Séance du 1 avril 1862
(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1861-1862)
(page 1069) (Présidence de M. Vervoort.)
M. Thienpont, secrétaire., procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.
M. de Boe, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance.
- La rédaction en est approuvée.
M. Thienpont, secrétaire., présente l'analyse des pièces qui ont été adressées à la Chambre.
« Les membres du conseil communal et des habitats de Bourg-Léopold présentent des observations en faveur des chemins de fer projetés de Hasselt à Eyndhoven et de Herenthals à Maeseyck et demandent que la première de ces lignes se dirige vers le camp de Beverloo. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Montigny présente des observations contre le rapport de la commission chargée de juger les armes de guerre envoyées au concours ouvert par le gouvernement, et demande qu'il soit fait des expériences comparatives avec le meilleur fusil lisse et une arme de guerre, comme celle qu'il a présentée au concours de Tervueren. »
M. Hymans. - Je propose le renvoi de cette requête à la commission des pétitions avec demande d'un prompt rapport.
- Adopté.
« Des habitants de Piétrebais-Chapelle-Saint-Laurent réclament l'intervention de la Chambre pour obtenir la nomination d'un bourgmestre ayant leurs sympathies. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Les membres du conseil communal et des habitants de Lille-Saint-Hubert déclarent adhérer à la pétition relative à la concession d'un chemin de fer de Liège à Eyndhoven par Hasselt, Zonhoven, etc. »
« Même adhésion des membres du conseil communal et d'habitants de Grand-Brogel, Petit-Brogel, Wychmael et Hamont. »
- Même renvoi.
« L'administration communale d'Eeckeren demande des modifications à la loi du 18 février 1845, relative au domicile de secours. »
« Même demande des conseils communaux de Vielsalm, Godveordegcm et Strypen. »
- Même renvoi.
« Les membres du conseil communal de Donstiennes prient la Chambre d'autoriser la concession du chemin de fer projeté de Manage à Momignies. »
- Même renvoi.
« Le sieur De Thier présente des considérations en faveur de l'abolition de la peine de mort. »
- Dépôt sur le bureau pendant le vote définitif du Code pénal.
« Les membres de l'administration communale de Chevron demandent l'établissement d'un télégraphe électrique sur la route de Liège à Arlon, avec bureau dans tous les bureaux de poste. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget des travaux publics.
« M. le ministre de l'intérieur transmet 116 exemplaires du tome XIV du Bulletin du conseil supérieur d'agriculture. »
- Distribution aux membres de la Chambre.
« Le sieur Léon de Thier fait hommage de 116 exemplaires de sa pétition en faveur de l'abolition de la peine de mort. »
- Distribution aux membres de la Chambre.
« M. Dautrebande, retenu chez lui par une indisposition, demande un congé de quelques jours. »
- Accordé.
Il est procédé au tirage des sections pour le mois d'avril.
M. Jamar. - Messieurs, je viens exprimer à M. le ministre des travaux publics mon regret de voir rester sans solution une question dont, lors de la discussion de son dernier budget, l'honorable ministre avait promis de s'occuper avec la plus grande bienveillance, disait-il, Je veux parler de l'établissement du bureau principal du télégraphe au centre de Bruxelles.
J'avais insisté, messieurs, dans cette discussion, sur la nécessité d'établir ce bureau principal au centre des affaires, non seulement à Bruxelles, mais dans toutes les grandes villes industrielles et commerciales du pays.
Jusqu'à ce jour Anvers, Liège, et en dernier lieu Gand, ont vu établir ces bureaux dans des conditions satisfaisantes ; mais toutes les réclamations de l'administration communale de Bruxelles sont restées sans résultats.
Je désire savoir quels sont les obstacles qui s'opposent à ce que les vœux du commerce de Bruxelles, dont le conseil communal s'est fait l'organe légitime, reçoivent enfin une juste satisfaction.
Je comprends très peu, je l'avoue, sinon l'hostilité du moins l'indifférence que l'administration témoigne dans cette affaire, car les résultats d'une semblable mesure ne sauraient être douteux.
Dans les notes préliminaires du dernier budget des voies et moyens, M. le ministre des finances, en évaluant à 525,000 fr. la recette probable des télégraphes pour 1862, s'exprimait ainsi :
« Le mode de communication par voie télégraphique n'est pas encore assez généralement usité pour qu'on puisse en obtenir, dès à présent, les résultats financiers que réserve l'avenir. »
Mais, en vérité, messieurs, est-ce le moyen de populariser ce système de correspondance que d'établir, pour Bruxelles, par exemple, le bureau principal à la station du Nord ? Evidemment, non. C'est au centre du mouvement des affaires qu'on devrait établir ce bureau principal, dans lequel, à mon sens, il faudrait multiplier les lignes directes vers quelques grandes lignes du pays et de l'étranger et vers Paris notamment, pour donner aux communications internationales l'instantanéité qui leur manque un peu aujourd'hui.
Messieurs, on a parlé de l'hôtel des monnaies comme de l'emplacement le plus propre à établir le service des postes et le service des télégraphes. Je crois, en effet, qu'il serait difficile de trouver un local plus convenable, soit sous le rapport des convenances de l'administration, soit sous le rapport des convenances du public.
Si, messieurs l'établissement d'un bureau dans ces conditions est un moyen sérieux d'utile propagande pour le télégraphe, il est un autre élément plus puissant encore, je veux parler de la réduction de la taxe, qui pourrait et devrait être réduite à un franc.
C'est par l'établissement de taxes peu élevées que plusieurs pays tels que l'Angleterre et particulièrement la Suisse qui a depuis longtemps établi la taxe d'un franc, que je préconise, ont popularisé l'emploi du télégraphe et obtenu des résultats très remarquables sur lesquels j'appelle l'attention de M. le ministre.
Mais c'est surtout aux Etats-Unis que l'exploitation des grandes lignes télégraphiques par des compagnies avec des tarifs excessivement réduits, on a obtenu des résultats financiers remarquables tout en imprimant une impulsion immense aux transactions commerciales.
Quelques chiffres vous démontreront l'importance que ce genre de correspondance a prise en Amérique.
Ainsi pendant qu'en 1860, les 144 bureaux de la Belgique ne recevaient que 225,919 télégrammes, New-York en recevait ou en transmettait 800,000, et Cincinnati, une ville fondée depuis 50 ans à peine, en transmettait ou en recevait 500,000.
Ces chiffres prouvent que le télégraphe n'en est véritablement qu'à ses premiers pas en Europe.
L'élévation du tarif est considérée par tous les hommes qui se sont occupés de cette question comme le principal motif du peu d'extension qu'a pris cet admirable mode de correspondance..
La France a compris cette vérité, et, je le dis à regret, nous a devancés dans la réforme des tarifs.
Par une loi de 1861, le prix d'un télégramme échangé entre deux bureaux d'un même département, a été réduit à un franc, et la taxe d'une dépêche échangée entre deux bureaux du territoire de l'empire, en dehors du département, a été réduite à 2 fr.
C'est là un exemple que tout nous convie à suivre ; l'intérêt du service télégraphique, qui ne manquerait pas de prendre un accroissement considérable par la réduction de la taxe, l'intérêt du commerce et de l'industrie et enfin l'importance des concessions qu'il sera possible d'obtenir de pays voisins, quand il s'agira de renouveler les concessions télégraphiques conclues en 1858 et 1859.
Les traités de Bruxelles et de Berne établissent un système de zones (page 1070) auquel il serait très désirable de pouvoir substituer des taxes fixes. Ainsi si le gouvernement belge appliquait la réduction de la taxe aux correspondances internationales avec la France, il n'est point douteux que nous obtiendrions la même faveur du gouvernement français. Une dépêche entre Anvers et Marseille, qui coûte aujourd'hui 10 francs, ne coûterait plus que 5 francs ; une dépêche entre Paris et Bruxelles ne payerait plus 3 francs au lieu de 4 francs 50 centimes.
Ai-je besoin de faire ressortir les avantages que le commerce des deux pays trouverait dans une réforme de ce genre, dont je ne comprendrais pas l'ajournement ?
Si j'examine la question pécuniaire, je trouve dans un document qui nous a été distribué récemment : les renseignements statistiques recueillis par le département de l'intérieur, qu'en 1860 le produit des recettes dépasse de 295,371 francs le montant des dépenses ; en admettant que la réforme que je demande eût été accomplie à cette époque, le montant des recettes eût encore dépassé les dépenses.
Je n'ai pas besoin de dire à la Chambre que tous les frais d'établissement de nos 4,200 kilomètres de fils télégraphiques, des appareils et des bureaux sont depuis longtemps couverts par l'excédant du produit des recettes sur les dépenses.
Il est hors de doute, au reste, messieurs, qu'à cette réduction de la taxe correspondra inévitablement, dans un avenir prochain, un accroissement du chiffre des recettes indiqué pour 1862 dans le budget des voies et moyens et qui a été dépassé déjà pour 1861.
Dans ma pensée ce n'est pas même à cette réduction que correspondra le maximum des recettes qu'il est possible d'obtenir du télégraphe. Mais je crois qu'il est très sage de laisser à l'avenir le soin d'élucider cette question.
En attendant, j'appelle sur cette question l'attention de M. le ministre des travaux publics. II est trop intelligent pour ne pas comprendre également que la réduction momentanée des recettes du télégraphe trouvera presque instantanément une compensation dans l'accroissement des recettes du chemin de fer.
55 p. c. des télégrammes ont pour but les transactions commerciales. Tout ce qui peut donner à ces transactions une impulsion plus sérieuse se traduit en un accroissement de transports dont profite l'administration du chemin de fer.
Je crois que ces considérations méritent de fixer l'attention de M. le ministre des travaux publics et j'espère n'avoir pas le regret de le voir combattre la réforme que je propose.
M. De Lexhy. - Dans la dernière session, messieurs, j'ai appelé l'attention de la Chambre et du gouvernement sur la haute utilité de la création d'un chemin de fer entre Namur et Landen, par Wasseiges et Hannut et sur les bienfaits qui en résulteraient pour une grande partie de l'arrondissement de Waremme.
J'ai établi le droit incontestable des populations comprises dans la région entre Namur et Landen et notamment du canton d'Avennes, à obtenir enfin une de ces grandes artères qui apportent le mouvement et la richesse dans les contrées qu'elles traversent,
Je ne développerai pas de nouveau ces deux propositions, me réservant de le faire en temps opportun. Je ne dirai que deux mots sur les moyens d'exécution.
L'industrie privée est insuffisante pour mener à bonne fin cette entreprise. Le concours de l'Etat nous est indispensable pour arriver au but, et ce concours est nécessaire et légitime. il est légitime, parce qu'il s'agit d'un projet qui est d'intérêt général. En effet, trois provinces sont intéressées à cette ligne, que l'on peut également considérer comme internationale.
Je ne pense pas, du reste, que l'intervention de l'Etat serait très onéreuse pour le trésor public. Car, il y a peu de contrées qui offrent autant d'éléments de prospérité pour un chemin de fer. J'ai déjà énuméré ces différents éléments de prospérité.
On peut donc affirmer, sans crainte d'être désavoué par les faits, que l'intervention de l'Etat, sous forme de garantie de minimum d'intérêt, serait de très courte durée.
Celte affirmation n'est certes pas téméraire en présence des résultats obtenus par certains chemins de fer qui se trouvaient dans des conditions moins favorables que celles qui sont offertes par la ligne en question.
J'invoquerai l'exemple de la ligne du Luxembourg, qui, quoique n'offrant que des chances problématiques de succès, est parvenue à un tel degré de prospérité, qu'elle peut se passer du concours de l'Etat.
Il me sera bien permis de dire que si cette ligne a pu se passer de l'intervention du gouvernement, après une très courte période, nous pourrons à plus forte raison nous en passer, après quelques années.
Nous devons, messieurs, puiser un enseignement dans l'exemple que je viens de citer et encourager le gouvernement à continuer à prêter son concours à des créations de voies ferrées. Nous devons rappeler au gouvernement qu'il est de son devoir de favoriser des entreprises aussi éminemment utiles et qui ne coûtent à l'Etat que de légers sacrifices.
L'Etat devrait donner son concours plus largement et plus généreusement, quand il s'agit de dépenses reproductives.
L'honorable ministre des travaux publics nous a annoncé la présentation, dans un avenir prochain, d'un projet de travaux publics et nous a conviés à ajourner toute discussion jusqu'à cette époque.
J'accepte l'ajournement avec certain espoir de voir comprendre la ligne de Namur à Landen, par Wasseiges et Hannut, dans le projet annoncé.
Je demande que le département des travaux publics continue à se livrer à l'examen sérieux et complet de notre ligne, afin qu'il puisse soumettre à la Chambre les éléments d'appréciation nécessaires pour asseoir un jugement équitable sur notre projet.
Je suis persuadé que cet examen nous sera favorable, et que l'on dotera d'un chemin de fer la contrée comprise entre Namur et Landen.
L'an dernier, j'ai inscrit cette ligne au grand-livre de la dette nationale : aujourd'hui, je renouvelle mon inscription.
(page 1076) M. de Baets. - Messieurs, je désire présenter à M. le ministre des travaux publics quelques observations sur le service des postes en général. J'ai à signaler des irrégularités et des abus dans une partie de cette administration.
Certainement je n'en veux pas faire un grief à l'honorable chef du département, car je suis le premier à reconnaître que depuis qu'il est aux affaires, des améliorations notables et des améliorations de tous les jours ont été introduites.
Mais il est certain et plusieurs d'entre nous auront pu le constater, il est certain que dans l'administration des postes il existe des rouages qui semblent manquer d'initiative et de vigueur.
(page 1077) C'est à ces rouages que je voudrais voir imprimer d'en haut une impulsion plus puissante : je suis convaincu au reste que mes observations seront favorablement accueillies par l'honorable ministre des travaux publics.
Les bonnes relations postales, on n'a pas besoin de le dire, sont d'une importance énorme pour le commerce et l'industrie, en un mot, pour tous les genres de communication qui existent entre les citoyens.
Quant aux relations des grandes villes avec les grandes villes, nous n'avons pas trop à nous plaindre.
Mais ce qui est incontestable, c'est que dans les relation, de centres moins importants entre eux et avec les grandes villes, il y a des lacunes regrettables qui demandent une réforme absolue.
Je me bornerai à vous citer quelques exemples qui me sont particulièrement connus ; je ne sortirai guère du district que j'ai l'honneur de représenter.
Ainsi, nous avons à deux lieues de Gand un bourg d'une importance considérable ; c'est Sleydinge, dont la population est de 5,000 habitants environ.
Jadis les lettres qui étaient expédiées d'Anvers, par exemple, car c'est un village qui a des relations commerciales avec cette ville, avec les charbonnages du Hainaut et avec, d'autres parties du pays ; jadis les lettres qui étaient expédiées d'Anvers le lundi dans l'après-midi, arrivaient le lendemain mardi dans la matinée.
Alors il n'y avait pas de chemins de fer.
Depuis l'établissement du chemin de fer d'Eecloo qui touche à ce village, elles y arrivent vingt-quatre heures plus tard.
Voilà comment les distances sont rapprochées par la vapeur ! Je ne sais si le télégraphe, à son tour, nous réserve des miracles de cette espèce.
Nous avons encore aux portes de Gand le bourg de Nazareth. Mon honorable ami M. Kervyn de Volkaersbeke me pardonnera de venir glaner des faits dans la commune qu'il administre.
M. Kervyn de Volkaersbeke. - Je vous en remercie.
M. de Baets. - Ce bourg a également une population de près de 6,000 habitants ; il est le chef-lieu d'un canton de justice de paix. Cette commune est traversée par le chemin de fer de l'Etat, qui a sa station à la Pinte, et par le chemin de Hainaut-Flandrcs, dont la station se trouve à Eecke.
Au hameau la Pinte, il y a deux distributions de lettres par jour ; au bourg de Nazareth, distant du bureau de la poste d'Eccke de 20 à 25 minutes, il n'y a qu'une seule distribution.
Toutes les lettres arrivant après 8 heures du matin, en destination de Nazareth au bureau d'Eecke, y restent jusqu'au lendemain. Les industriels et autres personnes qui désirent avoir plus tôt leur correspondance, sont obligés d'aller eux-mêmes les prendre au bureau.
Il est vrai, comme j'avais l'honneur de le faire remarquer, il y a compensation. Si le bourg de Nazareth n'a qu'une seule distribution, le hameau la Pinte, dont toute la population est essentiellement agricole, en a deux.
Le bourg de Maldegem est une commune de 7,500 habitants, d'une importance telle que le gouvernement a organisé un service de malle-poste entre ce bourg et la ville d'Eecke : eh bien, voici des choses curieuses qui s'y passaient il va quelque temps ; j'ignore s'il en est encore ainsi.
Les lettres jetées à la poste de Gand, le soir après sept heures, étaient transportées le lendemain par chemin de fer jusqu'à Eecloo ; d'Eecloo elles partaient pour Maldegem, en service accéléré, par malle-poste.
Arrivées dans cette dernière commune, elles étaient distribuées.....
quand ?.... Dans l'aggloméré du bourg le soir ; dans la partie rurale et les communes voisines, le lendemain. Les lettres, fatiguées d'un voyage trop rapide, se reposaient dans le bureau de Maldegem, quelques-unes pendant 24 heures.
Les facteurs chargés de la distribution commençaient leurs tournées avant l'arrivée de la malle, de manière que les lettres restaient déposées au bureau jusqu'au lendemain.
Pour vous faire voir par un exemple combien, ainsi que j'ai eu l'honneur de le dire en commençant, il y a encore à réformer, je citerai le fait suivant : A proximité de la ville de Bruges il y a une commune appartenant à la Flandre orientale ; c'est le village de Middelbourg.
Il n'est éloigné de Bruges que de 2 1/2 lieues. Une lettre jetée à la boîte à Bruges le samedi à 6 heures du soir arrive seulement le lundi à 12 heures du matin à Middelbourg, c'est-à-dire 41 heures après !
Il est vrai que pour faire le trajet cette lettre aura parcouru 65 kilomètres en chemin de fer, 20 kilomètres en malle-poste et 6 kilomètres dans le portefeuille du facteur rural.
Dans les communes frontières, il se présente des faits plus curieux. Je prends encore l'exemple de Middelbourg qui se trouve à trois quarts de lieue de la petite ville zélandaise d'Ardenbourg.
La lettre partant d'Ardenbourg en destination de Middelbourg se rend d'abord à l'Ecluse, elle va de là à Bruges d'où elle est expédiée sur Gand. De Gand elle vient à Eecloo, d'Eecloo à Maldeghem et finalement de cette commune on la transporte à Middelbourg.
Je comprends que sur la frontière le service ne puisse être organisé d'une manière parfaite, mais enfin ne tombe-t-il pas sous le sens, qu'il y a là un vice d'organisation radical, et qu'il vaudrait mieux revenir au service des pigeons ?
Je disais, messieurs, que dans l'organisation du service postal entre les villes, ces anomalies ne sont pas si choquantes. Je dois cependant ajouter comme rectification, que ce service même laisse à désirer.
Ainsi, je ne comprends pas pourquoi chaque convoi ne pourrait transporter des dépêches.
II est certain que cela n'occasionnerait pas de complication, ne serait pas frayeux et serait éminemment utile au commerce et à l'industrie.
Je parlerai, pour me borner encore à un exemple, des relations postales entre Bruxelles et Gand, pour être plus sûr de ne pas me tromper sur les faits.
Une lettre jetée à la boîte à Bruxelles, dans la matinée, n'est distribuée à Gand que vers le soir.
En hiver, les lettres remises à la poste de Bruxelles après 3 heures, ne sont distribuées à Gand que le lendemain matin ; et celles confiées à la poste à neuf heures du soir n'y sont distribuées que vers onze heures ou midi.
On me fait observer que cela se fait par les messageries Van Gend.
J'ignore comment on fait, mais j'allais précisément présenter une réflexion sur le parti que des particuliers retirent des services privés.
Les journaux de Bruxelles, qui s'impriment le soir, nous sont distribués le lendemain matin de bonne heure.
Un journal de notre localité la Presse des Flandres, public tous les matins avant 6 heures le compte rendu de la séance de la Chambre de la veille.
- Une voix. - Il s'imprime à Bruxelles.
M. de Baets. - Il ne s'imprime plus à Bruxelles, et quand cela serait, l'observation resterait la même.
Si ce journal devait recevoir par la poste les renseignements qui lui sont nécessaires pour faire le compte rendu de nos séances, il devrait nécessairement en retarder de 24 heures la publication.
Or, je pense que ce que l'industrie privée peut faire, le gouvernement peut le faire aussi ; et il me semble que le gouvernement pourrait parfaitement bien recourir aux mêmes moyens que l'industrie privée pour transmettre plus rapidement les dépêches.
Pendant que je parle sur ce chapitre, je me permettrai de présenter encore, une observation à M. le ministre des travaux publics.
Il y a un an ou deux, si je ne me trompe, que l'industrie et le commerce gantois surtout ont réclamé une mesure sur laquelle j'appelle l'attention du gouvernement ; je veux parler de la création de timbres-poste de cinq centimes pour les lettres en destination d'habitants demeurant dans la localité d'expédition.
Je comprends que des considérations financières aient empêché jusqu'à présent le gouvernement de prendre une mesure plus radicale, c'est-à-dire l'adoption de la taxe uniforme de dix centimes ; mais je crois que le gouvernement ferait chose utile en faisant l'expérience de la mesure que j'indique, expérience qui, d'ailleurs, ne pourrait jamais être compromettante pour le trésor. Je m'explique.
Je crois que toutes les lettres qui circuleraient dans les grandes villes au moyen de timbres de cinq centimes procureraient à l'Etat un bénéfice net et certain. Dans la presque généralité des villes de la Belgique, on ne se sert pas de la poste pour correspondre dans les limites de la localité ; on se sert plutôt de commissionnaires. Il n'en serait plus de même, j'en suis convaincu, si les lettres étaient transportées à l'intérieur des villes moyennant un timbre de cinq centimes.
L'expérience de cette mesure pourrait, du reste, guider le gouvernement, quant à l'opportunité qu'il y aurait d'arriver plus vite au but que nous voulons tous atteindre, c'est dire le dégrèvement de la taxe postale.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Toutes les communes n’en pour un bureau de poste.
M. de Baets. - J'en conviens ; aussi, il est évident qu'il faudrait circonscrire la mesure : et d'abord je n'ai demandé le timbre de 5 centimes que pour les grandes villes.
(page 1078) M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - C'est donc là une première difficulté.
M. de Baets. - Je ne prétends nullement que la mesure que j'indique ne souffrirait aucune difficulté ; elle aurait cela de commun avec toutes les institutions nouvelles, avec le chemin de fer, le télégraphe, etc. Les difficultés nécessitent des études, des combinaisons, mais ne sauraient constituer des fins de non-recevoir contre toute, idée de progrès.
Il est une autre observation, d'intérêt purement local, sur laquelle j'appelle l'attention bienveillante de M. le ministre des travaux publics. Le gouvernement a pris une excellente mesure en ce qui concerne Bruxelles : il a établi des succursales de la poste à Ixelles et à Molenbeek-Saint-Jean ; et ces bureaux secondaires se chargent de l'expédition même des articles finances.
A Gand, messieurs, nous avons un bureau central réunissant le bureau central de la poste, le service central du télégraphe et le service central des petites marchandises qui s'expédient par chemin de fer. Eh bien, à ce bureau central des trois services on ne veut pas se charger du transport des articles d'argent. Si vous avez à expédier des valeurs, vous êtes obligé de vous rendre à la station.
II me paraît, messieurs, que c'est manquer complètement le but que le gouvernement a eu en vue en créant le bureau central, et l'on ne comprend vraiment pas la création d'un pareil bureau pour la poste, pour le télégraphe et pour les petites marchandises si ces diverses sections du bureau central ne rendent pas tous les services qui rentrent dans leurs attributions.
Il m'aura suffi, j'en suis convaincu, d'avoir présenté cette observation pour que M. le ministre des travaux publics en reconnaisse la justesse. Je me plais même à croire que les intentions du gouvernement ont été mal comprises ou mal interprétées.
Il me reste à présenter quelques observations encore.
Nous avons appris par les journaux qu'il entrerait dans les vues du nouveau cabinet qui vient d'arriver aux affaires en Hollande, de supprimer le timbre des journaux.
Nous ne savons pas si cette idée passera de la théorie dans les faits chez nos voisins.
Mais ce que je voudrais, c'est que M. le ministre des travaux publics examinât si, dans nos relations avec ce pays, il n'y aurait rien à faire au point de vue postal ; nous avons avec ce pays une grande communauté d'intérêts ; nous sommes voisins et frères, et des rapports tous les jours plus intimes s'établissent entre la Belgique et la Hollande ; mais ce qui y manque encore, c'est, si je puis m'exprimer ainsi, la conversation des deux peuples entre eux par l'échange de leurs journaux.
Les journaux belges sont arrêtés à la frontière néerlandaise par une barrière fiscale. Les frais de timbre et de poste s'élèvent à un chiffre considérablement plus élevé que le prix même de l'abonnement au journal en Belgique.
C'est là pour nos feuilles une cause de véritable exclusion, et sauf quelques rares exceptions qui, à raison de circonstances particulières, peuvent lutter contre cet état de choses, nos journaux sont forcément écartés du territoire hollandais.
Il est évident que cela nuit considérablement aux intérêts belges ; et il importerait d'aviser à tous les moyens praticables pour faciliter et rendre possible l'introduction en Hollande de nos organes de publicité. Cela me paraît important pour les intérêts belges, à plus d'un titre.
Je soumets à l'appréciation de M. le ministre la question de savoir si, par les réductions des taxes postales, il ne saurait être apporté à cette situation une amélioration au moins partielle.
Messieurs, il existe encore, dans notre service des transports, une institution que je voudrais voir disparaître, c'est la poste aux chevaux. Je ne sais pas, messieurs, si vous avez jamais été frappés comme moi des inconvénients que cette institution d'un autre âge peut occasionner. Actuellement, en Belgique, la plupart des relais de poste sont démontés, sinon de droit, du moins de fait ; c'est-à-dire que lorsque vous avez besoin de chevaux de poste, vous ne trouvez que des écuries vides.
Mais cela n'empêche pas les maîtres de postes de continuer à percevoir sur le service des messageries un impôt assez élevé. Ainsi, avant l’ouverture du chemin de fer de Grammont à Gand, il s'agissait pour l'entrepreneur du service des messageries d'une somme annuelle de 1,500 fr., je pense. Le calcul, du reste, est facile à faire : on demande 25 centimes par cheval et par relais si vous ne vous servez pas des chevaux des maîtres de poste : vous n'oubliez pas que souvent ils n'en ont pas.
Je voudrais qu'une bonne fois le gouvernement prît une mesure et supprimât cette institution qui est devenue parfaitement inutile. On comprend qu'avant le chemin de fer, pour assurer les services publics et même les communications des particuliers, on ait conféré aux maîtres de poste des privilèges, alors qu'on leur imposait des obligations corrélatives. C'est ainsi que dans toute la France fut établi un réseau de relais sur toutes les grandes routes convergeant vers la capitale.
Le gouvernement avait ainsi à sa disposition un service de transport complètement organisé sur tous les points du territoire.
Pour les particuliers c'était également une excellente institution, vous étiez sûr de pouvoir voyager. Les entrepreneurs de messageries qui ne voulaient pas se servir des chevaux de la poste payaient une indemnité ; c'était l'équivalent du bénéfice que pouvait faire le maître de poste et une compensation de l'obligation qui lui incombait d'avoir des chevaux à l’écurie.
Utile dans son temps, l'institution des postes aux chevaux est aujourd'hui devenue complètement sans objet ; je crois qu'il serait préférable de la supprimer.
J'ai un dernier mot à dire. Le gouvernement a fait chose très utile en multipliant le service des malle-postes, pour mettre tous les centres de population un peu importants qui sont à une certaine distance du chemin de fer en communication régulière avec la station la plus rapprochée.
Ce service est organisé de manière à transporter non seulement les dépêches, mais aussi les personnes. J'applaudis à ces mesures, mais je voudrais que le service des malles-postes fût mis en adjudication publique. Vous comprenez que si des négociations particulières entre l'Etat et des individus doivent fixer la somme rémunératrice pour le service à rendre à l'Etat, cela peut ouvrir la porte à beaucoup d'abus ; ces abus seraient impossibles du moment que le gouvernement mettrait en adjudication publique le service des malles-postes.
(page 1070) M. Allard. - Mon honorable ami, M. Crombez, en rappelant, il y a quelques jours, l'interpellation que j'avais adressée au gouvernement, le 7 mars 1861, relativement à l'inexécution du chemin de fer de Saint-Ghislain à Tournai par Peruwelz, a dit que j'avais été satisfait de la réponse que me fit alors M. le ministre des travaux publics, et qu'il ne croyait pas que j'éprouvais encore la même satisfaction.
En effet, M. le ministre m'avait répondu que, si aucun projet de loi n'était déposé, c'était que la compagnie n'entendait rien modifier à ses obligations.
Certes, cette réponse était satisfaisante, mais depuis lors il paraît que la compagnie a changé d'avis, puisqu'elle a fait des démarches auprès de l'administration communale de Peruwelz pour que cette administration ne s'oppose pas à l'exécution du chemin de Tournai à St-Ghislain ; on a même fait des démarches officieuses auprès de moi, dans ce but. Ces démarches me font craindre que la compagnie cherchera tous les moyens possibles pour ne pas construire les embranchements vers Tournai et Ath, et comme l'a dit l'honorable M. Crombez, j'ai maintenant de bonnes raisons pour n'être plus satisfait.
En 1856, quand M. Dumon a proposé la concession des trois chemins de Saint-Ghislain à Audenarde, à Ath et à Tournai passant par Peruwelz, je voulais combattre le projet de loi, parce que je craignais déjà que Peruwelz ne serait pas relié au chemin de fer, qu'une fois que le chemin de Saint-Ghislain à Audenarde serait exécuté la compagnie chercherait à ne pas exécuter les deux autres.
J'ai abandonné cette idée en suite des assurances qu'on me donnait, que la compagnie remplirait ses engagements. Puisse ma confiance n'être pas en défaut !
M. le ministre, répondant à M. Crombez, a dit que dans l'intérêt même de la compagnie il importe qu'elle exécute le plus tôt possible la section de Basècles à Peruwelz, parce que cette section serait un affluent éminemment productif. Si la compagnie commençait les travaux de cet embranchement, nous pourrions attendre qu'elle fût dans une meilleure position pour demander qu'elle exécute toute la ligne.
Je crois que la compagnie entend fort mal ses intérêts. Elle devrait de suite exécuter la ligne de Peruwelz à Tournai ; ce serait un affluent considérable pour son chemin de fer ; car cette ligne traversant un terrain possédant des minerais de fer, les hauts fourneaux de Haumont et du Centre l'emploieraient certainement.
Je termine en engageant M. le ministre à exiger que cette compagnie mette immédiatement la main à l'œuvre au moins jusqu'à Peruwelz ; nous pourrons alors, je le répète, différer nos réclamations pour quelque temps.
On a parlé d'un chemin de fer de Valenciennes à Péruwelz. Si une compagnie existe pour l'exécution de ce chemin de fer, elle pourrait peut-être se charger de celui de Péruwelz à Tournai, ce serait une bonne opération, je pense.
M. le ministre a dit aussi que si la société qui a obtenu la concession provisoire du chemin de fer de Tournai à Lille n'avait pas reçu du gouvernement français l'autorisation nécessaire, une autre société, celle du chemin de fer de Tournai à Jurbise était en instance auprès de lui pour obtenir cette concession.
J'engage le gouvernement à ne plus accorder de nouveau délai, si le 15 (page 1071) avril, date de l'expiration du délai accordé, cette compagnie n’a pas obtenu l'autorisation du gouvernement français de traiter immédiatement avec la compagnie de Tournai à Jurbise qui seule, selon moi, peut exécuter la ligne dont il s'agit dans de bonnes conditions.
Si le gouvernement traite avec cette compagnie pour l'exécution de la ligne de Lille à Tournai, je désire qu'il traite également avec elle pour exécution de la ligne d'Ath à Hal, dont il est impossible d'ajourner plus longtemps l'exécution.
M. Tack. - Messieurs, dans la discussion générale il a été beaucoup question des tarifs du chemin de fer. Je ne veux pas rouvrir le débat sur ce point, mais je viens appeler l'attention de M. le ministre des travaux publics sur une question spéciale. Les travaux qu'on fait aux fortifications de Lille et les constructions de Roubaix et de Tourcoing donnent, dans l'arrondissement que j'ai l'honneur de représenter, lieu à un trafic assez important, le sable venant de Waereghem.
Ce trafic pourrait prendre une plus grande extension ; mais il se trouve que le tarif des prix de transport équivaut à quatre fois la valeur de la marchandise. C'est exorbitant, je suis tenté de dire : C'est abusif.
Je désirerais que M. le ministre des travaux publics voulût bien accorder, dans un bref délai, pour ces sortes de transports, un tarif spécial, ainsi que cela s'est pratiqué ailleurs ; non seulement, il y a là une anomalie, en ce qui concerne le tarif ; mais en le redressant il y a, au point de vue de l'agriculture, beaucoup de bien à réaliser ; l'extraction du sable telle qu'elle s'opère à Waereghem, a pour résultat d'améliorer les terres.
En outre, c'est un moyen, dans les moments de désœuvrement, de procurer du travail à la population ouvrière.
Ce sera même, je n'hésite pas à le dire, une source de revenus assez considérable pour le trésor public. Car il est à remarquer que ces transports sont extrêmement faciles, qu'ils exigent très peu de manutention pour l'administration du chemin de fer.
A tous égards donc il y aurait avantage à faire droit à la réclamation que j'ai l'honneur de produire. Si je suis bien informé, la compagnie du Nord est très disposée à entrer dans la voie des tarifs réduits pour la distance à parcourir depuis la frontière jusqu'à Tourcoing, Roubaix et Lille.
Il convient évidemment que le prix des transports soit en rapport avec la valeur des marchandises transportées.
Je désire que M. le ministre des travaux publics veuille bien mettre cette question à l'étude pour qu'il puisse accorder le plus tôt possible le tarif spécial que je réclame et organiser des trains spéciaux pour cet objet.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - L'honorable M. Jamar m'a rappelé une promesse que j'avais faite, en effet, lors de la discussion de mon dernier budget, au sujet du transfert du bureau central des télégraphes à Bruxelles. Je me suis parfaitement souvenu de cette promesse ; mais je regrette de devoir constater que je n'ai pas réussi jusqu'ici à trouver un local convenable.
Je dois donc faire la nouvelle déclaration que je pense que l'établissement d'un bureau central à Bruxelles serait extrêmement désirable et me borner pour le moment à promettre de continuer mes recherchés.
J'avais pensé un instant, et l'initiative appartient certainement à mon département, que l'on pourrait opérer le transfert du bureau central à l'hôtel des monnaies. Le projet était de concentrer à l'hôtel des monnaies les bureaux de la poste et ceux des télégraphes. Malheureusement, avant de disposer de l'hôtel des monnaies, il faut évidemment que ceux qui l'occupent aujourd'hui aient trouvé un autre local convenable.
La difficulté n'était pas d'opérer à l'hôtel de la monnaie le transfert du bureau central de la télégraphie. La difficulté qui existe et qui continua à exister, c'est de trouver un local à tous égards convenable pour la fabrication des monnaies, et tous les locaux ne remplissent pas une pareille destination.
Le local où l'on fabrique les monnaies doit de son côté, tout comme le bureau du télégraphe, réunir certaines conditions. La difficulté a été là ; je ne puis que le constater à regret. Nous avons, je le répète, cherché infructueusement d'autres locaux. Il faut d'abord un local vaste ; en second lieu un local bien situé. Il faut pour cela une occasion, à moins de recourir à l'expropriation.
Mais une expropriation dans ces circonstances coûterait énormément cher.
On a eu un local en vue à différentes reprises, je dois le dire. Je ne veux pas citer les hôtels dont on s'est enquis. Mais en ce moment encore on offre au gouvernement de contribuer à la dépense de la construction d'une bourse moyennant d'établir dans cet édifice un local pour le télégraphe. Ce sont des combinaisons que l'on étudie.
Je demeure d'accord encore une fois, ainsi que je l'ai déclaré l'an dernier, que le transfert du bureau central des télégraphes à Bruxelles, est éminemment désirable. Vous voyez que mon département a agi ; s'il n'a pas réussi, ce n'est pas sa faute.
L'honorable membre s'est aussi occupé de la réduction du tarif télégraphique.
Il a dit qu'il pensait qu'il n'aurait pas le regret de me voir combattre la mesure. En effet je ne la combats pas.
Je déclare, au contraire, que j'y suis très sympathique. Je crois avec l'honorable membre que les basses taxes produisent les grosses recettes, je crois de plus qu'en certaines matières, la seule mesure libérale, c'est de mettre l'institution à la disposition du plus grand nombre de personnes possible.
Je crois que, par des réductions de taxe, il faut rendre spécialement le télégraphe accessible à des couches de population auxquelles il ne l'est pas encore en ce moment. Nous sommes donc d'accord sur le principe de la mesure. Elle s'étudie en ce moment.
Mais j'appellerai l'attention de l'honorable membre sur une des difficultés qui peuvent se présenter. Elle est précisément relative à la réduction qu'il faut obtenir des gouvernements étrangers, pour les télégrammes internationaux. Car la taxe de la télégraphie internationale est beaucoup plus élevée que la taxe de la télégraphie intérieure. La réduction sur la télégraphie internationale paraît donc aussi désirable que la réduction sur la télégraphie intérieure.
Or, la difficulté est de savoir si nous devons introduire la réduction à l'intérieur, avant les négociations avec les offices étrangers, ou si nous devons l'introduire comme prix des réductions qu'on nous accorderait à l'étranger.
En d'autres termes, s'il faut se réserver la réduction à l'intérieur comme moyen de négociation.
C'est une question de fait assez délicate et qui peut avoir suspendu jusqu'ici la décision de mon département.
Mais je me hâte de le déclarer, et je crois devoir le faire, parce que telle est ma conviction, je suis aussi sympathique que l'honorable membre à la réduction qu'il réclame.
A ce sujet, j'ai également la satisfaction d'annoncer à la Chambre qu'il sera prochainement déposé un projet de loi tendant à mettre à la disposition du gouvernement un crédit de 325,000 fr. à l'effet d'apporter de nombreuses extensions aux lignes télégraphiques, et en particulier à l'effet de relier au réseau télégraphique une foule de localités qui se trouvent situées en dehors du chemin de fer. Je pense que cette mesure sera favorablement accueillie par la Chambre.
L'honorable M. de Baets s'est occupé de plusieurs détails relatifs à l'organisation de la poste, dans lesquels je ne puis pas le suivre. J'admets volontiers qu'il peut avoir raison dans quelques-uns des points qu'il a cités. Il a été le premier à reconnaître que, malgré les critiques, le service de la poste était cependant en progrès. Je n'en demande pas davantage. Constater que le service de la poste est en progrès et réclamer à côté des progrès réalisés d'autres progrès pour le présent et l'avenir, c'est poser équitablement la question.
De mon côté, je reconnais que le service de la poste est susceptible de beaucoup d'améliorations. Quelques-unes de ces améliorations peuvent être apportées immédiatement ; d'autres ne peuvent l'être qu'à mesure que mon département trouvera les fonds nécessaires. Ainsi, il est certain que l’établissement d'une double distribution, par exemple, ne se fait pas sans frais. Il faut doubler le personnel des facteurs.
Presque toutes les améliorations sont des questions d'argent.
M. H. Dumortier. - Il faut en demander.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Mon département demande sur chaque budget environ 200,000 francs de plus que sur l'exercice antérieur pour le service de la poste. Au bout d'un certain nombre d'années, cela fait une grosse somme, et c'est à l'aide de ces augmentations d'allocations que mon département a introduit dans le service des améliorations constantes.
Je ne veux pas entrer dans tous les détails que l'honorable membre a relevés, je ne m'occuperai que d'un seul, pour montrer que, sous des irrégularités apparentes, il y a souvent des raisons de service et des raisons de service qu'il faut accepter. Ainsi l'honorable membre a cité les relations entre la commune de Sleydinge et la ville d'Anvers.
Avant, dit-il, l'ouverture du chemin de fer d'Eecloo, une partie des lettres étaient remises le lendemain matin ; aujourd'hui, depuis l'ouverture de la ligne d'Eecloo, elles perdent quatre heures.
Je dois admettre que le fait est exact puisque l'honorable membre me le signale, mais il ne contestera pas que si les correspondantes d'Anvers souffrent quelque retard, celles de Gand, par contre, ont une avance de plusieurs heures, et les relations entre Sleydinge et Gand sont certes plus (page 1072) nombreuses que celles entre cette commune et Anvers. La balance est donc en faveur du bien.
Dans tous ces détails, messieurs, il y a certainement bien des améliorations à introduire, et le mieux qu'on puisse faire, c'est de les signaler à mesure que l'occasion s'en présente.
Il est évident que l'administration des postes n'a pas intérêt à maintenir des abus ou des irrégularités.
Mais l'organisation de cette vaste machine est une chose difficile, et on ne peut arriver à un état satisfaisant qu'après beaucoup de tâtonnements.
L'honorable membre a parlé de la rédaction de la taxe à 5 centimes dans l'intérieur de certaines communes.
Il en est de cette mesure comme de beaucoup d'autres : on est tenté de se demander pourquoi le gouvernement n'a pas pris depuis longtemps l'initiative.
Aujourd'hui la poste reçoit peu de lettres qui ne doivent pas sortir de la commune et il semble que ce serait un véritable service rendu au public que de réduire la taxe à 5 c. pour cette catégorie de lettres. Cette question a déjà été soulevée plusieurs fois, entre autres par l'honorable M. H. Dumortier, et elle a été sérieusement examinée. Je ne voudrais pas annoncer aujourd'hui une décision définitive, mais la chose est plus difficile qu'on ne serait tenté de le croire.
Ainsi pour les quatre grandes villes du pays, j'admets que la mesure puisse être bonne, mais en dehors de ces grands centres qu'est-ce que vous avez ? Les bureaux ruraux se composent souvent de quatre, cinq ou six communes ; si vous maintenez ici rigoureusement le principe de la taxe de 5 centimes pour les lettres qui ne sortent pas de la commune, la commune où se trouve le bureau de poste jouira seule de la réduction, et les autres communes comprises dans la circonscription de ce bureau n'en jouiront pas. Ce sera une différence de traitement assez grave, une différence de traitement vis-à-vis de l'impôt, car la taxe postale tient quelque peu de cet impôt à ce point de vue.
Prenez pour exemple Bruxelles, où la chose semble encore plus simple qu'ailleurs.
Eh bien, messieurs, Bruxelles est environnée de 7 à 8 communes qui, en apparence, n'en forment qu'une seule avec la capitale. Vous mettrez une lettre à la poste à Bruxelles, en destination d'Ixelles ou de Molenbeek-St-Jean ; il n'y aura qu'une distance d'une rue entre le point de départ et le point d'arrivée, cependant la lettre devra payer 10 centimes.
Je le répète, messieurs, ce sont des mesures qui paraissent très simples, mais quand on veut en venir à l'exécution il se présente des difficultés imprévues de toute espèce.
Je n'ai pas besoin de dire, messieurs, que quant à nos relations postales avec la Hollande, la tendance de l'administration est d'abaisser les taxes et en particulier la taxe sur les journaux. Je suis moi-même intervenu pour quelques conventions postales, et chaque fois je me suis prononcé pour le traitement le plus libéral. La Belgique envoie beaucoup plus de journaux à l'étranger qu'elle n'en reçoit de l'étranger, elle est donc intéressée la première à l'abaissement de la taxe.
L'honorable membre s'est occupé aussi de la poste aux chevaux, et il a réclamé contre le droit de 25 centimes qui serait perçu par cheval et par relais.
Il a déjà été fait droit à la réclamation de l'honorable membre en ce qui concerne les maîtres de poste qui n'ont plus le nombre de chevaux réglementaire.
Il y a un an, un arrêté royal a statué que la perception du droit de 25 centimes ne pourrait plus avoir lieu que de la part des maîtres de poste qui sont complètement montés.
En même temps j'ai fait procéder à une inspection très sévère de toutes les maîtrises de poste. Il en est résulté que la perception de cette taxe n'est plus en fait qu'une très rare exception, on peut dire qu'elle est en réalité abolie. C'était, du reste, un véritable abus.
L'honorable membre a réclamé la suppression complète de la poste aux chevaux.
Messieurs, je crois que la poste aux chevaux, convenablement réorganisée, peut encore rendre des services. Elle peut rendre des services dans deux circonstances.
C'est d'abord, messieurs, lorsqu'il s'agit, par exemple, de voyagera l'intérieur du pays dans un certain rayon des stations du chemin de fer ; ces voyages ou plutôt ces excursions pourraient faire l'objet d'u, tarif fixe, obligatoire pour les maîtres de poste ; lorsqu'on voudrait se servir de ce mode de locomotion, l'on trouverait dans la station, à un prix déterminé, les voitures dont on aurait besoin. Il est évident que ce serait là une amélioration assez notable pour les voyageurs.
En deuxième lieu, les maîtres de poste peuvent encore être utile lorsqu'il s'agit d'établir des services d'affluents au chemin de fer ; et ici je rentre dans une observation présentée par l'honorable membre en ce qui concerne la mise en adjudication des services de malles.
Encore ici, au premier abord cette mesure semble ne pas pouvoir rencontrer d'objection.
Eh bien, l'expérience a prouvé que des objections existent, et très sérieuses ; moi-même, j'ai été frappé de la simplicité de ce système de mise en adjudication et j'ai voulu y recourir.
L'application a produit de mauvais résultats ; pourquoi ? Parce qu'il ne suffit pas d'avoir des voitures et des chevaux quelconques, il faut avoir une voiture et des chevaux convenables.
Pour arriver à cette fin, il faut traiter avec quelqu'un qui ait assez de ressources, qui soit assez soigneux pour se procurer et pour entretenir en bon état un matériel satisfaisant.
Si vous faites d'une telle entreprise l'objet d'une simple spéculation de la part de l'entrepreneur, sans avoir aucune garantie préalable de bonne exécution du service, nous arriverons à n'avoir qu'un service détestable et c'est le public qui sera la victime.
Mais si vous voulez avant tout une entreprise sérieuse, où le public trouve son compte, un service prompt, sûr et régulier, traitez plutôt avec un entrepreneur de choix.
J'avoue que dans ce système en rencontrera parfois certains embarras dans la pratique et qu'on sera exposé peut-être à conclure des conventions plus ou moins onéreuses ; quoi qu'il en soit, encore une fois, je crois que, dans l'intérêt du public, on ne peut pas ériger en système la mise en adjudication.
Messieurs, je ne reviendrai pas sur le chemin de fer de Hainaut-Flandres ; j'ai déjà déclaré que, dans mon opinion la compagnie avait elle-même le plus grand intérêt à construire le plus tôt possible la section de Blaton à Péruwelz ; elle y a un intérêt d'autant plus grand que pour la ligne de Blaton à Valenciennes qu'elle a demandée, elle a besoin de la section de Blaton à Péruwelz.
Dans ces conditions, le gouvernement, sans être trop rigoureux, est en droit d'exiger de la compagnie Hainaut-Flandres qu'elle construise sans délai la section dont il s'agit.
L'honorable M. Tack a parlé des transports de sables de Waereghem sur Roubaix ; nous n'avons pour ces transports qu'un court trajet sur notre chemin de fer ; malgré cela, et eu égard aux considérations qu'a fait valoir l'honorable M. Tack, j'ai engagé le propriétaire qui exporte ces sables, à me soumettre les conditions auxquelles il solliciterait un traité ; je lui ai fait connaître, d'ailleurs, qu'au préalable il devait se mettre d'accord avec la compagnie du Nord ; jusqu'à présent, ces conditions ne m'ont pas été soumises ; je n'ai donc pas eu à les examiner, et l'affaire reste en suspens.
M. Hymans. -Messieurs, je rends hommage aux efforts qu'a faits M. le ministre des travaux publics pour découvrir à Bruxelles un local dans lequel on puisse établir un bureau central des télégraphes. Je regrette que M. le ministre n'ait pas trouvé ce local ; mais je crois qu'il ne le trouvera pas. Quand il s'agit d'organiser un service aussi important, il me paraît indispensable de construire un local ad hoc.
La ville de Bruxelles a l'intention d'ériger une bourse de commerce au centre des affaires ; j'espère qu'à cette occasion le gouvernement trouvera le moyen de s'entendre avec la commune pour l'établissement d'un bureau central des télégraphes.
Mais en attendant il y aurait une mesure à prendre dans l'intérêt du commerce, mesure dont l’exécution serait extrêmement facile et ne donnerait lieu à aucune dépense.
Ce serait de multiplier les bureaux de réception des dépêches ; on pourrait en établir un au local actuel de la Bourse, ainsi qu'à l'hôtel central des postes. On reçoit les dépêches dans les bureaux de poste, que l'on a établis dans les faubourgs, sur ma demande ; on pourrait les accepter aussi bien au bureau central. Je n'aurais plus alors que des remerciements à adresser à M. le ministre des travaux publics.
Je ne terminerai pas sans faire une petite observation à propos du service des télégraphes ; je me demande pourquoi on exige triple taxe pour les dépêches pour l'intérieur, expédiées de 9 heures du soir à 7 heures du matin, tandis que les dépêches internationales ne payent que la taxe simple.
Un voyageur arrive d'Allemagne par le premier convoi du matin, sa malle est restée en route, je suppose ; il envoie une dépêche télégraphique à Verviers la réclamer ; il doit payer trois fois la taxe. Il en est de même lorsque le voyageur arrive par le dernier convoi du soir.
(page 1073) Il me semble que les dépêches ne devraient pas être plus chères la nuit que le jour ; on pourrait tout au moins n'exiger que la taxe simple depuis six heures du matin jusqu'à dix heures du soir, jusqu'à l'heure où arrivent les derniers convois.
En prenant cette mesure, le département des travaux publics ferait chose à la fois utile aux voyageurs et aux habitants des grandes villes, pour l'envoi des dépêches à l'intérieur.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Messieurs, les dépêches à l'intérieur donnent lieu à une taxe plus élevée, parce que le service est suspendu pendant la nuit.
Quant à l'établissement d'un bureau central télégraphique, l'honorable membre semble croire que j'aie cherché un local approprié d'avance.
Evidemment, c'est une erreur. L'hôtel des monnaies, je le reconnais, n'eût guère demandé de frais d'installation. Mais il serait au moins difficile de rencontrer un autre local aussi bien aménagé.
Je m'estimerais très heureux de trouver un local qui pût recevoir cette destination, sauf à l'approprier ; mais en attendant, la mesure indiquée par l'honorable M. Hymans pourra être prise. Il n'y a pas, en effet, plus de difficulté à recueillir les télégrammes à la poste qu'à Ixelles ou à Molenbeek.
- La discussion générale sur le chapitre est close. On passe aux articles.
« Art. 53. Traitements et indemnités des fonctionnaires et employés : fr. 208,400. »
M. H. Dumortier. - Messieurs, il reste à terminer les travaux de la station du chemin de fer à Mouscron. Depuis plusieurs années, la section centrale a signalé à l'attention toute particulière du gouvernement un certain nombre de stations dont les travaux, pour des motifs tout exceptionnels, doivent être achevés sans délai ; la station de Mouscron est du nombre de ces stations, et cependant cette station reste toujours dans le même état.
Ces travaux sont non seulement utiles et nécessaires, mais il y a urgence et danger, car les personnes qui se trouvent dans la station de Mouscron au moment où les convois arrivent de trois directions différentes sont exposées à des accidents.
Il est impossible de comprendre comment il n'y arrive pas fréquemment des malheurs.
Lorsque le temps n'est pas très beau, pendant l'hiver surtout, beaucoup de voyageurs qui viennent d'un côté par la ligne de Gand, de l'autre par celle de Lille, et en troisième lieu par la ligne de Tournai se trouvent très souvent exposés à subir les intempéries des saisons ; c'est un véritable chœur de plaintes contre l'administration que l'on entend alors à cette station.
Voilà déjà plusieurs fois que nous appelons l'attention du gouvernement sur cette affaire.
J'espère que M. le ministre voudra bien tenir compte de nos observations. Je suis bien sûr qu'il n'y a pas une station sur toutes les lignes de l'Etat pour laquelle une pareille demande soit mieux justifiée
Non seulement il n'y a pas de salle d'attente pour les voyageurs, mais il n'y a pas non plus de locaux convenables pour les marchandises. Le trafic qui s'y fait est très considérable, et il y a urgence d'introduire des améliorations.
Je ne comprends pas pourquoi ces améliorations toujours réclamées par la section centrale et par les membres de la Chambre n'aboutissent pas alors que nous voyons faire des dépenses si considérables à certaines stations.
M. Carlier. - J'ai à appeler l'attention de M. le ministre des travaux publics sur une amélioration d'une importance locale et secondaire, mais qui est loin cependant d'être dépouillée d'intérêt.
Il existe entre Soignies et Jurbise un tronçon de chemin de fer de 13 kilomètres d'étendue sans halte ni station.
Consultez, messieurs, un document très répandu, l’Indicateur des chemins de fer, et vous constaterez qu'il n'y a nulle part, dans le centre du pays, un aussi long parcours de chemin de fer sans station.
Cependant les localités parcourues sont importantes et populeuses ; ce sont : Casteau, Thieusies, Chaussée Notre-Dame, Neufvilles, les deux Masnuy, Montignies-lez-Lens...
Je prie M. le ministre d'examiner avec attention et bienveillance, s'il n'y a pas lieu d'établir sur le territoire de Neufvilles, au lieu-dit l’Etoile, qui, à 200 kilomètres près, est le point central entre Jurbise et Neufvilles, une station où deux trains d'aller et deux trains de retour s'arrêteraient chaque jour.
Les choses semblent préparées pour l'admission de la mesure que je réclame.
Le chemin de fer passe à niveau à l’Etoile ; il y existe un bureau de chef cantonnier suffisant pour établir un bureau de station, et l'Etat y possède tout le terrain nécessaire.
Neufvilles compte une population de près de 2,500 âmes, quelques industries y sont fixées, la culture y a pris le plus large développement. Les localités voisines, et surtout Casteau et Chaussée-Notre-Dame, profiteraient enfin de l'établissement de la station de l'Etoile.
D'un autre côté les intérêts de l'Etat ne sauraient être lésés par cette mesure, car les notables de Neufvilles sont prêts à consigner la somme nécessaire pour garantir le produit exigé d'une station de cette espèce. Je compte donc que M. le ministre des travaux publics sera favorable à ma demande.
M. Kervyn de Volkaersbeke. - Messieurs, quel que soit l'état déplorable de la station de Mouscron, dont notre honorable collègue, M. Dumortier, vient de nous entretenir, je crois que cet état n'approche pas encore de celui de la station de Landeghem, l'une des plus anciennes du pays, parce qu'elle figure sur la ligne de Gand à Ostende. Toutes les autres stations de cette ligne sont établies dans des conditions convenables ; à Tronchiennes, on a construit, l'année dernière, un bâtiment de station pour les voyageurs et pour les marchandises.
A Landeghem, il n'y a point de bâtiment où les voyageurs puissent se mettre à l'abri du mauvais temps.
Le garde est logé de manière à ne pouvoir respirer librement.
Je demanderai à M. le ministre s'il compte faire construire à Landeghem, dans le plus bref délai possible, une station au moins aussi convenable que celles qui ont été élevées dans les localités de la même importance.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Messieurs, quant à la station de Mouscron, je ne puis admettre qu'elle soit aussi mauvaise que le dit l'honorable M. Dumortier.
Je dis qu'elle n'est pas bonne et qu'il faut songer à l'améliorer, mais dans quelle proportion, voilà la question ?
Nous avions, messieurs, une autre station pour laquelle on réclamait constamment, c'est celle de Quiévrain. Elle n'a certainement pas des installations aussi bonnes que celles de la station de Mouscron.
M. H. Dumortier. - Je plains les voyageurs.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Vous avez tort, il n'y a plus de voyageurs à Quiévrain ; on avait le projet de faire des bâtiments qui n'auraient pas coûté moins de 3 à 4 cent mille francs.
La dépense était très élevée, comme vous voyez ; mais, enfin, elle était justifiée et l'on s'y résignait lorsque s'est ouverte la ligne de Mons à Haumont. Aussitôt le grand courant des voyageurs s'est établi par cette ligne et la station de Quiévrain, de très importante qu'elle était, n'est aujourd'hui que secondaire.
On s'est donc félicité, messieurs, d'avoir attendu. L'expérience a prouvé qu'il faut faire définitivement quelque chose à Quiévrain, mais quelque chose de très minime.
La même situation se fait remarquer à Mouscron. Cette station n'a pas perdu encore de son importance, mais elle est menacée de la concurrence redoutable de la ligne directe de Tournai à Lille, qui fera dériver vers la ligne de Tournai à Jurbise beaucoup de voyageurs qui passaient par Mouscron.
L'administration, attend donc par esprit d'économie, pour poser l'acte dont il s'agit.
Voilà la situation en ce qui concerne Mouscron. Je conviens qu'il y a lieu de faire cesser l'état de choses qui existe.
En ce qui concerne Landeghem, il faut y construire une station comme dans toutes les autres localités de la ligne. Si cela n'est pas encore fait, c'est qu'il s'est établi une sorte de conflit entre les communes situées à droite et celles situées à gauche de la station.
Les unes voulaient maintenir le bâtiment nouveau à l'emplacement occupé par le bâtiment provisoire, les autres voulaient l'établir de l'autre côté.
La chose m'est parfaitement indifférente.
J'ai consulté l'intérêt du service, j'ai fait dresser une statistique pour savoir de quel côté il arrive le plus de transports.
Eh bien, il s'est trouvé que ce relevé statistique a été en faveur du transfert de la station du côté opposé au bâtiment provisoire. Cependant, comme certains intérêts pouvaient être engagés dans l'état de possession actuelle, je n'ai pas voulu me prononcer immédiatement d'après ces données, qui pouvaient, au surplus, être le résultat d'un mouvement accidentel.
J'ai donc résolu d'ajourner à une année ma décision, et je vais faire dresser un nouveau relevé statistique. Si ce relevé confirme le premier, (page 1074) la station sera déplacée ; dans le cas contraire, elle restera où elle est. La station, dans tous les cas, sera bâtie dans le courant de la campagne.
M. H. Dumortier. - La réponse de M. le ministre des travaux publics ne me semble pas assez satisfaisante pour que je puisse l'accepter en silence.
Je constate que, dans une autre circonstance, ses paroles ont été beaucoup plus encourageantes en ce qui concerne la station de Mouscron.
Il ne s'agit pas ici, comme pour d'autres localités, d'une dépense de 300,000 à 400,000 fr. ; nous demandons tout simplement que les voyageurs trouvent à Mouscron un local décent où les voyageurs des deux sexes et de toutes les classes puissent s'abriter.
On ne comprend pas qu'il faille au gouvernement 25 ou 30 ans de réflexion pour savoir ce qu'il faut faire à Mouscron.
Ce qu'on demande pour Mouscron, c'est une station comme le gouvernement en a fait par douzaines, et je regrette que M. le ministre des travaux publics se montre si peu disposé à satisfaire à cette juste réclamation.
Quant à la station de Landeghem, les observations de l'honorable M. Kervyn me semblent on ne peut plus fondées. lia dit avec infiniment de raison que c'est une véritable inhumanité de laisser un fonctionnaire et sa famille dans un local comme celui de cette station.
Cet agent n'a pas même de l'eau potable, tandis que ses cours sont presque constamment inondées ; il gèle dans son habitation pendant l'hiver et y étouffe en été ; enfin la seule place qui lui est destinée à lui et à sa famille, qui est nombreuse, est envahie par les voyageurs lorsque le mauvais temps les oblige à chercher un abri.
Ici encore je ne comprends pas qu'il faille tant de réflexion pour remédier à un pareil état de choses. Je ne comprends pas surtout qu'on s'arrête devant la rivalité de quelques intérêts privés. Il s'agit ici d'un intérêt plus important, de l'intérêt général, qui s'inquiète fort peu de savoir si l'on aura la station à droite ou à gauche de la voie, mais si l'on portera promptement remède à cet de choses qui est vraiment intolérable.
M. Tack. - La fin du discours de M. le ministre des travaux publics, en ce qui touche la station de Mouscron, me rassure un peu plus que le commencement.
Il a terminé, en effet, en disant qu'il ne retarderait pas indéfiniment la solution de la question. J'espère qu'il ne remettra pas les travaux projetés jusqu'à l'époque de la construction de la ligne de Lille à Tournai. Sans cela, nous serions exposés à attendre peut-être fort longtemps.
Les bâtiments provisoires de la station de Mouscron existent depuis une bonne vingtaine d'années, et il est incontestable qu'ils sont tout à fait insuffisants et même peu convenables.
Je ne pense pas, au surplus, que la ligne de Mouscron perdra énormément de son importance, par suite de la concurrence éventuelle de la ligne directe par Tournai ; sous ce rapport je ne partage pas l'opinion de M. le ministre des travaux. Dans tous les cas, il y aurait un moyen facile de conserver à la station de Mouscron une grande partie de son activité actuelle : la ligne de Bruxelles par Alost, Gand et Mouscron sera toujours l'une des plus courtes vers Calais ; il suffirait donc, pour conservera àla station de Mouscron son importance, de ne point laisser dévier par Turbise et Tournai les transports qui lui sont acquis, et à cet effet d'organiser des trains de vitesse entre Bruxelles et la frontière française par Gand ; c'est une chose à peine croyable qu'il n'existe pas de train à vitesse sur cette grande ligne internationale.
Je suis convaincu, messieurs, qu'a l'aide de cette facile amélioration du service, la station de Mouscron conservera et verra grandir même son importance.
Je ne vois donc pas de raison pour ne pas donner immédiatement satisfaction aux justes réclamations des habitants de cette localité.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - L'honorable M. H. Dumortier semble croire que depuis deux ans que les Chambres ont mis à la disposition du gouvernement les sommes nécessaires pour le parachèvement du chemin de fer, tous les travaux pouvaient être terminés. C'est là meneurs, une grande erreur. On a déployé une louable activité dans mon administration ; le personnel a été excessivement occupé, et malgré tout le zèle qu’il a apporté à l'accomplissement de sa tâche, il n'est point parvenu à satisfaire à tous les besoins en si peu de temps. A défaut de la première raison, je donne cette seconde à l'honorable membre pour l'engager à un peu de patience en ce qui concerne la station de Mouscron.
Quant à la station de Landeghem, l'honorable membre a dit qu'il s'agissait d'un conflit non pas entre deux communes mais entre deux cabaretiers.
M. H. Dumortier. - Cela se dit.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Cela se dit, c'est possible, mais il me semble que l'honorable membre ne devrait pas répéter ici de pareils propos. Il doit savoir que je suis incapable de me laisser arrêter par un conflit entre deux cabaretiers, et cette assertion qu'il s'agit d'un conflit entre plusieurs communes doit suffire, me semble-t-il, pour satisfaire l'honorable membre. Je tiens au surplus à sa disposition les délibérations par lesquelles ces communes ont cherché à faire prévaloir leurs prétentions.
- L'article 53 est mis aux voix et adopté.
« Art. 54. Salaires des agents payés à la journée : fr. 1,801,500. »
- Adopté.
« Art. 55. Billes, rails et accessoires, matériel fixe tenant à la voie : fr. 1,330.,000. »
- Adopté.
« Art. 56. Travaux d'entretien et d'amélioration, outils, ustensiles, objets divers : fr. 715,000. »
- Adopté.
« Art. 57. Traitements et indemnités des fonctionnaires et employés : fr. 220,000. »
- Adopté.
« Art. 58. Salaires des agents payés à la journée : fr. 2,270,000. »
- Adopté.
« Art 59. Primes d'économie et de régularité : fr. 80,000. »
- Adopté.
« Art. 60. Combustible et autres objets de consommation pour la traction des convois : fr. 1,500,000. »
M. H. Dumortier. - Je n'ai qu'une seule observation à présenter ; elle est relative aux approvisionnements considérables qui existent dans les dépôts des chemins de fer. Si mes renseignements sont exacts et je les crois tels, ces approvisionnements représenteraient une valeur de plus de quatre millions de francs. J'ai eu l'occasion de visiter quelques dépôts du chemin de fer, avec feu M. Masui, et j'ai pu constater qu'ils renferment beaucoup d'objets qui ne sont plus d'aucune utilité. Il me semble que ces approvisionnements pourraient être assez notablement réduits.
Ainsi sur le chemin de fer du Nord, par exemple, dont M. le ministre des travaux publics lui-même cite l'administration comme un modèle, les approvisionnements ne sont pas, à beaucoup près, aussi considérables., J'appelle sur ce point l'attention de M. le ministre.
- L'article 60 est mis aux voix et adopté.
« Art. 61. Entretien, réparation et renouvellement du matériel : fr. 2,700,000 »
M. Julliot. - Messieurs, cet article 61 est relatif au renouvellement du matériel. Le gouvernement va dépenser des fonds considérables en matériel, je recommanderai à M. le ministre des travaux publies de consacrer une partie de ces fonds à la construction de waggons et de boxes pour les transports agricoles. Le commerce et l'industrie se plaignent du manque de matériel à leur usage, mais l'agriculture a des plaintes plus légitimes encore à formuler de ce chef.
Des engraisseurs du Hainaut et de Namur sont venus plusieurs fois acheter du bétail au plus grand marché agricole hebdomadaire du Limbourg, qui se tient en ma ville natale ; mais ils ont éprouvé tant de difficultés pour expédier leur bétail, qu'ils ont fini par abandonner le marché, quoiqu'ils reconnussent qu'ils y achetaient vingt à trente francs par tête, à meilleur compte que partout ailleurs.
C'est donc dans l'intérêt de l'offre et de la demande en même temps que je réclame les moyens suffisants de transport pour les produits agricoles en général.
Nous ne demandons pas de protection aux budgets, non, mais nous voulons être traités à l'égal des autres. Si nous nous abaissions au point de faire de la réclame, l'importance de ce marché de Tongres serait connue dans le pays entier, et je n'hésite pas à dire que quand notre chemin de fer sera fait et exploité dans les meilleures conditions, ce marché deviendra le plus important de la Belgique ; tous les éléments nécessaires y sont.
J'espère donc que M. le ministre dos travaux publics consentira à faire, sous ce rapport, tout ce qui lui sera possible.
Nous n'avons d'accès facile qu'aux stations de la ligne hollando-belge, et je crois savoir que le gouvernement refuse d'envoyer des boxes dans les stations autres que celles de l'Etat. Ajoutez à cela que les compagnies en général liardent sur leur matériel et vous comprendrez l'infériorité de notre position.
(page 1075) Il est de l'intérêt du gouvernement lui-même de faciliter les transactions entre vendeurs et acheteurs. Car le temps et l'argent perdus improductivement ne profitent à personne.
Peu m'importent donc les moyens, mais je demande qu'on porte un remède efficace à cette perte de temps et d'argent, et j'attends le progrès avec confiance.
M. H. Dumortier. - Le gouvernement est à la veille de faire un grand nombre de waggons ; je demanderai s'il a l'intention de faire des waggons pouvant charger 15 tonnes. C'est une chose très importante au point de vue de la réduction des tarifs ; car plus on pourra transporter de grandes quantités avec moins de dépense, plus on pourra réduire les tarifs.
J'ai exposé longuement, l'an dernier, combien il était utile, et combien il était facile, sans grands frais, autres que ceux que coûtent maintenant les waggons, de faire l'essai que je demande ; je ne veux pas revenir sur ces considérations, mais j'apprendrai avec plaisir que M. le ministre, ne fût-ce qu'à titre d'essai, se propose de faire construire des waggons de 20 tonnes, c'est le poids que supportent les essieux des locomotives ; des waggons bien conditionnés peuvent supporter ce poids ; ils ne coûteraient guère plus que des waggons de 10 tonnes.
Je sais qu'on a fait quelques waggons de ce genre et que le résultat a été très favorable.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Il n'y a pas la moindre difficulté à faire l'essai que l'honorable membre recommande, mais ce ne peut être qu'un essai. Il y a sans doute des avantages à avoir un matériel de fort tonnage, mais il y a aussi des inconvénients ; j'ai déjà indiqué la difficulté de manœuvrer et de trouver un fret de retour ; on pourrait faire un essai dans des proportions suffisantes pour que l'expérience ait quelque signification.
Je répondrai maintenant à l'honorable M. Julliot que la règle appliquée est que le matériel est fourni par la ligne sur laquelle se trouve la station d'origine. Le gouvernement doit tenir à l'application sévère de cette règle ; s'il ne le faisait pas, ce serait l'Etat qui devrait fournir aux compagnies du matériel alors qu'elles ne sont déjà que trop disposées à restreindre leur matériel au-dessous de leurs besoins.
En leur refusant son matériel en dehors des cas où il est obligé à le leur prêter, le gouvernement les force à construire le matériel qu'elles doivent avoir ; nous devons agir ainsi, sans cela quelques compagnies persisteraient dans leur système de n'avoir pas un matériel suffisant,
M. de Muelenaere. - Je pense qu'il est généralement reconnu que le nombre des waggons destinés au transport du bétail est devenu insuffisant. Puisqu'il s'agit d'augmenter le matériel, j'appellerai sur ce point l'attention de M. le ministre des travaux publics. L'augmentation de waggons pour le transport du bétail est réclamée dans l'intérêt de l'agriculture et de l'alimentation des grandes villes, il faut que le nombre des waggons soit en rapport avec les besoins du pays,
- L'article 61 est mis aux voix et adopté.
« Art. 62. Redevances aux compagnies : fr. 20,000. »
- Adopté.
« Art. 63. Traitements et indemnités des fonctionnaires et employés : fr. 1,196,000. »
M. Cumont. - Je demanderai à M. le ministre s'il veut bien accorder sa bienveillante attention à une pétition des habitants de Ninove qui réclament la réduction de tarif accordée sur la ligne de Dendre-et-Waes pour Alost et Lokeren. La réduction que le gouvernement a accordée pour ces localités a produit une augmentation de recettes, le même résultat doit se produire si on l'étend à Ninove ; j'appelle donc l'attention bienveillante de M. le ministre sur la position faite à une portion considérable de notre arrondissement,
M. de Naeyer. - Je crois devoir présenter quelques observations à l'appui de la réclamation faite par l'honorable M. Cumont. Dans une de nos précédentes séances, M. le ministre des travaux publics nous a donné des explications sur la convention qu'il a conclue en dernier lieu avec la société de Dendre-et-Waes et qui a eu pour conséquence d'étendre le principe des transports à prix réduits ; il en résulte que primitivement la réduction du fret n'avait été accordée qu'aux stations de Zele et de Wetteren, et qu'en vertu de la nouvelle convention conclue, si je ne me trompe, au mois de novembre dernier, plusieurs autres stations ont été appelées à jouir du même avantage.
J'approuve beaucoup cette mesure, mais elle est évidemment incomplète, et par cela même, elle donne lieu à des anomalies dont l'équité et le bon sens réclament impérieusement le redressement.
Je, citerai quelques exemples pour vous démontrer combien il est urgent de mettre un terme à cet état de choses. Ainsi, il suffit de jeter les yeux sur la carte pour voir que les charbons du Couchant de Mons en destination d'Alost doivent passer à Ninove, et arrivés à Ninove, ils ont encore à parcourir 14 kilomètres.
La distance du Couchant à Ninove est de 13 lieues. Pour arriver à Alost, il y a encore à ajouter trois lieues, par conséquent un allongement de 20 p. c. Eh bien, voyons le fret. A Alost, il est de 4 fr. 6 c. par tonneau et à 3 lieues plus rapprochées du charbonnage, à Ninove, il est à 4 fr. 90 c. Il y a une différence de 84 c., ce qui fait, si je ne me trompe, 26 p. c. de surtaxe pour une distance moindre de 20 p. c. Cela, je le répète, est presque incroyable, et cependant c'est officiel.
II va de soi que je ne trouve pas que le fret soit trop bas pour Alost, loin de là ; mais je trouve qu'il est incontestablement trop élevé pour Ninove.
Pour les charbons qui viennent de Charleroi ou du Centre, même anomalie.
De Charleroi à Ninove ou à Alost, la distance est la même, puisque dans les deux cas, il faut passer à Denderleeuw et qu'Alost et Ninove sont également éloignés de Denderleeuw.
Pour le Centre, on peut dire que Ninove est un peu plus rapproché. Car, si l'on prend la voie la plus courte par Ath et Mons, il n'y a du Centre (la Louvière) à Ninove que 79 kilomètres. Et même de Ninove jusqu'aux charbonnages de Bracquegnies il n'y en a que 75, en calculant la distance d'après le livret officiel du gouvernement, tandis que pour Alost la voie la plus courte, qui est celle par Bruxelles et Braine-le-Comte, a 82 kilomètres même, en considérant le chemin direct des Ecaussines à la Louvièrce comme faisant partie du réseau de l'Etat.
Mais admettons que ce sont des distances égales qui séparent Alost et Ninove des charbonnages du Centre et de Charleroi, et voyons la différence de fret. Cette différence est énorme. Pour Alost, le fret est de 4 fr. 48 c par tonneau, pour Ninove, il est de 5 fr. 65 c. Différence 1 fr. 17 c, c'est-à-dire 26 p. c.
Mais ce qui est encore plus incroyable, c'est la situation qui est faite à la station de Denderleeuw. Celle-là est réellement traitée avec une rigueur excessive qu'on ne s'explique pas. On serait presque tenu de croire que Denderleeuw, qui porte cependant un bien beau nom, a commis quelque grand crime, et cependant je puis garantir que cette 'station est tout aussi innocente que les autres stations de la vallée de la Dendre Tous les charbons quelconques, quel que soit le lieu d'expédition, couchant de Mons, Centre ou Charleroi, doivent passer à Denderleeuw pour arriver à Erembodegem ; or, faisons la comparaison pour les deux stations-à Erembodegem qui est la station lapins éloignée, on paye pour le charbon du Couchant de Mons 4 fr. 6 c. et à Denderleeuw, pour une distance-moindre, on paye 5 fr. 50 c., différence à peu près de 1 fr. 50 c. par tonne.
Le charbon qui vient du Centre ou de Charleroi doit encore une fois passer à Denderleeuw pour arriver à Erembodegem. Eh bien, à Denderleeuw on paye 5 fr. 65 c. et à Erembodegem seulement 4 fr. 48 c. différence en moins de 1 fr. 17 c pour une distance plus forte, et ce qui est tout aussi curieux encore, c'est qu'au-delà d'Erembodegem, par exemple à Alost et à Gyseghem, on paye moins qu'à Denderleeuw. Je n'ai pas de renseignements précis à cet égard, mais je pense même qu'à Termonde située à 5 lieues plus loin que Ninove le fret n'est guère plus élevé si pas plus bas qu'à Ninove.
Messieurs, il est évident qu'un pareil état de choses ne peut se justifier par aucun principe. Ce n'est certainement par le principe de la réduction proportionnelle pour les parcours à longue distance que l'on peut invoquer ; il est, au contraire, évident que nous rencontrons ici le renversement complet de ce principe. Si l'on voulait justifier ce qui existe, on devrait dire qu'il est basé sur le principe d'aggravation en raison des courtes distances, et pour être logique dans cet ordre d'idées, il faudrait admettre que c'est la station la plus rapprochée du lieu d'expédition qui doit supporter la taxe la plus élevée, ce qui est tout bonnement absurde.
Je ne viens pas, cependant, faire des reproches au gouvernement. Je conçois que cette matière des tarifs est très compliquée et que l'on n'arrive à un état satisfaisant qu'à l'aide de tâtonnements.
Mais il me semble que les anomalies que nous vous signalons, l'honorable M. Cumont et moi, sont tellement frappantes, sont tellement injustes, qu'il est réellement urgent de les faire cesser ne fût-ce que par respect pour les notions les plus élémentaires du bon sens.
Messieurs, la réduction proportionnelle pour les parcours à longues distances est parfaitement juste, car c'est l'application de ce principe (page 1076) de justice qui veut que la rémunération soit proportionnée à l'importance du service rendu.
En effet, pour peu qu'on soit initié au mécanisme de l'exploitation des voies ferrées, on sait qu'après un certain parcours l'unité de dépense décroît sensiblement pour toute distance additionnelle ; mais évidemment il ne peut y avoir de réduction quand il n'y a pas de distance additionnelle. Toujours est-il qu'à distances égales les frais sont les mêmes, et que si l'on accorde alors à l'un une réduction qu'on refuse à l'autre, il y a là un régime de faveur et de privilège que le gouvernement ne peut maintenir.
Lorsque, pour des distances égales et pour le transport des mêmes produits, effectué par la même voie, tout le monde n'est pas placé sur la même ligne, il y a une violation du principe de justice et d'équité qui doit former, avant tout, la règle de la conduite du gouvernement, car le gouvernement doit être juste avant tout ; or ici on va plus loin encore, puisque c'est pour les plus courtes distances qu'on exige le fret le plus élevé ; il y a non seulement violation, mais renversement complet de tout principe de justice.
On me dira peut-être que pour la ligne de Dendre-et-Waes le gouvernement n'est pas maître de faire ce qu'il veut, mais qu'il doit compter avec la société concessionnaire. J'ignore si cette société, par des motifs que je ne veux pas apprécier, refuse d'accorder un traitement juste et équitable à toutes les stations concédées ; mais s'il en était ainsi, le gouvernement ne serait pas désarmé.
En effet, M. le ministre nous a dit lui-même, dans la séance du 27 mars, que lorsque les sociétés ne sont pas raisonnables, le gouvernement parvient avec un peu d’énergie à les mettre à la raison. Voici comment s'est exprimé M. le ministre :
« Lorsqu'il s'est agi de la réduction des prix à la distance pour les marchandises de la deuxième classe, une compagnie qui était essentiellement intéressée à conserver chez elle le transport des verres à vitre, a fait une proposition à mon département pour le transport de cette marchandise en particulier Mon département a décliné cette proposition, il a répondu à la compagnie qu'en matière de tarifs réduits, elle devait prendre le tout ou qu'elle n'aurait rien. La compagnie céda. Je pourrais citer d'autres exemples. »
Eh bien, M. le ministre n'a qu'à agir de cette façon avec la compagnie de Dendre-et-Waes et si, ce que j'ignore, elle refuse d'accéder à des propositions justes et équitables, il aura parfaitement raison en usant de la même énergie envers elle.
Messieurs, puisque j'ai la parole, je signalerai à l'attention de M. le ministre d'autres anomalies qui s'appliquent également à ce chemin de fer de Dendre-et-Waes quant à ses relations avec la ligne de l'Est, et ici, il ne s'agit plus de quelques stations, mais de toutes les stations échelonnées le long de la ligne dont je m'occupe.
Je me contenterai encore de citer quelques exemples. Ninove est à 6 lieues de Bruxelles, de Bruxelles à Louvain la distance légale est de 7 lieues, cela fait 13 lieues de Ninove à Louvain ; eh bien, au lieu de 13 lieues on en compte 16 dans le tarif ; il y a un excédant de 3 lieues.
La même anomalie existe pour Grammont. Grammont est à 9 lieues de Bruxelles et par conséquent à 16 lieues de Louvain ; eh bien, le prix est établi à raison d'une distance de 19 lieues. C'est, encore une fois, une augmentation de 3 lieues.
La même chose existe pour les relations de la vallée de la Dendre avec Liège ; on ajoute 3 lieues, je ne sais pas pourquoi.
Je pense, messieurs, qu'il suffira d'avoir signalé ces anomalies au gouvernement pour qu'il les fasse disparaître.
Il est évident que, dans l'exploitation du chemin de fer, le gouvernement doit tenir la balance égale entre tous les intérêts ; il ne peut rompre l'équilibre naturel qui existe entre les différentes localités du pays à raison de leur position ; car les avantages que cette position peut offrir sous certains rapports ont pour contre-poids des inconvénients sous d'autres rapports ; ce sont là les conditions naturelles de la lutte et de la concurrence entre les industries ; les intérêts et au milieu de cette lutte et de cette concurrence le gouvernement doit pratiquer invariablement le principe de justice et d'égalité envers tous.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Si l'honorable membre me demandait si je considère comme bonne en tous points la convention qui a été faite avec la compagnie de Dendre-et-Waes, je dirais non, et je dirais non par les considérations qu'il vient de développer. Mais je demanderai si la convention ne vaut pas beaucoup mieux que ce qui existait.
Il y avait un tarif uniforme de 4 fr. 50 pour le charbon en destination de Zele et de Lokeren ; j'ai, de concert avec la compagnie, substitué à ce tarif un tarif qui établit d'abord un prix variable suivant le point d'origine et le point de destination qui, en second lieu admet au bénéfice de la convention, non pas Zele et Lokeren seulement, mais plusieurs autres localités, qui, enfin, donne à l'Etat non plus 25 p. c., mais 35 p. c. du prix du tarif général.
Il est évident que cela vaut infiniment mieux que l'état de choses préexistant.
Nous avons à compléter notre travail ; mais, comme le dit l'honorable membre, nous ne sommes pas seuls ; je ferai ce que je pourrai, mais je ne puis agir que de commun accord avec la compagnie, puisque c'est sur la part de la compagnie que se prélèvent les remises.
J'admets avec l'honorable membre qu'une localité plus éloignée ne peut jamais avoir à payer moins qu'une localité plus rapprochée. Ce serait une chose injustifiable, contraire à la vérité, contraire au bon sens.
Je pense, messieurs, que moyennant ces observations, les deux honorables préopinants peuvent être convaincus que l'examen de l'affaire dont ils se sont occupés, aboutira à un résultat satisfaisant.
L'honorable membre a cité d'autres anomalies, mais je pense qu'il y a des explications assez simples des faits qu'il a dénoncés. Je ne sais pas, par exemple, pourquoi l'honorable membre, dans les calculs qu'il fait, compte seulement sept lieues da Bruxelles, à Louvain ; il y a neuf lieues.
M. de Naeyer. - Il s'agit aussi des marchandises.
M. Rodenbach. - Messieurs, j'appuie le vœu qui a été exprimé par l'honorable comte de Muelenaere ainsi que par l'honorable député du Limbourg, relativement aux boxes et aux waggons.
Nous avons dans notre royaume vingt-trois sociétés de chemins de fer, et je désirerais que M. le ministre voulût bien engager ces sociétés à augmenter dans les waggons le nombre des boxes.
Comme l'a dit l'honorable M. de Muelenaere, cette question est de la plus haute importance au point de vue du bon marché des aliments. Nous recevons à Bruxelles du bétail de l'étranger, même de la Hongrie. Je crois, messieurs, qu'on devrait non seulement augmenter le nombre des boxes, mais encore diminuer considérablement le tarif pour le transport du bétail et de toute espèce de denrées alimentaires.
La suppression des octrois n'a pas fait diminuer d'un centime le prix de la viande.
En France, dans l'intérêt du consommateur, on diminue les prix de transport, qui sont presque réduits à rien.
Les nombreuses sociétés qui en Belgique ont entrepris des chemins de fer devraient bien faire quelques sacrifices en faveur du public.
Nous avons le nord de Bruges, Dixmude, le Furnes Ambacht ; toutes les semaines on transporte un nombre considérable de bestiaux aux marchés de Courtrai, de Tournai et on en exporte une grande partie en France.
Eh bien, les boxes et les waggons manquent pour faciliter l'expédition de ce bétail.
Je le répète, messieurs, c'est une question de la plus haute importance. Jamais les vivres n'ont été aussi chers en Belgique que maintenant ; ce n'est pas seulement la viande, ce sont les pommes de terre, les grains, toutes les denrées alimentaires.
Quand il s'est agi des péages sur les douanes, et des tarifs de douane, MM. les ministres nous ont dit : Le grain ne payera que tant à l'entrée. Eh bien, malgré tout cela le prix de la vie augmente à vue d'œil, et pour les classes pauvres la position n'est plus tolérable, d'autant plus que des milliers d'ouvriers se trouvent dans les Flandres, notamment à Gand, sans travail.
Je dis qu'il est du devoir du gouvernement d'étudier toutes les questions qui se rattachent aux prix des denrées alimentaires et j'aime à croire que M. le ministre s'empressera de modifier promptement le tarif de transport des denrées.
- La séance est levée à quatre heures et trois quarts.