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Chambres des représentants de Belgique
Séance du vendredi 22 mai 1863

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1862-1863)

(page 1037) (Présidence de M. Vervoort.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Thienpont, secrétaire., procède à l'appel nominal à une heure et un quart.

M. de Florisone, secrétaire, lit le procès-verbal de la dernière séance.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Thienpont, secrétaire., présente l'analyse des pièces qui ont été adressées à Chambre.

« Par messages en date du 21 mai, le Sénat informe la Chambre qu'il a pris en considération diverses demandes en grande naturalisation et adopté divers projets de lois :

« Conférant la grande naturalisation;

« Ouvrant des crédits supplémentaires au budget de la guerre, des finances et de la justice ;

« Relatif à l'érection de la commune de Meix-le-Tige ;

« Prorogeant pour les deux sessions de 1864 le mode de nomination des membres des jurys d'examen universitaire ;

« Approuvant les traités de navigation et de commerce conclus avec la Prusse ;

« Approuvant la convention conclue avec la Prusse pour la garantie de la propriété des œuvres littéraires et artistiques, des modèles, dessins, marques de fabrique. »

- Pris pour notification.


« M. Goblet, obligé de s'absenter pour affaires urgentes, demande un congé. »

- Accordé.

Projet du loi autorisant la constitution d'une société anonyme immobilière

Discussion générale

M. le président. - La section centrale, à l'unanimité, propose l'adoption du projet rédigé dans les termes suivants :

« Le gouvernement est autorisé :

« 1° A approuver, conformément à l'article 37 du Code de commerce, la formation à Bruxelles d'une société anonyme, avec les caractères de la société commerciale, sous la dénomination de « Compagnie immobilière de Belgique », d'après les bases indiquées dans les statuts annexés au présent projet ;

« 2° A renoncer en tout ou en partie à la part éventuelle réservée à l'Etat dans le prix de vente excédant dix millions de francs, mentionné au cinquième alinéa de l'article 2 de la loi du 8 septembre 1859. »

Le gouvernement se rallie à cette modification.

M. Jamar, rapporteur. - Avant que la discussion s'engage, il importe de faire une modification au dernier alinéa du rapport et de le rédiger de la manière suivante :

« Cette modification est approuvée à l'unanimité, et la section centrale, par six voix contre une abstention, vous propose l'adoption du projet de loi ainsi modifié. »

M. Prévinaire. - J'ai demandé la parole pour prier M. le ministre des finances de donner une explication. L'article 3 des statuts détermine l'objet de la société dont nous nois occupons ; et à l'article 61, je trouve que :

« L'assemblée générale peut, sur la proposition du conseil d'administration, apporter aux statuts les modifications reconnues nécessaires.

« Elle peut notamment autoriser :

« 1° L'augmentation du capital social ;

« 2° L'extension des attributions de la société ;

« 3° Sa fusion avec d'autres compagnies;

« 4° La prolongation de sa durée, ou si dissolution avant le terme ;

« 5° L'abandon de l'une ou de l'autre de ses attributions.

« Dans ces divers cas, les convocations doivent contenir l'indication sommaire de l'objet de la réunion.

« La délibération n'est valable qu'autant qu'elle réunit les deux tiers des voix.

« En vertu de cette délibération, le conseil d'administration est, de plein droit, autorisé à demander au gouvernement l'approbation des masures adoptées, à consentir les changement qui seraient exigés, et à réaliser les actes qui doivent les consacrer. »

Il faut rapprocher ces deux articles 3 et 61 pour en déterminer le sens véritable. L'article 3 mentionne d'une manière positive l'objet de la société, il s'agit là d'exécution de divers travaux d'opérations immobilière. Je voudrais savoir si l'article. 61 peut été entendu en ce sens que les attributions spécifiées par l'article 3 pourront subir des modifications. Je crois qu'il n'en est rien et que l'extension dont il est parlé à l'article 61 reste subordonnée à l'application des bases indiquées à l'article 3.

Une autre disposition me parait encore devoir donner lieu à une explication.

C'est l'article 34.

Cet article 34, après avoir énuméré les attributions et les pouvoirs de l'administration, parle du mode de placement des capitaux temporairement disponibles.

Il est évident qu'il est de l'essence de la société qu'il s'agit de créer, d'avoir des capitaux temporairement inappliquées et disponibles.

Cette société est instituée pour acheter, revendre et faire des opérations.

Il faut bien lui permettre de placer d'une manière temporaire ses capitaux inactifs, et je comprends qu'on lui donne la faculté de placer ses capitaux comme il est dit à l'article 34, c'est-à-dire :

1° En escompte d'effets de commerce ;

2° En comptes courants dans les établissements de Banque ou chez des banquiers ;

3° En valeurs garanties par l'Etat, les provinces ou les communes ;

4° En obligations cotées à la Bourse de Bruxelles ;

5° En prêts sur valeurs et obligations.

Cela me paraît parfaitement légitime, parfaitement rationnel, mais un doute a surgi dans mon esprit sur la portée réelle de la disposition suivante de l'article 34 :

« Néanmoins, si ces derniers excédaient la moitié du capital social versé, il ne pourrait être fait emploi de l'excédant que de la manière suivante : »

Comme la société a le droit, aux termes de l'article 5, d'émettre des obligations dans une très large mesure, je demande à M. le ministre des finances de vouloir nous dire si les placements en valeurs mobilières énumérés à l'article 34 pourront comprendre les capitaux provenant des obligations que la société aurait émises ou bien si cette disposition de l'article 34 s'applique exclusivement à la partie du capital social versée qui serait temporairement disponible. (Interruption.)

L'honorable M. Muller me fait observer qu'il s'agit exclusivement du capital versé.

Je sais bien que l'article 34 ne parle que d'une partie du capital versé, mais il est clair que la société se créant une ressource considérable par l'émission d'obligations, cette ressource réagira sur la partie du capital non utilisée, et qu'en fait, la société aura d'une manière permanente des capitaux à utiliser, sans qu'il soit possible de constater s'ils proviennent du capital social ou du produit des obligations négociées. Je pense que la disposition de l'article 34 que je viens d'indiquer devra être interprétée dans le sens le plus restrictif, afin que la société se renferme plus essentiellement dans le but de son institution qui a pour objet des opérations immobilières.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, le projet qui est soumis à vos délibérations porte que le gouvernement est autorisé à approuver les statuts d'une société anonyme immobilière, qui se constituerait sur les bases indiquées dans lesdits statuts, tels qu'ifs sont annexés au projet de loi. Ce sont donc ces bases qui forment l'objet principal de la société.

L'honorable M. Prévinaire demande si l'article 61, qui autorise l'assemblée générale à apporter, sur la proposition du conseil d'administration, des modifications aux statuts, lui confère également le (page 1038) pouvoir de modifier même les conditions essentielles, les bases constitutives de la société.

Messieurs, il faut nécessairement établir une distinction parmi les objets qui sont énumérés à l'article 61. Ou bien ces objets sont de pure administration, et dans ce cas ils peuvent naturellement être autorisés par le gouvernement ; ou bien ils touchent aux bases essentielles de la société, et dès lors ils ne peuvent être autorisés que par le pouvoir qui a constitué société elle-même, c'est-à-dire par la loi.

Ainsi, nous trouvons, dans l'article 61 des statuts des opérations que l'assemblée générale peut autoriser, sur la proposition du conseil d'administration ; telles sont : l'augmentation du capital social, l'extension des attributions de la société, sa fusion avec d'autres compagnie, la prolongation de sa durée ou sa dissolution avant le terme prévu par les statuts, l'abandon de l'une ou de l'autre de ses attributions, etc.

De ces actes, quels sont ceux pour lesquels l'approbation du gouvernement suffirait, quels sont ceux qui exigeraient l'intervention des Chambres?

La société pourrait, par exemple, être autorisée à abandonner l'une ou l'autre de ses attributions, sans qu'il fût nécessaire de recourir à une loi. Ce serait là une restriction de son action, et non une extension.

La dissolution de la société avant le terme prévu pourrait également être autorisée par le gouvernement.

Mais, quant à l'extension des attributions de la société, il est évident que le gouvernement n'aurait pas le pouvoir, en vertu de la loi qu'il convie la Chambre à voter, de donner son approbation aux dispositions que la société croirait devoir admettre dans le but de changer la nature de ses opérations ou de modifier le caractère de son existence. En pareil cas, une loi serait évidemment nécessaire.

Je crois que ces explications satisfont suffisamment à la première observation présentée par l'honorable M. Prévinaire.

Cet honorable membre a fait une seconde observation, dont je crains de n'avoir pas aussi clairement compris la portée. Il s'agit de l'article 34.

D'après l'article 34, le conseil d'administration a le pouvoir de faire emploi des capitaux temporairement disponibles. Si la disposition avait été limitée à ces termes, je ne pense pas qu'elle eût pu soulever la moindre difficulté, ni donner lieu à aucune objection. Il faut bien sans doute que le conseil d'administration ait le pouvoir de faire emploi des capitaux temporairement disponibles. Mais on a jugé prudent d'apporter une restriction à cette faculté, pour empêcher qu'à l'aide des capitaux disponibles, on ne fît des opérations purement mobilières, comme l'a tout à l'heure énoncé l'honorable préopinant, et l'on a décidé que, dans l'hypothèse où les capitaux disponibles viendraient à dépasser le montant de la moitié du capital social versé, il ne pourrait en être fait emploi que d'une manière déterminée. Or, cette manière déterminée exclut précisément ce que l'on a coutume d'appeler opérations de crédit mobilier. On entend par crédit mobilier la faculté de créer des opérations industrielles ou commerciales ; le but d'une société de crédit mobilier est de s'intéresser à ces opérations, soit en prenant des actions, soit en prenant des obligations.

Or, comme vous le remarquerez, les placements de fonds qui sont autorisés dans l'hypothèse prévue par l’article 34, s'appliquent à des opérations déjà faites et réalisées et non à des opérations qu'il s'agirait de créer. Ainsi l'excédant pourra être employé en escompte d'effets de commerce, en compte courant dans les établissements de banque, en valeurs garanties par l’Etat, les provinces ou les communes, en obligations cotées à la Bourse de Bruxelles. Il s'agit là d'opérations déjà engagées et en train de recevoir leur exécution.

Mais la société n'a pas le droit de créer des entreprises, de faire naître des opérations commerciales et industrielles, que l'on qualifie généralement d'opérations de crédit mobilier. Il ne peut y avoir à cet égard le moindre doute. Je crois que c'est surtout à ce point de vue que s'est placé l’honorable membre, et que les explications que j’ai eu l’honneur de lui donner sont de nature à le rassurer complètement.

Projet de loi approuvant la convention additionnelle au traité conclu avec les Etats-Unis

Rapport de la section centrale

M. de Gottal. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission qui a examiné le projet de loi relatif à une convention additionnelle au traité avec les Etats-Unis.

- La Chambre ordonne l'impression et la distribution de ce rapport et le met à la suite des objets à l'ordre du jour.

Projet du loi autorisant la constitution d'une société anonyme immobilière

Discussion générale

M. Prévinaire. - Les explications de M. le ministre des finances me satisfont complètement

J'interprétais parfaitement, comme on vient de le faire, la disposition de statuts. Mais je croyais utile de provoquer une explication à cause de l'incertitude qui pouvait exister dans les esprits, incertitude qui s'était même produite en section.

Maintenant il résulte des paroles de M. le ministre que les statuts constituent un ensemble de dispositions qui font corps avec la loi, en ce qui concerne les bases des opérations de la société, et sauf les dispositions de l'article 61 et les pouvoirs qui sont conférés au gouvernement.

M. Guillery. - Messieurs, je ne demande pas la parole pour faire un discours, mais pour faire à la Chambre une confession, c'est qu'il m'est absolument impossible d'étudier ni même de lire l'avalanche de projets de lois qui sont tombés sur la Chambre depuis quelque temps. Je ne puis pas même me rendre compte des titres, et si on me demandait de faire de mémoire la liste de ces projets, j'en serais incapable.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, je vous prie de vouloir bien remarquer d'abord que cette observation est faite lorsque déjà la Chambre a décidé qu'elle s'occuperait aujourd'hui du projet de loi autorisant la constitution d'une société immobilière, et au moment même où l'on allait clore la discussion générale ; je vous prie de remarquer, en outre, que le projet en discussion est déjà déposé depuis plusieurs jours. Le dépôt, en effet, en a eu Peu le 8 mai, et la distribution s'en est faite le 11 ; nous sommes aujourd'hui le 22, et il me semble que, depuis le 11 jusqu'au 22, on a eu le temps de lire le projet et de se former une opinion.

Ce projet n'est pas, en définitive, très considérable ; l'examen de la Chambre ne doit et ne peut guère porter que sur les dispositions qui constituent l'objet même de la société ; il ne s'agit pas évidemment d'examiner en détail chacun des articles des statuts.

Ainsi, je ne vois pas qu'on puisse trop se plaindre du dépôt tardif du projet; j'aurais certainement, quant à moi, voulu pouvoir le déposer beaucoup plus tôt ; nous y avions un grand intérêt; mais j'en ai été empêché par des causes absolument indépendantes de ma volonté. Je puis constater par des pièces que, depuis plus d'une année, je m'occupe pour ainsi dire incessamment de cette affaire. On voudra bien convenir qu'il n'est pas facile d'aboutir en pareille matière.

Il y a un an, ayant fait une communication à la chambre de commerce d'Anvers au sujet de l'entrepôt de cette ville, le président de ce collège m'écrivit pour m'annoncer que le gouvernement étant résolu à disposer de l'entrepôt, ses amis et lui avaient l'intention de constituer une société qui pourrait reprendre cet établissement. Cela se passait au mois de mars 1862. Je répondis alors à M. le président de la chambre de commerce que je prenais acte de sa communication, mais que je ne pouvais l'accueillir, parce que la disposition de l'entrepôt d'Anvers faisait partie d'une combinaison dont je m'occupais dans le moment même, et que j'aurais soin de lui faire connaître, dès que je le pourrais, quelle était la véritable situation sous ce rapport. Eh bien, messieurs, c'est seulement une année plus tard que je pus donner à M. le président de la chambre de commerce d'Anvers la solution de cette question.

Je ne saurais dire combien on éprouve de peines, de difficultés pour aboutir dans une affaire de cette nature. Nous n'avons pas en Belgique beaucoup de personnes assez entreprenantes pour se charger d'opérations nouvelles, qu'on ne fait pas habituellement dans le pays. Il est très difficile de déterminer des capitalistes à s'occuper sérieusement de pareilles opérations. Cependant, j'ai enfin réussi ; je ne sais pas si la société aura en définitive un bien grand succès. C'est maintenant l'affaire du public qui aura à s'y intéresser ; mais, évidemment, la société ne peut faire aucun mal, et elle peut produire beaucoup de bien en Belgique. On se plaint constamment, dans la plupart de nos villes, de manquer de moyens pour faire des travaux d'embellissement et d'assainissement. Je ne pense pas qu'il faille laisser échapper l'occasion qui se présente d'arriver à la réalisation d'améliorations si vivement désirées ; la Chambre doit comprendre que si nous devons ajourner cette affaire, cette occasion doit être considérée comme à peu près perdue. Je ne connais pas de capitalistes qui puissent et qui veuillent tenir indéfiniment des capitaux considérables à la disposition du pays.

Il y a surtout un motif très puissant qui doit être pris en sérieuse considération par la Chambre : c'est celui qui m'a principalement déterminé à m'occuper de ce projet ; je veux parler de l'intérêt du trésor. Nous avons à recevoir de la ville d'Anvers dix millions, qui doivent servir au payement des travaux qu'on exécute actuellement dans cette ville. La société offre une combinaison pour réaliser les terrains cédés à la ville d'Anvers moyennant ces dix millions ; je ne sais pas si l'offre sera ou ne sera pas acceptée par la ville, mais si elle ne l'est pas, il est douteux que la (page 1039) ville d'Anvers trouve un autre moyen de remplir exactement à l'époque déterminée les engagements qui sont stipulés dans la loi de 1859.

A ce point de vue donc, il est très intéressant que la société parvienne à se constituer.

M. Mercier. - Messieurs, je prie M. le ministre des finances de me donner quelques explications sur le paragraphe 2 du projet en discussion. La loi du 2 septembre 1859 porte ce qui suit : (L'orateur donne lecture de ce passage.)

Je vois que le gouvernement est maintenant disposé à abandonner à la société la moitié du bénéfice éventuel à résulter de la vente des terrains des anciennes fortifications ; là, on entre dans la voie du privilège. Je demanderai à ce sujet, quelques explications à M. le ministre des finances.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - La combinaison qui a été proposée par les fondateurs de la société immobilière, est rappelée dans une note qui se trouve annexée à l'exposé des motifs. Cette note fait connaître que la société offrirait à la ville d'Anvers de se charger, en participation avec elle, de la réalisation des terrains cédés à cette ville par la loi de septembre 1859. La société ferait l'avance de tous les fonds et acquitterait les engagements auxquels la ville d'Anvers est tenue en vertu de cette loi.

L'opération durerait un temps à convenir, 8, 10 ou 12 ans par exemple, et, après ce terme, elle serait liquidée : le compte de participation devrait être débité de toutes les avances que ferait la société et des intérêts à un taux modéré; et d'autre part, ce même compte se trouverait crédité des réalisations successives qui auraient été effectuées pendant cet espace de temps.

Arrivé au terme de cette liquidation, si les réalisations n'avaient pas couvert, en principal et intérêts, le montant des déboursés, la ville bonifierait la différence. Si, au contraire, il y avait un excédant, il serait partagé par moitié entre la compagnie et la ville.

Dans l'esprit de cette combinaison, la société se trouve être un intermédiaire qui, en offrant de se charger des frais généraux d'administration pour la réalisation des terrains, doit recevoir une indemnité du chef de ses services. Cette indemnité est représentée par l'abandon éventuel de la moitié des bénéfices que l'opération pourra procurer. L'autre moitié devrait rester à l'Etat ; mais serait-il juste, serait-il convenable que l'Etat laissât supporter tous les frais de l'opération par la ville d'Anvers ? Evidemment non, messieurs ; l’Etat, qui est intéressé, doit faire ce que ferait la ville d'Anvers elle-même dans cette hypothèse, c'est-à-dire contribuer dans une certaine mesure aux frais de la réalisation des terrains qu'il s'agit d'aliéner. L'intermédiaire d'une compagnie qui, bien mieux qu'une administration publique, peut tirer parti de ces terrains, vient incontestablement accroître la chance des bénéfices qui peuvent revenir à l'Etat. Et c'est pour cela que, dans cette hypothèse, nous avons pensé qu'il y avait lieu, pour l'Etat comme pour la ville, de supporter en partie les frais de cette intervention. C'est pour cela que nous demandons à être autorisés à renoncer, en tout ou en partie, à la part éventuelle réservée à l'Etat en vertu de la loi de 1859. (Interruption.)

Nous n'avons pas encore abouti dans cette affaire. La ville d'Anvers ne s'est pas encore prononcée; elle n'a pas encore fait de convention avec la compagnie. Je ne sais donc pas ce qui pourra se produire; j'ignore si des difficultés ne surgiront pas. Le gouvernement se borne donc à demander l'autorisation de réaliser éventuellement cette opération, d'aller même (ce qu'il ne ferait certainement qu'à la dernière extrémité) jusqu'à l'abandon complet des bénéfices qui pourraient en résulter. C'est pour cela que le texte porte qu'il est autorisé à renoncer en tout ou en partie à la part éventuelle réservée à l'Etat.

Chacun sait, messieurs, quelles sont les difficultés de la situation. Lorsque l'offre de dix millions a été faite par la ville d'Anvers en 1859, on a pensé que la ville pourrait réaliser de grands bénéfices de ce chef. Cette croyance était assez générale dans la Chambre et il y avait une assez forte opposition contre l'abandon des terrains à la ville au prix offert par celle-ci.

Qu'est-il arrivé cependant? On a admis que si, dans l'année, des tiers se présentaient pour payer une somme supérieure à 10 millions pour les terrains, le gouvernement était autorisé à décharger la ville d'Anvers de ses engagements. Or, personne ne s'est présenté ; nous avons eu à la vérité quelques pourparlers avec deux particuliers, mais ils proposaient des conditions plus onéreuses que celles qui avaient été conclues avec la ville d'Anvers. Depuis lors, quelqu'un s'est-il encore présenté ? Non. C'est donc la première offre sérieuse qui se produit. Elle donne le moyen de se procurer les 10 millions dont nous avons besoin, et à défaut desquels nous serions obligés de solliciter de nouveaux crédits, en attendant la démolition par la ville des anciennes fortifications d'Anvers.

Je pense, messieurs, qu'après ces explications, la Chambre comprendra que ce n'est pas à titre de privilège et de dotation à la compagnie qu'on abandonne cette part éventuelle de l'Etat, mais qu'on le fait uniquement dans l'intérêt de la ville d'Anvers et dans celui du trésor.

M. Mercier. - Cette disposition une fois introduite dans la loi, il sera bien difficile de ne pas concéder cette moitié de la plus-value à la ville d'Anvers. J'aurais préféré que le gouvernement se fût réservé de faire ce qu'il jugerait convenable dans l'intérêt de la ville d'Anvers ; plus tard il pourrait proposer une mesure de la nature de celle-ci ou une mesure analogue.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je n'aurais pas pu traiter.

M. Mercier. - Il me semble que cela eût été plus naturel. Cette disposition aura pour effet d'augmenter les prétentions ; on n'aurait pas dû prévoir le cas ; le gouvernement pouvait se réserver de présenter un projet de loi en faveur de la ville d'Anvers.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - L'observation que vint de présenter l'honorable préopinant n'est pas tout à fait exacte ; il a été nécessaire de prévoir le cas indiqué dans la disposition à laquelle il ait allusion, parce que la compagnie, dans les offres qu'elle a soumises, a fait de l'abandon de la moitié des bénéfices éventuels une condition de son intervention.

Voilà la clause dont il s'agit :

« Si le produit de la vente excédait, dit-elle, le total des sommes dépensées et leurs intérêts, l'excédant serait partagé par moitié dont l'une retiendrait à la société. La ville aurait à s'entendre avec le gouvernement pour le règlement des droits de celui-ci dans l'autre moitié, conformément au pénultième alinéa de l'article 2 de la loi du 8 septembre 1859. »

Vous voyez, messieurs, que la question était ouverte par la manière dont était formulée la disposition dont je viens de donner lecture. Dès lors, je ne pouvais m'abstenir ; il fallait au contraire prévoir les mesures à prendre pour le cas où l'éventualité posée dans cette disposition viendrait à se réaliser.

La compagnie offrant d'intervenir comme intermédiaire entre la ville d'Anvers et le gouvernement, et demandant comme rémunération des charges de cette intervention la moitié des bénéfices éventuels à réaliser sur la vente des terrains qu'il s'agit d'aliéner, la compagnie, dis-je, devait évidemment s'assurer de l'approbation du gouvernement, sous peine de ne rien pouvoir faire. Il faut donc bien voter cette disposition, d'ailleurs tout éventuelle. Sans cloute, il y a quelque chose de fondé dans cette observation de l'honorable M. Mercier, que l'insertion dans la loi de la disposition qui fait l'objet du n°2 de l'article va en quelque sorte désarmer le gouvernement vis-à-vis de la ville, et permettra à celle-ci d'exercer une espèce de pression sur sa décision.

Jusqu'à certain point, messieurs, cela est vrai, je le reconnais. Mais nous aimons mieux dire franchement quelle est la véritable situation, bien résolus, d'ailleurs, à défendre énergiquement les intérêts du trésor. Nous sommes en présence de grandes difficultés, que nous devons avoir les moyens de surmonter, et nous pouvons sans doute faire quelque sacrifice pour nous assurer la libre disposition des 10 millions qui nous sont nécessaires.

M. Guillery. - Je n'ai en rien reproché au gouvernement la date de la présentation du projet de loi, je n'ai fait aucune critique quelconque, je me suis borné à constater un fait, et à faire une confession, c’est l’impossibilité ou j'étais de prendre lecture de l'exposé des motifs et des rapports qui nous sont distribués depuis quelques jours.

II est vrai que le projet de loi dont nous nous occupons a été déposé le 8 mai, mais non distribué. (Interruption.)

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Le 11.

M. Guillery. - Il a été distribué le 11 ; il y a donc 12 jours. Si nous n'avions rien eu d'autre à faire, nous aurions pu étudier ce projet ; mais nous n'aurions pas eu trop de temps.

Pour moi j'ai des critiques très graves à élever contre le projet de loi, mais nous avons des traités et des rapports sur des traités sur lesquels (page 1040) nous sommes encore appelés à voter, je déclare que je suis incapable de suivre le mouvement auquel nous assistons depuis quelques jour».

Le règlement exige un délai de deux jouis entre la distribution du rapport et la discussion, à moins que la Chambre en décide autrement. (Interruption.)

Je suis sûr qu'elle le décidera, c'est pour cela que je me borne à constater que je n'ai pas eu le temps d'examiner les projets sur lesquels nous sommes appelés à voter, surtout avec des séances comme celle que nous avons eue hier, de midi à 11 heures du soir.

M. Wasseige. - Les observations de M. Guillery sont parfaitement fondées ; en supposant qu'il eût été impossible à l'honorable ministre des finances de déposer plus tôt son projet de loi, il n'en est pas moins vrai qu'il y a fort peu de temps que nous en sommes en possession, et que le rapport ne nous a été distribué qu'hier. Cela est un fait ; que le gouvernement n'en soit pas responsable, cela ne change rien à la chose, le fait n'en est pas moins évident, et les conséquences n'en sont pas moins déplorables.

Je ne pense pas que la Chambre soit disposée à prolonger la session ; on est généralement désireux de la clore dès demain. Comment est-il possible de discuter en deux jours non seulement le projet de loi autorisant la constitution d'une société anonyme, mais une vingtaine de projets compris dans notre ordre du jour.

C'est tout au plus le temps nécessaire pour procéder aux appels nominaux ; eh bien, cette manière de faire est intolérable, c'est la parodie du régime parlementaire ; plusieurs des projets qui se trouvent à notre ordre du jour demanderaient à eux seuls plusieurs séances pour être sérieusement examinés, et on propose de les voter tous d'ici à demain !

Si je ne fais pas de proposition positive d'ajournement, c'est que je vois bien qu'elle ne serait pas adoptée, en présence d'une majorité de parti pris, mais je proteste contre cette manière de faire, et cela pour dégager ma responsabilité personnelle.

Si ces projets sont si urgents, s'il est impossible d'attendre la session prochaine, mieux voudrait encore avoir une session extraordinaire si le gouvernement la trouvait motivée, que de donner le spectacle de vingt projets importants votés en deux fois 24 heures.

Pour ma part, il m'est impossible de ne pas protester de toutes mes forces contre cette manière d'agir.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je dois dire, messieurs, que je considère les observations présentées par l'honorable membre comme empreintes d'exagération. Dès que ce projet de loi a été déposé, il a été immédiatement signalé comme recelant les plus grands dangers. On s'en est ému comme d'une mesure qui devait entraîner le pays dans une sorte de catastrophe.

On s'en est donc beaucoup préoccupé à raison même de l'idée erronée que l'on en avait conçue et des craintes qu'il avait inspirées. Il est à remarquer que les sections se sont trouvées exceptionnellement nombreuses pour l'examen de ce projet de loi.

M. Wasseige. - Cela prouve l'importance que la Chambre y attachait.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - C'est précisément ce que je viens de dire. Le projet de loi a été discuté très vivement par les sections, et après un examen très approfondi, la Chambre s'est enfin convaincue qu'il n'y avait aucune espèce d'énormité dans la proposition qui lui était soumise.

II me semble, dès lors, que l'on ne peut raisonnablement prétendre qu'on est appelé à voter en quelque sorte au pas de course et sans examen, un projet de loi qui a été l'objet de pareilles discussions.

Maintenant, quant aux autres projets dont on a parlé, ils sont sans doute très importants ; ils dont incontestablement de la plus haute importance au point de vue de leurs conséquences, de leurs résultats ; mais sont-ce des projets qui peuvent donner lieu à une longue discussion ? Nous vous apportons à la vérité une espèce d'avalanche de traités, et de conventions ; mais y a-t-il une objection possible à ces conventions ? La plus importante a pour objet de consacrer le rachat du péage de l'Escaut, et je ne pense pas qu'une seule voix puisse s'élever ici contre les propositions qui ont été déposées par le gouvernement et qui ont été approuvées unanimement par les sections et par la section centrale.

Hors de cela que voyez-vous ? Quelques projets ayant pour objet des crédits supplémentaires. Ceux-là ont déjà, en grande partie, été votés par la Chambre ; on peut faire à cet égard l'observation que de pareils projets se reproduisent toujours à la fin de toutes les sessions. C'est une objection qui a été souvent reproduite.

M. Wasseige. - Sans succès.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Eh bien, oui, sans succès, je le veux bien ! Mais s'il y avait un moyen de faire autrement, il n'y aurait aucune raison pour le gouvernement de ne pas l'adopter. Pourquoi voulez-vous que le gouvernement s'expose tous les ans au même reproche, s'il lui était possible de l’éviter ?

Les demandes de crédits supplémentaires sont présentées à la fin des sessions législatives, précisément parce que c'est seulement alors que les faits sont connus et constatés, et que c'est par conséquent alors aussi seulement qu'il devient possible de formuler des dispositions pour régulariser les dépenses que les crédits ordinaires n'ont pu couvrir.

Le même reproche se reproduisant toujours contre le même fait, on doit admettre qu'on lutte contre une nécessité qui est à peu près invincible.

Il s'agit au surplus de crédit peu considérables.

Je ne crois pas me tromper en disant que les crédits supplémentaires qui ont été votés dans le courant de cette session, ne s'élèvent pas à beaucoup plus d'un million.

La nécessité de ces crédits était si incontestablement démontrée, qu'ils n'ont donné lieu dans les sections à aucune espèce d'objection et qu'ils ont été adoptés sans discussion par la chambre. L'un de ces crédits, demandé par le ministre des travaux publics, était destiné à continuer des travaux déjà décrétés par la Chambre,

Vous avez voté en outre un crédit de 300,000 fr. destiné à continuer la révision des opérations cadastrales.

Il n'y avait pas là de principes à faire admettre; il s'agissait simplement d'obtenir les moyens de poursuivre l'exécution d'opérations déjà décidées par la législature.

Le vote de pareils crédits n'engage donc pas le trésor public dans des dépenses absolument imprévues. On ne fait qu'exécuter des décisions antérieures.

Le reproche qui nous est adressé en cette circonstance, me paraît donc peu fondé.

M. B. Dumortier. - Les observations de mon honorable ami sont parfaitement fondées.

Il est un fait, c'est qu'il était difficile au gouvernement d'arriver plus tôt avec la question du péage de l'Escaut. Il y avait là des difficultés réelles. Aussi quand M. le ministre des affaires étrangères est monté à la tribune et a déclaré à la Chambre qu'il n'avait pas dépendu de lui de présenter plus tôt ce traité, tout le monde a compris la justesse de cette observation, et il ne s'est pas élevé la plus petite objection. Il s'agissait là d'un acte international, et il fallait que les nations intéressées fussent d'accord.

Mais, messieurs, il n'en est pas de même quand il s'agit des autres projets de loi.

Le gouvernement pouvait les présenter depuis longtemps. J'en citerai deux qui sont d'une grande importance. Le projet de loi dont on s'occupe en ce moment et qui autorise la constitution d'une société foncière, immobilière et par conséquent mobilière.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je ne suis pas seul pour cela. Il faut traiter.

M. B. Dumortier. - Cette société pouvait se faire depuis longtemps. Il y a en second lieu le projet de loi sur les servitudes.

Tout cela aurait pu se présenter plus tôt. Il est évident qu'on arrive aux derniers jours de la session par un jeu que je ne veux pas indiquer, mais que chacun comprend.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Indiquez-le.

M. B. Dumortier. - Puisque vous le voulez, c'est pour empêcher un examen sérieux. Cette loi immobilière et en même temps mobilière a une grande importance. C'est une des questions qui doivent le plus préoccuper la législation. Qu'arrivera-t-il ? C'est que cela va passer comme une lettre à la poste sans avoir été examiné, car, comme l'a dit l'honorable député de Bruxelles, le rapport n'a été distribué que ce matin.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Hier.

M. B. Dumortier. - Que vois-je dans le projet de loi ? Il est question de donner à la société les fortifications de la ville d'Anvers en renonçant à la part que l'Etat avait éventuellement dans le prix de vente excédant 10 millions.

Il est évident pour moi que c'est là le passeport destiné à faire passer le projet de loi. L'Etat doit rentrer dans ses fonds, la ville d'Anvers n'a pas accepté la proposition qui lui a été faite.

Je voudrais bien savoir si M. le ministre des finances a consulté la ville d'Anvers pour savoir si elle n'accepterait pas la proposition, en supposant que l'Etat renonce à sa part de la plus-value.

Je conçois que la ville d'Anvers ait refusé d'accepter les propositions du gouvernement.

(page 1041) M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Elle n'a pas refusé.

M. B. Dumortier. - Je conçois qu'elle aurait pu refuser si le gouvernement avait demandé la moitié des bénéfices éventuels. La ville eût eu toutes les chances de perte et elle n'aurait eu que la moitié des chances de bénéfice. Maintenant les choses sont changées. On renoncera à la part de bénéfices éventuels.

La ville aurait donc une chance de perte mais aussi une chance de bénéfice. Ce sont des conditions tout à fait différentes. Si j'étais à la place de l'administration communale d'Anvers, j'aurais peut-être refusé le premier marché et j'accepterais peut-être le second.

Je voudrais savoir si l'on a consulté la ville d'Anvers sur les nouvelles conditions qui sont proposées.

Il me semble qu'avant de faire un pareil cadeau à des particuliers, il faudrait commencer par l'offrir à la ville intéressée, car la ville d'Anvers me paraît plus intéressante qu'un banquier quelconque.

Ici c'est partie liée. Ce qu'on n'a pas accordé à la ville d'Anvers, on l'accorde à un banquier, et, je le répète, c'est là le passeport pour faire passer un projet de loi qui passerait bien difficilement s'il était isolé de cette condition.

Lorsque M. le ministre des finances est venu présenter à la Chambre le projet de loi de crédit foncier, la Chambre l'a approuvé et le Sénat l'a rejeté.

Maintenant on fait une loi de crédit foncier, de crédit immobilier et mobilier tout à la fois.

Cela peut être fort habile, je le reconnais, mais il me semble que ce n'est pas ainsi que l'on devrait agir. Il me semble qu'un pareil acte devrait faire l'objet de deux projets de lois différents ; par l'un, le gouvernement serait autorisé à renoncer à la part éventuelle de bénéfices à provenir de la vente des terrains, par l'autre, à constituer une société. Alors la ville pourrait reprendre le marché, tandis que maintenant elle ne le peut pas. Elle pourrait reprendre le terrain des fortifications pour la somme fixée par la loi, sans que l'Etat intervienne dans les bénéfices, si bénéfices il y a.

Si vous n'avez pas fait cette offre à la ville, comment venez-vous proposer de faire cette concession à un banquier, alors que vous ne l'avez pas faite à la ville elle-même? Quand il s'agissait de la démolition des fortifications, on disait que l'on voulait faire un grand avantage à la ville d'Anvers. Maintenant cet avantage disparait, et l'on donne la chose à un banquier.

Remarquez, que la ville d'Anvers, d'après les conditions dont M. le ministre des finances vient de nous donner lecture, serait encore dans la même situation. Elle aurait encore à assumer une partie de la perte, et elle n'aurait qu'une minime part dans les bénéfice.

Je crois qu'il serait plus simple que le gouvernement commençât par offrir à la ville d'Anvers les conditions qu'il compte faire au banquier signataire provisoire du contrat.

Je le répète donc, l'honorable M. Wasseige avait parfaitement raison lorsqu'il nous disait que ce projet de loi était présenté trop tard dans la session. J'ai en main notre ordre du jour ; nous comptons, je crois terminer la session et il y a encore vingt-cinq projets de loi à l'ordre du jour.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Beaucoup d'objets à l’ordre du jour ne sont que des rapports de pétitions.

M. B. Dumortier. - Il y a 24 projets de loi et un feuilleton de pétitions. (Interruption.)

On dit : oh ! Oh ! Mais nous avons à l'ordre du jour l'autorisation de constituer une société anonyme immobilière, la cession de l'entrepôt public d'Anvers, la limite de l'esplanade et les servitudes militaires. (Nouvelles interruptions.)

On dénie ce que je dis et l'on ne me permet pas de lire. Je me borne à répéter que mon honorable ami M. Wasseige était parfaitement fondé dans ses observations.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Il y a dans tout ce que vient de dire l'honorable M. Dumortier, un peu plus d'inexactitudes que de mots. C'est vraiment incroyable !

L'honorable M. Dumortier vous parle du projet de loi qu'il a sous les yeux, comme s'il y voyait écrit que le gouvernement propose de céder à un particulier la moitié des bénéfices à provenir de l'opération qui doit être réalisée par la ville d'Anvers. Où donc l'honorable membre, qui tient en mains le projet de loi, trouve-t-il cela ?

M. B. Dumortier. - C'est un seul article, et c'est partie liée. Vous avez fait un seul article et cela se rapporte au premier paragraphe de l'article.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Qu'est-ce que tout le monde a vu dans le projet de loi ? Un article premier ou un paragraphe premier par lequel le gouvernement demande à être autorisé à constituer une société anonyme, et un article second ou un paragraphe second, par lequel il demande à être autorisé à renoncer éventuellement, en tout ou en partie, à sa part de bénéfice, non pas au profit de Pierre plutôt que de Paul, non pas à l'exclusion de la ville d'Anvers, mais d'une manière absolue, selon les éventualités qui se présenteront. Ainsi première erreur manifeste.

M. B. Dumortier. - Du tout. Vous n'avez qu'un seul article. Les choses sont liées entre elles.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Que voulez-vous dire par là ?

M. B. Dumortier. - Que si vous aviez eu envie de faire des propositions à la ville d'Anvers, vous auriez commencé par là.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Mais commencez donc par connaître les faits dont vous parlez.

Je vais relever une seconde erreur.

Il fallait, dites-vous, commencer par faire à la ville d'Anvers les offres faites prétendument à la compagnie. Eh bien, vous ne connaissez pas le premier mot de la question sur laquelle vous venez de parler avec tant d'assurance. Vous devriez savoir qu'il existe une loi du 2 septembre 1859, portant en son article. 2 que la ville d'Anvers contribuera aux travaux d'agrandissement de son enceinte à concurrence d'une somme de dix millions de francs, en compensation de laquelle elle recevra les terrains des fortifications et les constructions militaires.

C'est une opération consommée, la ville est propriétaire de ces terrains, moyennant les dix millions qu'elle s'est engagée à payer à l'Etat. La loi a parlé, tout est dit. Il ne reste à conclure avec la ville que la convention pour opérer la remise des terrains et rendre ainsi exigible le payement du prix convenu.

Maintenant, une compagnie se présente, qui dit à la ville d'Anvers ; j'offre de réaliser avec vous, de compte à demi, les terrains qui vous appartiennent, qui sont votre propriété ; je vous fais cette offre sous certaines conditions; et, entre autres conditions, la compagnie demande la moitié des bénéfices éventuels à provenir de la vente des terrains.

Or, comme la loi du 2 septembre 1859 porte que le gouvernement a droit à l'autre moitié de ces bénéfices, le gouvernement, pour faciliter l'opération de la ville d'Anvers, et non d'un particulier, pour ne pas laisser exclusivement à charge de la ville d'Anvers les frais de cette réalisation, le gouvernement demande à pouvoir renoncer éventuellement à tout ou partie de ses bénéfices, et cela au profit de la ville d'Anvers. Comprenez-vous, M. Dumortier ?

M. B. Dumortier. - Je demande la parole.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Eh bien, c'est ainsi. On ne .peut le comprendre autrement.

M. B. Dumortier. - Personne ne le comprend comme cela.

- Un membre. - Mettez-le dans la loi.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Mettez-le dans la loi, si vous le voulez. N'avez-vous pas lu l'annexe B, où l'on voit que la compagnie, pour son intervention, demande la moitié des bénéfices ? Qu'aurait donc la ville d'Anvers si elle traitait avec la compagnie, et si le gouvernement maintenait la disposition qui réserve à l'Etat la moitié des bénéfices ?

Or, afin que la ville d'Anvers puisse plus facilement faire l'opération de compte à demi avec la compagnie, le gouvernement demande les pouvoirs nécessaires pour renoncer éventuellement, notez-le bien, à cette part des bénéfices.

Maintenant, la ville d'Anvers n'est nullement liée. On ne lui impose rien. C'est une offre avantageuse qui lui est faite. Si elle trouve plus convenable de garder les terrains et d'en disposer par elle-même, si elle trouve un tiers qui lui fasse des propositions plus avantageuses à ses intérêts, tant mieux, nous y applaudirons de grand cœur ; nous serons très heureux si la ville d'Anvers trouve une combinaison qui lui permette de s'acquitter de ses obligations dans des conditions plus favorables.

Mais si elle trouve convenable de se servir de l’intermédiaire que lui offre la compagnie, elle n'obtiendra ce concours que moyennant certaines conditions, et c'est pour que ces conditions lui soient aussi peu onéreuses que possible que le gouvernement demande l'autorisation qui fait l'objet du paragraphe 2 de l'article unique du projet de loi.

M. Wasseige. - Lorsque l'honorable ministre des finances nous a dit, pour justifier la discussion immédiate du projet de loi, qu'il avait été examiné sérieusement en sections, je crois que cette allégation a été une erreur. Les sections se sont trouvées en effet très nombreuses, mais la véritable raison, c'est que les partisans du gouvernement voulaient écarter la proposition d'ajournement qu'ils craignaient de voir présenter par des membres de l'opposition. Dans ma section, cette proposition a été faite, elle a été repoussée, et là s'est à peu près borné le travail de la section. On a lu le projet et tout a été dit. On ne peut donc argumenter de ce qui (page 1042) s'est fait dans les sections pour dire que le projet de loi a été sérieusement examiné.

Mais je n'ai pas seulement parlé de ce projet de lo i; il y en a d'autres, ainsi il y a le rachat du péage de l'Escaut, cette grande convention internationale dont, je crois, M. le ministre des affaires étrangères compte bien se faire un piédestal électoral. (Interruption.)

C'est une convention importante, internationale je le veux bien ; mais c'est une convention qui doit coûter 13 à 14 millions à la Belgique, et il me semble que cela aurait bien valu un examen de quelques jours. Je ne dis pas que je ne lui donnerai pas mon appui ; mais je répète que pareil projet aurait dû être examiné de près, ainsi que tous les traités qui en sont la conséquence. Vouloir examiner si les conditions imposées à la Belgique dans le rachat du péage de l'Escaut sont justes et équitables, ce n'est pas blâmer l'acte en lui-même.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - Je vous remercie.

M. le président. - En présence d'un acte aussi élevé, vous devez croire que celui qui l'a conclu a été mû par l'amour de son pays, il ne s'agit pas là d'intérêt électoral.

M. Wasseige. - J'ai commencé par dire que je me plaisais à reconnaître que c'était un acte international de grande valeur, mais j'ajoute que cet acte international, quelle que soit sa valeur, demande un sacrifice de 12 à 13 millions et que cela mérite bien un examen sérieux.

On comprend que l'honorable président puisse ne pas être du même avis que moi ; les députés d'Anvers peuvent avoir une opinion différente de la nôtre sur l’urgence de voter cette question. Voilà où est l'intérêt électoral et voilà seulement ce que j'ai dit.

Quant à la question d'ajournement que je ne propose pas, mais que j'indique, je l'indique loyalement à la Chambre. Nous ne venons pas voter contre le projet de loi, mais nous disons que ces projets sont trop graves, trop importants pour être votés comme vous nous forcez à le faire. Nous ne voulons pas employer les moyens dont nos adversaires nous ont donné l'exemple dans d'autres circonstances ; je ne citerai qu'un fait à cet égard : il y a quelques années, sous un ministère conservateur, il était question, aux derniers jours de la session, d'un projet de loi accordant 8 ou 9 millions pour augmenter le matériel des chemins de fer ; qu'ont fait M. le ministre des finances et M. le ministre des affaires étrangères ? Ils ont quitté la séance, ils se sont retirés dans la salle des conférences et ils ont mis la Chambre dans l'impossibilité d'émettre un vote ; ils ont été la cause que le commerce a dû attendre une année de plus une mesure vivement réclamée et dont l'adoption n'avait soulevé aucune objection, qui n'avait aucune couleur politique. C'était un mauvais procédé contre un ministère catholique, cela suffisait pour des hommes qui se disent sérieux.

Nous pourrions peut-être aussi vous empêcher de voter les projets dont il s'agit aujourd'hui, mais nous ne voulons pas suivre votre exemple, nous avons pour cela trop de patriotisme. Nous nous bornons à signaler le danger qu'il y a à faire voter au pas de course des projets d'une si grande importance.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Il est vrai, messieurs, qu'un jour, à la fin d'une session, nous nous sommes retirés et que, par suite, la chambre ne s'est plus trouvé en nombre suflissant pour délibérer sur un projet de loi de la plus haute importance. Mais ce que l'honorable membre a omis de dire, ce sont les circonstances dans lesquelles ce fait s'est produit. Il y avait à l'ordre du jour de la Chambre un projet de loi qui ava t pour objet la défense nationale ; nous avions insisté par l'organe de l'un de nos honorables amis, pour que le projet fût discuté ; on a refusé de le faire ; on a décidé qu'on ne s'occuperait point de cette important objet, prétendant qu'il ne présentait aucun urgence. Mais, immédiatement après avoir pris cette résolution, on a voulu faire voter par la Chambre, au dernier jour de la session, un crédit très considérable destiné à l'exécution de grands travaux publics ; je pense même qu'il n'y avait pas de rapport imprimé sur ce projet, et il s'agissait de voter de nombreux millions.

A notre tour, messieurs, nous avons refusé, après le refus qui nous avait été opposé de discuter le projet qui intéressait la défense nationale, de nous associer à un vote qui ne concernait que des intérêts purement matériels. Je crois qu'en prenant cette résolution, nous avons accompli notre devoir envers le pays.

M. Ch. Lebeau. - Messieurs, le projet de loi, selon moi, ne présenterait point d'urgence s'il ne s'agissait pas de faire un traité avec la compagnie future et la ville d'Anvers, traité que le gouvernement ne peut faire qu'en vertu d'une loi, sans cela il y aurait d'autant moins d'urgence qu'à mon avis le gouvernement peut, sans loi nouvelle, autoriser la formation de toutes sociétés anonymes, soit qu'elles aient pour objet des opérations civiles, soit qu'elles aient pour objet des opérations commerciales ; d'un autre côté la société qu'il s'agit de constituer a tous les caractères d'une société commerciale, la majeure partie de ses opérations sont des opérations commerciales.

Mais, messieurs, le gouvernement, comme l'a dit M. le ministre des finances, a besoin de recevoir les 10 millions que doit lui payer la ville d'Anvers, en exécution de la loi de 1859, cela pour faire face au payement du rachat du péage de l'Escaut ; or, un des moyens de s'en procurer sans devoir recourir à des mesures extraordinaires, c'est d'obtenir le payement immédiat de ces dix millions.

M. Vilain XIIII. - Le gouvernement à mille moyens de se procurer de l'argent.

M. Ch. Lebeau. - C'est vrai, mais celui-ci est un des meilleurs.

Maintenant, messieurs, quand nous donnons au gouvernement l'autorisation d'approuver la société anonyme, nous entendons bien que le gouvernement ne sera pas lié par cette autorisation et qu'il pourra modifier les statuts annexés au projet de loi comme il l'entendra après un nouvel examen.

Quant à moi, je n'approuve pas, il s'en faut de beaucoup, toutes les dispositions de ces statuts. Ainsi, je trouve que le terme de 99 ans est absolument trop long. Il n'y a pas d'exemple d'une société de cette nature constituée pour un aussi long terme.

Il s'agit ici, entre autres choses, d'opérations immobilières, la société va donc pouvoir acheter des immeubles et elle pourra les conserver pendant 99 ans si cela lui convient, sans payer des droits de mutation, et quand elle les aliénera, elle aura encore le moyen de le faire sans payer les droits en les mettant en société.

- Un membre. - Elle achète pour revendre.

M. Ch. Lebeau. - Oui, mais elle trouvera dans l'article 4 des statuts le moyen d'éluder le payement des droits de mutation.

Quant à la durée de la société, je le répète, je ne crois pas, messieurs, qu'il faille accorder un terme aussi long, cela est sans exemple ; la Société générale n'en a pas obtenu de semblable et la Banque Nationale n'est autorisée que pour un terme de 25 ans.

Maintenant, messieurs, il est bien entendu que l'article 34 des statuts ne consacre pas une extension de l'art. 3 et que c'est seulement dans les limites de l'article 3 que le conseil d'administration pourra faire des opérations énoncées en l'article 34, car cet article 34 est conçu en termes tellement larges, tellement vagues que, sans cette restriction, la société pourrait faire à peu près tout ce qu'elle voudrait. Ainsi on dit dans cet article : « Que la société peut acheter, vendre et échanger tous biens meubles et immeubles. » Or, des expressions comme celle-là, si elles n'étaient pas restreintes par l'article 3, qui porte que l'objet de la société consiste en telles opérations déterminées, autoriseraient le conseil d'administration à faire toute espèces d'opérations quelconques.

Je dois ajouter également, messieurs, que si l'opération prévue ne se faisait pas entre la ville d'Anvers et la société future, je ne verrais pas de motifs de précipiter l'adoption des statuts.

Je comprends bien que si l'on autorisait simultanément deux sociétés, il leur serait difficile de réaliser l'émission de leurs actions ; mais je suppose qu'on ne traite pas avec la ville d'Anvers, est-ce que dans ce cas gouvernement approuvera néanmoins les statuts immédiatement ? Mais il pourrait alors se présenter une autre société qui ferait des offres plus avantageuses à la ville d'Anvers, offres que celle-ci accepterait ; mais alors cette nouvelle société pourrait ne se constituer que difficilement à son tour, si la première venait d'émettre ses actions, et l'opération pourrait ainsi manquer avec l'une et l'autre société.

Il est, du reste, bien entendu que nous ne créons pas un privilège ni un monopole au profit de la société future et que l'on pourrait toujours, après l'approbation des statuts de celle dont il s'agit, approuver les statuts de toute société similaire ou analogue.

C'est dans ce sens que la section centrale approuve le projet de loi.

M. Loos. - Je ne comptais pas prendre part à cette discussion, et si je prends la parole, messieurs, c'est que je crains que mon silence pourrait être mal interprété, après tout ce qui a été dit en ce qui concerne Anvers dans le projet de loi qui nous est soumis. J'avais l'honneur de faire partie de la section centrale et j'ai pu m’y convaincre par les explications que l'honorable ministre des finances est venu y donner, qu'il ne résultait de la constitution de la société aucune obligation pour la ville d'Anvers, et que la ville d'Anvers restait complètement libre de traiter ou de ne pas traiter avec la société.

Je me suis assuré d'un autre côté que si la ville d'Anvers trouvait convenable de traiter avec une autre société celle-ci pourrait obtenir du (page 1043) gouvernement l'anonymat, les mêmes avantages que l'on propose d'accorder à la société qu'il s'agit actuellement de créer.

Dès lors j'ai trouvé que, sous ce rapport, les conditions qui figurent dans le projet de loi et qui concernent la ville d'Anvers, ne doivent avoir rien d'onéreux pour cette ville. Je n'ai donc pas cru, dans la situation où je me trouve, qu'il fût nécessaire d'examiner si pour la ville d'Anvers ces conditions étaient favorables ou ne l'étaient pas.

Je n'ai pas mission pour cela ; je n'ai pas même besoin d'examiner jusqu’à quel point la suppression de l'octroi, par exemple, peut avoir modifié oui ou non les obligations d'Anvers envers le gouvernement.

Ce sont toutes questions que je n'ai pas mission de traiter ; je ne les aborderai donc pas dans cette enceinte.

Quant à moi, messieurs, la société qu'on vous propose d'ériger a mes sympathies, en ce sens qu'à mon avis elle peut être éminemment utile à tous les intérêts, abstraction faite de tout ce qui peut concerner la ville d'Anvers ; je crois qu'au point de vue de l'intérêt général il est avantageux de voir une réunion de capitaux concourir à faire exécuter des travaux d'embellissement et d'assainissement dans les diverses localités du pays.

Ce n'est que par une réunion de capitaux qu'on parvient à exécuter de grandes choses, à escompter l'avenir et à procurer à la génération actuelle des avantages dont elle pourrait être privée encore pendant de longues années.

Si donc la compagnie est bien administrée, si elle cherche à atteindre convenablement le but qui est indiqué dans les statuts, je crois qu'elle est destinée à rendre d'importants services au pays.

C'est ce qui me portera à voter le projet de loi ; mais je le répète, je fais abstraction de tout ce qui peut concerner la ville d'Anvers ; je n'ai pas mission d'examiner ces divers intérêts, et je ne les aborderai pas en ce moment.

M. Pirmez. - Messieurs, le projet laisse la société immobilière qu'on va créer libre de vendre quand elle le voudra les immeubles qu'elle achète. Je crois qu'en fait la société vendra ses immeubles dans un délai assez court.

Néanmoins il pourrait se faire que la société conservât certains immeubles pendant un temps considérable; et qu'ayant bâti, par exemple, un quartier dans une ville, elle trouvât un intérêt suffisant de ses capitaux dans la location des maisons de ce quartier.

Il est certain qu'il y aurait un véritable danger à permettre à la compagnie de conserver pendant 99 ans un quartier dans une ville. Il y aurait danger, d'abord parce qu'il y aurait là une propriété trop importante, quand on la compare aux propriétés particulières ; en second lieu, parce que le fisc perdrait les droits de mutation pendant un temps fort long.

Il ne faut pas ne voir que le projet de loi en discussion ; il pourra être suivi d'autres projets de loi en faveur de compagnies qui se présenteront dans d'autres conditions.

Pour ma part, je désire qu'on permette à toutes les sociétés, ayant pour objet la spéculation immobilière, de se constituer sous la forme de l'anonymat ; mais il est pour cela nécessaire d'introduire dans les statuts l'obligation de revendre dans un certain délai.

Or, les conditions d'existence de la société immobilière dont il s'agit en ce moment nous sont un précédent qui nous empêche dans l'avenir d'imposer à d'autres sociétés cette condition de vente.

Je demanderai donc à M. le ministre des finances, s'il n'a pas l'intention de stipuler dans son arrêté d'autorisation que la société devra vendre ses immeubles dans un certain délai. Si l'honorable ministre ne partageait pas ma manière de voir, je présenterais un amendement pour que cette condition fût imposée à la société.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, je veux bien chercher une formule qui pourrait, dans une mesure légitime, faire droit aux observations de l'honorable préopinant ; mais je n'ai pas cette formule à l'heure qu'il est, et je ne puis l'improviser, car elle doit prévoir différents cas auxquels il faut réfléchir avec maturité.

Il est bien certain d'abord qu'il y a une série d'immeubles que pourra posséder la société, et qu'on ne saurait l'obliger à aliéner avant sa dissolution.

Nous proposons de lui céder l'entrepôt d'Anvers ; eh bien, nous ne pouvons évidemment lui imposer l'obligation de le vendre. C'est un immeuble qui, de sa nature, et dans quelques main qu'il soit, n'est pas destiné à être vendu successivement.

Nous voulons encore autoriser la compagnie à construire et à exploiter des établissements tels que magasins, entrepôts publics, docks, bassins, à faire des routes, à creuser des canaux, etc. ; or, nous ne pouvons pas davantage imposer à la société l'obligation de vendre de pareilles propriétés.

Il y a donc une formule à trouver qui s'appliquerait uniquement à la catégorie d'immeubles que la compagnie serait obligée de vendre.

Et d'ailleurs, messieurs, croit-on qu'à part les immeubles dont je viens de parler, et qui forment une catégorie toute spéciale, la société aurait un intérêt à garder dans ses mains des immeubles susceptibles d'être aliénés ? Mais, évidemment, elle aura au contraire un grand intérêt à les revendre, et c'est ce qu'elle ne manquera pas de faire, bien entendu quand le moment lui paraîtra opportun (Interruption.) Mais je dis que cela est inévitable. Comment peut-on comprendre qu'une compagnie de la nature de celle qu'il s'agit de créer acquière des immeubles pour les garder purement et simplement ? Mais alors elle ne ferait plus rien, elle serait paralysée, elle ne remplirait plus le but même en vue duquel elle se serait constituée.

M. Mercier. - Elle se ruinerait.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Comme le dit très justement l'honorable M. Mercier, elle serait bientôt ruinée.

Voyons en quoi consistent les spéculations d'une société immobilière. Par exemple, dans les villes qui ont un grand développement, où la population s'accroît rapidement, les propriétés suburbaines acquièrent, après un certain nombre d'années, une plus-value très considérable; des propriétés, qui étaient de simples exploitations rurales, deviennent des terrains à bâtir. Les opérations d'une société immobilière consistent à agir dans la prévision de cette augmentation de valeur, à acheter ces terrains pour les revendre ensuite. Mais elle ne gardera pas ces immeubles, elle ne pourrait pas les garder.

Nous n'avons donc pas besoin de la contraindre à vendre, puisque son intérêt est de ne point conserver les propriétés qu'elle aura acquises dans un but de spéculation. En agissant autrement, elle devrait arrêter toutes ses opérations, et, comme on le disait tout à l'heure, elle serait inévitablement ruinée.

M. Orts. - Messieurs, je signale à l'attention de M. le ministre des finances une idée qui pourrait peut-être le conduire à trouver la formule qu'il cherche et qui sera éminemment utile.

En effet, je désire que le projet de loi en discussion soit, non pas un privilège, mais le premier pas dans une voie nouvelle ouverte à tout le monde, c'est-à-dire que chaque fois qu'une société anonyme se présentera pour obtenir l'autorisation de se livrer à des spéculations immobilières, le gouvernement fasse pour cette compagnie ce qu'il va faire pour la société anonyme dont il s'agit dans ce moment ; je ne voudrais pas que le projet de loi fût un privilège pour cette société spéciale : si j'avais un seul doute sur ce point, je combattrais la loi de toutes mes forces, de toute mon énergie.

Maintenant, qu'un grand nombre de sociétés se forment à l'instar de celle qui va se constituer, certes il y aurait un danger pour le trésor public. Dans le cas où ces sociétés ne vendraient pas leurs immeubles, le trésor public serait frustré pendant longtemps des droits de mutation. Sans doute, ce danger ne doit pas être exagéré ; je conviens que les sociétés vendront d'ordinaire, leur intérêt me le garantit. Mais voici ce que pourrait faire M. le ministre des finances pour sauvegarder l'intérêt du trésor public, sans arrêter l'essor des spéculations immobilières.

Que M. le ministre des finances veuille bien, pour l'époque du prochain budget des voies et moyens, étudier la question que voici ; elle est pratique, car je crois que l'idée que j'émets, je l'emprunte à la législation française.

Ne pourrait-on frapper d'un impôt spécial toute propriété qui, entre les mains d'un corps privilégié, d’une quasi-mainmorte quelconque du genre de celle que nous créons aujourd’hui (car une société créée pour 90 ans est à peu près une mainmorte sous le rapport de l'immobilisation des biens), ne pourrait-on pas la frapper d’un impôt même progressif, après un certain nombre d'années de possession continue dans la même main?

M. Pirmez. - Je crois que les idées émises par M. le ministre des finances et par l'honorable M. Orts conduiront certainement à une solution ; voici, toutefois, ce qu'à mon sens, on pourrait faire en attendant. Si M. le ministre des finances ne trouve pas une formule pour déterminer les conditions de vente, il suffirait de dire que la société actuelle sera soumise aux conditions qui seraient posées par les lois futures qui autoriseraient de nouvelles sociétés immobilières. En sorte que l'existence de la société actuelle antérieurement à ces lois n'aurait pas pour effet de l'affranchir de l'obligation de vendre ou de l'impôt qui serait établi.

J'ai lieu de croire que M. le ministre des finances ne fera pas d'objection à introduire cette réserve dans l'arrêté d'autorisation. J’ai la conviction que, dans un avenir peu éloigné nous aurons une loi qui permettra d'établir des sociétés anonymes dans une mesure plus large, tout en (page 1044) prenant les précautions nécessaires pour éviter les inconvénients qui sont attachés à la conservation illimitée des immeubles dans les mêmes mains.

M. B. Dumortier. - J'avais demandé la parole tout à l'heure précisément pour faire remarquer, comme vient de le faire avec beaucoup de raison l'honorable M. Orts, que ce qu'on nous propose c'est la constitution d'une véritable mainmorte, alors qu'il y a quelques jours encore on s'élevait avec tant d'ardeur contre toute institution de ce genre.

On nous dit que la société aura intérêt à vendre. Oui, mais elle peut aussi avoir intérêt à conserver certaines propriétés.

Maintenant, pendant toute la durée de la société, y aura-t-il un droit de mutation sur les opérations qu'elle fera ? Evidemment, une société qui se constitue dans de pareilles conditions se soustrait directement à tout droit de succession ; et je voudrais bien savoir comment une telle société pourra se soustraire à des droits que tout le monde doit payer ? C’est là un privilège évident que rien ne saurait justifier à mes yeux, et qui me parait en contradiction formelle et flagrante avec les principes que l'on défendait si chaleureusement, il y a quelques jours encore.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Les sociétés anonymes sont soumises à un impôt spécial de 1 2/3 p. c. sur les bénéfices qu’elles réalisent. Voilà une redevance assez importante au point de vue des intérêts du trésor.

On a déjà répondu, d'ailleurs, dans une discussion précédente, à l'objection qui consiste à dire que les sociétés du genre de celle qu’il s’agit d’autoriser constituent des mainmortes. On a parfaitement expliqué qu’il n’en est absolument rien.

Les mainmortes font disparaître toute espèce d'intérêt individuel, tandis que les sociétés anonymes, quelles qu'elles soient, se composent exclusivement d'intérêts individuels, qui continuent à rester dans l'opération, qui se transmettent, qui ne cessent point de faire parte du patrimoine de la famille et qui augmentent la richesse publique. Voilà la différence.

L'honorable M. Pirmez a demandé que, tout au moins, il y eût dans l'arrêté d'autorisation une réserve, en ce sens que la société pourrait être ultérieurement soumise aux dispositions légales qui frapperaient d'un impôt toutes les sociétés de cette nature. Messieurs, cela est de droit. La loi, en créant, par mesure générale, un impôt de ce genre, atteindrait les sociétés existantes comme celles qui pourraient être créées dans l'avenir. Sous ce rapport donc, il n'y a aucune difficulté à prévoir.

- La discussion est close.

Vote de l’article unique et vote sur l’ensemble

Il est procédé à l'appel nominal sur l'article unique du projet de loi.

85 membres y prennent part.

60 membres répondent oui.

11 membres répondent non.

14 membres s'abstiennent.

En conséquence la Chambre adopte.

Le projet de loi sera transmis au Sénat.

Ont répondu oui : MM. Lesoinne, Loos, Magherman, Mercier, Moreau, Mouton, Muller, Nélis, Orban, Orts, Pirmez, Pirson, Prévinaire, Rogier, Tesch, Thienpont, E. Vandenpeereboom, Vanderstichelen, Van Iseghem, Van Leempoel de Nieuwmunster, Vermeire, Allard, Ansiau, Bara, Braconier, Coomans, Crombez, Cumont, David, de Boe, de Breyne, de Bronckart, Dechentinnes, de Florisone, De Fré, de Gottal, de Lexhy, F. de Macar, de Moor, de Muelenaere, de Paul, de Renesse, de Ridder, de Rongé, de Terbecq, Devaux, de Vrière, Frère-Orban, Frison, Grandgagnage, Grosfils, Hymans, Jacquemyns, Jamar, J. Jouret, M. Jouret, Lange, C. Lebeau, J. Lebeau et Vervoort.

Ont répondu non : MM. Notelteirs, Vander Donckt, Van Overloop, Beeckman, de Naeyer, de Pitteurs-Hiegaerts, de Ruddere de Te Lokeren, B. Dumortier, Guillery, Janssens et Landeloos.

Se sont abstenus : MM. Rodenbach, Royer de Behr, Schollaert, Snoy, Van Humbeeck, Van Renynghe, Verwilghen, Vilain XIIII, Wasseige, de Haerne, de Mérode, de Smedt, d'Ursel et le Bailly de Tilleghem.

M. le président. - Les membres qui se sont abstenus sont priés d'en faire connaître les motifs.

M. Rodenbach. - Je me suis abstenu parce que je n'ai pas eu suffisamment de temps pour étudier cet important projet de loi.

M. Royer de Behr. - Le rapport n'ayant été distribué qu'hier soir et n'ayant pu prendre qu'une connaissance assez superficielle du projet de loi, je n'ai pu me prononcer ni affirmativement ni négativement. Ces raisons justifient, je pense, mon abstention.

M. Schollaert. Je me suis abstenu par les mêmes motifs.

M. Snoy. - Je me suis abstenu par les mêmes motifs.

M. Van Humbeeck. - Je désirais depuis longtemps voir se former des compagnies consacrant leurs capitaux à des travaux d'assainissement et d'embellissement dans nos villes ; j'étais convaincu que leur constitution n'était possible qu'autant que la forme de l'anonymat leur fût concédée ; je n'ai pas voté contre le projet parce qu'il réalisait, à ce point de vue, une idée qui, d'après moi, devait amener de bons fruits ; mais en voyant constituer une société à un capital immense, avec la longue durée qui lui est assignée, j'ai craint qu'il n'en résultat certains dangers, notamment celui de créer, sinon un monopole légal, du moins un monopole de fait.

C'est pour cela que je n'ai pas voté le projet de loi, j'aurais préféré que le gouvernement suivît une autre marche, demandât l'autorisation d'une mesure générale de conférer l'anonymat à des compagnies dont le but eût été l'assainissement et l'embellissement de nos villes, et usât ensuite de cette faculté au profit d'associations qui se seraient constituées successivement pour des entreprises déterminées. Tels sont mes motifs d'abstention.

M. Van Renynghe. - Je me suis abstenu par les mêmes motifs que M. Van Humbeeck.

M. Verwilghen. - Je me suis abstenu par les mêmes motifs que M. Royer de Behr.

M. Vilain XIIII. - Je me suis abstenu par les mêmes motifs que M. Van Humbeeck, qui vient de rendre parfaitement ma pensée.

M. Wasseige. - J'ai fait connaître les motifs de mon abstention dans la discussion.

M. de Haerne. - Je me suis abstenu par les mêmes motifs que M. Royer de Behr.

M. de Mérode-Westerloo. - Par les mêmes motifs.

M. de Smedt. - Par les mêmes motifs.

M. d'Ursel. - Par les mêmes motifs que M. Van Humbeeck.

M. le Bailly de Tilleghem. - Par les mêmes motifs.

Projet de loi autorisant le gouvernement à céder l’entrepôt public d’Anvers

Vote de l’article unique et vote sur l’ensemble

Personne ne demandant la parole, la discussion générale est close.

« Article unique. Le gouvernement est autorisé à faire la cession de l'entrepôt public d'Anvers, soit à la ville, soit à une société anonyme, sous les conditions qu'il déterminera et pour un prix qui ne pourra être inférieur à trois millions trois cent mille francs (3,300,000 fr.). »

Il est procédé au vote par appel nominal.

Le projet de loi est adopté à l'unanimité des 82 membres qui ont répondu à l'appel.

Il sera transmis au Sénat.

Ont répondu à l'appel : MM. Lesoinne, Loos, Magherman, Mercier, Moreau, Mouton, Muller, Nélis, Notelteirs, Orban, Orts, Pirmez, Pirson, Prévinaire, Rogier, Royer de Behr, Schollaert, Snoy, Tesch, Thienpont, E. Vandenpeereboom, Vander Donckt, Vanderstichelen, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Leempoel de Nieuwmunster, Van Overloop, Van Renynghe, Vermeire, Verwilghen, Vilain XIIII, Wasseige, Allard, Ansiau, Bara, Beeckman, Braconier, Coomans, Crombez, Cumont, David, de Boe, de Breyne, de Bronckart, Dechentinnes, de Florisone, De Fré, de Gottal, de Haerne, de Lexhy, Ferdinand de Macar, de Mérode, de Moor, de Muelenaere, de Naeyer, de Paul, de Pitteurs-Hiegaerts, de Ridder, de Rongé, de Ruddere de te Lokeren, de Smedt, de Terbecq, Devaux, de Vrière, B. Dumortier, d'Ursel, Frère-Orban, Frison, Grandgagnage, Grosfils, Guillery, Hymans, Jacquemyns, Janssens, J. Jouret, M. Jouret, Julliot, Landeloos, Lange, Ch. Lebeau, Jos. Lebeau et Vervoort.

Ordre des travaux de la chambre

M. Orts (pour une motion d’ordre). - Messieurs, il paraît que le projet de loi relatif aux servitudes militaires pourrait donner lieu à des discussions prolongées ; nous avons à la suite d'autres projets aussi, et peut être plus urgents qui ne doivent pas donner lieu à une discussion bien longue, ce sont les traités à conclure pour arriver au rachat du péage de l'Escaut. Je demande qu'on commence par ces projets de loi et qu'on postpose celui relatif aux servitudes militaires.

M. de Gottal. - Les observations de l'honorable préopinant tendantes à l'ajournement de la discussion des servitudes militaires sont fondées; certainement à l'occasion de la discussion de ce projet de loi, on pourra soulever des questions qui ont déjà donné lieu à de longs débats. Je ne m'opposerai pas à l'ajournement, pourvu toutefois qu'il soit bien (page 1045) entendu que le gouvernement s'engage à appliquer en fait dès aujourd’hui les dispositions de l'article 2 du projet de loi ; elles ont le plus grand intérêt pour les campagnes, elles ne sont, du reste, que la consécration d'une décision judiciaire (interruption), d'un arrêt de la cour d'appel de Bruxelles, en date du 8 décembre 1862, en ce sens qu'elles autorisent la réparation et l'entretien d-e constructions existantes. Quant aux reconstructions, la disposition de l'article 2 introduit un régime nouveau ; quant à celles-là, je consens à laisser les choses en suspens, mas quant à l’entretien et aux réparations, je demande au gouvernement de s'en référer à la jurisprudence de la cour de Bruxelles

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je ne donne pas à la motion de M. Orts la portée que lui attribue M. de Gottal ; M. Orts n'a pas entendu proposer un ajournement à la prochaine session ; nous ne faisons pas opposition à ce qu'on vote d'abord les traités, mais nous reprendrons ensuite, aujourd'hui ou demain, le projet de loi relatif aux servitudes militaires.

M. de Gottal. - Dans ce cas je ne comprends pas la portée de la motion de M. Orts ; si le projet de loi dont il s'agit doit donner lieu à de longues discussions, je conçois qu'on en demande l'ajournement à la session prochaine, mais si c'est pour le renvoyer à demain, je ne vois pas de motif pour en postposer la discussion à d'autres objets qui sont à l'ordre du jour.

M. Orts. - Je vais dire franchement pourquoi je propose de voter d'abord les traités; ils doivent être nécessairement votés avant que la Chambre se sépare, le projet relatif aux servitudes n’a pas le même caractère d'urgence, et comme aujourd'hui nous sommes en nombre et que je ne réponds pas que nous serons en nombre demain, je demande que l'on vote aujourd'hui.

M. Coomans. - Si j'ai bien compris l'honorable président, il s'agirait d'intervertir l’ordre du jour. J'insiste sur le maintien de l'ordre du jour parce qu'il y a lieu de discuter sérieusement le projet de loi sur les servitudes.

J'ai trop l'habitude des faits et gestes parlementaires pour ne pas savoir que lorsque les traités seront votés on ne nous laissera plus dix minutes pour discuter sur les servitudes.

Il faut donc de deux choses l'une : ou qu'on ajourne ce projet de loi à la session prochaine, ce que je ne propose pas, ou qu'on le discute en ce moment dans l'ordre où il est porté sur les bulletins de convocation.

- La proposition de M. Orts est mise aux voix et adoptée.


M. le président. - Nous avons d'abord le traité relatif au régime des prises d'eau de a Meuse.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - Je demande que l'on discute les divers projets dans l’ordre des numéros assignés à chacun d'eux. On commencerait par la convention avec les villes libres de Lubeck et de Brème. Puis viendraient le traité avec la France, le traité de commerce et de navigation avec les Pays-Bas, celui pour les prises d'eau de la Meuse, et enfin celui pour le rachat du péage de l'Escaut, et enfin le dernier projet de loi donnant au gouvernement l'autorisation de traiter avec quelques Etats qui n'ont pas encore adhéré ainsi que les moyens d'exécuter le traité du péage.

- Cette proposition est adoptée.

Projet de loi approuvant le traité de commerce et de navigation conclu avec la ville libre de Brème

Vote de l’article unique et vote sur l’ensemble

Personne ne demandant la parole, la discussion générale est close.

« Article unique. Le traité de commerce et de navigation conclu, le 11 mai 1863, entre la Belgique et la ville libre de Brème, sortira son plein et entier effet. »

- Adopté.

Il est procédé à l'appel nominal sur l'ensemble.

84 membres y prennent part.

Tous répondent oui.

En conséquence, la Chambre adopte.

Ont répondu oui : MM. Lesoinne, Loos, Magherman, Mercier, Moreau, Mouton. Muller. Nélis, Notelteirs, Orban, Orts, Pirmez, Pirson, Rodenbach, Rogier, Royer de Behr, Schollaert, Snoy, Tack, Tesch, Thienpont, E. Vandenpeereboom, Vander Donckt, Vanderstichelen, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Leempoel de Nieuwmunster, Van Overloop, Van Renynghe. Van Volxem, Vermeire, Verwilghen, Vilain XIIII, Wasseige, Allard, Ansiau, Bara, Beeckman, Braconier, Coomans, Crombez, Cumont, David, de Boe, de Breyne, de Bronckart, Dechentinnes, de Decker, de Florisone, De Fré, de Gottal, de Haerne, de Lexhy, Ferd. de Macar, de Mérode, de Moor, de Naeyer, de Paul, de Pitteurs-Hiegaerts, de Ridder, de Rongé, de Smedt, de Terbecq, Devaux, de Vrière, Dolez, B. Dumortier, d'Ursel, Frère-Orban, Frison Grandgagnage, Grosfils, Guillery, Hymans, Jacquemyns, Janssens, J. Jouret, M. Jouret, Julliot, Landeloos, Lange, C. Lebeau, J. Lebeau et Vervoort.

Projet de loi approuvant le traité de commerce et de navigation conclu avec la ville libre de Lubeck

Vote de l’article unique et vote sur l’ensemble

—Personne ne demandant la parole, la discussion générale est close.

« Article unique. Le traité de commerce et de navigation conclu, le 11 mai 1863, entre la Belgique et la ville libre de Lubeck, sortira son plein et entier effet. »

- Adopté.

Il est procédé à l'appel nominal sur l'ensemble.

81 membres y prennent part.

Tous répondent oui.

En conséquence la Chambre adopte.

MM. Lesoinne, Loos, Magherman, Mercier, Moreau, Mouton, Muller, Nélis, Notelteirs, Orban, Orts, Pirmez, Pirson, Rodenbach, Rogier, Royer de Behr, Schollaert, Snoy, Tack, Tesch. Thienpont, A. Vandenpeereboom, E. Vandenpeereboom, Vander Donckt, Vanderstichelen, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Leempoel de Nieuwmunster, Van Overloop, Van Renynghe, Van Volxem, Vermeire, Vilain XIIII, Wasseige, Allard, Ansiau, Bara, Beeckman, Braconier, Coomans, Crombez, David, de Boe, de Breyne, de Bronckart, Dechentinnes, de Decker, de Florisone, De Fré, de Gottal, de Haerne, de Lexhy, Ferd. de Macar, de Mérode, de Moor, de Naeyer, de Paul, de Pitteurs-Hiegaerts, de Ridder, de Rongé, de Smedt, de Terbecq, Devaux, de Vrière, Dolez, d'Ursel, Frère-Orban, Frison, Grandgagnage, Grosfils, Guillery, Hymans, Jacquemyns, Janssens, J. Jouret, M. Jouret, Landeloos, Lange, le Bailly de Tilleghem, C. Lebeau, J. Lebeau et Vervoort.

Projet de loi approuvant la convention additionnelle au traité de commerce et de navigation conclu avec la France

Discussion de l’article unique

M. le président. - Le projet de loi est ainsi conçu :

« Article unique. La convention additionnelle au traité de commerce et à la convention de navigation du 1er mai 1861, conclue entre la Belgique et la France, le 12 mai 1863, sortira son plein et entier effet. »

M. Rodenbach. - Messieurs, la convention additionnelle au traité de commerce conclu entre la Belgique et la France redresse, au bénéfice de nos Flandres, un grief dont nos fabricants de toile se plaignaient avec raison à propos de l’application de ce traité. Je veux parler du refus d’admettre à l’importation en France comme toiles écrues des tissus présentant une nuance grisâtre ou ardoisée.

Désormais toute contestation, je l'espère, deviendra impossible, grâce à la convention additionnelle qui consacre l'adoption de types à établir en commun entre le gouvernement belge et le gouvernement français. Je dois rendre justice à M. le ministre des affaires étrangères qui, dans les négociations qu'il a entamées à cette occasion, a secondé puissamment et avec le zèle le plus louable, les démarches qui ont été faites par moi ainsi que par mes collègues des arrondissements de Courtrai et de Thielt, de même que les vives réclamations émanées des chambres de commerce de Roulers et de Courtrai. Je voterai donc avec plaisir le projet de loi en discussion.

Vote de l’article unique et vote sur l’ensemble

Personne ne demandent plus la parole, le projet de loi est mis aux voix et adopté à l'unanimité des 88 membres présents.

Ce sont : MM. Lesoinne, Loos, Magherman, Mercier, Moreau. Mouton, Muller, Nélis, Notelteirs, Orban, Orts, Pirmez, Pirson, Rodenbach, Rogier, Royer de Behr, Schollaert, Snoy, Tack, Tesch, Thienpont, A. Vandenpeereboom, E. Vandenpeereboom, Vander Donckt, Vanderstichelen, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Leempoel de Nieuwmunster, Van Overloop, Van Renynghe, Van Volxem, Vermeire, Verwilghen, Vilain XIIII, Wasseige, Allard, Bara, Beeckman, Braconier, Coomans, Crombez, Cumont, David, de Boe, de Breyne, de Bronckart, Dechentinnes, de Decker, de Florisone, De Fré, de Gottal, de Haerne, de Lexhy, Ferd. de Macar, de Mérode, de Moor, de Naeyer, de Paul, de Pitteurs-Hiegaerts, de Ridder, de Rongé, de Ruddere de Te Lokeren, de Smedt, de Terbecq, Devaux, de Vrière, Dolez, B. Dumortier, H. Dumortier, d'Ursel, Frère-Orban, Frison, Grandgagnage, Grosfils, Guillery, Hymans, Jacquemyns, Janssens, J. Jouret, M. Jouret, Julliot, Landeloos, Lange, le Bailly de Tilleghem, C. Lebeau, J. Lebeau et Vervoort.

Projet de loi approuvant la convention additionnelle au traité de commerce et de navigation conclu avec les États-Unis

(page 1046 M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - Avant de passer à la discussion et au vote des projets de loi relatifs aux conventions avec les Pays-Bas, je demanderai s'il n'entrerait pas dans les convenances de la Chambre de voter le projet de loi relatif à la convention additionnelle passée avec les États-Unis. Le rapport a été fait tout à l’heure. Il consiste en quelques lignes. La section centrale donne son approbation au projet de loi.

La Chambre décidera si-elle veut discuter immédiatement ce projet de loi ou si elle veut attendre l'impression du rapport.

- Plusieurs membres. - Qu'on lise le rapport.

Rapport de la section centrale

M. de Gottal donne lecture du rapport.

- La Chambre décide qu'elle discutera immédiatement ce projet de loi.

Discussion de l’article unique

M. le président. - La discussion est ouverte.

M. Vilain XIIII. - J'ai lu très superficiellement ce matin la convention conclue avec les États-Unis. J'ai remarqué que les Etats-Unis ne nous accordent d'autre avantage que le remboursement du péage de l'Escaut tandis que nous leur assurons les avantages que nous avons accordés aux nations les plus favorisées.

Je comprends très bien que, pendant la guerre, les Etats-Unis ne puissent faire de modifications à leurs tarifs de douane. Mais je demanderai s'ils n'ont de traité avec aucune autre puissance, et s'ils en avaient, pourquoi ils ne nous assimilent pas à la puissance la plus favorisée,

M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - Les Etats-Unis n'ont pas des tarifs différentiels. Au surplus la Belgique jouira aux Etats-Unis du traitement de la nation la plus favorisée.

L'honorable comte Vilain XIIII veut bien me demander ce que les Etats-Unis nous donnent en regard de ce que nous leur accordons. Mais à leur tour, les Etats-Unis ne pourraient-ils pas nous demander ce que la Belgique leur donne en compensation des sommes assez considérables qu'ils s'engagent à nous payer ? Quant à moi, si je devais faire une distinction entre les divers Etats qui ont prêté leur concours à la Belgique dans cette longue et difficile négociation, je placerais parmi les premiers Etats qui ont droit à la reconnaissance de la Belgique, les Etats-Unis.

On sait dans quelle situation se trouve cette nation, les sacrifices immenses que chaque jour lui impose la guerre malheureux dans laquelle elle se trouve engagée.

Cependant les Etats-Unis n'ont pas hésité à prêter leur concours au gouvernement belge. Ils se sont engagés à fournir au trésor belge leur quote-part dans la répartition du péage de l'Escaut.

Ce que nous donnons aux Etats-Unis, c'est ce que nous donnons à tous les autres Etats ; c'est le traitement en Belgique de la nation la plus favorisée.

A la suite des diverses conventions qui viennent d'être votées par la Chambre, notre tarif va devenir bientôt d'application générale. Il ne restera plus que quelques Etats d'importance secondaire au point de vue industriel, qui se trouveront frappés de droits différentiels, et chacun de nous, j'en suis certain, verra arriver avec grande satisfaction le jour où nous pourrons rendre notre tarif d'application générale sans y conserver la moindre trace de droits différentiels.

Par les divers traités que vous votez en ce moment, cette réforme va faire un grand pas ; notre tarif de différentiel qu'il est pour les divers Etats, va devenir général. La France, l'Angleterre, les Pays-Bas, la Russie, la Prusse, l'Allemagne, l'Italie, en général tous les Etats avec lesquels nous avons traité, vont être admis sur le même pied. Les Etats-Unis jouiront de la même faveur que les autres nations, et je crois que nous n'avons qu'à gagner à la facilité et à la multiplicité de nos relations avec ce grand peuple commercial.

M. Van Iseghem - Je pense, messieurs, que les Etats-Unis nous ont garanti par le traité du 17 juillet 1858 le traitement de la nation la plus favorisée, tant pour nos navires que pour nos produits. Ce traité ne contient aucune faveur ni droit différentiel pour le pavillon américain, de manière que nous ave s les mêmes droits que les navires des États-Unis pour les importations ou exportations des pays étrangers.

Nos produits peuvent être importés sans la moindre surtaxe.

La convention sur laquelle nous sommes appelés à voter est additionnelle au traité de 1858, de manière que c'est ce dernier qui reste aussi en vigueur.

J'espère que cette explication satisfera l'honorable vicomte Vilain XIIII.

Vote de l’article unique et vote sur l’ensemble

« Article unique. La convention additionnelle au traité de commerce et de navigation du 17 juillet 1858, conclue entre la Belgique et les Etats-Unis le 20 mai 1863, sortira son plein et entier effet. »

- Cette disposition est mise aux voix par appel nominal.

90 membres sont présents.

89 adoptent.

1 (M. B. Dumortier) s'abstient.

En conséquence le projet de loi est adopté.

Ont voté l'adoption : MM. Lesoinne, Loos, Magherman, Mercier, Moreau, Mouton, Muller, Nélis, Notelteirs, Orban, Orts, Pirmez, Pirson, Rodenbach, Rogier, Royer de Behr, Schollaert, Snoy, Tack, Tesch, Thienpont, A. Vandenpeereboom, E. Vandenpeereboom, Vander Donckt, Vanderstichelen, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Leempoel de Nieuwmunster, Van Overloop, Van Renynghe, Van Volxem, Vermeire, Verwilghen, Vilain XIIII, Wasseige, Allard, Ansiau Bara, Beeckman, Braconier, Coomans, Crombez, Cumont, David, de Boe, de Breyne, de Bronkart, Dechentinnes, de Decker, de Florisone, De Fré, de Gottal, de Haerne, de Lexhy, F. de Macar, de Mérode, de Moor, de Muelenaere, de Naeyer, de Paul, de Pitteurs-Hiegaerts, de Ridder, de Rongé, de Ruddere de te Lokeren, de Smedt, de Terbecq, Devaux, de Vrière Dolez, H. Dumortier, d'Ursel, Frère-Orban, Frison, Grandgagnage, Grosfils, Guillery, Hymans, Jacquemyns, Janssens, J. Jouret, M. Jouret, Julliot, Landeloos, Lange, le Bailly de Tilleghem, C. Lebeau, J. Lebeau et Vervoort.

M. B. Dumortier. - Messieurs, je me suis abstenu, parce que, par cette convention, nous accordons des avantages commerciaux sans en recevoir d'équivalents.

Projet de loi approuvant la convention de commerce conclue avec les Pays-Bas

Vote de l’article unique et vote sur l’ensemble

« Article unique. La convention de commerce et de navigation conclue, le 12 mai 1863, entre la Belgique et les Pays-Bas, sortira son plein et entier effet. »

- Cet article est mis aux voix par appel nominal et adopté à l'unanimité des 90 membres présents.

Ce sont : MM. Lesoinne, Loos, Magherman, Mercier, Moreau, Mouton, Muller, Nélis, Orban, Orts, Pirmez, Pirson, Rodenbach, Rogier, Royer de Behr, Schollaert, Tack, Tesch, Thienpont, A. Vandenpeereboom, E. Vandenpeereboom, Vander Donckt, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Leempoel de Nieuwmunster, Van Overloop, Van Renynghe, Van Volxem, Vermeire, Verwilghen, Vilain XIIII, Wasseige, Allard, Ansiau, Bara, Beeckman, Braconier, Coomans, Coppens, Crombez, Cumont, David, de Boe, de Breyne, de Bronckart, Dechentinnes, de Decker, de Florisone, De Fré, de Gottal, de Haerne, de Lexhy, Ferd. de Macar, de Mérode, de Moor, de Muelenaere, de Naeyer, de Paul, de Pitteurs-Hiegaerts, de Ridder, de Rongé, de Ruddere de Te Lokeren, de Smedt, de Terbecq, Devaux, de Vrière, Dolez, B. Dumortier, H. Dumortier, d'Ursel, Frère-Orban, Frison, Grandgagnage, Grosfils, Guillery, Hymans, Jacquemyns, Janssens, J. Jouret, M. Jouret, Julliot, Landeloos, Lange, le Bailly de Tilleghem, C. Lebeau, J. Lebeau et Vervoort.

Projet de loi approuvant le traité conclu avec les Pays-Bas pour régler le régime des prises d’eau à la Meuse

Vote de l’article unique et vote sur l’ensemble

L'article unique du projet de loi est ainsi conçu :

« Le traité réglant le régime des prises d'eau à la Meuse, conclu le 12 mai 1863, entre la Belgique et les Pays-Bas, sortira son plein et entier effet. »

Personne ne demandant la parole, il est procédé au vote par appel nominal.

Le projet de loi est adopté à l'unanimité des 90 membres présents. Il sera transmis au Sénat.

Ont adopté : MM. Lesoinne, Loos, Magherman, Mercier, Moreau, Mouton, Muller, Nélis, Orban, Orts, Pirmez. Pirson, Prévinaire, Rodenbach, Rogier, Royer de Behr, Schollaert, Tack, Tesch, Thienpont, A. Vandenpeereboom, E. Vandenpeereboom, Vander Donckt, Vanderstichelen, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Leempoel de Nieuwmunster, Van Overloop, Van Renynghe, Van Volxem, Vermeire, Verwilghen, Vilain XIIII, (page 1047) Wasseige, Allard, Ansiau, Bara, Beeckman, Braconier, Coomans, Crombez Cumont, David, de Boe, de Breyne, de Bronckart, Dechentinnes, de Decker, de Florisone, De Fré, de Gottal, de Haerne, de Lexhy, Ferd. de Macar, de Mérode, de Moor, de Muelenaere, de Naeyer, de Paul, de Pul, de Pitteurs-Hiegaerts, de Ridder, de Rongé, de Ruddere de Te Lokeren, de Smedt, de Terbecq, Devaux, de Vrière, Dolez, B. Dumortier, H. Dumortier, d'Ursel, Frère-Orban, Frison, Grandgagnage, Grosfils. Guillery, Hymans, Jacquemyns, Janssens, J. Jouret, M. Jouret, Julliot, Landeloos, Lange, le Bailly de Tilleghem, C. Lebeau, J. Lebeau et Vervoort.

Projet de loi approuvant le traité conclu entre la Belgique et les Pays-Bas pour le rachat du péage de l’Escaut

Discussion de l’article unique

M. Hymans. - Messieurs, il serait anomal qu'un acte de l'importance de celui qui vous est soumis passât dans cette Chambre, sans qu’on adressât des félicitations au ministre qui a obtenu ce magnifique résultat.

L’Escaut rendu libre après deux siècles environ de servage, c'est un trop grand fait pour qu'il ne soit pas signalé au pays comme un de ces événements glorieux qui doivent garder une place éternelle dans la mémoire d'un peuple.

En effet, l'affranchissement de l'Escaut est le couronnement de la politique libérale qui a tant contribué depuis six ans et davantage à la prospérité et au bien-être du pays.

Messieurs, on nous rappelait hier, dans la discussion de la loi sur les travaux publics, qu'à propos d'un chemin de fer d'Anvers à Düsseldorf, le gouvernement néerlandais avait refusé à la Belgique le droit de passer sur son territoire. Il y a de cela 18 ans.

Depuis lors une transformation complète s'est produite dans nos rapports avec ce pays qui, jadis, aidait la Belgique à secouer le jour de l'Espagne, qui maintenant déploie avec elle, à la face de l'Europe, le drapeau de la monarchie constitutionnelle et représentative.

A côté de cette alliance avec d'anciens rivaux qui ne sont plus aujourd'hui que des émules, nous voyons des rapports d'intimité, d'amitié sincère établis entre la Belgique et toutes les nations de l'Europe.

Toutes vont concourir à ce grand acte et viennent affirmer une fois de plus et d'une manière absolue notre indépendance et notre nationalité.

Messieurs, au point de vue commercial, l'affranchissement de l'Escaut constitue également un grand fait; il est une affirmation nouvelle et glorieuse des doctrines libérales qui, en matière de commerce, envahissent peu à peu le monde et amèneront à un jour prochain, j'espère, la réalisation de ce beau rêve d’un grand poète :

Avoir pour patrie le monde et pour famille l'humanité.

Au point de vue, enfin, de la politique intérieure, la réforme qui va s'accomplir constitue une éclatante protestation contre le reproche insensé qu'on adressait au gouvernement et à la majorité parlementaire de vouloir sacrifier les intérêts de notre métropole commerciale, de méconnaître l'importance de la ville d'Anvers, de livrer ses magasins à une ruine certaine, d'exposer ses habitants, dans un avenir plus ou moins éloigné, à une catastrophe inévitable.

Messieurs, je crois être juste en disant que le pays n'apprécie pas à sa valeur réelle l'acte que nous allons ratifier aujourd'hui. L'honorable M. de Vrière a déjà indiqué cette idée dans son rapport, et je crois que son observation est parfaitement juste.

La grande majorité du pays ne se doute pas des lourdes charges que subit le trésor du chef de l'impôt en quelque sorte féodal qui pèse depuis 1839 sur l'Escaut. Certes je ne comparerai pas l'affranchissement actuel du fleuve à ce qu'il fut il y a trois quarts de siècle.

Mais tout est relatif; il faut tenir compte des situations et des époques. Il est certain qu'au point de vue des idées modernes, le péage de l'Escaut peut être considéré aujourd'hui comme aussi inique et aussi vexatoire qu'il l'était, au temps du blocus entier du fleuve.

Et à ce propos je dirai aux Anversois, tenant compte des situations et des époques : Ouvrez votre histoire et vous verrez qu'en 1665, dans cette ville que vos ancêtres avaient proclamée un jour la reine de l'Occident, l'entrée d'un nav.ie espagnol important des vins par les eaux intérieures fut un véritable événement et que les magistrats accordèrent une récompense honorifique au capitaine qui entrait dans le port comme un triomphateur.

Vous y verrez qu'en 1773 ce fut un véritable événement encore que l'entrée dans le fleuve d'un navire apportant de Bordeaux un chargement de vins. Vous y verrez enfin que lorsque en 1792, à la suite du décret de la Convention qui avait proclamé la liberté absolue de l'Escaut l'arrivée d'une flottille sortie du port de Dunkerque fut l'occasion de fêtes splendies, que la Bourse fut illuminée et que la ville salua avec enthousiasme la délivrance de son fleuve après un blocus de 144 ans.

Depuis lors, un nouveau blocus a remplacé l'ancien ; et, ne l’oublions pas, ce second blocus a été supprimé par la seule puissance de la liberté ; c'est par sa seule force morale que la Belgique vient de remporter, à la face du monde, une des plus brillantes conquêtes qu'aient jamais accomplies les plus grandes armées.

Nous pouvons donc, en toute conscience, rendre hommage à cet acte et féliciter ceux qui l'ont accompli. Nous pouvons, avec quelque orgueil, nous qui appartenons à l'opinion libérale, féliciter l'auteur de ces négociations fécondes et en même temps les hommes d'Etat à qui nous devons un» situation financière qui nous permet de racheter une pareille dette sans rien demander aux contribuables.

Pour ma part, je suis heureux de pouvoir sanctionner par mon vote une pareille mesure ; et permettez-moi de le dire, messieurs, ceux qui pendant cette période parlementaire de quatre années ont eu l'honneur de voter l'abolition des octrois, d'assurer la défense nationale, de voter l'affranchissement complet et à perpétuité de l’Escaut, pourront se glorifier d'avoir rendu au pays un service qui prévaudra contre l'esprit de parti et que toutes les foudres de l'Eglise ne parviendront pas à anéantir ! (Interruption.)

Un honorable membre de la droite, disait l'autre jour, à propos de la présentation de la loi qui nous est soumise, que sa présentation ressemblait à une réclame électorale.

Une réclame électorale, soit ! Mais il n'est pas donné à tout le monde d'en faire dépareille. (Interruption.)

J'ai parlé de l'abolition des octrois, j'ai parlé de l'affranchissement du péage de l'Escaut qui vient couronner la politique libérale suivie depuis six années. J'aurais bien d'autres titres à ajouter encore à ceux que cette politique a conquis à l'estime et à la reconnaissance du pays.

Je pourrais dire que, depuis que le libéralisme est arrivé au pouvoir, il a augmenté de 2,000 kilomètres le réseau de nos chemins de fer (interruption), et qu'il a répandu ainsi à travers de nouvelles artères se développement sans cesse, le flot de la prospérité et du bien-être général.

Je pourrais ajouter le développement immense donné à la voirie vicinale, les mesures prises dans l'intérêt de l'hygiène publique ; les progrès de l'instruction à tous les degrés.

C'est au parti libéral qu'on doit la loi sur l'enseignement moyen ; c'est au parti libéral qu'on doit la création des universités de l'Etat.

C'est à lui encore qu'on doit l'organisation de l'enseignement agricole à tous les degrés ; la réforme libérale du Code pénal que nous avons votée l'année dernière ; la présentation d'une loi sur l'organisation judiciaire et surtout, messieurs, le maintien de l'indépendance du pouvoir civil dans toute son intégrité en présence des empiétements de l'Eglise. (Interruption.)

Certainement, messieurs, j'ai le droit de parler ainsi. N'avons-nous pas vu, il y a quelques jours à peine, la façon dont on entend, dans la pratique, la séparation de l'Eglise et de l'Etat ?

M. Coomans. - A la question, s'il vous plaît !

M. Hymans. - Je suis dans la question et j'y resterai. Un membre de votre opinion nous accusait l'autre jour de faire de la réclame électorale ; nous vous répondons : Faites-en de pareilles. Vous n'en seriez pas capables!

Oui, l'opinion libérale a maintenu dans toute son intégrité l'indépendance du pouvoir civil en présence des empiétements de l'Eglise.

J'ajouterai que le gouvernement et la majorité libérale ont introduit dans notre politique commerciale les mêmes réformes libérales que dans la politique générale du pays.

Je termine en disant que ces grands actes, que je viens de rappeler et dont l'affranchissement de l'Escaut constitue le glorieux couronnement, forment en effet le piédestal de l'opinion libérale, et malgré toutes les violences, qui ne sont que la preuve de l'impuissance complète de ceux qui les commettent, ou ne parviendra pas à renverser le libéralisme de ce piédestal qui est son œuvre et dont il a le droit de se glorifier.

M. Vermeire. - Messieurs, en examinant l'acte international qui est soumis à notre approbation, je ne suivrai pas l'honorable préopinant dans la revue rétrospective à laquelle il vient de se livrer. Quoi qu'il en dise ou quoi que l'on pense, je déclare ici que je suis aussi attaché que lui, peut-être davantage même, à nos institutions libérales consacrées par la Constitution, qui, elle, veut la liberté pour tous ; et ce n'est (page 1048) pas la première fois que je me suis levé dans cette enceinte en faveur de toutes les libertés, quand elles étaient menacées, aussi bien des libertés politiques que des libertés religieuses, industrielles et commerciales qui ne sont pas encore entièrement sorties de leurs langes.

Je crois donc pouvoir laisser la politique de côté et rentrer dans l’examen simple et sympathique de l’acte que nous discutons.

Messieurs, c'était une grande question que celle de savoir si les péages dont la navigation sur l'Escaut était frappée étaient dus en réalité ; et je trouve la confirmation de ce doute dans l'exposé des motifs du gouvernement lui-même, puisque j'y lis qu'on a dû ouvrir des négociations assez longues pour faire reconnaître le principe du péage. Il y avait donc un doute sérieux à cet égard.

Maintenant partant de ce principe que les péages reconnus par les diverses puissances, étaient dus, il n'en est pas moins certain pour cela que la Belgique n'était pas obligée de continuer les remboursements, que les remboursements qu'elle faisait pour les navires étrangers trouvaient leur raison d'être dans ce motif qu'ils pouvaient profiler à la prospérité du port d'Anvers et conséquemment à celle du pays entier.

Je puis bien admettre que plus la navigation sur un fleuve est active, plus il y a de relations commerciales qui s’échangent, plus il en résulte du bien-être pour le pays.

Mais la question n'est pas là, la question est de savoir si, le gouvernement laissant le péage à charge des pavillons qui fréquentent nos ports, le nombre des navires aurait été plus ou moins considérable. Si on avait agi ainsi, peut-être serait-on parvenu à faite disparaître plus tôt ces péages qui, comme l'a dit l'honorable préopinant, constituent encore ces anciens droits de barrières et des entraves continuelles contre lesquels tous nous devons nous élever ; mais quand nous examinons le péage dans son origine et dans son droit, nous devons nous demander si le péage est bien dû ; et s'il y a du doute ou qu'il ne fût pas dû, si nous faisons un marché assez favorable.

Le péage était dû par les navires qui circulaient sur ce fleuve ; la Belgique doit rembourser la moindre somme ; en effet, je vois que sur le péage total du remboursement, la Belgique ne serait comprise que pour une somme de 3,600,000 fr., c'est-à-dire le douzième environ. Voici la situation: au lieu de payer 3,600,000 francs, non seulement nous nous engageons à payer le tiers ou à peu près du remboursement total, mais nous faisons encore quelque chose de plus; nous nous mettons en lieu et place des parties contractantes pour le payement des sommes qui sont dues ; d'abord par l'Angleterre au-delà de 8 millions, et ainsi de suite ; nous faisons toutes les avances.

Je ne sais pourquoi la Belgique doit en quelque sorte se faire le banquier des pays étrangers qui certainement sous le rapport financier ne sont pas dans une position inférieure à la nôtre. Je sais bien que cette intervention paraît être justifiée par cette considération qu'aussitôt que le premier terme sera payé, l'Escaut sera devenu entièrement libre. Mais selon moi, la convention aurait dû porter ses effets, du moment que les échéances de payement avaient été fixées, les puissances reconnaissant le principe du rachat auraient pu, ce me semble, payer directement aussi bien que se servir de l'intermédiaire de la Belgique.

Voici ce que je crains, c'est que par des négociations prochaines avec les pays pour lesquels nous aurons avancé des sommes considérables, on pourrait stipuler dans l'avenir que les sommes payées ne nous seront pas remboursées.

J'ai fait mes observations pour démontrer que, malgré toute ma sympathie pour le traité, il ne me paraissait pas, cependant, mériter les grandes louanges, l’hosanna qu'a entonné le préopinant.

Certes, il est bon de voir tous les fleuves affranchis de péages, de voir la liberté commerciale inaugurée dans tous les pays, de voir disparaître les barrières qui arrêtent la circulation des hommes et des choses, de voir tomber les entraves mises sur le commerce et l'industrie, mais enfin nous ne sommes pas encore arrivés à cette époque où nous pourrons dire que toutes les barrières nationales ont disparu ; cependant j'adhère à la proposition ; je pense qu'elle pourra exercer une certaine influence sur la prospérité future de la Belgique, mais j'ajoute encore que cet avantage aurait pu être obtenu par suite du courant d'idées libérales qui circule dans tous les pays.

Je souhaite que le sacrifice que nous faisons et qui est assez considérable soit compensé par les effets heureux que je viens d'indiquer.

M. Orts. - Je voudrais répondre deux mots aux observations présentées par l'honorable M. Vermeire, qui me paraissent être le résultat d'une erreur de fait, d'une fausse appréciation des antécédents de la question. Tout en approuvant en définitive le projet de loi présenté, l'honorable membre croit qu'il y a lieu de l'accueillir un peu plus froidement qu'on ne l'a fait en section et dans cette Chambre, par le motif que voici:

« Le traité impose à la Belgique une charge très lourde ; elle doit payer le tiers de ce qui revient aujourd'hui à la Hollande à titre de péage de l'Escaut ; la première question à examiner est celle-ci : La dette que nous allons éteindre est-elle bien la nôtre, est-elle légitime ? » L'honorable membre, en parlant de la sorte, semble croire que la légitimité de la créance peut être révoquée en doute. Si nous parlions de théorie pure, l'honorable membre pourrait avoir raison.

Il s'agit d'une voie navigable que nous devons à la générosité de la providence et non à la création humaine, à une tolérance politique, et tout péage exigé pour l'usage de voies navigables communes à toutes nations, est en théorie une perception inique, injustifiable.

Mais à côté de la théorie pure, il y a la pratique, il y a les conventions.

Or, pourquoi le péage existe-t-il ? Parce qu'une convention internationale a établi le péage de l'Escaut au profit de la Hollande.

Voilà le principe de la dette. Elle est conventionnelle, donc, à ce point de vue, légitime dans le chef des créanciers.

Passant à la seconde objection, l'honorable M. Vermeire ajoute : « Mais est-il bien clair que la Belgique soit obligée de supporter à elle seule toute la charge du péage de l'Escaut ?

« En supposant le péage légitime dans le chef du créancier, la Belgique est-elle bien le seul débiteur ? Ne va-t-elle pas trop loin quand elle va au-delà de la part que représentent dans la navigation du fleuve ses propre navires? »

Ici l'honorable membre se trompe encore sur la situation des conventions internationales faites depuis longtemps et sur les principes qui ont déterminé la conclusion de ces conventions.

Lorsque en 1839 nous avons été obligés d'accepter le péage de l'Escaut, nous avons senti que ce péage serait perçu au détriment de notre commerce et de la ville d'Anvers, s'il devait frapper les navires appartenant aux puissances étrangères.

Mue par ces considérations, la Belgique a décidé seule, cette fois, que dans un intérêt national, dans l'intérêt du développement de son commerce maritime et pour parer au préjudice qui pourrait résulter pour notre métropole commerciale de la convention, le trésor belge rembourserait à tous les navires arrivant à Anvers, le péage de l'Escaut.

Voilà la vérité.

La Belgique ne doit pas à l'Europe le remboursement du péage. Elle peut retirer librement, dès demain, la loi du 8 juin 1839 ; et c'est parce que l'Europe le fait, que des puissances étrangères concourent avec la Belgique au rachat actuel.

Maintenant on critique à un troisième point de vue la situation faite par le projet de traité que nous avons à sanctionner.

« Pourquoi, dit-on, la Belgique fait-elle l'avance de la part que consentent à rembourser les nations étrangères qui en ce moment n'ont pas pris l'engagement de se libérer, ou de se libérer immédiatement ? Pourquoi la Belgique se constitue-t-elle le banquier des autres puissances ? »

Voici pourquoi.

D'après la situation actuelle de fait, d'après les relations établies en pratique, c'est la Belgique qui rembourse le péage à toutes les nations ; elle a accepté en fait cette position. Elle paye aujourd’hui pour l'étranger ce que j'appellerai la rente.

Il était donc naturel au moment du remboursement de cette rente par le capital qui la représente de prendre la position qu'elle a prise, tout en conservant le droit strict de la modifier à son gré comme nous venons de le rappeler.

Voilà pourquoi nous faisons l'avance de la part des autres débiteurs.

La Belgique enfin et pour son propre compte ne paye-t-elle pas au delà de ce qu'elle doit?

C'est le dernier point à éclaircir.

La Belgique paye le tiers de la dette; est-ce trop ?

Je crois, messieurs, que nous ne devons pas supputer par francs et centimes si ce tiers de la dette représente bien exactement la part que la Belgique devait supporter. Nous avons, à côté de l'argent, autre chose à considérer.

Par le rachat du péage, nous sommes arrivés à rétablir sur un pied intime et durable des relations trop longtemps troublées entre deux peuples qui sont, je l'ai dit à plusieurs reprises et je le répète encore, des nations amies, qui doivent désormais vivre à côté l'une de l'autre en bonnes sœurs, comme elles auraient dû, pour leur prospérité commune, vivre en sœurs dans le passé.

Envisagé à ce point de vue, qui est le vrai, le traité proposé doit être voté.

(page 1049) M. Loos. - Messieurs, je croirais manquer à tous mes devoirs, je croirais commettre un acte d'ingratitude envers le pays et le gouvernement, si, comme représentant d'Anvers, je ne venais élever ici une voix reconnaissante pour le grand acte qui vient d'être posé en faveur du port d'Anvers spécialement, du commerce et de l'industrie du pays tout entier.

Messieurs, sans les préoccupations qui agitent encore en ce moment les esprits à Anvers, je suis convaincu que ces sentiments de reconnaissance et de gratitude envers le pays et envers le gouvernement se manifesteraient d'une manière plus éclatante qu'ils ne se produiront peut-être maintenant.

Le jour viendra cependant où ces fâcheuses préoccupations se seront dissipées, et alors, j'en ai la conviction, je ne crains pas de le dire, chacun reconnaîtra que c'est l'acte le plus important qui aura jamais été posé en faveur de la métropole commerciale du pays.

On l'a dit avec raison, il n'existe dans toute l'histoire d'Anvers aucun fait de cette importance au point de vue de sa prospérité commerciale.

Si à la suite de l'entrée des Français à la fin du siècle dernier, la navigation de l’Escaut a été rétablie après un siècle et demi d'interruption, le commerce alors se trouvait dans une trop triste situation et n'a pu profiter des avantages que venait lui offrir la liberté de l’Escaut.

Aujourd'hui au contraire que le commerce, par suite d'une longue période de paix, a pu prospérer et grandir, je suis convaincu que l'acte qui vient de s'accomplir est de nature à doubler, dans un avenir prochain, l'importance commerciale du pays.

Messieurs, l'Escaut affranchi l'est à tout jamais. Aucune puissance du monde, pas même la Belgique, ne saurait dorénavant grever l'Escaut d'un péage quelconque.

Toutes les nations ayant contribué à l'affranchissement de l'Escaut il ne sera plus possible de créer des entraves à la navigation de ce fleuve.

C'est ce que le commerce et la population d'Anvers se rappelleront un jour et alors, j'en ai la conviction, se manifestera leur reconnaissante pour les hommes qui ont amené une pareille situation.

Pour moi, messieurs, c'est au nom de cette population, que j'ai l'honneur de représenter ici, que je témoigne au gouvernement ma profonde gratitude pour l'immense bienfait dont la ville d'Anvers va lui être redevable.

M. Vermeire. - Messieurs, je ne veux pas inutilement prolonger la discussion. Cependant, je crois de mon devoir de répondre quelques mots aux observations présentées par l'honorable M. Orts.

L'honorable membre croit que la Belgique, parce qu'elle a, dès l'origine, remboursé le péage aux pavillons étrangers, est obligée de continuer à faire ce remboursement.

Si la Belgique a payé pour les navires étrangers, elle a fait une libéralité et rien de plus.

M. Orts. - Je suis d'accord avec vous ; moralement il en est ainsi.

M. Vermeire. - Maintenant il est vrai que le traité que nous avions avec les Pays-Bas nous obligeait à acquitter le péage de l’Escaut, mais ce n’était que pour nos propres navires ; nous n’étions pas obligés de payer pour les autres nations, car le traité n’obligeait que les parties contractantes et si nous avons remboursé le péage, c’est pour des motifs autres que ceux qui résultent d’une obligation formelle.

Maintenait, messieurs, je suis aussi de ceux qui applaudissent à ce que, après de très longues négociations, on soit enfin parvenu à une entente.

Mais si certainement l'on peut féliciter le gouvernement actuel pour avoir conclu le traité, on devrait cependant être un peu plus juste et avoir un peu d'éloges pour les cabinets qui ont commencé cette négociation. Je crois que déjà, sous le ministère précédent, les négociations avaient été commencées et étaient assez avancées.

Je ne veux pas, continuer ce débat. Nous sommes d'accord que c'est un acte international qui ne peut avoir que de bons résultats pour l'avenir. C'est pour ce motif seul, et en laissant de côté la question financière, qui pour moi est une question secondaire, que je voterai le projet de loi approuvant ce acte international.

M. Orts. - Je désire, pour calmer les derniers scrupules de l'honorable M. Vermeire, lui faire remarquer que ce qui se fait aujourd’hui n'est en définitive que l’exécution d'un projet dont le gouvernement belge avait pris l'initiative en 1839.

En 1839, avant de signer le traité, le gouvernement belge avait lui-même proposé de racheter l'intégralité du péage de l'Escaut moyennant un capital qu'il lui aurait payé.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - Lui tout seul.

M. Orts. - C'est ce que porte l'exposé des motifs de la loi de 1839 relative au remboursement du péage de l'Escaut.

(L'orateur donne lecture de ce passage.)

Et toutes les sections de la Chambre examinant la loi du 5 juin 1839, comme le rapport le constate, disaient : Le péage de l'Escaut est une charge de l’Etat, une dette nationale.

M. B. Dumortier. - Il ne faut pas, dans l'état de nos négociations avec l'étranger, que l'on se trompe sur la nature de la dette dont il s’agit. Cette dette n'a jamais été nationale. Un rapport a pu le dire dans l'intérêt de la ville d'Anvers, mas il a toujours été reconnu par cette Chambre que ce n'était pas une dette nationale.

M. Orts. - Vis-à-vis d'Anvers.

M. B. Dumortier. - Vis à-vis de personne.

Il a toujours été reconnu que c'était une dette incombant aux navires qui entraient dans l'Escaut et en sortaient et que si la Belgique la remboursait, c'était un acte de sa générosité pour la ville d'Anvers.

Je fais cette observation, parce que, comme le traité doit être voté par les chambres de la Hollande, je ne voudrais pas que l'on pût mal interpréter les paroles de notre honorable collègue. La Belgique n'était pas tenue de payer ; elle l'a fait uniquement par générosité et le jour où elle l'aurait voulu, elle pouvait cesser de payer.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Rogier). - Certainement.

M. Orts. - Nous sommes d'accord. La dette est, selon moi et selon le rapport que j'ai cité, nationale vis-à-vis d'Anvers, jamais vis-à-vis de l'étranger.

- La discussion est close.

Vote de l’article unique et vote sur l’ensemble

L'article unique du projet est ainsi conçu :

« Le traité pour le rachat du péage de l'Escaut, conclu, le 12 mai 1863, entre la Belgique et les Pays-Bas. sortira son plein et entier effet. »

Il est procédé au vote par appel nominal sur ce projet de loi qui est adopté à l’unanimité des 86 membres présents.

Ce sont : MM. Lesoinne, Loos, Magherman, Mercier, Moreau, Mouton, Muller, Nélis, Orban, Orts, Pirmez, Pirson, Prévinaire, Rodenbach, Rogier, Royer de Behr, Schollaert, Tack, Tesch, Thienpont, A. Vandenpeereboom, E. Vandenpeereboom, Vander Donckt, Vanderstichelen, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Leempoel de Nieuwmunster, Van Overloop, Van Renynghe, Van Volxem, Vermeire, Verwilghen, Vilain XIIII, Wasseige, Allard, Ansiau, Bara, Braconier, Coomans, Coppens, Crombez, Cumont, David, de Boe, de Breyne, de Bronckart, Dechentinnes, de Decker, de Florisone De Fré, de Gottal, de Haerne, de Lexhy, F. de Macar, de Mérode, de Moor, de Muelenaere, de Naeyer, de Paul, de Pitteurs-Hiegaerts, de Ridder, de Rongé, de Ruddere de Te Lokeren, de Smedt, de Terbecq, Devaux, de Vrière, Dolez, B. Dumortier, H. Dumortier, d'Ursel, Frère-Orban, Frison, Grandgagnage, Grosfils, Guillery, Hymans, Jacquemyns, Janssens, J. Jouret, M. Jouret, le Bailly de Tilleghem, C. Lebeau, J. Lebeau et Vervoort.

Projet de loi concernant le traité général à conclure avec les Etats maritimes pour régler leur participation au rachant du péage de l’Escaut et déterminant les mesures d’exécution

Vote des articles

Personne ne demandant la parole dans la discussion générale, la Chambre passe à la délibération sur les articles.

« Art. 1er. Le Roi est autorisé à conclure avec les Etats maritimes des traités, réglant leur participation au rachat du péage de l'Escaut, sous telles clauses, conditions et réserves que Sa Majesté pourra juger nécessaires ou utiles dans l'intérêt du pays. »

- Adopté.


« Art. 2. Le gouvernement est autorisé à supprimer le chapitre XXV de la loi générale du 26 août 1822 et à réglementer à nouveau le jaugeage des navires, pour la délivrance des lettres de mer et pour la perception des taxes de navigation. »

- Adopté.


« Art. 3. A partir du jour où le péage de l'Escaut et le droit de tonnage cesseront d’être perçus, et sans préjudice des conventions en vigueur, une taxe de 5 francs par tonneau sera prélevée sur les navires des Etats qui n'auraient point pris part à la capitalisation du péage, chaque fois que ces navires entreront dans les ports du royaume.

« Cette taxe prendra fin pour chaque pavillon dès l'instant que l'Etat, auquel il appartient, aura adhéré aux arrangements prévus à l’article premier. »

- Adopté.


« Art. 4. Il est ouvert au ministère des finances un crédit spécial de 58,400,000 francs, pour subvenir aux remboursements prévus par les articles 1 et 2 du traité du 12 mai 1863, ainsi qu'au payement des intérêts et des frais.

« Ce crédit sera couvert :

« a. Par les ressources spéciales à provenir de l'exécution des traités;

« b. Pour le surplus, par l'émission de bons du trésor à un an, deux ans ou trois ans de date, à concurrence de douze millions de francs. »

- Adopté.

Vote sur l’ensemble

Il est procédé au vote par appel nominal sur l’ensemble du projet de loi, qui est adopté à l'unanimité des 78 membres présents.

Ce sont : MM. Lesoinne, Loos, Magherman, Mercier, Moreau, Mouton, Muller, Orban, Orts, Pirmez, Pirson, Prévinaire, Rodenbach, Rogier, Royer de Behr, Schollaert, Tack, Tesch, Thienpont, A. Vandenpeereboom, E. Vandenpeereboom, Vander Donckt, Vanderstichelen, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Overloop, Van Renynghe, Van Volxem, Vermeire, Verwilghen, Vilain XIIII, Wasseige, Allard, Bara, Braconier, Coomans, Coppens, Crombez, Cumont, David, de Boe, de Breyne, de Bronckart, Dechentinnes, de Florisone, De Fré, de Gottal, de Haerne, de Lexhy, Ferd. de Macar, de Mérode, de Moor, de Muelenaere, de Naeyer, de Paul, de Pitteurs-Hiegaerts, de Ridder, de Rongé, de Smedt, de Terbecq, Devaux, de Vrière, Dolez, B. Dumortier, d'Ursel, Frère-Orban, Frison, Grandgagnage, Grosfils. Guillery, Hymans, Jacquemyns, Janssens, J. Jouret, M. Jouret, le Bailly de Tilleghem, C. Lebeau, J. Lebeau et Vervoort.

- La séance est levée à 5 heures.