(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1862-1863)
(page 1009) (Présidence de M. Vervoort.)
M. de Florisone, secrétaire, procède à l'appel nominal à midi et un quart.
M. de Boe, secrétaire, lit le procès-verbal de la dernière séance.
- La rédaction en est approuvée.
M. de Florisone, secrétaire, présente l'analyse des pièces qui ont été adressées à Chambre.
« Des habitants du quartier de la station à Harlebeke demandent que le chemin de fer projeté de Courtrai à Denderleeuw se joigne à la ligne de l'Etat dans la station d'Harlebeke. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi relatif à la concession de chemins de fer.
« Les administrations communales d’Eelen, Opoeteren, Rothem, Neeroeteren et Dilsen demandent une modification au tracé du chemin de fer projeté d'Anvers vers la frontière du Limbourg néerlandais. »
- Même décision.
« Par message du 20 mai, le Sénat informe la Chambre qu'il a adopté le projet de loi autorisant l'aliénation de biens domaniaux.
« Par message du 19 mai, le Sénat informe la Chambre qu'il a adopté le projet de loi approuvant le traité d'établissement et de de commerce conclu entre la Belgique et la Suisse.
- Pris pour notification.
M. de Ruddere de Te Lokeren. - Messieurs, je suis heureux de voir que l'arrondissement d'Alost, que j'ai l'honneur de représenter dans cette enceinte, est compris dans le projet de loi des concessions de divers chemins de fer, celui de Courtrai à Denderleeuw qui parcourt dans cet arrondissement un pays riche en agriculture, et possédant plusieurs industries, lequel a été jusqu'ici déshérité de la faveur et d'être relié au réseau du chemin de fer de l'Etat. Cette privation, messieurs, a été nuisible au développement de l’industrie de ces cantons pour maintenir la concurrence avec les communes dotées depuis longtemps d'une voie ferrée. Heureusement cet état de choses va cesser et leur industrie n'aura plus de concurrence à redouter.
En donnant mon approbation au projet de loi, je désirerais, messieurs, faire quelques observations concernant le tracé. C'est peut-être inopportun pour le moment, mais M. le ministre des travaux publics pourrait, lors de l'approbation définitive, avoir égard aux remarques que je crois devoir soumettre pour que le tracé du chemin de fer qui s'écarte maintenant de la commune d'Herzele puisse y passer ; c'est un bourg important, chef-lieu de canton avec justice de paix, bureau d'enregistrement, où il y a des marchés et plusieurs industries, telles que brasseries, distilleries et autres.
Il faudrait y établir une station, tant dans l'intérêt des justiciables du canton que de l'industrie. Le tracé actuel, messieurs, devrait être modifié à partir de la commune d'Heldergem à l'endroit dit Oom, passé la maison du cultivateur Cappellemans. Au lieu de prendre à gauche vers Woubrechtegem, le tracé devra se diriger à droite vers la commune d'Aygem, à l'endroit den berg, pour aboutir dans les prairies d'Herzele ; c'est dans l'intérêt du concessionnaire.
Messieurs, je dois également recommander à l'attention de M. le ministre pour qu'il y ait une station dans la commune de Kerkxken à l'endroit où le chemin de fer traverse la chaussée provinciale de Grammont à Alost. La distance serait, je crois, de 6 à 7 kilomètres d'Herzele et autant de kilomètres de Denderleeuw. Cette commune a une grande importance par ses fabriques en linge de table damassé et une fabrique de soie. Cette station est vivement désirée par les fabricants, parce qu'elle doit relever leur industrie en les rapprochant des grands centres de population et en facilitant le transport de leur marchandise.
M. Van Iseghem. - Dans la séance d’hier, mes honorables collègues, MM. de Florisone et Van Renynghe ont entretenu la Chambre d'un chemin de fer à construire d'Ostende à Armentières, passant par Ghistelles, Thourout et Ypres.
Je viens de mon côté appuyer cette ligne qui est vivement réclamée par une grande partie de la Flandre occidentale, par des endroits très importants.
Cette insistance est une preuve que ce chemin de fer sera avantageux pour les capitalistes ; les transports entre toutes les localités que cette ligne traversera sont connus, on ne se trouve pas dans un pays inconnu, et d'après toutes les probabilités les recettes dépasseront de beaucoup celles en moyenne du chemin de fer de la Flandre occidentale.
La ligne doit d'abord mettre le port d'Ostende, qui souffre tant en ce moment, en relation directe avec le centre de la Flandre occidentale, avec les villes de Roulers, de Courtrai et d'Ypres. On évitera le détour par Bruges, économie de temps et de frais de transport, par conséquent augmentation de trafic, de plus la ville d'Ypres aura sa ligne directe sur le chef-lieu de la province.
L'agriculture de la Flandre occidentale est fortement intéressée dans la construction de cette ligne pour ses exportations vers l'Angleterre. Ce sera aussi la grande voie de communication entre ce dernier pays et le Nord de la France.
En outre, plusieurs communes très importantes sont encore privées d'un chemin de fer et le gouvernement est tenu de faire quelque chose pour elles.
Je regrette beaucoup que M. le ministre des travaux publics n'ait pu accepter la demande d'un léger minimum d'intérêt. Il y a une société qui a sollicité la concession de cette ligne, elle aurait en même temps construit d'autres embranchements et le tout moyennant le résidu du minimum d'intérêt qui avait été accordé à la compagnie de la Flandre occidentale.
En 1861, il y a eu une économie sur ce minimum d'environ 170,000 francs. Ce qui est une garantie bien modique et plutôt morale que réelle.
J'espère que si un concessionnaire se présente, M. le ministre n'hésitera pas à accorder la concession qui est sollicitée et je recommande cette affaire à sa sollicitude.
M. Tack. - Messieurs, je désire présenter quelques observations en réponse aux considérations qu'a fait valoir dans la séance d'hier l'honorable M. Vander Donckt.
Messieurs, le but du chemin de fer de Courtrai vers Denderleeuw est de relier par la voie la plus directe possible, à Bruxelles, d'une part, aux départements du Nord et du Pas-de-Calais, à Calais et à Dunkerque, d'autre part, l'arrondissement de Courtrai et d'Ypres, en un mot, toute la partie sud de la Flandre occidentale.
Ainsi, tout en desservant les arrondissements que je viens de nommer, la ligne rapproche Bruxelles de Calais, facilitera les communications, le mouvement des voyageurs et le trafic entre la capitale, le centre du pays, l'Allemagne et les départements du Nord et du Pas-de-Calais, Douvres et Londres.
La raison d'être du chemin de fer de Courtrai à Denderleeuw, la condition sine qua non de sa vitalité et de son exécution, c'est, messieurs, le raccourcissement du trajet comparé aux railways en exploitation.
Substituer au projet des demandeurs eu concession des combinaisons qui auraient pour conséquence de nuire au (erratum, page 1058) raccourcissement qu'ils ont en vue, altérer le but qu'ils se sont proposé, c'est faire échouer leur projet, les forcer à renoncer à leur entreprise.
Le succès de l'entreprise dépend donc ici du raccourcissement à opérer entre Bruxelles et Courtrai.
Ce raccourcissement se réduit à 17 kilomètres sur un développement de 101 kilomètres, c\st-à-dire à 17 1/10 p. c, ou un sixième du développement des voies actuelles. Pareil raccourcissement est si faible, qu'il ne donnerait pas une supériorité bien marquée à la ligne nouvelle, ne lui permettrait pas de faire la concurrence aux lignes rivales si elle ne présentait pas d'autre avantage, notamment celui d'éviter les points d'arrêt nombreux les haltes et les stations que l'on rencontre sur la ligne de Dendre-et-Waes et sur la ligne de Gand à Courtrai et le passage par Alost et par Gand qui occasionne toujours des retards et des ennuis aux voyageurs.
Maintenant que demandent les communes de Cruyshautem et de Nederbrakel, par l'organe de l'honorable M. Vander Donckt ? Que demandent les pétitionnaires de la ville d'Alost ? Que l'on fasse éprouver à la ligne de Courtrai à Denderleeuw des déviations, qu'on lui fasse décrire des courbes, qu'on la détourne de sa direction primitive à l'effet de la raccorder à certaines communes, entre autres celles indiquées par l'honorable M. Vander Donckt. Il y a aussi des communes qui demandent que le point d'origine soit changé, d'autres que le point de jonction de la ligne nouvelle soit déplacé.
Messieurs, toutes ces réclamations sont basées sur des motifs que j'apprécie, que je respecte.
(page 1010) Que viennent dire les communes qui réclament ? Qu’elles sont importantes, populeuses, qu'elles possèdent dans leur sein des usines considérables, des distilleries, des brasseries, des raffineries, que ces usines ajouteraient au trafic de la ligne.
J'admets cela et je conçois facilement qu'il faut autant que possible rendre justice à ces intérêts, leur accorder ce qu'ils demandent, mais pour autant que leurs réclamations ne soient pas en opposition avec le but principal que se proposent les concessionnaires, et ne fassent pas péricliter la concession elle-même. Or, s'il fallait donner suite aux exigences de Cruyshautem et d'Alost, il en résulterait que le raccourcissement de 17 kilomètres, dont je parlais tout à l'heure, n'existerait plus, qu'il n'y aurait plus aucun avantage à choisir la ligne nouvelle plutôt que toute autre ligne.
Le déplacement du point d'origine jetterait la perturbation dans le service d'exploitation ; on sait que les lignes de la Flandre occidentale et celles de l'Etat convergent dans la station de Courtrai ; si le chemin de fer projeté s'embranche à un autre point, il en résultera pour les voyageurs des transbordements désagréables.
Sans doute, il faut que l'on fasse droit aux demandes qui n'ont pas pour objet de faire dévier considérablement le chemin de la direction à vol d'oiseau.
Ainsi, il n'y a pas de raison pour que la section de Courtrai à Audenarde s'éloigne des communes de Deerlyck, de Vichte et d'Anseghem, qui se trouvent sur la trajectoire ; mais quant aux communes de Cruyshautem et de Nederbrakel, il est impossible que le chemin de fer de Courtrai à Denderleeuw y passe. Elles obtiendront, du reste, pleine justice à un autre point de vue. On pourra leur accorder une station en rapprochant de ces localités importantes la ligne partant de Nieuport et passant par Roulers, Ingelmunster, Waereghem et Audenarde pour aboutir à Grammont ; moi-même j'insiste pour que cette dernière ligne passe par la commune de Desselghem.
S'il était possible de faire dévier la ligne de Denderleeuw, ce re serait pas en faveur de Cruyshautem que cette déviation devrait avoir lieu ; le canton d'Avelghem aurait plus de droits à faire valoir. Je conserve, au surplus, l'espoir que le temps viendra où la ligne de Courtrai à Braine pourra être réalisée. Le canton d'Avelghem obtiendra alors la satisfaction qu'il attend depuis longtemps.
Messieurs, il ne faut pas l'oublier, ce n'est pas l'Etat qui exécute la ligne de Courtrai à Denderleeuw, ce sont des concessionnaires qui apportent ici leurs capitaux et leur industrie. Si vous modifiez le tracé de manière qu'il n'en reste plus rien, ils auront le droit de renoncer à leurs engagements, et, en dernière analyse, personne n'obtiendra rien. On a déjà imposé aux concessionnaires des conditions assez onéreuses pour ne pas y en ajouter d'autres ; car la ligne de Courtrai à Denderleeuw, qui est une ligne excellente, a été considérée comme une espèce de prime pour assurer la construction d'une ligne ayant, à coup sûr, un avenir moins brillant, et que l'on oblige les concessionnaires à exécuter.
Messieurs, la concession de la ligne de Courtrai à Denderleeuw soulève une autre question, celle du raccordement du réseau de la Flandre occidentale avec les voies ferrées du Nord.
D'après le projet, le raccordement devra s'effectuer par Poperinghe, dans la direction d'Hazebrouck, ou d'un autre point, entre cette ville et Dunkerque. J'approuve, avec les honorables députés d'Ypres, ce raccordement, pour autant qu'il ne soit pas un obstacle au raccordement (erratum, page 1058 de Comines avec Armentières par Warneton. J'aurais vu avec plaisir que l'honorable ministre des travaux publics eût demandé aussi l'autorisation de concéder le raccordement par Warneton.
Je comprends qu'il est difficile d'introduire cette proposition par voie d'amendement ; ainsi que nous l'avons entendu hier, le tracé n'est pas suffisamment étudié. J'aurais au reste peu d'espoir, si je faisais cette proposition, de la voir adopter. Car je pense que M. le ministre des travaux publics admettra peu de modifications à son projet ; s'il y consentait, il s'exposerait à le voir mutiler et défigurer complètement.
Mais, messieurs, je crois qu'il est de mon devoir de faire des réserves.
Selon moi, les deux raccordements, celui par Poperinghe comme celui par Warneton, peuvent se faire l'un et l'autre, s'ils répondent à un intérêt qui est le même en ce qui touche le raccourcissement entre Bruxelles et Calais. D'un autre côté, ils satisfont l'un et l'autre à des besoins spéciaux qu'il ferait facile de signaler.
La ville de Courtrai, depuis quelque temps, a établi des relations très nombreuses et très suivies avec la ville d'Armentières.
Courtrai est le centre du commerce linier des Flandres, de même Armentières est devenu le centre du commerce linier du département du Nord. Des échanges considérables se font entre les deux villes, au grand avantage de Courtrai, comme au grand avantage d'Armentières. Il importe de maintenir ces relations, de les étendre, de fournir à nos négociants les moyens de les développer.
Le raccordement dont je parle ne comporte qu'un développement de 13 kilomètres, soit deux lieues et demie ; le tracé traverse un pays plat, il n'exige ni déblais, ni remblais ; il suit dans toute sa longueur la vallée de la Lys. D'autre part, la trajectoire par Warneton raccourcit la distance entre Bruxelles et Calais de 14 kilomètres qui, joint aux 17 kilomètres d'économie entre Courtrai et Bruxelles, font un total de 29 kilomètres, soit 7 lieues kilométriques.
La construction de cette voie de jonction mettrait la ville d'Ypres en rapport plus immédiat avec la ville de Lille. Aujourd'hui la distance par voie ferrée est de 61 kilomètres, elle ne serait plus par Warneton que de 59 kilomètres.
Je demande donc qu'il soit entendu que si un concessionnaire sérieux se présente dans de bonnes conditions pour demander la concession de la voie de raccordement entre Comines et Armentières par Warneton, le gouvernement lui fera bon accueil et que la concession sera accordée. (Interruption.)
M. le ministre me dit que nous sommes d'accord, c'est tout ce que je désire pour le moment.
M. Van Humbeeck. - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau le rapport sur la pétition du conseil communal d'Anvers, relative au projet de loi fixant les limites de l'Esplanade du Nord et modifiant la législation sur les servitudes militaires.
M. le président. - L'amendement suivant vient d'être déposé :
« Un chemin de fer partant de Termonde, passant par Hamme et se reliant à la ligne de Malines à Saint-Nicolas.
« (Signé) P. de Decker, Baron de Terbecq. »
Cet amendement remplacerait le n°2, littera B de l'article 3, amendé par M le ministre.
M. Goblet. - Messieurs, la concession des chemins de fer a donné souvent lieu à des réclamations sérieuses. Loin de moi de supposer qu'il y ait autre chose qu'une grande légèreté, mais il est évident que tout ce qui touche aux intérêts accessoires préoccupe trop peu l'attention du gouvernement.
Ce qui se passe pour le chemin de fer de Hal à Ath, en est un nouvel exemple.
L'année dernière, quand on a concédé ce chemin de fer que nous avons voté à la condition qu'il irait directement sur Ath, il y avait dans la convention une prescription qui était bien formelle et qui ne pouvait laisser aucun doute sur l'exécution du tracé.
Les concessionnaires acceptent les stipulations qui précèdent comme étant leur propre ouvrage, ils déclarent avoir vérifié les données sur lesquelles l'entreprise repose, avoir reconnu la réalité de tout ce qui est posé en fait et s'être assurés de la possibilité d'exécuter tous les travaux nécessaires.
Aujourd'hui on nous tient un autre langage en méconnaissant le principe qui a en quelque sorte légitimé la concession du chemin de fer d'Ath à Hal, on prétend que les études n'ont pas été bien faites, que les plans étaient faussement établis ; on vous demande de détourner le chemin de fer sur Tubize et on vient déclarer que des droits positivement acquis n'ont rien à voir dans ce projet nouveau.
L'opinion du gouvernement se fonde sur les motifs suivants :
« La modification, dit M. le ministre, est désirable dans l'intérêt de l'exploitation et dans l'intérêt du trésor ; d'autre part le changement projeté ne préjudicie à aucun intérêt privé sérieux. »
Examinons-en la valeur.
D'abord, ainsi que je l'ai dit, ce changement est contraire à l'esprit qui a décidé cette nouvelle ligne.
On a eu en vue d'établir un chemin de fer international qui rapprochât du centre de la Belgique non seulement les ports du Nord de la France, mais aussi les populations belges du Hainaut et des contrées intermédiaires et pour leur donner des facilités plus grandes encore pour se diriger directement sur d'autres points importants.
On méconnaît donc la principale utilité de ce chemin de fer, en l'allongeant de près de 2 kilomètres et en augmentant la durée de parcours d'une demi-heure, par le retard qu'éprouveront les convois aux deux stations.
On insiste en disant que quand on a adopté la première direction, on (page 1011) n'avait rien prévu, qu'on a accordé ce chemin de fer comme on en a concédé bien d'autres, sans y faire la moindre attention ; que maintenant en reconnaît son erreur ; qu'on aura beaucoup de peine à exploiter et que dès lors il faut revenir sur ce qui a été fait.
Je ne puis pas approuver ce système. D'abord le gouvernement prétend que dans la direction par Ath la rampe doit être beaucoup plus forte. Messieurs, il y a une tendance de la part du gouvernement a exagérer la roideur des rampes, afin d'avoir un prétexte quelque peu sérieux pour changer la direction du chemin de fer dont il s’agit.
Nous ne sommes plus à l'époque où la roideur des rampes présentait des difficultés presque insurmontables ; cet argument pouvait avoir plus de valeur à l'origine de l'exploitation des chemins de fer ; maintenant nous sommes arrivés à vaincre sans peine ce genre d'obstacles.
Quant au côté financier de la question, les chiffres donnés par M. le ministre des travaux publics constatent sans doute que le gouvernement obtiendra une augmentation de revenus pour le trésor ; mais ce sera peu de chose, car en définitive les transports qui se feront par la ligne nouvelle ne s'effectueront plus par la ligne ancienne et par suite sont loin d'être tout bénéfice.
Maintenant, je vois par la réponse de M. le ministre que le parallélisme entre la ligne de l'Etat et le chemin de fer qu'il s'agit de concéder se prolonge sur plusieurs kilomètres. Eh bien, pourquoi n'a-t-on pas plutôt raccordé le nouveau chemin de fer à un endroit plus rapproché que Tubize ? On dit que ce chemin de fer est appelé à desservir deux localités très importantes, Tubize et Clabecq ; mais, messieurs, ces localités sont déjà reliées au réseau du chemin de fer, et en adoptant le tracé projeté, on néglige sept ou huit communes d'une population de plus de 7,000 âmes.
Si donc on avait obéi à ce que commandait la justice distributive, ce n'est pas le tracé nouvellement projeté qui eût dû être préféré au tracé primitif.
Je trouve que ces modifications subites, inattendues ont encore un autre inconvénient. Toute concession de chemin de fer consiste en deux choses pour ceux qui l'obtiennent : une affaire de bourse et l'exécution de la ligne.
Eh bien, messieurs, avant même que nous ayons pris aucune décision, avant même que nous ayons fait pressentir notre vote, on spécule déjà sur le résultat de nos délibérations et l'on annonce d'une manière positive aux actionnaires les bénéfices que la combinaison projetée doit procurer.
Ainsi, la compagnie dont il s'agit en ce moment n'a pas négligé d'employer ce moyen, mais elle a bientôt compris qu'elle avait été peut-être un peu téméraire.
Dans la première circulaire qui a paru on ne mettait pas en douter l'assentiment de la Chambre à la mesure proposée ; on spéculait d'une manière certaine sur le vote de la Chambre et voici ce qu'on disait : « D'après une convention soumise à l'approbation de la législature des lignes pourront partir de Tubize avec une diminution de 3 kilomètres pour la compagnie et une réduction du capital effectif de 1 million de francs. »
Mais on se sera aperçu sans doute qu'on avait été trop loin ; et, dans les circulaires qu'on a imprimées plus tard, on a ajouté le mot « vraisemblablement » pour réparer autant que possible la faute commise.
Maintenant, dans ces circulaires adressées au public on fait sonner bien haut ce qu'on a obtenu du gouvernement. Or, messieurs, si le gouvernement a réellement sauvegardé les intérêts de l'Etat, il ne doit pas y avoir de bénéfices pour la société et dès lors on commet un mensonge envers le public ; dans le cas contraire, je ne vois pas quel est le beau résultat que le changement de tracé projeté peut produire.
Ces raisons, messieurs, suffisent pour me déterminer à voter contre l'article 4 du projet.
M. Rodenbach. - Nous sommes, messieurs, dans le siècle du positivisme, dans le siècle de la spéculation. L'honorable préopinant vient encore de le rappeler. Et s'il n'y avait pas cette ardeur à gagner de l'argent, nous ne verrions pas cette foule de solliciteurs avides de concessions de chemin de fer.
Quant à moi, messieurs, j'applaudis à cette fureur parce qu'elle se tourne nécessairement au profit de l'intérêt général. J’adopterai sans amendement tous les projets de loi de concession de chemin de fer.
On a parlé de la question du tracé, on a réclamé telle direction plutôt que telle autre. Or, il me semble que ce n'est pas à nous qu'il appartient de prendre une décision.
Cela incombe évidemment aux commissaires, aux ingénieurs et au ministre.
Messieurs, je vais parler maintenant des chemins de fer de la Flandre occidentale dont vous ont entretenus déjà les honorables députés d'Ypres, de Courtrai et d'Ostende.
Je crois que tous les chemins de fer que l'on propose sont bons et utiles pour les localités que l’on a désignées.
Le centre de la Flandre occidentale n'est point doté suffisamment de chemins de fer ; il n'y a pas de communication entre Roulers et Ypres, par Oostnieuwkerke, Westroosebeke, Hooglede, Staden. Les habitants d'Ypres doivent faire un détour considérable pour se rendre à Bruges, chef-lieu de la province.
L'honorable M. Devaux et moi nous nous sommes appesantis il y a quelques années sur ce grave intérêt et nous avons échoué. La proposition des honorables députés d'Ypres et d'Ostende fera cesser cette lacune. M. Tack, mon ami et collègue, a parlé d'une autre ligne, de Courtrai à Armentières ; elle serait extrêmement utile pour les deux centres liniers, Courtrai et Roulers. Nous aurions ainsi plusieurs communications entre la France et la Belgique.
Il y a encore quelques mots à dire sur le chemin de fer de Nieuport à Grammont. Ce chemin de fer doit être favorablement accueilli par la Chambre.
Nieuport est le port le plus rapproché de l'Angleterre et de la Tamise, et si le chemin de fer proposé est accepté, on aura une ligne directe sur Bruxelles, passant par Cortemarck, Hooglede, Roulers, Iseghem, Ingelmunster, Oostroosebeke, Oyghem, Audenarde, Grammont, à Denderleeuw.
Nieuport sera par-là reliée à la capitale qui le sera au pays important du Furnambach, dont le bétail et les grains s'expédieront dans le Brabant et autres parties du royaume.
Le peu de travaux qu'on a exécutés à Nieuport ont déjà donné de très beaux résultats. Ce port ne rapportait que 4,000 fr. il y a peu d'années, déjà aujourd'hui cette somme s'élève à 40,000 fr. ; aussi verrons-nous bientôt des bateaux à vapeur se rendre directement de Nieuport à Londres si le chemin de fer s'exécute.
Je crois qu'il faut également adopter ce projet de loi ; mais, je le répète, les amendements ne me sourient point parce que je crains les entraves. J'aimerais infiniment mieux que cette question fût laissée à l'appréciation de M. le ministre.
Il a prouvé qu'il est expérimenté en cette matière.
M. Magherman. - Messieurs, je viens appuyer sans restriction les considérations qui ont été développées hier par mon honorable collègue et ami, M. Vander Donckt.
Je commente par remercier M. le ministre des travaux publics des deux projets qui concernent l'arrondissement d'Audenarde. Cette-ci fois cet arrondissement aura sa juste part de faveurs, et j'ose le dire, il se trouve favorisé au-delà de mes espérances.
J'espère que M. le ministre voudra bien saisir cette occasion de faire un avantage à la ville d'Audenarde.
Cette ville se trouve dans une position défavorable. Elle est entre deux stations dont l'une absorbe toute la circulation de l'arrondissement du Sud, dont l'autre absorbe tout le mouvement des environs du Nord, de manière que la ville est complètement isolée.
En opérant le raccordement de ces deux lignes sur le territoire de la ville, il sera fait droit parfaitement à ce grief sans nuire à aucun intérêt. On pourra au contraire concilier, de cette manière, tous les intérêts qui se trouvent actuellement en lutte.
Je suis convaincu que M. le ministre des travaux publics fera tout ce qu'il sera possible de faire pour atteindre ce résultat.
Maintenant j'ai un mot à dire en ce qui concerne la commune de Nederbrakel. Je crois que l'honorable M. Tack ne s'est pas parfaitement rendu compte de sa situation.
Cette commune se trouve complètement sur le tracé entre Audenarde et Grammont, de manière qu'on peut faire droit aux légitimes exigences de cette commune sans faire faire aucun détour à la ligne.
Il faudrait au contraire faire opérer un détour à la route entre Audenarde et Grammont pour ne pas passer par Nederbrakel.
II peut y avoir des accidents de terrains qui engageront les concessionnaires à chercher une autre direction, mais l'intérêt de la commune est trop important ; c'est un chef-lieu de canton ayant une population agglomérée de 4,000 âmes et possédant diverses industries, et quand les concessionnaires devraient s'imposer quelques sacrifices pour passer par là, leur intérêt exige qu'il en soit ainsi. J'espère qu'ils le comprendront, et j'aime à croire que M. le ministre voudra bien insister auprès des concessionnaires pour qu'ils respectent les intérêts de Nederbrakel.
Maintenant pour ce qui concerne la commune de Cruyshautem, malheureusement elle reste en dehors du parcours des divers tracés qui nous sont proposés. Je ne pense pas qu'il soit dans l'intention de l'honorable M. Vander Donckt de détourner aucun des tracés proposés, mais il est (page 1112) bon d'appeler l'attention du gouvernement et des concessionnaires sur tout l'intérêt que présente cette commune.
C'est une commune chef-lieu de canton dont la population est de six mille âmes et où s'exercent plusieurs industries importantes.
Il est à espérer que par l'une ou l'autre combinaison qui fixera l'attention de M. le ministre des travaux publics, cette commune pourra être prochainement tirée de son isolement.
M. Bara. - Messieurs, je crois devoir faire quelques observations relatives à l'arrondissement de Tournai que j'ai l'honneur de représenter.
La ville de Tournai, messieurs, depuis longtemps se trouve dans une position excessivement mauvaise en ce qui concerne à ses relations par voie ferrée.
En effet, pour nous diriger vers Bruxelles, il nous faut faire des détours très considérables et quand on veut aller vers la France il faut passer par Mouscron.
C'est là, messieurs, une situation qui dure depuis longtemps et la justice qu'on rend aujourd'hui à Tournai en concédant les lignes d'Ath à Hal et de Tournai à Lille est bien tardive.
Cette justice, messieurs, n'est pas même complète ; car en décrétant la ligne d'Ath à Hal on revient sur une loi, on fait une modification au tracé adopté.
Le projet de loi actuel augmente la distance de la ligne de Bruxelles à Tournai de 1800 mètres et le nombre des stations de deux au moins.
Je veux bien que ce soit peu de chose relativement à l'étendue kilométrique de la ligne, mais quant au nombre de stations c'est un retard d'au moins une demi-heure à subir pour les voyageurs sur une ligné qui n'est déjà que trop longue.
Je n'insiste pas, messieurs, sur les observations qui ont été présentées à cet égard par l'honorable M. Goblet. Pour moi, je voterai contre la modification proposée par le gouvernement à la loi qui a décrété le chemin de fer de Hal à Ath en prenant le point de départ à Hal et non à Tubize.
Il y a par la loi votée un droit acquis pour certaines populations et quelles que soient les considérations d'argent que le gouvernement peut invoquer, elles ne doivent évidemment pas prévaloir contre le principe que les lignes doivent être le plus directes possible, contre l'intérêt que de nombreuses populations de mon arrondissement ont à avoir des relations directes avec Bruxelles.
Mais il est un point sur lequel je veux appeler l'attention de la Chambre, c'est l'inaction dans laquelle reste la société Hainaut et Flandre. Il y a, messieurs, dans cette inaction un grave danger, une criante injustice.
Sans doute, les sociétés de chemins de fer sont très respectables ; on doit avoir envers elles certains égards. Il n'est pas possible cependant qu'elles se jouent du gouvernement et qu'elles laissent en souffrance les intérêts les plus précieux de nombreuses populations.
Dans quelle position se trouvent les villes de Péruwelz, d'Antoing et de Tournai ? Elles se trouvent dans une position plus mauvaise que si elles n'avaient pas de chemin de fer concédé, parce que, par suite de la situation de la société Hainaut et Flandre, elles n'ont pas l'espoir d'avoir de chemin de fer.
Et quand on demande des explications au gouvernement relativement à l'attitude qu'il prendra vis-à-vis de la société Hainaut et Flandre, que répond-il ? Attendez ! attendez qu'il plaise à la société de se relever ; attendez qu'il lui arrive de faire des affaires. Mais il me semble que l'intérêt de tout un arrondissement doit l'emporter sur l'intérêt particulier de quelques associés. Je veux bien que les petits bourgeois qui ont mis leurs capitaux dans la société Hainaut et Flandre ont des intérêts dignes d'être pris en considération, mais je dis que ces intérêts ne doivent pas primer ceux de la nation et que l'on ne dot pas y avoir égard jusqu'au point de dire à des localités importantes : Vous n'aurez pas le chemin de fer.
Aussi j'appuie énergiquement la pétition qui a été envoyée à la Chambre par le conseil communal de Tournai.
La société Hainaut et Flandre est, pour ce qui concerne mon arrondisse-ment, en retard dans l'exécution de deux chemins de fer ; le chemin de fer de Basèce à Péruwelz allant jusqu'à Condé, et le chemin de fer de Tournai à Péruwelz passant par Antoing. Quant au premier de ces chemins de fer qui est un tronçon insignifiant, qu'a fait la société ? Je reconnais que M. le ministre des travaux publics a fait beaucoup pour arriver à un résultat. Mais depuis un an, je réclame avec mon arrondissement l'exécution de ce petit tronçon. On promet toujours que ce chemin de fer va s'exécuter, et jusqu'ici la société Hainaut et Flandre n'a pas mis la main à l'œuvre.
Eh bien, je dis que dans cette circonstance, la société se joue du gouvernement et qu'elle devrait s'empresser de réaliser ses promesses en présence surtout de la concession qu'on lui a faite du chemin de fer de Péruwelz à Condé.
Je sais que la société a pris des engagements et qu'elle dit avoir les fonds pour ce chemin de fer. Mais on tient le même langage depuis un an et nous ne voyons rien arriver. Je le répète, que la société se mette à l'œuvre, c'est son devoir et c'est celui du gouvernement de l'y forcer.
Quant au chemin de fer de Tournai à Péruwelz, il y a là aussi des populations très importantes qui souffrent de son inexécution. L'importante ville d'Antoing n'est pas reliée à la voie ferrée. Je prierai M. le ministre des travaux publics de nous dire quand la société Hainaut et Flandre sera en état d'exécuter ce chemin de fer.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Je n'en sais rien.
M. Bara. - Eh bien, si M. le ministre des travaux publics n'en sait rien, je lui demande une autre déclaration. Je lui dis : Si un particulier fait un traité avec un autre particulier et qu'il ne peut l'exécuter, on résilie le contrat. Or, ici c'est un particulier qui traite avec la nation dans l'intérêt public, la situation est donc encore bien plus favorable. Eh bien, je demande que le gouvernement nous dise ce qu'il fera, s'il se présente des concessionnaires sérieux pour obtenir la ligne de Tournai à Péruwelz. La concédera-t-il ?
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Cela n'est pas douteux.
M. Bara. - Cela n'est pas douteux ! Mais cela ne me paraît pas résulter des explications. Je prends acte de cette déclaration, mais je vais redire les explications qui ont été données par M. le ministre et qui figurent dans le rapport de la section centrale.
« Reste l'expropriation. Elle serait, pour le moment du moins, une voie de rigueur qui, quoique légale et reposant sur la stricte exécution du cahier des charges, pourrait paraître d'autant plus exorbitante que, outre qu'elle frapperait des actionnaires déjà malheureux, elle n'a été suivie jusqu'ici vis-à-vis d'aucune société concessionnaire en retard, celle de Louvain à la Sambre exceptée. Mais cette dernière, lorsqu'elle a été l'objet de cette procédure sévère, se trouvait dans une position sans précédents et de nature à ne lui mériter aucune indulgence. En ce qui concerne d'ailleurs l'embranchement de Tournai, la section de Basècles à Péruwelz étant assurée grâce au prolongement vers Condé, il se trouvera construit pour une notable partie, et son achèvement entier est d'autant plus probable, que la compagnie elle-même aura un intérêt évident à compléter la section de Basècles à Péruwelz par celle de Péruwelz à Tournai, sans que la dépense, pour cette dernière section, puisse lui être absolument inaccessible.
« En résumé, le gouvernement croit qu'il y a lieu, provisoirement, d'ajourner toute mesure contre la société, se réservant d'agir ultérieurement quand et comme les circonstances le commanderont. »
Eh bien, il est évident que s'il n'y a pas de la part du gouvernement un engagement aux concessionnaires sérieux de se présenter avec la certitude que, s'ils font des études, la société Hainaut et Flandre perdra la concession, personne ne se présentera. Le gouvernement déclare qu'il concédera...
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Certainement.
M. Bara. - Très bien, j'en prends acte, et je désire que des concessionnaires se présentent au plus tôt.
Je termine en priant de nouveau M. le ministre des travaux publics de vouloir insister auprès de la société Hainaut et Flandre pour obtenir la construction immédiate du tronçon de Péruwelz à Basècles. La ville de Péruwelz, cité très importante, est depuis trop longtemps isolée de toute ligne ferrée pour que le gouvernement n'use pas de tous ses moyens pour obtenir la construction de cette ligne dans le délai le plus bref.
M. Vilain XIIII. - Messieurs, je vois sur la carte qui nous a été distribuée, que le projet de chemin de fer d'Anvers à Düsseldorf est tracé à vol d'oiseau par une ligne droite, partant d'un point à un autre. C'est fort commode ; mais le terrain n'est pas aussi facile à manier qu'une feuille de papier de soie ; de sorte que je pense qu'avant de mettre la main à l'œuvre, M. le ministre des travaux publics aura beaucoup d'études à faire ; il aura à faire incliner cette ligne à droite ou à gauche, et je l'engage à la faire incliner vers la ville de Maeseyck.
Il y a pour ce tracé une quantité de bonnes raisons.
D'abord la bienveillance à laquelle la ville de Maeseyck a droit de la part du gouvernement ; j'en ai assez entretenu la Chambre, pour ne plus en parler aujourd'hui.
Secondement, il y a un intérêt évident pour le gouvernement à ce que la (page 1013) ligne passe au pied du camp de Beverloo. Or, en inclinant vers le camp de Beverloo, on incline vers Maeseyck.
Troisièmement, il y a un grand intérêt pour la ligne elle-même à traverser des villages pleins de population plutôt que de traverser des bruyères incultes et des marais. Or, telle qu'elle est dessinée maintenant, elle traverse, au moins dans le Limbourg, des marais et des bruyères sans passer à travers aucun village, je ne vois même pas où l'on placerait une station.
Enfin, il y a une question très grave qui a été décidée par le traité des vingt-quatre articles. Dans ce traité et dans le traité avec les Pays-Bas, il a été décidé que lorsque le gouvernement ferait un chemin de fer direct entre Anvers et le Rhin, ce chemin traverserait le duché de Limbourg parle canton de Sittard. Or, la ligne que j'ai sous les yeux traverse le canton de Ruremonde Si l'on veut exécuter le traité des vingt-quatre articles, il faut nécessairement que la ligne incline vers le midi et passe par la ville de Maeseyck après avoir touché le camp de Beverloo.
Je soumets ces observations à M. le ministre des travaux publics. Je pense qu'aucune étude de ce chemin de fer n'est encore faite et qu'il pourra avoir égard à nos observations lorsqu'on étudiera le tracé.
M. Loos. - Messieurs, je ne comptais prendre la parole que sur l'article 2 qui a trait au chemin de fer direct d'Anvers à Düsseldorf, mais les observations de l'honorable comte Vilain XIIII m'engagent à parler immédiatement.
Je remercie d'abord le gouvernement d'avoir enfin satisfait aux vœux que nous avons si souvent exprimés, en nous proposant aujourd'hui de concéder le chemin de fer qui doit mettre Anvers en communication directe avec Dusseldorf. Le commerce fonde sur l'établissement de cette ligne les plus légitimes espérances. C'est qu'en effet, messieurs, cette voie ne sera pas seulement la plus courte vers le Bas-Rhin et le Nord de l'Allemagne ; mais par suite des chemins de fer projetés de Düsseldorf à Kettweg et de là à Cassel par Arnsberg et Meschede ; de Cassel par la ligne concédée de Cassel-Norhausen, on se dirigera de la manière la plus courte vers le centre de l'Allemagne, la Pologne et la Russie.
Mais, messieurs, pour que les avantages dont cette ligne est susceptible puissent se réaliser, il importe qu'elle soit la plus courte possible, qu'à cet effet le concessionnaire, quel qu'il puisse être, ne soit admis, par aucune considération, à détourner le chemin de la ligne droite. Il ne suffit pas de stipuler que ces détours ne puissent exercer aucune influence sur les tarifs de transport, il importe que le tracé de la ligne indique visiblement que la voie est la plus courte pour se diriger vers les destinations qu'il s'agit d'atteindre.
Je ne puis donc pas admettre, ainsi que l'article 2 semble l'admettre, que le concessionnaire serait autorisé à ne commencer la ligne qu'à Herenthals.
Il ne suffit pas, je le répète, que dans les tarifs il ne soit pas tenu compte de ce détour, il faut qu'en réalité et aux yeux de tout le monde la ligne soit le plus courte possible. Il faut que l'étranger qui veut diriger des transports vers le nord de l'Allemagne, la Pologne ou la Russie n'ait aucun doute sur le point de savoir quelle est la voie la plus directe. Ce n'est pas seulement par la correspondance qu'on peut éclaircir ce point.
L'honorable comte Vilain XIIII, dans l'intérêt de certaines localités du Limbourg, demande que le chemin de fer fasse un détour ; je protesterais contre une décision en ce sens. Je veux bien qu'on relie ces localités au chemin de fer, mais je ne veux pas qu'on le fasse au prix d'un détour ; ce serait complètement manquer le but de cette ligne, que nous réclamons depuis un si grand nombre d'années. Qu'on ne le perde pas de vue, il se crée déjà une ligne de Hasselt vers Dusseldorf, et si nous avons demandé la ligne directe c'était pour profiter de tous les avantages qui doivent en résulter.
Je proposerai donc, messieurs, de supprimer le deuxième paragraphe de l'article 2 et de rédiger le paragraphe premier comme suit :
« Un chemin de fer en ligne directe d'Anvers à la frontière du duché de Limbourg, devant se prolonger jusqu'à Dusseldorf. »
M. B. Dumortier. - Messieurs, il y a dans le projet de loi que nous discutons, beaucoup de chemins de fer et par conséquent beaucoup de questions soulevées. Il y a d'abord celle qui a été traitée par l'honorable M. Goblet ; il y a ensuite celle qui est relative à la route vers Nieuport. Cette route a un très grand avenir, car il ne faut pas se le dissimuler, la situation du port de Nieuport sera considérablement améliorée par la création de ce chemin de fer. C'est le seul port situé sur un fleuve qui appartienne en entier à la Belgique et sur lequel la main de l'étranger ne puisse exercer aucune action.
L’Yser crée à Nieuport un port naturel que nous avons pendant longtemps beaucoup trop négligé et qui présente de très grands avantages pour la navigation rapide entre la Belgique et l'Angleterre. Il n'y a pas de doute que, grâce au chemin de fer dont il s'agit, une grande partie de cette navigation devra se faire par Nieuport et que par conséquent il y aura sur le chemin de fer une circulation considérable qui fera valoir l'entreprise.
D'ailleurs ce chemin de fer mettra Roulers en rapport avec le port de Nieuport, ce qui est d'une importance considérable.
Quant à la route dont a parlé mon honorable ami, celle de Roulers à Ypres, j'insisterai très vivement sur cette route qui est d'une nécessité absolue pour les Flandres.
Malheureusement il n'y a pas de concessionnaires en ce moment-ci, mais j'espère qu'il s'en présentera pour une route à utile. La direction des routes de la Flandre occidentale est très mauvaise ; c\st vers Roulers que tout aurait dû converger et au lieu de cela, il faut aujourd'hui, quand on veut se rendre, par exemple, d'Ypres à Bruges, il faut aller d'abord à Courtrai et de là se diriger sur Bruges. Il n'en serait pas ainsi sa les chemins de fer avaient été construits conformément aux données géographiques.
J'espère qu'un concessionnaire se présentera et que la commune importante de Staden et toutes les autres localités dans le voisinage de la même voie seront enfin desservies, au grand avantage de la Flandre occidentale.
Messieurs, on vient de parler du chemin de fer d'Anvers à Düsseldorf et du chemin de fer de Tournai à Bruxelles par Ath et Enghien. Je dirai d'abord quelques mots du premier.
C'est par erreur que dans l'exposé des motifs on déclare que la société à laquelle on propose d'accorder la concession est la première en date. Je crois savoir que deux autres sociétés ont demandé ce tracé avant la société dont il s'agit.
Ce serait donc ici un privilège. Car si une société a fait une demande en concession bien longtemps avant une autre ; ce serait une souveraine injustice de priver celle-là d'un projet qu'elle a conçu la première, pour accorder la concession à la seconde société qui viendra ainsi jouir des bénéfices de la pensée d'autrui.
Comme, dans le cas actuel, trois sociétés sont en instance, il serait extrêmement sage que ce chemin de fer fût concédé par voie de publicité en concurrence, ainsi que cela se fait en France, de manière à obtenir le délai le moins long pour le terme de la concession.
Ainsi, par exemple, on propose une concession pour le terme de 90 ans ; mais que savez-vous si une autre société qui se présenterait, ne consentirait pas à une concession de 70 ou de 80 ans ? Le gouvernement entrerait ainsi en possession du chemin de fer dans un plus bref délai.
Je sais que jusqu'ici la voie par publicité et concurrence n'a pu avoir lieu en Belgique, parce qu'il n'y avait souvent qu'un seul demandeur en concession.
Mais comme ici vous avez trois demandeurs pour la même ligne, je crois qu'il y aurait lieu d'accorder ce tracé par voie de publicité et concurrence, en établissant l'adjudication sur le nombre d'années que durera la concession. Il y aura là un bénéfice très réel pour l'Etat.
Ceci est d'autant plus important qu'il ne faut pas se dissimuler que le chemin de fer dont il s'agit aura pour résultat d'enlever au trésor une partie de ses recettes actuelles.
Aujourd'hui, par le chemin de fer de la Vesdre, vous avez en fait le monopole du transport des marchandées vers l'Allemagne. C'est une des branches les plus productives du revenu de votre chemin de fer. Or, cette branche productive de recettes, vous allez, dans l'intérêt d'Anvers, l'abandonner à une société. Et rappelez-vous que la ligne de la Vesdre a coûté de 32 à 35 millions.
J'insiste sur ce point, parce que l'intérêt des finances de l'Etat sera le motif qu'on invoquera tout à l'heure quand il s'agira de faire dévier la route de Tournai.
Ici ce sont des millions que l'on consent à sacrifier ; mais lorsqu'il sera question de la ligne de Tournai, on dira que l'Etat réalisera un peu plus de bénéfice en faisant la nouvelle ligne.
Maintenant j'insiste pour que, en ce qui concerne le chemin de fer d'Anvers à Düsseldorf, le gouvernement soit autorisé à le mettre en adjudication par voie de publicité et de concurrence en faisant reposer l'adjudication sur le nombre d'années de la concession.
J'arrive au chemin de fer de Tournai à Bruxelles par Ath, Enghien et Hal. Les honorables MM. Goblet et Bara ont déjà prouvé à l'évidence que le projet de loi tendait à consacrer une scandaleuse injustice pour la ville de Tournai.
Quelle est la situation de cette ville ? Jetez les yeux sur la carte. Liège a 5 chemins de fer ; Namur, 4 ; Charleroi, 7 ; Mons, 5 ; Bruxelles, 4 ; Gand, 5 ; Courtrai, 4 ; et Tournai n'en a que 2 ; et pour mieux dire, (page 1014) Tournai n’a pas aujourd'hui un seul chemin de fer en ligne directe. (Interruption).
Oui en projet, je le sais, messieurs. Depuis plus de 15 ans, nous avons réclamé une ligne directe par Ath et Hal ; et véritablement ce n'est pas obtenir trop après de si longues réclamations !
Maintenant, on vient proposer une déviation à la voie décrétée l'an dernier ; et par là on allonge le parcours ; la société elle-même vous dit dans ses papiers qu'il y aura trois kilomètres de détour.
Ajoutez qu'il sera créé trois stations de plus, il est évident qu'il y aura arrêt à chaque station et qu'il résultera de là une perte de temps considérable.
Comment ! lorsque dans tous vos projets vous tenez à avoir la ligne directe, vous venez, par une inconséquence incroyable, demander un détour pour la ligne directe de Tournai qui a déjà été décrétée ! et vous voulez que les honorables députés de Tournai et moi qui ai eu l'honneur de l'être, nous puissions être satisfaits de cet état de choses ? C'est impossible.
Sur quoi justifie-t-on ce changement ? Sur une seule chose : c'est que notamment entre Hal et Bruges, on ne peut exécuter un tracé ayant une inclinaison de moins de 6 millimètres par mètre. Et pour une rampe de 6 millimètres par mètre, ou viendra détourner le chemin de fer direct ! Cet argument n'a rien de sérieux !
Une rampe de 6 millimètres par mètre sur une demi-lieue de parcours ! Vous avez des rampes qui vont jusqu'à 15 millimètres par mètre et sur ces rampes on voyage parfaitement bien. Voyez les chemins de fer du Luxembourg et du Limbourg, dans l'Entre-Sambre-et-Meuse ; voyez le chemin de fer que vous avez à côté de celui dont il s'agit, le chemin de Mons : la rampe est de 5 à 6 millimètres par mètre, non pendant trois kilomètres, mais pendant des lieues entières. Et pour une demi-lieue ou 3/4 de lieue de rampe, on dit que c'est un motif pour détourner une route. Ce n'est pas un motif sérieux, la Chambre ne peut pas sous un pareil prétexte causer du préjudice à des localités qui ont un droit acquis.
Est-ce dans l'intérêt de Tubize ? Mais quand M. le comte Vilain XIIII a demandé qu'on fît passer le chemin de fer d'Anvers à Düsseldorf par Maeseyck et Beverloo, on lui a répondu : Nous voulons une ligne directe ; on ne consentira pas au détour. Ici il y avait un grand intérêt à relier Beverloo au chemin de fer, c'était quelque chose aussi de relier Maeseyck, ces localités sont sans chemin de fer.
Si vous voulez partout des lignes droites, pourquoi faire un crochet sur la ligne de Tournai ? Qu'est-ce que la ligne de Tournai ? C'est la ligne droite de Bruxelles vers Calais ; c'est une ligue de premier ordre que vous avez intérêt à rendre la plus droite possible ; vous ne pouvez pas faire un détour sans en faire autant dans d'autres contrées, dans l'intérêt des localités qui demandent qu'on les relie aux chemins de fer ; n'ayez pas deux poids et deux mesures.
Mais il y a un intérêt ; celui-là on ne le dira pas. Le pot aux roses a été découvert par mon honorable collègue, M. Goblet. C'est la société qui veut se soustraire à une clause de son cahier des charges, l'élargissement de la station de Hal. La société fera de ce chef un million de bénéfice.
Nous voilà transférés dans une ère nouvelle. Les chemins de fer ne sont plus faits pour le profit du pays, mais pour celui de la société.
On vous dit en toutes lettres : La société fera un bénéfice d'un million, elle s'en prévaut pour le placement de ses actions. Je n'ai pas la pièce entre les mains, mais M. Goblet vous en a donné lecture.
Encore une fois, quand nous faisons des chemins de fer, c'est dans l'intérêt du pays ; les sociétés doivent trouver leur bénéfice dans l'opération.
L'acte de concession constitue un droit acquis pour les populations ; il serait souverainement injuste de faire dévier la ligne pour procurer un bénéfice à la société.
Y aura-t-il un bénéfice pour l'Etat ? L Etat, dit-on, gagnera le parcours de Bruxelles à Tubize.
Ce que vous invoquez, c'est l'avantage qu'aura l'Etat en conservant une partie de la ligne.
Dans ce cas, vous ne devez pas proposer toutes les lignes qui vont faire concurrence au chemin de fer de l'Etat.
Vous ne deviez pas nous présenter votre ligne directe d'Anvers sur l'Allemagne, vous ne deviez pas nous présenter votre ligne directe d'Anvers sur Diest, ni celle de Diest sur Hasselt, à laquelle je suis prêt à donner mon assentiment, ni celle de Courtrai à Bruxelles. Si votre système est vrai quant à la ligne de Tournai à Bruxelles, il doit l'être également à l'égard de toutes les autres et par conséquent vous êtes eu contradiction manifeste avec vous-mêmes.
Maintenant est-il de l'intérêt de l'Etat de prolonger de trois kilomètres la ligne dont il est maintenant question ? Mais, messieurs, les dépenses d'exploitation vont nécessairement s'accroître en raison même de cette augmentation de parcours, de manière que cet argument que l'on invoque est une véritable puérilité.
Voilà donc, messieurs, à quoi se réduisent vos deux arguments principaux : rampe de six millimètres par mètre, et prétendu bénéfice de l'Etat. Et quant au premier de ces arguments, je dois dire à la Chambre qu'il résulte de nivellements faits par M. le géomètre Boulangé que la rampe ne serait que de 5 millimètres par mètre, c'est-à-dire précisément le chiffre admis par le gouvernement. Au surplus, voulez-vers qu'il n'y ait certainement pas plus de 5 millimètres par mètre ? Mais il suffit pour cela de faire un déblai un peu plus profond.
Ce n'est pas plus malin que cela ; et la société concessionnaire fait déjà d'assez beaux bénéfices pour qu'on puisse lui imposer l'obligation de diminuer d'un millimètre la rampe du chemin de fer dont il s'agit.
Voyez ce qui a eu lieu au tunnel de Cumptich après son écroulement : on y a fait une tranchée et depuis lors on circule à cet endroit à ciel ouvert.
Il n'y a donc aucun motif sérieux pour autoriser le changement de direction proposé. Des changements de ce genre sont toujours préjudiciables surtout quand il s'agit de grandes lignes pour lesquelles il importe surtout de suivre toujours la direction la plus courte.
Pourquoi donc, au lieu de suivre ici la ligne la plus directe fait-on faire au tracé un crochet ? Je voudrais bien qu'on me répondît à cette question, car je ne trouve aucun motif sérieux d'accorder à la société une nouvelle faveur à la suite de celles qui sont déjà attachées à son exploitation.
J'espère que la Chambre ne consentira pas au changement de tracé qu'on nous propose de ratifier ; ce serait une véritable injustice pour toutes les villes que doit desservir le chemin de fer de Tournai à Bruxelles. L'honorable. M. Goblet vous l'a dit, messieurs, lorsque la société a accepté la'concession, elle a déclaré qu'elle le connaissait parfaitement, et maintenant elle vient déclarer qu'elle ne peut l'exécuter, et le gouvernement fait droit à ses réclamations au détriment des localités intéressées.
J'avoue, messieurs, que je ne comprends rien à une pareille condescendance, et je ne connais point d'exemple d'un fait de cette nature depuis que la Belgique existe : toujours on a exigé que les sociétés se conformassent aux prescriptions de leurs cahiers des charges, et je demande que le gouvernement se conforme à tous les précédents.
M. Allard. - Je demande la parole pour adresser une interpellation au gouvernement.
Nous sommes à la veille des élections et naturellement les journaux de l'opposition attaquent avec plus d’ardeur que jamais la majorité et le gouvernement. Nous avons eu déjà des mandements, des circulaires ; tout cela est de bonne guerre, mais ce qui n'est pas de bonne guerre, c'est de prêter au gouvernement des intentions qui n'existent pas, attendu que ce genre d'insinuations peut exercer une grande influence sur les élections quand aucun démenti n'y est opposé.
Voici ce que je lis dans le Courrier de l'Escaut, journal de Tournai, qui nous est parvenu ce matin :
« On annonce que M. Rogier va demander une somme de onze millions de francs pour l'établissement d'une marine militaire et qu'à l'ouverture de la prochaine session M. Chazal présentera un projet montant à 15 millions, destinés à l'armement de là place d'Anvers. »
Je demande que le gouvernement s'explique sur ce point et nous dise si, oui ou non, il a l'intention de nous demander onze millions pour la création d'une marine militaire et quinze millions pour l'armement d'Anvers.
M. Wasseige. - Voilà une ficelle !
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Qui vient à propos pour vous donner un démenti.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - Je crois pouvoir répondre, en ce qui concerne mon département, qu'il n'est question de demander aux Chambres ni onze millions ni onze mille francs pour créer une marine militaire. J'ai des raisons de croire que mon collègue de la guerre ferait la même réponse en ce qui concerne son département.
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Je demande la parole. (Interruption.)
M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - Messieurs, de pareilles histoires nous font rire. Toutefois, il n'est pas inutile qu'elles reçoivent, le cas échéant, des démentis officiels.
Dans la catégorie d'autres inventions semblables, tantôt ce sont les religieuses et les moines qu'il s'agit de chasser de leurs couvents, tantôt ce sont les églises qui vont être démolies ou tout au moins fermées ; hier c'était un cabinet noir établi à Bruxelles, où l'on viole effrontément le (page 1015) secret des lettres ; ou bien de sont les catholiques, en masse, par système, exclus comme tels, des fonctions publique en Belgique.
Eh bien, je le répète, toutes ces inventions et d'autres encore, il est bon qu'elles reçoivent de temps en temps des démentis publics et qui aillent à l'adresse des mauvaises langues qui inventent ou propagent ces histoires et des gens crédules ou des imbéciles qui peuvent y ajouter foi.
M. B. Dumortier. - Je demande la parole.
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Quand j'ai eu connaissance de la note dont il vient d'être question, je me suis empressé de demander des renseignements au département de la guerre, et il résulte de ces renseignements que les craintes manifestées par les journaux sont dénuées de toute espèce de fondement. Le crédit voté par les Chambres pour l'armement de nos forteresses sera très suffisant et il sera parfaitement inutile de demander, pour quelque motif que ce puisse être, de nouveaux crédits pour cet objet.
Vous le voyez donc, messieurs, il n'y a dans tout ceci qu'une chose : Ce sont des batteries dressées contre le ministère, des bruits qu'on fait circuler à l'occasion des élections, et, comme mon honorable collègue des affaires étrangères, je suis heureux de pouvoir donner le démenti le plus catégorique à ceux qui les mettent en circulation.
M. B. Dumortier. - Je suis heureux de voir le gouvernement démentir les bruits dont il s'agit et que je ne connaissais même pas ; ce n'est pas la première fois que des choses erronées sont mises dans la presse ; cela arrive souvent d'un côté ou de l'autre ; il n'y a pas lieu d'en faire l'imputation à la droite plutôt qu'à la gauche.
Quant au ministre des affaires étrangères, faisant allusion aux discussions qui ont eu lieu récemment, je ne comprends pas qu'il présente les députés de l'opposition comme de mauvais langues inventant des bruits contre le ministère. Je dois, en ma qualité de membre de l'opposition, protester contre la petite réclame de M. le ministre ; quand il vient dire qu'il n'est pas question d'expulser les religieuses de leur maison, qu'il veuille bien réfléchir au débat qui a eu lieu ; le ministère, par son organe, a reconnu le fondement de l'argument que nous avons présenté, M. Tack et moi. (Interruption.)
Vous pouvez relire vos paroles et celles du ministre de la justice. Vous avez déclaré formellement que les établissements des congrégations religieuses qui n'avaient pas ce que vous appelez un titre compétent, seraient réunis aux communes ou à l'Etat conformément à votre loi. Vous avez déclaré et nous savons ce que vous entendez par établissements compétents ; vous entendez ceux qui, à côté de l'enseignement gratuit pour lequel ils sont autorisés, donnent en même temps un enseignement payé, vous entendez que les hospitalières sont dans ce cas.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Ce sont les cours !
M. B. Dumortier. - Il y a un arrêt.
- Un membre. - Il y en a dix !
M. B. Dumortier. - Si la question était de nouveau soulevée, la cour de cassation mieux éclairée n'hésiterait pas à déclarer que les libertés dont jouissent les Belges ne peuvent leur être enlevées que dans les cas déterminés par les lois, en cas de perte des droits civils.
Au reste, il y a autre chose que les hospitalières, il y a des établissements publics qui ne donnent que l'enseignement ; vous avez dit qu'ils pouvaient être réunis à la commune ou à l’Etat suivant leur importance. Mais il ne faut pas recommencer une discussion terminée ; si cependant on veut la reprendre, je suis prêt ; mais ces réclames, ces dénégations après le vote sont de mauvais aloi. J'aurais mieux aimé que M. le ministre des affaires étrangères se levât dans la discussion pour déclarer qu'il ne partageait pas l'opinion de ses collègues.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - Je ne sais pas d'où est venu le bruit dont il s'agit, je ne suis pas l'auteur de l'article inséré dans le Courrier de l'Escaut, je crois que M. B. Dumortier le voit de plus près que moi. Quand un journal, à la veille des élections, se permet une pareille invention, il est bon qu'elle soit signalée et démentie.
M. B. Dumortier cherche encore à détourner le débat. Je n'ai pas fait allusion à la dernière discussion, j'ai répété des bruits, des mensonges qui circulent particulièrement à l'époque des élections contre le parti libéral, j'ai dit qu'il fallait ranger cette dernière invention du Courrier de l'Escaut dans la catégorie de ces histoires qui consistent à faire croire au peuple qu'il s'agit de démolir ou de fermer les églises, de chasser les religieuses et les moines des couvents (interruption) et de refuser toute espèce de fonctions publiques aux Belges catholiques. Voilà les inventions contre lesquelles j'ai protesté.
M. H. Dumortier. - Et la dîme et la mainmorte, et tutti quanti, qui donc a inventé tout cela ici ?
M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - Démentez ces bruits.
M. H. Dumortier. - Nous sommes depuis longtemps las de le faire, tout cela ne nous vaut plus une réfutation.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - Le seul fait parlementaire auquel j'ai fait allusion et que M. Dumortier n'a pas relevé, c'est l'invention odieuse qui a consisté à dénoncer la Belgique l'Europe, comme ayant un cabinet noir dans lequel, en violation de la Constitution, on ouvre les correspondances.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Assurément, ce n'est pas mon collègue qui a rouvert le débat clos il y a quelques jours. M. Dumortier prétend avoir lu dans le Moniteur que nous avons déclaré nous-mêmes que les religieuses allaient être expulsées du pays. Il serait fort embarrassé de prouver ce qu'il avance. On n'a rien dit de semblable ; nous donnons à de pareilles assertions le démenti le plus formel et le plus catégorique.
M. B Dumortier. - Je n'ai pas dit cela.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Vous venez de le dire à l'instant.
Dans la disposition que nous avons proposée, nous avons laissé entière la question de savoir si les religieuses avaient ou non le droit de donner l'enseignement, nous en avons laissé la décision aux tribunaux sans rien préjuger. Comment donc M. Dumortier peut-il travestir nos pensées et nos paroles ?
Quel est l'état de la jurisprudence ? La cour de cassation a décidé que les hospitalières ne peuvent pas tenir de pensionnat, qu'elles ne peuvent pas donner l'enseignement, que si elles sont autorisées à donner un enseignement gratuit, c'est d'une manière tout à fait accessoire. Il n'y a qu'un arrêt, dit l'honorable membre.
D'abord, il y en a plusieurs, mais n'y en eût-il qu'un, cela suffit, et il y a en outre des décisions du conseil d'Etat de France de 1809 et de 1809. M. Dumortier vient de dire qu'il ne doutait pas que si la question était de nouveau portée devant la cour de cassation, la cour, mieux éclairée, ne revînt sur cette jurisprudence.
Avons-nous fermé la porte à une nouvelle discussion judiciaire ? Nous nous avons laissé tous les droits saufs.
L'honorable membre peut en appeler à la cour de cassation mieux éclairée, il peut porter de nouveau la question devant les tribunaux, et si les tribunaux - je l'ai dit de la manière la plus formelle - reconnaissaient que l'on s'est trompé, l'établissement ne serait pas un établissement incompétent, mais un établissement compétent et alors les paroles de l'honorable M. Dumortier recevraient un démenti.
Rien, me semble-t-il, n'est plus clair.
Je ne comprends donc pas comment on peut venir ici - on serait tenté de croire que c'est dans un but électoral - travestir nos paroles, nous faire dire ce que nous n'avons pas dit et nous attribuer des intentions que nous n'avons jamais eues et que personne de nous n'a admises.
M. B. Dumortier. - Messieurs, je ne puis admettre et je ne puis permettre que M. le ministre des affaires étrangères vienne ici qualifier d'inventions odieuses ce que j'ai dit au sujet de ce qui avait été avancé dans les journaux étrangers au sujet de l'existence d'un cabinet noir en Belgique. S'il y a invention, ce n'est pas moi qui en suis l'auteur. Ce sont les journaux étrangers qui l'ont dit, il y a quelques années, et je n'ai fait que le répéter. C'était mon droit et mon devoir de demander ce qui en est.
Ainsi je ne comprends pas comment un député peut voir dans un acte pareil une invention odieuse, alors que son collègue, usant de son droit, vient demander ce qui en est et je dois protester contre une pareille imputation alors qu'en résumé je n'ai fait que rappeler un bruit qui avait été répandu en Europe et qu'il était de l'intérêt de la Belgique de faire cesser.
Quant à l'honorable M. Tesch, il proteste avec force contre ce que j'aurais dit qu'il était question d'expulser les religieuses du pays.
Il n'a pas été question de cela. Rien de semblable n'a été dit et la protestation de l'honorable M. Tesch est encore une guerre contre des moulins à vent. Il ne s'agit pas d'expulser qui que ce soit, parce qu'en définitive les Belges ont leurs droits et que vous ne pouvez les changer. Mais ce que nous avons dit et ce que vous venez de confirmer, c'est que par votre loi la propriété de ces établissement tombe à la commune ou à l'Etat, alors que par les dispositions antérieures il n'en était pas ainsi.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - C'est le contraire qui a été dit.
(page 1016) M. B. Dumortier. - C'est une loi de confiscation que vous avez faite ; ne venez donc pas donner des détours à vos paroles.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Laissez à nos paroles leur véritable sens.
M. B. Dumortier. - Je demanderai pourquoi vous n'avez pas fait la loi comme en 1859. Pourquoi avez-vous repoussé avec tant d'énergie la question de rétroactivité ? Vous n'aviez qu'à laisser la loi comme vous l'aviez faite en 1859.
M. Bara. - Messieurs, l'honorable M. Allard vient de parler de faits qui sont dénoncés au pays comme devant être posés par le gouvernement.
Il me sera bien permis de saisir la Chambre d'un fait non moins grave qui a été posé par un dignitaire de l'Eglise catholique.
Dans un mandement récent lu dans toutes les églises du diocèse de Bruges on trouve ce qui suit :
« Enfin, chose inouïe depuis que la Belgique existe, on vient d'entendre retentir, sous les voûtes de notre parlement, des vœux qui appellent et qui saluent la chute de Pie IX, c'est-à-dire la ruine de l'Eglise catholique. »
Et plus loin, le prélat pour bien expliquer la signification de la phrase qu'il attribue au membre de la Chambre dont il s'occupe, s'exprime ainsi :
« Les électeurs qui voteront pour les candidats catholiques ou conservateurs, voteront pour l'Eglise catholique, ses droits et sa liberté ; ceux qui voteront contre ces candidats, voteront contre l'Eglise catholique et repousseront virtuellement ta liberté et ses droits. »
II n'y a pas l'ombre d'un doute sur la pensée du signataire de ce mandement. Il a attribué à un membre de cette Chambre, et ce membre c'est moi, des paroles par lesquelles j'aurais appelé la chute du pape comme chef de l'Eglise catholique, j'aurais poursuivi la ruine de la religion catholique.
Messieurs, je suis convaincu que personne dans la droite n'oserait se lever pour applaudir à un pareil acte, pour approuver le mandement de M. l'évêque de Bruges. Ce mandement je puis le qualifier sévèrement. Que s'cet-il en effet passé ? Quand l'honorable M. Dumortier prenant dans un journal un passage de mon discours est venu le lire à la Chambre, je me suis immédiatement levé et j'ai dit : « Ce journal a mal reproduit mes paroles, » et je l'ai prouvé de deux manières, d'abord en vous citant la reproduction qui se trouvait dans les journaux catholiques, notamment dans le Journal de Bruxelles, et ensuite, en faisant appel à quelque chose que personne ne peut repousser dans cette enceinte ni ailleurs, c'est la sténographie.
J'ai lu immédiatement le passage de la sténographie et que disait-il ? Que si « nous voyions succomber un régime qui permet d'enlever les enfants à leur mère nous en serions heureux. »
Voilà mes propres paroles, telles qu'elles se trouvent dans la sténographie, et l'honorable M. Dumortier a été obligé d'immédiatement reconnaître son erreur et d'abandonner un texte erroné qu'il avait pris dans un organe de la presse.
M. B. Dumortier. - La sténographie n'était pas publiée.
M. Bara. - C'est vrai, aussi je ne vous accuse pas. Je vous ai rectifié immédiatement.
J'avais à la main la feuille de la sténographie. Je vous ai dit : La Voilà, venez la prendre, je n'y ai rien changé. Pouvez-vous contester que ce soit la vérité ? Vous avez été obligé de reconnaître que la sténographie avait exactement reproduit ce que j'avais dit.
M. B. Dumortier. - Je n'ai pas dit le contraire.
M. Bara. - Je ne vous accuse pas.
M. De Fré. - Ce n'est pas vous qui avez fait le mandement.
M. Bara. - Je pouvais donc m'attendre, messieurs, à ce que cette erreur ne serait pas sortie de cette enceinte après la constatation de la vérité par des pièces authentiques.
Je pouvais croire qu'elle n'aurait pas franchi le seuil du Parlement et que non seulement elle n'aurait pas été colportée dans les journaux catholiques, ce qui m'importe peu, mais surtout qu'elle n'aurait pas figuré comme article de foi dans un mandement épiscopal.
Eh bien, que voyons-nous après la publication des Annales parlementaires où M. l'évêque de Bruges a pu parfaitement se convaincre de la vérité, où non seulement il a pu voir la rectification faite au moment même où l'erreur s'échappait de la bouche de l'honorable Dumortier, mais où il a pu lire aussi le discours dans lequel j'ai complètement expliqué ma pensée. J'ai dit que, comme législateur, je n'avais pas à m'occuper d'une religion plutôt que d'une autre ; que je n'avais ni à attaquer ni à défendre la religion catholique pas plus que la religion protestante ou la religion juive ; que j'avais à observer la Constitution qui veut l'indépendance complète des pouvoirs civils et de la religion et le respect de toutes les croyances.
Quand j'ai ainsi développé ma pensée, quand j'ai démontré par la sténographie l'erreur commise, je vous le demande, je le demande à tous les hommes de bonne foi, quelles que soient leurs opinions, est-il digne, est-il honnête, est-il loyal qu'un évêque du haut de la chaire de vérité annonce aux fidèles qu'un représentant a attaqué la religion catholique, qu'un évêque vienne fausser les paroles d'un représentant de la nation et lui faire dire ce qui est évidemment erroné, ce qui est évidemment mensonger ?
Ah ! messieurs, si la religion catholique ne devait être soutenue que par des hommes qui n'ont pas même le respect de la vérité, elle succomberait bien vite ; quoique évêque, on n'a pas le droit de dénaturer la vérité, on n'a pas le droit, dans un but électoral, de mentir et d'attribuer à son prochain ce qu'il n'a pas dit, ce que l'on sait être faux ; on n'a pas le droit de calomnier un représentant du pays, parce qu'il n'appartient pas au parti politique de l'épiscopat. (Interruption.)
M. de Moor. - M. l'évêque de Bruges ne trouve pas ici un seul défenseur.
M. le président. - Nous reprenons la discussion du projet de loi.
La parole est à M. le ministre des travaux publics.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Messieurs, l'honorable M. B. Dumortier, en finissant son discours, m'a accusé d'être en contradiction avec moi-même, lorsque d'une part je sollicitais de la Chambre de modifier le contrat qui règle la concession de la ligne d'Ath à Hal, par l'introduction d'une clause qui permettrait d'augmenter quelque peu la longueur de cette ligne, et lorsque d'autre part j'apportais dans le même projet de loi deux concessions, celle de Courtrai à Denderleeuw et celle d'Anvers à Düsseldorf, ayant pour objet des raccourcissements de distance.
J'en demande pardon à l'honorable membre, mais si quelque chose justifie la proposition que je formule en ce qui concerne le chemin de fer de Hal à Ath, c'est précisément et entre autres la manière dont je me conduis vis-à-vis de la concession de la ligne de Courtrai à Denderleeuw et de celle d'un chemin de fer d'Anvers vers Dusseldorf.
Comment cela ? Messieurs, c'est bien simple et bien saisissant : il y a entre Courtrai et Bruxelles un chemin plus court que celui qui se composera à l'avenir de la section de Bruxelles à Denderleeuw, jointe à la section de Denderleeuw à Courtrai.
Ces deux sections réunies ne formeront entre Courtrai et Bruxelles, qui sont les points à relier, qu'une ligne indirecte.
Il y a entre ces points une ligne plus directe. Eh bien, j’ai eu à choisir entre cette ligne plus directe, qui serait allée sans détour de Courtrai sur Bruxelles, et la ligne qui vous est proposée ; l'une et l'autre ligne m'étaient formellement demandées ; j'ai préféré la ligne la moins courte.
M. B. Dumortier. - Vous avez bien fait.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Sans doute j'ai bien fait. Pourquoi ? Parce qu'elle diminue raisonnablement le trajet entre Courtrai et Bruxelles tout en conservant à l'Etat le bénéfice de l'exploitation sur la section de Denderleeuw à Bruxelles.
J'agis exactement de même pour la ligne de Hal à Ath, c'est-à-dire que je cherche à combiner, dans une mesure équitable, l'intérêt du public et l'intérêt du trésor. Je le démontrerai tout à l'heure.
Que se passe-t-il pour la ligne d’Anvers à Düsseldorf ? Le paragraphe 2 de l'article qui la concerne est ainsi conçu :
« L'origine de cette ligne ne pourra être éventuellement fixée à Herenthals que sous la condition que l'allongement de parcours à résulter, entre Herenthals et Anvers, de l'admission de ce point de départ, sera négligé dans l'application des tarifs. »
Je demande donc, par cette disposition, le droit de joindre les deux points extrêmes par voie indirecte, encore exactement ce que je fais pour la ligne de Hal à Ath.
Permettez-moi, messieurs, d'ouvrir ici une parenthèse et de vider tout de suite la question qui a été soulevée à ce sujet par l'honorable M. Loos.
Cet honorable membre demande la suppression du paragraphe 2 de l'article 2 et propose de rédiger ainsi le paragraphe premier : « Un chemin de fer direct d'Anvers à la frontière du duché de Limbourg pour se prolonger jusqu'à Düsseldorf. »
(page 1017) Je crois que la ville d'Anvers aurait tort de réclamer la suppression de ce paragraphe 2 et je crois pouvoir prouver en deux mots que cette stipulation n’a été introduite que dans son intérêt. Elle est introduite dans son intérêt parce qu'elle facilite singulièrement la construction de la ligne de Dusseldorf, sans causer d'autre part aucun préjudice appréciable.
Voici, messieurs, la situation :
Par suite de la construction de la grande enceinte et des forts détachés, tout chemin de fer aboutissant à Anvers devra désormais suivre la voie de l'Etat sur une certaine distance à l'entrée de la ville.
Cette distance a été déterminée à l'occasion du chemin de fer d'Anvers à Hasselt, lequel emprunte la ligne de l'Etat sur environ 4,000 mètres jusque vers Vieux-Dieu. C'est à ce point que devra probablement se raccorder aussi la ligne nouvelle vers Düsseldorf.
Ceci étant posé, quelle est la distance la plus courte entre Anvers et Herenthals ? Herenthals est un point obligé ; il se trouve sur la ligne directe d'Anvers à Gadbach.
Nous avons d'abord les 4,000 mètres que je viens d'indiquer sur la ligne de l'Etat. Nous avons ensuite la section nouvelle qui aurait 27,000 mètres, ensemble 31,000 mètres pour le tracé le plus direct entre Anvers et Herenthals.
Et quelle est la distance en faisant le détour par Lierre (section en construction de Vieux-Dieu à Lierre), et en passant de là par la ligne existante de Lierre sur Herenthals ?
Il y a d'abord la même section commune de 4,000 mètres. De l'extrémité de cette section commune à Lierre, section en construction, il y a 9,600 mètres ; de Lierre à Herenthals 2,000 mètres, ensemble 33,600 mètres, par la voie que j'appellerai indirecte.
Messieurs, il n'y a ainsi entre les deux tracés qu'une différence de 2,600 mètres, chiffres ronds, 2 kilomètres et demi.
Voilà toute la différence, il n'y en a pas d'autre. Je le demande, cela vaut-il la peine d'être pris en considération ; mais calculons ce que cette insignifiante différence de 2 kilomètres et demi coûterait s'il fallait la racheter ?
Je viens d'avoir l'honneur de vous le dire, pour arriver directement à Herenthals, il faudrait construire 27 kilomètres de voie nouvelle. En portant le coût d'un kilomètre au prix très modéré de 100,000 francs...
M. Coomans. - Ce n'est pas assez.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Alors mon raisonnement sera d'autant plus fort.
Cela fait près de 3 millions pour gagner, sur une distance de tant de lieues, deux kilomètres et demi ; cela est-il raisonnable ?
Dans ma conviction, dépenser 3 millions pour gagner deux kilomètres et demi sur le parcours considérable d'Anvers à Dusellorf, c'est commettre une véritable dilapidation de capital.
M. de Mérode-Westerloo. -Deux kilomètres et demi qu'on ne payera pas.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Qu'on ne payera pas, ainsi que le rappelle un honorable membre, car la loi a précisément pour but de prévenir que ce faible allongement de parcours ne soit compté au tarif.
Je le demande encore, messieurs est-ce que le gouvernement n'agit pas dans l'intérêt de l'entreprise de la ville d'Anvers elle-même, en empêchant cette déperdition de capital ? Economiser au concessionnaire sans qu'il en résulte de préjudice pour le commerce, une somme de trois millions, n'est-ce pas assurer mieux la réalisation d'un projet caressé depuis si longtemps ? Selon moi, il n'y a pas à hésiter ; je demeure convaincu que l'amendement de l'honorable M. Loos tournerait contre l'entreprise elle-même, et j'espère que, d'après les renseignements que je viens de fournir, l'honorable membre n'insistera pas.
Cela dit, messieurs, je reviens à l’affaire de Hal à Ath.
L'honorable M. Goblet et l'honorable M. B. Dumortier ont dit : Que faites-vous ? vous agissez à l’encontre du principe de la loi de 1862 ! Quel but poursuivait-on ? On voulait raccourcir la distance entre Bruxelles et Tournai, et vous proposez de l'allonger !
Eh bien, messieurs, de quoi s'agissait-il en 1862 ? De quoi s'agit-il en 1863 ? De quoi peut-il et doit-il s'agir ? Il s'agissait et il s'agit encore aujourd'hui d'opérer entre Bruxelles et Tournai un raccourcissement non pas quelconque, ni le plus grand possible, mais un raccourcissement raisonnable, et vous allez voir tout de suite que la thèse contraire, votre thèse, ne prouve rien, parce qu'elle prouve trop.
Pourquoi la section de raccourcissement s'établit-elle entre Hal et Ath ?
S'il faut gagner jusqu'au dernier kilomètre, pourquoi n'établissez-vous pas un chemin de fer direct de Tournai à Bruxelles ou tout au moins d'Ath à Bruxelles, pourquoi le détour par Hal ?
M. B. Dumortier. - Faites-le, mais n'allongez pas le parcours.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Mais s'il fallait obtenir le raccourcissement le plus notable qu'il soit possible d'atteindre, pourquoi, l'année dernière, la Chambre n'a-t-elle pas modifié la loi présentée par le gouvernement et n'a-t-elle pas déclaré qu'on établirait une ligne directe d'Ath à Bruxelles ?
M. Coomans. - Est modus in rebus.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - C'est ce que je soutiens aussi, c'est une question de mesure, et je dis qu'on se trompe quand on impose un grand sacrifice au trésor pour assurer un tout petit avantage au public ; je dis qu'il faut proportionner le sacrifice au résultat à obtenir.
Messieurs, d'après les prévisions exposées en 1862, le raccourcissement entre Bruxelles et Ath devait être de 16 kilomètres ; d'après la modification proposée, le raccourcissement serait réduit de 1 1/2 kilomètre, il resterait donc en toute hypothèse un raccourcissement de 14 1/2 kilomètres.
L'honorable M. B. Dumortier dit qu'on perdrait 3 kilomètres, je le nie ; on perdrait 1 1/2 kilomètre, rien de plus, rien de moins. Mais M. B. Dumortier prétend qu'il résulte de documents fournis par les concessionnaires eux-mêmes, que la perte serait bien en réalité de 3 kilomètres ; qu'il me permette de lui demander de vouloir nous communiquer ces documents. (Interruption.)
Je nie, et c'est à vous, qui affirmez, à prouver l'exactitude de votre affirmation.
Eh bien, messieurs, une différence de 1 1/2 kilomètre de longueur de voie, combien cela prend-il de temps dans le trajet ?
- Un membre. - Une demi-heure.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Je voudrais bien qu'on établît ce point.
M. Goblet. - Il faut tenir compte des stations en plus.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Les stations, mais je ferai une première observation.
Pour les express il n'y a pas de station. (Interruption.) Vous parlez d'un chemin de fer international. (Interruption.) Dès aujourd'hui je prends la ville de Tournai comme constituant un point sur une ligne internationale et vous aurez des convois express dès cette année, à plus forte raison en aurez-vous quand la ligne directe sera construite.
Pour les convois express la perte de temps est donc absolument nulle, car je défie l'homme ayant les sens le plus délicat, de s'apercevoir qu'il fait un détour de 1 1/2 kilomètre sur un parcours de plusieurs lieues.
En ce qui concerne les trains ordinaires vous auriez deux stations de plus : Lembecq et Tubize. Eh bien prenez le livret des chemins de fer et il vous sera facile de constater vous-mêmes que l'arrêt à une station n'entraîne qu'une perte de temps de 5 minutes. Ainsi pour les convois ordinaires le trajet exigera 10 minutes de plus si l'administration décrète qu'on fera arrêt à Lembecq et à Tubize. Mais alors, messieurs, les populations de ces importantes localités seront au moins desservies et il y aura sous ce rapport suffisante compensation. (Interruption.)
A partir de Bierges, dans la direction d'Enghien, le tracé est commun dans toutes les combinaisons, la situation est la même au-delà de Bierges, qu'on se raccorde à Hal ou qu'on se raccorde à Tubize ; vous n'avez donc pas à vous préoccuper des stations entre Bierges et Hal. (Interruption.) Ne parlons pas des pentes ni des rampes ; je le veux bien, une rampe de six millimètres est chose fâcheuse, sans doute ; mais au fond peu importante.
J'ai parlé des pentes et des rampes, non comme argument décisif, mais comme d'une considération à faire valoir à côté des autres, plus concluantes que j'invoquais, et spécialement celle tirée de l'intérêt, si sérieux du trésor.
On a glissé rapidement sur la question d'argent, mais il me semble que la question d'argent mérite bien quelque attention.
J'ai démontré tout à l'heure que pour la ligne de Courtrai à Bruxelles, nous n'agissons pas autrement que nous proposons de le faire pour la ligue dont nous nous occupons et nous avons suivi la même conduite, obéi au même principe en toute circonstance.
Encore une fois il faut mesurer le sacrifice au résultat que l'on rechercha et quand on peut obtenir une économie d'exploitation ou un notable surcroît de produit, il ne faut abandonner cet avantage pour le trésor que contre des avantages équivalents pour le public.
Contesterez-vous qu'en fixant l'origine de la ligne à Tubize, la part de la compagnie concessionnaire sera de 172,000 fr., tandis que la part de l'Etat sera de 322,000 fr., c'est-à-dire que l'Etat prélèvera 150,000 fr. hors part.
M. B. Dumortier. - Qui seront pris dans la poche des voyageurs.
(page 1018) M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Nullement. D'ailleurs, en aboutissant à Hal, ne prenez-vous pas dans la poche des voyageurs ce que vous percevrez en plus que si vous alliez directement de Tournai ou d'Ath sur Bruxelles ?
Il s'agit donc d'une augmentation de 150,000 fr.de recette pour l'Etat, soit toute la recette sur la section de Hal à Tubize.
Cette section comporte un parcours de 5 kilomètres ; et quelle dépense d'exploitation aurions-nous ? Cette dépense serait relativement très faible, elle se bornerait presque à la dépense de matériel et de traction. C'est donc être très modéré que de n'estimer qu'à 20,000 fr. la recette nette kilométrique, ce qui fait 100,000 fr. pour les 5 kilomètres.
Or, si je sais bien compter, 100,000 fr. représentent l'intérêt d'un capital de plus de 2 millions de francs.
L'opération que nous proposons aboutit donc uniquement à mettre dans le trésor 2 millions de francs au moins.
M. B. Dumortier. - Que vous irez prendre dans la poche des voyageurs.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Avec le raisonnement de l'honorable M. B. Dumortier, il n'y a pas une seule des lignes de l'Etat qui ne dût être changée, car il n'y en a pas une où l'on ne fasse quelque détour pour avantager certaines localités ou pour s'assurer de meilleures conditions de construction ou d'exploitation ; vous prélevez donc partout sur la poche des voyageurs ce que représente ce détour, et vous devez rectifier tout votre réseau ; je défie l'honorable membre de me citer une seule ligne qui pût rester ce qu'elle est dans son système.
Encore une fois, la question est de savoir si la différence entre Tournai et Bruxelles sera de 14 1/2 kilomètres au lieu de 16 ; si oui, vous procurerez à l'Etat un bénéfice de 2 millions de francs. Voilà l'opération.
Mais, dit-on, les concessionnaires réaliseront un bénéfice considérable par suite de cette opération. Cela fût-il, messieurs, dès l'instant où les intérêts de l'Etat sont sûrement sauvegardés, serait-ce là une raison qui dût faire repousser la combinaison ? Mais, messieurs, les concessionnaires sont ici tout à fait hors de cause, ou plutôt s'ils sont en cause, cette opération, loin de leur être favorable, leur causera préjudice, et la chose est parfaitement facile à saisir.
D'après le projet de 1862, ils auraient perçu, en supposant un produit kilométrique brut de 50,000 fr., 225,000 fr. pour leur part afférente à la section de Hal à Enghien, tandis que la nouvelle combinaison ne leur rapporterait que 172,000 fr., soit 53,000 fr. de moins.
Leur capital sera inférieur d'un million, dit-on. Oui, messieurs, mais leur recette diminuera de 50,000 à 60,000 fr. Voilà ce que la circulaire aurait dû dire et ce qu'il était bien facile au public d'apprécier. Certainement le capital est moindre, mais la recette est moindre dans une proportion équivalente. Voilà pourquoi les concessionnaires sont hors de cause.
Les concessionnaires offraient à l'Etat une somme d'un million, à la condition de participer pour moitié dans la recette à opérer sur la section de Hal à Tubize.
L'Etat a refusé, pourquoi ? Parce qu'en offrant un million à l'Etat, les concessionnaires auraient placé cette somme à 8 p. c. Où donc est l'intérêt des concessionnaires, alors que la diminution de capital est compensée par une diminution proportionnelle «le recette ?
Quant à moi, je suis convaincu que cette combinaison est tout à l'avantage de l'Etat.
M. Bara. - A l'avantage de l'Etat, mais au préjudice du public.
M. Guillery. - L'avantage est d'ailleurs insignifiant.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Un avantage de deux millions de capital n'est pas une chose insignifiante.
M. Van Humbeeck. - Il fallait alors proposer cette combinaison il y a un an.
M. B. Dumortier. - Et l'appliquer à une infinité d'autres lignes.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Il fallait adopter la combinaison il y a un an. Eh bien, messieurs, si la situation avait été connue il y a un an comme elle l'est aujourd'hui, il ne se serait jamais agi, dans la loi de 1862, d'une ligne de Hal à Ath, mais de la ligne de Hal à Tubize.
J'ai expliqué comment j'ai été amené à proposer cette modification : J'ai dit qu'elle m'avait été commandée par la reconnaissance de l'impossibilité matérielle d'exécuter les plans qui ont servi de base à la convention de 1862.
Mais, dit l'honorable M. Goblet, les concessionnaires ont reconnu qu'ils avaient vérifié ces plans et ils ont reconnu la possibilité de les exécuter ; le cahier des charges contient même, à cet égard, une mention formelle.
Tout cela est possible, mais ce qui est certain, c'est que plus tard on a constaté qu'il y avait impossibilité absolue d'exécuter les plans. Et, en effet, messieurs, j'ai fait procéder moi-même à une vérification approfondie, et j'ai communiqué à la section centrale le rapport que m'a adressé l'ingénieur qui j'avais chargé de cette vérification et où je lis entre autres ce qui suit :
« Conformément aux instructions que vous m'avez données, j'ai fait procéder à la vérification du profil longitudinal de la section du chemin de fer de Hal à Ath comprise entre Hal et Enghien, suivant le tracé indiqué sur le plan qui accompagnait la demande en concession de ce chemin de fer.
« ... Il suffit d'un simple examen des lieux pour reconnaître immédiatement que le profil qui accompagne ce projet doit être fictif et la vérification qui vient d'être faire confirme, en effet, en tous points cette première appréciation. »
Voilà donc sur quoi l'on s'est basé, sur des plans purement fictifs. Des nivellements ont été faits sur le terrain par des ingénieurs de l'administration et je viens de faire connaître la conclusion à laquelle ils sont arrivés. Par conséquent il faut écarter définitivement ces plans et n'en plus parler.
Restent deux autres tracés passant l'un et l'autre par Bierghes. Eh bien, : je le répète, le choix entre ces deux tracés ne peut pas être douteux et si cette situation avait été connue en 1862 comme elle l'est maintenant, encore une fois il ne se serait jamais agi du chemin de fer de Hal à Ath.
Messieurs, nous nous trouvons donc en présence de concessionnaires qui se sont basés sur des plans qu'ils n'avaient pas étudiés et qui ont été reconnus inexécutables postérieurement. C'est une situation dont il faut nécessairement tenir compte, et à laquelle il n'est point possible d'en substituer une autre que l'on préférerait.
Vous avez donc le choix entre deux tracés ; l'un vous donne un bénéfice de 2 millions au moins en capital, et il est indifférent aux concessionnaires ; l'autre, s'il impose aux concessionnaires quelques dépenses de plus, par contre il leur assure un revenu plus considérable. Cela importe donc à l'Etat et font peu aux concessionnaires ; et s'ils ont eu la maladresse de publier une circulaire qui jette quelque obscurité sur l'opération, c'est un point qui ne nous concerne pas.
Mais nous qui connaissons mieux la situation et les faits, nous disons que si les concessionnaires dépensent dans une hypothèse moins que dans une autre, par contre aussi ils n'ont pas l'intérêt du capital qu'ils économisent. Leur position reste donc exactement la même.
Provisoirement, je ne m'arrêterai pas plus longtemps à cette affaire et je passe à quelques autres observations qui se sont produites dans la discussion.
Je m'occuperai d'abord de l'amendement de l'honorable M. Jouret, ayant pour objet la concession d'un chemin de fer de Houdeng à Jurbise. L'honorable membre a défendu cet amendement avec chaleur et il a dirigé contre nous, à la même occasion, des critiques que je crois imméritées.
Je dirai à l'honorable M. Jouret comme je disais tout à l'heure à l’honorable M. Dumortier, que le gouvernement n'est pas ici en contradiction avec lui-même, mais au contraire en parfait accord avec le principe qui l'a toujours guidé. Quel est ce principe en matière de concession de chemins de fer ?
Au moins nous avons un principe fixe et raisonnable. C'est que l'avantage qu'on a en vue doit se trouver en rapport avec le sacrifice. Ainsi, quand l'Etat ou quand une compagnie concessionnaire opère une certaine recette sur une ligne existante, il n'est permis de priver le trésor ou la compagnie de cette recette par un raccourcissement que si par là on amène un bien public plus considérable ; dans le cas contraire, j'estime que ce raccourcissement est une injustice s'il s'agit d'une ligne concédée, un acte maladroit, s'il s'agit du réseau de l'Etat.
Messieurs, dans le cas présent, je ne vois pas un grand intérêt public à la construction de la ligne préconisée par l'honorable M. J. Jouret ; elle amènerait entre certaines localités un raccourcissement ; mais d'après un premier plan qui a été soumis à l'examen de mon département, ce raccourcissements serait seulement de 7 kilomètres. (Interruption.)
Entendons-nous, M. Jouret. Niez-vous que le plan qui a été examiné par le gouvernement comporte seulement le raccourcissement que je viens d'indiquer.
(page 1019) M. J. Jouret. - Il y a deux plans.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Pardon ! Quand le gouvernement s'est livré à l'étude de la question, il n'avait qu'un plan ; un second plan m'a été remis il y a trois ou quatre jours Or, la réponse que le gouvernement a faite à la section centrale date de plusieurs semaines, et par conséquent, cette réponse pouvait être parfaitement justifiée par la situation d'alors.
Maintenant un nouveau plan vient d'être déposé. Je n'ai pas eu le temps d'examiner ce plan. Je propose à l'honorable M. Jouret de tenir la question en suspens.
Le gouvernement demande à pouvoir étudier cette affaire dans sa phase nouvelle. Si l'honorable membre insiste, je devrai proposer à la Chambre de repousser son amendement. Je ne puis ms rallier à un chemin de fer que je ne connais pas, que je n'ai pu étudier encore. Je le répète, il y a très peu de jours qu'un nouveau plan a été envoyé.
Je prie donc de nouveau l'honorable M. Jouret, dans l'intérêt même de ce chemin de fer, de ne pas insister aujourd'hui, de laisser la question en suspens, le gouvernement examinera avec impartialité et équité.
Si l'honorable membre veut renoncer à son amendement, je pense que l’honorable M. Dolez retirera le sien, qui n'est que l'accessoire de celui de l'honorable M. Jouret.
Je crois même qu'un autre honorable membre a l'intention de présenter un troisième amendement sur le même objet ; et j'espère que ce troisième amendement ne verra pas le jour, si celui de l'honorable M. J. Jouret est retiré.
Nous aurons occasion de nous occuper plus tard à loisir de cette affaire ; le gouvernement se livrera à un examen qu'il n'a pas fait jusqu'ici.
Je dirai un mot du chemin de fer de Hainaut-Flandres. L'honorable M. Bara m'a interrompu quand j'ai dit que si un concessionnaire se présentait pour exécuter les deux embranchements ou l'un des deux embranchements dont est chargée la compagnie Hainaut-Flandres, le gouvernement l'accueillerait avec empressement. Je n'avais pas besoin de faire cette déclaration ; quand j'ai parlé d'ajournement, de mesures à prendre suivant les circonstances, je n'entendais nullement exclure un concussionnaire nouveau.
S'il s'en présentait, j'userais des armes dont je suis muni vis-à-vis de la société. J'attends qu'une demande de concession soit présentée. Si le gouvernement a cru convenable d’agir avec ménagement à l'égard de la société, il n'a pas dit que sa longanimité irait jusqu'à repousser les concessionnaires nouveaux qui se présenteraient.
Mais y a-t-il des raisons pour user vis-à-vis de Hainaut et Flandres d'une rigueur que le gouvernement n'a montrée vis-à-vis d'aucune autre compagnie ? Si vous examiniez toutes les concessions, vous trouveriez qu'il n'est pas une seule compagnie qui n'ait été plus ou moins en retard d'accomplir quelques-unes de ses obligations. La compagnie Hainaut-Flandres se trouve dans la position de presque toutes les compagnies passées ; le gouvernement, c'était son devoir, l'a traitée comme les autres.
Elle émet un capital nouveau de 2,500,000 fr., ce captai est réalisé ; nous nous trouvons donc dans une position plus favorable que dans le passé. Je pense que la section de Basècles à Péruwelz sera construite à coup sûr prochainement. Il sera satisfait ainsi aux intérêts dont l'honorable membre a pris la défense.
Je devrais maintenant traiter diverses réclamations des honorables MM. Vander Donckt et Vilain XIIII et autres membres concernant les tracés de certaines lignes concédées ou à concéder.
Je n'ai rien de catégorique à répondre à cet égard. Les plans des lignes dont il s'agit sont à l'instruction ou ne sont pas encore déposés ; il faut que les projets et les plans me soient soumis. Je ne puis pas fournir ici même d'indication, ce sont des points qui sont subordonnés aux enquêtes et investigations auxquelles se livre l'administration.
Avec le système qu'on propose, on aurait des chemins de fer coûtant cher et peu de concessionnaires sérieux. Il faut prendre les lignes tracées convenablement. Ainsi pour un chei n de la Flandre occidentale sur Bruxelles, c'est de Courrai qu'il faut déboucher.
M. Loos. - L'honorable ministre des travaux publics répondant aux observations que j'avais présentées, est venu faire la démonstration du faible détour qu'éprouverait la ligne directe vers l'Allemagne, si on empruntait la voie jusqu'à Herenthals. Je n'ai pas à m'expliquer là-dessus ; il se présente pour faire la ligne droite trois ou quatre demandeurs en concession, dont trois certainement offrent de faire la ligne la plus droite ; ces trois demandeurs n'empruntent pas le chemin d'Herenthals, je crois même qu'aucun de ces projets n'aboutit à Herenthals. M. le ministre trouve qu'il n'y a que 2 1/2 kilomètres de détour, il nous dit encore : Il n'y a pas possibilité de faire autrement que d'emprunter le chemin de l'Etat, on ne pourrait pas faire de nouvelle percée dans la forteresse.
Mais il y a le chemin de fer hollando-belge qui a une entrée dans la forteresse ; en partant de là on n'aurait pas seulement 2 1/2 kilomètres de différence avec la ligne par Lierre, la distance serait au moins 6 ou 7 kilomètres plus courte.
Je n'insisterais pas comme si, je viens de le dire, il n'y avait pas trois demandeurs qui offrent de faire la ligne la plus directe vers Dusseldorf et Ruremonde ; pourquoi ne pas accepter leurs offres ? A Anvers, la ligne directe vers l'Allemagne était réclamée depuis longtemps ; on prétendait jusqu'à présent qu'il ne se présenterait pas de demandeurs en concession, en affirmant que la ligne ne présentait pas de ressources suffisantes. L'année dernière, enfin, M. le ministre a déclaré que si un demandeur se présentait pouvant garantir l'acquiescement du gouvernement hollandais, on l'admettrait avec empressement.
Il s'en présente trois, pourquoi ne pas accepter celui qui va le plus directement à Ruremonde ? Pourquoi avoir égard aux considérations qu'un demandeur produit dans son intérêt particulier ? L'important est d'aller directement. Vous prétendez que cela coûtera plus cher ; s'il est des concessionnaires qui veulent dépenser plus d'argent, c'est leur affaire ; nous n'avons pas à nous en occuper. Dès qu'ils déposent un cautionnement suffisant, qu'ils prouvent qu'ils disposent des capitaux nécessaires ; c'est tout. Pourquoi vouloir donner la préférence à un quatrième qui ferait un détour de 2 1/2 kilomètres d'après vous, et de six kilomètres, d'après moi, bien que je ne le garantisse pas.
Je persiste dans mon amendement. Je pense que les considérations, que je viens de faire valoir détermineront le gouvernement à donner la concession à celui quî remplira le mieux le but, exécutera la ligne droite vers Ruremonde.
De cette manière aussi on dotera de chemins de fer certaines localités qui en sont privées jusqu'à présent. Il existe déjà une ligne sur Herenthals. Par la concession nouvelle telle que je la veux, on vivifiera toute une partie du pays qui n'a presque pas de communications. Cela est infiniment plus avantageux, mais je le répète, si nous étions absolument tenus par les exigences d'un seul demandeur en concession, il faudrait bien céder, mais comme il s'en présente trois autres qui offrent de faire la ligne directe, je demande que l'on fasse la ligne directe.
M. Goblet. - Messieurs, en commençant à parler tout à l'heure, j'ai dit qu'on mettait beaucoup de légèreté dans la manière dont on concédait les chemins de fer et tous les arguments de M. le ministre des travaux publics sont venus confirmer le bien-fondé de cette assertion.
Il est évident que toutes les raisons qu'il nous a données étaient aussi bonnes il y a deux ans qu'aujourd'hui. L'on ne doit pas venir nous faire voter des cahiers des charges et nous faire accorder des concessions sans savoir ce que l'on nous propose.
Il est évident aussi que, si les concessionnaires ont trompé la religion du ministre ils doivent en supporter les conséquences.
Il y a, dans le cahier des charges, un article qui déclare que les concessionnaires sont parfaitement au courant des choses ; qu'ils ont tout vérifîé par eux-mêmes, qu'ils se portent garants de tout ce qui a été dit et fait.
Or, si les concessionnaires sont venus dire cela au gouvernement si le gouvernement a pris leurs assertions pour de l'argent comptant et qu'aujourd'hui on reconnaisse que l'on s'est trompé, je dis que l'on y a mis beaucoup de bonne volonté et de complaisance.
Le gouvernement prétend faire une excellente affaire en changeant le tracé, mais encore une fois, cette raison devait également sauter aux yeux et être tout aussi convaincante lorsqu'on a accordé le premier tracé.
L'honorable ministre nous assure encore que ce sont les concessionnaires qui supporteront les charges qui doivent donner les bénéfices que le gouvernement fera. Les concessionnaires ne sont pas de cet avis.
Que disent-ils dans leur circulaire ? Après avoir établi le calcul de l'économie qui sera réalisée par le changement du tracé, ils disent que pour cette somme de fr, 461 55, le porteur aura droit à une action privilégiée rapportant 15 fr. de rente remboursable à 500 fr. et à d'autres avantages considérables.
Ainsi les concessionnaires n'ont pas l'air de trouver que ce soit une opération qui diminue leur avoir. Bien au contraire, ils la font valoir comme une grande amélioration de situation et ils font des calculs qui tendent à le prouver.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). -Mais non.
(page 1020) M. Goblet. - Lisez la circulaire. Je viens de vous la lire. Elle est signée par les administrateurs, par ceux qui ont obtenu la concession.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Où voyez-vous dans la circulaire que l'opération dont il s'agit profiterait aux actionnaires ?
M. Goblet. - Je le vois dans le prospectus, où je lis ceci : « D'après une convention soumise à la législature, le tracé partira vraisemblablement de Tubise. Dans ce cas, le capital sera réduit à 12,000,000 de francs et par suite l'action sera libérée à fr. 461 55 et, intérêt déduit, à fr. 441 55. »
« Il en résultera que pour cette somme de fr.461-55, le porteur aura droit à une action privilégiée rapportant 15 fr. de rente remboursable à 500 fr. et à laquelle on peut assigner une valeur minimum de 300 fr. et une action de dividende qui lui coûtera fr. 161-55 qui sera également remboursable par 500 fr. et qui offre toutes les chances d'avenir des meilleures actions de chemins de fer. »
Il résulte évidemment de ce texte qu'on a voulu persuader aux actionnaires qu'ils seront plus avantagés en payant moins.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Il n'en résulte pas du tout qu'ils recevront autant. C'est là toute la question.
M. Goblet. - Je ne dis pas cela.
Mais cela résulte de ce qui se trouve dans le prospectus. Ceux qui ne sont pas initiés à ces sortes d'affaires peuvent être pris par ce texte.
Dans tous les cas, je ne vois pas en quoi l'honorable ministre nous a prouvé que l'idée première du chemin de fer direct devait être altérée que les engagements pris devaient être abandonnés.
Il prétend qu'il n'y aura qu'un retard de 5 ou 6 minutes, mais je vais lui prouver, et il ne pourra pas me démentir, qu'en évaluant ce retard à une demi-heure, je ne m'étais pas trompé, bien entendu si l'on prend 4 stations, car en ne faisant que 2 stations à Tubize et à Lembecq le retard ne serait peut-être pas tout aussi grand.
Vous m'accorderez 5 minutes pour le trajet de la distance en plus. Je prends 1 1/2 minute pour ralentissement avant la station et 1 1/2 pour mise en train au départ ; 5 minutes de halte par station cela fait 8 minutes, soit pour 2 stations 16 minutes. Avec les 5 minutes pour l'allongement du parcours nous arrivons à 19 minutes minimum, sans compter les ralentissements aux aiguilles et au sortir des voies dont j'ignore le nombre.
Vous voyez donc, qu'une demi-heure pour 4 stations n'est pas exagéré.
On dit : L'Etat fait un bénéfice. Mais l'Etat ne doit pas se placer uniquement à un point de vue fiscal.
Si vous voulez avoir une ligne directe, ce n'est pas seulement un but d'économie, mais bien pour donner de plus grandes facilités à la circulation des voyageurs et des marchandises.
On nous donne encore comme argument sérieux que Lembecq et Tubize seront desservis deux fois. Mais ces localités n'en seront pas mieux desservies ; leurs habitants auront peut-être moins long pour aller à Tournai, mais le temps qu'ils gagneront sera pris sur le temps des populations de Hal, de Bruxelles et du reste du pays qui useront de cette voie.
Je prétends donc, messieurs, que puisque le chemin de fer est exécutable par Hal on doit maintenir ce tracé. Ce n'est pas parce qu'il y a des rampes que l'on doit le modifier.
M. le ministre dit qu'il y a 6 millimètres. Les plans qui nous ont été communiqués par les bourgmestre et échevins de Hal et tracés par des ingénieurs très compétents ne donnent que 5 millimètres.
Les difficultés de vaincre des rampes aussi peu sensibles ne sont pas des motifs suffisants pour déclarer que nous avons accordé sans connaissance de cause la concession qui a été votée par la Chambre.
Au début de l'exploitation du chemin de fer, cette objection eût pu avoir certaine gravité, mais aujourd'hui grâce aux progrès dans l'art de traction et dans la construction des machines, ce n'est plus là une chose à redouter.
Il y a un grand nombre de communes qui n'auront jamais de chemin de fer, si l'on adopte le tracé de Tubize à Enghien au lieu de celui de Hal à Enghien, ce sont les communes de Bellinghen, Bogaerden, Brages, Saintes, Pepinghen et Castre, dont la population s'élève à plus de 7,000 âmes, tandis que Lembecq et Tubize sont desservies déjà.
Si après avoir accordé une concession qui est parfaitement exécutable on voulait modifier le tracé parce que les concessionnaires ont trompé le ministre, la Chambre et le pays, il y aurait là bien plutôt un cas de forfaiture en matière de concession et je seras bien plus disposé à leur retirer la concession. Je voterai donc contre la proposition qui nous est faite.
Pour ne pia reprendre la parole je me permettrai d'adresser à l'honorable rapporteur une demande non pas d'explications, mais d'éclaircissements.
Nous avons reçu, à propos du chemin de fer de Dusseldotf, une pétition signée par un sieur Desfossés. Comme c'est l'honorable M. d'Hoffschmidt qui en qualité de ministre a été en relation avec le pétitionnaire, et que les arguments qu'il fait valoir pour établir l'existence de droits primordiaux en sa faveur me paraissent assez sérieux, il me serait excessivement agréable que l'honorable rapporteur voulût bien me donner quelques explications.
M. d'Hoffschmidt, rapporteur. - Messieurs, je m'empresse de donner à l'honorable préopinant les explications qu'il a bien voulu me demander.
En 1845, j'étais à la tête du département des travaux publics. Convaincu de la haute utilité d'un chemin de fer direct entre notre métropole commerciale et le Rhin, j'avais accueilli favorablement des ouvertures qui me furent faites par M. Desfossés qui avait organisé une compagnie dans le but d'obtenir la concession de ce chemin de fer. Une convention fut signée en 1845 entre le ministre des travaux publics et M. Desfossés et d'autres concessionnaires.
J'avais exigé des demandeurs en concession, le dépôt préalable d'un cautionnement d'un million de francs qui devait être suivi du dépôt d'autres sommes jusqu'à concurrence de 4 millions.
D'autres conditions étaient encore imposées aux concessionnaires ; ils étaient disposés à les remplir. Le cautionnement d'un million fut déposé, et si la concession n'a pas eu de suite, c'est parce que le gouvernement néerlandais s'est refusé, malgré toutes les instances des concessionnaires, à accorder l'autorisation de traverser son territoire.
C'est donc par une cause tout à fait indépendante de la volonté des concessionnaires que ce chemin de fer, qu'on reconnaît aujourd'hui encore d'une aussi haute utilité pour le commerce belge, n'a pas été exécuté.
Le concessionnaire principal s'est adressé à la Chambre et a même envoyé des copies de la pétition à chacun d'entre vous, pour réclamer la bienveillance du gouvernement et de la Chambre.
Je crois qu'il a en effet des titres à la sollicitude du gouvernement. Il s'est trouvé dans une position tout à fait exceptionnelle. Ce n'est pas une simple demande en concession qu'il avait adressée au gouvernement. Il avait obtenu une concession provisoire ; il avait déposé un cautionnement et il se trouvait tout à fait en mesure, à cette époque, d'exécuter ses engagements.
Je crois donc qu'il y a lieu pour M. le ministre des travaux publics d'examiner attentivement si une indemnité n'est pas due au sieur Desfossés, bien entendu par le concessionnaire définitif. Or, comme il me semble qu'il y a trois demandeurs en concession, je pense que dans une certaine limite on pourrait accorder une indemnité au sieur Desfossés.
Je crois que j'ai répondu complètement à la demande qui m'a été adressée.
M. Guillery. - Deux mots seulement sur la question du chemin de fer de Hal.
Je ne veux pas rentrer dans toutes les considérations qui ont été émises par plusieurs honorables collègues. Je ne veux que venir conjurer M. le ministre des travaux publics de renoncer à cette partie de son projet.
A mes yeux, il y a ici une question de bonne foi, je dirai même une question de loyauté. Il s'agit de savoir si, oui ou non, on exécutera un engagement.
Une loi a été promulguée. Cette loi est un engagement vis-à-vis des intéressés. Lorsque nous votons une loi, lorsque cette loi est votée ensuite par le Sénat et sanctionnée par le pouvoir exécutif, il est évident qu'il y a là un engagement envers tous les intéressés. Il y a engagement pris par le législateur, engagement de faire passer le chemin de fer dont il s'agit par la ville de Hal et non par Tubize.
Si l'on ouvre aux sociétés concessionnaires cette porte, si on leur laisse entendre que lorsqu'elles auront obtenu une concession, après avoir déclaré dans un cahier des charges qu'elles connaissaient parfaitement l'entreprise, il suffit d'une simple demande pour obtenir, souvent dans un intérêt privé, qu'un projet soit complètement modifié, il n'y a plus de véritable contrat entre le gouvernement et les concessionnaires, entre la nation et les personnes intéressées.
J'ajouterai en m'adressant à M. le ministre des travaux publics, et ceci est tout à fait dans l'intérêt de son repos et de sa tranquillité : c'est que si l'on permet toutes ces réclamations, il n'aura plus un moment à lui.
Il n'y aura pas une société concessionnaire qui, en mettant la main à l'œuvre, ne trouve qu'on peut améliorer ceci, économiser sur cela. Un propriétaire important viendra réclamer, parce qu'il voudra que le chemin de fer passe par chez lui. Un autre demandera une station dans tel endroit plutôt que dans tel autre, et ainsi les contrats de concession ne signifieront plus rien.
Il y a, messieurs, une loi. Cette loi a été votée. Elle a été votée en connaissance de cause et elle indique un tracé direct par la ville de Hal.
(page 1021) M. le ministre des travaux publics nous dit que la société n'a pas en réalité d'intérêt à ce que la ligne passe par Tubize. Mais s'il en est ainsi, nous sommes tous d'accord. Nous tendons la main à la société concessionnaire, et puisque cela lui est égal, qu'elle choisisse de préférence ce qui est conforme à un engagement pris et signé par elle.
Il n'y a en réalité pas de motifs pour ne pas remplir cet engagement. Car on nous a concédé que les rampes de 6 millimètres ne sont pas un obstacle.
Nous savons sans être ingénieurs, et ceux d'entre nous qui se sont le moins occupés de chemins de fer savent parfaitement que, dans l'état actuel de l'industrie, des rampes qui autrefois étaient formidables ne sont plus rien aujourd'hui, par la raison que les machines locomotives, étant beaucoup plus fortes, peuvent facilement franchir des rampes qui étaient jadis infranchissables. Ainsi les machines locomotives peuvent parfaitement monter les plans inclinés de Liège sans le secours des machines fixes. Cela ne peut se faire en service régulier, mais je cite ce fait pour donner une idée de ce que peuvent aujourd'hui les machines locomotives. Ne voyons-nous pas sur la ligne de Bruxelles à Namur les locomotives franchir des rampes extrêmement fortes, à tel point qu'au sortir de Namur on voit, au bout de quelques minutes, le chemin de fer de l'Etat dans une vallée.
Cet argument est donc sans valeur et il est abandonné, avec raison, par le gouvernement.
Il ne reste plus qu'un seul petit argument à l'appui de la proposition qui nous est faite : c'est le bénéfice qu'aurait le gouvernement en faisant un chemin de fer plus long. Mais est-ce pour un motif semblable que vous allez revenir sur une loi solennellement votée et solennellement promulguée ? Comment ! l'on nous fera payer plus cher pour augmenter les recettes du gouvernement !
Mais c'est le contraire de ce qui doit se faire en matière de chemins de fer. Quand on fait un chemin de fer direct de Bruxelles à Louvain, chemin de fer dont il est inutile de démontrer l'utilité, comme le disait un ancien exposé des motifs, on diminue la recette sur les lignes de Bruxelles à Malines et de Malines à Louvain, et l'on dépense de plus une somme considérable pour construire la voie.
Lorsqu'on a concédé à la société du Luxembourg le chemin de fer direct de Bruxelles à Namur, ce qui était parfaitement inutile, puisqu'on pouvait prendre le chemin de fer de l'Etat pour aller à Namur, mais on a entamé les recettes du trésor, on a fait un sacrifice pour aller plus vite et on a eu parfaitement raison. Aujourd'hui au contraire après avoir voté un projet de loi qui trace une ligne droite de Leuze à Ath, on vient modifier ce tracé et faire une ligne d'Enghien à Tubize pour avoir le plaisir de faire prendre le chemin de fer de l'Etat, et on dit que c'est dans l'intérêt des recettes de l'Etat. Mais si vous faisiez prendre par Braine-le-Comte, vous auriez des recettes encore plus fortes.
Je voulais simplement appeler l'attention de M. le ministre des travaux publics sur ce point, qu'il y a engagement pris et j'espère encore qu'après avoir vu la répugnance qu'il y a dans la Chambre à revenir sur cet engagement et en présence des réclamations énergiques des populations qui, en définitive, viennent invoquer la foi jurée, j'ai encore l'espoir que le gouvernement consentira à retirer cette modification.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Messieurs, je ne puis pas me rendre à l'invitation de l’honorable M. Guillery. Il y a pour moi un devoir à remplir, c'est de soutenir l'intérêt de l'Etat et l'intérêt du public tel que je les comprends. Je n'éprouve pas l'ombre d'une hésitation, l'ombre d'un doute dans la circonstance actuelle ; je crois que ce que j'ai fait est dans l'intérêt du trésor est parfaitement compatible avec l'intérêt des populations.
Si la Chambre veut rejeter la convention dont il s'agit, je me soumettrai très volontiers à son jugement, mais je ne prendrai pas l'initiative. Que la Chambre juge donc dans sa liberté absolue. Je reste avec mon projet, et si la Chambre le repousse, il n'en sera plus question, je ne garderai pas certes rancune et j'aurai fait mon devoir jusqu'au bout.
M. Coomans. - C'est l'enterrement de l'affaire.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Ce n'est pas l'enterrement de l'affaire.
L'honorable M. Guillery parle de loyauté et de bonne foi : Vis-à-vis de qui ? A qui a-t-on fait une promesse ?
M. Goblet. - On a pris des engagements positifs.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Quels engagements ? Au nom de qui parlez-vous ?
M. Orts. - An nom de la ville de Hal.
M. Guillery. - C'est au nom de tous les intéressés, quels qu'ils soient.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - On parle de la ville de Haï. Est-ce que la ville de Hal sera privée, par hasard, de son chemin de fer ? Est-ce que les convois partant de Bruxelles comme les convois se dirigeant vers Bruxelles ne s'arrêteront plus dans la station de Hal ?
On a beaucoup trop parlé de la société pour que je ne dise pas aussi non ce que je pense mais ce que je soupçonne, quant au mobile qui fait agir certains opposants. Je le dis très franchement, je n'ai aucune preuve, mais j'ai un soupçon : c'est que, dans les réclamations parties de Hal, il y a certaines suggestions provenant d'intérêts privés. Comme le tracé partant de Hal comporte à Hal et aux environs des expropriations de terrains, je ne sais pas s'il n'y a point là, je le répète, certaines suggestions qui ne s'avouent pas tout haut. (Interruption.)
Mais, messieurs, ne vous étonnez pas tant. J'ai tous les jours de ces questions à résoudre, de ces difficultés à trancher, de ces prétentions à combattre. Il ne se fait pas de station ni une section de chemin de fer, quelque petites qu'elles soient, où il n'y ait de ces réclamations de propriétaires ; les uns voulant que les travaux s'exécutent sur leur terrain, les autres voulant qu'ils s'exécutent sur le terrain de leurs voisins.
Eh bien, depuis qu'on plaide si vivement l'intérêt de Hal, je me suis loyalement interrogé pour savoir au nom de quel intérêt on parlait, et je ne vois que ce que je viens de dire. Comment Hal intéressé ! Hal qui n'aura ni un convoi de plus ni un convoi de moins dans l'une ou l'autre combinaison.
M. Orts. - Je dirai comment Hal est intéressé dans la question.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Je désire que vous m'éclairiez. Si vous me donnez des raisons admissibles, certainement je me rendrai à la vérité, car je n'y mets pas d'amour-propre, soyez-en bien convaincu. Mais jusqu'à ce que vous m'ayez donné la preuve du contraire, je dis que Hal est hors de cause. Je ne dis pas que tous les propriétaires soient hors de cause, mais la population de Hal est hors de cause.
En sortant de Hal, quelque direction que l'on prenne, quelle est la première station nouvelle que l'on rencontre ? Si l'on suit le tracé direct, c'est Biceges, et si l'on suit le tracé indirect, c'est Bierges, en passant par Lembecq et Tubize.
Voulez-vous me dire quelles sont les populations intéressées à ce qu'on ne passe pas par Lembecq et Tubize ?
Qu'on atteigne Bierges directement ou indirectement, je ne vois pas en quoi cela peut intéresser les populations de Hal et des environs.
Au--delà de Bierges le tracé est le même ; en aucun cas, rien n'est changé.
Quelles sont donc, messieurs, les populations qui se trouvent atteintes dans leurs intérêts par la modification proposée ? Les populations auxquelles on n'offre qu'un raccourcissement de 14 1/2 kilomètres au lieu d'un raccourcissement de 16 kilomètres.
Eh bien, si c'est là l'argument concluant que vous mettez en parallèle avec l'intérêt du trésor, je vous en prie, soyez logiques jusqu'au bout, ne dirigez pas le chemin de fer sur Hal, dirigez-le sur Bruxelles. (Interruption.)
Je le répète, ou bien la logique veut qu'on prenne le chemin absolument le plus court et alors dirigez-vous directement sur Bruxelles ; ou bien la logique ne veut pas que vous preniez à tout prix le chemin le plus court, et alors ne me reprochez pas cet allongement de 1,500 mètres.
Je vous défie de dénier que nous ne mettions pas 2 à 3 millions de francs dans les caisses de l'Etat par l'insignifiante modification de tracé projetée.
Le bel intérêt, dit l'honorable M. Guillery. Mais, messieurs, 2 à 3 millions, c'est quelque chose, c'est un canal, c'est une route, c'est un chemin de fer. Si ce n'est rien, commencez par faire disparaître toutes les déviations que vous rencontrez sur le chemin de fer de l'Etat. Encore une fois, soyez logiques jusqu'au bout.
L'intérêt de la société !...
Eh bien, je vous ferai encore une confidence : la Chambre reconnaîtra que j'y suis convié par la discussion.
Comment est-on arrivé au projet de loi ? D'après les propositions de la compagnie, on serait parti de Tubize ; la société concessionnaire aurait versé 400,000 francs d'abord, puis un million de francs dans la caisse de l'Etat ; mais la société aurait continué à toucher la moitié de la recette sur toute la ligne depuis Hal, c'est-à-dire, même entre Hal et Tubize,
Cela lui aurait rapporté, sur 5 kilomètres, 75,000 fr. au moins pour la section de Tubize à Hal. J'ai refusé : l'opération aurait été trop naïve de la part de l'Etat : on a insisté, mais on a pu facilement constater que mon refus était absolu.
(page 1022) Je voulais que toute la recette entre Hal et Tubize fût conservée à l'Etat.
Dès lors la compagnie a retiré si demande de modification et elle a déclaré que, puisque le gouvernement n'acceptait pas l'arrangement sur les bases qu'elle avait proposées, elle s'en tenait au projet primitif, à la combinaison pure et simple de la loi de 1862. C'est alors, - je puis faire connaître à la Chambre ce détail, car il porte sur un fait honorable pour celui que je vais citer, - c'est alors que j’ai dit à l'un des négociateurs, à M. Bruneau, ancien membre de cette Chambre, l'un des concessionnaires de la ligne :
« Il ne vous est pas permis de traiter cette affaire seulement en spéculateur, souvenez-vous que vous êtes un ancien membre du gouvernement, que vous avez eu l'honneur de siéger sur les bancs de ma Chambre. Votre combinaison, telle que je vous propose de la modifier en ce qui concerne le partage des recettes, est, j'en conviens, avantageuse à l'Etat, elle cesse de l'être, elle devient indifférente à votre société ; eh bien, je fais un appel à vos sentiments élevés et je vous demande de réaliser la combinaison dans le sens indiqué par le gouvernement nonobstant l'absence d'intérêt de votre compagnie. » M. Bruneau a donné son consentement sans hésiter.
Voilà comment cette affaire est venue à être produite dans cette Chambre sur les bases que vous connaissez, si différentes des bases proposées par la compagnie.
Messieurs, ce n'est donc pas la compagnie qui a demandé l'arrangement, tel que il vous est soumis ; c'est moi qui l'ai provoqué, et si je l'ai provoqué, c'est que l'intérêt de l'Etat m'était, à moi, prouvé clair comme le jour. Si donc la Chambre rejette la convention qui est intervenue, elle assumera la responsabilité de ce rejet.
M. Orts. - Messieurs, je répondrai en quelques mots à l'interpellation que M. le ministre des travaux publics m'a adressée ; mais je rencontrerai auparavant un argument sur lequel l'honorable ministre s'est appuyé avec une certaine complaisance et qui lui paraît être resté sans réplique.
Si l'objection, qui est faite à la direction nouvelle proposée par le gouvernement au chemin de fer de Tournai sur Bruxelles, est véritablement sérieuse, si le parcours plus long qui doit en être la conséquence, doit être exclusivement pris en considération, il faut, pour rester logique, commencer par rectifier toutes les lignes de l'Etat, actuellement existantes, de manière à avoir partout des tracés directs d'une localité à une autre ; vous devez, de plus, demander un chemin de fer de Tournai à Bruxelles, en ligne directe ; tel est l'argument de M. le ministre.
Messieurs, nous ne demandons pas un chemin de fer direct de Tournai à Bruxelles, nous demandons le maintien pur et simple de la loi de 1862 et nous nous croyons cependant logiques.
Le chemin de fer de Tournai à Bruxelles a été décrété par voie de concession. Pour qu'une concession de chemin de fer soit possible, il faut qu'elle soit fructueuse pour le concessionnaire ; sinon, il ne se présentera pas de concessionnaire et le chemin ne se fera pas. Les concessions de chemins de fer ne sont fructueuses pour les concessionnaires qu'à la condition de desservir des localités d'une certaine importance. Or, pour réunir ces conditions dans le chemin de fer de Bruxelles à Tournai, il faut que la voie desserve, autant que faire se peut, toutes les localités importantes que traversaient les anciennes routes pratiquées par les voitures, et que traverse le projet voté en 1862. Une ligne droite à vol d'oiseau laisse toutes ces localités à l'écart.
Voilà pourquoi nous ne demandons pas un chemin de fer direct de Bruxelles à Tournai, pourquoi nous nous bornons à demander un chemin de fer le plus direct possible, et ce chemin, nous l'avons obtenu par la loi de 1862, et nous voulons le garder.
Voilà pourquoi nous combattons la nouvelle proposition de M. le ministre des travaux publics.
Y a-t-il, a demandé l'honorable ministre, un intérêt sérieux dans le maintien de la direction de la ligne, selon qu'elle a été décrétée en 1862.
Certainement ; nous ne combattons pas la proposition de M. le ministre des travaux publics uniquement pour le plaisir de la combattre : Nous sommes, en parlant comme nous le faisons, l'organe d'intérêts sérieux et qui protestent haut et ferme contre le tracé nouveau.
Mais, dit le ministre des travaux publics, l'intérêt public n'est pas en cause, il s'agit uniquement d'intérêts privés ; ceux qui réclament sont des gens possédés du désir, de la manie d'être expropriés pour cause d'utilité publique.
D'honorables collègues ont fait à cet argument une réponse immédiate : ni à Tournai, ni à Ath, il ne peut être question d'intérêts du genre de ceux auxquels M. le ministre des travaux publics fait allusion. Les représentants de ces localités réclament dans le même sens que les représentants de l'arrondissement de Bruxelles,
Mais, poursuit l'honorable ministre, quel autre intérêt sérieux peut avoir la ville de Hal au maintien de la combinaison ? A cette question précisément j'ai promis une réponse. Avec l'expérience qu'il a acquise dans l'exercice de ses fonctions, en fait de chemins de fer, M. le ministre des travaux publics croit-il franchement qu'il soit indifférent à une localité d'être le point d'intersection ou de raccordement des chemins de fer, ou de n'avoir qu'une seule voie ferrée ? Croit-il que pour l'avenir la prospérité de la ville ne soit pas intéressée à conserver la première de ces positions quand elle la possède ? N'est-il pas vrai que la station de Hal, devenant le point de jonction d'un second chemin de fer, acquiert une importance considérable, peut devenir le point de raccordement d'un troisième et d'un quatrième raccordement qui devraient s'opérer dans son voisinage, précisément parce qu'il en existe déjà un premier.
Prenons pour exemple la combinaison proposée, et nous allons voir.
M. le ministre des travaux publics, obligé de choisir entre Ath et Tubize, est forcé d'opter dans l'intérêt public, au profit de la station la plus imposante.
Je suppose le chemin de fer de Luttre à Denderleeuw décrété ; vous devriez faire passer le chemin de fer par Hal ou par Tubize.
Or, si la ville de Hal est déjà raccordée à deux chemins de fer, ce sera pour elle un titre de préférence déterminant sur Tubize. Ce titre sera invoqué avec succès par Tubize au contraire si le chemin vers Tournay se rattache chez elle à la voie nouvelle.
Hal a encore un autre intérêt engagé dans ce débat ; il a d'abord contre sa station le canal de Charleroi qui amène des transports importants ; il n'est pas indifférent à l'importance commerciale de la ville de Hal, comme station du canal, d'avoir deux ou trois lignes de chemin de fer qui se raccordent à son quai.
Voilà un intérêt sérieux de plus pour Hal, intérêt qui nous permet de réclamer en son nom sans encourir le reproche de montrer une complaisant servile pour des intérêts particuliers peu avouables, et qui ne mériteraient évidemment pas d'attirer l'attention de la Chambre.
C'est en résumé au nom d'un intérêt important que nous réclamons» que la ville de Hal a le droit de réclamer.
Une loi lui a assuré les bénéfices de sa position, c'est une propriété qu'elle a acquise. Son droit est aussi sacré que celui qui résulterait pour un particulier d'un contrat en bonne et due forme. Aujourd'hui on vient au nom de l'Etat vous proposer de lui enlever cette propriété ; si c'est au nom de l'intérêt public, soit ! mais dans ce cas, que ce ne soit pas sans compensation, et si l'on veut exproprier Hal pour utilité publique, qu'on l'indemnise du moins du préjudice qu'on lui causera. On ne le fait pas ; nous nous opposons à cette injustice.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - J'ai eu l'honneur de conclure hier, avec le représentant des Etats-Unis à Bruxelles, une convention additionnelle au traité de commerce et de navigation du 17 juillet 1858.
Cette convention est courte ; elle ne renferme que quelques stipulations, je pense qu'il entrera dans les intentions de la Chambre de la joindre aux divers traités qui lui restent encore à voter. J'en demanderai donc le renvoi à la section centrale qui a été chargée d'examiner les traités avec les Pays-Bas et avec la France. (Oui ! oui !)
M. le président. - Il est donné acte à M. le ministre de ce dépôt ; les pièces seront imprimées et distribuées, et leur examen' confié à la section centrale chargée d'examiner le traité avec les Pays-Bas.
M. J. Jouret. - Je désirais répondre à ce que M. le ministre des travaux publics a dit de la section de Houdeng à Jurbise ; il me semble donc qu'il serait préférable de laisser continuer le débat sur la question qui est discutée en ce moment.
M. Van Humbeeck. - Après ce que vient de dire l'honorable M. Orts, je n'ai aucune considération nouvelle à présenter.
Cependant, je me permettrai de compléter la défense du mobile qui fait agir les députés de Bruxelles en cette circonstance.
On s'est demandé quel était en définitive l'intérêt si grand de la ville de Hal dans cette question et l'on semble croire qu'en appuyant ses réclamations on cède à des suggestions d'intérêt privé. Mais, messieurs, on a oublié qu'avant que cette question fût portée devant la Chambre, qu'avant que les intérêts de Hal trouvassent des organes dans cette (page 1023) enceinte, le conseil communal da Hal, autorité respectable, qui s'est occupée des intérêts de la ville tout entière et non de quelques intérêts privés, avait consacré à la défense de sa cause un mémoire qui vous a été adressé et dans lequel toutes les considérations de l'exposé des motifs sont successivement réfutées. Le conseil communal de Tournai a suivi la même marche.
Quand des corps constitués, chargés de veiller aux intérêts spéciaux des populations, croient devoir faire entendre des réclamations dans cette enceinte, il me semble que ces réclamations sont respectables et que les intérêts qu'elles ont pour objet de protéger, peuvent être honorablement défendus.
M. Hymans. - Je n'ai rien à ajouter aux observations qui viennent d'être présentées par mes honorables collègues de Bruxelles, au sujet du chemin de fer de Hal à Ath. Je me borne à m'y rallier en les appuyant de toutes mes forces.
L'honorable M. Goblet a appelé l'attention du gouvernement sur une concession faite il y a plusieurs années à un sieur Desfossés, du chemin de fer d'Anvers à Dusseldorf. Je crois, comme l’honorable M. d’Hoffschmidt que le sieur Desfossé a droit à une indemnité, attendu que c'est par une cause indépendante de sa volonté qu'il a dû retirer son cautionnement. Mais je ferai remarquer à la Chambre que le sieur Desfossés n'était pas seul intéressé : il devait, aux termes de sa convention avec le gouvernement, une indemnité à M. Boucquié-Lefebvre, l'auteur des études et des plans, lequel est rentré en possession de tous ses droits par le fait même de la non-exécution de la convention. Sans me prononcer sur les droits respectifs des deux parties en cause, je crois qu'il y a lieu de renvoyer au gouvernement les pétitions des sieurs Boucquié-Lefebvre et Desfossés.
M. H. Dumortier. -Les observations qui viennent d'être échangées entre les honorables M. Goblet, d'Hoffschmidt et Hymans soulèvent une question de principe d'une gravité réelle ; c'est la question des droits d'auteur.
Nous avons plusieurs lignes qui sont sollicitées simultanément par plusieurs demandeurs en concession. Je désirerais savoir quels sont les principes suivis par le gouvernement en ce qui concerne non seulement la question de la priorité, mais encore celle de l'indemnité qui peut être due aux personnes qui sont les auteurs des plans. J'ai cherché à me renseigner sur la législation qui régit cette matière.
Je me suis adressé aux hommes les plus compétents, et personne n'a pu me dire autre chose si ce n'est que la plus grande incertitude existe à ce sujet, que tout cela est abandonné à l'appréciation du gouvernement, et qu'il n'existe à cet égard aucune disposition législative ni administrative.
Il me semble, messieurs, que c'est là une lacune qui devrait être comblée. Il importerait de savoir à quelles conditions on peut être considéré comme auteur d'un projet de chemin de fer.
Quand, dans la première période de nos chemins de fer, leur construction faisait l'objet d'adjudications publiques, ce point était clairement déterminé ; celui avait fait les plans était considéré comme l'auteur du projet lorsque d'ailleurs il emplissait plusieurs conditions qui étaient assez onéreuses, puisqu'il fallait non seulement avoir fait des études réelles qui avaient souvent coûté beaucoup d'argent et de peines, mais même avoir déposé un cautionnement assez considérable.
Aujourd'hui, les concessions de canaux et de chemins de fer ayant une étendue de moins de 10 kilomètres, sont les seules qui font l'objet d'une adjudication publique et où des droits d'auteur sont encore garantis. Pour les autres travaux plus importants, il n'y a pas de règle fixe quant aux droits d'auteur, et cette question continue à soulever de vives réclamations et de grandes difficultés. Je pense donc qu'il y a là une lacune qu'il importerait de combler le plus tôt possible. En l'absence d'une jurisprudence administrative claire et précise, l'administration continuera à se voir assaillie par des personnes qui, pour avoir tracé quelques lignes sur une carte, prétendent à des indemnités, et revendiquent des droits d'auteur ; d'autres qui auront fait de grandes dépenses pourront se voir enlever le fruit de leurs travaux sans recevoir aucune indemnité.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Un mot seulement comme renseignement à la Chambre sur le point qui vient d'être soulevé. Je ne me suis jamais mêlé des questions d'intérêt qui peuvent se débattre entre demandeurs en concession sur le droit de priorité ; ce sont des questions très délicates. Je déclare que je ne m'entremettrai pas entre les réclamants sur des questions de cette nature.
Voici la pratique qui a toujours été suivie par moi, que je suivrai toujours, que je crois la seule équitable, la seule conforme à l'esprit qui doit présider aux affaires de ce genre.
Quand quelqu'un a fait des études et demande une concession, s'il est capable de la mener à fin, il doit obtenir la préférence ; si au contraire il n'a pas pu se mettre en mesure d'exécuter son projet, je le considère comme étant sans droit.
Si quelqu'un ayant fait des études et ne s'étant pas trouvé à même de réaliser la concession, vient réclamer une indemnité quand la concession est accordée à un autre, non seulement je ne m'en mêle pas, mais je trouve qu'il ne lui est rien dû, à moins que le concessionnaire ne lui emprunte ses plans ; c'est alors une question à régler entre eux ; le gouvernement ne doit pas s'en mêler.
S'il en était autrement, quand une concession serait accordée, on verrait de prétendus inventeurs s'abattre sur cette concession comme sur une proie. Des réclamations surgiraient de tous côtés de la part de gens qui seraient peut-être incapables de réunir mille francs.
Je ne considérerais un demandeur en concession comme pouvant réclamer une indemnité que s'il était demandeur sérieux, en position de réunir les capitaux nécessaires pour mener la concession à fin ; dans le cas contraire, je tiens qu'il n'a aucune espèce de droit. C'est pour ce motif que le gouvernement n'accueille que les demandes faites par des personnes capables de les exécuter ; sans cela le gouvernement ne pourrait que se compromettre dans les questions de priorité qui pourraient s'élever ; les ministres du caractère le plus pur ne pourraient qu'y risquer leur réputation. Encore une fois je le déclare, je ne m'en mêlerais pas.
En ce qui concerne M. Desfossés, quand la concession a été accordée, il n'a pas pu réunir le cautionnement de 4 millions exigé par le cahier des charges. Il a fait preuve d'impuissance. Le gouvernement néerlandais avait, dit-il, déclaré ne pas permettre le passage sur son territoire ; cela est possible, mais j'affirme qu'il n'a pas pu réunir la somme de 4 millions stipulée au contrat pour garantir le capital nécessaire à l'exécution de la concession. Je fais cette communication à la Chambre afin qu'on sache que si j'étais appelé à m'occuper de cette affaire je m'abstiendrais comme je l'ai toujours fait en pareil cas.
M. B. Dumortier. - Je désire ajouter une petite considération en faveur du tracé direct de Tournai à Bruxelles. Le ministre a renoncé à l'argumentation du chef de la rampe, mais il maintient celle relative à ce qu'il appelle l'intérêt de l'Etat ; c'est sur ce point que je veux répondre deux mots.
L'intérêt de l'Etat est d'avoir un détour pour gagner 100 mille francs de recettes qu'il n'aurait pas sans cela ; cette somme capitalisée ferait deux millions au profit de l'Etat.
Je suppose que vos calculs sont bien faits pour que le chemin de fer rapporte cent mille francs de plus ; mais où trouverez-vous ces 100 mille francs ? Dans la poche de ceux qui se serviront du chemin ; c'est un impôt sur les voyageurs et les marchandises ; or, l'Etat a-t-il tenu ce langage quand on a concédé la route de Namur à Bruxelles ? Evidemment l'Etat n'a pas tenu ce langage. C'est une grande direction, dira-t-on. Quand le gouvernement a construit la route d'Aix qui fait concurrence à la route de Verviers, qui enlève les voyageurs et les marchandises à la route de Verviers, est-ce qu'il est venu parler de son bénéfice ? Jamais l'Etat n'est venu mettre le bénéfice de l'Etat dans la balance en présence de l'intérêt des populations, des voyageurs.
Partout, quand on nous présente une concession, cette considération est secondaire. Pourquoi le ministre la met-il en première ligne dans cette circonstance ?
Je ne comprends pas cette exception, mais après tout le bénéfice serait-il réel ? Non, car par le contrat conclu en vertu de la loi votée, d'Ath à Hal, il a été stipulé qu'une station serait établie à Hal ; celle qui existe aujourd'hui est dans le même état que celle de Vilvorde, c'est une simple station de passage qui ne peut pas rester telle qu'elle est. Si on doit la faire alors, qui la fera ? Ce sera l'Etat, il fera une dépense qui compensera le bénéfice dont on parle, il en résultera que si l'Etat bénéfice d'un côté il perdra de l'autre, de sorte que l'argument tiré du bénéficie de l'Etat tombe.
On a dit que les localités qui réclament pourraient être influencées par des personnes qui ont intérêt à être expropriées. Moi je demande que nous ne nous laissions pas influencer par les demandeurs en concession qui ont un très beau bénéfice dans l'affaire. Car il résulte des pièces qui nous ont été communiquées qu'aucune concession faite en Belgique n'amènera des bénéfices comparables à ceux que procurera cette ligne. Il est évident qu'avec les bénéfices qu’ils vont réaliser, les concessionnaires pourront faire la petite tranchée de Bicrges et construire la station de Hal au dégrèvement de l'Etat, car si la société ne fait pas la station, c'est l'Etat qui devra la payer.
Je crois que la capitalisation dont parle M. le ministre n'existe que dans (page 1024) son imagination et que vous pouvez en toute sécurité maintenir le vote de l'an dernier, c'est-à-dire la ligne directe de Tournai à Bruxelles.
Si cette ligne n'était pas directe, nous rétamerions pour qu'elle le fût, mais nous nous contentons de ce qu'on nous a accordé, et je pense que la Chambre fera bien de maintenir sa décision de l'an dernier.
- Plusieurs membres. - La clôture !
M. Mercier. - Je remarque avec regret que la question d'économie exerce si peu d'influence sur l'esprit de beaucoup d'honorables membres qui ont pris la parole dans cette discussion ; quant à moi je félicite M. le ministre des travaux publics de la constante avec laquelle il n'a cessé de défendre les intérêts du trésor dans cette discussion. Comment ! il s'agit pour l'Etat d'un revenu de 100,000 francs de plus annuellement et c'est à peine si l'on y fait attention ; comme l'a fait observer M. le ministre, c’est en réalité, en capitalisant les intérêts, un sacrifice de deux millions que l'on imposerait au trésor public.
Les honorables représentants de Bruxelles ont tous parlé amplement en faveur du tracé par Hal ; c'est à peine si j'ai pu obtenir la parole à mon tour pour défendre d'autres intérêts. Les honorables membres épousent avec ardeur les intérêts des localités importantes de l'arrondissement de Bruxelles dont ils tiennent leur mandat. Je suis loin de leur en faire un reproche ; mais j'ai droit de faire appel à leur impartialité ; qu'ils veuillent bien réfléchir qu'il y a d'autres localités qui, pour n'être pas aussi considérables, n'en sont pas moins dignes de sollicitude du gouvernement.
Des communes rurales telles que Quenast et Rebecq seraient fortement rapprochées du chemin de fer et jouiraient de ses avantages si la voie s'embranchait à la station de Tubize. Rebecq est d'ailleurs une des communes les plus considérables de l'arrondissement de Nivelles ; sa population est de près de 3,500 habitants ; la jouissance d'un chemin de fer serait pour eux une source de bienfaits. Cette mesure serait d'autant plus équitable que cet arrondissement a vainement jusqu'ici sollicité la création de chemins de fer, tels que celui de Groenendael à Nivelles par Braine-l'Alleud, et celui de Luttre à Nivelles passant par Genappe, Braine-l'Alleud, Waterloo et se dirigeant sur la capitale, qui donneraient l'essor à ses industries ; tout lui a fait défaut jusqu'ici ; l'arrondissement de Bruxelles, au contraire, est comblé de faveurs de toute espèce ; qu'il nous laisse au moins, en attendant une plus ample justice, le faible avantage que nous réclamons en ce moment.
M. Guillery. - Messieurs, je n'ai que deux mots à dire. Je désire d'abord remercier M. le ministre des travaux publics de la modération avec laquelle il a défendu son projet. Tout en maintenant ses idées, il a fait une déclaration très nette, très loyale, et très digne, et je l'en remercie. Je ne puis le remercier au même degré d'un argument qui figure dans la suite de son discours. Il a dit qu'il lui était venu un soupçon. Il est peut-être un peu léger, surtout en pareille matière, de mettre en avant ce qui n'est qu'un soupçon, mais enfin il a soupçonné qu'il pouvait y avoir un intérêt particulier en jeu.
Quant à moi, je ne suis pas soupçonneux, et je ne soupçonne pas qu'il y ait le moindre intérêt en jeu dans le projet qui nous est présenté, mais il se peut que du côté de l'intérêt opposé, à Hal, par exemple, il y ait des personnes qui ont le même caractère que M. le ministre des travaux publics.
Pour éviter toute espèce de soupçon, le plus simple est de s'en tenir aux engagements pris et, lorsqu'il y a une loi votée, de ne pas s'en écarter. Cela rentre dans l'argumentation que j'ai développée, lorsque j'ai parlé la première fois, c'est que si l'on s'écarte des lois votées, des cahiers des charges librement acceptés par les compagnies, l'on tombe dans une série de complications et de déceptions, et, comme le disait M. le ministre des travaux publics, dans une série de soupçons.
M. Prévinaire. - Je croyais jusqu'à présent que lorsque nous discutions des questions de chemins de fer, nous nous placions au point de vue des intérêts généraux du pays.
Nous voyons aujourd'hui surgir des questions d'économie, invoquer l'intérêt du trésor, très respectable sans doute, mais qui, dans des questions semblables, ne me paraît pas devoir primer l'intérêt des populations. Je dis cela pour répondre à ce que disait tout à l'heure l'honorable M. Mercier et à l'argumentation de M. le ministre des travaux publics,
On a dit : la ville de Hal n'a aucun intérêt bien prononcé à ce que le chemin de fer prenne son origine à Hal plutôt qu'ailleurs.
Eh bien, messieurs, c'est là une très grande erreur qui ne peut prendre sa source que dans l'ignorance de quelques membres par rapport aux relations commerciales de Hal.
Le commerce des céréales est très important à Hal. Enghien est aussi un des premiers marchés de céréales du pays. C'est surtout le marché d'approvisionnement de la capitale et d'exportation.
Sous ce rapport on fait bon marché d'une distance de 1,500 mètres, mais cela n’est pas chose indifférente pour les petits campagnards qui font le trajet entre ces deux localités et qui devraient payer ainsi un prix plus élevé pour les marchandises pondéreuses et les céréales qu'ils expédient.
On a parlé d'économie, sous ce rapport je viens attirer l'attention de la Chambre sur une circonstance qui lui a échappé dans ce moment-ci.
La station de Hal est insuffisante pour les besoins du mouvement. Elle devrait être agrandie. J'en sais quelque chose parce que je suis très souvent dans le cas de constater le mouvement qui s'y produit.
Lorsque le chemin de fer aboutira à Hal dans quelque direction que ce soit, l’agrandissement sera nécessaire ; seulement si l'on prend le point de départ à Tubize, vous avez deux obligations d'agrandissement au lieu d'une.
Je bornerai là mes observations. Je crois que la Chambre désire en finir.
M. le président. - La parole est à M. Coomans.
- Plusieurs membres. - La clôture !
M. Coomans. - Sur la clôture je n'ai pas autre chose à dire, si ce n'est qu'il me semble étrange qu'on ne laisse pas naturellement s'épuiser une discussion sur un sujet aussi important que celui qui nous occupe. (Interruption.)
Du reste, je n'ai que deux mots à dire.
M. le président. - Vous avez la parole, M. Coomans.
M. Coomans. - Je vous remercie, M. le président.
Je voudrais obtenir de l'honorable M. Loos une explication sur un point obscur de son amendement.
J'ai été assez satisfait des raisons qu'a données l'honorable ministre à l'appui de la formule qu'il a proposée, relativement au chemin de fer d'Anvers à Düsseldorf. J'ai remarqué surtout, dans son discours, cette assertion que le tracé par Herenthals était obligatoire.
Il me semble qu'à ce sujet l'amendement de l'honorable M. Loos est un peu vague. Si j'ai bien compris l'honorable membre, le tracé d'Herenthals ne serait pas obligatoire, et l'on pourrait faire passer le chemin de fer du Nord d'Anvers dans la direction de Lichtaert au lieu de le faire partir du Midi dans celle d'Herenthals et de Gheel. Si j'ai mal interprété l’amendement, son honorable auteur voudra bien me le dire. Mais si son intention est de rester dans le vague en ce qui concerne Herenthals et d'autre part de rendre plus difficiles les conditions d'exécution du chemin de fer, chose que le gouvernement veut éviter, je ne pourrai voter l'amendement ; et en ne le votant pas, je ne serai certes pas suspect de manquer de sympathie pour ce chemin de fer international, car c'est celui que j'ai soutenu le plus souvent et avec le plus de force depuis bien longtemps.
Et pour le dire en passant, si la théorie des droits d'inventeur était pratiquée, je pourrais me mettre sur les rangs aussi. Car il y a plus de vingt-cinq ans que j'ai imaginé, pour les communications internationales d'Anvers vers le Bas-Rhin, le meilleur chemin de fer qui ait jamais été produit. J'ai pris une règle et j'ai tracé sur la carte une ligne droite d'Anvers à Gladbach et Düsseldorf.
Je prétends que c'est là le meilleur des chemins de fc, attendu que les chemins de fer ont été inventés pour raccourcir les distances, et c'est ce qu'on oublie trop souvent. Mais je n'ai pas demandé de brevet d'invention pour la ligne d'Anvers à Gladbach ; j'abandonne mes droits et je désire que tout le monde suive cet exemple.
Je prie donc l'honorable M. Loos de préciser exactement la portée de son amendement. S'il me donne satisfaction quant à Herenthals, qui est sur la ligne la plus directe, s'il sauvegarde ainsi les titres de Gheel et de Moll à une voie ferrée, je pourrai voter son amendement ; toutefois pas d'une manière absolue, car je ne pense pas qu'il puisse entrer dans l'intention de l'honorable M. Loos de faire de la direction rigoureusement directe, une condition sine qua non de l'exécution du chemin de fer d'Anvers à Düsseldorf.
Le gouvernement s'applique à simplifier les conditions, il a parfaitement raison ; c'est notre intérêt à tous, et celui d'Anvers en première ligne, d'obtenir l’exécution la plus prompte possible de ce chemin de fer. C'est tout ce que je désire, en ce qui me concerne.
Quant à la mise en adjudication, c'est un système nouveau dont l'application pourrait offrir des inconvénients. La personnalité des entrepreneurs n'est pas indifférente. En ces matières, il faut laisser une certaine latitude au gouvernement.
M. Loos. - Je dois reconnaître qu'en toute circonstance, l'honorable M. Coomans est venu m'appuyer. Lorsque je demandais la construction d'un chemin de fer direct d'Anvers vers le bas Rhin, lui aussi indiquait qu'il fallait prendre la ligue la plus courte. C'est encore tout ce que je demande aujourd'hui. Mais la ligne la plus courte est-elle bien par Herenthals ?
(page 1025) M. Coomans. - Oui.
M. Loos. - Vous le prétendez. S’il en est ainsi, vous devez être sans inquiétude. Je ne désigne aucune localité. Je demande qu'on adopte la ligne la plus courte pour se rendre d'Anvers à Ruremonde. Si c'est par Herenthals, soit. Mais je dois vous dire que je ne crois pas que ce soit la voie la plus courte.
Si l'honorable ministre prend l'engagement vis-à-vis de la Chambre de donner la concession au concessionnaire qui proposera le tracé le plus court, je m'en rapporte à lui. Il se présente trois ou quatre concessionnaires ; j'indique celui auquel, selon moi, il faut accorder la préférence. Ce que je veux surtout écarter par mon amendement, ce sont les détours. M. le ministre paraît vouloir, dans certains cas, autoriser des détours. Or, je n'en admets pas, je demande qu'on aille en ligne directe d'Anvers vers Ruremonde et Gladbach,
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - L'honorable M. Loos le prend d'une manière très facile. Il veut le chemin le plus direct entre Anvers et Dusseldorf. Je lui montre un cas où il est possible que, pour gagner deux kilomètres et demi, il faille dépenser deux à trois millions. Qu'importe ? dit l'honorable membre. Fort bien, mais fournira-t-il les fonds ?
Tous les jours, j'ai à résister à ces prétentions que j'appellerai exorbitantes de la part de personnes ou de la part de localités qui, en matière de chemins de fer, demandent ceci ou cela, mais qui, bien entendu, ne sont nullement disposées à intervenir dans le supplément de dépenses auquel le concessionnaire serait astreint pour leur donner satisfaction.
Je trouve cela très commode, mais ce n'est pas le point de vue auquel je dois me placer. Ce que je dois rechercher avant tout, c'est de faire aboutir les concessions. Lorsque je vous ai soumis et que vous avez voté une loi de concession de chemin de fer, nous avons fait l'un et l'autre peu de chose. C'est du jour où la loi a passé, que commence la question importante : c'est l'exécution.
Eh bien, pour arriver à l'exécution, il faut prendre mille et une précautions. Je prends toutes ces précautions, et j'ai lieu de m'en applaudir. Ainsi, je puis dire aujourd'hui, avec plus de garantie encore qu'il y a quelque temps, que la loi de 1862 sera presque complétement exécutée ; j'en ai l'absolue certitude. Je trouve que cela est beaucoup plus méritoire que de proposer des projets de concessions sans s'inquiéter de leurs suites ; car ceci est une besogne très aisée.
Un honorable membre demandait tout à l'heure pourquoi je ne mettrais pas cette entreprise du chemin d'Anvers à Düsseldorf en adjudication. L'honorable M. Loos en particulier a insisté pour que la préférence soit accordée à celui des divers demandeurs concurrents qui présenterait la ligne la plus courte.
En ce qui concerne la mise en adjudication, il n'y a pas de raisons pour recourir à ce système dans cette circonstance plutôt que dans toute autre. Pourquoi suivre ce système pour la ligne d'Anvers à Düsseldorf plutôt que pour toutes les autres lignes qui ont été accordées jusqu'ici ?
Maintenant peut-il y avoir un motif de préférence dans cette circonstance qu'un des demandeurs en concession présenterait un tracé plus court ?
Mais non, messieurs, cela n'est pas possible : d'abord parce que le département des travaux publics ne doit point, quant au tracé, suivre les demandeurs en concession, mais qu'il peut imposer d'autorité toutes les modifications de tracé qu'il juge convenables. Le gouvernement peut toujours dire aux demandeurs en concession : Vous présentez un tracé qui est trop long ; je vous ordonne de suivre ce tracé qui est plus court.
On ne peut pas donner la préférence à la compagnie qui présenterait le tracé le plus court, par ce second motif, c'est que cette compagnie pourrait présenter un tracé extrêmement satisfaisant sans avoir les ressources financières nécessaires pour mener son entreprise à bonne fin.
Il n'y a donc pas de raison pour s'écarter de la pratique dont on ne s'est jamais départi jusqu'ici.
En ce qui concerne le léger détour indiqué comme possible du côté d'Herenthals, que dit le projet ? Est-ce qu'il dit que le concessionnaire sera autorisé dès aujourd'hui à suivre ce détour ? Non, le projet dit : que ce détour pourra être autorisé éventuellement.
C'est-à-dire que le gouvernement se réserve, pour lui, le pouvoir discrétionnaire le plus absolu d'accorder ou de refuser.
L'honorable M. Loos dit : Il ne faut pas passer par Herenthals ; on peut prendre une autre direction ; on peut emprunter, au départ, la ligne d'Anvers à Rotterdam, et économiser ainsi 6 kilomètres.
Je ne sais pas si les indications |de l'honorable membre sont exactes et si, étant exactes, il y aurait lieu, pour ce bénéfice de 6 kilomètres, de renoncer à une économie de capital atteignant ou dépassant même trois millions de francs.
Tout ce que je demande, c'est que le gouvernement soit muni d'un pouvoir qui ne donne aucun droit au concessionnaire.
M. Loos. - Vous opposez-vous à mon amendement ?
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Je vous engage à retirer votre amendement, parce qu'il impliquerait dès aujourd'hui que, quelque faible que fût le raccourcissement d'un tracé sur l'autre, ce raccourcissement ne fût-il que de 2 1/2 kilomètres (différence d'autant plus insignifiante, qu'on ne pourrait pas la compter pour la fixation des prix du tarif), le concessionnaire devrait subir une dépense que je considère comme frustratoire et qu'on ne peut pas évaluer à moins de 3 millions. Eh bien, il est de l'intérêt de l'entreprise, et par conséquent de l'intérêt de la ville d'Anvers, de ne pas grever ainsi la concession dès le début. Pour vouloir trop, on s'exposerait à n'avoir rien.
Je dirai encore un mot à l'honorable M. B. Dumortier. Il ne comprend véritablement pas la position, quand il persiste à soutenir que les 100,000 francs que gagnerait l'Etat seraient pris dans la poche des voyageurs. C'est une erreur, on ne les prendrait pont dans la poche des voyageurs, on les prendrait dans une répartition différente de la totalité des recettes, et cette différence de répartition dépend de ce que l'Etat ferait sur ses propres lignes un trajet plus long dans la combinaison nouvelle que dans la combinaison ancienne.
Messieurs, en ce qui concerne l'observation présentée par l'honorable M. Orts, relativement à l'avantage de voir affluer à Hal plusieurs lignes de chemins de fer, l'honorable M. Orts ne se rend pas un compte exact de ce qui se passera après la construction de la ligne dont il s'agit. Il semble croire que les convois qui viendraient converger à Hal subiraient une certaine manutention, qu'on y composerait et décomposerait des trains, qu'on y ferait, en un mot, des opérations qui pourraient être avantageuses à la population de cette localité.
Tout cela est une erreur, les convois passeront à Hal, comme ils y passent aujourd'hui, en ne s'y arrêtant que pour prendre des voyageurs ou des marchandises.
Ainsi, quand un convoi passe par Wetteren, que ce convoi vienne de Bruxelles par Malines ou de Bruxelles par Alost, il n'est l'objet dans cette station d'aucune opération, d'aucune main-d'œuvre quelconque. Il en sera exactement de même à Hal.
Il ne faut pas qu'on se méprenne sur l'importance des opérations que l'une ou l'autre combinaison pourraient amener à Hal.
M. Loos. - Messieurs, je dis que c'est réellement inconcevable lorsque nous avons attendu si longtemps ce chemin de fer, et lorsqu'il se présente aujourd'hui quatre concessionnaires, que ce soit l'intérêt des concessionnaires dont on prend ici la défense. Lorsque, parmi ces concessionnaires, il en est qui veulent exécuter la ligne la plus courte pour aller en Allemagne, je ne vois pas pourquoi l'on n'accepte pas, alors qu'ils présentent toutes les garanties d'exécution. Je ne viens pas engager M, le ministre des travaux publics à donner la concession au premier venu, mais s'il est des demandeurs en concession qui offrent toutes les garanties et qui veulent exécuter la ligne la plus courte, je dis qu'ils doivent avoir la préférence, et comme il en existe, à ma connaissance, M. le ministre ne sera pas embarrassé.
Je le répète, nous ne devons pas nous préoccuper des intérêts des demandeurs en concession, c'est à eux qu'il appartient de les apprécier.
M. J. Jouret. - M. le ministre des travaux publics a dit qu'il n'y a pas d'intérêt public engagé dans la concession du chemin de fer de Houdeng à Jurbise. Il m'est impossible de ne pas faire observer à la Chambre qu'il y a un très grand intérêt public à relier au réseau des chemins de fer de l’Etat, une ville et un canton aussi importants que la ville et le canton du Roeulx.
L'honorable ministre a dit que le raccourcissement ne serait que de 7 kilomètres. Il sera, comparativement au parcours par les Ecaussines, de 15 kilomètres et comparativement au parcours par Mons, de 10 kilomètres. J'ai un profond respect pour le Chambre et je ne me permets jamais d'affirmer quelque chose devant elle sans être bien certain de ce que j'avance. Comme le document sur lequel je m'appuyais était plus ou moins contesté, j'en ai référé à ceux qui me l'ont fourni et je tiens en mains une lettre dans laquelle ils m'autorisent de la manière la plus formelle à déclarer que ces renseignements sont parfaitement exacts.
J'ai dit tantôt que le raccourcissement indiqué par M. le ministre des travaux publics résulte d'un travail sur l'ancien projet allant non pas directement sur Jurbize, mais allant sur un point intermédiaire entre Jurbise et Soignies. On comprend que les études faites sur ce projet devaient nécessairement donner un résultat différent.
(page 1026) Je maintiens donc la parfaite exactitude de mes renseignements, le raccourcissement est de 15 kilomètres dans une direction et de 10 kilomètres dans l'autre direction.
L'honorable ministre a témoigné le désir que nous retirions notre amendement, et il nous a adressé à cet égard des paroles pleines de bienveillance.
Il a reconnu qu'un nouveau projet lui a été remis ; il a prétexté le peu de temps qu'il a eu pour l'examiner, et il nous a promis d'en faire une nouvelle étude et de s'y livrer avec beaucoup plus de bienveillance.
De plus, je me permettrai de lui rappeler une circonstance dont je n'ai pas parlé la première fois que j'ai eu l'honneur d'avoir la parole ; c'est qu'en 1862, M. le sénateur Wincqz, mon honorable collègue, M. Ansiau et moi, accompagnés des bourgmestres des communes intéressées, nous nous sommes présentés chez lui, et il nous a fait alors des promesses catégoriques.
Je fais, à cet égard, un appel à sa loyauté ; et j'ajoute que c'est à cause de ces promesses qu'en 1862, malgré le désir qu'on m'en témoignait, je n'ai pas présenté l'amendement que mon collègue, M. Ansiau, et moi, avons proposé au projet de loi en discussion.
C'est, confiant dans les bonnes paroles prononcées par M. le ministre des travaux publics, confiant dans les promesses que nous avons reçues de lui en 1862, cédant aux sollicitations de beaucoup d'amis qui, comme nous, ont confiance en ces promises ; convaincu, d'ailleurs, que par là je sers d'une manière utile les intérêts de mes commettants, je déclare retirer l'amendement que j'ai eu l'honneur de déposer conjointement avec l'honorable M. Ansiau.
M. le président. - L'amendement de M. Jouret et collègue est retiré.
M. Dolez. - Messieurs, j'ai déjà eu l'honneur de dire que l'amendement que j'ai déposé était la conséquence de l'amendement des honorables MM. Jouret en Ansiau. D'après la déclaration que l'honorable M. J. Jouret vient de faire, je renonce, de mon côté, à l'amendement que j'avais présenté. Mais je prie M. le ministre des travaux publics de ne pas perdre de vue que cet amendement était essentiellement sérieux ; il serait impossible d'examiner la question que soulève l'amendement de MM. Jouret et Ansiau, en la séparant de la question que soulève le mien. Je suis convaincu qu'en examinant l'une et l'autre question, le gouvernement arrivera à une solution satisfaisante et équitable pour les deux intérêts.
M. le président. - L'amendement de M, Dolez est retiré.
- La clôture de la discussion générale est prononcée.
- Des membres : A demain.
M. Goblet. - Je propose à la Chambre d'avoir ce soir une séance à 8 heures.
- Cette proposition est adoptée.
M. le ministre de l'intérieur (M. A. Vandenpeereboom). - Messieurs, d'après les ordres du Roi, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau de la Chambre un projet de loi ayant pour objet d'incorporer au territoire de la ville de Bruxelles le bois de la Cambre, l'avenue qui y conduit, et deux zones latérales à cette avenue.
- Impression, distribution et renvoi aux sections.
M. le président. - MM. de Montpellier et de Baillet-Latour demandent un congé.
- Accordé.
La séance est suspendue à 4 heures 1 /4.
Elle est reprise à 8 heures 1/4.
M. le président. - La Chambre a clos la discussion générale du projet de loi sur les concessions de chemin de fer. Nous allons passer aux articles.
Je demanderai à M. le ministre des travaux publics s'il se rallie aux amendements de la section centrale.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Oui, M. le président, nous sommes d'accord.
M. le président - La discussion s'ouvre donc sur les articles tels qu'ils sont proposés par la section centrale.
M. le président. - L'article premier se compose de plusieurs numéros ; je dois procéder par division parce qu'il y a des amendements qui se rattachent aux divers numéros.
« Art. 1er. Le gouvernement est autorisé à concéder :
« A. 1° Un chemin de fer prenant son origine à la frontière française près Bouillon et aboutissant à la frontière de Prusse, dans la direction de Saint-Vith, avec embranchements d'un point pris à proximité de Bastogne et aboutissant, d'une part, à la frontière du grand-duché du Luxembourg, dans la direction de Wiltz, d'autre part, vers Hotton, soit à la ligne reprise ci-dessous sub n°2, soit à la ligne de Marche à Liège par la vallée de l'Ourthe. »
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Messieurs, je dois signaler à l'attention de la Chambre les modifications qui ont été apportées à la convention et au cahier des charges. Ces modifications sont indiquées à la page 6 du rapport de la section centrale. Voici comment s'exprime le rapport de la section centrale.
Au n°2 de l'article 2 de la convention conclue entre le ministre et M. Focade et consorts, on a ajouté un paragraphe ainsi conçu :
« Les concessionnaires auront la faculté d'établir un embranchement partant de ladite ligne, et aboutissant à la frontière de France, dans la direction de Givet. »
La même disposition a été ajoutée à l'article premier du cahier des charges.
L'article 17 a été rédigé comme suit :
« En cas de déchéance, la partie du cautionnement des concessionnaires qui n'aurait pas encore été restituée, ou dont il n'aurait pas encore été disposé, sera définitivement acquise à l'Etat : et si la grande compagnie du Luxembourg, usant du droit de préférence que lui donne, à cet égard, l'article 47 de son cahier des charges du 13-23 février 1846, demandait à être subrogée aux droits des concessionnaires déchus, soit dans leur ensemble quant aux trois lignes décrites ci-dessus, soit quant à l'une d'elles, avec ou sans ses embranchements, soit quant à l'un ou l'autre desdits embranchements, les concessionnaires prénommés seraient tenus, au vu de l'arrêté royal qui déclarerait cette compagnie concessionnaire en leur lieu et place, de céder à celle-ci, sur toute ligne ou embranchement qu'elle reprendrait, tous les ouvrages déjà construits, les matériaux approvisionnés, les terrains achetés et les portions de chemin de fer déjà mises en exploitation, avec tout leur matériel, suivant leur valeur à déterminer par trois experts qui seraient désignés par le président du tribunal civil de Bruxelles, et dont les intéressées devraient accepter les évaluations comme obligatoires pour elles. Si cependant la grande compagnie du Luxembourg n'avait pas fait connaître endéans les trois mois de la notification qui lui aurait été faite de l'arrêté de déchéance, qu'elle entend user de son droit de préférence, il serait procédé, par les soins du gouvernement, à l'adjudication du parachèvement de l'entreprise, sur les clauses du présent cahier des chargés et sur le dépôt d'un nouveau cautionnement égal à la partie de celui des concessionnaires évincés qui se trouverait encore en caisse au moment de la déchéance ; cette adjudication aurait lieu sur une mise à prix des ouvrages déjà construits, des matériaux approvisionnés, des terrains achetés et des portions de chemin de fer déjà mises en exploitation, avec tout leur matériel.
« Le gouvernement se réserve le droit d'adjuger séparément les travaux de chaque ligne, les embranchements de la ligne n°1 étant, quant à ce, considérés comme constituant des lignes à part.
« L'adjudication serait dévolue à celui des soumissionnaires qui offrirait la plus forte somme pour les objets compris dans la mise à prix : les concessionnaires déchus devront se contenter de celle que l'adjudication aura produite, alors même qu'elle serait moindre que la mise à prix, et ne pourront élever à ce sujet aucune prétention, ni réclamation, de quelque chef que ce puisse être. Si une première adjudication ne produisait aucun résultat, il en serait tenté une seconde, et si cette dernière tentative demeurait également sans résultat, les ouvrages déjà exécutés, les matériaux approvisionnés, les terrains achetés, les parties de chemin de fer déjà mises en exploitation avec leur matériel, et toute la partie du cautionnement non encore remboursée, ou dont il n'aurait pas été fait emploi, serait acquis à l'Etat, sans aucune indemnité, et le gouvernement pourrait en disposer comme de conseil, les concessionnaires demeurant irrévocablement déchus de tous leurs droits. »
Je me borne à faire remarquer que la Chambre doit sanctionner ces modifications à la convention et au cahier des charges, sinon elles ne seraient point valides.
M. le président. - M. le ministre des travaux publics demande que la Chambre fasse attention à ce qui est contenu dans le rapport de la section centrale. Ce rapport mentionne des modifications qui ont été introduites dans la convention et dans le cahier des charges et qui ont été acceptées par M. le ministre des travaux publics, d'accord avec la section centrale.
Si ces modifications ne doivent pas figurer dans la loi, il faut qu'elles soient au moins actées au procès-verbal, pour qu'on sache qu'elles ont été faites à la convention et au cahier des charges, avec le consentement de la Chambre.
Si c'est entendu, je mets aux voix le littera A sous cette réserve.
Le numéro 1° du littera A est mis aux voix et adopté.
« 2° Un chemin de fer prenant son origine à la ligne de Namur à Givet, (page 1027) au point de jonction de cette ligne, de celle de Mariembourg vers Dinant, et aboutissant, à ou près de Vielsalm, au chemin ci-dessus décrit sub n°1. »
M. Thibaut. - Les observations que j'ai à présenter portent tout à la fois sur les numéros 2° et 3° ; je suppose que la Chambre n'y verra pas d'inconvénient (Non ! non ! parlez !)
Mon honorable collègue, M. de Liedekerke, se proposait d'examiner devant vous, messieurs, diverses questions d'intérêt public et local tout à la fois, qui naissent de la concession demandée par MM. Forcade-Lenoir et Chauvet.
En m'annonçant l'impossibilité où il se trouve d'assister à la séance de ce jour, mon honorable ami me prie de demander à la Chambre l'autorisation de donner lecture d'une note très concise, relative à cet objet, et dont il a obtenu l'insertion au procès-verbal de la troisième section.
« Sous le n°3 de l'article premier de la loi, qui concède une ligne partant du point de jonction de la ligne de Marienbourg vers Dinant avec la ligne de Namur vers Givet et se dirigeant vers Vielsalm, un membre exprime le vœu que cette ligne traverse le fond de Famenne, en passant par Beauraing et Focant, pour aboutir à Aye ou Jemelle. Cette direction offre non seulement, par la nature du terrain, de plus grandes facilités pour l'établissement du tracé, mais aussi des avantages considérables au point de vue du mouvement commercial.
« Sous le n°3 de l'article premier qui concède une ligne prenant son origine près de Bouillon, pour se raccorder à la précédente à ou près Rochefort, le même membre exprime le vœu que cette ligne pénètre autant que possible dans le canton de Gedinne, en s'éloignant du chemin de fer du Grand-Luxembourg, afin de ne pas courir parallèlement à celui-ci dans un voisinage trop immédiat, et pour mieux desservir les intérêts du canton de Gedinne qui se trouve dans un isolement regrettable, »
Messieurs, en prenant la parole dans cette circonstance, je veux d'abord adresser mes félicitations et mes remercîments à MM. les demandeurs en concession. Ils ont conçu un vaste et magnifique projet et malgré les grandes difficultés qu'ils auront à vaincre sur quelques points, ils ne demandent ni subsides de l'Etat, ni garantie d'un minimum d'intérêt. Grâce à eux, une partie du pays qui avait presque perdu l'espoir de sortir de son isolement, sera, dans quelques années, sillonné par plusieurs lignes de chemins de fer.
L'exposé des motifs promet que ces voies nouvelles de communication seront tracées de manière à aider au développement de l'agriculture, à faciliter la fertilisation de terrains improductifs, l'exploitation de forêts, de richesses minérales et de carrières qu'elles rencontreront dans leur parcours.
J'espère que ce but ne sera pas perdu de vue. Messieurs, la concession Forcade et Cie comprend trois lignes principales.
Je n'ai pas d'observations à présenter sur la première. Quant à la seconde, je regrette que l'exposé des motifs ne donne pas une désignation précise de son point d'origine.
Le projet de loi le fixe au point de la ligne de Namur à Givet, où se fera la jonction à cette ligne de celle de Mariembourg vers Dinant. J'interprète cette disposition en ce sens que le point d'origine de la nouvelle ligne est fixé à la station commune aux lignes de Namur vers Givet et de Marienbourg vers Dinant.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - C'est ainsi.
M. Thibaut. - Nous sommes d'accord. C'est donc à la station de Hastière ; car je ne puis supposer que le gouvernement autorise les concessionnaires de la ligne de Marienbourg vers Dinant à souder leur ligne à celle de la vallée de la Meuse, à un point plus rapproché que Hastière de la frontière de France, cela serait contraire à la loi.
La compagnie Forcade devra dès lors construire un pont sur la Meuse à Hastière. Construira-t-elle en même temps une voie charretière ? J'ai cherché vainement dans le cahier des charges une stipulation à cet égard.
Si c'est un oubli, il peut être réparé, dût le gouvernement proposer à la Chambre d’intervenir dans la dépense.
Si M. le ministre ne croit pas devoir entrer en négociation avec la compagnie, je lui demanderai s'il est décidé à faire construire par l'Etat un pont pour le service du public ? Deux routes aboutissent à Hastière, perpendiculairement à la Meuse, et il y manque un pont pour les relier ; le temps est venu et l'occasion me paraît favorable pour changer cette situation.
Quant à la direction de la ligne ferrée, je me réfère à la note de l'honorable comte de Liedekerke que j'ai lue. Si mes renseignements sont exacts, l'intention de la compagnie est d suivre le tracé que cette note indique par Beauraing et le fond de Farciennes. Je n'y insiste pas.
La troisième ligne demandée par MM. Forcade et Cie établit un trait d'union entre les deux premières.
Je pense qu'en partant de Bouillon cette ligne suivra d'abord une direction parallèle au cours de la Semois, passera aux ardoisières d'Alle, d'Our, de Laforêt, et se dirigera ensuite sur Nafraiture ou Vresse, puisque ces deux points se trouvent indiqués dans le cahier des charges.
Plus loin la direction n'est pas déterminée. Je propose par amendement de désigner le chef-lieu de canton dc Gedinne, comme un point de passage obligé.
Je partage, messieurs, l'opinion que plusieurs membres ont exprimée en section centrale. Ils pensent que le gouvernement doit imposer aux concessionnaires l'obligation de faire passer la voie ferrée dans les localités qui, à raison de leur importance et même au point de vue de l'intérêt général, ne peuvent rester isolées du chemin de fer.
Le chef-lieu du canton de Gedinne est évidemment dans ce cas.
Je propose aussi, par amendement, de n'indiquer le raccordement de la troisième ligne a la seconde que par ces mots : « entre Beauraing et Rochefort. »
Je crois, en effet, que dans l'intérêt de la compagnie et du pays traversé par les deux ligues, il faut se borner à cette indication générale.
Lorsque des études approfondies et complètes auront élucidé la question, je pense que la compagnie trouvera des avantages à établir le raccordement des deux lignes à un point peut être plus rapproché de Beauraing que de Rochefort.
Je ne fais pas allusion seulement aux dépenses d'exécution ; mais en se rapprochant de Beauraing, chef-lieu de canton, le chemin de fer s'assurera le transport, vers les Ardennes, de la chaux fabriquée dans les nombreux fours établis près de Beauraing. Il contribuera ainsi, comme le promet l'exposé des motifs, à faciliter la fertilisation des terrains incultes. En outre, il acquerra le transport des bois de toute espèce, provenant des forêts qui couvrent la plus grande partie du sol ardennais.
C'est en effet dans le pays de Charleroi que ces produits trouveront le placement le plus avantageux.
Le tracé que j'indique traverse aussi des gîtes miniers qui n'ont pu être exploités jusqu'à ce jour à cause des difficultés de transport vers les établissements métallurgiques,
Il est possible aussi, messieurs, que la compagnie trouve des avantages à établir une bifurcation, l'une des branches serait dirigée vers Rochefort, et l'autre vers Beauraing. Le pays s'en réjouirait certainement.
Il me reste, messieurs, quelques mots à dire sur l'article14 du cahier des charges.
Aux termes de cet article, l'exécution de la troisième ligne peut être différée jusqu'après l'expiration du délai accordé pour la construction complète des deux premières lignes jusqu'à la frontière de Prusse.
Ce délai est de 5 ans.
S'il arrivait que les deux premières lignes ne fussent pas complètement achevées dans le délai de 5 ans, et que les concessionnaires obtinssent un nouveau délai de la législature, ce nouveau délai viendra-t-il accroître celui que le projet accorde aux concessionnaires pour commencer les travaux de la troisième ligne ? Je ne le pense pas.
Le sens de l'article est celui-ci : que les deux premières lignes soient ou non exécutées dans cinq ans, ce terme étant expiré, la troisième ligne doit être entreprise et terminée dans un délai de deux ans.
Messieurs, cette combinaison nous renvoie à l'année 1870. Ce délai est absolument trop long.
Je propose d'ordonner l'exécution de la troisième ligne immédiatement après l'achèvement et la mise en exploitation des sections des deux premières lignes comprises d'une part entre Bouillon et Bastogne, d'autre part entre la Meuse et le chemin du Grand-Luxembourg.
Elle serait ainsi construite simultanément avec les autres sections des deux premières lignes,
J'ai déposé, messieurs, des amendements dans le sens des observations que je viens d'avoir l'honneur de présenter. J'espère que M. le ministre des travaux publics auquel je les ai communiqués d'avance, pourra s'y rallier.
M. de Moor. - Messieurs, l'année dernière, quand nous avons discuté le projet de concessions de chemin de fer, M. Thibaut est venu présenter un amendement par lequel il demandait que le point d'Aye fût fixé par la loi ; je me suis élevé contre cette prétention, et la Chambre et le gouvernement m'ont donné gain de cause. Ce point n'a donc, pas été désigné. Je crois qu'on a lieu de se féliciter de cette décision de la Chambre ; car aujourd'hui il y a lieu d'espérer que la ligne française aboutira au chef-lieu du canton de Rochefort, qui n'aura pas à se plaindre.
Les voyageurs et les marchandises venant du Luxembourg allemand (page 1028) n'auront que 3 kilomètres de nouvelle voie à parcourir pour se rendre à Rochefort, tandis que si le raccordement avait lieu à Aye, ils auraient la ligne de Jemelle à Aye en plus à parcourir, ou environ 10 kilomètres et devraient ensuite d'Aye suivre la ligne vers Rochefort ou 10 autres kilomètres, ce qui eût donné un parcours d'environ 20 kilomètres ou 17 kilomètres de plus en passant forcément par Aye, tandis que si le point d'intersection est fixé à Jemelle ils ne devraient faire que 3 kilomètres au lieu de 20 pour arriver au même point. Si l'an dernier l'amendement de l'honorable représentant de Dinant avait été adopté, je doute fort que Rochefort, chef-lieu de canton important, eût eu à l'en féliciter.
M, Thibaut, fidèle à ses antécédents, vient encore proposer, aujourd'hui, des points fixes dans le projet que nous discutons ; j'en suis fâché, mais je ne puis me rallier à sa proposition. Entre Beauraing et Rochefort, un point doit être déterminé pour se diriger vers Gedinne. Je pourrais aussi présenter un amendement et dire que je demande qu'il y ait un pont entre Rochefort et la frontière de France, à Auve, par exemple, pour que de ce point, la ligne se dirigeât vers Ovellin, et ensuite vers Paliseul ou tout autre point. Je défendrais ainsi les intérêts de mes commettants, mais je ne veux pas, en présence d'une demande de concession, faite par des capitalistes qui ne demandent ni intervention de l'Etat ni minimum d'intérêt, imposer des obligations qui leur permettraient de se retirer et de reprendre leur cautionnement.
Je ne veux pas prendre cette responsabilité. Si M. Thibaut veut l'assumer, moi je déclare, malgré l'intérêt que je porte à l'arrondissement de Neufchâteau, que je ne veux pas l'encourir. (Interruption.)
M. Thibaut dit que je lui prête des choses qu'il n'a pas dites.
M. Thibaut. - Je n'ai indiqué qu'un seul point.
M. de Moor. - Vous dites dans votre amendement un point entre Beauraing et Rochefort, cela veut dire évidemment que vous voulez que la ligne passe par Beauraing. Je ne demande pas mieux, si c'est possible, car moi aussi je porte le plus vif intérêt à Beauraing, mais avant que vous demandiez que la loi indique un point quelconque obligé, je demande, moi, que les entrepreneurs aient pu faire des études sérieuses et que le gouvernement soit convaincu que ces points peuvent être touchés.
Permettez-moi, messieurs, de citer un exemple qui vous paraîtra concluant, je pense : Pour le chemin de fer du Grand-Luxembourg, plusieurs points obligés ont été indiqués lors du vote de cette loi de concession. Nous avons une ligne qui marche très bien, mais qui est d'une exploitation difficile. Il y a sur cette importante voie un système de pentes et de rampes qui en rendent l'exploitation très onéreuse pour la compagnie,
Cette ligne n'a été construite comme elle l'est que parce que la Chambre et le gouvernement avaient admis des points fixes. Il a nécessairement fallu passer par ces points et aujourd'hui, je dois le répéter, nous avons une ligne très défectueuse comme construction.
Quant à moi, je vois devant nous un réseau de chemin de fer important et quel que soit l'intérêt, je le répète, que je porte à mes commettants, je ne puis pas admettre que le gouvernement et la Chambre acceptent de gaieté de cœur des points déterminés.
Messieurs, l'honorable M. Thibaut cite les points de Beauraing et de Gedinne, mais je connais d'autres localisés qui croient que la ligne peut passer chez elles.
Je ne sais pas jusqu'à quel point cela est possible, mais enfin l'appétit de ces localités est éveillé, et je connais dans l'arrondissement de Dinant des communes importantes où l'on espère voir passer le chemin de fer de Rochefort à la frontière de France. J'ai entendu exprimer cet espoir à Anseremme et Falmignoul. Je ne sais si ces désirs peuvent être exaucés ou si ceux de Beauraing doivent l'être.
Il me semble raisonnable, prudent qu'avant tout des études sérieuses soient faites, et attentivement examinées par le conseil des ponts et chaussées. Je ne puis croire que le gouvernement accepte l'amendement, tombé au milieu de nous comme un véritable aérolithe. Quant à moi, je le repousserai.
M. Orban. -Messieurs, je serai extrêmement court ; je me bornerai à demander à l'honorable M. Thibaut pourquoi il exclut des bénéfices de son amendement une partie des ligues comprises dans la concession Forcade.
Deux délais sont stipulés à l'article 14, l'un est de cinq ans pour une partie de la ligne, l'autre de sept ans pour la ligne de Bastogne à Hotton, ainsi que pour celle dont l'honorable M. Thibaut a parlé tout à l'heure.
Eh bien, je ne vois pas de raison pour qu'on ne fasse pas la seconde ligne dans le même délai que la première. Je ne vois pas pourquoi la Chambre traiterait d'une manière plus favorable les populations du canton de Beauraing ou de Gedinne que celles du canton de la Roche.
Je crois que s'il y a une préférence à accorder, c'est aux populations du canton de La Roche qu'elle doit revenir. Il y a pour cela une excellente raison. Quand il y a une quarantaine d'années, il a été question du canal de l'Ourthe, ce canal devait passer par La Roche.
Lorsque plus tard le canal a été considérablement réduit dans sa longueur, il devait encore aller jusqu'à La Roche.
Dans la loi de concession de chemins de fer, le gouvernement a repris la partie non-canalisée de la rivière de l'Ourthe, et il n'a plus rien été stipulé pour la construction du canal.
Il y a là une sorte de droit acquis pour les localités riveraines.
Je crois donc que si l'amendement de l'honorable M. Thibaut pouvait être accepté par la Chambre il y aurait un sous-amendement à proposer, et je le proposerai moi-même avec l'espoir de le voir adopter.
Cependant avant de faire aucune proposition, j'attendrai la réponse de M. le ministre des travaux publics.
Je ne puis espérer que M. le ministre parvienne à faire accepter par la compagnie Forcade le délai de 5 ans.
De grands efforts ont été faits, et j'en sais quelque chose, par ceux qui se sont occupés de ces chemins de fer dans le but d'obtenir que le délai fût raccourci ; ils ont échoué. Je doute donc que M. le ministre des travaux publics soit plus heureux actuellement qu'alors.
Mais si l'amendement de l'honorable M. Thibaut devait avoir d'autre résultat que d'ouvrir une porte de derrière à la compagnie dans le cas où elle voudrait se retirer, je crois que nous aurons fait de mauvaise besogne, et que les populations nous en sauraient fort peu de gré ; quant à moi, s'il devait en être ainsi, je repousserais l'amendement de l'honorable M. Thibaut, et je me garderais bien de présenter un sous-amendement.
M. d'Hoffschmidt. - Messieurs, je partage entièrement l'opinion de mes honorables amis sur les amendements que vient de présenter l'honorable député de Dinant. Ils ont tellement bien exposé les raisons qui doivent décider la Chambre à ne pas adopter ces amendements, que j'aurai certainement peu de chose à ajouter.
Il y a un grave inconvénient messieurs, à adopter des amendements secondaires, surtout aux conventions et aux cahiers des charges qui ont été admis entre le gouvernement et les demandeurs en concession. En effet le dernier article des conventions porte que dans le cas où la Chambre adopterait des modifications à ces conventions ou à ces cahiers des charges, le cautionnement devrait être restitué si ces modifications ne sont pas adoptées et que la convention serait considérée comme non avenue.
II est évident que c'est là un danger d'une extrême gravité.
Il pourrait être survenu des circonstances qui détermineraient les demandeurs en concession à changer d'opinion et à se retirer devant une situation nouvelle.
Eh bien, en présence d'un danger pareil, l'honorable M. Thibaut lui-même ne veut pas risquer sans doute de compromettre un projet d'une aussi grande importance qu'il a réclamé lui-même en partie et qui consiste à doter le pays de 285 kilomètres de chemins de fer sans intervention de l'Etat, et cela par la simple modification qu'il nous propose.
Que demande l'honorable M. Thibaut ? Il veut obliger les concessionnaires à faire passer le chemin de fer par Gedinne.
Gedinne est sans doute une localité très intéressante, mais, en vérité, cet intérêt ne peut pas prédominer sur l'intérêt de la construction de 285 kilomètres de chemins de fer.
D'ailleurs, il n'est pas certain que la ligne ne passera pas par Gedinne. C'est une question qui sera examinée par les concessionnaires et par M. le ministre des travaux publics, qui est en quelque sorte le représentant des intérêts généraux et des intérêts particuliers quand ils ne sont pas opposés à l'intérêt général.
Il y aura plus tard des projets définitifs et c'est alors qu'on déterminera les points intermédiaires par lesquels le chemin de fer doit passer. Il y a là toute garantie pour toutes les localités.
Si, à l'occasion d'une concession qui n'a pas encore été étudiée d'une manière approfondie, on obligeait les concessionnaires à passer par certaines localités sans savoir s'il n'y a pas de difficultés considérables à surmonter et s'il ne serait pas plus avantageux et plus rationnel de prendre une autre direction, ce serait là, me semble-t-il, une condition inadmissible.
M. le ministre des travaux publics disait dans la première partie de cette séance que le premier point dont il fallait se préoccuper, c'était d'obtenir l'exécution des conventions. C'est là, me semble-t-il, ce qui doit aussi préoccuper la Chambre.
Quand des capitalistes viennent consacrer des sommes considérables à la construction de voies ferrées dans le pays, il importe de leur faciliter autant que possible l'exécution de ces grandes entreprises.
(page 1029) Il faut que l'intérêt de ces capitalistes se concilie avec l'intérêt général. Si vous voulez imposer trop de conditions, trop d'obligations, qu'arrive-t-il ? C'est que 1es capitalistes se retirent et qu'il ne reste rien. Ce n'est certes pas là ce que l'honorable M. Thibaut a voulu.
Je ne puis donc pas admettre, messieurs, le premier amendement ; quant au second, il me paraît également impossible de l'admettre La convention qui a été conclue entre le gouvernement et les concessionnaires stipule que deux grandes lignes principales seront exécutées dans le délai de cinq ans et que les lignes intermédiaires seront exécutées dans le délai de sept ans.
Il ne faut pas croire pour cela que les concessionnaires resteront 7 ans pour exécuter ces lignes. Si leur intérêt le leur commande, si les lignes sont bonnes, il les feront certainement plus tôt.
Dans son amendement' l'honorable M. Thibaut veut qu'après l'achèvement et la mise en exploitation des sections de ces deux lignes comprises d’une part entre Beauraing et Bastogne et d'autre part entre Givet et Marche il soit accordé aux concessionnaires un délai spécial de deux années pour l'exécution des embranchements. Mais pourquoi d'abord vouloir arrêter l'exécution de la première ligne à Bastogne ? Je remercie l'honorable membre d'avoir compris Bastogne dans sa proposition ; mais il sait très bien que la ligne ne doit pas s'arrêter à Bastogne et qu'elle doit être prolongée jusqu'au Rhin. Or, je suis convaincu que les concessionnaires voudront exécuter, avant tout, la grande ligne principale jusqu'au Rhin. Ils ne pourront donc accepter la proposition de l'honorable M. Thibaut.
Ensuite, pourquoi cette préférence accordée à la ligne intermédiaire entre Bouillon et Rochefort ? Comme l'a très bien dit mon honorable ami, M. Orban, la ligne intermédiaire entre le chemin de fer de Bastogne et celui de la vallée de l'Ourthe représente des intérêts tout au moins aussi considérable. Les intérêts des arrondissements de Bastogne et de Marche méritent aussi, je crois, d'être pris en considération, et il n'y a pas de raison pour que d'autres intérêts aient la préférence. Je crois même que tout embranchement qui se dirigera de Bastogne vers Marche sera plus important, au point de vue des intérêts des concessionnaires, que l'embranchement de Bouillon vers Rochefort.
Ce sera une ligne extrêmement importante dans l'avenir, attendu que vous allez avoir la ligne de la vallée de l'Ourthe qui mènera jusqu'au bassin houiller de Liège, et que par suite de l'embranchement entre Hotton et Bastogne, ce sera la ligne la plus directe vers le Grand-Duché et tout le pays de Trêves. Je suis convaincu que les concessionnaires chercheront à l'exécuter une des premières.
Dès lors, il y aurait une véritable injustice à l'égard des arrondissements de Bastogne et de Marche, et des concessionnaires eux-mêmes à donner cette préférence à un embranchement sur l'autre.
Je crois donc que, par toutes ces considérations, la Chambre fera bien de ne pas adopter ces amendements, et j'engage l’honorable M. Thibaut lui-même à y réfléchir et à voir s'il ne ferait pas bien de les retirer.
J'engage aussi mon honorable ami M. le ministre des travaux publics à ne pas admettre dans la convention des modifications qui pourraient compromette le magnifique projet qu'il nous a présenté.
M. Thibaut. - Je désire répondre, en très peu de mots aux honorables députés du Luxembourg.
L'honorable M. de Moor suppose que mon amendement fixe, pour la ligne reprise sous le n°3 de l'article premier, trois points obligés. L'honorable membre est complètement dans l'erreur. Le n°3 de l'article premier de la loi porte que la ligne prenant son origine à Bouillon se raccordera à celle qui est décrétée sous le n°2, à ou près Rochefort.
Loin d'indiquer dans mon amendement trois points obligés pour cette ligne, comme le suppose l'honorable M. de Moor, c'est à dire Gedinne, Beauraing et Rochefort, mon but est de donner à la compagnie une plus grande liberté, une plus grande latitude dans le choix du point de raccordement entre Beauraing et Rochefort. Je puis désirer, dans l'intérêt du pays, qu'il y ait un embranchement vers Beauraing et un autre vers Rochefort ; mais je ne les propose pas ; je ne demande pas que la Chambre les impose à la compagnie.
Quant au point de Gedinne, aux termes de mon amendement, il ne serait pas obligé d'une manière absolue ; je me borne à stipuler que le chemin de fer passera à ou près Gedinne. C'est une stipulation qui se trouve souvent dans les cahiers des charges des concessions.
L'honorable M. Orban demande pourquoi je soustrais au bénéfice de l'amendement que j'ai présenté au cahier des charges, une partie des lignes concédées. A cela, je réponds que dans les questions que chacun débat ici à un point de vue plus ou moins local, je ne veux pas me donner un rôle peu convenable, en m'occupant des intérêts particuliers des arrondissements autres que celui que je représente. Ils ont ici des députés qui sont leurs défenseurs naturels.
L'honorable M. Orban est libre, comme l'honorable M. de Moor, comme l'honorable M. d'Hoffschmidt de présenter un amendement destiné à étendre celui que j'ai eu l'honneur de proposer moi-même.
L'honorable M. d'Hoffschmidt me dit que les amendements que j'ai proposés pourraient, s'ils étaient adoptés, compromettre le sort de la concession.
Loin de moi, messieurs, de vouloir faire péricliter cette concession. J'ai eu l'honneur, il y a deux jours, de soumettre mes amendements à M. le ministre des travaux publics, afin qu'il pût en conférer avec les représentants de la compagnie. J'ai pensé que si les deux parties contractantes trouvaient convenable de les adopter, on pourrait les introduire de commun accord tant dans le cahier des charges que dans la loi.
M. d’Hoffschmidt. - Si la compagnie n'adopte pas vos amendements ?
M. Thibaut. - Evidemment je ne voudrais pas faire dépendre le sort de la concession d'une modification introduite dans le projet de loi.
Messieurs, je n'ai pas autre chose à répondre aux discours des trois honorables membres. Mais j'insiste pour que M. le ministre des travaux publics nous donne quelques explications et je rappelle qu'il est un point sur lequel je désire surtout qu'il s'explique, c'est quant au pont qui doit nécessairement être jeté sur la Meuse pour la communication entre la concession actuelle et la ligne de la vallée de la Meuse. Qu'il veuille bien nous dire si la société consentira à établir une voie charretière ou si le gouvernement fera construire lui-même un pont sur la Meuse.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Messieurs, je dois me joindre aux honorables préopinants pour engager l'honorable M. Thibaut à ne pas maintenir ses amendements. Je ne puis, avec les honorables membres, caractériser ces amendements qu'en ce sens que, loin d'améliorer le projet, ils tendraient à le compromettre.
M. Thibaut. - Alors je n'insisterai pas.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Je vais prouver que les intérêts que l'honorable M. Thibaut veut défendre ont déjà été défendus avec toute la sollicitude possible par le gouvernement.
Une pétition a été adressée à mon département ayant l'objet qui vient d'être indiqué par l'honorable M. Thibaut. J'ai consulté la compagnie à l'effet de savoir si elle consentirait à des modifications dans son contrat, qui porteraient que l'une des branches de ce chemin de fer passerait par le canton de Beauraing et a proximité du chef-lieu de ce canton, l'autre par le canton de Gedinne et à proximité de Gedinne.
Voici comment les questions ont été formulées vis-à-vis de la compagnie. Je donnerai lecture de la dépêche que je lui ai adressée, pour montrer à l'honorable préopinant combien j'ai mis de précision dans mes indications :
« Veuillez, je vous prie, examiner la demande qui fait l'objet de cette requête et me faire connaître ensuite si vous consentez à ce que l'on fasse figurer dans la loi dont le projet sera soumis très incessamment à la législature, les points de Beauraing (ou un point proche de Beauraing) pour la ligne n°2, et de Gedinne (ou un point proche de Gedinne) pour la ligne n°3, comme points de passage obligés. »
Voici, messieurs, ce que la Compagnie m'a répondu :
« Les études définitives des lignes ne sont pas encore assez complètes pour qu'il me soit possible de répondre catégoriquement au contenu de votre dépêche du 6 courant. Je dois donc maintenir intacts les termes du contrat et me borner à vous donner l'assurance que je me ferai un devoir et un plaisir de satisfaire, autant qu'il dépendra de moi, et que les intérêts de l'entreprise et de la compagnie le comporteront, les désirs que vous m'exprimez et les vœux des populations. »
Ainsi, messieurs, par anticipation la compagnie a refusé de modifier le contrat dans les termes qu'indique l'honorable M. Thibaut, et je n'aurais certainement pas plus de chance aujourd'hui d'obtenir cette modification que je n'en avais il y quelques semaines.
Nous nous trouvons donc en présence d'un refus certain, si nous faisions une nouvelle tentative.
En ce qui concerne le délai d'exécution, évidemment, il n'y a pas de raison d'abréger le délai pour la troisième ligne définie à l'article, sans l'abréger en même temps pour l'embranchement de Bastogne vers Hotton. On mettrait ainsi la société dans l'obligation d'exécuter ce réseau considérable en son entier, endéans les 5 ans, dans un pays extrêmement difficile. Je considère cela comme impossible ; je préfère laisser à la société un délai raisonnable que de lui imposer un délai endéans lequel elle ne (page 1030) pourrait pas sérieusement exécuter les travaux auxquels elle s'engage.
En ce qui concerne le pont à construire à Hastières, il est dans l'intention du gouvernement qu'un pout sur la Meuse soit établi en cet endroit, aux frais des diverses parties intéressées, parmi lesquelles je citerai la compagnie du Nord. L'Etat interviendrait pour une part large et équitable.
M. Thibaut. - En présence des explications de M. le ministre, je retire mon amendement.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - M. le président, je crois qu'il conviendrait de voter par littera.
Il y a des modifications au cahier des charges des chemins de fer qui font l'objet des littera A et B. Il doit être entendu qu'en adoptant le littera, la Chambre ratifie les modifications apportées au cahier des charges.
« Art. 1er. Le gouvernement est autorisé à concéder :
« A. 1° Un chemin de fer prenant son origine à la frontière française près Bouillon et aboutissant à la frontière de Prusse, dans la direction de Saint-Vith, avec embranchements d'un point pris à proximité de Bastogne et aboutissant, d'une part, à la frontière du grand-duché de Luxembourg, dans la direction de Wiltz, d'autre part, vers Hotton, soit à la ligne reprise ci-dessous sub n°2, soit à la ligne de Marche à Liège par la vallée de l'Ourthe ;
« 2° Un chemin de fer prenant son origine à la ligne de Namur vers Givet, au point de jonction à cette ligne, de celle de Marienbourg vers Dînant, et aboutissant, à ou près Vielsalm, au chemin ci-dessus décrit sub n°1 ;
« 3° Un chemin de fer prenant son origine à celui de Bouillon vers Bastogne, et se raccordant au deuxième chemin énoncé ci-dessus, à ou près Rochefort ;
« Ensemble aux clauses et conditions de la convention et du cahier des charges du 10 janvier 1863. »
- Adopté.
« B. Un chemin de fer partant de Landen, passant par Hannut, Huy et a vallée du Hoyoux, et se raccordant au chemin de fer de Namur à Arlon, aux clauses et conditions de la convention et du cahier des charges du 13 janvier 1863. »
- Adopté.
« C. Un chemin de fer prenant son origine à Piéton, sur la ligne de Heaume à Marchienne, et se raccordant à celle de Manage à Wavre entre la station de Manage et celle de Seneffe, avec embranchement vers la première de ces stations, aux clauses et conditions de la convention et du cahier des charges du 21 février 1863. »
- Adopté.
« D. 1° Un chemin de fer partant de Coudrai et aboutissant à Denderleeuw, en passant par Audenarde et Sottegem ;
« 2° Un chemin de fer partant de Grammont et aboutissant à Nieuport, en passant par Audenarde, Waereghem, Ingelmunster et Roulers ;
« Ensemble aux clauses et conditions de la convention et du cahier des charges du 28 février 1863. »
M. H. Dumortier. - Messieurs, je m'efforcerai de restreindre mes observations dans les limites les plus étroites. Je crois pouvoir dire sans contestation possible que la rectification de Courtrai à Denderleeuw est une entreprise des plus sérieuses, que c'est là une des rectifications les plus importantes qui restent à faire.
Ce projet a non seulement trouvé des concessionnaires, mais c'est un de ceux qui n'iraient certes pas grossir la collection des 300 concessions non exécutées qui reposent dans les cartons du ministère des travaux publics.
L'exécution de ce projet est assurée et le gouvernement n'avait que l'embarras du choix entre différents concessionnaires. Mais peut-être le gouvernement s'est-il un peu exagéré l'importance de cette ligne lorsqu'il y a rattaché un autre projet dont l'avenir est moins assuré. J'entends parler de la ligne de Grammont à Nieuport.
Je pourrais dire à ce sujet beaucoup de choses, vous présenter des calculs et des résultats sur la situation peu brillante des chemins de fer dans la Flandre occidentale ; mais, d'un côté, je désire abréger mes observations et, d'un autre côté, je ne veux pas discréditer des entreprises pour l'exécution desquelles les concessionnaires ont montré du dévouement. Je désire, au contraire, encourager l'industrie privée.
Je me demande cependant si ce chemin de fer, qui est évidemment dans des conditions tout autres que la ligne de Denderleeuw à Courtrai, si ce projet, étant joint à la première ligne, ne pourrait pas devenir un obstacle à ce que celle-ci soit construite. Il serait déplorable de voir rentrer ce projet dans les cartons comme la concession de Courtrai à Braine-le-Comte qui n'a jamais été exécuté que sur le papier.
J'appelle sur ce point l'attention sérieuse du gouvernement.
Messieurs, à côté de la combinaison présentée par M. le ministre, il y en avait une autre beaucoup plus grandiose, qui était un commencement de réalisation de ce qui doit nécessairement arriver, dans l'avenir c'est-à-dire la création de chemins de fer par zones.
Une grande partie des tronçons de nos chemins de fer concédés n'ont pas la longueur nécessaire, pour devenir des entreprises lucratives ; leur position ne s'améliorera notablement que par l'adoption du principe d'association.
En France, il y avait 70 ou 80 administrations particulières ; elles se sont réunies en 10 ou 12 grandes administrations ; et de cette manière leur situation s'est beaucoup améliorée. C'est le but vers lequel nous devons tendre aussi en Belgique.
Eh bien, le gouvernement a été saisi d'une combinaison de ce genre qui avait pour objet la reprise de tout le réseau de la Flandre occidentale, auquel on aurait joint la ligne de Denderleeuw à Courtrai ; une ligne de jonction aux lignes du nord français.et probablement aussi la ligne que nous sollicitons depuis si longtemps, de Courtrai à Braine-le-Comte par Avelghem et Renaix.
M. le ministre des travaux publics a cru devoir donner la préférence à la combinaison qui figure dans le projet de loi ; il a eu sans doute à apprécier des circonstances que je suis peut-être moins à même d'apprécier que lui ; je ne m'oppose pas à ce que le projet soit adopté tel qu'il est proposé, mais je dois faire une réserve.
Les fonds nécessaires à l'exécution de la combinaison à laquelle j'ai fait allusion étaient assurés ; la concession était demandée par des personnes qui font tous les jours leurs preuves en matière de construction de chemins de fer, qui disposent hic et nunc de tous les millions nécessaires pour exécuter une aussi grande entreprise. Je pense qu'il en est peu d'aussi aptes, même à l'étranger, à se charger de grandes constructions.
Or, voici l'observation que j'ai à soumettre à M. le ministre des travaux publics :
« La convention faite entre le gouvernement et les demandeurs en concession stipule à l'article 2 que le cautionnement définitif de 600,000 francs sera fourni dans le délai de six mois. »
C'est peut-être là une garantie pour l'avenir, parce que si dans les six mois les concessionnaires ne trouvent pas les fonds nécessaires pour faire le cautionnement définitif, il sera à peu près démontré qu'il y a dans ce projet quelque chose qui doit en empêcher la réalisation. Le gouvernement pourra alors avisera d'autres combinaisons. C'est pourquoi la 6ème section, à laquelle j'avais l'honneur d'appartenir, a, à l'unanimité de ses 16 membres présents, exprimé le vœu que le gouvernement se montrât très rigoureux pour accorder de nouveaux délais à l'expiration de ceux stipulés par la convention ; car, en accordant de nouveaux délais, on empêcherait ainsi indéfiniment la réalisation d'un projet pour lequel il y a des fonds prêts.
Une chose m'a beaucoup étonné : c'est de voir dans un article du cahier des charges une petite disposition entremêlée entre beaucoup d'autres et qui pourrait anéantir complètement l'efficacité de cette disposition de l’article 2 de la convention.
Il est dit à la page 63 du cahier des charges, que le délai de six mois pour le cautionnement définitif pourra être prorogé par le gouvernement ; mais je demande alors quelle est la signification de l'article 2 ; cet article dispose que le cautionnement définitif doit être versé dans les six mois ; maintenant en vertu d'une autre disposition, le gouvernement reste libre de proroger le délai indéfiniment ; il est évident que si on maintient cette dernière disposition, il doit être convenu que le gouvernement l'exécutera raisonnablement, en ce sens que si, à l'expiration des délais, on n'avait pu fournir le cautionnement définitif, et s'il se présentait un autre concessionnaire, ayant les fonds nécessaires, et offrent toute espèce de garanties, le gouvernement ne laisserait pas indéfiniment cette entreprise en souffrance.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Messieurs, l'honorable M. H. Dumortier ne détermine pas exactement la portée de la stipulation du cahier des charges dont il a parlé. L'honorable membre croit que par l'article 17 le gouvernement est autorisé à proroger successivement et indéfiniment le délai endéans lequel le cautionnement supplémentaire devra être versé. C'est une erreur, l'article 2 de la convention fixe le montant du cautionnement supplémentaire qui est de 300,000 francs ; il fixe aussi le délai dans lequel ce cautionnement doit être versé : ce délai est de 6 mois. Le gouvernement ne peut proroger ce délai que de 3 mois en vertu de la loi du 28 mai 1856 ; il ne pourrait proroger le délai au-delà de 3 mois qu'avec l'assentiment de la législature, Quant à l'article 17 du cahier des charges, il ne s'applique qu'aux délais (page 1031) pour l'exécution des travaux, non aux délais pour le versement du cautionnement.
M. Rodenbach. - L'honorable M. le Bailly voulait prononcer un discours, mais il n'a pu se rendre à la Chambre ; il m’a prié de remettre sa note au Moniteur. La Chambre consentira sans doute à ce qu'elle soit insérée dans les Annales parlementaires ? (Assentiment.) Pour moi, je renonce à la parole, la Chambre étant fatiguée.
- Personne ne demandant plus la parole, le n°2 du littera D est mis aux voix et adopté.
M. le président . - La Chambre passe au littera E :
« E. Un chemin de fer de Tournai à la frontière française dans la direction de Lille, aux clauses et conditions de la convention du 6 février 1863. »
M. Allard. - Messieurs, je ne serai pas long. Je veux seulement appeler l'attention de M. le ministre des travaux publics sur l'article 7 de la convention. D'après l'article G, la ligne à construire doit prendre son origine en dehors de la station de Tournai sur le chemin de fer de l'Etat de Tournai à Mouscron, en un point à fixer au-delà du pont construit sur l'Escaut. L'article 7 dispose que le partage des recettes ne s'applique point à celles provenant des transports directs entre Tournai et Templeuve. Or si la ligne à construire doit prendre son origine, en dehors de Tournai, au-delà du pont, à deux ou trois kilomètres de Tournai, je dois en conclure que plus tard, si le chemin de fer de Lille à Tournai vient se souder à la ligne de l'Etat entre Froyennes et Pont-à-Chin, on établira à ce point une station.
Les transports alors ne seraient plus directs entre Tournai et Templeuve, puisqu'ils s'arrêteraient à une nouvelle station qui serait établie entre ces deux communes.
Je crois donc qu'il ne faudrait pas se contenter de parler, dans le cahier des charges, des transports directs entre Templeuve et Tournai, mais qu'il conviendrait de stipuler que la compagnie n'aura droit à aucune recette sur les transports directs entre Tournai et toutes les stations qui sont établies ou qui pourraient l'être à l'avenir sur les lignes appartenant à l'Etat entre Furnes et Mouscron.
- Le littera E est mis aux voix et adopté.
« F. Un chemin de fer de Péruwelz à la frontière française, dans la direction de Condé, aux clauses et conditions de la convention du 28 février 1863. »
- Adopté.
L'ensemble de l'article premier est mis aux voix et adopté.
« Art. 2. Le gouvernement est autorisé à concéder aux clauses et conditions ordinaires :
« A. Un chemin de fer d'Anvers à la frontière du duché de Limbourg, devant se prolonger jusqu'à Dusseldorf. »
« L'origine de cette ligne ne pourra être éventuellement fixée à Herenthals, que sous la condition que l'allongement de parcours à résulter, entre Herenthals et Anvers, de l'admission de ce point de départ, sera négligé dans l'application des tarifs. »
M. le président. - M. Loos propose à cette première partie de l'article 2 un amendement consistant dans la suppression du paragraphe 2 du littera A.
M. B. Dumortier. - J'ai fait remarquer tout à l'heure, en ce qui concerne ce chemin de fer, qu'il y avait un demandeur en concession. L'honorable M. Loos a été plus loin et nous a assuré qu'il y en avait trois. Quoi qu'il en soit, je crois que la première maison qui a sollicité cette concession est celle de MM. Delloye-Tiberghien et Cie. (Interruption.) Et certes, personne ne contestera la grande solidité et la solvabilité d'une pareille maison. Du reste, l'honorable M. Loos nous a assuré qu'il y avait trois demandeurs en concession parfaitement solvables ; et certes, quand l'honorable membre parle de la solvabilité d'une maison, je crois qu'on peut s'en rapporter entièrement à ce qu'il dit.
Je demande si, dans de pareilles conditions, il ne serait pas plus utile de mettre la concession de ce chemin de fer d'Anvers à Dusseldorf en adjudication, avec publicité et concurrence, afin que la durée de la concession puisse être réduite le plus possible. La concession dont il s'agit sera probablement demandée pour 90 ans ; mais si une société se présentait qui offrît de ne la prendre que pour 70 ou 80 ans, il y aurait là un avantage important pour le trésor public, puisqu'il rentrerait 20 ou 10 ans plus tôt en possession de cette ligne.
Je crois que c'est le cas ou jamais d'user du moyen infaillible de la concurrente pour arriver à ce résultat.
Ce chemin de fer sera un des plus lucratifs que l'on puisse créer : M. le ministre, en effet, nous a dit qu'il ne coûterait que 100,000 fr. par kilomètre (Interruption.) Or, un chemin de fer établi dans de pareilles conditions ne doit pas rapporter un revenu bien considérable pour couvrir ses frais et donner encore des beaux bénéfices aux actionnaires. Et quand on considère que ce chemin de fer transportera une notable partie des marchandises que transporte aujourd'hui le chemin de fer de l'Etat, il n'est point douteux qu'une devienne bientôt un des plus lucratifs du pays.
M. le ministre nous dit qu'il n'y a pas de motif pour recourir à un mode spécial de concession, l'adjudication publique. Pour moi, messieurs, je trouve ce motif dans le fait que déjà nous avons trois demandeurs en concession, tous trois d'une grande solvabilité et qui sont prêts à verser le cautionnement et à commencer les travaux.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Je n'ai pas dit que le chemin de fer d'Anvers à Düsseldorf ne coûterait que 100,000 francs par kilomètre, car je crois qu'il coûtera plus. Mais j'ai supposé que la dépense serait au minimum de 100,000 fr. par kilomètre, (et je savais fort bien que ce chiffre était d'une modération excessive), et j'ai dit que, dans cette hypothèse, la distance entre Anvers et Herenthals étant à peu près de 30 kil., cela ferait une dépense de 3 millions en plus qu'on imposerait à 1a compagnie concessionnaire pour économiser 2 à 2 et demi kilomètres.
Maintenant y a-t-il lieu de recourir, dans ce cas spécial, à un système exceptionnel de mise en adjudication publique ? Il y a, dit l'honorable membre, trois capitalistes sérieux qui se présentent. Mais, messieurs, croyez-vous donc qu'ils seraient seuls à se présenter à l'adjudication et qu'il n'y en a aurait pas une dizaine d'autres peut être beaucoup moins sérieux, qui feraient des offres à la légère et qui ne présenteraient aucune garantie de solvabilité ? (Interruption.)
J'ai dit, messieurs, et je dois répéter qu'il s'agit ici d'une entreprise très lourde ; et, en effet (puisque je suis poussé à m'en expliquer clairement), ce chemin de fer rencontre d'abord très peu de populations sur son parcours ; il traverse la Campine et qu'y fera-t-il ? II fécondera la Campine, mais aux dépens de qui ? Aux dépens des actionnaires.
C'est une excellente affaire pour la Campine, elle paraît moins bonne pour les actionnaires.
Ensuite, il faut construire un pont sur la Meuse et un pont sur le Rhin ; n'est-ce rien que tout cela ? Quant à moi, messieurs, je trouve cette entreprise difficile en elle-même, et je ne pense pas qu'il soit prudent de la grever encore d'une dépense de 3 millions, qui ne serait pas indispensable. C'est pour cela que j'ai dit à l'honorable M. Loos que, dans l'intérêt même de l'affaire ou plutôt de la ville d'Anvers, il ferait mieux de ne pas insister sur son amendement.
M. le président. - M. Loos, maintenez-vous votre amendement ?
M. Loos. - Oui, M. le président.
M. le président. - Je vais le mettre aux voix.
- Plusieurs membres. - L'appel nominal.
M. le président. - Il va y être procédé.
En voici le résultat :
86 membres répondent à l'appel.
29 répondent oui.
57 répondent non.
En conséquence, la Chambre n'adopte pas.
Ont répondu oui : MM. de Naeyer, de Paul, de Rongé, B. Dumortier, Frison, Goblet, Guillery, Jacquemyns, Janssens, Charles Lebeau, Loos, Orts, Pirmez,, Prévinaire, Sabatier, Van Humbeeck, Van Leempoel de Nieuwmunster, Van Volxem, Verwilghen, Ansiau, Bara, Beeckman, Coppens, Crombez, de Boe, De Fré, de Gottal, de Lexhy et de Muelenaere.
Ont répondu non : MM. de Renesse, de Ridder, de Smedt, de Terbecq, de Vrière, d'Hoffschmidt, Dolez, Henri Dumortier, d'Ursel, Frère-Orban, Grosfils, Hymans, Jamar, J. Jouret, M. Jouret, Julliot, Landeloos, Laubry, J. Lebeau, Magherman, Mercier, Moreau, Mouton, Muller, Nélis, Nothomb, Orban, Pirson, Rodenbach, Rogier, Snoy, Tack, Tesch, Thibaut, Thienpont, A. Vandenpeereboom, Vander Donckt, Vanderstichelen, Van Iseghem, Van Overloop, Van Renynghe, Vermeire, Vilain XIIII, Wasseige, Allard, Braconier, Coomans, David, Debaets, Dechentinnes, de Decker, de Florisone, de Haerne, F. de Macar, de Mérode, de Moor et E. Vandenpeereboom.
Le littera A est adopté.
« B. Un chemin de fer de Poperinghe à la frontière française dans la direction de Hazebrouck ou d'un point intermédiaire cotre cette ville et Dunkerque. »
- Adopté.
(page 1032) « C. Un chemin de fer de Thielt à Lichtervelde. »
- Adopté.
« Art. 3 (amendé par le gouvernement). Le gouvernement est autorisé à concéder :
« A. A la société du chemin de fer Liégeois-Limbourgeois, un chemin de fer de Beverst à Hasselt, avec embranchement au bassin de cette dernière ville, aux clauses et conditions du cahier des charges annexé à la convention du 7 juin 1862.
« B. Au sieur François Lancelot, à titre d'extension de sa concession d'un chemin de fer de Malines à Saint-Nicolas, et aux clauses et conditions du cahier des charges de ladite concession, du 4 avril 1862 :
« 1° Un chemin de fer de Saint-Nicolas à la frontière des Pays-Bas, dans la direction de Hulst ;
« 2° Un chemin de fer de Tamise à Termonde, passant par Hamme. »
M. le président. - Un amendement a été proposé au paragraphe 2 par MM. Vermeire, de Decker et de Terbecq.
Il est ainsi conçu :
« Un chemin de fer partant de Termonde, passant par Hamme et se reliant à la ligne de Malines à Saint-Nicolas. »
M. Vermeire. - Dans la séance du 15 juillet dernier, nous avions proposé par amendement la ligne qui fait l'objet du paragraphe 2 de l'article 3 ; le gouvernement n'a pas accepté alors notre proposition, par le motif qu'il n'y avait pas de demandeur en concession. Un demandeur s'étant depuis présenté, le gouvernement a cru pouvoir proposer la concession de ce chemin de fer.
Nous avons cru devoir présenter un amendement au paragraphe 2 du projet, à l'effet de ne pas indiquer d'une manière positive la point de ralliement au chemin de Malines à Saint-Nicolas, par Tamise.
Il est préférable, selon moi, de ne pas indiquer ce point et de laisser au gouvernement toute latitude à cet effet.
L'amendement a été communiqué à M. le ministre ; ce haut fonctionnaire a cru pouvoir l'adopter dans les limites que nous y avons assignées.
Je crois inutile d'entrer dans de plus longs développements.
M. Julliot. - Dans la séance d'hier, M. le ministre des travaux publics a eu à répondre à tant d'objections, qu'une question que je lui avais posée est restée sans réponse. Cette question est trop importante pour qu'elle puisse passer inaperçue. Je vais donc la renouveler.
En 1861, une concession de chemin de fer de Tongres à Munsterbilsen fut accordée à la compagnie Houtain, de Bruyn et Cie. Ce contrat porte que cette ligne devait être exploitée en novembre 1862, elle n'a que quatorze kilomètres de développement, et en mai 1863 elle n'est pas achevée.
Par la loi de 1862, une seconde ligne de Tongres à Liège, avec bifurcation sur Ans, fut concédée à la même société ; les constructeurs de ces différentes lignes sont les mêmes et ils sont chargés de l'exploitation, or, si 14 kilomètres demandent deux ans de travail, les lignes vers Liège peuvent en exiger trois, puisque le parcours est triple.
Cependant le bruit est généralement répandu que la compagnie se propose de n'exploiter que l'ensemble de ces lignes, c'est-à-dire qu'on attendra pour doter Tongres de l'usage de la ligne de Bilsen, tant que le tout ne sera pas construit, quoique chaque ligne a sou contrat spécial et que tout contrat doit être exécuté.
On dit même que le gouvernement est favorable à ce projet d'abstention dans l’exploitation de la ligne de Bilsen et que la société peut compter sur sa protection de ce chef.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Pas du tout, il n'en est rien.
M. Julliot. - A la bonne heure. Nous avons pour constructeurs des hommes honorables qui laissent de bons souvenirs partout où ils font des travaux, nous avons laissé passer sept mois sans nous plaindre, nous ne demandons aucune rigueur pour le passé, mais après avoir lutté dix ans pour obtenir une concession, nous ne voulons pas être envoyés aux calendes grecques pour l'exploitation.
Il est donc convenu que dès à présent on peut demander l'exécution de ce contrat, mais pour être bienveillant jusqu'au bout nous engagerons le gouvernement à mettre la société en demeure d'exploiter la ligne de Tongres à Munsterbilsen au plus tard au 1er août prochain. Le commerce considérable qui se fait avec Tongres ne doit pas souffrir plus longtemps de l'inexécution d'un contrat. Indulgence plenière jusqu'à l'époque fixée, mais alors aussi sévérité dans l'application des peines que commine le cahier des charges.
Si M. le ministre ne dit pas le contraire de ce que j'avance, je tiendrai cette affaire comme définitivement réglée, et le commerce pourra dès à présent prendre ses mesures en conséquence, sous l'égide de la garantie gouvernementale.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - La société est d'autant moins fondée à retarder la mise en exploitation, qu'elle jouit d'une garantie d’intérêt et que, s'il y avait perte, ce serait à charge de l'Etat. Dès que la ligne pourra être exploitée, sous aucun prétexte le gouvernement n’autoriserait la compagnie à ajourner l'exploitation.
Quant à la modification de rédaction proposée par les députés de Termonde à l'amendement que j'ai déposé, nous sommes d'accord.
M. Van Overloop. -Messieurs, je commence par remercier M. le ministre des travaux publics d'avoir, par son amendement, rendu justice à l'arrondissement de Saint-Nicolas.
En accordant la concession vers la frontière des Pays-Bas, l'honorable ministre des travaux publics a reconnu la vérité de ce que mes collègues, MM. Janssens, Verwilghen et moi, nous avons soutenu, lorsqu'il s'est agi la première fois d'un chemin de fer vers Terneuzen.
L'amendement ne parlant pas du tracé, il ne me reste qu'à engager M. le ministre à faire en sorte de concilier les intérêts des différentes communes si importantes qui se trouvent entre Saint-Nicolas et la frontière des Pays-Bas.
M. le président. - Je mets aux voix l'article amendé par M. le ministre des travaux publics, y compris l'amendement de M. Vermeire.
- Il est procédé au vote par assis et levé.
L'article ainsi amendé est adopté.
« Art. 4. La convention en date du 14 février 1863, portant modification, en ce qui concerne le tracé, de celle du 24 mai 1862, relative au chemin de fer de Hal à Atj, et du cahier des charges y annexé, est approuvée.
M. Allard. - Messieurs, je serai bref, je veux seulement au nom de Tournai et de son arrondissement protester contre le changement que l'on veut opérer dans le tracé du chemin de fer d'Ath à Hal.
Il est vraiment inconcevable que l'on voie des difficultés dans l'exécution du projet qui a été adopté l'année dernière ; il est vraiment incroyable qu'on vienne prétendre qu'on ne puisse pas construire un chemin de fer aboutissant à Hal, tandis qu'on est parvenu à vaincre partout toutes les difficultés qui se sont présentées, lors de l'établissement de nos nombreux chemins de fer.
Savez-vous quelle est la différence de niveau entre Hal et Ath ? Deux mètres !
Il est question de demander la concession d'un canal de Hal à Ath, et l’ingénieur qui en fait les études m'a dit que ce canal n'aurait qu'une seule écluse, s'il s'exécute.
Comment, avec une pente aussi minime, peut-on soutenir qu'on ne peut exécuter le tracé adopté l'an dernier ?
Du reste, s'il est impossible d'aboutir à Hal, parce qu'on aurait une inclinaison de 0 m. 006, je ferai observer qu'il suffit qu'on fasse une tranchée plus profonde pour arriver à la diminuer jusqu'à 0 m. 005.
Ce n'est pas plus difficile que ça ? Si Hal était au haut d'une montagne, je comprendrais qu'on ne pût pas y arriver ; mais il ne s'agit ici que de quelques dépenses de plus à charge des concessionnaires, parce qu'ils devraient faire de plus grands déblais.
J'espère, messieurs, que la Chambre repoussera la proposition du gouvernement, qui, à nos yeux, ne peut être justifiée.
- Il est procédé au vote par appel nominal sur l'article 4 du projet de loi.
82 membres y prennent part.
37 répondent oui.
45 répondent non.
En conséquence, la Chambre n'adopte pas.
Ont répondu non : MM. de Naeyer, de Paul, de Ridder, de Rongé, de Smedt, B. Dumortier, Frison, Goblet, Guillery, Hymans, Jacquemyns, Jamar, Janssens, M. Jouret, Laubry, C. Lebeau, J. Lebeau, Loos, Magherman, Mouton, Muller, Orts, Pirmez, Pirson, Prévinaire, Rodenbach, Sabatier, Thienpont, Vander Donckt, Van Humbeeck, Van Renynghe, Van Volxem, Verwilghen, Wasseige, Allard, Ansiau, Bara, Beeckman, Coomans, Coppens, Crombez, de Boe, de Florisone, De Fré et de Gottal.
Ont répondu oui : MM. de Renesse, de Terbecq, d'Hoffschmidt, H. Dumortier, Frère-Orban, Grosfils, Julliot, Landeloos, Mercier, Moreau, Nélis, Nothomb, Orban, Rogier, Snoy, Tack, Tesch, Thibaut, A. Vandenpeereboom, Vanderstichelen, Van Iseghem, Van Leempoel de Nieuwmunster, Van Overloop, Vermeire, Vilain XIIII, Braconier, David, Debaets, Dechentinnes, de Decker, de Haerne, de Lexhy, F. de Macar, de Mérode, de Moor, de Muelenaere et E. Vandenpeereboom.
(page 1033) M. le président. - Ici vient l'article 5 nouveau proposé par M. le ministre.
« Art. 5 (nouveau). Le gouvernement est autorisé à accorder, en un ou plusieurs termes, au sieur Emile Du Pré ou à ses ayants droit, pour se conformer aux prescriptions régissant la concession d'un chemin de fer de Frameries à Chimay, une prorogation de délai qui ne pourra dépasser le 12 m 1864. »
Par suite de la suppression de l'article 4 primitif cet article 5 devient l'article 4.
- Adopté.
« Art. 5. Pour le cas où les conventions visées à l'article premier, litteras A, B, C et D, se trouveraient annulées, faute par les demandeurs en concession de verser aux époques y stipulées les cautionnements supplémentaires, le gouvernement est autorisé à céder à des tiers, aux clauses et conditions ordinaires, les lignes faisant l'objet desdites conventions. »
- Adopté.
« Ar. 6. La présente loi sera obligatoire le lendemain de sa publication. »
- Adopté.
M. le président. - La Chambre veut-elle passer immédiatement au vote sur l'ensemble ?
M. Vilain XIIII. - Il y a un article rejeté ! Dès lors le vote sur l'ensemble ne peut avoir lieu immédiatement.
M. le président. - Si la Chambre est unanime pour procéder immédiatement au vote sur l'ensemble, cela peut se faire.
M. Vilain XIIII. -Je demande que le vote définitif ait lieu demain.
M. le président. - Du moment qu'il y a opposition, le règlement doit être exécuté.
M. Guillery. - Je ne crois pas qu'il y ait un amendement ; il y a eu un article rejeté.
M. Vilain XIIII. - C'est la même chose.
M. Guillery. - Permettez. Pour qu'il y ait un amendement adopté, il faut qu'il y ait eu un amendement proposé. Or, personne n'ayant proposé d'amendement, il ne peut y avoir d'amendement adopté. Nous n'avons pas déposé un amendement ; nous avons combattu ut article, et cet article a été rejeté.
M. Vilain XIIII. - L'article 45 du règlement est formel.
M. le président. - Il y a eu d'autres amendements apportés au projet. Par conséquent, si des membres demandent la remise, elle doit avoir lieu.
M. B. Dumortier. - La Chambre est en droit de prononcer l'urgence. Et certes si l’urgence se justifie, c'est dans cette circonstance.
M. Vilain XIIII. - Comment ! c'est l'honorable M. Dumortier qui l'autre jour nous a empêchés de voter la loi sur les bourses qui aujourd'hui vient proposer un vote d'urgence alors qu'on réclame l'exécution du règlement !
Je demande formellement l'exécution du règlement et je m'oppose à ce que le vote ait lieu aujourd'hui.
M. le président. - Le second vote pourrait avoir lieu demain à l'ouverture de la séance, si personne ne s'y opposait. S'il existe une seule opposition, le règlement doit être suivi.
M. Pirmez. - Je ferai remarquer que si l'on veut exécuter le règlement, l'on ne peut voter demain sur les amendements, puisqu'il doit s'écouler un jour franc entre les deux votes. Je fais cette observation à la Chambre, non pas que je tienne à ce qu'on vote plus tôt après-demain que demain, mais, pour que si l'on fixe la vote définitif à demain, l'on constate qu'il n'y a pas opposition.
M. d’Hoffschmidt. - Je crois qu'il n'y a pas lieu de remettre le vote à après-demain. Il est évident qu'il est d'une extrême urgence de terminer le vote des lois sur lesquelles il nous reste à délibérer. Certainement le règlement exigerait que le vote définitif eût lieu après -demain ; mais pourquoi y aurait-il la moindre opposition à ce qu'il eût lieu demain ? Déjà même il y avait décision prise. M. le président avait dit que le vote aurait lieu demain, et personne n'avait réclamé. Je le répète, il est urgent que nous terminions l'examen des projets à l'ordre du jour.
M. de Moor. - Il me semble qu'il y a une question de convenance à mettre le vote à demain. Le Sénat est réuni et désire se séparer samedi.
M. Goblet. - Messieurs, on a invoqué le règlement d'une manière trop absolue contre ceux qui demandaient que l'on votât aujourd’hui pour que ceux contre qui on l'a invoqué ne demandent pas qu'on l'applique dans toute son étendue. Je demande donc que le vote définitif ait lieu après demain. Les raisons que l'on donne pour voter demain sont encore meilleures en faveur du vote immédiat.
M. Bara. - Je voulais présenter une observation dans le même sens que l'honorable M. Goblet. Je ne comprends pas la position que prend l’honorable M. Vilain XIIII. II se met à cheval sur le règlement et il propose en même temps de le violer, S'il veut l'application du règlement, qu'il demande que le second vote ait lieu samedi.
M. Vilain XIIII. -- Eh bien, je le demande.
M. Bara. - Dans ce cas, nous sommes d'accord.
M. Hymans (pour une motion d'ordre). - M. le ministre de l'intérieur a déposé dans le courait de la séance un projet de loi qui a pour objet l'annexion d'une partie de la commune d'Ixelles à la capitale. Je ne sais pas s'il est dans l'intention de la Chambre de discuter immédiatement ce projet. Dans tous les cas, je demande que le gouvernement veuille bien faire lithographier un plan qui nous donne une idée exacte du projet qu'il nous a soumis. Je crois que ce projet n'est pas tout à fait celui qui a été soumis aux délibérations du conseil provincial. Il est indispensable que la Chambre puisse se faire une idée précise de la différence qu'il y a entre ce projet et le projet primitif.
MVI. - Ce projet n'est en effet pas celui qui a été soumis au conseil provincial. Les choses sont considérablement restreintes. Si la Chambre le désire, je ferai lithographier un plan. Je dois toutefois faire observer qu'il ne sera pas possible de le soumettre demain à la Chambre.
M. Guillery. - Messieurs, les renseignements demandés par M. Hymans amèneraient tout simplement l'ajournement du projet de loi.
II y a une extrême urgence à voter ce projet, et parmi les motifs de cette urgence, j'en citerai un qui est péremptoire ; c'est qu'il n'y a plus de police dans le bois de la Cambre ; la police du gouvernement ne s'y exerce plus, celle de Bruxelles ne peut pas s'y exercer et on dévaste cette magnifique propriété.
Le gouvernement avait promis de déposer le projet ; il vient d'exécuter sa promesse, et si nous le voulons bien, nous pourrons voter le projet avant de nous séparer. Je demande que le projet soit imprimé et examiné le plus tôt possible.
M. Hymans. - Il me paraît impossible que ce projet soit examiné immédiatement. D'après le règlement un projet ne peut être discuté en sections que trois jours après la distribution. Il faudrait que les sections se réunissent demain et que le projet fût en quelque sorte emporté à la pointe de l'épée. Et permettez-moi, messieurs, de dire à ce propos qu'il s'agit ici d'une question de liberté communale qui mérite un sérieux examen.
L'honorable M. Guillery me paraît exagérer beaucoup les dévastations dont le bois de la Cambre est le théâtre. J'ai visité comme lui cette promenade et je n'ai pas vu les dégâts dont parle l'honorable membre. S'il y a lieu de pourvoir à la police du bois de la Cambre et si la commune d'Ixelles ne peut pas le faire, le domaine pourrait, jusqu'au règlement définitif de la question, veiller à la conservation du bois.
D'ailleurs, messieurs, je le répète, ce que vient de dire l'honorable M. Guillery est empreint d’une grande exagération. On a pu arracher quelques branches d'arbres, mais je ne crois pas qu'il y ait eu des dévastations assez considérables pour nous obliger d'expédier en 24 heures, contrairement au règlement, un projet qui a eu contre lui l'unanimité du conseil provincial, moins les voix des conseillers de Bruxelles. Quand il s'agit de fixer les limites d'une commune, de modifier le territoire d'une commune de 25,000 âmes, on doit attendre au moins qu'elle ait été consultée et que le conseil provincial ail donné son avis, comme la loi l'exige. (Interruption.) M. le ministre a déclaré que le projet dont nous sommes saisis n'est pas celui qui a été soumis au conseil provincial.
Il me semble, messieurs, que je ne demande rien que de très raisonnable.
Je demande tout simplement qu'on veuille bien nous communiquer les plans, et si cette communication peut nous être faite demain, je consens très volontiers à discuter le projet avant notre séparation, mais je ne veux pas être obligé de me prononcer en aveugle.
M. le président. - L'incident est clos.
M. Coomans. - Nos travaux sont vraiment trop précipités ; il est impossible que nous examinions à fond tous les projets dont on nous saisit sans cesse et qui s'accumulent d'ure manière effrayante à la fin des sessions. Celui-ci, quoique simple en apparence, n'échappe pas à cette observation générale.
Vous comprenez tous, messieurs, l'extrême répugnance avec laquelle j'aurais à présenter des observations sur ce projet de loi, mais la conscience, le devoir avant tout, et je demande à pouvoir m'en expliquer. Je ne sais pas si l'heure n'est pas trop avancée.
- Plusieurs membres. - Parlez ! parlez !
M. Coomans. - Je me suis demandé, messieurs, en vertu de quel principe on propose une pension pour la famille de feu M. Pierre, et je n'en ai trouvé aucun. On m'a fait observer à droite et à gauche que cette famille n'est pas dans une position aisée ; je n'en doute pas, après l'incontestable témoignage qui nous a été donné par nos honorables collègues ; mais l'Etat a-t-il le devoir, le droit de venir au secours des familles malheureuses ?
C'est extrêmement grave. Quoi ? N'avons-nous pas, en Belgique, 100,000 familles malheureuses et des milliers de familles qui ont certainement autant de droits que nous à une pension ? Des fonctionnaires honorables laissent dans la misère une veuve et des enfants, et nous ne venons pas, exceptionnellement, proposer de leur accorder une pension ou une augmentation de pension.
Combien de services ne laissons-nous pas sans récompense ! Vous me direz que je reviens souvent sur le même sujet, mais est-ce de ma faute s'il me crève les yeux ? Lorsqu'on fait observer avec l'assentiment de tout le monde que des familles de miliciens.... (Interruption.) Oh ! j'y reviendrai mille fois... lorsqu'on fait observer que les familles de miliciens sont laissées dans la misère à la suite de services forcés rendus à l'Etat, est-ce que nous accordons une indemnité à ces familles ? On la leur refuse obstinément, injustement, scandaleusement.
Je sais, messieurs, qu'il est très agréable de se montrer généreux, mais je ne sais pas si l'on se montre véritablement généreux lorsqu'on l'est avec l'argent d'autrui.
Ah ! si l'on était venu proposer ici une honorable souscription pour notre collègue, j'y aurais pris part et j'aurais prouvé que mes observations sont inspirées par un tout autre sentiment que celui qu'on pourrait vouloir m'attribuer ; mais nous pensionner nous-mêmes, nous entre-pensionner les uns les autres, non je ne puis pas y consentir.
Je me suis opposé constamment à certains avantages qu'on voulait faire accorder aux membres de la Chambre.
Eh bien, votre projet consacre un principe grave non seulement au point de vue général que je viens d'indiquer, mais aussi au point de vue particulier des membres de la Chambre. Nous ne devons pas, nous, aspirer à une récompense pécuniaire, ni même à une rémunération. (Interruption.)
Pour moi, je ne trouve pas une seule considération raisonnable à faire valoir en faveur de la proposition de loi ; car ce n'est pas un argument qu'une misère, même parfaitement réelle.
Il y a, je le répète, des milliers d'autres familles qui sont dans le même cas, et avec plus de titres à une pension. (Interruption.)
Je vois que ces observations ne rencontrent pas l'assentiment général : je m'y étais attendu ; je ne les ai pas moins présentées, d'abord parce que je les crois justes ; ensuite, parce que je veux prévenir des antécédents dont ou pourrait facilement abuser, enfin parce qu'il ne peut entrer dans l'idée de personne de voir une inspiration de parti dans les remarques que je soumets à la Chambre.
En effet, la proposition de loi est signée par plusieurs de mes amis politiques, et certainement elle a été dictée par des sentiments généreux. Mais je le dis derechef, avons-nous le droit d'être généreux, et surtout d'être généreux avec l'argent des autre» ? Car enfin le budget ne nous appartiens pas.
Je propose une action plus généreuse, plus noble que celle-là, quoi qu'en dise le rapport de la section centrale. Montrons-nous généreux véritablement, faisons nous-mêmes la pension à Mme Pierre et à ses enfants, constituons-la avec nos deniers, et épargnons cette dépense aux contribuables. Pour ma part, je m'associerai volontiers à cet acte, qui ne sera pas moins honorable pour la famille que vous voulez soulager. (Aux voix !)
M. d'Hoffschmidt, rapporteur. -• Messieurs, je ne m'attendais pas à une opposition contre le projet de loi déposé par ceux de nos honorables collègues qui ont rempli la triste mission d'assister aux funérailles de M. Pierre. Les développements présentés à la Chambre par notre premier vice-président établissaient à l'évidence - et tel a été aussi l'avis de la commission - que par le projet de loi on avait en vue de faire un acte d'humanité et de gratitude à la fois.
Mais, dit l'honorable préopinant, il y a un grand nombre de familles qui se trouvent dans la même situation.
Cela est vrai, mais y a-t-il beaucoup de ces familles dont les chefs ont rempli des fonctions publiques pendant 25 ans, qui aient siégé sur les bancs de la législature pendant 15 années ? (Interruption.)
Il n'y a pas de loi pour ces cas, me dit-on. Mais il y a des précédents ; ainsi la Chambre a voté une pension en faveur de la veuve d'un général ; elle en a alloué également une à la mère d'un ancien ministre ; il y a d'autres cas encore ; le pays a-t-il désapprouvé ces votes du parlement ? (Aux voix !)
Je n'en dirai pas davantage. Dépareilles mesures doivent être prises en quelque sorte à l'unanimité et sans discussion.
J'espère que la proposition de loi réunira l'unanimité des voix, moins celle de l'honorable M. Coomans.
- La discussion générale est close.
On passe aux articles.
« Art. 1er. II est accordé, à charge du trésor public, une pension annuelle de deux mille francs, insaisissable et incessible, à la dame veuve Jean-Baptiste-Léon Pierre, née Fax. »
- Adopté.
« Art. 2. Si elle se remarie, elle perdra ses droits à la pension, qui sera réversible, comme en cas de décès, sur la tête de ses enfants pendant leur minorité sans que les droits résultant de cette réversion puissent, en aucun cas, attribuer à chaque enfant au-delà de cinq cents francs annuellement. »
- Adopté.
« Art. 3. Cette pension pendra cours à dater du 1er juin 1863. »
- Adopté.
« Art. 4. Le crédit ouvert à l'article 24 du budget de la dette publique, pour l'exercice 1865, est augmenté de onze cent soixante-six francs soixante-six centimes.
« Cette augmentation de crédit sera couverte au moyen des ressources ordinaires de l'exercice de la présente année. »
M. Allard.—Messieurs, la Chambre pourrait n'être plus en nombre après le vote sur l'ensemble ; je demande que la Chambre fixe dès à présent l'heure de la séance de demain.
- La Chambre, consultée, décide qu'elle se réunira demain en séance publique à 1 heure.
Il est procédé au vote sur l'ensemble du projet de loi.
73 membres répondent à l'appel nominal.
72 répondent oui.
1 (M. Coomans) répond non.
En conséquence, la Chambre adopte.
Le projet de loi sera transmis au Sénat.
Ont répondu oui : MM. de Naeyer, de Paul, de Renesse, de Ridder, de Rongé, de Smedt, de Terbecq, d'Hoffschmidt, Dolez, d'Ursel, Frère-Orban, Frisson, Goblet, Grosfils, Guillery, Hymans, Jacquemyns, Jamar, J. Jouret, M. Jouret, Julliot, Landeloos, C. Lebeau, J. Lebeau, Loos, Magherman, Mercier, Moreau, Mouton, Muller, Nélis, Nothomb, Orban, Pirmez, Pirson, Rogier, Sabatier, Snoy, Tack, Tesch, Thienpont, A. Vandenpeereboom, Vander Donckt, Vanderstichelen, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Leempoel de Nieuwmunster, Van Overloop, Van Renynghe, Van Volxem, Vermeire, Verwilghen, Vilain XIIII, Wasseige, Allard, Bara, Beeckman, Braconier, Coppens, Crombez, David, Debaets, de Boe, Dechentinnes, de Decker, de Florisone De Fré, de Lexhy, F. de Macar, de Mérode, de Moor et E. Vandenpeereboom.
- La séance est levée à 10 1/2 heures.