assurer que les fonds seront faits en très peu de temps. Le gouvernement peut donc être tranquille sur ce point.

Je crois, messieurs, ne pas devoir insister plus longtemps sur ces différents points.

J'espère que le gouvernement aura égard aux nouvelles observations que je viens de présenter.

M. de Smedt. - Messieurs, depuis que j'ai été appelé à l'honneur de siéger sur ces bancs, la Chambre m'est témoin que je n'ai jamais laissé échapper une occasion d'élever la voix en faveur des intérêts si longtemps oubliés et méconnus de la ville de Nieuport.

Je ne veux pas m'en faire un mérite, je crois avoir rempli un devoir mais je tiens à honneur d'établir que je n'ai pas failli au mandat qu'on a bien voulu me confier. Je dois le reconnaître, j'ai été chaleureusement appuyé dans l'accomplissement de cette tâche par un bon nombre de mes honorables collègues, et je les en remercie volontiers.

Le gouvernement n'est pas resté sourd aux réclamations dont je me suis fait l'interprète obstiné. L'honorable ministre des travaux publics est entré le premier dans une voie de réparation pour cette ville, je lui dois cette justice ; le premier pas de fait, il sera impossible de ne pas continuer les travaux commencés sous n'importe quel gouvernement.

Des crédits importants ont été votés pour l'amélioration du port de Nieuport, ces travaux sont actuellement en voie d'exécution, et, je l'espère, se poursuivront avec activité.

Parmi les travaux à continuer au port de Nieuport, je dois signaler en premier lieu la réalisation du projet existant, savoir : la construction de l'estacade d'Ouest qui doit faciliter l'entrée et la sortie des navires en même temps qu'elle préservera le chenal contre l'ensablement continuel occasionné par les vents d'ouest.

En second lieu, l'achèvement de la reconstruction du quai en maçonnerie et pierre de faille dont la moitié est déjà exécutée.

En troisième lieu, le dévasement et en quelques endroits le redressement du chenal.

Ce sont là tous ouvrages de la plus impérieuse nécessité pour rendre, sans frais trop considérables, le port de Nieuport accessible aux navires qui viennent le fréquenter.

Il serait en outre indispensable de démolir sans retard la courtine, partie du mur d'enceinte longeant le quai, de manière à faciliter l'accès des bassins avec la ville, principalement pour le transport des marchandises dirigées sur les magasins. Les terres et les décombres à provenir de cette démolition sont destinés, d'après le projet existant à l'administration des ponts et chaussées, à renforcer la digue de mer actuelle, ouvrage très utile, d'autant plus que par l'institution des bains de mer, (page 678) nouvellement organisés à Nieuport, une meilleure communication avec la plage est devenue indispensable.

J’espère que tous ces travaux seront poursuivis avec activité et que le gouvernement ne s'arrêtera pas dans l'exécution des améliorations qu'il a projetées pour ce port.

J'avais aussi à plusieurs reprises réclamé en faveur de la ville de Nieuport un phare, un service de pilotage et un chemin de fer. Le gouvernement a fait droit à ces réclamations. Il y a aujourd'hui à Nieuport un phare, un service de pilotage organisé et le chemin de fer qui doit donner à cette ville le moyen de mettre à profit les améliorations de son port, est définitivement concédé.

Malheureusement le chemin de fer ne se fait pas et nous sommes encore à nous demander quand enfin Nieuport trouvera dans cette voie de communication rapide le moyen de tirer parti de son activité incontestable et de son admirable situation topographique.

L'article 17 du cahier des charges de l'acte de concession porte en termes formels ceci : Les travaux de la ligne de Courtrai à Denderleeuw et les sections d'Audenarde à Ingelmunster et de Roulers à Nieuport, de la ligne de Grammont à Nieuport devront être complètement terminés dans le délai de trois ans à partir de la date de l'arrêté royal. Et cette clause trouve sa sanction dans l'article 20 de la susdite convention. Cet article porte : Le concessionnaire sera déchu de ses droits s'il n'a pas été satisfait aux clauses et conditions du présent cahier des charges dans les délais respectivement prescrits.

J'espère que l'honorable ministre des travaux publics veillera à ce que ces clauses soient scrupuleusement observées dans le délai prescrit. Cela est de la plus grande importance pour Nieuport.

Ce chemin de fer promptement exécuté sera une compensation aux pertes bien grandes que la ville vient de subir depuis quelques années. Vous savez, messieurs, que par suite des modifications apportées au système de défense nationale, la place de Nieuport a été démantelée ; ce n'aurait été là peut-être qu'un demi-malheur si elle avait pu conserver sa garnison, comme cela a été accordé à Ypres, à Menin et à d'autres places qui ont subi le même sort : mais à cet égard toutes nos démarches ont été sans résultat, et le département de la guerre a irrévocablement maintenu sa première décision. Or, messieurs, la garnison pour Nieuport était une ressource importante.

La ville est en outre menacée de voir disparaître son industrie la plus considérable, la grande pêche d'hiver au Doggerbank, is les primes d'encouragement lui sont enlevées et si par l'établissement du chemin de fer elle ne trouve une compensation à cette perte en se livrant à la pêche entière comme les Ostendais.

Mais aussi longtemps qu'il n'y a pas de chemin de fer, cette industrie est impossible.

Vous le voyez, messieurs, il est de la plus pressante nécessité, pour ne pas jeter le découragement dans la population de Nieuport, que ce chemin de fer s'exécute au plus tôt. J'espère que l'honorable ministre des travaux publics aura de bonnes nouvelles à m'en donner.

Maintenant je voudrais dire un mot du tracé de cette ligne. Il est évident, messieurs, que l'intérêt du gouvernement, en accordant des concessions de chemin de fer, est de rendre au public le plus grand avantage possible ; l'intérêt du concessionnaire, me semble-t il, est aussi de traverser les endroits les plus populeux, et qui, par conséquent, offrent le plus de chances pour assurer à l'entreprise un trafic important.

En présence de ce double intérêt, j'ose espérer que l'honorable ministre des travaux publics usera de toute son influence pour faire adopter définitivement le tracé suivant. Je désirerais que la ligne, en partant de Nieuport pour se diriger sur Roulers et de là sur Grammont, traverse ou du moins passe le plus approximativement possible de Ramscappelle, Pervyse, Dixmude, Woumen, Clercken, Staden, Oostnieuwkerke et Roulers.

Le tracé que je recommande a sur l'ancien qu'on nous a indiqué provisoirement sur la carte les avantages suivants : d'abord la ligne est à peu près aussi droite, ensuite ce tracé relie directement Nieuport avec Dixmude et cette dernière ville avec Roulers par Staden. Enfin il y a la moitié plus de densité de population à traverser par le tracé que j'indique que par celui provisoirement annoncé et qui devait couper la ligne de Lichlervelde à Furnes entre Handzaeme et Cortemarck.

J'appelle sur ce point important toute l'attention de l'honorable ministre des travaux publics ; il dépend de lui de résoudre cette question à la satisfaction du plus grand nombre des intéressés.

Je prendrai aussi la liberté d'appeler l'attention de M. le ministre sur l'état déplorable dans lequel se trouve depuis si longtemps le canal de Furnes à Berghes. Ce canal est à tel point envasé que la navigation y est devenue des plus difficiles et souvent impossible. Cependant, messieurs, le mouvement commercial sur cettc voie navigable serait fort important, si l'état du canal le permettait, à cause de l'importance des marchés de Bergues, Hondschoote et Furnes.

Un autre point que je dois encore signaler au département des travaux publics, c'est la manière dont se raccommodent la plupart des routes de l'Etat. Quand une route doit être restaurée, voici ce que l'on fait. On soulève les pavés, on fait un triage en enlevant les petites pierres, celles qui restent sont replacées tant bien que mal, et comme on ne remplace pas les pierres enlevées par de nouveaux pavés, il s'ensuit qu'il y a entre chaque pavé des interstices de plusieurs centimètres que l'on remplit avec du sable. Peu de temps après, surtout au moment du dégel, les pavés se retournent ou s'enfoncent et la route devient aussi mauvaise qu'avant.

M. Braconier. - Messieurs, je dois quelques mots de réponse aux dernières paroles prononcées par l'honorable M. Van Hoorde. Il a parlé de deux orateurs qui dans la séance d'hier avaient cru devoir venir en aide à l'honorable ministre des travaux publics. Ce n'est point là, messieurs, le motif qui m'avait fait prendre la parole ; j'étais parfaitement convaincu que l'honorable ministre des travaux publics n'avait aucunement besoin d'assistance pour réfuter les arguments de l'honorable M. Van Hoorde, mais ce qui m'a engagé à prendre la parole, c'est la manière dont l'honorable député de Bastogne a exposé la part qui revient à son honorable prédécesseur dans toutes les discussions relatives à l'embranchement de Bastogne. L'honorable M. d'Hoffschmidt ne se trouvant pas ici pour répondre à l'honorable M. Van Hoorde, je me suis permis de le faire et je tiens à constater un fait, c'est que le langage tenu aujourd'hui par l'honorable membre est complètement différent de celui qu'il a tenu l'autre jour. (Interruption.)

Je fais un appel à la Chambre qui a entendu nos deux discours et qui a pu les comparer. Si les paroles que j'ai prononcées hier n'avaient eu que ce seul résultat, j'aurais déjà grandement lieu de m'en féliciter.

J'ai tenu à constater que l'honorable M. d'Hoffschmidt, pendant tout le temps qu'il a siégé dans cette enceinte, a mis au service de son arrondissement tout son zèle, toute son activité, tout son talent. Je n'ai pas eu d'autre but.

L'honorable membre m'a reproché d'avoir pris dans son discours une expression incorrecte, mais j'ai précisément fait ressortir une phrase qui est, au contraire, des plus poétiques et qui a été évidemment mûrie dans le silence du cabinet.

Avec la bienveillance qui caractérise tous les discours de l'honorable M. Van Hoorde, il a dit qu'il est facile à des membres qui parlent rarement de venir lire un discours médité dans le silence du cabinet et de ne laisser ainsi échapper aucune imperfection de langage.

Je remercie beaucoup l'honorable membre de cette gracieuseté, j'aime mieux méditer les discours que je prononce que d'improviser à tout hasard.

M. Van Hoordeµ. - Je désire, messieurs, qu'on m'indique, dans le discours de mardi, la phrase, le membre de phrase, le mot qui a donné lieu à l'injustifiable insinuation dont j'ai été l'objet. Quoi qu'en dise M. Braconnier, il n'existe absolument aucune différence entre mon langage d'aujourd'hui et celui que j'ai tenu alors. Il y a eu, il est vrai, un malentendu avant-hier, provoqué par le bruit que faisaient les interruptions de la gauche. Mais ce malentendu n'a duré qu'un instant.

J'ai expliqué immédiatement à la Chambre que mes critiques s'adressaient au gouvernement et non à l'ancien représentant de Bastogne. Il ne m'était jamais venu à la pensée de le mettre personnellement en cause. Si j'ai cité son nom, c'était pour rappeler les paroles prononcées par lui, les paroles suivantes :

« Si vous n'exigez pas cette réalisation c'est que vous n'êtes pas •soucieux des intérêts de mon arrondissement. »

Et soyez justes, n'était-ce pas là reconnaître moi-même le zèle dont il faisait preuve ? Ce zèle, je ne l'ai jamais mis en doute, et, personne n'en est plus convaincu que moi, il est certain que je ne serais pas ici, en ce moment, si mon honorable prédécesseur n'avait pas attaché son sort au sort du ministère actuel.

M. Braconier. - Je suis satisfait, mon but est atteint.

M. Van Hoordeµ. - Vous êtes satisfait de mes explications, c'est fort bien, mais moi je ne le suis pas des vôtres. Je vous défie de baser votre allégation sur une preuve, n'importe laquelle. Si vos explications tendaient à me donner satisfaction sous ce rapport, je vous prierais de les expliquer elles-mêmes car je n'y ai pas trouvé la justification de vos paroles. Votre manière d'agir est d'autant plus étrange que vous aviez (page 679) entendu mon discours et qu'il avait paru au Moniteur dès le lendemain. Vous en aviez le texte complet sous les yeux, en m'accusant.

M. Bara. - Messieurs, je désire dire quelques mots relativement aux observations faites par l'honorable M. Dumortier.

L'honorable député de Roulers, s'occupant de l'Escaut, s'est plaint que très souvent l'eau manquât à ce fleuve ; cela est exact, je dois reconnaître cependant que l'honorable M. Dumortier exagère un peu. Cet état de choses est dû en grande partie aux réformes demandées par l'honorable M. Dumortier lui-même. (Interruption de M. Dumortier.)

Vous avez eu raison de les demander, je suis loin de vous en blâmer. Longtemps dans mon arrondissement on s'est plaint que les herbes pourrissaient par suite des inondations de l Escaut, on avait raison ; mais maintenant l'Escaut a été canalisé en divers points, et d'un autre côté le gouvernement français a détourné la Scarpe, un des affluents de l'Escaut.

Il en résulte nécessairement une diminution dans la quantité des eaux du fleuve ; je voudrais bien savoir quel moyen l'honorable M. Dumortier proposera pour inonder de nouveau les prairies de l'Escaut ?

Cela ne pourrait se faire qu'au détriment de la navigation, car je crois qu'il est beaucoup plus important, pour Tournai et pour la province, d'avoir la plus belle navigation de l'Europe, comme le dit M. Dumortier, que d'avoir une irrigation des prairies plus ou moins efficace.

Je ne désespère pas, du reste, de voir trouver le moyen d'obtenir cette irrigation et même de pouvoir cultiver certaines parties de prairies bordant l'Escaut.

D'un autre côté, messieurs, il est à remarquer que depuis quelques années il y a eu une certaine sécheresse, ce qui est en partie cause que l'Escaut n'a pas eu toute l'eau dont il a besoin.

A propos de l'Escaut, je me permettrai de demander à M. le ministre des travaux publics s'il est enfin disposé à faire quelque chose pour le bassin de Tournai. Les fonds sont votés, et il y a presque des engagements pris.

Il est évident que l'état du fleuve à Tournai est des plus déplorable ; la rame ne peut pas s'y mouvoir à l'aise. Il faut un bassin, qui est du reste promis depuis trois ans. On a adjugé les travaux de l'écluse d'Antoing, et je ne sais vraiment pas pourquoi l'on ne s'est pas occupé en même temps du bassin de Tournai.

Je demande qu'on ne tarde pas davantage à mettre la main à l'œuvre, aujourd'hui surtout qu'on démolit toutes les fortifications de Tournai.

Je voudrais obtenir de M. le ministre la promesse que bientôt on construira à Tournai un bassin important qui sera des plus utiles au commerce et à l'industrie de mon arrondissement.

J'ai encore une observation à faire, messieurs, au sujet da l'Escaut, je veux parler des pilotes tournaisiens. Les pilotes ont existé longtemps à l'état de corporation privilégiée prétendant au monopole du pilotage. Un arrêt de la cour de cassation vient d'établir que la révolution de 1789 et la Constitution belge, en établissant la liberté du travail, ont fait disparaître toutes les corporations qui pouvaient prétendre à un monopole et que les services qui étaient précédemment confiés exclusivement à ces corporations devaient rentrer dans le domaine de la liberté du travail.

Je ne veux point combattre l'arrêt de la cour de cassation, mais je demande au gouvernement s'il n'y a pas quelque chose à faire pour le corps des pilotes.

Les pilotes sont considérés, par tous les rapports des fonctionnaires de l'administration des ponts et chaussées, comme des agents de l'administration, et ils ont si bien ce caractère, que l'administration en a besoin pour la manœuvre des écluses.

Il existe des règlements d'après lesquels les pilotes sont obligés de prêter leur concours lorsqu'il arrive des accidents au fleuve, aux bateaux ou aux ouvrages d'art ; ils y sont contraints sous peine d'amende. Ils dépendent donc, dans une certaine mesure, de l'administration ; ce sont des agents dont l'administration a besoin.

Si maintenant on leur enlève le monopole, si ce n'est plus une corporation privilégiée, il est évident que le gouvernement doit payer d'une manière plus large les services qu'ils rendent à la navigation.

Je crois donc que l'administration supérieure doit examiner avec bienveillance la demande que ce corps lui a faite à cet effet, qu'elle doit majorer les émoluments qu'on lui accorde pour la manœuvre des écluses. Les pilotes constituent une association remarquable par le courage, l'activité et le dévouement. Ils méritent en tous points la bienveillance du gouvernement.

J'appellerai encore l'attention du gouvernement sur la station de la ville de Tournai.

L'honorable M. Ch. Lebeau s'est plaint de l'état de la station de Charleroi. Je crois que ces plaintes ne sont rien à côté de celles que provoque l’état de la station de Tournai. Cette station se trouve dans une situation vraiment impossible. Dernièrement encore un accident est arrivé : une locomotive a passé à travers un bâtiment. Heureusement qu'il ne s'y trouvait personne, sinon l'on aurait eu de grands malheurs à déplorer.

La station est telle qu'on ne peut pas même s'y tenir, pour peu qu'il y ait affluence de monde, et que l'on se trouve entassé dans un petit hangar excessivement mal disposé.

Je dis que cela est indigne d'une des sept villes les plus importantes du pays. Il faut remédier à cet état de choses. Le chemin de fer de Lille à Tournai est commencé, on s'occupera bientôt du chemin de fer de Tournai à Péruwelz par Antoing. Eh bien, c'est le moment pour le gouvernement de prendre des mesures efficaces afin de construire à Tournai une station convenable en rapport avec son importance et avec la situation nouvelle qui lui est faite. J'appelle l'attention du gouvernement sur ce point, qu'il importe d'avoir une station telle qu'on puisse, sans rebrousser chemin, se diriger vers Douai et vers Péruwelz par Antoing.

Je prierai encore le gouvernement de vouloir faciliter autant que possible les efforts que fait la Compagnie Hainaut et Flandres pour réaliser le chemin de fer de Tournai vers Péruwelz et Antoing, et la continuation de Basècles vers Péruwelz et Condé.

On ne peut plus tarder à doter Péruwelz et le canton d'Antoing d'un chemin de fer auquel ils ont droit depuis longtemps. La société de Hainaut et Flandres a eu à traverser des difficultés très graves, mais ce n'est pas une raison pour que ces populations soient privées d'un chemin de fer qui a été voté par la législature. Dos circonstances favorables se présentent pour que le gouvernement puisse faire exécuter dans un bref délai le chemin de fer de Tournai vers Antoing. J'espère que MM. les ministres des travaux publics et des affaires étrangères auront égard à mes observations.

M. Notelteirs. - A plusieurs reprises j'ai eu l'honneur de faire des observations au sujet des Nèthes.

Aujourd'hui je viens appuyer celles que l'honorable comte de Mérode vient de présenter.

J'ai quelque chose de mieux à faire que des réclamations, j'ai des éloges à donner. J'estime que les travaux de dérivation à Lierre ont été bien conçus et bien exécutés.

Ces résultats obtenus prouvent une fois de plus la justesse des réclamations que nous avons fait entendre pendant si longtemps, et il convient maintenant de tirer des travaux exécutés tous les avantages qu'ils peuvent procurer en les complétant, c'est ce que je recommande vivement à l'honorable ministre.

J'appelle de nouveau son attention sur les entraves que continue à causer au libre jeu des eaux le moulin le Mol, à Lierre. Souvent l'ordre d'ouvrir ses écluses vient trop tard, lorsque le mal est fait. C'est ce qui a eu lieu en juillet 1862.

Je recommande également le projet arrêté pour faire cesser l'isolement de la ville de Lierre.

Ce projet est compris dans le devis estimatif qui a servi de base à la loi qui a imposé une contribution spéciale à la province d'Anvers, aux communes et aux propriétaires riverains, pour l'exécution de ces travaux. J'en conclus que la ville de Lierre réclame à bon droit la réalisation de ce travail pour lequel une contribution spéciale a été imposée et payée.

M. Jacobsµ. - Souvent déjà l'on a entretenu la Chambre des atterrissements qui se forment dans l'Escaut, et des perturbations que subit le régime de ce fleuve par suite de la dérivation des eaux supérieures. M. le ministre des travaux publics a reconnu lui-même qu'il ne fallait plus appauvrir l'Escaut, qu'il n'avait été déjà que trop saigné ; et, désireux de se rendre compte des changements opères dans le lit du fleuve, il a nommé des commissions et prescrit des sondages annuels.

Les derniers sondages, faits sous la direction de M. l'ingénieur Stessels, n'ont pas encore été publiés ; je demanderai à M. le ministre des travaux publics s'ils constatent une amélioration dans l'état des passes navigables.

Je lui demanderai également s'il est à même de fournir des explications satisfaisantes au sujet ces conséquences qu'aura pour le fleuve l'exécution d'un grand travail entrepris par le gouvernement hollandais ; je veux parler du barrage de l'Escaut oriental.

Le gouvernement des Pays-Bas a été autorisé par une loi du 19 août 1861 à construire un chemin de fer de Flessingue à Venloo, reliant les îles de Walchcren et de Sud-Beveland à la terre ferme en obstruant la passe de Bath et le Sloe par des barrages, sauf à les remplacer par un canal qui coupe l'île de Sud-Beveland dans sa largeur, de Hausweert à Wemeldingen.

(page 680) L'Escaut oriental deviendrait ainsi une simple crique ; tout au plus cette bouche de l'Escaut pourrait-elle à l'avenir être considérée comme une bouche de la Meuse et du Rhin.

Si mes renseignements sont exacts, et j'ai lieu de le croire, le canal sera probablement achevé l'année prochaine, la voie ferrée est déjà fort avancée, la section de Rozendael à Berg-op-Zoom est en exploitation, les terrassements sont achevés dans toute l’île de Sud-Beveland, on a même adjugé un tronçon du barrage d'une longueur de mille mètres, soit environ un sixième du tout.

Ce travail, messieurs, n'est pas la réalisation d'un projet récent. La première tentative remonte à un arrêté royal hollandais du 11 mats 1846, qui en accorda la concession à une société particulière. Dès cette époque notre département des affaires étrangères a réclamé et protesté contre ce projet auprès de la cour de La Haye.

Un des prédécesseurs de M. le ministre des travaux publics, l'honorable M. Rolin, a nommé une commission le 20 décembre 1849, dans le but d'examiner les questions que soulève, au point de vue des intérêts belges, l'exécution du barrage.

La commission procéda à une enquête, et les marins qu'elle entendit furent d'avis unanime que, sous tous les rapports, les passes existantes étaient préférables au canal projeté.

Les conclusions de la commission ont été celles-ci : Qu'il était du droit et de l'intérêt de la Belgique de s'opposer au barrage de l'Escaut et à son remplacement par un canal.

Depuis lors, notre département des affaires étrangères, pour éviter qu'on ne vînt plus tard s'abriter derrière un fait accompli, a réclamé à diverses reprises une entente préalable avant qu'on mît la main à l'œuvre ; la cour de La Haye s'y est constamment refusée.

Le projet d'abord entrepris par l'industrie privée, puis abandonné par elle, fut repris par le gouvernement néerlandais en vertu de la loi de 1861 que j'ai citée.

Depuis lors, qu'a fait le gouvernement belge ? A-t-il continué à protester ? A-t-il reçu des apaisements au sujet de l'utilité de la substitution du canal à la passe pour la navigation tant à voiles qu'à vapeur ?

Les a-t-il reçus au sujet de l'influence qu'aura le barrage sur l'ensablement du fleuve ?

M. le ministre des travaux publics a visité les travaux du canal dans le courant du mois d'octobre dernier, avec son collègue des affaires étrangères.

Qu'il veuille bien nous faire connaître l'attitude que le gouvernement belge a prise à cet égard et celle qu'il compte prendre à l'avenir.

M. Dolezµ. - Je me permets d'appeler l'attention bienveillante de M. le ministre des travaux publics sur une classe très modeste d'employés, qui est digne de toute sa sollicitude. Je veux parler des gardes de train. Je voudrais qu'on ne les astreignît plus à la gymnastique dangereuse à laquelle ils se livrent pour vérifier les coupons des voyageurs. Je crois qu'il est possible de prendre des mesures telles qu'ils ne soient plus exposés à ce danger.

Il ne se passe pas d'année qu'on n'ait à déplorer de graves accidents. Il y a deux ans un garde-convoi a été tué près de Mons. Le même accident s'est produit à Lessines et récemment encore sur le chemin de fer du Luxembourg.

Je crois qu'en présence de ces accidents le gouvernement doit aviser, et qu'à moins d'une impossibilité absolue, il y a lieu de recourir à un autre procédé pour vérifier les bulletins.

Je voudrais encore soumettre une autre demande à M. le ministre des travaux publics. Déjà, dans d'autres occasions, j'ai appelé son attention et celle de ses prédécesseurs sur l'utilité de remplacer le tunnel de Braine-le-Comte par une autre voie.

Aujourd'hui que, grâce aux améliorations que M. le ministre a introduites dans le tarif de nos chemins de fer, la circulation va être beaucoup plus grande, les inconvénients que présente le tunnel de Braine-le-Comte se feront sentir de plus en plus.

Il n'y a qu'une voie, messieurs, dans ce tunnel, et il faut que les convois ralentissent leur marche, au moment d'y arriver. Or, quand un nombre de trains beaucoup plus considérable parcourront la ligne du Midi, le passage du tunnel offrira nécessairement des inconvénients très sérieux.

Il m'a été affirmé à différentes reprises qu'avec une dépense de 500,000 à 600,000 francs, il serait possible de faire une seconde voie en tournant le tunnel. La voie actuelle pourrait servir aux convois de marchandises et une double voie pour le service des voyageurs pourrait être établie dans une autre direction.

Je suis convaincu que M. le ministre des travaux publics, à la sollicitude de qui je rends hommage avec la Chambre et le pays entier, ne manquera pas de porter son attention sur les deux intérêts dont je me suis permis d'entretenir la Chambre.

- La séance est levée à 4 1/2 heures.