(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1863-1864)
(Présidence de M. E. Vandenpeereboom.)
(page 597) M. Thienpont procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.
M. Van Humbeeck donne lecture du procès-verbal de la dernière séance.
- La rédaction en est approuvée.
M. Thienpont communique l'analyse des pièces adressées à la Chambre.
« Des habitants de Rhode-Saint-Genèse demandent la diminution des droits d'accise sur la bière indigène. »
« Même demande d'habitants de Ville-sur-Haine, Gottignies, des membres du conseil communal et de la section agricole du canton de Looz. »
- Renvoi à la commission permanente de l'industrie.
« Des habitants de Mont-sur-Marchienne demandent la révision de l'article 47 de la Constitution. »
« Même demande d’habitants de Quaregnon. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Des habitants de Wolverthem prient la Chambre d'autoriser la concession des chemins de fer secondaires dans la province de Brabant, projetés par l'ingénieur Splingard. »
« Même demande d'habitants de Lennick-Saint-Quentin et Castre. »
- Même renvoi.
« Des habitants de Bruxelles demandent la révision des articles 47 et 53 de la Constitution. »
- Même renvoi.
« Des habitants de Rebecq-Rognon prient la Chambre d'accorder au sieur Fierens la concession d'un chemin de fer d'Enghien à Landen, avec stipulation du tracé par Rebecq-Rognon et Quenast. »
- Même renvoi.
« Des habitants de Suarlée prient la Chambre d'accorder aux sieurs de Haulleville et Wergifosse la concession d'un chemin de fer d'Anvers à Saint-Vith. »
« Même demande d'habitants de Sombreffe. »
- Même renvoi.
« Des conseillers provinciaux du Brabant prient la Chambre de voter au budget un crédit qui permette au gouvernement d'accorder, pour la voirie vicinale, des subsides proportionnés à ceux de la province. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget de l'intérieur.
« Des fabricants de papier présentent des considérations en faveur de la papeterie belge. »
M. Nélis. - Je demande le renvoi de cette pétition à la commission permanente de l'industrie.
- Cette proposition est adoptée.
« La commission administrative de la caisse de prévoyance du Couchant de Mons fait hommage à la Chambre de quatre exemplaires du compte rendu de ses opérations pendant l'exercice 1863. »
- Dépôt à la bibliothèque.
M. De Lexhy. - J'ai l’honneur de déposer sur le bureau le rapport de la section centrale qui a examiné le budget des travaux publics pour 1864.
- Ce rapport sera imprimé et distribué et l'objet qu'il concerne mis à la suite de l'ordre du jour.
MfFOµ. - J'ai l’honneur de déposer sur le bureau de la Chambre le huitième rapport sur la situation des établissements d'aliénés du royaume. En déposant ce rapport, je remplace mon collègue de la justice.
- Ce rapport sera imprimé et distribué.
M. Debaets. - Messieurs, dans son rapport, la section centrale a émis le vœu que le gouvernement hâte autant que possible les travaux préparatoires de la révision du Code de commerce.
Je me joins à la section centrale pour appuyer ce vœu auprès du gouvernement. En effet, tout le monde est d'avis, les industriels, les commerçants et aussi les jurisconsultes que la révision du Code de commerce est devenue non seulement une nécessité, mais une nécessité urgente.
II est évident que depuis 1806, époque où le Code de commerce a été élaboré, l'industrie et les relations commerciales, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur, ont subi, par suite des faits économiques et des faits sociaux, une influence tellement considérable que la législation ne répond plus en aucune manière aux exigences, au besoins du négoce.
J'appuie donc le vœu que la section centrale a émis, et je demanderai à M. le ministre des affaires étrangères si nous pouvons espérer que, dans un délai plus ou moins rapproché, le gouvernement fera en sorte que tout au moins les travaux préparatoires de la révision seront accélérés de manière à pouvoir être présentés devant la Chambre.
A cette occasion, messieurs, je désire faire ou plutôt renouveler une observation que j'ai eu l'occasion de présenter déjà, dans cette Chambre, relativement à un faiit que je considère comme abusif, que je considère comme étant une véritable suspension de la loi.
Cette question, j'avais l'honneur de vous le dire, je l'ai soulevée déjà à l'occasion du budget de la justice dès 1863, et ce n'était pas même alors la première fois qu'elle se produisait dans cette enceinte. En 1855 et 1856, la Chambre s'en était occupée et avait examiné la question avec une certaine maturité.
Elle a été soulevée dernièrement dans une autre enceinte législative lors des discussions qui ont ou lieu en France au mois de janvier dernier au corps législatif.
Un orateur célèbre, M. Jules Favre, proposait à peu près ce que j'avais l'honneur de proposer dans une autre circonstance. Le gouvernement français, par l'organe de M. Rouher, ministre d'Etat, s'empressait de reconnaître que la question demandait une solution plus ou moins prochaine.
Il s'agit de la liberté du courtage. (Interruption.) Je pense que lorsque nous avons fait une campagne politique de quelques semaines, nous pouvons nous occuper un peu de questions pratiques et j'estime que cette question intéresse assez le pays et la liberté commerciale en particulier pour que la Chambre me prête un peu d'attention.
- Plusieurs voix. - Certainement.
M. Debaets. - M. Jules Favre disait dans la séance du 20 janvier de cette année :
« Je demande la permission de dire maintenant quelques mots du courtage. On sait combien dans le commerce l'industrie de l'intermédiaire est importante, indispensable. Partout où il y a un producteur et un consommateur, il faut un lien qui les unisse. Ce rôle de l'intermédiaire est primordial : il est le centre de la liberté de vendre et d'acheter. Dès l'origine des sociétés, ce droit a été entier : comment donc en est-on venu à en faire un privilège ? Aujourd’hui, avec les lumières partout répandues, nous avons des courtiers constitués en corporation, et leur privilège les conduit à faire des procès à tous ceux qui semblent usurper leurs fonctions.
« On a cherché à justifier ce monopole par son ancienneté ; sans doute, il ne faut pas être ingrat envers le passé, mais faut-il s'en faire l'esclave ? Au moyen âge le privilège a été institué dans un but de restriction commerciale ; pourquoi ? Parce que la restriction était alors la règle. Mais nous avons rompu ces entraves du passé.
« Brisées en 1789 et en 1791 elles ont été rétablies en l'an IV, à la suite de l'agiotage effrayant qui était résulté d'une faute commise par la Convention.
« La force des choses a donné un démenti à la loi de l'an IV. Plusieurs milliards d'opérations commerciales se font à Paris. Soixante courtiers de commerce ne pourraient y suffire. Ils n'ont pas cette prétention ; mais, de temps en temps, en vertu de leur privilège, ils font des excursions sur le commerce libre et lui demandent une rançon. Des hommes laborieux, honnêtes, ont été traduits en police correctionnelle et ont été condamnés pour des faits non reprochables érigés en délits par une loi factice.
« J'espère que le gouvernement voudra bien mettre cette question à l'étude, et qu'il en sortira une réforme avantageuse pour tous. »
Le ministre d'Etat fit à ces justes observations de M. Jules Favre la réponse que voici :
« J'aborde la question du courtage. Les difficultés sont réelles, et depuis longtemps elles ont attiré la sollicitude du gouvernement. Ce ne sont pas seulement les ordonnances de Philippe le Bel et de Charlemagne qui ont institué le courtage, il a été organisé et réglé par le Code de 1806. A cette époque, le crédit était ébranlé, la sûreté des relations commerciales avait été troublée, le législateur crut devoir créer entre le (page 598) vendeur et l'acheteur un intermédiaire officiel, une sorte de notaire commercial, chargé de constater les conventions et de leur donner une existence certaine. Tel a été l'esprit de la loi de 1807 qui a reçu une confirmation indirecte dans celle de 1816. L'article 91 de cette loi place en effet les courtiers de commerce au nombre des officiers ministériels assujettis à verser un cautionnement. Par là, l'office des courtiers est devenu une propriété.
« Ces précédents nous lient, et quand nous examinons s'ils peuvent être mis en harmonie avec les idées nouvelles, nous ne pouvons méconnaître le droit que la loi de 1843 confère aux courtiers de commerce. Je ne veux pas dire à l'honorable M. Jules Favre que je suis son adversaire, mais je ne saurais dire non plus que je suis de son avis, car la question n'est pas résolue ; le gouvernement n'a pas jugé qu'elle fût suffisamment examinée, et il ne m'appartient pas de substituer mon opinion personnelle à l'opinion du gouvernement. Ce que je peux dire, c'est que si le principe de la liberté était adopté, une indemnité serait accordée aux courtiers propriétaires d'un titre légal. (Très bien ! très bien !) »
Vous le voyez, messieurs, en France la question de principe se pose comme en Belgique : Faut-il introduire la liberté du courtage ? Et en France comme en Belgique, la plupart de ceux qui se sont occupés de la question penchent vers l'affirmative.
Je suis aussi d'avis que, dans les questions d'intervention commerciale, il faut faire à la liberté la part la plus large.
Protéger, favoriser, réglementer, c'est ordinairement gêner ; enlevez les entraves, laissez faite le commerce, laissez-lui le libre choix de ses agents, et je crois que vous servirez ainsi le mieux ses véritables intérêts ; mais voici ce qu'il faut faire aussi : du moment qu'on a la conviction (et je crois qu'ici cette conviction est à peu près générale) qu'une institution ne répond plus aux besoins de l'époque, qu'elle est devenue inutile, il faut avoir le courage de la supprimer, il faut rapporter la loi ; mais aussi longtemps que la loi existe, il faut l'exécuter et la faire respecter.
Je comprendrais jusqu'à un certain point une espèce d'abrogation tacite par la désuétude. Une loi peut être tellement tombée dans les oubliettes qu'on ne l'applique plus du tout ; je comprends cela sans l'approuver entièrement ; mais que fait-on en Belgique ?
On maintient les courtiers d'une part, souvent on invoque contre eux et rigoureusement toutes les obligations qui leur incombent en vertu de la loi, et d'autre part on ne leur garantit aucun des privilèges qui forment la compensation des sacrifices qui leur étaient imposés.
On a fait plus, le gouvernement a arrêté par un acte que je dois qualifier du seul nom qui lui convienne, par un acte de bon plaisir, le gouvernement a arrêté l'action de la justice.
Bien certainement cela ne jette pas une grande entrave dans le mécanisme social de la Belgique ; mais ce n'est pas dans cette voie-là que le gouvernement doit entrer, ce n'est pas sur ce terrain-là que nous pouvons l'encourager.
Lorsque la question du courtage s'est présentée devant la Chambre, il y a un an ou deux, le gouvernement a répondu : « Adressez-vous aux tribunaux. Il est vrai que la cour de cassation s'est prononcée dans tel sens, mais enfin la jurisprudence n'est pas encore fixée d'une manière suffisante ; retournez devant les tribunaux, si vous, courtiers, prétendez qu'on porte atteinte à vos droits. » Les courtiers ont suivi cet avis et devant le tribunal il y a eu condamnation. Le courtier-marron interjette appel, mais le gouvernement défend au ministère public de porter l'affaire devant la cour. Voilà donc un individu condamné, il s'adresse au deuxième degré de juridiction et par le fait du gouvernement le cours de la justice est suspendu, arrêté.
Cela est-il constitutionnel ?
M. Pirmez. - Cela n'est pas possible.
M. Debaets. - Cela m'a paru d'abord impossible, comme à l'honorable M. Pirmez. Mais les faits sont là : ce n'est pas d'aujourd'hui que je les signale à la Chambre, et quand je les indiquais une première fois, ils n'ont pas été, que je sache, démentis par le gouvernement.
Voici ce que je disais au mois de mars 1863 ;
« Messieurs, beaucoup d'entre vous se souviendront qu'une question de liberté, celle des courtiers, a été portée à différentes reprises devant la Chambre ; la question s'agitait entre les courtiers légaux et les courtiers libres ou marrons ; il s'agissait de savoir s'il fallait maintenir les mesures restrictives en faveur des courtiers établis par la loi.
« Je ne prétends pas traiter cette question, mais c'est à propos de cette question que je demande une explication sur un fait qui s'y rattache.
« En passant je dirai cependant que personnellement je désire la liberté du courtage, qu'il vaut mieux laisser aux négociants la liberté de gérer eux-mêmes leurs affaires ou de choisir les intermédiaires qu'ils croient les plus capables de les gérer pour eux. Mais là n'est pas là question, la loi bonne ou mauvaise, mais telle qu'elle existe, doit être observée. Lorsque dans une autre occasion la question des courtiers s'est présentée devant la Chambre, le ministre de la justice d'alors, l'honorable M. Nothomb disait : « La question se présente sous deux aspects, le côté juridique et le côté législatif ; quant à l'aspect juridique, la discussion de la Chambre ne peut pas s'y porter d'une manière utile ; il s'agit de l'interprétation d'une loi, il s'agit de savoir jusqu'à quel point et dans quelle mesure les dispositions de la loi du 26 août 1822 ont modifié et étendu l'article 80 du code de commerce.
« C'est un cas d'application de la loi qui échappe au parlement et qui ressortit exclusivement au pouvoir judiciaire.
« Déjà il a eu à s'en occuper, et la cour de cassation a résolu la question par un arrêté du 18 mars 1850, qui a déclaré formellement que la loi de 1822 a modifié l'article 80 du code de commerce en ce qui concerne le monopole attribué aux courtiers de navires. Sous ce rapport, il n'y a donc rien à faire, il faut laisser pleine liberté au pouvoir judiciaire. »
« Dans la même séance un membre aujourd'hui ministre de la justice, l'honorable M. Tesch, ajoutait : « Messieurs, la discussion qui nous occupe présente une question de droit et une question de fait. La question de droit a été soumise aux tribunaux ; si on trouve qu'ils ont mal jugé, il faut suivre la méthode indiquée par l'honorable M. Verhaegen, il faut se pourvoir de nouveau devant eux. »
« Messieurs, on a suivi ce conseil ; on s'est adressé aux tribunaux.
« Je fais toujours mes réserves sur l'exactitude de mes renseignements. Le tribunal a condamné la personne qui s'est immiscée illégalement dans les fonctions de courtier ; le délinquant a interjeté appel, et par ordre de M. le ministre aucune suite ultérieure n'a été donnée à l'affaire. Trois ans se sont passés depuis, de sorte que la prescription est acquise.
« Ce fait impliquerait la suspension de la loi et, pour me servir de l'expression de M. le ministre des finances, constituerait une belle et bonne violation de la Constitution.
« Ce n'est pas ici seulement empêcher le parquet d'agir, ou lui recommander des ménagements, c'est arrêter l'action de la justice, l'action du pouvoir judiciaire, lorsque déjà il avait été mis en mouvement, de façon à arriver à cette conséquence insolite qu'un individu est condamné à une peine qui ne peut pas être appliquée parce qu'il a interjeté appel et que la cour d'appel, chargée de statuer en dernier ressort, se trouve dans l'impossibilité de s'occuper de cette affaire.
« Le prévenu est frappé d'une condamnation qu'il ne peut ni faire lever ni subir.
« Je serais heureux si M. le ministre me prouve que mes conclusions sont basées sur des renseignements inexacts. »
Je ne crois pas que jusqu'à présent aucun organe du gouvernement ait répondu que ces faits sont inexacts. Et cependant alors comme maintenant d'honorables collègues disaient : Ce n'est pas possible.
M. Bouvierµ. - Ce serait un déni de justice.
M. Debaets. - Je suis complètement de l'avis de l'honorable M. Bouvier.
M. Bara. - Cela ne regarde pas le gouvernement.
M. Debaets. - L'honorable M. Bara a trop d'expérience des affaires judiciaires, pour ne pas savoir que le rôle des affaires correctionnelles se règle par l'officier du parquet.
M. Orts. - C'est une erreur.
M. Debaets. - Ce n'est pas une erreur. Et en fait là ne serait pas la question.
Il s'agit de se bien comprendre. La question est de savoir si la magistrature a, de son autorité privée, empêché le cours de la justice. Ou est-ce à la suite d'un ordre émané du gouvernement que l'action de la justice a été interrompue ? Jusqu'à preuve du contraire, je maintiens que c'est en vertu d'un ordre émané du gouvernement qu'aucune suite n'a été donnée à cette affaire...
MfFOµ. - Comment voulez-vous qu'on fournisse la preuve du contraire ?
M. Debaets. - N'équivoquons pas : Y a-t-il eu oui ou non un ordre du gouvernement de ne pas donner suite ?
Du moment qu'un organe du gouvernement viendra nous dire, en connaissance de cause, que cet ordre n'a pas été donné, mes observations tombent à l'instant même. Jusque-là je les maintiens. Je ne les ai, au reste, pas présentées à la légère, et je crois être très bien renseigné.
Je le répète, si c'est en vertu d'ordres émanés du ministère de la justice qu'un pareil état de choses existe, cet état de choses est abusif ; c'est une véritable suspension de la loi et cette suspension, je la crois plus grave que ce qu'on reprochait, il y a peu de jours encore, à nos (page 599) honorables collègues d'Anvers et aux Anversois, de s'être abstenus dans une élection.
Si j'avais à parler de ce fait aujourd'hui pour la première fois, je m'en serais abstenu, à cause de l'absence de M. le ministre de la justice. Mais la question a été soulevée à différentes reprises et jusqu'à présent je n'ai pas encore obtenu de réponse catégorique.
C'est pourquoi j'ai cru de mon devoir d'en parler de nouveau ; car, messieurs, on marche très vite dans la voie de l'arbitraire et du bon plaisir quand on s'y est une fois engagé.
La Chambre me permettra de signaler, en passant, à son attention un autre fait sur lequel je voudrais avoir une explication du gouvernement, tout en reconnaissant que la réponse pourra ne pas être immédiate ni catégorique, l'honorable chef du département de la justice étant en ce moment à l'étranger.
Si mes renseignements sont exacts, il y a d'autres dispositions légales que le gouvernement laisse à l'état de lettre morte ; si je suis dans l'erreur, d'honorables collègues, MM. Pirmez et Orts, entre autres, pourront me rectifier ; mais si le fait est vrai, vous reconnaîtrez qu'il ne manque pas non plus de gravité.
En 1859, une divergence d'opinion a surgi entre la cour de cassation et les cours d'appel relativement à l'applicabilité de deux articles du Code pénal. Il s'agissait de savoir si des articles 67 et 69 de ce Code étaient applicables aux jeunes délinquants dans les matières spéciales, par exemple, en matière de chasse.
La cour de cassation a dit non, les cours d'appel avaient dit oui ; il y a donc lieu à interprétation législative et jusqu'à cette interprétation le cours de la justice est suspendu. Or, nous sommes en 1861, le conflit remonte à 1859 et jusqu'à présent aucune mesure n'a encore été prise.
M. Pirmez. - Pardon ; un projet de loi a été présenté.
M. Delaetµ. - La Chambre est-elle saisie d'un projet de loi ?
M. Pirmez. — Certainement.
M. Debaets. - Eh bien, je ne fais pas un compliment à la Chambre de ne pas encore s'en être occupée. Je n'en ferai pas compliment non plus à M. le ministre de la justice, qui devrait veiller à ce que la Chambre ne laisse pas en souffrance les affaires dont il la saisit. (Interruption.)
M. Hymans. - Tout cela n'a pas trait au budget des affaires étrangères.
M. Debaets. - Aussi n'est-ce qu'en passant que j'ai parlé de ce fait. Je ferai remarquer cependant à l'honorable M. Hymans qu'il devrait, lui tout le premier, se montrer indulgent envers ses collègues ; car il n'est pour ainsi dire pas un seul de ses discours qui n'offre quelque exemple de pareilles digressions.
Je serais donc parfaitement excusable aux yeux surtout de l'honorable M. Hymans si, d'ailleurs, il ne s'agissait d'une question qui a quelque analogie à la première que j'ai soulevée, toutes deux ayant trait à une suspension de la loi.
La question de la liberté du courtage m'amène à dire un mot d'une autre question de liberté, de la liberté des échanges, et celle-ci se rattache bien certainement au budget des affaires étrangères, bien plus, dans tous les cas, que la question des jésuites ne se rattachait à la discussion qui a occupé la Chambre pendant trois semaines, et au moyen de laquelle on a essayé de dresser un épouvantait aux yeux du pays.
Dans une des dernières séances de la Chambre, M. le ministre des finances m'a mis personnellement en cause avec deux de mes honorables collègues de Gand. Il a dit :
« Et c'est après avoir vaincu vos adversaires, c'est après les avoir convertis même, à ce qu'il semble, qu'ils s'en viennent nous reprocher en quelque sorte de n'avoir pas assez fait en matière de réforme douanière !
« Mais j'y pense, messieurs, il y a peut-être à cela une bonne raison : l'honorable M. Dechamps a été soufflé sans doute par MM. Coppens, Debaets et Kervyn de Volkaersbeke ; assurément ces honorables membres lui auront dit : La réforme qui a été faite a encore laissé une trop grande protection au coton ; et c'est pour ce motif que l'article relatif à la réforme douanière aura été introduit dans le programme. »
Quant à moi, messieurs, j'ai une trop haute opinion des convictions de l'honorable ministre pour croire que jamais ses principes et son programme doivent lui être soufflés. Il pourrait avoir la même opinion de ses collègues.
Des souffleurs derrière MM. Dechamps, Royer de Behr et de Naeyer, cela fait image, mais, convenons-en, cela fait mauvais effet. Ceci posé, je n'hésite pas à dire que la partie du programme qui promettait une extension successive de la liberté commerciale, avait mon entière sympathie, sans avoir la prétention de souffler ce cabinet ni celui qui doit lui succéder.
J'applaudis à toute mesure qui enlève une entrave au commerce et lui donne un essor nouveau, qu'elle s'appelle réforme douanière, abaissement de péages, accélération des transports ou autre chose. Quand je fais cette déclaration, je crois rester fidèle à tous mes précédents parlementaires. J'ai voté le traité avec l'Angleterre, je m'en applaudis, je ne le regrette pas ; cela m'a valu des outrages dans certaine presse et des insinuations dans cette enceinte. C'est à ces dernières que je crois devoir répondre par des faits.
Messieurs, la question du coton apparaît ici à tout instant, on ne sait trop ni comment ni pourquoi, tout comme les jésuites. Tout comme nos électeurs ne s'effarouchent pas de l'épouvantail des jésuites, ils savent à quoi s'en tenir sur la polémique « coton ».
Il faut cependant une bonne fois qu'on sache dans le pays ce qu'il y a de vrai dans cette qualification de représentants du coton, représentants de l'intérêt, qu'on nous lance, comme on lance à d'autres celle de représentants de la peur.
Ces insinuations se sont présentées quelquefois d'une manière anodine et peu agressive. Témoin les discours de l'honorable M. Hymans, celui de M. le ministre des affaires étrangères, celui de M. le ministre des finances, témoin encore un passage d'un discours de M. Orts.
M. Orts. - Je n'ai jamais parlé de coton à la Chambre.
M. Debaets. - Ces insinuations se sont produites quelquefois d'une manière vague et indéterminée ; mais dans la bouche de M. De Fré elles ont pris une forme nette, je dirai même dramatique. De par l'honorable député de Bruxelles, nous sommes bien et dûment les représentants du coton, rien de plus, rien de moins.
En 1861, l'opinion publique, le pays commençait à se détacher du ministère, comme le pays continue à s'en détacher de plus en plus en 1864. Vous le croyez, nos électeurs le croyaient. Détrompez-vous ; affaire de coton ! Ecoutez M. De Fré :
« Mais en 1861 vous avez dit : Nous ne déploierons plus le drapeau catholique : nous ne savons plus vaincre avec ce drapeau dans l'arrondissement de Gand. Il ne s'agit plus de catholiques et de libéraux ; il s'agit de quoi ? Du triomphe du coton !
« Voix à gauche. - C'est cela !
« M. De Fré. - Avec une grande prudence qu'il faut louer, la presse catholique gantoise s'abstient de défendre l'Eglise : elle défend le coton. Ses candidats ne sont pas les candidats de l'Eglise, mais du coton.
« On fait du traité avec l'Angleterre une arme formidable pour attaquer le gouvernement ; on dit aux ouvriers, aux fabricants de Gand ; Croyez ce que vous voulez, soyez libéraux, catholiques ou protestants : cela nous est parfaitement égal : mais pour l'amour de Dieu, sauvez le coton !
« Et messieurs, le coton a été sauvé ! Sur 7 membres dont se composait la députation gantoise, quatre sont restés sur le terrain. »
Nous voilà bien dûment les députés du coton.
Il est évident que d'un autre côté les quatre candidats tombés sur le terrain sont les martyrs du libre échange.
En 1861, il y avait donc guerre entre les martyrs du libre échange et les héros du coton, ou plutôt les vainqueurs du coton, car le mot héros est trop sonore dans une lutte si mesquine.
J'aime à croire, messieurs, que le culte du libre échange a reçu, en 1861, les adorations auxquelles il était habitué dans le for intérieur de la conscience des martyrs ; mais qu'aux yeux des simples fidèles, les martyrs ont arboré haut et ferme la bannière du libre échangiste, c'est ce que nous allons voir.
On leur a montré un drapeau, oui : mais ce drapeau était purement et simplement un drapeau de coton.
Je le prouve.
Messieurs, il est bon pour ne pas se tromper sur des faits de les prendre dans la bouche des adversaires.
J'ouvre le Journal de Gand de 1861. Vous conviendrez, messieurs, que je ne puise pas à une source suspecte, car si vous faites à une autre feuille de Gand l'honneur de l'appeler une institution catholique, nous pourrions dire que le Journal de Gand est une institution libérale, nationale, allais-je dire ; par ces temps les deux mots semblent presque s'équivaloir. Ce journal n'est pas seulement un office de publicité, la jeunesse libérale va y faire son apprentissage de toutes les carrières possibles, carrières administratives, judiciaires et législatives, et on n'aura pas le droit de récuser ses parole ?.
Voici comment la question à son début a été posée par le Journal de Gand. Je prie les honorables membres qui oui interrompu le discours de (page 600) l’honorable M. De Fré de leurs « c'est cela » approbatifs de vouloir bien écouter.
« Depuis quelque temps une question d'une importance vitale pour la prospérité de notre ville a été soulevée. Il s'agit de savoir si l'utopie du libre échange, prêchée par quelques étranges au profit de l'Angleterre, entrera dans le domaine des faits, et si Gand sera bénévolement la victime de cette théorie hypocrite qui doit entraîner sa ruine et son abaissement. »
C’est ainsi qu'on arborait haut et ferme le drapeau du libre échange !
Le lendemain ces paroles du journal recevaient leur consécration solennelle d'un honorable magistrat qui avait qualité pour inscrire au drapeau sa véritable légende.
Voici ce qu'on disait aux électeurs réunis à l'association libérale :
« Je ne répondrais pas à votre préoccupation à tous, si je ne parlais des inquiétudes généralement répandues au sujet d'un fait que l'on prédit comme prochain, et qui serait une menace pour l'industrie gantoise ; je veux parler de la conclusion annoncée d'un traité avec l'Angleterre. Nous voulons nous expliquer nettement et catégoriquement afin qu'il ne reste sur ce point de doute dans l'esprit de personne.
« A notre sens, les représentants de Gand ont pour premier devoir de défendre l'industrie de Gand quand cette industrie est menacée dans son existence ou dans sa prospérité. La prospérité ou l'existence de cette industrie ne constitue pas un intérêt privé, c'est celui de toute la ville, de toute l'arrondissement. La sacrifier à de prétendues théories démenties par les faits, ne serait pas remplir fidèlement son mandat. (Applaudissements prolongés.). »
Ces paroles étaient prononcées par l'honorable bourgmestre de Gand qui siège actuellement dans cette enceinte.
M. de Kerchoveµ. - Et je les maintiens.
M. Debaets. - Vous avez parfaitement raison de les maintenir. Mais le commentaire qui va suivre donne à ces paroles une signification sur le sens de laquelle personne ne se trompera. Quant à vos explications, je les attends.
Continuons la lecture du Journal de Gand :
« Après ce discours M. de Smedt demande quel serait le programme des candidats relativement au traité avec l'Angleterre dont on a récemment parlé. Il ajoute que les paroles prononcées à l'occasion du traité avec la France ont jeté la plus vive alarme non seulement parmi nos industriels, mais dans la population entière. Je demande donc, ajoute-t-il, que la députation, qu'il s'agit de nommer, se prononce dès à présent sur le point de savoir si elle voterait un traité avec l'Angleterre sur les bases du traité français, ce qui serait désastreux pour l'industrie belge tout entière et particulièrement pour celle de Gand.
« M. De Coster-Wittock prend à son tour la parole pour appuyer ce que vient dédire M. de Smedt. Il fait ressortir plus vivement encore les désastres qui seraient la suite d'un traité insuffisamment protecteur avec l'Angleterre.
« Ces conséquences, dit-il, seraient la décadence et la mort de notre industrie. Les fabricants de Gand seraient non seulement ruinés, mais toute notre bourgeoisie y perdrait une source de richesses. Si un traité pareil devait être voté, nous n'aurions plus qu'à combler nos canaux, à fermer notre port.
« Nos usines pourraient fermer leurs portes à jamais ou les rouvrir pour devenir des couvents. Il y a à Gand 70,000 ou 80,000 personnes qui, directement ou indirectement, vivent des industries linières ou cotonnières, et ce sont ces industries, la première surtout, séculaire en Belgique, qui ont fait de Gand la seconde ville du royaume et l'ont portée au haut degré de prospérité où nous la voyons. Je demande si une députation gantoise oserait jamais, en votant un traité comme celui dont on a parlé, voter la ruine d'une industrie qui, non seulement pour nos fabricants mais pour nous tous Gantois est une question de vie et de mort, »
La question, messieurs, était-elle posée d'une manière nette, catégorique, précise ?
M. de Kerchoveµ. - Nous l'ayons obtenu.
M. Debaets. - Messieurs, M. de Kerchove de Limon aura, s'il le désire l'occasion de commenter son discours. Ce sera curieux de comparer le commentaire rétrospectif avec le commentaire d'alors. La question était-elle posée d'une manière nette, catégorique, précise ? Que tout homme de bonne foi me réponde.
En réponse aux interpellations faites par le commerce de Gand, l'honorable M. Jacquemyns prononça le discours suivant :
« L'interpellation qui nous est adressée était à prévoir, nous nous en sommes occupés depuis longtemps : je ne dois donc pas me borner à y répondre en mon nom personnel ; je suis autorisé aussi à répondre au nom de mes collègues, de tous les candidats de la députation gantoise.
« La question qui préoccupe en ce moment l'industrie gantoise n'est pas neuve.
« Je tiens en main une déclaration solennelle faite il y a quinze ans par le comité de l'industrie cotonnière, dont l'un des membres qui viennent de nous interpeler faisait partie. Elle signale la nécessité de conclure des traités de commerce avec les nations continentales, mais elle signale aussi la nécessite de nous armer, de nous protéger contre la concurrence anglaise.
« On nous demande si nous prêterons la main à une mesure qui ruinerait notre industrie cotonnière, qui enlèverait le travail à des myriades d'ouvriers, à une mesure qui ferait descendre la ville de Gand au rang d'une ville de troisième ordre, qui dès lors compromettrait de la manière la plus grave l'arrondissement entier. Qu'il me soit permis, messieurs, de ne pas répondre à une semblable question. (Applaudissements.)
« Il est évident que le représentant de la seconde ville du royaume, d'une ville qui ne doit son importance qu'à son industrie, doit avant tout se préoccuper de ce qui intéresse cette industrie, et nous comprendrions difficilement ce qu'il ferait à la Chambre, s'il n'était dominé par ce devoir. (Applaudissements prolongés.)
« Si contre notre attente un ministère était assez mal avisé pour nous proposer d'accorder à l'Angleterre les conditions du traité que nous venons de faire avec la France, quelqu'un dans cette réunion peut-il se représenter que nous hésiterions à remplir notre devoir ? Nous n'avons attendu ni l'agitation qui s'est emparée de l'opinion publique, ni l'interpellation que vous voulez bien nous faire pour nous rendre compte des exigences de notre position : car dès le vote du traité avec la France, nos résolutions étaient nettement arrêtées.
« N'est-il pas évident pour nous, messieurs, qu'une députation composée d'hommes sensés envoyée à la Chambre par la seconde ville du royaume, par une ville qui doit son importance plusieurs fois séculaire à son activité industrielle, repoussera de toute la force de son patriotisme un traité nuisible à notre industrie, un traité qui compromettrait les sources de la prospérité publique ?
« On dira peut-être : Il ne s'agissait pas du traité que nous avons voté ; il s'agissait d'un traité hypothétique, éventuel, dont l'effet certain devait être la ruine de l'industrie. Cela ne serait pas sérieux : un gouvernement ne présente pas et un parlement ne vote pas de pareils projets. On ajoutera d'autres commentaires, si l'on peut ; mais on ne se fera pas comprendre du pays. »
Le journal ajoute :
« Nos lecteurs peuvent juger si ces paroles si catégoriques ont dû être accueillies avec une satisfaction unanime ; aussi, quand les applaudissements cessèrent enfin, M. J. Voortman, que sa position parmi les chefs de notre industrie intéresse si directement, se lève pour déclarer que les interpellations qui viennent d'être faites étaient de la plus absolue nécessité. Avant d'avoir des besoins moraux, ajoute-t-il, la ville de Gand a besoin de l'existence matérielle. Les paroles de M. Jacquemyns étaient nécessaires pour calmer les vives inquiétudes qui règnent parmi les industriels, à la suite des théories libre-échangistes qui se sont fait jour depuis quelque temps. (Applaudissements prolongés.) »
Ainsi, les paroles de M. Jacquemyns avaient une signification sur la portée de laquelle personne ne pouvait se tromper. Il avait calmé toutes les inquiétudes ; c'est M. Voortman qui le déclare.
« Ce n'est nullement par esprit de défiance envers le gouvernement que nous avons pris la parole : car un des députés siégeant au conseil de la Couronne a particulièrement donné trop de gages de sa sollicitude pour les intérêts gantois, de son dévouement de chaque jour, pour que nous puissions craindre de leur voir approuver une mesure qui serait la ruine de notre cité. Comme président du Cercle commercial, je n'ai jamais eu que les relations les plus satisfaisantes avec M. Vanderstichelen. Seulement nous avons voulu par ces déclarations, qui, nous l'espérons, auront un grand retentissement, avertir une dernière fois le gouvernement du danger qu'il y aurait à conclure le traité avec l'Angleterre. »
(page 601) Je répète la phrase : « Seulement nous avons voulu, par ces déclarations qui, nous l'espérons, auront un grand retentissement, avertir une dernière fois le gouvernement du danger qu’il y aurait à conclure un traité avec l'Angleterre. »
Messieurs, ces paroles recevaient un commentaire le lendemain, le Journal de Gand disait :
« Les inquiétudes soulevées, à juste titre, parmi la partie de notre population la plus directement intéressée au maintien de la grande industrie se sont produites à la réunion électorale de lundi avec une grande netteté.
« Rien dans ce fait qui ne fut naturel, logique ; cela devait être, cela était souhaitable. Chez un parti qui affiche au grand jour ses principes, ses aspirations, ses besoins matériels et moraux, les questions politiques ne sont pas les seules à exciter sa sollicitude. Notre organisation n'a pas uniquement pour but de nous entendre sur les candidats qui doivent nous représenter. Loin donc de faire à M. de Smedt un grief de son interpellation, à M. Decoster et à M. J. Voortman un reproche de la vivacité avec laquelle ils ont fait connaître à nos futurs députés leurs craintes et même leurs défiances, nous les appuyons, nous applaudissons à leur franchise.
« Il faut que le cri d'alarme soit entendu à Bruxelles, il faut que nos représentants s'en fassent l'écho dans nos Chambres et que le pays sache par eux ce que nous sommes, ce que nous voulons rester. M. Voortman l'a bien dit, la voix de notre industrie inquiète, c'est la voix de la ville entière. C'est un avertissement au gouvernement du danger qu’il y aurait à conclure un traité avec l'Angleterre. »
Après cela, messieurs, vient toute une série de tirades protectionnistes que vous connaissez à peu près, parce que c'est toujours la même répétition ; tous les protectionnistes ont les mêmes frayeurs ; ils voient toujours sur l'une ou l'autre des industries nationales un vampire prêt à lui sucer le plus pur de son sang. Je ne vous en citerai que quelques-unes :
« Les utopies du libre échange et d'égalité douanière sont de flatteuses théories, mais elles sont décevantes comme des mirages. Derrière elles il n'y a que le désert. »
Autre tirade, et c'est le journal des martyrs du libre échange qui parle ; il faut que je vous le rappelle de temps en temps.
« Le minotaure anglais a faim et soif de notre petite industrie, et il faut au nom du libre échange, - cet axiome sublime mais incompris - la lui livrer à dévorer...... ut devoret !
Entendez-vous ces aspirations ardentes du libre-échange ? et comme elle fait bien cette phrase harmonieuse et cadencée se clôturant, pour la terreur des fidèles par ce terrible : ut devoret !
Autre tirade :
« Mais si cette plaisanterie se faisait réalité (la plaisanterie du traité avec l'Angleterre), ce serait la ruine de notre ville, et nous le demandons à tout ce qui à Gand possède une âme gantoise, est-il croyable, est-il possible que nous ayons une députation qui vit de notre vie, qui s'inspire de nos intérêts, qui pense comme nous pensons, et qu'elle ne défende pas à outrance le travail, l'industrie qui est notre existence même ? »
Le journal ajoute :
« M. Jacquemyns a fourni en son nom et au nom de ses collègues la réponse à cette question. »
Le Journal de Gand du 30 mai 1861 est peut-être plus curieux encore. N'oubliez pas, messieurs, que d'un côté luttaient les martyrs du libre échange et de l'autre côté se trouvaient les champions du coton. Voici donc ce que dit le Journal de Gand :
« Ils savent (les fabricants), quoi qu'en dise le Bien public, que M. Vanderstichelen n'a jamais été libre échangiste, que toujours les intérêts matériels et moraux de la ville de Gand ont trouvé en lui un défenseur actif et dévoué ; ils savent que le ministère lui-même n'a jamais posé, depuis 1857, un acte libre-échangiste...
« Il est un autre point qu'il importe de ne pas perdre de vue : l'utopie économique du libre échange n'a pas seulement pour adeptes quelques libéraux, très clairsemés du reste. Il a pour apôtres des hommes que le parti catholique prend sous son patronage, qu'il défend, qu'il exalte, qu'il recommandera avec instance aux électeurs. A la Chambre nous citerons, entre autres, MM. Coomans et Vermeire. M. de Hauteville et l’Universel sont libre-échangistes. M. Victor Vanden Broeck, l'orateur des meetings, l'ancien employé de la Monnaie, le candidat clérical à Soignies, est libre échangiste. Les dix rédacteurs de l'Economiste belge ont avec le parti catholique plus d'un point de contact, plus d'une doctrine commune. Enfin M. Débets, le futur candidat du Bien public, le rédacteur du Beurzen courant, est un libre échangiste fanatique autant qu'il lui est possible d'être fanatique pour une chose quelconque. »
Et l'honorable M. de Naeyer et l'honorable M. Royer de Behr ont voté le programme libre-échangiste du cabinet actuel !
« Permettez-moi, messieurs, de vous faire remarquer le certificat de non-fanatisme que le Journal veut bien me délivrer, et par ce temps de terreur que tant d’épouvantails inspirent, il n'est pas mauvais d'être officiellement garanti. (Interruption.) »
Ah 1 je n'aurais certes pas parlé du coton si dans tous les discours venant du banc ministériel et des bancs de la gauche on n'avait soulevé constamment cette question.
Comment ! on a discuté pendant trois semaines, le ministère avait à dire pourquoi il avait quitté ses portefeuilles et pourquoi il les avait repris. Au lieu de répondre, il a parlé jésuite, coton, évêque de Bruges, Civiltà cattolica, Bien public, de tout et surtout, excepté de la seule chose qui fût en discussion, et tout cela vous a paru parfait !
Et quand dans une discussion qui comporte en définitive ces observations, je rectifie des faits, comme j'en ai le droit, vous vous impatientez ! Je comprends très bien que cela ne vous est pas agréable, ce que je dis ; mais ce n'est pas précisément dans le désir de vous plaire que j'ai pris la parole. (Interruption.) Je devais dire cela dans la discussion politique ; mais vous ne m'avez pas laissé parler : j'avais à parler du coton et de bien d'autres choses, j'étais inscrit. Vous avez prononcé la clôture : c'est à peine si l'honorable M. Nothomb lui-même a pu dire quelques mots.
Mais si je n'ai pas pu parler samedi, aujourd'hui vous ne m'empêcherez pas de dire tout ce que je veux. J'ai la parole et je la garde. Plus vous m'interromprez, plus longtemps je parlerai.
Au surplus, j'ai à vous remercier de vos interruptions : cela permet de respirer un peu de temps en temps, car il fait bien chaud.
Reprenons, messieurs. Il y avait de méchantes langues qui entouraient toutes ces déclarations et ces protestations de certains commentaires ; commentaires qui se rapprochent beaucoup de ceux que sans aucun doute nous allons entendre.
Il fallait une bonne fois couper court à tous les cancans.
L’Etoile belge s'était permis d'annoncer que. des négociations étaient sur le point d'être entamées avec l'Angleterre. Un démenti officiel est opposé à cette allégation ; car enfin nous considérons tous le Journal de Gand comme quasi-officiel : il est vrai que cela va changer. Voici le démenti :
« L’Etoile belge est dans la plus profonde erreur en annonçant que les négociations sont entamées pour la conclusion d'un traité anglo-belge. Nous sommes en mesure d'annoncer que cette nouvelle est dénuée de tout fondement. »
Arrive enfin, messieurs, cette conclusion de toutes les polémiques, la recommandation des candidats.
« Les candidats que nous présentons à vos suffrages vous sont connus par leur loyauté, par leur dévouement aux intérêts publics, par les services qu'ils ont rendus. Tous soutiendront cette politique qui seule peut assurer l'ordre, la paix et la richesse publique, tous sauront énergiquement et efficacement défendre les intérêts du travail national et assurer à l'industrie gantoise la protection dont elle a besoin.
« (Signé) De Kerchove-Delimon. »
Dans le même numéro, pour faire antithèse sans doute, voici ce qu'on disait de deux candidats adversaires : « Quant à MM. Debaets et Daumerie, leurs adhésions répétées au système du libre échange absolu, et l'anathème qu'ils ont prononcé contre toute espèce de protection leur enlèveraient toute force et toute autorité, si jamais dans une circonstance quelconque ils avaient à prendre la défense du travail national. »
La veille des élections, il fallait bien une conclusion pratique encore plus explicite :
« Tout le monde doit être convaincu aujourd'hui qu'il n'est et ne peut être question de négociations commerciales avec l'Angleterre. Nos industriels, d'un autre côté, peuvent être rassurés : sept hommes d'honneur ont pris à leur égard un engagement formel. »
Voilà, messieurs, le drapeau. Vous jugerez si c'est le drapeau du libre-échange ou si c'est le drapeau du coton. Je ne tire pas d'autre conclusion.
J'exprime un regret, c'est que cette année-ci, si le ministère se décide à dissoudre la Chambre, il n'y aura pas même de coton pour amortir le choc. Ni les jésuites ni le coton n'y feront rien ; et que l'on me permette une comparaison pour terminer.
M. le ministre de l'intérieur a fait aussi une comparaison ; comme un des termes, il a pris deux sacs de pommes de terre. Je suivrai l'honorable ministre sur ce terrain des idées agricoles, et je dirai : Nos jardiniers, lorsqu'ils ont planté des petits pois, mettent un épouvantail sur leurs plates-bandes : c'est pour effrayer les moineaux. Ils ont soin de changer, de temps en temps, les couleurs voyantes de cet épouvantail, sans cela les moineaux finissent par s'y loger et y construire leurs nids. Ce sera l'histoire des jésuites, l'histoire des autres épouvantails électoraux.
(page 602) M. Rodenbach. - Messieurs, il y a déjà plusieurs années que la Chambre a reçu des réclamations et des pétitions relatives au courtage. A l'occasion de ces pétitions, je me suis déclaré partisan de la liberté du courtage ; je le suis encore aujourd'hui ; si j'ai bonne mémoire, l'honorable vicomte Vilain XIIII, qui était à cette époque ministre des affaires étrangères, a promis qu'il s'occuperait sérieusement de l'examen de cette question importante.
Messieurs, cette liberté existe aujourd'hui pour ainsi dire en fait. A côté des courtiers officiels, il y a des courtiers marrons, à Bruxelles, à Anvers, et partout ; on s'adresse de préférence aux courtiers marrons qui exigent des honoraires moins élevés que les courtiers officiels ; ici comme toujours, les principes de la liberté déterminent une tendance vers le bon marché.
Puisque nous sommes à peu près tous partisans de la liberté de commerce, nous devons admettre la liberté du courtage : je forme aussi des vœux pour que cette liberté soit un acheminement vers la liberté de la profession d'agent de change. En Angleterre, si je suis bien informé, les courtiers sont libres, et il n'y a pas d'agent de change dans ce pays.
Je suis convaincu que M. le ministre des affaires étrangères, qui est un homme progressif, se rangera à l'opinion que l'honorable M. Vilain XIIII a émise, non pas dans cette Chambre, mais dans des conversations particulières ; et qu'il fera de cette question l'objet d'un examen sérieux et attentif,
M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - Messieurs, je répondrai quelques mots à l'interpellation de l'honorable député de Gand, en ce qui concerne les courtiers de commerce ; la commission établie au département de la justice et chargée de la révision du Code de commerce a terminé son travail ; la question de la liberté du courtage s'y trouvera résolue par les propositions de la commission et par le dépôt du projet de loi. Je crois que le projet de loi pourra être déposé dans le cours de la session prochaine...
M. Orts. – Il a été annoncé dans le discours du Trône.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - Ce projet ira grossir le grand nombre de projets déjà soumis à la Chambre et dont nous voudrions voir arriver la discussion.
L'honorable membre a demandé si un ordre était émané du ministère de la justice, dans le cas auquel il a fait allusion, pour suspendre l'action de la justice. Je n'ai connaissance d'aucun ordre de ce genre. Je crois difficilement à l'existence d'un pareil ordre.
Messieurs, je ne pense pas que l'intention de la Chambre soit de rentrer dans la discussion générale qui l'a occupée pendant trois semaines. (Non ! non !) La plupart des observations de l'honorable député de Gand auraient dû trouver place dans cette discussion. Je me bornerai à répondre quelques mots à l'honorable membre.
Qu'a-t-on dit dans la discussion générale ? Qu'aux dernières élections de Gand, pour la Chambre, la question politique s'était effacée derrière une question d'intérêt matériel, que le coton avait joué le rôle principal dans les élections, que le coton était à la tête du programme électoral.
Que faisaient les adversaires des représentants libéraux qui soutenaient le cabinet ? Ils reprochaient à ceux-ci de vouloir sacrifier l'industrie cotonnière, d'être obligés, par sa politique, de soutenir les réforme, douanières qui étaient annoncées par le cabinet libéral.
Que faisaient les candidats libéraux qui se défendaient de cette accusation ? Ils disaient qu'ils ne donneraient pas la main à des mesures qui auraient pour effet de détruire l'industrie cotonnière ; ils étaient donc sur une position défensive ; et cela n'a pas empêché leurs adversaires de mettre en avant l'industrie cotonnière et de déclarer qu'avec les députés ministériels la question de l'industrie cotonnière serait résolue dans un intérêt contraire à celui de la ville de Gand ; de même que dans une autre ville, on a renversé les candidats libéraux comme candidats ministériels, parce que les candidats ministériels n'auraient pas le concours des ministres pour donner satisfaction aux griefs de cette ville.
Or, l’industrie cotonnière de Gand n'a pas été sacrifiée. Le traité, à l'époque des élections, n'était pas commencé ; il a été authentiquement établi que les négociations n'étaient pas même entamées. Les adversaires du cabinet avaient eu soin d'annoncer à tous les électeurs de la ville de Gaud que les négociations avec l'Angleterre étaient commencées et que bientôt le sacrifice de l’industrie cotonnière serait consommé. Or, à cette époque de luttes électorales, le gouvernement n'avait pas encore commencé les négociations, et il en a fait la déclaration, qui a été répétée par les journaux.
Ce n'est que postérieurement que les négociations avec l'Angleterre ont été entamées, et dans ces négociations - je fais un appel à l'impartialité de l'honorable député de Gand - je lui demande si les intérêts de l'industrie cotonnière n'ont pas été suffisamment ménagés et si l'article du traité que nous avons obtenu dans les négociations avec l'Angleterre n'a pas mis le coton dans une situation telle, que toutes les alarmes qui s'étaient manifestées avant les négociations ont fini par disparaître.
On sait qu'en temps d'élections, on se livre dans les deux partis à beaucoup d'exagérations. En dehors des élections, les alarmes sont toujours surexcitées. Tantôt c'est une ville à qui l'on fait accroire qu'elle va être bombardée, tantôt c'est une autre ville à laquelle on dit qu'elle va être ruinée. Mais les faits sont venus donner un démenti complet à ces appréhensions. Voici ce que les faits nous révèlent, par exemple, pour la ville de Gand : c'est que cette ville, qui avait des terreurs si grandes sur le sort réservé à son industrie par un traité avec l'Angleterre, fournit aujourd'hui à ce pays des tissus de coton.
De même l'excellente ville de Verviers, aujourd’hui si libérale au point de vue commercial aussi bien que politique, tremblait jadis à l'idée de voir entrer en Belgique les fils de laine français à un taux réduit, et aujourd'hui la ville de Verviers et ses environs ne peuvent pas fabriquer assez de fil de laine pour la consommation de la France.
Ainsi donc, de toutes ces alarmes, de toutes ces déclamations qui se produisent en temps d'élections, de toutes ces attaques et de toutes ces accusations, il ne reste absolument plus rien ; le temps a passé là-dessus et je crois que la revue rétrospective de l'honorable député de Gand était parfaitement inutile.
Je n'en ai pas moins recueilli avec une grande satisfaction la profession de foi de l'honorable député de Gand : il vient de se déclarer partisan du libre échange.
M. Coomans. – Il a été élu quoique libre-échangiste.
MfFOµ. - Il a été élu à la faveur de l'agitation provoquée par la question du coton.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - Je ne sais pas si l'honorable M. Debaets a été élu à Gand, en qualité de libre-échangiste.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen. - Non ! non !
M. Debaets. - M. le ministre veut-il me permettre une courte observation ?...
Je regrette infiniment cette discussion plus ou moins personnelle ; mais, messieurs, bien que je sois ici député de la nation et non le représentant d'une localité, j'ai constaté qu'en toute occasion s'élève des bancs de la gauche le reproche que je suis ici le représentant de l'industrie cotonnière de Gand. Il m'était donc impossible de ne point protester une fois pour toutes contre cette accusation et de dire que je suis entré dans cette Chambre quoique libre-échangiste.
MfFOµ. - Pas du tout. On a dit que vous aviez exploité la question du coton.
M. de Naeyer. – Elle a été exploitée par les deux partis. (Interruption.)
M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). – Nous avons dit que les dernières élections à Gand ont été portées non pas sur le terrain de la politique, mais sur une simple question industrielle ; et le discours de l'honorable député de Gand confirme pleinement cette assertion : il prouve quel rôle important le coton a joué dans l'élection d'où il est sorti triomphant.
M. Coppens-Bove. - Mais M. le ministre des affaires étrangères nous a dit à maintes reprises que nous ne sommes venus dans cette enceinte que pour défendre la question du coton.
M. Bouvierµ. - Il ne faut pas vous en défendre.
M. Coppens-Bove. - Je me trompe ; c'est M. le ministre des finances qui nous a produit cette allégation.
MfFOµ. - Vous confondez. J'ai dit que la question du coton avait été exploitée lors des dernières élections de Gand.
M. de Naeyer. - Des deux côtés on a exploité cette question.
M. Kervyn de Volkaersbeke. - Les extraits des journaux le prouvent.
MpVµ. - Messieurs, n'interrompez pas.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - J'ai fini, M. le président. Je ne puis que me féliciter du discours qui vient d'être prononcé, car ce discours a traité de tout autre chose que du budget des affaires étrangères, ce qui me porterait à croire qu'on n'a pas de grief sérieux à aritculer contre mon administration.
M. Rodenbach. - Et la liberté du courtage ?
M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - J'ai dit (page 603) en commençant qu'un projet de révision du code de commerce sera présenté dans la session prochaine.
MpVµ. - La parole est à M. Jacquemyns.
- Voix à gauche. - Non ! non ! assez !
M. Jacquemyns. - Je comptais tout aussi bien que les honoraires membres qui désirent m'empêcher de parler en ce moment...
M. Coomans. - Ce n'est pas nous.
M. Kervyn de Volkaersbeke. - Nous vous demandons au contraire de parler.
M. Jacquemyns. - Bien ; ce n'est donc pas de vous que je parle, M. Kervyn, mais des honorables membres de la gauche.
Je comptais, messieurs, qu'après la longue discussion politique que nous avons eue, la Chambre allait satisfaire les vœux du pays, vœux que l'on trouve formulés tous les jours dans les journaux et qui tendent à engager la Chambre à s'occuper enfin des affaires du pays, et à laisser de côté toute question de politique de cabinet ; je comptais que la Chambre allait s'occuper d'affaires, notamment des budgets, lorsqu'un honorable membre de la droite est rentré dans une discussion qui nous a pris déjà beaucoup trop de temps.
C'est tout à fait à regret, messieurs, que je le suis sur ce terrain.
Cependant, qu'il me soit permis de constater un fait, c'est que l'honorable membre vient de prouver de la manière la plus irréfragable que la principale question qui a préoccupé les électeurs dans les dernières élections à Gand, en 1861, c'est la question du coton. En voulez-vous la preuve, messieurs ? Lisez les journaux de l'époque, écoutez les orateurs qui ont parlé à Gand en 1861 ; de quoi est-il question dans leurs articles, dans leurs discours ? De l'affaire du coton.
L'honorable membre prétend avoir été élu comme libre-échangiste.
M. Coomans. - Quoique libre-échangiste.
M. Jacquemyns. - Eh bien, je maintiens qu'il a été élu à cause de la question du coton. Il prétend que moi, au contraire, j'ai été élu en qualité de protectionniste ; soit ! Mais c'est toujours l'application d'un principe économique ou d'un autre à la question cotonnière.
Dans une élection essentiellement politique, on s'applique à composer de part et d'autre une députation homogène, cléricale ou libérale ; et comme le clergé n'intervient en faveur d'un candidat que parce qu'il compte trouver en lui un défenseur zélé de ses intérêts, on cherche à lui inspirer des défiances, non pas en parlant de protectionnistes ou de libre-échangistes, mais en affirmant que tel de ses candidats est franc-maçon.
M. Bara. - C'est ce qui est arrivé à Anvers.
M. Jacquemyns. - Cela se présente à chaque instant.
M. Bouvierµ. - Et à Louvain.
M. Delaetµ. - Il arrivera bien d'autres choses encore à Anvers.
M. Bouvierµ. - Nous ne le savons que trop.
M. Jacquemyns. - Faut-il maintenant vous apporter une nouvelle preuve de ce que j'avance ? On me dira peut-être : Il n'y avait que le Journal de Gand qui s'occupât de la question du coton ; c'était loi seul qui avait porté la lutte électorale sur la question du coton. Or, messieurs, voici le Bien public qui, lui aussi, s'occupait de la question du coton dans un article que j'extrais du numéro du 11 juin 1861, et qu'il me paraît intéressant de vous faire connaître. Voici ce que j'y lis :
« Electeurs, souvenez-vous-en au moment du vote, la politique commerciale du ministère qui siège à Bruxelles n'est pas nationale, elle est anglaise.
« Cette politique a, dès à présent, décidé que le jour où elle pourra signer avec l'Angleterre un traité de commerce exactement semblable au traité français sera pour elle un grand jour.
« Ce qui sera pour cette politique un grand jour, sera pour vous le commencement de la déchéance et de la misère.
« Ceux qui soutiennent la politique du ministère vous sont hostiles ! Ils préparent le chômage de vos ateliers, la ruine de la classe ouvrière ! »
MfFOµ. - Il fallait des candidats indépendants. (Interruption.)
M. Jacquemyns. - Cela nous prouve, messieurs, que toute la lutte ne portait pas sur la question du coton. Maintenant, en voulez-vous une autre preuve ? Je disais tout à l'heure que quand il s'agit de politique cléricale ou libérale, les libéraux reprochent aux catholiques d'avoir parmi eux des francs-maçons ; les cléricaux, de leur côté, reprochent aux libéraux d'être tous des francs-maçons. Les libéraux ont beau protester, rien n'y fait ; on ne persiste pas moins à les traiter de francs-maçons.
Dans ce cas, les électeurs ne sont pas toujours facile à convaincre ; on a quelquefois recours à des amis pour prouver que tel candidat qui veut conquérir un siège à droite dans cette Chambre est ou n'est pas maçon. A Gand, il s'agissait de choses toutes différentes.
Le public gantois se prit à douter de ce que j'avait dit à l'association libérale, lorsque à la veille du jour de l'élection, des électeurs vinrent me trouver ayant à la main une lettre d'un honorable membre de cette Chambre affirmant que le gouvernement venait de signer le traité de Commerce avec l'Angleterre.
Inutile de dire que ce membre appartenait à la droite. De plus, l’Etoile belge annonçait que le traité de commerce allait être conclu avec l'Angleterre, que les négociations avaient été entamées. Je me suis informé du fait ; il était de la plus complète inexactitude.
M. Debaets m'a paru insinuer que j'étais un très ardent protectionniste, et me reproche de m'être engagé à voter contre le traité avec l'Angleterre. Je ne suis ni ardent protectionniste, ni défenseur assez absolu du libre échange pour vouloir l'application de ce principe, alors qu'il devrait nuire au pays auquel on voudrait l'appliquer. Je pense qu'il est bon de transiger quelquefois avec certains principes d'économie politique ; le tout est de trouver les termes de la transaction.
Je me suis engagé à ne pas voter un traité avec l'Angleterre, pareil à celui qui a été conclu avec la France. Cet engagement, j'étais décidé à le remplir s'il y avait eu lieu. Mais le gouvernement, avant de conclure le traité avec l'Angleterre, a réuni les principaux industriels gantois ; on a discuté les intérêts de l'industrie gantoise et celle-ci a obtenu les satisfactions qu'elle réclamait.
Je ne regrette pas d'avoir voté le traité conclu dans ces termes ; je l'aurais repoussé s'il se fût agi d'un traité exactement conforme à celui qui a été conclu avec la France, mais les différences sont telles, que je pouvais voter parfaitement le traité avec l'Angleterre.
M. de Kerchoveµ. - Je n'ai rien à retrancher des paroles que j'ai prononcées au mois de mai 1861 à l'association libérale de Gand.
Ce que nous voulions à cette époque, c'était un traité qui ne portât pas une atteinte trop imprévue à notre industrie. Or, ce que nous avions désiré, nous l'avons obtenu ; et le traité définitif qui a été conclu avec l'Angleterre a obtenu l'approbation de presque taus nos industriels.
M. De Fré. - L'honorable M. Debaets a cru devoir répondre aujourd'hui à un discours qui a été prononcé il y a plusieurs jours, et lorsque la discussion à laquelle il se rapportait était entièrement terminée. J'ai dit qu'à Gand, le parti catholique, à la veille des élections de 1861, n'avait pas déployé le drapeau clérical, qu'il avait déployé le drapeau du coton.
La lecture que vient de faire l'honorable M. Jacquemyns, d'un extrait du Bien public en est la preuve ; mais ce que je dois vous faire observer, c'est quel était le langage de la presse catholique le lendemain de l'élection. Ceci confirme ce que j'ai dit dans le discours que l'honorable M. Debaets vient d'attaquer.
On disait aux industriels de Gand, la veille des élections de 1861 : « Si vous votez pour les partisans du ministère, vous faites triompher le traité avec l'Angleterre. Or l'adoption de ce traité, c'est la ruine de l'industrie gantoise. Votez donc pour nos candidats afin de faire triompher l'industrie gantoise. »
Le lendemain quand il eut triomphé, le Bien public disait :
« Grâce au zèle et au dévouement de notre admirable clergé, nos campagnes sont restées ce qu'elles ont toujours été, fidèles à leur foi, ennemies des novateurs et des sectaires, sous quelque masque qu'ils se cachent, en un mot catholiques avant tout...
« Que nos amis politiques ne se méprennent pas sur le caractère de la lutte qui vient de se terminer ; que leurs convictions ne faiblissent pas, mais qu'au contraire elles se raffermissent chaque jour. Les adversaires que nous avons à combattre sont toujours les mêmes. Ils sont toujours les fils dévoués de 89, les ennemis irréconciliables de notre foi et partant les adversaires irréconciliables de notre liberté religieuse consacrée par le pacte de 1830. Nos luttes politiques conservent toujours le caractère d'une lutte religieuse, et les hommes auxquels nous confions le mandat de nous représenter au palais de la Nation sont toujours, à nos yeux et avant tout, les défenseurs de nos libertés les plus précieuses, celles qui nous garantissent le libre exercice de notre religion et le droit d'élever nos enfants d'après les inspirations de notre conscience. »
Et plus loin :
« Nous voulons maintenir intacts et respectés tous les droits que le pacte fondamental assure à notre religion et par lesquels il garantit son libre exercice. » (Bien public, 16 juin 1861).
Voilà le langage de la presse catholique le lendemain de l'élection ; il (page 604) ne s'agissait plus de coton ; j'étais donc dans le vrai quand je disais dans mon discours, auquel M. Debaets vient de répondre, qu'en juin 1861, à Gand, le parti catholique avait caché son drapeau parce qu'il craignait qu'il n'effarouchât la population gantoise, comme en 1857, lorsque ce drapeau avait été vaincu, et j'apporte aujourd'hui la preuve de ce que j'avançais il y a quinze jours.
Le lendemain du jour où la presse catholique eut lutté avec le drapeau industriel ; lorsque les bons électeurs avaient été mystifiés par elle, elle déploya le drapeau catholique et elle s'écria : Le drapeau catholique a triomphé ! Je viens de vous le prouver.
M. Debaets est bien imprudent, quand il vient m'attaquer sur ce terrain.
Je ne comprends pas qu'après dix jours de préparation pour répondre â un adversaire, on soit si mal informé et si peu au courant de l'histoire de son parti.
M. Debaets. - Si je n'ai pas parlé dans la discussion politique, c'est que vous ne m'avez pas laissé parler. (Interruption). Oh ! ne vous méprenez pas sur le sens de mes paroles.
M. Nothomb n'a pas parlé non plus ; samedi j'étais inscrit ; si j'avais pu avoir la parole j'aurais répondu sur cette question et sur bien d'autres.
- La discussion générale est close.
« Art. 1er. Traitement du ministre : fr. 21,000. »
- Adopté.
« Art. 2. Traitements du personnel des bureaux : fr. 145,700. »
- Adopté.
« Art. 3. Matériel : fr. 37,600. »
- Adopté.
« Art. 4. Achat de décorations de l'ordre de Léopold, sans que l'on puisse augmenter ce chiffre par des imputations sur d'autres articles : fr. 10,000. »
MpVµ. - M. le ministre des affaires étrangères m'a fait parvenir un amendement ayant pour objet de porter une somme de 15,000 fr. à l'extraordinaire pour les dépenses faites à l'occasion des conférences relatives au rachat du péage de l'Escaut et des diverses traités qui l'ont suivi.
- L'article ainsi amendé est adopté.
« Art. 5. Autriche : fr. 51,500. »
- Adopté.
« Art. 6. Confédération germanique : fr. 38,500. »
- Adopté.
« Art. 7. France : fr. 58,000. »
- Adopté.
« Art. 8. Grande-Bretagne : fr. 71,000. »
- Adopté.
« Art. 9. Italie : fr. 58,500. »
- Adopté.
« Art. 10. Pays-Bas : fr. 46,500. »
- Adopté.
« Art. 11. Prusse : fr. 46,500. »
- Adopté.
« Art. 12. Russie : fr. 71,000.“
- Adopté.
« Art. 13. Brésil : fr. 22,000. »
- Adopté.
« Art. 14. Danemark, Suède et Norvège : fr. 20,000. »
- Adopté.
« Art. 15. Espagne : fr. 22,000. »
- Adopté.
« Art. 16. Etats-Unis : fr. 22,000. »
- Adopté.
« Art. 17. Portugal : fr. 20,000. »
- Adopté.
« Art. 18. Turquie : fr. 43,000. »
- Adopté.
« Art. 19. Indemnités à quelques secrétaires et attachés de légation : fr. 20,000. »
- Adopté.
« Art. 20. Traitement des agents consulaires et indemnités à quelques agents non rétribués : fr. 168,000. »
-Adopté.
« Art. 21. Frais de voyage des agents du service extérieur et de l'administration centrale, frais de courriers, estafettes, courses diverses : fr. 70,500. »
- Adopté.
« Art. 22. Perception des droits de chancellerie et bureau de la librairie à Paris. Personnel : fr. 6,240. »
- Adopté.
« Art. 23. Idem. Frais divers : fr. 360. »
- Adopté.
« Art. 24. Indemnités pour un drogman et autres employés dans les résidences en Orient : fr. 10,380. »
- Adopté.
« Art. 25. Frais de correspondance de l'administration centrale avec les agences, ainsi que des agences entre elles ; secours provisoires à des Belges indigents ; achat et entretien des pavillons, écussons, timbres, cachets ; achat de publications nationales et étrangères ; achat, copie et traduction de documents ; abonnements aux journaux et écrits périodiques étrangers ; frais extraordinaires et accidentels : fr. 83,120. »
M. Mullerµ. - Messieurs, à propos de cet article relatif aux frais de correspondance de l'administration centrale avec les agents diplomatiques, je signalerai à la Chambre la position dans laquelle peuvent se trouver quelquefois nos nationaux à l'étranger. J'arrive au fait. Depuis 4 ans, une veuve chargée de 5 enfants et qui est dans un état voisin de la misère, attend la délivrance de la succession de son mari, mort en Russie, succession reconnue liquide par le gouvernement russe ; l'actif reconnu se compose de 1,000 roubles.
Le département des affaires étrangères est intervenu autant qu'il l'a pu afin de faire rendre justice à cette famille belge, dont le chef est décédé à l'étranger.
Le petit pécule qu'il y a délaissé a été confié à une administration spéciale, d'après la législation de la Russie.
Le gouvernement de ce pays a reconnu le droit légitime, incontestable de la famille belge.
Au mois d'août dernier, on a envoyé, à compte des 1,000 roubles, une somme de 300 francs, annonçant que le surplus allait être immédiatement remis par là voie de notre ambassadeur à Saint-Pétersbourg, et jusqu'ici cette famille, qui est dans un état de gêne absolu, ne peut parvenir à rentrer dans la disposition des fonds qui constituent son seul patrimoine. Je m'empresse d'ajouter, messieurs, que notre diplomatie a fait tout ce qui était en son pouvoir à cet égard, mais je viens signaler ici ce fait, espérant qu'il parviendra jusqu'à l'oreille du ministre qui représente la Russie en Belgique, et qu'il aura égard à une position malheureuse.
Je saisis cette occasion pour déclarer qu'à ma connaissance, plusieurs fois le département des affaires étrangères est venu en aide dans une foule de circonstances, à des concitoyens qui avaient besoin de son intermédiaire efficace pour parvenir à récupérer des sommes qui leur étaient dues à l'étranger.
Si M. le ministre ne connaît pas le fait auquel j'ai fait allusion, je lui communiquerai le nom de la famille dont il s'agit ; mais comme elle est dans la gêne, je n'ai pas voulu la faire connaître publiquement.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - Messieurs, l'administration des affaires étrangères s'est occupée du fait que vient de signaler l'honorable M. Muller.
L'honorable membre a reconnu qu'elle s'en était occupée avec sollicitude. Il suffit de la recommandation de notre honorable ami, pour que le département des affaires étrangères fasse de nouvelles démarches. La Chambre peut être assurée de la sollicitude de mon département (page 605) pour toutes ces sortes de questions. On parle quelquefois de l’inutilité de la diplomatie, mais à ce point de vue on ne peut nier que dans une multitude d'affaires elle ne rende de signalés services. Plus qu'on ne le pense, il y a des Belges établis à l'étranger. Il y en a dans toutes les parties du monde.
Il ne se passe pas de jour où le département des affaires étrangères n'ait à intervenir pour l'un ou l'autre intérêt civil qui concerne ces Belges émigrés ou leurs familles.
Chaque jour la division spéciale du ministère affectée à ce service est occupée de ces intérêts et je crois que, sous ce rapport, on n'a qu'à se louer de l'intervention du département des affaires étrangères et de l'intervention de notre diplomatie.
Le fait est que tous ces Belges, qui résident à l'étranger, se trouveraient souvent sans aucune espèce d'appui, de secours et de ressources s'ils n'avaient comme intermédiaires officieux, obligeants et gratuits, nos agents diplomatiques et consulaires et je suis bien aise de rendre hommage au zèle qui est déployé par tous les agents du département des affaires étrangères à l'étranger.
Je ne pense pas qu'on ait jamais eu à se plaindre de l'inertie ou du mauvais vouloir de l'administration lorsqu'il s'agit de venir en aide à nos compatriotes qui sont établis dans les divers pays étrangers.
- L'article est adopté.
« Art. 26. Missions extraordinaires, traitements d'inactivité et dépenses imprévues non libellées au budget : fr. 47,000. »
- Adopté.
« Art. 27. Ecole de navigation. Personnel : fr. 19,380. »
- Adopté.
“Art. 28. Idem. Frais divers: fr. 8,080.”
- Adopté.
“Art. 29. Chambres de commerce : fr. 12,500. »
- Adopté.
« Art. 30. Frais divers et encouragements au commerce : fr. 48,800. »
- Adopté.
« Art. 31. Encouragements de la navigation à vapeur entre les ports belges et les ports étrangers. (Pour mémoire. Voir l'article 2 de la loi.)
- Adopté.
« Art. 32. Service de navigation à vapeur entre Anvers et le Levant, remboursement des droits de tonnage, de pilotage, de phares et fanaux (crédit non limitatif.) : fr. 8,000. »
- Adopté.
« Art. 33. Pêche maritime. Personnel : fr. 7,895. »
- Adopté.
« Art. 34. Pêche maritime. Subsides aux caisses de prévoyance des pêcheurs ; encouragements à la pêche maritime et à l'éducation pratique des marins : fr. 82,050. »
MpVµ. - La section centrale propose de réduire le chiffre à 77,050 fr.
M. le ministre se rallie-t-il à cette réduction î
M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - Je crois, M. le président, que je chercherais vainement à la combattre. Je l'ai déjà combattue ; mais la Chambre, malgré mon opposition, a voté, déjà deux fois, une réduction de même nature, de manière que je ne me propose pas de prendre la parole pour défendre le chiffre. J'obtiendrais probablement le même résultat cette année-ci que les années précédentes.
M. de Smedt. - Messieurs, je crois, comme vient de le dire l'honorable ministre des affaires étrangères, qu'il serait inutile, si pas imprudent de venir combattre d'une manière absolue la réduction proposée par toutes les sections et la section centrale sur le chiffre du subside accordé pour favoriser la pêche nationale. Une réduction de 5,000 francs par an a été admise en principe, de commun accord par la Chambre et le gouvernement, et n'ayant reçu de la part des intéressés aucune réclamation à cet égard, je crois pouvoir me rallier à l'amendement de la section centrale. Toutefois, je fais une réserve à cette concession et c'est pour ce motif que j'ai demandé la parole.
Je me permettrai donc de demander à l'honorable ministre des affaires étrangères si, dans sa pensée, il ne croit pas qu'il serait plus équitable de faire une autre répartition du crédit restant ; ou du moins je voudrais savoir si l'on ne pourrait pas excepter de cette réduction une branche importante de cette industrie, celle qui, à tous égards, mérite plus qu’une autre la protection du gouvernement. Je veux parler de la grande pêche, de la pêche de la morue qui se pratique en hiver sur le Doggerbank. Ce ne serait pas une faveur, ce ne serait que justice. En effet, messieurs, ce genre de pêche présente nécessairement plus de danger que tout autre, cette pêche se pratique au loin, elle offre plus de chances aléatoires, les frais d’exploitation sont plus considérables. Il faut de plus grandes chaloupes, les engins de tout nature sont plus coûteux. C’est ce genre de pêche qui, incontestablement, forme les meilleurs marins, et vous le savez, messieurs, c’est par ce motif surtout que l’allocation se justifie.
Je crois qu’il serait sage et juste de ne pas faire rorter sur ce genre de pêche la réduction proposée.
M. Coomans. - C'est parfaitement juste.
M. de Smedt. - J'espère que l'honorable ministre des affaires étrangères sera de mon avis et qu'il voudra bien donner cette satisfaction, légère, mais légitime, aux intéressés, qui dans une circonstance récente ont voulu témoigner avec éclat leur confiance dans le gouvernement actuel. Il y a plus, messieurs, il est au pouvoir de l’honorable ministre des affaires étrangères de prendre, en faveur de cette importante industrie, une mesure à laquelle, je l'espère, toute la Chambre se ralliera.
Je veux parler d'une disposition réglementaire pour déterminer les époques et les engins de pêche, comme cela existe pour la chasse.
Il est un fait constant, messieurs, et qui bien des fois déjà a été signalé à la Chambre et au gouvernement dans des pétitions fort intéressantes, que nos côtes, autrefois si poissonneuses, tendent à se dépeupler de plus en plus.
On l'attribue, et selon moi avec raison, à l'absence complète de toute loi ou règlement en cette matière. L'honorable M. Bortier a fait sur cette question un excellent travail.
D'ailleurs tous les plus grands ichtyologues sont unanimes à le reconnaître. Consultez sur ce point les pisciculteurs les plus distingués, MM. Coste, Van Beneden, Valenciennes, Quatrefages, et ils vous diront tous qu'il est nécessaire que le gouvernement prenne des mesures pour empêcher une dévastation qui menace de devenir ruineuse pour cet important objet de l'alimentation publique.
On a nommé une commission pour discuter cette question. La commission n'a rien décidé ou du moins elle a, je crois, adopté la statu quo.
Mais cette commission était presque exclusivement composée de ceux qui avaient un intérêt quelconque à n'être limités dans leurs droits par aucune restriction. Ils en profitent actuellement, mais aux dépens de l'avenir de cette industrie.
Je demande donc que le gouvernement veuille bien prendre des mesures pour protéger le frai et le menu fretin contre l'emploi abusif de certains engins de pêche et notamment contre l'usage du chalut, employé du moins à de trop petites distances de la plage.
Ce qu'il manque aussi à la ville de Nieuport, dans l'intérêt surtout de la prospérité de l'industrie de la pêche, c'est un chemin de fer qui permette le transport accéléré et à bon marché, et à ce propos je demanderai à l'honorable ministre des travaux publics de vouloir user de tous les moyens dont il dispose pour hâter le plus possible l'exécution des engagements contractés par le concessionnaire de la ligne projetée de Nieuport à Grammont.
M. Van Iseghem, rapporteur. - Je ne viens pas non plus combattre la réduction proposée par la section centrale, car je crois avec l'honorable ministre des affaires étrangères et avec l'honorable M. de Smedt que ce serait peine inutile.
Je répondrai seulement deux mots à ce que vient de dire l'honorable préopinant. Il demande que la réduction ne s'applique pas à la pêche de morue d'hiver. Toutes les primes ont été accordées dans le temps sur l'avis d'une commission mixte, présidée par le gouverneur de la province de la Flandre occidentale, et composée de personnes appartenant aux diverses localités intéressées : Blankenberghe, Heyst, Anvers, Ostende, Nieuport et Adinkerke ; pour le moment, je ne combats pas l'opinion de M. de Smedt, mais je ne pense pas qu'on puisse l'appliquer sans consulter une commission dans laquelle toutes les localités sont représentées, et pareille à celle qui a existé dans le temps.
En ce qui concerne un règlement pour empêcher la pêche dans le moment du frai, je pense que cette question a été décidée par une commission que le gouvernement a nommée et qui représentait les intérêts de toutes les localités.
(page 606) M. de Smedt. - Non, les pêcheurs de la Panne n'ont pas été consultes.
M. Van Iseghem. - Les pêcheurs de la Panne n'ont pas été consultés. Mais un armateur qui habite la Panne a été convoqué et n'a pas assisté à la délibération.
M. Rodenbach. – Il était malade.
M. Van Iseghem. - Il aurait pu demander une autre séance, un ajournement, et je suis certain que l'honorable gouverneur de la Flandre occidentale se serait empressé de remettre la réunion. Ce n'est pas la première fois qu'on demande un règlement sur la pêche ; déjà en 1825, sons le royaume des Pays-Bas, cela avait eu lieu, mais alors, comme maintenant, refus de la part du gouvernement. Il serait difficile de faire respecter un tel règlement par les pêcheurs étrangers.
Je ne m'oppose pas du reste à ce que cette question du règlement de la pêche le long des côtes soit de nouveau soumis à une commission, et on pourrait lui soumettre, en même temps, d'autres questions dans l'intérêt de la pêche nationale.
M. Coomans. - Messieurs, le facile assentiment que les amateurs de primes donnent chaque année à la petite diminution de 5,000 fr. que nous votons, prouve que le chiffre entier est à supprimer.
Mettons-y un peu de franchise et de logique. Si vous croyez qu'il faut protéger de cette façon la pêche nationale, ce n'est pas 75,000 fr. qu'il faut lui donner, c'est un million, c'est deux millions ; mais nous qui croyons que vous ne protégez rien du tout, hormis la bourse de quelques armateurs, et que vous violez très inutilement les principes, nous avons mille fois raison de demander la suppression de ce subside.
L'honorable M. Van Iseghem vient de nous entretenir d'une commission qui est plus ou moins d'accord, à laquelle un membre a manqué, etc., mais que nous importe ?
Nous n'avons pas besoin de vos commissions ; je sais d'avance ce qu'elles décideront, selon qu'elles sont composées de telle ou telle façon. Je m'engage à faire décider par une commission tout ce que l'on voudra, pourvu que j'aie le droit de la nommer. En fait de principes, nous n'avons pas besoin de commission. La Chambre s'humilie lorsqu'elle renvoie de semblables questions à une commission.
Il y a là-dessous un manque de franchise qui frise l'hypocrisie. Ayons le courage de notre opinion ; puisque nous sommes libre-échangistes, et on vient de démontrer qu'à Gand même tout le monde est libre-échangiste, pratiquons la liberté. (Interruption.)
S'il y avait lieu de faire une exception pour un intérêt aussi considérable que celui de Gand, la ville d'Ostende offre à la palinodie un prétexte moins honorable ; puisque nous sommes libre-échangistes, sachons mettre nos actes d'accord avec nos principes.
Messieurs, nous ne péchons guère, nous péchons des primes, pas autre chose. Eh bien, supprimons ces primes.
J'en fais la proposition formelle, en exprimant le regret que le gouvernement n'ait pas encore son opinion faite en cette matière, et qu'après tous les travaux des commissions il n'ose pas faire justice de la plus sotte des primes qui ait été distribuée, pêchée et très abusivement mangée en Belgique.
Je propose la suppression absolue de la prime.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - L'honorable membre vient de dire que je n'oserais pas proposer la suppression du subside qui est accordé non seulement aux pécheurs d'Ostende, mais aux pêcheurs de toute la côte.
C'est très vrai, messieurs, je n'ose pas. Je n'ose pas toucher à un subside destiné en très grande partie au soulagement d'une classe très intéressante, très pauvre, très courageuse.
Messieurs, si nous devions maintenir quelques privilèges dans notre système social, ce serait certainement en faveur de cette classe si malheureuse.
J'avoue, messieurs, que je ne suis pas aussi radical que l'honorable M. Coomans. M. Coomans est devenu grand ami des mesures absolues ; il va droit au suffrage universel, d'une part ; il va droit à la suppression de toutes les primes, de l'autre. Mais, messieurs, la liste des primes et des privilèges est encore longue, et si nous devons un jour les supprimer radicalement, je crois bien que l'honorable M. Coomans ne votera pas avec nous.
M. Coomans. - Je vous engage à commencer par mon arrondissement et à supprimer toutes les primes.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). – Je déclare que l'honorable M. Coomans est beaucoup plus courageux que moi sous ce rapport.
Maintenant, messieurs, je ne crois pas qu'il y ait lieu de discuter sérieusement la proposition de l'honorable membre ; je m'en remets à la sagesse de la Chambre, qui continuera à procéder avec prudence comme elle l'a fait jusqu'ici.
Voilà trois ans que la Chambre vote annuellement une réduction de 5,000 fr. Vous ne pouvez pas supprimer brusquement un encouragement sur la foi duquel plusieurs établissements ont été fondés ; ce serait en quelque sorte un manque de foi envers ceux qui ont fait ces entreprises.
Quant à moi je ne pourrais m'associer à une pareille mesure.
M. Sabatier. - Messieurs, dans la discussion du budget des affaires étrangères pour l'exercice de 1862, divers amendements avaient été présentés à l'article « Encouragements à la pêche maritime », on avait-demande une réduction de 5,000 ou de 10,000 fr., je ne me rappelle pas exactement le chiffre, mais M. le ministre des affaires étrangères a déclaré alors que si la Chambre voulait se bornera réduire à 5,000 fr. l'allocation demandée, il prendrait implicitement l'engagement de supprimer 5,000 fr. par an jusqu'à ce que le chiffre porté alors au budget et qui était de 92,000 fr. eût entièrement disparu.
La Chambre a sanctionné cette espèce de transaction en adoptant la réduction de 5,000 fr., mais je dois dire que l'honorable ministre des affaires étrangères a quelque peu perdu ceci de vue en ne faisant pas à son dernier budget la même réduction ; la section centrale a réparé l'omission et M. le ministre s'est rallié, non sans effort, à la proposition de la section centrale.
La Chambre me paraît parfaitement décidée à ramener le subside en faveur de la pêche au moindre chiffre possible et dans le moindre nombre d'années possible, fût-ce dès aujourd'hui. Dans cet état de choses, je proposerai comme une nouvelle transaction une réduction de 10,000 fr.
MfFOµ. - Cela ne peut se faire qu'au budget prochain ; on a voté des crédits pour six mois.
M. Delaetµ. - La Chambre est donc engagée sur tout le budget ? alors nous pouvons nous retirer.
M. Sabatier. - Je dis, messieurs, que nous ferions bien de prendre un terme moyen entre ce que l'honorable ministre des affaires étrangères proposait dans son budget et ce que paraît vouloir l'honorable M. Coomans.
Je reconnais qu'il y a certains intérêts à sauvegarder. Je ne dis pas qu'ils soient bien respectables ni qu'il faille éternellement donner des primes à la pêche. J'ai prouvé mon peu de sympathie pour la prime en proposant, dès 1862, une réduction.
Il s'agissait alors de 5,000 fr., je l'ai dit déjà. Je ne doute pas qu'en proposant cette fois une réduction plus importante, la Chambre comprendra que je ne fais que suivre les progrès réalisés en matière de liberté commerciale.
En procédant ainsi, nous ménageons tous les intérêts et dans quelques années il ne sera plus question de cette faveur qui, à l'occasion de chaque budget, donne lieu à de vives discussions.
M. Rodenbach. - Messieurs, je voterai la proposition de la section centrale. Comme l'a dit M. le ministre des affaires étrangères, il y a des malheureux, de pauvres pêcheurs, qui jouissent de cette légère prime. S'il s'agissait de millions ou seulement de centaines de mille francs, je comprendrais la discussion ; mais il ne s'agit, en définitive, que de 75,000 francs.
Et, messieurs, il y a un motif de plus pour admettre cette somme, c'est que nous avons des traités avec les pays voisins. Autrefois la Belgique livrait du poisson à la France, tandis qu'aujourd'hui la France nous fournit plusieurs espèces de poisson. Nos pêcheurs sont évidemment lésés par le système douanier qui existe.
Je voterai, messieurs, pour le chiffre de 75,000 francs.
Je ne parlerai pas du fretin, qu'on donne aux animaux immondes et qui sert même d'engrais.
La pêche est réglementée en France, en Angleterre et ailleurs aussi. Naguère vous avez vu des Anglais venir pêcher jusqu'au port d'Ostende. Je crois que M. le ministre des affaires étrangères a pris des mesures pour que cela n'arrive plus. (Aux voix ! aux voix !)
M. Van Iseghem, rapporteur. - J'engage la Chambre à ne pas adopter l'amendement de l'honorable M. Sabatier qui réduit la prime de 10,000 francs.
M. Goblet. - Pourquoi pas ?
M. Van Iseghem. - Pourquoi pas ? Je vais vous l'expliquer. Ne perdez pas de vue, messieurs, que le budget est déjà voté pour six mois, et à l'époque de l'année où nous sommes arrivés, l'industrie a pu compter sur le maintien au moins du chiffre qui a été voté l'année dernière. Tous les armements ont été faits en vue des primes actuelles ; les bateaux pour la pêche à la morue sont en mer, ceux de la pêche de la marée ont (page 607) navigué pendant 6 mois et d'après un arrêté royal des primes sont déjà dues.
Il s'agit ici, messieurs, d'une industrie intéressante qui se trouve dans une position fâcheuse ; depuis trois ou quatre ans, on a réduit considérablement les droits d'entrée sur le poisson étranger...
M. Coomans. - Tant mieux !
M. Van Iseghem. - Les consommateurs n'en profitent pas, Tous les ans nous perdons des navires corps et biens, aucune industrie ne présente autant de dangers que celle de la pêche, et aucune n'est plus mal traitée ; il n'existe pour elle aucune stabilité ; réduction de droits d'entrée et à la fois réduction de la prime, de plus on maintient le prix élevé du transport par chemin de fer.
La France accorde à la pêche maritime des primes dépassant une somme de 2 millions de francs. Déjà tous les ans, nous avons de nos pêcheurs qui quittent les localités belges pour aller naviguer de Dunkerque. Si maintenant on supprime la prime, cette émigration ira en augmentant et peu à peu on verra disparaître la seule industrie du littoral.
On demande quel service la pêche rend au pays. Je dirai que la pêche est la pépinière des matelots, elle retire de la mer annuellement un capital de 2 1/2 à 3 millions ; sans elle, cette somme serait payée à des étrangers et sortirait ainsi du pays. La pêche procure au pays une denrée à bon compte, car nonobstant tout ce qu'on dit, le poisson frais et la morue se vendent sur le littoral à un prix très bas.
Si l'on n'avait pas eu le personnel de la pêche, on n'aurait jamais pu établir le pilotage des bouches de l'Escaut ; encore un grand service que l'industrie que je défends a rendu au pays.
Plus d'une industrie du pays est intéressée à la conservation de la pèche nationale, tout ce qui est nécessaire à l'armement, tonnes vides, etc., est fourni par le pays.
On a aussi de fausses idées sur la distribution des primes. J'entends dire souvent qu'elle est accordée aux armateurs, ceci est une grave erreur. A Ostende les 2/3 sont pour les pêcheurs, absolument comme le produit de la pêche, un tiers pour l'armement qui supporte une partie des frais qui incombe aux pêcheurs ; l'armement contribue pour sa part dans la caisse de prévoyance. A Blankenberghe, un tiers est versé dans la caisse de prévoyance et les deux autres tiers sont pour les pêcheurs. A Heyst la même chose existe.
Je suis convaincu que si l'amendement de l'honorable M. Sabatier était adopté, il ferait un tort considérable à la pêche, et serait peut-être la cause de sa ruine.
Et pourquoi cette industrie serait-elle sacrifiée, alors que vous conservez des primes pour plusieurs autres industries du pays ? Ne donne-t-on pas des subsides pour des chemins vicinaux, ne fait-on pas des canaux pour l'écoulement des eaux et n'accorde-t-on pas d'autres faveurs à l'agriculture ; l'industrie n'a-t-elle pas des ateliers d'apprentissage, etc. ?
Je conjure donc la Chambre de vouloir adopter l'amendement de la section centrale.
M. de Smedt. - Messieurs, je serai fort court. Quant à la proposition radicale de l'honorable M. Coomans, je pense qu'il ne peut pas en être question, je crois même inutile de la combattre. Quant à la proposition de l'honorable M. Sabatier, je ne puis pas non plus m'y rallier. On abuse toujours contre nous des concessions que nous faisons. Quand nous nous rallions au chiffre de 3,000 francs qui est proposé par la section centrale et que le gouvernement a accepté, on s'arme bien vite de cette concession pour proposer à la Chambre une réduction beaucoup plus considérable.
Je ne puis donc adopter l'amendement de l'honorable M. Sabatier.
Je demande derechef à M. le ministre des affaires étrangères, qui ne m'a pas répondu la première fois, ce qu'il compte faire du crédit qui sera mis à sa disposition, s'il entend en faire une application plus large au profit de la grande pêche, la pêche de la morue.
Je désire également savoir si l'honorable ministre est décidé à faire un règlement sur la pêche.
Des règlements pareils existent en France, en Angleterre, en Hollande, en Norvège et ailleurs encore.
.Si je ne craignais d'abuser des moments de la Chambre, je pourrais lui faire connaître quelques-unes des dispositions qui règlent cette matière dans les pays que je viens de citer.
Je désire que l'honorable ministre veuille bien me dire s'il compte appliquer ce régime à la Belgique.
Son silence me prouverait qu'il est disposé à examiner sérieusement cette importante question. Et j'en prends acte.
M. Pirmez. - Messieurs, il y a sept ans que je suis entré dans cette enceinte, et il y a sept ans que je vois combattre la prime sur la pêche.
La réduction que l'on a obtenue pendant cette période ne s'élève pas à 2,000 fr. par année.
Une pareille réduction est trop faible.
On considère la prime comme une véritable tache dans le budget des affaires étrangères. Pour être de cet avis, il suffit de savoir ce que c'est que la prime sur la pêche.
Il ne s'agit pas de fournir le poisson à bon marché ; si tel était le but poursuivi, il y aurait un autre moyen : ce serait de supprimer les droits protecteurs sur l'entrée du poisson qui vient de la Hollande. Or, les honorables membres qui soutiennent la prime sur la pêche se sont toujours opposés à l'abaissement des droits qui grèvent l'entrée du poisson.
La prime sur la pêche ne peut pas, du reste, amener le bon marché du poisson, La prime n'a rien de commun avec le poisson. Savez-vous comment elle se distribue ? Elle n'est pas donnée aux pêcheurs qui prennent le poisson, elle est donnée aux pêcheurs qui passent un certain nombre de jours en mer. Ainsi, si on reste douze jours en mer et qu'on rentre même sans poisson, on a une prime plus forte que celui qui reste huit jours ers mer et qui revient avec du poisson ! En prolongeant leur séjour en mer sans aucune tentative de pêche, l'équipage obtient une augmentation de prime.
En présence de pareils faits et de pareilles contradictions, la Chambre doit certes désirer de voir mettre le plus tô
t possible un terme à cet abus,
Si l'on peut faire un reproche à mon honorable ami M. Sabatier, c'est de s'être montré trop modéré en ne proposant qu'une réduction de 10,000 francs ; je me rallie toutefois à la proposition, mais dans l'espoir que l'année prochaine nous aurons une réduction beaucoup plus considérable.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - Messieurs, je regrette que ces observations et ces propositions n'aient pas été faites dans le sein des sections et de la section centrale. Il avait été en quelque sorte entendu que le crédit serait, d'année en année, diminué de 5,000 francs. J'ai vu que la section centrale proposait de nouveau cette réduction de 5,000 francs, et je me suis réglé là-dessus dans mes rapports avec les intéressés.
Aujourd'hui un honorable membre vient proposer la suppression totale du crédit ; l'honorable M. Sabatier, qui est moins absolu, mais qui a juré la mort lente de ce subside, ne se contente plus de la transaction qui a eu lieu ; il propose une réduction immédiate de 10,000 francs.
Je demande, messieurs, que la Chambre veuille procéder avec ménagement. Il s'agit de pauvres gens dont la position va être durement atteinte. Il est accordé sur le budget des subsides aux caisses de prévoyance instituées en faveur des ouvriers mineurs. Va-t-on demander la suppression de ces subsides ? Car enfin les pauvres pêcheurs qui sont en cause sont moins rétribués que les ouvriers mineurs.
Je demande que la Chambre continue ce qu'elle a commencé ; je demande que l'espèce de transaction qui est intervenue, transaction sage, humaine et prévoyante, ne soit pas détruite. Dans tous les cas, le gouvernement ne peut accepter la réduction de 10,000 fr., attendu qu'il y a six mois d'écoulés, six mois du budget engagés. Il faudrait tout au moins faire porter la réduction sur les six derniers mois et proposer 7,500 fr. Faites cette largesse au trésor, si vous le voulez ; quant à moi, je ne m'associerai pas à un pareil vote.
M. Goblet. - Je dois répondre à une parole de l'honorable M. de Smedt.
L'honorable membre a dit que pour remercier les partisans de la prime de la concession qu'ils avaient faite, nous étions devenus de plus en plus exigeants.
Je répondrai que si la convention avait été exécutée de part et d'autre d'une manière complète, si, chaque année, on n'avait pas tenté de faire revenir la Chambre sur la réduction qu'elle avait fait subir à la prime, il est probable que les propositions qui viennent d'être faites n'auraient point surgi. (Interruption.)
Personne du reste ne s'est engagé à s'en tenir à la réduction de 5,000 francs ; la première diminution qui a été opérée ne peut pas être considérée comme un engagement de la part de la Chambre de ne pas aller au delà, comme une espèce de convention envers ceux qui ne peuvent pas s'empêcher de transiger, parce qu'ils comprennent parfaitement bien que leur cause est perdue. Mais ceux qui voulaient l'application du principe d'équité posé par la Chambre n'ont nullement abandonné l'idée de faire disparaître le plus tôt possible la prime.
L'objection que six mois du présent exercice sont écoulés et qu'en accordant, sans observations, des crédits provisoires au ministère, la Chambre a en quelque sorte autorisé l'administration à se baser pour ses (page 608) dépenses courantes sur les chiffres indiqués au budget ou du moins dans les rapports de sections centrales, me paraît être le seul motif sérieux de s'opposer aux propositions des partisans d'une nouvelle réduction.
La proposition de l'honorable M. Coomans me semble, en cette circonstance, inadmissible ; avec quoi payera-t-on les 40,000 fr. dépensés ? Je voterai l'amendement de l'honorable M. Sabatier en le modifiant toutefois, sous l'influence de ce même raisonnement, de telle sorte qu'il ne puisse l’appliquer qu'aux derniers mois de 1863.
Je propose donc d'adopter, non seulement la diminution première de 5,000 fr. réclamée par la section centrale, mais encore d'augmenter de 2,500 fr. une nouvelle diminution pour une nouvelle diminution pour les six derniers mois de 1863. Le chiffre proposé par le gouvernement sera donc réduit pour 1863 de 7,500 fr.
M. Sabatier. - L'honorable ministre des affaires étrangères a eu tort de comparer la prime qu'on accorde aux pêcheurs avec les secours que l’on donne aux caisses de prévoyance à Mons, à Liége ou à Namur. Les sommes que le gouvernement accorde aux caisses de prévoyance sont exclusivement destinées à secourir des malheureux, des gens blessés ou dangereusement malades ; mais la prime sous forme de subside dont nous nous occupons en ce moment diffère essentiellement de ces secours dont le but est purement philanthropique.
L'honorable M. Pirmez vient de vous montrer ce que c'est que la prime sur la pêche ; elle est payée à raison de la durée du séjour en mer, quel que soit le résultat de la pêche. (Interruption.) C'est-à-dire que l'on rapporte ou non du poisson.
Il est, en outre, une circonstance que je dois rappeler. Le nombre de pêcheurs est, je crois, de 1,800 ; et la somme totale des primes réparties entre eux se réduit, pour chacun d'eux, à cinq centimes par jour. Il est évident, messieurs, que si l'industrie de la pêche est aussi malheureuse que l'a dépeinte M. le ministre des affaires étrangères, ce n'est pas ce secours insignifiant qui peut améliorer sa position.
Comme on l'a fait remarquer avec raison, il est étrange de maintenir une protection illusoire alors que l'on continue à frapper le poisson d'un droit considérable à l'entrée dans le pays. Si l'on croit devoir maintenir des droits qui s'élèvent, pour la morue seule, à 25 p. c. de la valeur, sur une denrée qui doit servir d'aliment à la classe la plus considérable de la population, il ne faut pas, d'un autre côté, maintenir la prime créée pour protéger l'industrie de la pêche ; il y a double emploi.
Par conséquent, je crois rester dans les termes d'un arrangement amiable en maintenant la proposition que j'ai faite. Je l'ai présentée, d'ailleurs, au moment où je me suis aperçu que la motion de l'honorable M. Coomans rencontrait tant d'adhésions que la prime tout entière menaçait de sombrer.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - Non ! non !
M. Sabatier. - Je ne donnerai pas à M. le ministre le conseil de tenter l'épreuve ; il serait tout surpris du nombre de membres qui se décideraient dans le sens de la suppression complète du subside.
J'ai donc fait ma proposition par esprit de conciliation et par respect pour le quasi-engagement qui a été pris envers la Chambre de réduire successivement l'allocation. Cet engagement n'ayant pas été tenu, il est permis de penser que M. le ministre ne le considérait pas comme définitif, et nous sommes en droit de le modifier.
Je maintiens donc ma proposition tendante à réduire le chiffre de la prime à 72,000 francs. C'est une réduction de 10,000 francs sur le chiffre proposé par le gouvernement et de 5,000 francs sur le chiffre adopté par la section centrale.
M. Van Iseghem, rapporteur. - L'honorable M. Pirmez nous a dit tantôt que nous nous opposons à la réduction des droits d'entrée sur le poisson. Je ferai remarquer que quand le gouvernement nous a soumis son projet de traité avec la Hollande qui réduisait considérablement les droits sur le poisson, c'est-à-dire celui du poisson frais de fr. 14-40, par 100 kl., et celui de la morue de 25 fr. par tonne indistinctement à 4 fr. par 100 kil.
Ce traité n'a pas été combattu par les localités du littoral ; il lui était cependant très défavorable, et maintenant on ne veut tenir aucun compte de l'esprit de modération qui règne dans nos ports. Tout le monde sait que le vent est au libre-échange ; l'industrie de la pêche doit passer par une forte crise, et, je le répète, personne à Ostende n'a songé à protester contre la tendance du traité dont je viens de parler.
Je dois ajouter, quant au taux de droits d'entrée sur la morue salée, qu'il s'élève non pas à 25 p. c, mais tout au plus à 15. p. c de la valeur.
L'honorable M. Pirmez vient de dire que la prime est accordée même aux pêcheurs qui rentrent au port et après un court séjour en mer sans avoir du poisson à bord.
Oui, messieurs, cela est vrai, mais je vous demande si cela n'est pas juste, je vous demande s'il n'est pas humain d'accorder au moins un faible dédommagement à de malheureux pécheurs qui sont restés parfois pendant soixante jours en mer privés de tout, sans avoir pu, à cause du mauvais temps, pêcher, car si tous les bateaux avaient le bonheur de revenir avec une pleine cargaison, la prime serait inutile.
Pour obtenir la prime, il y a des règlements, et pour la pêche de la morue on doit rester au moins, je crois, 90 jours en mer. Je ne me rappelle pas exactement des détails du règlement.
On dit que l'industrie minière n'est pas comparable à celle de la pêche, au point de vue des secours qu'on accorde aux malheureux que l'une et l'autre emploient.
On nous dit aussi que la prime ne donne aux pécheurs que 5 centimes par jour ; pourquoi alors combattre cette faible somme ? Cela vaut-il la peine ?
Je n'ai pas fait le calcul si le chiffre de 5 centimes est exact, mais ce que je sais, c'est que les pêcheurs ont de 40 à 50 fr. par tête et cette somme sert à l'entretien de leur famille pendant qu'ils sont en mer.
Il arrive souvent et malheureusement trop souvent qu'à leur retour, venant du Doggerbank ou des îles de Féroé, la part qu'ils reçoivent est insuffisante pour payer les frais d'achat des provisions qu'ils ont dû faire à leur départ.
Cela est parfaitement exact, messieurs. Mais ma conclusion est tout autre que celle de l'honorable M. Sabatier : quand le mineur descend dans la mine, il est toujours certain d'en rapporter du charbon ; tandis que le pêcheur est exposé à plus de dangers et des chances ; il n'est pas même toujours sûr de rapporter de quoi pourvoir à sa propre subsistance. Il a, en outre, des chances de subir des pertes considérables.
Enfin, messieurs, il y a eu convention entre la Chambre et le gouvernement, il a été entendu que la réduction serait annuellement de 5,000 francs ; il ne serait donc pas juste d'aller plus loin. Et peut-on dire que je me suis opposé à cette transaction ? Certainement non ; l'année passée, je n'ai pas ouvert la bouche contre la réduction des 5,000 fr., et cette année ce n'est pas non plus moi qui ai soulevé la question de la pêche ; je le regrette, pour ma part.
MpVµ. - Il y a deux amendements : celui de M. Sabatier qui propose une réduction de 10,000 fr. et celui de M. Goblet qui propose de réduire de 2,500 fr. la proposition de la section centrale, en plus, bien entendu, de la réduction de 5,000 fr. déjà acceptée et proposée par elle.
M. Coomans. - Et ma proposition ?
MpVµ. - Ce n'est pas un amendement.
M. Coomans. - Comment, ma proposition ne constitue pas un amendement. (Interruption.) Evidemment, elle constitue un amendement au même titre que toute autre proposition ayant pour objet de réduire l'allocation ; et comme c'est mon amendement qui s'écarte le plus de la proposition primitive, il doit avoir la priorité sur celle-ci. Le règlement est formel à cet égard.
Du reste, si l'on considérait comme une impossibilité absolue de mettre ma proposition aux voix, il me suffirait de la modifier en ce sens que je ne maintiendrais qu'une allocation de 50 centimes ; ce qui reviendrait évidemment au même.
MpVµ. - La proposition de M. Coomans ne peut pas être mise la première aux voix, parce que, en fait de chiffres, c'est le chiffre le plus élevé qui doit être mis le premier aux voix.
M. Orts. - Voici, me semble-t-il, la marche à suivre, la seule qui soit de nature à satisfaire tout le monde et à concilier les intérêts de la majorité avec les prescriptions du règlement.
Ce qu'il faut mettre aux voix d'abord, c'est le chiffre du gouvernement, ensuite le chiffre qui le diminue le moins et successivement ; voilà la marche qui doit être suivie.
MpVµ. - C'est ce que je viens d'indiquer.
M. Orts. - Je voulais faire observer à M. Coomans qu'en demandant autre chose il va contre le but qu'il se propose.
Je partage son opinion, mais si on met d'abord aux voix la suppression du crédit, vous aurez contre tous ceux qui ne veulent qu'une réduction plus ou moins forte et vous aura une majorité contre tout.
(page 609) M. Coomans. - Mais alors comment pourra-je voter la suppression de l'allocation ?
M. Guillery. - En votant contre tous les chiffres.
M. Coomans. - Je risque alors de compromettre le succès de l'amendement de M. Sabatier et de faciliter le succès des pêcheurs de primes. (Interruption.) Je tiens à me faire bien comprendre : je suppose que de ma voix dépende le succès de l'amendement de M. Sabatier, pour voter la suppression de toute allocation, je dois voter contre, je le fais rejeter, et ce sera le chiffre le plus élevé qui l'emportera.
J'admets que beaucoup de membres désirent une réduction de 10,000 francs. On votera d'abord sur le chiffre le plus élevé, et ensuite sur celui de M. Sabatier. Il m'est impossible de me prononcer, car si je fais passer la diminution de 10,000 francs, je n'ai plus de chance de faire passer ma proposition de suppression totale.
Pour procéder logiquement, il faudrait d'abord poser la question de principe. Y aura-t-il prime oui ou non ? Alors nous pourrions tous émettre notre vote. Je comprends qu'après le rejet de cette proposition, on procède comme vient de le proposer M. le président. ;Si l'on n'adopte pas ce mode, il me sera difficile de voter.
MpVµ. - M. Coomans, je suis désolé de votre embarras, mais en matière de budgets, il n'est pas d'usage de voter sur des principes mais sur des chiffres, en commençant par le chiffre le plus élevé.
MfFOµ. - On doit mettre aux voix le chiffre le plus élevé. Dans le cas qui se présente, on peut sans inconvénient voter sur la proposition de M. Coomans. (Interruption.) Le chiffre est le même que celui du gouvernement. Que l'on mette d'abord ce chiffre aux voix ; s'il est repoussé, on pourra se prononcer sur la réduction de 10,000 fr., puis, éventuellement, sur celle de 7,500 fr.
M. Guillery. - Je ne crois pas cette marche possible. Si l'on consulte les précédents, on verra que jamais il ne s'agit de savoir quelle réduction on opérera, mais quelle somme on votera ; on a toujours voté le chiffre le plus élevé d'abord et l'on descend successivement (Interruption.)
Il s'agit de voter sur la somme demandée qui est la plus considérable, celle du gouvernement.
M. Coomans se trompe quand il croit qu'il sera gêné dans l'émission de son vote. J'ai la même opinion que lui, et le mode que je propose est le meilleur pour la manifester. On mettra d'abord aux voix le chiffre du gouvernement, il votera contre, on mettra ensuite aux voix celui de M. Goblet, il votera contre ; on mettra alors aux voix l'amendement de M. Sabatier, il votera contre ; alors ou cet amendement sera admis où il ne le sera pas ; dans ce cas ce sera la proposition de M. Coomans qui sera adoptée, puisqu'aucune allocation n'aura été accordée. Si tous les chiffres sont successivement rejetés il n'y aura rien au budget ; si la Chambre ne veut pas de sa proposition, elle s'arrêtera à l'un de ces chiffres et ce sera celui-là qui sera adopté.
M. Hymans. - Je désire voter en faveur de la proposition de M. Coomans ?
M. Guillery. - Vous voterez contre tous les chiffres.
M. Hymans. - La suppression totale est le chiffre le plus élevé ; la réduction proposée par M. Coomans est celle qui s'écarte le plus de la proposition du gouvernement.
MpVµ. - Ce n'est pas comme cela en Belgique.
M. Hymans. - Comment ferai-je pour voter la proposition de M. Coomans ?
M. Pirmez. - Le règlement dispose de la manière la plus claire ; quand il s'agit de chiffres, le plus élevé doit être mis d'abord aux voix. Maintenant que va faire M. Hymans, il votera contre le chiffre du gouvernement, s'il n'est pas adopté ? Il votera ainsi successivement sur les chiffres proposés par MM. Gobelet et Sabatier s'ils sont rejetés, il se trouvera avoir voté la proposition de M. Coomans. (Aux voix ! Aux voix !)
MpVµ. - Je mets aux voix le chiffre le plus élevé, celui de 77,050 francs proposé par la section centrale et le gouvernement.
- Ce chiffre n'est pas adopté.
Le chiffre de 74,550 francs proposé par M. Goblet est ensuite mis aux voix et adopté après une première épreuve douteuse.
« Art. 35. Paquebots à vapeur. Services spéciaux. Constructions et réparations maritimes. Personnel actif et sédentaire en disponibilité aux 2/3 de solde, en non-activité et non replacé : fr. 271,197. »
MpVµ. - Ce chiffre est remplacé par celui de 339,006 francs 50 c.
- Le chiffre, ainsi modifié, est adopté.
« Art. 36. Bateaux à vapeur entre Anvers et la Tête-de-Flandre. Personnel : fr. 26,447. »
- Adopté.
« Art. 37. Pilotage, phares et fanaux, feu flottant et service de remorque. Personnel : fr. 236,335. »
MpVµ. - Le chiffre de 236,335 fr. est porté à 255,519 francs.
- Le chiffre, ainsi modifié, est adopté.
« Art. 38. Personnel. Remises aux pilotes et aux receveurs du pilotage et des droits de fanal (crédit non limitatif) : fr. 258,000. »
- Adopté.
« Art. 39. Remboursement de droits à l'administration néerlandaise, aux termes de l'article 50 du règlement du 20 mai 1843 ; restitution de droits ; pertes, par suite des fluctuations du change, sur les sommes à payer à Flessingue (crédit non limitatif) : fr. 13,500. ».
- Adopté.
« Art. 40. Sauvetage. Personnel : fr. 15,420. »
- Adopté.
« Art. 41. Police maritime. Personnel. Traitement : fr. 34,694. »
- Adopté.
« Art. 42. Police mritime. Primes et remises (crédit non limitatif) : fr. 4,000. »
- Adopté.
« Art. 43. Dépenses relatives aux divers services de la marine. Dépenses diverses. Charges ordinaires : fr. 481,614.
« Charges extraordinaires : fr. 221,300. »
MpVµ. - Le chiffre est porté à 585,131 fr. à l'ordinaire et à 301,000 à l'extraordinaire.
- Le chiffre, ainsi modifié, est adopté.
« Art. 44. Premier terme des pensions à accorder éventuellement : fr. 2,300. »
- Adopté.
« Art. 45. Secours à des fonctionnaires et employés et marins, à leurs veuves ou enfants, qui, sans avoir droit à la pension, ont des titres à l'obtention d'un secours, à raison de leur position malheureuse : fr. 2,000. »
- Adopté.
Il est procédé au second vote sur les amendements aux articles 4 et 34.
- Ces amendements sont définitivement adoptés.
Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet de loi.
72 membres prennent part au vote.
66 répondent oui.
6 répondent non.
En conséquence, la Chambre adopte.
Le projet de loi sera transmis au Sénat.
(page 610) Ont répondu oui :
MM. de Smedt, de Terbecq, Doler, Frère-Orban, Frison, Goblet, Grandgagnage, Grosfils, Hymans, Jacquemyns, Jamar, M. Jouret, Kervyn de Volkaersbeke, Lange, Laubry, C. Lebeau, J. Lebeau, le Hardy de Beaulieu, Lesoinne, Magherman, Mascart, Moreau, Mouton, Muller, Nélis, Orban, Orts, Pirmez, Pirson, Prévinaire, Rodenbach, Rogier, Sabatier, Thienpont, Thonissen, Alp. Vandenpeereboom, Vander Donckt, Vanderstichelen, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Renynghe, Van Volxem, Visart, Allard, Ansiau, Bara, Beeckman, Bouvier, Carlier, Coppens, Crombez, David, Debaets, de Bronckart, de Florisone, De Fré, de Kerchove, Delcour, De Lexhy, de Macar, de Moor, de Muelenaere, de Paul, de Renesse, de Ruddere de Te Lokeren et Ern. Vandenpeereboom.
Ont répondu non :
MM. Hayez, Jacobs, Van Hoorde, Coomans, de Conninck et Delaet.
- La séance est levée à 5 heures et un quart.