(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1860-1861)
(page 1683) (Présidence de M. Vervoort.)
M. Snoy, secrétaire, procède à l'appel nominal à midi et un quart et donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier.
- La rédaction en est approuvée.
M. de Moor, secrétaire, présente l'analyse des pièces adressées à la Chambre.
« Les fabricants d'instruments de musique, à Lierre, demandent la libre entrée pour le cuivre pur ou allié de zinc ou d'étain, battu, étire ou laminé. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du traité de commerce avec la France.
« Le sieur Decoster, cultivateur à Duysbourg, demande que son fils, Pierre-Joseph, milicien de la levée de 1860, soit congédié du service militaire. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
M. Vander Donckt, rapporteur. - Messieurs, par pétition datée du 30 avril 1861, plusieurs industriels du bassin de la Meuse, et des habitants d'Angleur, Chênée, Embourg, Tilff, Esneux, Hody-Poulseur, Sprimont, Comblain-au-Pont, Comblain-Fairon, Hamoir, réclament l'intervention de la Chambre pour que M. le ministre des travaux publics défende à la grande compagnie du Luxembourg de continuer à percevoir un droit de péage sur le canal de l'Ourthe jusqu'à l'accomplissement des conditions stipulées dans les arrêtés de concession, et qu'il fixe un dernier terme pour l'achèvement des travaux de canalisation, après lequel ces travaux seraient exécutés d'office aux frais de la compagnie. »
Messieurs, les pétitionnaires disent que, déjà dans différentes requêtes, ils ont demandé, depuis plusieurs années, l'exécution des conditions auxquelles la compagnie du Grand-Luxembourg a été autorisée à construire le canal de l'Ourthe ; que, jusqu'à présent, la compagnie a profité de la faculté de toucher les péages sur ce canal, sans remplir les conditions qui lui étaient imposées de donner au canal une certaine profondeur, et de mettre la navigation dans les conditions stipulées au cahier des charges.
Les pétitionnaires demandent la suspension des péages jusqu'à ce que la société du Grand-Luxembourg se soit exécutée.
En effet jusqu'ici elle est restée en défaut de remplir ses engagements.
Vous comprenez combien il est préjudiciable au commerce et à l'industrie de ces localités de devoir payer pour une navigation incomplète, impossible la moitié de l'année ; vous comprenez aussi que ce sont de justes doléances qu'ils portent devant la Chambre, ils demandent donc :
1° de défendre à la Grande compagnie du Luxembourg de continuer à percevoir un droit de péage sur le canal jusqu'à l'accomplissement des conditions tracées dans les arrêtés de concession ;
2° de fixer une dernière limite à l'achèvement des travaux de canalisation qui devaient être terminés il y a quatre ans, en stipulant dès à présent que la compagnie sera de fait déchue de tous droits à la concession du canal, s'il n'est pas achevé pour l'époque déterminée ;
3° Ou bien exécuter d'office les travaux de canalisation aux frais de la grande compagnie du Luxembourg.
La commission, appuyant la juste réclamation des pétitionnaires, propose le renvoi au ministre des travaux publics.
M. de Bronckart. - Messieurs, j'ai l'honneur d'amender les conclusions de la commission, en ce sens que je propose le renvoi de la pétition à M. le ministre des travaux publics avec demande d'explications.
L'affaire dont il s'agit me semble en effet, messieurs, mériter toute, l'attention de la Chambre et du gouvernement.
S'il faut en croire les plaintes générales et les réclamations énergiques dont la pétition qui vient d'être analysée n'est que l'écho, il n'y aurait point d'exemple, dans l'histoire des sociétés concessionnaires de travaux publics, d'une compagnie traitée avec plus de bienveillance, plus de faveur, on dirait presque plus de faiblesse, par le gouvernement que ne l'a été la compagnie du Luxembourg, concessionnaire du canal de l'Ourthe ; et il n'en serait point non plus qui aurait montré plus de mépris pour ses engagements, pour le public et pour le gouvernement.
Aux termes de la convention intervenue entre le gouvernement et la compagnie du Luxembourg, celle-ci s’est engagée à construire un canal de Liège à La Roche, dans les proportions nécessaires pour permettre à un bateau jaugeant quarante tonneaux, d'y naviguer à pleine charge, et elle s'est très formellement engagée, de plus, à avoir terminé tous ses travaux avant la fin de l'année 1856. Moyennant quoi, le gouvernement accorde à la compagnie du Luxembourg la concession illimitée du canal dont il s'agit, et le droit d'y établir, sur chaque section ouverte à la navigation, un péage de cinq centimes par tonne-kilométrique, c'est-à-dire le plus fort péage du pays, le plus élevé connu étant de trois centimes.
Eh bien, messieurs, savez-vous, au dire des intéressés, comment la compagnie a compris ses obligations et comment elle use de ses droits ?
A l'heure qu'il est, le canal, qui devait être entièrement terminé en 1856, est à peine achevé, tant bien que mal, sur le tiers de son parcours, et nulle part, messieurs, le tirant d'eau n'est suffisant, tant s'en faut, pour qu'un bateau de 40 tonneaux puisse y entrer. Néanmoins, la compagnie perçoit son péage de 5 centimes par tonne kilométrique ; et, ce qui ne serait pas croyable, si ce n'était consigné dans une dépêche adressée à M. le ministre des travaux publics par la députation permanente de Liège, le péage est exigé sur 40 tonneaux, quel que soit, du reste, le poids réel du chargement.
Et pour comble de mauvais traitement, la navigation sur le canal est restreinte à certaines heures de la journée et complètement interdite les dimanches et jours de fêles, tandis qu'elle avait lieu sur la rivière de jour comme de nuit, qu'il fût fête ou non.
Vous comprendrez, messieurs, que pour forcer le batelage à jouir de ce système d'amélioration des voies navigables et peur l'amener à se laisser ainsi rançonner, il a fallu, par des barrages et des obstacles de tous genres, rendre la rivière impraticable.
Ce serait, d'après les pétitionnaires, par des molestations et des entraves de ce genre, que la compagnie du Luxembourg aurait réalisé, dès l'année 1857, une recette nette de 24,300 fr., et qu'elle accuserait, si nos renseignements sont exacts, un bénéfice net de 80,000 francs pour 1860.
Messieurs, il va sans dire que je n'affirme rien quant à l'exactitude des faits. Je les rapporte tels que je les trouve énoncés dans la pétition dont il vient d'être fait rapport, et dans d'autres qui vous ont été adressées à diverses époques ; mais je n'hésite pas à dire que si ces faits sont vrais, ils constituent un véritable scandale.
Et ce qui donne, messieurs, une importance tout exceptionnelle aux plaintes et aux accusations dont la compagnie concessionnaire est l'objet, c'est que le conseil provincial de Liège a cru devoir, à diverses reprises, s'en rendre l'organe officiel auprès du gouvernement.
En 1857, 1858 et 1859 il a appelé l'attention du gouvernement sur l'urgence qu'il y avait de mettre la compagnie du Luxembourg en demeure de remplir ses obligations en ce qui concerne le canal de l'Ourthe, ou bien de la faire déclarer déchus de sa concession. Ces instances étant restées sans aucun résultat, le conseil provincial de Liège a pris, dans sa session de 1860, la décision suivante, que je demande à la Chambre la permission de lui lire :
« Le conseil provincial de Liège,
« Vu les privilèges, les avantages et les facilités successivement accordés, sans aucun résultat heureux pour le pays à la Grande compagnie du Luxembourg, par les arrêtés et conventions du 1er juillet 1827, (page 1684) de 1er octobre 1846, du 29 janvier 1852, du 27 mai 1857, et du 24 août 1859 ;
« Proteste d'abord contre toute nouvelle faveur que l'on serait toute d'accorder à la compagnie et particulièrement contre celle de l'autoriser à arrêter son canal à Comblain ;
« Proteste également contre le règlement du 24 août qu'il considère comme illégal et injuste :
« Illégal, en ce que personne n'a le droit de mettre en vigueur un règlement de navigation sur un canal qui ne remplit pas la première de ses conditions, le tirant d'eau nécessaire ;
« Injuste, en ce qu'il soumet les bateliers à un système de vexation et de dépenses qu'on aurait pu leur éviter ;
« Revu la proposition faite au Conseil provincial le 12 juillet, 1859, admise à l'unanimité sur le rapport du 15 juillet et transmise au département des travaux publics le 14 septembre 1859 par la députation permanente ;
« Considérant que les demandes suivantes y contenues :
« 1° De faire constater par l'ingénieur en chef si le canal n'a pas la profondeur suffisante ;
« 2° Dans ce cas faire cesser la perception des péages qui devient illégale :
« 3° Mettre la société en demeure d'approfondir la canal et de l'achever jusqu'à La Roche ou déclarer sa déchéance ;
« Que ces propositions n'exigent pas plusieurs années d'examen ;
« Revu les réclamations du conseil dans ses sessions de 1856, 1857, 1858 et 1859 ;
« Considérant que les cinq lettres de la députation permanente à M. le ministre des travaux publics des 14 et 22 septembre et 7 octobre 1859, du 17 avril et du 1er juin 1860, relatives à cet objet, n'ont reçu de ce département que des réponses évasives : (que le gouvernement examinera les observations et les propositions, qu'il activera l'examen et avisera à ce qu'il pourrait y avoir à faire) ;
« Attendu que la province se lasse de réclamer contre le système de lenteur et d'indifférence invariablement suivi à son très grand préjudice et à celui de tous les intéressés ;
« Attendu, enfin, que tous les ministres des travaux publics ont reconnu la légitimité des plaint s des riverains de 1 Ourthe et des bateliers de cette rivière ;
« Proteste énergiquement contre tout nouveau retard qui serait apporté à l'examen et à la solution à donner à cette affaire, qu'il considère comme un déni de justice envers la province de Liège. »
Cette décision, messieurs, a été prise à l'unanimité dans la séance du 11 juillet 1860, et donne un singulier caractère de gravité à cette affaire.
Je prierai donc M. le ministre des travaux publics, que je regrette beaucoup de ne pas voir à son banc, de vouloir bien nous dire s'il a pris des mesures pour faire droit aux réclamations du conseil provincial de Liège, et quelles sont ses intentions à l'égard de la compagnie du Luxembourg en ce qui concerne le canal de l'Ourthe.
M. J. Lebeau. - Sans m'associer complètement à ce qu'il peut y avoir d'un peu accentué dans le langage de l'honorable préopinant, je dois le dire : il est à ma connaissance que les habitants de la contrée que devait parcourir le canal de l'Ourthe se plaignent, et avec raison, de l'état d'abandon où on laisse l'exécution de ce travail.
Les intérêts de cette contrée souffrent extrêmement de ce retard.
Je crois du reste qu'il aura suffi de signaler cette affaire à l'attention bienveillante de M. le ministre des travaux publics, dont personne ne met en doute la bonne intention, pour que l'honorable préopinant lui-même soit convaincu que le gouvernement ne peut tarder à venir en aide, d'une manière ou d'autre, aux intérêts de la contrée que devait traverser le canal projeté et qui a été si longtemps attendu.
M. Orban. - J'ai déjà eu moi-même l'occasion depuis longtemps d'exposer dans cette enceinte la triste situation dans laquelle se trouvent les riverains de l'Ourthe.
Cette situation n'a fait qu'empirer, et cela se conçoit ; autrefois ils possédaient une rivière ; il n'y en a plus ; elle a été confisquée ; depuis trente-cinq ans, on devait construire un canal, il n'est pas achevé et, je le crains bien, il ne le sera jamais.
Au surplus, le fût-il, il faut dire que ce serait un assez mince avantage pour ces localités.
Il y a quelques jours, vous avez entendu les honorables députés de l’arrondissement de Charleroi et de l’arrondissement de Bruxelles demander, dans une discussion récente, qu'on élargît le canal de Charleroi de manière qu'il puisse porter des bateaux d'un plus fort tonnage.
Cependant sur le canal de Charleroi naviguent des bateaux de 70 tonneaux, et si le canal de l'Ourthe était achevé dans les conditions du cahier des charges, il ne pourrait porter que des bateaux de 40 tonneaux.
Il y a plus, les péages sur le canal de Charleroi ont été réduits à 8 centimes par tonne-lieue et sur le canal de l'Ourthe ils resteraient indéfiniment à 25 centimes, c'est-à-dire à un taux plus élevé que ne coûtent les transports par chemins de fer, puisqu'on transporte par railway à 20 centimes tous frais compris.
Je crois qu'une seule chose peut sauver ces localités : c'est la construction d'un chemin de fer dans la vallée de l'Ourthe, et lorsque l'occasion se présentera (ce qui, j'espère, ne tardera pas), il me sera facile de démontrer, même à l'honorable M. Dumortier, qu'il y a une rivière et une vallée dans une situation plus malheureuse encore que la rivière et la vallée de la Mandel, au sujet desquelles il réclame à toute occasion.
M. Rodenbach. - N'attaquez pas la Mandel.
M. Orban. - Je ne l'attaque pas ; je reconnais qu'elle est dans une situation fâcheuse ; mais je dis que celle de l'Ourthe est plus malheureuse encore. Seulement cette situation n'est pas connue, et cela par une raison toute simple ; c'est qu'elle n'a jamais rien coûté au trésor.
J'espère donc que, lorsque l'occasion se présentera pour ces localités d'avoir un chemin de fer, la Chambre tiendra compte à cette partie du pays de l'abandon dans lequel elle se trouve depuis trente-cinq ans. Il y a trente-cinq ans, en effet, la canalisation de l'Ourthe était considérée comme un des travaux d'utilité publique les plus importants qu'il y avait lieu d'exécuter dans les Pays-Bas.
Ce canal devait avoir 50 lieues de long, on n'en a exécuté qu'une minime partie, elles travaux en sont restés là.
- Le renvoi de la pétition à M. le ministre des travaux publics, avec demande d'explications, est adopté.
M. Vanden Donckt. - J'ai l'honneur de vous présenter les conclusions de votre commission sur la requête des pêcheurs de la Panne, qui demandent qu'il soit pris des mesures pour arrêter la destruction du frai et du fretin de poisson de mer.
Les pétitionnaires disent qu'autrefois leur industrie était florissante et que, depuis quelques années, elle est devenue fort précaire, ce qui les oblige à quitter le pays pour se rendre dans des contrées étrangères, à défaut de moyens d'existence.
A cet égard, messieurs, la commission a pris quelques renseignements. Elle s'est assurée que déjà l'autorité supérieure a été saisie des plaintes des pétitionnaires, qu'une commission a été nommée, que cette commission s'est réunie et qu'elle a pris une première résolution, portant qu'il n'y avait pas lieu de changer l'ordre de choses actuel. Sur les instances des pêcheurs, il y a eu une convocation nouvelle. Le gouvernement, dans sa sollicitude, a voulu prendre des renseignements auprès des gouvernements voisins, qui ont aussi des côtes maritimes ; il s'est occupé d'instruire l'affaire, mais jusqu'à présent l'instruction n'est pas complète.
Dans cet état de choses, on avait proposé, dans la commission, le dépôt au bureau des renseignements ; mais quelques membres ont proposé le renvoi à M. le ministre des affaires étrangères, et la majorité de la commission s'est ralliée à cette proposition en déclarant toutefois que ce renvoi n'implique pas une adhésion aux vœux des pétitionnaires.
C'est donc sans rien préjuger, messieurs, que votre commission a l'honneur de vous proposer le renvoi à M. le ministre des affaires étrangères.
- Plusieurs membres. - Aux voix.
M. Rodenbach. - Je trouve, messieurs, qu'il ne serait pas généreux, de la part de la Chambre, de vouloir nous empêcher de parler, alors qu'on a écoulé tout à l'heure de longs discours sur la question de l'Ourthe.
- Plusieurs membres. - Parlez ! parlez !
M. Rodenbach. - Messieurs, les pêcheurs de la Panne, arrondissement de Furnes, signalent que d'année en année leur industrie s'éteint progressivement à tel point que le équipages de barques de pêche sont forcés d'aller en Fiance prendre du service à bord des barques françaises qui vont à la pêche en Irlande, pour se procurer des moyens d’existence.
A cette décadence un seul remède peut être apporté, c'est d'arrêter la destruction du frai et du fretin.
(page 1685) Une législation prévoyante comme en France, en Prusse, en Angleterre et en Danemark, peut seule prévenir la ruine de la pêche entière en Belgique.
Toutes les classes de la société ont intérêt à ce que cet aliment soit plus considérable.
En homme compétent, M. Bortier, dans un écrit, avance que sous Marie-Thérèse la pêche était plus abondante, parce qu'à cette époque il existait des règlements, et cet agronome distingué soutient même que sur la côte on engraisse des animaux immondes avec le frai et le fretin du cabillaud, du turbot et autres poissons.
J'appuie donc le renvoi de la pétition à M. le ministre des affaires étrangères, et je prie instamment l'honorable ministre de vouloir bien s'en occuper et prendre une décision conforme à l'humanité.
(page 1697) M. de Smedt. - Messieurs, j'aurais voulu m'étendre quelque peu sur la question qui nous est soumise, parce que, dans mon opinion, je la juge bien digne de fixer l'attention du gouvernement ; mais par égard, messieurs, pour l'impatience de la Chambre qui voudrait s'ajourner aujourd'hui, je serai le plus bref possible.
Nous sommes en présence d'un fait incontestable et permanent. Ce fait, c'est le dépérissement croissant de notre pêche côtière. Le nombre de nos chaloupes de pêche diminue tous les ans. Les efforts collectifs et individuels, la protection et les primes accordées par le gouvernement, la création de ports de refuge, nos chemins de fer qui étendent chaque jour le rayon de la consommation du poisson de marée surtout, l'abolition des octrois qui pesaient si lourdement sur cette branche de l'alimentation publique, tous ces efforts, tous ces avantages ont été impuissants jusqu'aujourd'hui à relever cette importante industrie. Pour ne citer qu'un exemple à l'appui de cette assertion, je dirai qu'à la fin du siècle dernier, on comptait 80 barques à Blankenberghe, aujourd'hui on n'en trouve plus que 42.
Quelle est la cause de la décadence de la pêche eu Belgique ? Messieurs, je ne veux pas résoudre cette question ; j'ai dit, toutefois, dans un précédent discours, que j'attribuais, en partie du moins, cette décadence au maintien des droits de minque, qui donnent anx poissonniers des facilités pour se coaliser, et aussi au tarif relativement trop élevé sur nos chemins de fer pour le transport du poisson.
Mais à ces causes ne peut-on pas en ajouter d'autres ? Je le pense, messieurs, et je suis tout disposé à croire avec l'honorable M. Bortier, auteur de la pétition en question, que nos côtes sont beaucoup moins poissonneuses qu'autrefois.
Le poisson est plus rare sur nos côtes qu'autrefois. Ce fait est-il dû à des causes zoologiques, à des effets zoologiques, à un déplacement dans les courants maritimes, ou bien ce fâcheux résultat est-il dû à l'absence de toute réglementation qui limite l'emploi des engins de pêche et fixe même des époques où la pêche ne sera permise que de telle manière et dans telles conditions ?
Voilà, je crois, messieurs, ce qu'il importe d'examiner et je sais grâce au savant agronome qui a publié deux brochures remarquables sur cet objet d'avoir pris l'heureuse initiative de soumettre cette question au gouvernement et aux Chambres législatives.
Cette question de réglementation de la pêche n'est pas neuve, elle existe dans la plupart des pays qui nous entourent, et chez nous-mêmes elle a de nombreux précédents.
En effet, messieurs, nous trouvons dans les placards de Flandre :
Une ordonnance du 19 mars 1539 concernant la destruction du frai des diverses espèces de poissons.
Une ordonnance du 30 septembre 15'45 concernant la largeur des mailles des filets.
Un décret du 12 mars 1616 exigeant l'élargissement des mailles des filets.
Une ordonnance du 15 juillet 1785 concernant le mode de pêche et la préservation du frai de poissons.
Ensuite nous avons les ordonnance de Colbert en 1669.
Enfin en France toute la législation à cet égard a été reprise, en quelque sorte codifiée dans la loi générale du 15 avril 1829 sur la pêche fluviale.
En France nous avons un règlement récent ainsi conçu :
« L'emploi du chalut (filet traînant) est défendu en hiver en deçà de trois lieues du rivage et de 2 lieues en été ; pour éviter la destruction prématurée du fretin, les dimensions des mailles de ces filets sont mesurées et rigoureusement fixées et font l'objet de dispositions spéciales.
En Angleterre même la pêche aux saumons est prohibée depuis le 8 septembre jusqu'au 22 décembre et celle des saumoneaux depuis le 15 avril jusqu'au 25 juin. Et si dans ce dernier pays les règlements ne sont pas étendus à toute espèce de pêche, la raison en est que les côtes rocailleuses de ce pays protègent mieux le frai et le fretin que ne pourraient le faire, dans d'autres pays, les ordonnances les plus sévères sur l'emploi d'engins destructeurs du la pêche.
(page 1698) A la Panne, messieurs, où cette industrie est relativement prospère, grâce surtout à l'activité, à la moralité des habitants de cette côte et surtout à leur sobriété si malheureusement exceptionnelle chez le pécheur, on ne sert pas du chalut. On y pêche à la ligne et aux filets ainsi dénommés : Stoekjenets, stackolete, songe-nets, want ; ces filets étaient autrefois avantageusement employés sur tout le littoral. Aujourd'hui les pécheurs de la Panne sont pour ainsi dite seuls à s'en servir. Le chalut filet traînant et à mailles étroites a remplacé partout les anciens engins de pêche. Quant aux effets destructeurs de cette espèce de filet, ils sont aussi incalculables que difficiles à nier.
Messieurs, je ne suis pas grand partisan de la réglementation et de l’intervention de l'Etat, surtout dans les affaires industrielles et commerciales. Mais ici je la crois nécessaire.
Car ici l'abus de la liberté n'entraîne pas avec lui sa sanction, du moins d'une manière assez immédiate et saisissable pour tous les intéressés. Supposons un instant dans notre pays l'absence complète de toute réglementation sur le droit de chasse.
Conférez ce droit à tout le monde sans conditions de quelque nature qu'elles soient, et bientôt, messieurs, toute espèce de gibier aura disparu de nos terres.
Or, messieurs, les lois sur la chasse, que personne d'entre vous ne voudrait voir abolir, protègent un objet d'alimentation de luxe ou un plaisir féodal.
La réglementation sur la pêche assurerait le repeuplement de nos côtes, donnerait à une importante industrie, et qui est essentiellement naturelle au pays, une activité nouvelle, enfin et surtout elle serait appelée, je crois, à augmenter dans un avenir prochain la consommation d'une nourriture saine et nutritive.
Je crois en conséquence, messieurs, qu'il est du devoir du gouvernement de rechercher consciencieusement les causes générales de la décadence de la pêche en Belgique.
Pourquoi nos côtes, autrefois si poissonneuses, sont-elles dépeuplées aujourd'hui ?
Voilà ce qu'il importe au plus haut degré de faire examiner par une commission d'hommes compétents et désintéressés dans je maintien des abus actuels. L'opinion des savants ichtyologues devra surtout être consultée. M. Custe, pisciculteur distingué, M. Valenciennes, membre de l'Académie des sciences et le savant M. Van Beneden, professeur de zoologie à l'université catholique de Louvain, pourraient fournir au gouvernement d'utiles renseignements sur cette importante question.
Qu'il me soit permis, en terminant, de citer ici un passage d'une lettre que M. Van Beneden écrivait à M. Bortier.
« On peut dire d'une manière générale, que les criques et les plantes marines sont favorables au développement des poissons et que l'une et l'autre de ces conditions font défaut sur notre plage ; mais on ne doit pas perdre de vue que la pente insensible de cette plage, qui permet au poisson de déposer ses œufs à toutes les profondeurs, n'est pas moins favorable au grand nombre.
« Du reste, voici des faits : j'ai péché au mois d'avril et de mai des embryons de poissons (turbots, soles, etc.,) qui n'avaient que quelques heures, d'autres quelques jours et qui évidemment étaient éclos là où je les ai péchés. Qu'on examine le produit de certaines pêches et on sera surpris du nombre de jeunes soles, turbots, etc., que chaque coup de filet fait apparaître, »
Ainsi, vous le voyez, messieurs, la question est sérieuse et mérite à tous égards de fixer l'attention bienveillante du gouvernement qui, je n'en doute pas, voudra bien aussi consulter la législation en cette matière des pays maritimes qui nous environnent,
La question doit être étudiée et jugée en dehors des intérêts privés et locaux, et ainsi examinée, je ne doute nullement qu'elle ne soit cette fois tranchée dans le sens des honorables pétitionnaires.
J'appuie donc de toutes mes forces le renvoi, dans ce sens, de cette pétition à l'honorable ministre des affaires étrangères.
(page 1685) M. de Naeyer. - Messieurs, je n'ai que deux mots à dire. Je trouve que les pêcheurs de la Panne sont d'autant plus dignes de sollicitude et d'intérêt, que leurs prétentions, au moins, ne vont pas jusqu'à demander un port de refuge.
- Le renvoi de la pétition à M. le ministre des affaires étrangères est mis aux voix et adopté.
M. Orts. - J'ai l'honneur de proposer à la Chambre de vol'oir bien voter les crédits spéciaux qui sont à son ordre du jour, y compris le projet de loi relatif au bois de la Cambre, avant de reprendre la discussion du traité de commerce avec la France. Il est évident que la Chambre ne se trouvera plus en nombre après le vote du traité.
- Cette proposition est adoptée.
M. d’Hoffschmidt. - Messieurs, je demande la parole pour faire une courte interpellation à M. le ministre des finances, en l'absence de M. le ministre des travaux publics.
Le 25 du mois dernier, une convention a été conclue avec le département des travaux publics pour la concession d'un chemin de fer destiné à traverser toute la province de Luxembourg, en passant par Neufchâteau, Bastogne et reliant le réseau français des Ardennes au réseau luxembourgeois et à l'Allemagne. M. le ministre des travaux publies avait pris l'engagement vis-à-vis des concessionnaires et vis-à-vis de mon honorable collègue, M. de Moor, et de moi, de présenter le projet dans cette session. J'ignore quels sont les motifs qui ont empêché jusqu'ici la présentation.
Messieurs, c'est un objet d'un très haut intérêt pour le Luxembourg. Nous avons voté, nous Luxembourgeois, tous les crédits qui nous ont été demandés pour les autres parties du pays ; nous avons voté les fortifications d'Anvers, les crédits nécessaires pour la transformation de l'artillerie, nous avons voté 80 millions pour travaux publics ; il me semble qu'on devrait en tenir compte.,
Je demanderai donc à M. le ministre des finances de vouloir bien me dire si le projet dont il s'agit sera présenté dans le cours de cette session, ou tout au moins au commencement de la session prochaine.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, l'honorable M. d'Hoffschmidt dit très vrai lorsqu'il rappelle qu'une convention a été signée pour un chemin de fer qui doit traverser une partie de la province de Luxembourg.
Ce chemin de fer devait s'exécuter avec une subvention de l'Etat. Des engagements, comme il le rappelle, ont été pris par le département des travaux publics dès le 25 avril dernier, et c'est à cause de ces engagements que nous n'avons pas pu consentir à imposer pour d'autres travaux de nouvelles charges au trésor public.
Nous avions l'espoir que ce projet de loi aurait pu être déposé, mais, l'honorable membre le sait, il a fallu modifier une clause de la convention et les pièces ne sont revenues que le 14 de ce mois.
Nous avons le 18. Il est, vous le comprendrez, absolument impossible que le projet soit utilement présenté dans cette session ; mais, je le répète, cet engagement subsiste et le projet de loi sera déposé au début de la session prochaine.
M. d’Hoffschmidt. - Ce serait difficile en effet dans cette session-ci.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Evidemment. C'est la seule raison d'un retard qui ne peut nous être imputé.
M. de Moor. - Après les explications catégoriques que M. le ministre des finances vient de donner à la Chambre, en réponse à la motion d'ordre, si parfaitement justifiée, de mon honorable ami et collègue du Luxembourg, pour ne pas abuser des moments de la Chambre visiblement pressée de terminer aujourd'hui ses travaux, je me contente de prendre acte de la déclaration de M. le ministre des finances, que le projet de loi du chemin de fer international, qui intéresse à un si haut point le pays et surtout la province qui nous a fait l'honneur de nous envoyer dans cette enceinte, sera déposé dès le début de la session prochaine.
Tout en étant forcé de me déclarer satisfait des explications que nous a données M. le ministre des finances, j'exprime le regret bien vif que le gouvernement ne se soit pas trouvé en position de déposer ce projet de loi dans la session actuelle.
M. d'Hoffschmidt. - Je prends acte, de même que mon honorable ami M. de Moor, de ce que vient de dire M. le ministre des finances, c'est-à-dire qu'il y a engagement de la part du gouvernement et que le projet de loi sera présenté au début de la session prochaine. Je regrette profondément qu'il ne l'ait pas été dans cette session-ci.
La discussion générale est ouverte. Personne ne demandant la parole, cette discussion est close, et l'assemblée passe à la discussion des articles.
« Art. 1er. Il est ouvert au département de la justice un crédit provisoire de 20,000 francs, destiné à pourvoir aux dépenses nécessitées par le complément de l'enquête sur la bienfaisance, instituée par le gouvernement. »
- Adopté.
« Art. 2. Ce crédit sera rattaché au budget dudit département pour l'exercice 1861, dont il formera l'article 59bis, « Charges temporaires et extraordinaires » ; il sera couvert au moyen des ressources ordinaires de l'exercice. »
- Adopté.
Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet de loi.
79 membres y prennent part.
78 membres répondent oui.
1 membre (M. Vander Donckt) s'abstient.
Ont répondu oui : MM. de Boe, de Breyne, de Bronckart, de Brouckere, Dechentinnes, de Decker, de Florisone, de Gottal, de Man d'Attenrode, de Mérode-Westerloo, de Montpellier, de Moor, de Muelenaere, de Naeyer, de Paul, de Pitteurs-Hiegaerts, de Portemont, de Renesse, de Ruddere de Te Lokeren, Desmaisières, de Smedt, de Terbecq, de Vrière, d'Hoffschmidt, B. Dumortier, H. Dumortier, d’Ursel, Faignart, Frère-Orban, Frison, Grandgagnage, Grosfils, Guillery, Hymans, Jacquemyns, Jamar, Janssens, J. Jouret, M. Jouret, Landeloos, Lange, Laubry, le Bailly de Tilleghem, J. Lebeau, Lesoinne, Loos, Magherman, Mercier, Moncheur, Moreau, Mouton, Muller, Nélis, Neyt, Notelteirs, Nothomb, Orban, Orts. Rodenbach, Saeyman, Savart, Snoy, Tack, Thienpont, Vanden Brandon de Reeth, E. Vandenpeereboom, Van Dormael, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Overloop, Van Renynghe, Van Volxem, Verwilghen, Wasseige, Allard, Braconier, Carlier, de Baillet-Latour et Vervoort.
Le projet de loi sera transmis au Sénat.
M. le président. - M. Vander Donckt est prié de faire connaître les motifs de son abstention.
M. Vander Donckt. - Je n'ai pas voulu m'opposer à l'allocation demandée, mais j'aurais voulu, ainsi que la section centrale en a exprimé le désir, qu'une partie de ce crédit fût employée à indemniser les secrétaires communaux de l'énorme surcroît de travail que cette affaire leur a imposé.
En présence de l'empressement manifesté par la Chambre de terminer le plus tôt possible, ses travaux, je n'ai pas voulu prendre la parole, pour le moment, mais je me réserve sur cette affaire à une prochaine occasion.
Ces motifs ne me permettaient pas de voter le projet de loi.
M. Loos.—Ainsi que la section centrale l'a fait remarquer dans son rapport, il paraît évident qu'il serait utile que le gouvernement prît (page 1686) une décision au sujet de l'entrepôt d'Anvers. Les bâtiments restent tous jours dans la situation la plus fâcheuse depuis les deux sinistres qu'il ont éprouvés, rien n'a été réparé ; et ces bâtiments ne servent qu'à moitié à l'usage auquel ils sont destinés. D'un autre côté, les appréhensions les plus graves existent quant à la solidité des magasins. Aussi, pour atténuer autant que possible le danger, on charge moins, et l'insuffisance des locaux s'en accroît considérablement.
Il ne sera pas suppléé complètement à cette insuffisance par la construction du hangar, pour lequel ce crédit est demandé ; on améliorera un peu la situation et c'est ce qui m'a porté à voter le projet de loi au sein de la section centrale.
Il importe aux intérêts généraux du pays aussi bien qu'à ceux du commerce, que l'entrepôt d'Anvers soit rendu à sa destination primitive ; c'est-à-dire qu'on le rétablisse dans l'état où il était avant les deux sinistres qui l'ont frappé. Il y a quelque chose d'humiliant, je dirai, à voir un établissement public de cette importance rester dans la situation où il est depuis deux ans.
Si le gouvernement ne veut pas faire la dépense nécessaire, qu'il vende l'entrepôt ou qu'il prenne un autre parti quelconque (ce n'est pas à moi à le lui indiquer) ; mais il faut absolument que l'on mette fin à une situation dont on ne trouve d'exemple dans aucun autre pays. Nulle part on ne trouverait un établissement public de cette importance dans un pareil état de délabrement et il est plus que temps que le gouvernement fasse cesser cet état de choses.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je ne pense pas que les craintes que manifeste l'honorable représentant d'Anvers au sujet de l'entrepôt soient fondées. M. le ministre des travaux publics, qui a dans ses attributions le soin des bâtiments civils, a fait surveiller très attentivement l'état de l'entrepôt ; et, ainsi qu'il l'a déclaré en répondant à une question posée par la section centrale, on a pris toutes les précautions pour éviter le moindre accident.,
Quant aux hangars qu'on propose de construire, il a été reconnu par une commission qui a été nommé par les départements des travaux publics et des finances, que c'était le meilleur mode qu'on pût adopter dans les circonstances actuelles pour servir de dépôt de marchandises. Cela sera beaucoup pins satisfaisant pour le commerce que des locaux à étages très élevés qui exigent des frais plus considérables pour l'emmagasinage des marchandises.
Il est bien vrai, comme le dit l'honorable membre, que la situation où se trouve l'entrepôt d'Anvers est tout à fait provisoire et qu'il y aura des décisions à prendre ultérieurement soit pour la conservation de cet établissement entre les mains de l'Etat, soit pour l'aliénation moyennant certaines conditions, qui permettrait de créer à Anvers des établissements dont cette ville importante a véritablement besoin. J'ai eu personnellement l'occasion de m'occuper de cette question et j'aurais été heureux d'y voir donner une solution de nature à satisfaire la ville d'Anvers.
M. Loos. - Je n'ai pas prétendu qu'il y eût un danger réel ; si je le croyais, ce seraient des protestations énergiques que je ferais entendre. Je crois qu'on prend les précautions nécessaires pour qu'aucun malheur ne survienne. Je laisse, au reste, toute responsabilité au gouvernement. Je dis cependant qu'il est déplorable d'avoir une situation comme celle qui existe à l'entrepôt d'Anvers, se prolonger aussi longtemps, d'autant plus qu'on ne sait pas quand elle cessera.
Dans aucun pays du monde, on ne voit des établissements publics aussi importants rester dans un état semblable. M. le ministre dit qu'il a vu avec plaisir des établissements particuliers se formera Anvers, pour remplacer l'entrepôt.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je n'en ai pas parlé. J'ai dit qu'il y aurait des mesures à prendre ultérieurement, soit pour la conservation de l'entrepôt d'Anvers entre les mains de l'Etat, soit pour l'aliéner moyennant certaines conditions qui permettraient de créer à Anvers des établissements dont cette ville a véritablement besoin.
M. Loos. - Je dois attendre qu'on mette l'entrepôt dans une situation meilleure, mais en attendant j'appellerai l'attention de M. le ministre sur l’insuffisance de l'entrepôt. Des établissements particuliers, des magasins considérables ont été installés aux environs de l'entrepôt, mais ces établissements ne jouissent pas des avantages de l'entrepôt du gouvernement. Je le prie, en attendant qu'il prenne un parti pour fournir au commerce les locaux nécessaires, de faciliter les rapports de ces établissements particuliers avec la douane.
- La discussion générale est close.
« Art. 1er. Il est accordé au département des travaux publics, pour le service des bâtiments civils, un crédit supplémentaire de cent quarante-cinq mille francs (fr. 145,000), savoir :
« 1° Construction de hangars en charpente dans les cours de l'entrepôt général de commerce d'Anvers, et exécution de différents ouvrages de consolidation aux bâtiments et dépendances dudit entrepôt : fr. 120,000.
« 2° Reconstruction du bâtiment contenant les bureaux du receveur des douanes et d'un mur dans la cour principale de l'entrepôt : fr. 25,000.
« Ensemble : fr. 145,000. »
- Adopté.
« Art. 2. Ce crédit sera couvert au moyen des ressources ordinaires de l'Etat et formera l'article 12bis du budget du département des travaux publics, exercice 1861. »
- Adopté.
Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet.
Il est adopté à l'unanimité des 84 membres qui ont répondu à l'appel nominal. Il sera transmis au Sénat.
Ont répondu à l'appel : MM. de Boe, de Breyne, de Bronckart, de Brouckere, Dechamps, Dechentinnes, de Decker, de Florisone, De Fré, de Gottal, de Haerne, de Maere, de Man d'Attenrode, de Mérode-Westerloo, de Montpellier, de Moor, de Muelenaere, de Naeyer, de Paul, de Pitteurs-Hiegaerts, de Portemont, de Renesse, de Ruddere de Te Lokeren, Desmaisières, de Smedt, de Terbecq, de Vrière, d'Hoffschmidt, B. Dumortier, H. Dumortier, d'Ursel, Faignart, Frère-Orban, Frison, Grandgagnage, Grosfils, Hymans, Jacquemyns, Jamar, Janssens, J. Jouret, M. Jouret, Landeloos, Lange, Laubry, Le Bailly de Tilleghem, Ch. Lebeau, J. Lebeau, Lesoinne, Loos, Magherman, Moncheur, Moreau, Mouton, Muller, Nélis, Neyt, Notelteirs, Nothomb, Orban, Orts, Pirmez, Rodenbach, Saeyman, Savart, Snoy, Tack, Thienpont, Vanden Branden de Reeth, E. Vandenpeereboom, Vander Donckt, Van Dormael, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Overloop, Van Renynghe, Van Volxem, Verwilghen, Wasseige, Allard, Braconier, Carlier, de Baillet-Latour, de Bast et Vervoort.
Personne ne demandant la parole dans la discussion générale, la Chambre passe à la discussion des articles.
« Art. 1er. Un crédit spécial de quinze cent dix francs trente-deux centimes (1,510 fr. 32 c.) est alloué au département des travaux publics, pour dépenses arriérées relatives à l'établissement du canal latéral à la Meuse, de Liège à Maestricht. »
- Adopté.
« Art. 2. Ce crédit sera couvert au moyen des ressources ordinaires de l'exercice 1861. »
- Adopté.
Il est procédé à l'appel nominal sur l'ensemble du projet. En voici le résultat :
Le projet de loi est adopté à l'unanimité des 81 membres qui ont répondu à l'appel nominal. Il sera transmis au Sénat.
Ont répondu à l'appel : MM. de Boe, de Breyne, de Bronckart, de Brouckere, Dechamps, Dechentinnes, de Decker, de Florisone, De Fré, de Gottal, de Haerne, de Maere, de Man d'Attenrode, de Mérode Westerloo, de Montpellier, de Moor, de Naeyer, de Paul, de Pitteurs-Hiegaerts, de Portemont, de Renesse, de Ruddere de Te Lokeren, de Smedt, de Terbecq, de Vrière d'Hoffschmidt, Dolez, B. Dumortier, H. Dumortier, d'Ursel, Faignart, Frère-Orban, Frison, Grandgagnage, Grosfils, Hymans, Jacquemyns, Jamar, Janssens, J. Jouret, M. Jouret, Landeloos, Lange, Laubry, le Bailly de Tilleghem, Ch. Lebeau, J. Lebeau, Lesoinne, Loos, Magherman, Moncheur, Moreau, Mouton, Muller, Nélis, Neyt, Notelteirs, Nothomb, Orban, Orts, Pirmez, Rodenbach, Saeyman, Savart, Snoy, Tack, Thienpont, Vanden Brandon de Reeth, E. Vandenpeereboom, Vander Donckt, Van Dormael, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Overloop, Van Renynghe, Van Volxem, Verwilghen, Wasseige, Allard, Braconier, de Baillet-Latour et Vervoort.
(page 1687) M. le président. - La commission propose une modification à l'article 3 et un article additionnel et conclut, moyennant ces amendements, à l'adoption du projet de loi.
M. le ministre des finances se rallie-t-il à ces amendements ?
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je me rallie à la disposition additionnelle à l'article 3, mais quant à la disposition qui tend à conférer un droit de police à la ville de Bruxelles sur la forêt concédée et l'avenue qui y conduit, comme si le terrain que ces promenades occupent, faisaient partie du territoire de Bruxelles, le gouvernement a des scrupules constitutionnels sur le caractère de cette disposition et il prie la commission spéciale de vouloir retirer cet amendement. Il y aura lieu à une loi particulière pour régler ce point.
Je reconnais qu'il est indispensable que la police soit exercée dans le bois de la Cambre et l'avenue par la ville de Bruxelles. Le moyen d'arriver à conférer ce droit de police à la ville n'est pas seulement celui qui a été indiqué par la commission spéciale.
M. Orts, rapporteur. - Le gouvernement et la commission spéciale sont parfaitement d'accord qu'il faut que la police du bois de la Cambre et de l'avenue appartienne à la ville de Bruxelles. Mais ils ne sont pas d'accord sur le moyen propre à atteindre ce but. Le moyen proposé par la commission soulève des scrupules. Ces scrupules sont sérieux, et pour les dissiper, il faudrait une discussion assez importante, assez sérieuse aussi. Dans cet état de choses, et devant la déclaration du gouvernement qu'il présentera, à la session prochaine, une loi spéciale destinée à trancher cette question dans un moment plus opportun, la commission retire l'article additionnel qu'elle avait proposé.
M. Allard. - Messieurs, lors de la discussion de la loi sur les travaux publics, l’honorable M. Hymans a dit en terminant son discours qu'il espérait bien que tous ses collègues voteraient contre l'ensemble de la loi, si Bruxelles n'obtenait pas le chemin de fer direct de Bruxelles à Louvain. Cela est arrivé, il y a donc eu coalition de la part des honorables députés de Bruxelles contre ceux qui devaient jouir des travaux publics. J'étais bien décidé à faire aussi une coalition contre Bruxelles et à engager tous ceux qui, si la loi avait été rejetée, auraient été déshérités de travaux publics, à voter contre le projet de loi qui nous est soumis. Mais, messieurs, je ne veux pas le faire. Je veux attacher mon nom à la loi qui va être adoptée et prouver par mon vote que je tiens à ce que la Belgique ait une capitale digne d'elle.
Je voterai donc la loi. Mais j'engage les honorables députés de Bruxelles à ne plus faire de coalition contre nos arrondissements, car, qu'ils le sachent bien, nous saurons, au besoin, en faire contre eux.
M. Hymans. - Je demande la parole (Interruption.)
- Plusieurs membres. - Non ! non !
M. Hymans. - Je renonce à la parole.
- La discussion est close.
« Art. 1er. Le gouvernement est autorisé à concéder à la ville de Bruxelles la partie de la forêt de Soignes connue sous le nom du « Bois de la Cambre », et contenant 166 hectares 90 ares 70 centiares, pour la transformer en parc public. »
- Adopté.
« Art. 2. Cette concession sera consentie aux conditions suivantes :
« 1° L'Etat se réservera expressément la futaie et le taillis qui devront disparaître pour l'établissement du parc. Cette futaie et ce taillis seront vendus au profit du trésor par les soins de l'administration des eaux et forêts ;
« 2° Après cette opération, l'ensemble de la propriété, avec la futaie et le bois taillis à conserver, sera remis à l'administration communale ;
« 3° La ville exécutera à ses frais tous les travaux d'appropriation, et elle subviendra à toutes les dépenses d'entretien, de surveillance et de police ;
« 4° Elle soumettra préalablement, à l'approbation du gouvernement, les projets des travaux à exécuter ;
« 5° Elle payera à l'Etat une redevance annuelle représentant le revenu de la propriété concédée, évalué à 11,000 francs ; mais cette somme sera réduite proportionnellement à la diminution que les ventes de futaie et de taillis à opérer avant son entrée en jouissance feront subir à la valeur actuelle de la superficie, fixée à 600,000 francs ;
« 6° Elle conservera à la propriété concède la destination du parc public, et elle ne pourra jamais l'aliéner, en tout ou en partie ;
« 7° Si la ville renonçait à conserver ce parc, ou cessait de remplir l'uni ou l'autre des conditions de la concession, le gouvernement rentrerait en possession de toute la propriété telle qu'elle se trouvera, sans que l'administration communale pût élever aucune prétention du chef des améliorations qui y auront été faite.
- Adopté.
« Art. 3. La partie du bois concédée sera distraite du régime forestier. »
La commission propose d'ajouter, « sauf en ce qui concerne les servitudes légales qui grèvent les propriétés voisines. »
L'article ainsi modifié est adopté.
Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet de loi qui est adopté par 85 voix contre 2.
Ont voté l'adoption : MM. de Boe, de Breyne, de Bronckart, de Brouckere, Dechamps, Dechentinnes, de Decker, de Florisone, De Fré, de Gottal, de Maere, de Man d'Attenrode, de Mérode-Westerloo, de Montpellier, de Moor, de Naeyer, de Paul, de Pitteurs-Hiegaerts, de Portemont, de Renesse, de Rongé, de Ruddere de Te Lokeren, Desmaisières, de Smedt, de Terbecq, de Vrière, d'Hoffschmidt, Dolez, B. Dumortier, H. Dumortier, d'Ursel, Faignart, Frère-Orban, Frison, Grandgagnage, Grosfils, Hymans, Jacquemyns, Jamar, Janssens, J. Jouret, M. Jouret, Landeloos, Lange, Laubry, C. Lebeau, J. Lebeau, Lesoinne, Loos, Magherman. Moncheur, Moreau, Mouton, Muller, Nélis, Neyt, Notelteirs, Nothomb, Orban, Orts, Pirmez, A. Pirson, Rodenbach, Rogier, Saeyman, Snoy, Tack, Vanden Branden de Reeth, E. Vandenpeereboom, Vanderstichelen, Van Dormael, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Overloop, Van Renynghe, Van Volxem, Verwilghen, Wasseige, Allard, Braconier, Carlier et Vervoort.
Ont voté le rejet : MM. Thienpont et Vander Donckt.
M. le président. - L'article unique du projet est ainsi conçu :
« Article unique. Il est ouvert au département de l'intérieur un crédit de deux cent vingt-cinq mille francs (fr. 225,000), applicable aux dépenses résultant de la participation des producteurs belges à l'exposition universelle qui doit avoir lieu à Londres en 1862.
« Ce crédit sera prélevé sur les ressources de l'exercice 1861 et formera l'article 69bis du chapitre XIII du budget du ministère de l'intérieur pour ledit exercice. »
Cet article unique est mis aux voix par appel nominal et adopté à l'unanimité des 85 membres présents.
Ce sont : MM. de Boe, de Breyne, de Bronckart, de Brouckere, Dechamps, Dechentinnes, de Decker, de Florisone, De Fré, de Gottal, de Haerne, de Maere, de Man d'Attenrode, de Mérode-Westerloo, de Montpellier, de Moor, de Naeyer, de Paul, de Pitteurs-Hiegaerts, de Portemont, de Renesse, de Rongé, de Ruddere de Te Lokeren, Desmaisières, de Smedt, de Terbecq, Devaux, de Vrière, d’Hoffschmidt, Dolez, H. Dumortier, d'Ursel, Faignart, Frère-Orban, Frison, Goblet, Grandgagnage, Grosfils, Hymans, Jacquemyns, Jamar, Janssens, J. Jouret, M. Jouret, Landeloos, Lange, Laubry, J. Lebeau, Lesoinne, Loos, Magherman, Mercier, Moncheur, Moreau, Mouton, Muller, Neyt, Notelteirs, Nothomb, Orban, Orts, Pirmez, A. Pirson, Rodenbach, Rogier, Snoy, Tack, Thienpont, Vanden Branden de Reeth, E. Vandenpeereboom, Vander Donckt, Vanderstichelen, Van Dormael, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Overloop, Yan Renynghe, Verwilghen, Wasseige, Allard, Ansiau, Braconier, Carlier et Vervoort.
M. de Montpellier. - Messieurs, un de nos collègues, auquel nous portons tous, et surtout dans les circonstances pénibles où il se trouve actuellement, la plus profonde comme la plus cordiale sympathie, l’honorable M. Vermeire me communiquait un jour une idée, dont j'aime à me faire l'interprète. Notre estimable ami avait l'intention d'engager le gouvernement à ouvrir à Bruxelles, dans un avenir peu éloigné, une exposition universelle à l'instar de celles de Londres et de Paris.
J'ai l'honneur de demander à M. le ministre de l'intérieur si cette idée lui sourit : il comprendra facilement quel bien la réalisation de cette idée procurerait à l'industrie et au commerce de notre pays.
C'est donc au nom de notre honorable ami et en m'associant à ses vues que j'adresse cette demande au gouvernement.
(page 1688) M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, il y aura en 1862 une exposition universelle à Londres.
- Des membres. - On la demande à Bruxelles pour 1863.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Pour 1863, messieurs, nous avons encore du temps devant nous. Un arrêté royal a décrété qu'il y aurait tous les 5 ans une exposition générale d'agriculture ; jusqu'ici nous avons reculé devant la dépense qu'une exposition aussi considérable occasionnerait. Je parle d'une exposition d'agriculture, et je crois, messieurs, que nous devrions commencer par là.
Je dirai toutefois à l'honorable membre, ce qui l'intéressera sans doute, que cette année, avec le concours de l'association agricole du Brabant et de la Société Linnéenne, nous pourrons donner à l'exposition du mois de septembre une assez grande extension.
Je le répète, messieurs, pour 1862, nous ne pouvons pas songer à une exposition universelle, puisqu'il y en aura une à Londres. Pour 1863 on pourra aviser, mais je crois qu'il faudrait commencer par une exposition agricole.
« Art. 1er, § 1er. Le minimum de la recette trimestrielle du droit d'accise sur les sucres est fixé à 1,500,000 francs.
« § 2. Lorsque la moyenne de la consommation de trois années consécutives, du 1er juillet d'une année au 30 juin de l'année suivante, est supérieure à 16,860,000 kilogrammes de sucre, le minimum mentionné au paragraphe premier est augmenté de 50,000 francs par quantité de 500,000 kilogrammes formant l'excédant.
« § 3. Indépendamment des éléments mentionnés au paragraphe 3 de l'article 10 de la loi du 18 juillet 1860, on tient compte pour constater la moyenne de la consommation, des quantités de sucre raffiné importées sous le régime du traité.
M. H. Dumortier. - Messieurs, une circonstance indépendante de ma volonté m'a empêché d'assister à la séance d'hier. Si j'avais pu être présent j'aurais soumis à la Chambre quelques observations dans le sens de celles qui ont été faites par MM. Tack et de Haerne, relativement à l'article 40 de la loi sur les entrepôts. J'ai parcouru ce matin les Annales parlementaires et je n'y ai pas trouvé la déclaration bien précise, bien explicite du gouvernement sur ses intentions relativement à cette disposition de la loi. Sera-t-elle maintenue ou faut-il craindre de la voir retirer ? Je désire, dans l'intérêt de l'industrie et surtout de l'industrie de l'arrondissement qui m'a envoyé dans cette enceinte, que M. le ministre des affaires étrangères veuille bien nous donner un mot d'explications.
M. Tack. - L'honorable ministre des affaires étrangères m'avait fait une déclaration positive et bien catégorique qui, par erreur, n'a pas été reproduite dans les Annales parlementaires. Je pense que cette omission sera réparée dans le numéro de demain.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Vrière). - Messieurs, quant à l'application de l'article 40, M. le ministre des finances a répondu à la section centrale en des termes qui l'ont complètement satisfaite. Je crois, par conséquent, n'avoir rien à ajouter à cette réponse. Mais l'honorable M. Tack m'avait fait hier une question spéciale ; il m'avait demandé si, dans mon opinion, les tissus faits en entrepôt, au moyen de fils étrangers, conformément à l'article 40, si ces tissus seraient reçus en France, comme s'ils étaient faits au moyen de fils belges.
J'ai répondu à l'honorable M. Tack que cela ne pouvait pas faire l'ombre d'un doute puisque le fil anglais est reçu en France au même droit que le fil belge et réciproquement.
Cette déclaration, je ne sais par quelle inadvertance, n'a pas été reproduite dans les Annales parlementaires, j'avais cependant corrigé l'épreuve.
M. de Brouckere. - Messieurs, je suis l'un des deux membres de la section centrale qui se sont abstenus lors de la mise aux voix du traité dans le sein de la section.
Je n'ai pu partager l'espèce d'engouement que, d'une part, on manifestait peur le traité ; j'ai bien moins encore voulu m'associer aux reproches exagérés dont il a été l'objet, d'autre part.
J'ai appuyé la position de réserve, que je prenais alors, sur des considérations générales que je ne reproduirai pas aujourd'hui, puisque l'article premier est voté et que, d'ailleurs, je conçois l'empressement de la Chambre de terminer cette discussion ; je l'ai appuyée particulièrement sur l'insertion, dans le traité du 1er mai, de dispositions qui modifient ou plutôt qui changent complètement, qui bouleversent notre législation sur les sucres.
C'est relativement à ces dispositions que je demande à la Chambre la permission de dire quelque mots.
C'est, messieurs, une chose extrêmement regrettable, de l'aveu presque général, que la nécessité où semble s'être trouvé le gouvernement de laisser insérer dans le traité du 1er mai, traité, remarquons-le bien, qui n'était par sa nature qu'un traité douanier ; d'y laisser insérer des dispositions qui modifient notre législation intérieure sur une des branches les plus importantes de notre industrie nationale ; d'y laisser insérer des dispositions qui lient le gouvernement et les Chambres, en ce qui concerne nos exportations, même vers les pays autres que celui avec lequel nous traitons.
Et quand je dis que c'est un sujet de regret presque général, je suis autorisé à le dire ; car dans la quatrième section dont je faisais partie, ce regret a été énoncé à l'unanimité des voix moins une ; et dans la section centrale je puis dire que ce regret a été partagé par tout le monde.
Mais il y a plus, nous lisons l'expression de ce regret en termes très formels dans l'exposé des motifs que nous a présenté le gouvernement. Le gouvernement dit lui-même que les plénipotentiaires belges, d'après les instructions qu'il leur avait donnés, ont fait tous leurs efforts auprès des commissaires français pour que la question des sucres ne fût pas tranchée dans le traité du 1er mai.
On en a fait, paraît-il, une condition sine qua non de la part des commissaires français ; les représentants belges ont dû céder, et, je le répète, c'est une chose éminemment regrettable. Du reste, n'attendez de moi ni récriminations, ni reproches ; l'égalité des droits pour les deux sucres est un fait consommé, et dans peu de moments, le traité déclarera ce fait irrévocable en quelque sorte, car le traité va être adopté par une très grande majorité dont je ferai partie moi-même.
Mais, messieurs, la section centrale ne s'en est pas tenue à exprimer un regret, elle a été plus loin.
Voici, messieurs, ce que vous pouvez lire dans son rapport :
« La section centrale recommande au gouvernement d'examiner s'il ne serait pas possible d'améliorer la position faite aux sucres de betterave et de leur accorder les facilités d'exportation dont ils jouissent en France. »
Cette recommandation est votée par six membres ; un membre s'abstient.
Ainsi la section centrale, par six voix et une abstention, énonce l'opinion que le gouvernement doit faire tout ce qui est en son pouvoir, au moment où une grande industrie est frappée d'un coup inattendu ; doit faire tout ce qui est en son pouvoir pour améliorer sa position.
Et comment peut-on l'améliorer ? Comment peut-on répondre au vœu de la section centrale ? Uniquement en facilitant l'exportation.
Evidemment, une partie de la place que le sucre de betterave occupe dans le marché intérieur, va être envahie par l'industrie rivale ; cela n'est pas douteux ; et le sucre de betterave n'a pas d'autre ressource en perspective que celle d'augmenter son exportation.
Je vais indiquer à la Chambre deux mesures qui amélioreraient la situation que l'on fait au sucre de betterave. Une de ces mesures est déjà acceptée par M. le ministre des finances ; l'autre mesure est d'une application extrêmement facile, et je ne désespère pas qu'avant la fin de cette séance nous serons d'accord avec M. le ministre des finances.
Voici la première mesure ; j'ai fait en section centrale, par voie d'amendement, la proposition suivante :
« Le sucre brut de betterave sera admis dans les entrepôts avec décharge des droits d'accise. »
Messieurs, pour ceux qui ne se seraient pas occupés de cette matière, je dirai deux mots qui expliqueront le sens de cette disposition.
Vous savez tous que d'après la loi on ne peut exporter que les sucres qu'on qualifie de blonds et de secs. Quand un négociant, un exportateur vient acheter des sucres chez un fabricant, le marché est toujours extrêmement difficile à conclure, parce que le fabricant ne peut en aucune manière garantir à l'acheteur que le sucre est d'une nature telle que l'exportation puisse s'en faire sans difficulté.
Et dans l'incertitude où se trouvent et le vendeur et l'acheteur, le marché se fait sans condition, ou se fait d'une manière onéreuse pour le fabricant.
Or, du moment que les sucres seront admis en entrepôt avec décharge des droits, ils auront subi la vérification de l'administration de la douane ; ils auront été reconnus exportables, si je puis me servir de ce mot.
Dès lors, le négociant, l'exportateur pourra acheter des sucres en entrepôt, avec la certitude de ne rencontrer aucune difficulté de la part (page 1689) de l'administration des finances, au moment où il voudra les exporter.
M. le ministre des finances, en acceptant notre amendement, en a modifié les termes ; il propose, comme article 3, ce qui suit :
« Par extension au littera C de l'article 45 de la loi du 4 avril 1843, le sucre brut de betteraves est admis en dépôt dans l'entrepôt public. »
Vous remarquerez, messieurs, que la disposition présentée par M. le ministre des finances ne répète pas ces mots qui se trouvent dans mon amendement : « avec décharge des droits d'accise » ; mais, d'après les explications qu'il a bien voulu me donner, cela va de soi, c'est de plein droit.
Du moment que le sucre est admis en entrepôt, c'est avec décharge du droit d'accise.
Ainsi, voilà un point sur lequel nous sommes d'accord, et c'est un point, je dois le dire, assez essentiel.
Mais comme corollaire, messieurs, à cette concession que le gouvernement nous a faite et dont je lui sais gré, je dois réclamer, pour ma part, un acte de justice, ou, s'il aime mieux que je me serve d'une autre expression, un acte de bienveillance.
C'est une vérité que tout le monde reconnaîtra que Mons est le principal centre des grandes usines à sucre.
Eh bien, il n'y a point à Mons d'entrepôt où les sucres puissent être placés. Vous devez comprendre combien il serait onéreux pour les fabricants de devoir envoyer leurs sucres en entrepôt soit à Bruxelles, soit à Anvers, soit à Gand.
Je demanderai à M. le ministre des finances de vouloir bien prendre des mesures pour que, dans un délai aussi court que possible, on puisse établir à Mons un local qui serve d'entrepôt pour les sucres.
Ce ne sera, à coup sûr, ni une grande dépense ni une chose bien difficile. Du reste, je me borne à recommander l'objet à l'attention de M. le ministre, je n'insiste pas pour qu'il me donne une réponse aujourd'hui.
J'arrive maintenant, messieurs, à une seconde concession à laquelle je crois que tous les fabricants de sucre sans exception tiendraient excessivement et que le département des finances peut faire sans difficultés.
Je vous ai dit tout à l'heure qu'on ne permet l'exportation que des sucres blonds et secs.
Vous devez comprendre tout le vague de ces deux expressions : « Blonds et secs. »
Qu'est-ce que c'est que blond ?
Mais, messieurs, jetez les yeux autour de vous. Nous avons parmi nous plusieurs collègues blonds. Vous verrez qu'ils ne le sont pas tous au même degré.
- Un membre. - Et sec !
M. de Brouckere. - J'arriverai tout à l'heure au sec, mais pour le moment permettez-moi de m'occuper un peu du blond.
Eh bien, je dis qu'il y a une quantité de nuances qu'on peut appeler blondes.
Commandez à dix artistes de faire chacun une figure avec cheveux blonds. Je mets en fait que vous aurez 10 nuances différentes selon que chaque artiste envisagera ce qu'on appelle la couleur blonde.
Vous en aurez qui seront d'un blond pâle, très pâle même ; vous en aurez qui seront d'un blond très foncé, tirant même sur le brun.
Or, remarquez-le bien, l'exportation des sucres bruns est prohibée.
Cela prête considérablement à l'arbitraire, C'est en quelque sorte une appréciation laissée au caprice de l'administration.
Du sucre qui aura été trouvé blond par un douanier, pourra être trouvé brun le lendemain par un autre. Que dis-je ? Il pourra même être trouvé brun le lendemain par le même douanier.
M. Loos. - Cela est arrivé.
M. H. de Brouckere. - On dit à ma droite que cela est arrivé ; je l'ignore. Mais cela ne m'étonne pas et cela arrivera encore. Maintenant, qu'est-ce que sec ?
Messieurs, sec, ce n'est pas une qualification absolue. Il y a sec, il y a plus sec, moins sec, très sec.
Tout cela prêle singulièrement à l'arbitraire.
Eh bien, messieurs, voici ce que demandent les fabricants de sucre.
Ils demandent, sans qu'on change rien à la loi, que M. le ministre des finances ait l'obligeance de décréter en quelque sorte un type blond et sec et qu'il soit convenu que tous les sucres pareils au type arrêté et les qualités supérieures à ce type pourront être exportés.
Nous avons fait connaître ce désir à M. le ministre des finances dans le sein de la section centrale. Il nous a montré un type et pour ma part je me suis déclaré parfaitement satisfait.
Mais voici ce que nous désirons en outre, c'est qu'au lieu que ce type soit simplement déposé dans les bureaux du département des finances, on en envoie un spécimen à chacun des bureaux frontières par lesquels se fait l'exportation des sucres ; de plus que chaque fabricant puisse en réclamer pour lui-même un spécimen, bien entendu moyennant remboursement des frais.
De cette manière il n'y aura aucune espèce d'erreur possible.
Chaque fabricant saura quel sucre il doit fabriquer pour l'exportation et lorsque le sucre sera présenté au bureau frontière, il y aura une simple confrontation à faire, qui ne pourra donner lieu à aucune espèce d'erreur.
Est-ce que c'est se montrer bien exigeant que de faire une pareille demande ? Assurément non, tout le monde en conviendra. Eh bien, en ce qui me concerne, toutes mes prétentions se bornent là. Que M. le ministre décide donc et fasse connaître à l'administration des douanes que le type qu'il nous a montré en section centrale sera dorénavant admis pour l'exportation, qu'il en fasse déposer un spécimen à chaque bureau frontière et que chaque fabricant en obtienne un à ses frais ; voilà la seconde mesure que je réclame. Il me semble que dans le moment où beaucoup d'industriels se montrent satisfaits du traité qui vient d'être conclu, alors qu'une grande industrie va nécessairement subir des pertes assez notables, il me semble, dis-je, qu'il serait non pas seulement juste, mais que c'est un impérieux devoir de venir en aide à cette industrie, de faciliter ses opérations, afin que cette industrie, qui aujourd'hui semble prospère, n'arrive pas à devoir cesser complètement des opérations auxquelles se rattachent tant d'intérêts et qui, vous l'avez encore entendu hier, sont si importantes pour l'agriculture tout entière.
M. le président. - La parole est à M. Faignart.
M. Faignart. - Pour le moment, je me réfère à ce que vient de dire l'honorable M. de Brouckere.
Si, dans le cours de la discussion, je trouve convenable de présenter. quelques observations, je demanderai la parole.
M. Loos. - Messieurs, depuis que j'ai l'honneur de siéger dans cette Chambre, mon opinion dans la question importante qui nous occupe aujourd'hui n'a pas varié.
J'ai demandé que les sucres, qu'ils fussent de provenance étrangère ou qu'ils fussent fabriqués dans le pays, fussent mis sur la même ligne pour ce qui concerne la consommation du pays.
A l'époque où je suis entré dans celle Chambre, il existait un grand écart entre le droit d'accise sur le sucre de canne et le droit d'accise sur le sucre de betterave.
J'ai vivement protesté contre cette distinction, j'ai cherché à faire comprendre à la Chambre que le maintien de cette situation deviendrait, dans tous les cas, impossible. J'ai prédit que le sucre de betterave, privilégié comme il l'était, devait finir par absorber le marché intérieur et fournir à toute la consommation. On taxait alors mes paroles d'exagération.
La fabrication à l'intérieur, prétendait-on, ne fournissait que deux millions et demi de kilogrammes.
Je n'ai pas besoin, messieurs, de vous dire quels sont les progrès que cette industrie a faits. Ce que j'avais prévu s'est complétement réalisé : on a fabriqué plus de sucre que n'en comporte la consommation intérieure du pays.
Pour l'exportation, je protestais, à la même époque, contre la législation qu'on voulait toujours imposer au sucre, contrairement à des législations plus avantageuses qui existaient dans les pays voisins.
Je prédisais à la Chambre que si l'on voulait maintenir une différence notable dans les conditions d'exportation, il serait impossible pour la Belgique de concourir sur les marchés étrangers. A cette époque, un pays voisin avait un rendement inférieur au nôtre et je disais que si cette situation devait être maintenue, l'exportation deviendrait impossible.
Je n'ai pas été dans le cas de pouvoir vérifier cette prédiction, attendu que ce gouvernement voisin, après que nous avions changé notre législation, a également changé la sienne et l'a mise au niveau de la nôtre. Nous avons donc pu continuer nos exportations.
Aujourd’hui, une situation semblable se présente. On propose d'établir pour la Belgique un rendement de 81 1/2 ou même de 83, en y comprenant les droits de douane, tandis qu'en France le rendement ne sera que de 76.
Que doit-il résulter d'une pareille mesure, messieurs ? C'est que (page 1690) l’exportation des produits raffinés en Belgique deviendra complètement impossible.
Je vois sourire M. le ministre des finances : mais je suis bien convaincu q«« la prédiction que. je fais eu ce moment se réalisera comme toutes les autres se sont réalisées. Je vois les choses avec calme, sans exagération et c'est ce qui m'a permis de voir se vérifier à peu près toutes mes prévisions, et celle-ci, j'en ai la conviction, se réalisera malheureusement comme tontes les autres.
Je dis, messieurs, que si la législation inscrite dans le traité doit être décrétée, si la France peut exporter dans les conditions du traité sur les marchés étrangers, sur ceux de la Méditerranée surtout où nous fournissons une grande partie de nos sucres raffinés, cette concurrence pour nous devient impossible. Le jour où votre loi sera mise à exécution, nous devrons cesser d'envoyer nos sucres sur les marchés étrangers.
Et c'est précisément ce que la France a voulu : la France n'a pas pu voir sans jalousie nos exportations de sucre dans la Méditerranée et dans la mer Noire. C'étaient des marchés qui lui étaient acquis en grande partie, et je comprends tous les efforts qu'elle a faits pour chasser les produits belges des marchés qu'elle alimentait presque exclusivement.
Ce que je dis ici, messieurs, est si vrai et si bien apprécié de la même manière par tout le monde, que la ligne de navigation qui est établie aujourd'hui entre la Belgique, la Méditerranée et le Levant, vous la verrez disparaître. Son plus grand aliment, en effet, ce sont les sucres raffinés, et du jour où vous lui enlèverez ces transports, il n'y aura plus dans cette direction de ligne de navigation possible.
Comment voulez-vous, en effet, qu'avec un rendement de 83 nous puissions soutenir la concurrence avec la France qui maintient son rendement à 76 ?
En définitive, si la France n'avait pas en vue de chasser les produits belges des marchés où ils s'exportent aujourd'hui, mais la France n'aurait stipulé que pour elle, et ses stipulations eussent été parfaitement légitimes. La France pouvait craindre l'invasion des sucres belges sur le marché français ; mais elle a stipulé non seulement pour elle, mais pour tous les pays où la Belgique exportait.
Et pourquoi la France se préoccupait-elle des exportations que nous faisions vers le Levant, en Grèce, dans la mer Noire, si ce n'est par un sentiment de jalousie dont nous retrouvons des traces manifestes dans le traité de commerce ? Pour moi, messieurs, cette affirmation ne saurait être révoquée en doute.
Oh ! je le sais, on explique la conduite de la France en lui prêtant ce langage : Si je ne stipulais pas pour toutes nos exportations, qu'arriverait-il ? C'est que vous transporteriez vos sucres en Angleterre pour les importer de là en France.
Eh bien, messieurs, cela est tout bonnement absurde ; et il ne faut pas connaître les faits pour se livrer à un raisonnement de ce genre. Comment ! on exporterait les sucres belges en Angleterre pour les transporter de là en France !
Mais vous ne songez donc pas à l'énormité des frais qu'occasionnerait ce double transport, vous ne songez donc pas que vous allez grever vos sucres d'un surcroît de prix d'au moins cinq francs par 100 kilos, et croyez-vous qu'avec une pareille surtaxe, il vous serait encore possible de concourir avec les sucres français, sur les marchés français ? Je le répète, messieurs, cela est tout bonnement absurde.
C'est un moyen imaginé par les négociateurs français et qui a été accepté trop légèrement, je dois le dire, par les négociateurs belges. Avec une connaissance plus parfaite des choses, il est impossible de croire qu'on eût admis comme une justification de la prétention française, cette allégation absurde que les sucres belges s'importeraient en France en prenant le détour de l'Angleterre.
Je dis, messieurs, que ce double transport grèverait nos sucres de plus de 5 francs.
J'ai voulu me rendre compte du chiffre exact de ce surcroît de frais et, en calculant d'après ces frais de transport actuellement existants, je suis arrivé à 5 fr. 50, en frais de transport, de chargement, de déchargement et d'assurance s'élevant à 55 fr. par 100 kilos.
Eh bien, je crois que, ni les négociateurs français, ni MM. les ministres des affaires étrangères et des finances ne prétendront qu'avec un surcroît de 5 fr. 50 nous pourrons concourir avec les sucres français sur les marchés français où ils ne sont frappés que d'un droit d'accise très inférieur au nôtre.
Le but, selon moi, que la France a voulu atteindre par le traité, est évident : c'est de faciliter la concurrence du sucre français, sur les marchés étrangers, contre les sucres belges.
Le rendement en Belgique, est exagéré, non seulement comparativement à la France, mais encore par rapport à d'autres pays. Ainsi, en Angleterre, le rendement en moyenne est de 77 1/2 à peu près ; la législation anglaise établit le droit selon la qualité des sucres. Notre rendement est également supérieur au rendement établi par la législation hollandaise. Je vois M. le ministre des finances faire un signe négatif.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Très négatif.
M. Loos. - La Hollande a un rendement de 81 1/4, à peu près comme en Belgique ; mais nous payons un droit de 1 fr.20 par 100 kil., que la Hollande ne paye pas.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Elle paye 48 centimes.
M. Loos. - Elle jouit d'une tare qui lui donne une bonification équivalente à 5 p. c. (Interruption.) Cela est évident !
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Ce n'est pas du tout évident, car c'est complètement inexact.
M. Loos. - Je dis que l'industrie belge, aussi bien celle de la betterave que celle de la canne, devient impossible dans ces conditions. Je prétends que si les dispositions qui sont dans le projet de loi doivent être maintenues, vous verrez avant peu une débâcle générale de cette industrie. Les industriels belges ne sont ni plus malins ni plus expérimentés que les industriels français ou hollandais, ils devraient l'être pour pouvoir concourir à des conditions aussi inégales.
Il arrivera aussi un encombrement de produits sur le marché intérieur, si le gouvernement ne vient pas en aide à l'industrie, en facilitant l'exportation des sucres de betterave.
Les marchés encombrants, les établissements fermeront, l'exportation avec les mesures que le gouvernement annonce, deviendra impossible.
J'ai été dans le cas de signaler à M. le ministre des finances, comment, par trop de rigueur, on avait complètement réduit à néant l'exportation du sucre brut de betteraves, tandis qu'en France on avait continué ces exportations sur une grande échelle.
L'exportation des produits inférieurs n'est pas admise aux termes de la loi, me dira-t-on ; mais ces sucres étaient au-dessus du type français ; l'honorable M. de Brouckere se bornait tout à l'heure à se recommander à la bienveillance du gouvernement, moi j'invoque son équité et je demande que pour l'exportation du sucre brut on adopte le type français. Le sucre de betterave ne se plaindra pas, j'en suis sûr, si on adopte pour l'exportation le type français.
Dans la conviction, où je suis, de la ruine qui doit atteindre nos établissements industriels avec le régime qui vous est proposé, si la France n'a voulu que se garantir contre l'importation des sucres belges, il est possible de lui donner cette satisfaction, tout en maintenant la possibilité des exportations sur les autres marchés. Dans ce but, je proposerai un amendement conçu dans les termes suivants, qui formera un paragraphe à ajouter à l'article 5 ou un article nouveau.
« Le taux de la décharge à l'exportation fixé à l'article 9 du traité n'est applicable qu'aux sucres raffinés exportés en destination de la France.
« Pour les exportations vers tous autres pays, le taux est établi comme suit :
« A 62 fr. par 100 kilog. sur le sucre candi, sec, dur et transparent reconnu tel par la douane ;
« A 58 fr. 50 c. par 100 kilogs pour les sucres raffinés en pains, mélis et lumps blancs bien épurés et durs ; enfin :
« A 45 francs pour tous les autres sucres raffinés de qualité inférieure. »
Messieurs, j'engage le cabinet à admettre mon amendement, il en résultera un rendement supérieur encore à tous les rendements existants ; nous devrions produire 79 kil. de sucre raffiné pour obtenir la restitution des droits d'accise ; ce serait 79, tandis qu'en France on obtient la restitution des droits avec 76 kil. ; en Hollande le rendement sera à peu près égal, en tenant compte de la tare dont elle jouit, et l'absence de droits d'entrée qui, en Belgique, sont de 1 fr. 20 c.
Messieurs, on me dira peut-être, on l'a dit déjà autour de moi : C'est une modification au traité que vous proposez. Oui, mais permettez. Voici ce que dit l'article 10 du traité que vous allez voter :
« Si la législation sur les sucres bruts ou raffinés, dans l'un des deux Etats, est ultérieurement modifié, les tarifs réciproquement fixés par l'article précédent à l'importation des sucres bruts raffinés ou candis en France ou en Belgique seraient revus d'un commun accord entre les hautes parties contractantes. Jusqu'à ce que cet accord soit intervenu (page 1691) chaque puissance pourra modifier les droits à l'importation de sucre provenant des Etats de l'autre puissance. »
Eh bien, messieurs, vous voyez qu'un recours en révision en ce qui concerne la législation des sucres n'est pas fermé ; le traité admet cette révision ; conséquemment l'adoption de mon amendement est possible sans altérer sensiblement les dispositions du traité de commerce.
La France a dû le prévoir, elle qui depuis un an s'est lancée dans une expérience dont elle reviendra, je crois ; elle a pensé qu'en abaissant considérablement le droit d'accise elle pousserait à la consommation, elle n'a rencontré jusqu'ici qu'un déficit considérable sur ses recettes, si ce déficit se perpétue pour le trésor, elle devra bien provoquer la révision du traité ; elle en a la faculté dans l'article 10 ; nous pouvons donc, nos intérêts se trouvant lésés par le traité, entamer dès à présent des négociations avec la France.
Je tiens à bien établir que si la situation qui nous est faite doit être maintenue, on reconnaîtra avant peu la faute qui a été commise.
M. le président. - Voici l'amendement proposé par M. Loos : (M. le président donne lecture de l'amendement.)
- Cet amendement est appuyé.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, nous eussions incontestablement désiré que la question des sucres fût en dehors du traité, qu'elle se présentât seule, purement et simplement devant la Chambre. Qu'avions-nous à craindre ? Nous avions introduit dans le projet de loi relatif à l'abolition des octrois une disposition qui changeait la législation sur les .sucres. Cette modification n'était pas essentielle pour l'abolition des octrois ; elle était proposée comme étant une mesure utile, nécessaire dans l'intérêt même de l'industrie des sucres en général.
Nous n'avons, pas fait de l'adoption de nos propositions une condition sine qua non du vote de la loi. Il est indubitable que si nous avions déclaré à cette époque que l'adoption de nos propositions en ce qui touche les sucres, était une condition de l'abolition des octrois, cette partie du projet de loi aurait été voté à une immense majorité.
La Chambre a donc été parfaitement libre de se prononcer sur cette question et que s'est-il passé ? C'est que la réforme, en quelque sorte ajournée par nous, a été adoptée par la Chambre à un premier vote et qu'elle n'a été écartée à un second vote qu'à une très faible majorité, une ou deux voix.
Ainsi, messieurs, il était certain pour tout le monde que, dans la session prochaine, époque qui avait été déterminée pour la présentation du projet de loi, la réforme qui avait été annoncé par le gouvernement, qu'il avait complètement justifiée devant la Chambre et devant le pays, aurait passé dans la législation.
Il est dès lors évident que nous n'avons pas eu besoin de recourir à un mode plus facile de faire décider la question par le traité, pour enlever en quelque sorte à la Chambre la faculté de délibérer avec une entière liberté sur cette question.
Messieurs, ce que nous avons dit est parfaitement exact ; vous comprenez qu'il nous aurait répugné au plus haut point dans de telles circonstances, de chercher un prétexte pour expliquer notre position. Nous avons fait connaître franchement et loyalement la vérité, dans l'exposé des motifs, en déclarant que c'est au gouvernement français que nous devons l'introduction de cette disposition dans le traité.
Mais y avait-il, sauf une question qui nous est en quelque sorte personnelle en raison de l'importance qu'on avait donnée à cette affaire, y avait-il un motif quelconque de traiter le sucre d'une façon privilégiée ? L'argument qu'on invoque en sa faveur, à savoir qu'il aurait fallu une loi spéciale pour régler cette affaire, peut être invoqué par toutes les industries qui sont l'objet des réformes résultant du traité.
Toutes pouvaient dire, et avec beaucoup plus de raison : Nous comptions que des réformes de cette importance s’appliquant à notre industrie auraient été soumises à la Chambre par une loi spéciale ; qu'elles n'auraient pas été comprises dans une convention qui absorbe à peu près tous les articles du tarif des douanes, qu'il faut admettre ou rejeter dans son ensemble, ce qui met dans l'impossibilité de se prononcer sur chacun des objets qui y sont énumérés.
Les autres industries pouvaient tenir ce langage avec beaucoup plus de raison que l'industrie du sucre. Elles auraient pu dire : On s'explique que vous ayez compris les sucres dans le traite ; car la réforme était annoncée ; la législation qui devait être appliqués avait déjà été soumise à la Chambre, elle avait été admise à un premier vote. Mais nous, nous n'avons pas été avertis.
Nous avions compté sur la stabilité des lois. Jusqu'à présent personne n'avait pensé qu'une réforme un peu importante devait s'appliquer incontinent au tarif des douanes. Mais l'industrie des sucres n'a pas le droit de se plaindre d'une surprise. Elle était avertie, elle savait que la résolution de la Chambre serait celle qui est formulée dans le traité. Et quoiqu'elle sût que sa position devait, dans un temps donné, être fixée d'après les bases que nous avons dès lors indiquées, n'allez pas croire qu'elle ait ralenti sa marche, que des établissements se soient fermés, que des opérations aient été suspendues. Même en présence de ce qui s'est passé, malgré cet avertissement donné, on s'est empressé d'ériger de nouvelles fabriques.
Depuis la discussion qui a eu lieu en 1860, plusieurs fabriques sont en construction ; trois dans le Hainaut, une dans la province de Liège. Les personnes au courant de cette affaire, qui ont des intérêts dans les sucreries, ont donc parfaitement su que la législation que l'on proposait n'était pas de nature à compromettre les capitaux qui y sont engagés.
Je ne puis donc m'associer aux regrets qui ont été témoignés par l'honorable M. de Brouckere, ni croire avec lui que l'on considère universellement comme regrettable que cette question des sucres se soit trouvée inscrite dans le projet.
Je le répète, ce n'est regrettable qu'à mon point de vue personnel, à raison de l'importance que l'on avait donnée à cette affaire, parce qu'on pouvait supposer que j'aurais voulu me soustraire à une difficulté qui se présentait. Mais je crois avoir démontré qu'il n'en est rien. Il n'y avait aucune raison pour traiter l'industrie du sucre d'une façon privilégiée, pour ne pas la comprendre, comme toutes les autres industries, dans la réforme qui était jugée nécessaire.
L'honorable M. de Brouckere nous dit, au surplus, que les intéressés renonçant à parler de leurs griefs, demandent trois choses, et au moyen de ces trois choses, on serait à peu près satisfait.
La première consiste à obtenir la faculté de placer en entrepôt public le sucre brut de betterave. Eh bien, je me suis empressé d'adhérer à cette demande. L'entrepôt public est considéré comme territoire étranger et par conséquent lorsque le dépôt a lieu en entrepôt public, il y a décharge du droit d'accise Ce qu'on demande pour le sucre brut, dans ce cas, c'est d'être traité comme le sucre raffiné, c'est de le soumettre aux mêmes conditions. Le sucre raffiné étant admis en entrepôt public, le sucre brut pourra y être admis aux mêmes conditions, avec les mêmes avantages, avec les mêmes obligations ; ainsi la position sera identiquement la même.
La seconde demande, c'est que l'on érige des entrepôts publics dans des lieux qui aujourd'hui n'en ont pas et qui sont rapprochés des sucreries.
Messieurs, je suis persuadé que l'administration ne fera aucune difficulté - je n'en aperçois pas quant à présent - de se prêter au désir qui est manifesté. Mais je ferai remarquer qu'une loi du 4 mars 1846, si je ne me trompe, trace des règles pour la création des entrepôts publics. Ils ne peuvent être établis que dans les lieux où il existe un bureau de douane. La loi impose en outre de ce chef des charges aux communes ; et ce sont elles qui ont à prendre l'initiative dans ce cas ; par conséquent j'aurai à attendre les propositions qui pourront m'être soumises.
La troisième demande, c'est l'adoption d'un type pour les sucres bruts destinés à l'exportation. La loi déclare que le sucre brut, pour pouvoir obtenir la décharge du droit d'accise à l'exportation, doit être sec et blond. L'honorable M. de Brouckere a très agréablement et très spirituellement discouru sur le sucre blond et sec, et il eût voulu que l'on adoptât un type. Mais je crois qu'il l'aurait voulu très brun. Je crois, en effet, que c'est le but que l'on poursuit...
M. Loos. - Adoptez le type français.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - On me dit : Adoptez le type français. Il n'y a qu'une petite difficulté ; c'est qu'il n'y a pas de type français.
Il y a des types pour l'exportation des raffinés. M. Dumortier m'avait parlé d'un type français pour le sucre brut, il m'avait même expliqué ce qu'il qualifiait de type français. (Interruption.)
Les conditions de la fabrication en France sont telles, que les difficultés dont nous occupons ici ne peuvent pas s'y présenter. La France n'a pas, le moins du monde, à combattre les prétentions assez dangereuses que l'on élève chez nous. Le sucre brut que l'on produit en France n'est pas fabriqué sous le même régime qu'en Belgique.
Messieurs, je vais vous faire comprendre d'un mot toute l'affaire. La question est de savoir si l'on obtiendra la restitution du droit d'accise de 45 francs qui frappe le sucre brut, en exportant des mélasses ou du sirop mélangés avec une petite proportion de sucre. Toute la tendance (page 1692) serait nécessairement à faire passer ce mélange pour sucre brut. (Interruption). Vous ne pouvez pas nier cela.
M. Faignart. - Vous exagérez.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je n'exagère pas le moins du monde.
Si l'on peut exporter ce que l'on appellerait du sucre brut, mais ce qui ne serait que du sucre fortement imprégné de sirop, qu'arriverait il ? C'est que l'impôt passerait du trésor dans la poche du fabricant de sucre. Toute la question est donc de se défendre contre cet abus possible. C'est pour se défendre contre cet abus possible et qui, comme vous le remarquez, présente le plus grand péril, que la législation de 1847 exige que le sucre exportable soit sec et blond.
Maintenant, messieurs, dans la pratique, qu'arrive-t-il ? Toutes les fois que le sucre qui est présenté à l'exportation n'est pas absolument trop imprégné de mélasse ou de sirop, lorsqu'il est évident pour l'administration qu'aucune fraude n'est tentée, le sucre est admis à l'exportation avec décharge.
M. B. Dumortier. - Mettez-le dans la loi.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Qu'est-ce que vous mettrez dans la loi ?
Est-ce que vous mettrez dans la loi un type ? Et quand vous auriez déclaré qu'il y a un type, est-ce que vous ne reconnaîtrez pas que le type ne sera pas le même chaque année ? Vous n'arriverez donc pas au résultat que vous voulez obtenir. A chaque changement de type, on pourra toujours récriminer.
Du reste, messieurs, je voulais dire à l'honorable membre qui m'a interrompu, que j'ai dans ma poche un échantillon du sucre que je considère comme sec et blond et qui vient d'une fabrique que l'honorable membre connaît parfaitement. Ce sucre sera certainement admis à l'exportation.
Un membre. - C'est un beau blond,
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - C'est un beau blond. Le voici.
M. B. Dumortier. - On ne saurait pas fabriquer tout ainsi.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Si vous désirez voir du sucre brut de betterave absolument blanc, je vous en ferai voir.
On pourrait donc exiger que le sucre présenté à l'exportation fût blanc. Mais ce n'est pas de cela qu'il s'agit ; il s'agit de ce que l'on peut obtenir d'une fabrication normale et régulière. Eh bien, tout cela sera exporté sans contestation. Depuis 1847, il n'y a pas eu de grandes difficultés à ce sujet-là. Quelquefois il s'en est présenté, et l'on a fini par se mettre d'accord. L'administration, pour faciliter l'exportation pour les difficultés, a même, à titre de renseignement, donné à ses employés des échantillons de sucre au-dessous desquels on ne pouvait pas descendre. Ce sont ces échantillons que j'ai fait voir aux honorables membres de la section centrale et ils ont déclaré que si, en effet, on admettait à l'exportation les sucres conformes à ces échantillons, d'ailleurs fort anciens, ils se tiendraient pour satisfaits. Mais, messieurs, nous ne pouvons pas admettre qu'on fasse descendre toute l'exportation des sucres à ce type, et c'est pour cela qu'on ne placera pas ces échantillons dans les bureaux. Il en résulterait qu'en très peu de temps toute l'exportation s'abaisserait au moins au niveau de ce type, qui a été indiqué comme limite extrême de la tolérance à laquelle les employés pourront descendre pour faciliter l'exportation.
Mais, messieurs, je le répète, ce qui doit complètement satisfaire les honorables membres, c'est que depuis quatorze ans, il n'y a pas eu, en réalité, de grandes difficultés, et le même esprit de tolérance qui a guidé l'administration jusqu'à présent, continuera à la diriger dans l'avenir.
M. Loos. - Vous avez rendu l'exportation impossible.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je vous demande pardon : L'on a exporté des sucres bruts en quantité considérable. L'administration n'a qu'un but, c'est de préserver l'intérêt du trésor. La lutte est entre le trésor et ceux qui veulent exporter du sucre dans les conditions que je viens d'indiquer. Si l'on pouvait exporter de la mélasse comme sucre, on ferait une magnifique affaire aux dépens du trésor public.
Je vous rappellerai, messieurs, ce que nous avons dû faire dans la session dernière : on avait fini après une longue lutte, après avoir fatigué l'administration de réclamations incessantes, par obtenir la décharge à l'exportation du sirop, et vous savez ce qui est arrivé. On accordait une certaine somme, 12 francs, si je ne me trompe, pour les sirops, et sous prétexte de sirops, on exportait les choses les plus incroyables, que l'on jetait ensuite à la mer. La même opération pourrait se faire en ce sens que, sous prétexte de sucre brut, on exporterait cent kilog. n'importe quoi pour gagner 45 francs. Il faut donc que l'on ne puisse exporter que ce qui est réellement du sucre. C'est une question de bonne foi.
Je dis, messieurs, que l'administration se montrera aussi tolérante qu'elle le pourra ; l'expérience du passé suffit pour nous rassurer complètement à cet égard.
Maintenant, l'honorable M. Loos a soulevé une autre question. Elle concerne le sucre raffiné. Selon l'honorable membre, l'exportation devient impossible ; grâce au traité, nos raffineries seront fermées ; nous ne pourrons plus soutenir la lutte ni avec la France, ni avec l'Angleterre, ni avec la Hollande.
Voilà le grief, et ce grief paraît tellement sérieux à l'honorable membres qu'il croit pouvoir proposer un amendement qui entraînerait le rejet du traité.
« Notre rendement, dit l'honorable membre, est trop élevé ; nous ne pourrons plus lutter. »
Mais depuis quand le rendement que nous avons existe-t-il ? Il existe depuis 1851. C'est par arrêté du 18 octobre 1851 que ce rendement a été déterminé.
Cet arrêté a fixé la décharge à 55 fr. 50 c, avec un impôt de 45 fr. pour droits d'accises et 1 fr. 20 c, en moyenne, pour droit de douane ; cela a élevé le rendement sur les sucres au taux indiqué par l'honorable membre.
Eh bien, depuis cette époque, ce rendement n'a pas été modifié, et la loi du 18 juillet 1860, en même temps qu'elle élevait l'accise à 48 fr., a porté la décharge à 59 fr. 25 c., et on la maintient encore dans la même proportion.
Or, messieurs, quel était le rendement en France à cette époque ? Le rendement en France, avant 1856, était de 70 ; il était de 75 avant 1860, et il est aujourd'hui de 76.
Ainsi nous avons pu lutter avec notre rendement actuel, lorsque le rendement français n'était qu'à 70, nous avons pu lutter, quand il était à 75, mais nous sommes frappés de mort, du moment qu'il s'élève à 76 !
M. Loos. - Je le ferai comprendre tout à l'heure.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je serais fort étonné si vous parveniez à faire comprendre cela à la Chambre.
M. Loos. - Cela n'est pas difficile.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Il sera toujours très difficile de comprendre comment nous avons pu lutter sur les marchés étrangers lorsque le rendement français était à 70, et comment nous ne pourrons plus lutter, lorsque le rendement sera à 76.
Ainsi je ne crois pas, j'en demande bien pardon à mon honorable ami M. Loos, je ne crois pas le premier mot de la fermeture éventuelle de nos raffineries.
Messieurs, pour convaincre la Chambre de ces dangers-là, on fait de très faux calculs.
Ainsi, nous avons en face de nous la Hollande ; on ne peut méconnaître qu'elle ait un rendement aussi élevé que le nôtre ; et si l'argument qu'on a fait valoir était vrai, les raffineurs hollandais seraient également frappés de mort. Or, c'est ce qu'ils ne redoutent pas.
Comment fait-on pour établir que le rendement hollandais diffère du nôtre, quoique légalement ils paraissent être au même taux ?
« Pour bien établir notre rendement, il faut, dit-on, ajouter au droit d'accise un droit de douane d'un franc 20 centimes. » Mais, en Hollande il existe aussi un droit de douane dont mon honorable contradicteur ne tient pas compte.
En second lieu, on nous dit que la Hollande bénéficie sur la tare.
Messieurs, c'est une erreur matérielle. La question est de savoir quelle est la qualité et la quantité de sucres importés en Hollande.
Le 7/8 de sucres importés eu Hollande sont des sucres Java ; on en importe 71 millions de kilogr.,sur une importation totale de 79 millions de kilogrammes.
Quelle est donc la lare accordée par la loi hollandaise ? Pour les importations de sucre Java en canastres et cranjans, la tare est 10 p. c. du poids brut.
Quelle est la tare qui est accordée en Belgique ? Elle varie selon les emballages et ceux-ci selon les provenances" ; elle est pour les caisses de Havane 14 p. c., pour les autres caisses 16 p. c., pour les tonneaux 15 p. c., pour les emballages de cuir, paniers et autres semblable, 18 p. c., pour les nattes 5 p. c., et pour les canastres (Java) 10 p. c.
(page 1693) Et bien, la tare en Hollande n'est donc pas supérieure à la lare établie en Belgique.
M. Loos. - Supérieure !
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Du tout ; les faits sont positifs.
Messieurs, on s'amuse toujours dans cette question à mettre en avant des chiffres qui ne sont pas applicables aux faits. S'il est vrai qu'on accorde en Hollande pour les caisses Havane 13 p. c. du poids brut, il l’est aussi qu'on accorde 14 kil. en Belgique et même, pour d'autres emballages, 15 et 16 kil. ; en Hollande le tarif alloué pour les autres caisses que celles de la Havane, 15 à 18, pour d'autres, 14 ; et ainsi de suite. Mais, ainsi que je l'ai dit, les 7/8 des sucres importés en Hollande sont des sucres Java pour lesquels on accorde une tare de 10 p. c.
Voilà, si j'ai bien compris l'honorable M. Loos, les seuls arguments qu'il ait fait valoir pour demander l'introduction dans le projet de loi, d'un amendement qui renverse le traité.
« Messieurs, dit l'honorable membre, nous ne portons pas atteinte au traité ; l'article 10 a prévu que l'article 9 pouvait être ultérieurement modifié ; et, par conséquent, nous pouvons le modifier dès aujourd'hui. »
Messieurs, cela n'est pas véritablement admissible. Qu'a-t-on voulu ? On a voulu fixer, dès à présent, les principes de la législation de part et d'autre ; mais on a parfaitement compris que la législation sur les sucres qui est très complexe, qui se lie à de nombreux intérêts en Belgique et qui se rattache à des intérêts plus nombreux encore en France, puisque la marine et les colonies viennent y compliquer cette question ; on a parfaitement compris, dis-je, que la législation sur les sucres ne pouvait pas, pendant dix années, rester invariablement assujettie aux droits déterminés dans le traité.
Mais cela ne signifie pas apparemment qu'on renversera en vertu de l'article 10 ce qui a été stipulé à l'article 9 ; cela ne signifie pas qu'on puisse hic et nunc dans le traité même, modifier ce que le traité stipule pour les sucres. Ce n'est pas là une interprétation loyale et de bonne foi.
Je n'insiste pas davantage sur ce point. Cela me paraît tellement évident que la Chambre ne peut pas s'y arrêter un instant.
Au surplus, la législation toute spéciale que veut introduire l'honorable M. Loos, serait une législation de droits différentiels, si je l'ai bien compris...
M. Loos. - Oui, pour la France.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Il n'y aurait pas de raison pour ne pas avoir une législation spéciale pour chaque pays.
« La France, dit-on, a stipulé, en vue de nous empêcher de lui faire concurrence sur son marché. »
Les négociateurs français n'y ont pas même pensé. Ils ont demandé que la loi des sucres fût réglée en vue d'un intérêt qui est signalé, qu'on peut discuter et contester, mais qui est cependant fort appréciable.
Vous voulez le bénéfice du traité anglais ; vous voulez éventuellement importer vos sucres au droit de 41 fr. qui avait été demandé par la chambre de commerce d'Anvers elle-même. Mais vous ne pouvez pas maintenir chez vous une législation (voilà quelle était l'objection du gouvernement français), vous ne pouvez maintenir la législation en vertu de laquelle vous accorderiez des primes énormes pour l'exportation de vos sucres. cette situation, nous ne l'admettons pas ; nous ne pourrions traiter si elle était maintenue.
Eh bien, on peut discuter ce point ; mais on ne peut contester que les plénipotentiaires français ont fait valoir des raisons graves, des raisons sérieuses pour que la législation fût dès maintenant modifiée.
Je pense que ces considérations suffiront pour déterminer la Chambre à voter la disposition qui lui est soumise.
M. B. Dumortier. - Messieurs, tout ce que vient de dire M. le ministre des finances ne m'a pas le moins du monde convaincu de la bonté des dispositions qui vont régir à l'avenir, ou peut-être qui ne régiront plus l'industrie sucrière indigène et exotique.
L'honorable ministre nous dit : La disposition que nous mettons dans la loi aurait passé, et par conséquent, je n'ai causé de préjudice à personne. Je conteste pour mon compte complètement cette assertion, et je demeure parfaitement convaincu que si la question des sucres s'était présentée à la Chambre dégagée de toute autre question, si elle n'avait point été engagée dans d'autres questions qui peuvent vinculer le devoir des députés vis-à-vis de leurs commettants ou autrement, les 3/4, les 4/5, l'unanimité de l'assemblée peut-être aurait repoussé l'opinion de M. le ministre des finances sur ce point. Et pourquoi ?
Parce que cette opinion n'est aucunement fondée en fait, parce qu'elle est absolument contraire aux besoins du pays, à l'intérêt du pays, parce que le système qu'il vous présente, celui de l'égalité de droits sur le sucre de betterave et sur le sucre de canne, n’est rien autre chose que la constitution d'une prime de 10 p. c. accordée à l'industrie exotique sur l'industrie indigène.
C'est un fait qu'on ne peut méconnaître et contre lequel on ne peut assez protester.
Messieurs, quand vous établissez des droits sur la terre, l'impôt foncier, placez-vous sur toutes les terres la même droit ?
Viendrez-vous dire qu'en Belgique chaque hectare de terre payera 10 francs ?
Non, messieurs, vous faites des catégories. Vous divisez les terres en terres de première, de deuxième, de troisième et de quatrième classe et vous réglez l'impôt d'après le revenu présumé de la terre.
En cela vous faites acte de justice, et je crois que l'honorable M. Frère combattrait vivement un amendement égalitaire appliquant à la terre le système qu'il soutient pour les sucres et faisant peser sur les terres de la province de Liége et des Ardennes, le même impôt qu'on paye dans les provinces de Brabant et des Flandres.
Il faut de la justice dans les impôts, et c'est pour cela que vous faites des catégories différentes toutes les fois qu'il y a des différences dans les choses.
Mais il y a plus. Est-ce que nos lois d'accise n'établissent pas des droits complètement différents par exemple sur le sel selon que l'on travaille du sel de mer ou du sel de roche ?
Voyez le traité. On attribue une différence favorable au sel de mer sur le sel de roche.
Et pourquoi ?
Parce que le rendement en sel raffiné est beaucoup moindre en sel de mer qu'en sel de roche.
Le sel de mer contient des matières impures qui n'existent pas dans le sel de roche.
C'est exactement la même chose pour le sucre.
Serait-ce un acte de justice de venir établir par une loi que toutes les espèces de sel payeront le même droit ? Non, messieurs. Cette prétendue justice serait fictive et constituerait une grande injustice.
Il en est de même pour les alcools.
Est-ce que M. le ministre des finances est venu proposer le même droit sur la distillation des alcools de grains et sur la distillation de alcools de mélasses ? Il s'en est bien gardé. Il a établi des droits tout à fait différents. Pourquoi ? Parce que les sirops de mélasse contiennent beaucoup plus de matières alcooliques que les grains délayés, et que par conséquent, comme ils rendent davantage, il fallait un droit différent.
Voilà ce que vous faites en toutes matières. Vous examinez les produits et vous fixez l'impôt, sur cette base, Là est toute la question.
Le sucre de canne ne fournit que des matières consommables.
100 kilog. de sucre de canne fournissent 100 kilog de sucre consommable, mais 100 kilog de sucre de betterave ne fournissent que 85 kilog. de matière consommable ou environ. Le reste est de la mélasse.
Sur cette mélasse vous faites payer un droit que vous prenez en charge brute et puis comme cette mélasse est inconsommable, elle va à la distillerie et là vous lui faites payer le droit du chef de la consommation.
Est-ce là de la justice, de l'équité ? Comment peut-on prétendre que le sucre brut de betterave, qui contient des matières inconsommables, doive se trouver dans des conditions différentes, par exemple, du sel des alcools, de la terre pour lesquels vous faites des conditions différentes en raison des produits, en raison des matières consommables ?
Vous le voyez, messieurs, on a deux traitements différents : un traitement pour toutes les substances en général et un traitement exceptionnel pour la betterave. A celle-là on fait payer le droit de consommation non seulement sur les matières consommables, mais encore sur ce qui est inconsommable.
Là est l'injustice. Il n'est pas possible d'admettre que le sucre de betterave puisse payer le même droit que le sucre de canne.
Ah ! si vous établissiez le droit sur le sucre raffiné !...
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - C'est ce qui existe.
M. B. Dumortier. - Non, l'impôt est établi sur le sucre brut, vous n'avez qu'à voir votre loi. Elle dit 45 fr. pour le sucre brut. Je concevrais parfaitement que 100 kilog. de sucre de betterave payassent autant que 100 kilog. de sucre de canne.
Maintenant, messieurs, il est évident que l'égalité de droit sur les (page 1694) deux sucres ne peut avoir qu'un seul et unique résultat, c'est d'imposer la fabrication de la grande industrie du sucre de betterave. Qu'est-ce que cette industrie ?
Vous le savez, elle est répandue en Belgique dans presque toutes nos provinces, bien que le plus grand nombre des établissements se trouvent dans le Hainaut. Cette province contient environ 70 sucreries de betteraves. C'est devenu une des plus grandes industries de la Belgique. J'y ajoute les raffineries qui travaillent le sucre de betterave.
Leur ensemble constitue une des plus grandes industries de la Belgique. Personne ne peut le contester.
Maintenant, la base de cette industrie où se trouve-t-elle ? Elle se trouve tout entière dans le travail des ouvriers ; et remarquez-le bien, le travail des sucreries de betterave se fait exclusivement dans les campagnes ; c'est la seule industrie réellement et exclusivement agricole ; c'est la seule qui soit impossible dans les villes Une bonne partie des distilleries sont établies dans les villes ; les sucreries de betteraves, au contraire, ne peuvent exister que dans les campagnes ; ce sont les ouvriers campagnards qui profitent seuls de tous les salaires de la fabrication ; et quand ces salaires leur arrivent-ils ? Précisément dans la mauvaise saison, en hiver, alors que le travail manque et que tant d'ouvriers attachés à d'autres industries sont privés de pain.
Certes, une pareille industrie est bien digne de l'attention, de la sollicitude du gouvernement. Et cependant, messieurs, cette sollicitude lui fait complètement défaut depuis quelques années. Autrefois, le sucre de betterave n'avait pas de plus éloquent défenseur que M. Frère lui-même. L’honorable M. Frère était l’homme qui soutenait le plus ardemment dans cette Chambre la nécessité d'un écart entre le sucre de betterave et le sucre de canne ; et quand un député de Bruxelles venait propose un écart de cinq francs, l'honorable M. Frère se levait pour déclarer lui ministre des finances comme aujourd'hui, qu'un pareil écart était insuffisant et que le sucre de betterave ne pouvait pas se maintenir avec un si faible écart.
Comment donc se fait-il qu'après de si belles paroles on en soit venu aujourd'hui à des sentiments diamétralement opposés ? Oh ! je le sais, on a fait valoir l'intérêt de la navigation ; eh bien, je ferai ici une concession bien large. J'admettrai avec vous l'intérêt de la navigation ; mais, pour apprécier cet intérêt, je vous demanderai où sont donc vos colonies, où sont vos navires qui transportent vos sucres de betterave ; où sont les capitaux engagés dans cette navigation et auxquels ils faudrait sacrifier une grande industrie nationale ?
Cet intérêt n'est donc pas réel, et, remarquez-le, messieurs, plus d'un tiers des sucres importés, environ 7 millions de kilogrammes (je l'ai vérifié ce matin d'après la. balance du commerce), ne nous viennent pas des colonies, ils nous viennent d'Amsterdam, de Rotterdam et d'autres ports voisins. Il n'y a donc dans tout ceci qu'un simple intérêt de cabotage ; l'intérêt de la grande navigation, de la navigation transatlantique n'y est absolument pour rien et c'est pour ce modeste intérêt de cabotage, absolument insignifiant pour la Belgique, que l'on voudrait sacrifier une grande industrie nationale ! Cela est infiniment regrettable.
Je crois que le point dominant dans le traité, celui de la suppression de l'écart entre les deux sucres, produira des résultats déplorables, provoquera l'anéantissement des sucres de betterave, à moins que le gouvernement ne leur accorde des facilités d'exportation que mon honorable collègue M. H. de Brouckere a si justement réclamées, sur lesquelles mon honorable ami M. Loos a également insisté.
Ici, messieurs, il s'agit de savoir si le second paragraphe de la loi du 16 mai 1847 doit encore être interprété avec sévérité :
« Ne seront, porte cette disposition, admis à l'exportation que les sucres blonds et secs. »
Or, messieurs, veuillez bien le remarquer, dans les opérations des sucres de betteraves, il n'est pas possible de faire à son gré des sucres blonds et secs. Ainsi, dans les années où la maturité de la plante n'est pas par faite, il est particulièrement difficile d'obtenir des produits réguliers de cette espèce, quand la plante, fraîchement arrachée, est transportée à la sucrerie, avant qu'elle soit échauffée, vous en obtiendrez aisément des sucres blonds et secs ; mais quand vous devrez travailler des betteraves qui ont séjourné dans les silos, il est évident que vous n'en obtiendrez que du sucre plus ou moins roux. Ce n'est pas tout : le sucre, chaque fois qu'on le recuit, devient de plus en plus roux et finit par devenir complètement noir ; or, l'opération de la fabrication du sucre exige quatre cuissons successive. De la première on obtient 60 p. c. de produit et les 40 p. c. pour lesquels cependant vous êtes pris en charge, et que vous devez retrouver, vous ne les récupérez que par les cuissons ultérieures qui ne vous donnent plus que des sucrer bruns. Or, si la disposition que je viens de rappeler doit être interprétée avec sévérité et si les fabricants de sucre ne peuvent plus exporter que la moitié ou le tiers de leur fabrication, n'est-il pas évident qu'ils seront complètement évincés des marchés étrangers ? Il serait évidemment plus franc et plus loyal de présenter une loi pour exproprier tout d'un coup les sucreries de betteraves.
Mais, dit M. le ministre des finances, toute la question est de savoir si l'on permettra l'exportation des sirops, des mélasses, des impuretés de toute espèce, sous prétexte de sucre.
Eh bien, je réponds que si un fabricant de sucre de betterave, un armateur, un négociant quelconque voulait exporter des sirops, des mélasses ou des impuretés sous le nom de sucre, le gouvernement aurait un devoir à remplir et il n'y manquerait pas ; ce serait de traduire devant les tribunaux l'industriel ou le négociant qui se conduirait de la sorte.
Mais là, messieurs, n'est point la question ; la question est de savoir si, entre le sirop et le sucre tout à fait blanc, il n'y a point de nuance.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Pas blanc !
M. B. Dumortier. - Vous avez parlé tout à l'heure de sucre blanc ; vous avez même montré un échantillon de sucre blanc ; vous avez dit que vous permettriez certainement l'exportation de sucre de cette qualité, et je vous ai dit que vous n'étiez vraiment pas dégoûté.
C'est que, en effet, messieurs, on n'obtient guère de sucre de cette qualité que d'une première cuisson et que les cuissons ultérieures produisent nécessairement des sucres plus ou moins roux,
Maintenant, que voulez-vous que nous fassions de ces sucres ? La France pourra nous importer les siens et nous serons forcés de conserver les nôtres ! Cela est-il juste ? Que demande l'industrie indigène ? Simplement la stricte réciprocité. Est-ce là une demande injuste, exagérée ?
La législation française, messieurs, ne s'exprime pas dans les mêmes termes que la nôtre et ceci répond à ce que disait tout à l'heure M. le ministre des finances à l’honorable M. Loos. La loi française dit : « Le droit ne sera pas dû sur le sucre indigène qui sera exporté à l'étranger. » C'est l'article 8 de la loi du 23 mai 1860.
Ainsi, en France, il n'est pas question des nuances pour que les sucres soient admis à l'exportation ; mais cette disposition prise, il y a 14 ans, pour un état de choses tout à fait différent de la situation actuelle, lorsque la Belgique ne fabriquait que pour l'intérieur, cette disposition n'a plus de raison d'être aujourd'hui. Pourquoi voulez-vous empêcher nos producteurs d'exporter leurs produits, alors qu'ils sont pris en charge pour ces produits ?
Encore une fois, s'ils tentent d'exporter des mélasses, des sirops, des impuretés sous le nom de sucre, saisissez-les, et vous ferez bien ; mais ne venez pas, par un pareil argument, ouvrir une porte à une industrie en lui disant : Si vous avez le malheur de franchir cette porte, je vous saisis avant que vous l'ayez passée.
Car, messieurs, voilà bien la situation : M. le ministre ouvre une porte à l'industrie sucrière, mais si elle a le malheur de vouloir y passer, il la saisit, en même temps qu'il permet à l'industrie française d'y passer librement et sans aucune difficulté.
Eh bien, ce que demande l'industrie sucrière, c'est la chose la plus simple du monde, la réciprocité ; elle ne demande que cela, que la Belgique puisse exporter en France les nuances que la France peut expédier chez nous, que les fabricants français n'aient pas le privilège d'introduire en Belgique des sucres de toute qualité quand nous ne sommes pas admis en France sur le même pied. C'est une chose tellement juste, tellement légitime, qu'il n'y a pas de parlement qui puisse la repousser.
M. de Brouckere. - Deux mots seulement ; l'année dernière, quand je prenais ici la défense de l'industrie sucrière indigène, j'avais pour adversaire l'honorable M. Loos, et il était le plus redoutable ; aujourd’hui les choses sont bien changées ; les deux sucres marchent côte à côte en ce qui concerne l'exportation, et l'honorable M. Loos qui m'accusait autrefois d'exagération me reproche maintenant un excès de modération ; c'est un reproche que j'ai déjà entendu bien souvent dans ma vie, et que j'entendrai encore plus d'une fois. Je souhaite que l'amendement de l'honorable membre soit admis ; certes je ne m'y opposerai pas, mais je doute que la Chambre veuille se rallier à son opinion.
J'ai demandé à M. le ministre des finances trots choses : sur la première nous sommes d'accord ; sur la seconde il m'a fait une réponse (page 1695) que je tiens pour satisfaisante ; quant à la troisième, il ne veut pas promettre que son département déposera des types aux divers bureaux d'exportation ; pourquoi ? Parce que, dit-il, ma proposition cache évidemment une intention de fraude. Eh bien, je déclare formellement que si je pouvais entrevoir, dans la demande que je suis venu formuler et appuyer, une intention de fraude, non seulement je n'insisterais pas, mais je retirerais tout ce que j'ai dit. Je n'entends en aucune façon favoriser la fraude, je sais que si la facilité était poussée à l'excès, si on recevait des sucres plus bruns et moins secs qu'il ne convient, les fabricants pourraient exporter des mélasses sous forme de sucre et obtenir la restitution d'un droit qu'ils n'auraient pas payé.
Je vais m'expliquer.
Je pose en fait qu'on ne peut pas toujours, comme l'a dit M. Dumortier, faire dans une fabrique des sucres de même apparence et de même couleur. Ainsi quand la récolte des betteraves n'est pas bonne, le sucre n'a pas la même apparence et la même couleur que quand la récolte a été satisfaisante ; les betteraves qu'on travaille après deux et trois mois produisent du sucre moins beau que celui qui est fabriqué avec des betteraves toutes fraîches, cela est de toute évidence. C'est un fait que tout le monde connaît.
L'honorable M. Loos demande qu'on accepte le type admis en France, M. le ministre répond : Il n'y a pas de type en France. Mais M. le ministre a un type et ce type il l'a même mis sous nos yeux.
Tout à l'heure il a tiré d'une de ses poches une petite bouteille contenant du sucre d'une fabrique que M. Dumortier connaît très bien. Si M. le ministre voulait fouiller dans son autre poche, il y trouverait peut-être le type dont je viens de parler ; c'est, si j'ai bonne mémoire, le type n°6.
J'ai déclaré au ministre que je me tenais pour satisfait, s'il voulait adopter ce type, mais j'ai demandé que ce type, au lieu de rester dans les bureaux du département des finances, fût envoyé aux bureaux frontières et remis aux fabricants et qu'on laissât sortir les sucres d'apparence égale à celle du sucre que le ministre nous a montré.
Du reste, je ne veux pas me montrer exigeant outre mesure, ni même insister plus longtemps. C'est une affaire à régler administrativement avec le département des finances. Nous retournerons à la charge, nous ferons des démarches pour obtenir ce que nous demandons aujourd'hui, cela n'a pas besoin d'être inséré dans la loi. Du moment que nous ne demandons à M. le ministre rien qui soit de nature à favoriser la fraude, juste comme il l'est, je suis certain qu'il accueillera nos réclamations.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - L'honorable M. Dumortier vient de dire que pour la moitié et au moins pour le tiers de la fabrication du sucre de betterave, on peut obtenir du sucre sec et blond, c'est-à-dire rigoureusement et absolument ce qu'on peut exiger aux termes de la loi de 1849. Je demande si ce n'est pas une chose satisfaisante que la moitié de la production du sucre indigène puisse s'exporter dans les conditions légales ? Si on exportait cette quantité-là, ce serait énorme. Quand ce serait le tiers, ce serait encore un immense avantage ; cela ferait une excellente position à cette industrie. Je ferai remarquer, d'ailleurs, que la situation qui est faite par le traité à la sucrerie indigène, n'est pas précisément celle qui a été indiquée par l'honorable M. Dumortier, n'est pas celle que lui faisait le projet de loi de 1860.
Le traité fait à l'industrie du sucre indigène des avantages qu'on ne peut pas méconnaître ; il permet l'exportation des sucres bruts et l'importation en France des mélasses pour les distilleries en franchise de droit ; ce sont deux avantages considérables que M. Dumortier apprécie parfaitement et qui résultent du traité.
Pour vous donner une idée de l'avantage qui résulte de la faculté d'exporter le sucre brut, il faut savoir que le prix du sucre brut en entrepôt en Belgique, a été presque constamment en dessous du prix des sucres indigènes français également en entrepôt. C'est ce que les fabricants constataient dans un mémoire en 1860 ; le sucre était à 68 francs dans les entrepôts français, tandis qu'il était à 64 francs dans les entrepôts belges.
D'après les prix courants actuels, ils sont en France au prix de 72 à 73 francs, et en Belgique à 63. Vous comprenez dès lors que la faculté pour l'industrie du sucre d'exporter ses produits lui est extrêmement favorable. Je vais plus loin, je dis que si l'on avait soumis aux fabricants la question de savoir s'il faut maintenir le statu quo ou établir l'égalité aux conditions du traité, beaucoup auraient hésité et se seraient demandé s'il ne valait pas mieux accepter l'égalité de droit et jouir d'une pareille faveur.
Vous vous rappelez que, dans toutes les discussions sur les sucres, on a parlé des bas produits du sucre indigène, qui n'avaient qu'une valeur de trois à quatre francs, tandis que ceux du sucre de canne avaient une valeur bien plus considérable.
Aujourd'hui, par cela seul que la France a admis les mélasses même à un droit fort élevé pour les distilleries, le prix des mélasses s'est élevé considérablement.
Les mélasses sont arrivées à 17,20 et 22 francs. Eh bien, le traité fait disparaître le droit de douane. L'introduction des mélasses aura lieu en France en franchise de droit. Ce sont là des avantages incontestables et qui placent les sucreries indigènes dans une situation bien meilleure que celle qui leur aurait été faite par l'adoption des mesures proposées par le gouvernement en 1860, car alors il n'y avait pas de compensation.
M. Loos. - Je croyais que l'honorable ministre des finances reconnaîtrait la vérité de mes assertions. J'ai prétendu que tous les pays voisins se trouvaient dans de meilleures conditions que nous pour l'exportation, et cela n'est pas contestable. Ainsi, en France, on est libéré du droit d'accise en exportant 76 kil. de sucre raffiné ; en Angleterre, moyennant 77 1/2 kil. ; en Hollande, moyennant 81 et une fraction ; et en Belgique, 81 7/8 plus le droit de douane, ce qui porte le rendement à 83 1/4.
J'aurais bien voulu que l'honorable ministre, qui prétend que l'industrie ne souffrira pas d'un régime semblable, m'eût prouvé que la concurrence était encore possible sur les marchés étrangers. Il ne s'est pas donné la peine d'expliquer sa pensée sous ce rapport. Mais je crois la concurrence complètement impossible.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Vous trouvez que je ne me suis pas expliqué clairement. J'ai dit qu'au rendement actuel on exportait lorsque le rendement français n'était que de 70.
M. Loos.—J'ai entendu cela ; mais je me suis permis de vous interrompre, de vous dire que la raison en était simple et que vous la connaissiez aussi bien que moi. Cette raison, la voici. Au moment où le rendement en France était même plus bas qu'aujourd'hui et où nous luttions avec un rendement plus élevé que le sien, nous avions à côté de nous le sucre de betterave avec une différence de 6 francs par 100 kil. Que M. le ministre établisse la moyenne et il verra quel était notre rendement de cette époque. Le sucre de betterave payait 39 francs, le sucre de canne 45. Eh bien, tous les raffineurs du pays, à une ou deux exceptions près peut-être, employaient du sucre de betterave et se faisaient alors une moyenne que vous pouvez parfaitement établir.
Voilà ce qui nous a permis de lutter sur les marchés étrangers. Aujourd'hui qu'il y a égalité de droits et qu'il n'est plus possible de faire cette moyenne, il nous sera impossible de concourir avec les produits étrangers. J'aurais voulu que M. le ministre des finances rencontrât cet argument ; mais je le défie de le réfuter, parce qu'avec la législation que nous allons adopter, la concurrence est impossible avec la France et avec l'Angleterre.
M. le ministre des finances nous dit : La France n'a pas songé le moins du monde à ce que vous prétendez avoir été dans ses intentions ; elle n'a pas songé à empêcher la concurrence belge sur les marchés étrangers. Pourquoi nous force-t-elle alors à adopter un rendement plus élevé que le sien ? Nos négociateurs ne pouvaient-ils pas dire ; « Vous avez traité avec l'Angleterre. Eh bien, nous aurons la même législation qu'elle, et nous adopterons le reniement de 77 1/2 au lieu de 83. L'Angleterre a, en effet, un rendement moyen de 77 1/2.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - De 82.
M. Loos.—Non, vous parlez d'exceptions. C'est encore un point que vous connaissez aussi bien que moi. Il y a différents droits d'après les provenances ou plutôt d'après les qualités. Eh bien, voyez l'exportation des divers produits et vous reconnaîtrez que la moyenne du rendement est de 77 1/2.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Du tout.
M. Loos. - Messieurs, on peut dénier cela ; personne à la Chambre n'est à même de le vérifier, attendu que peu d'entre vous s'occupent du commerce des sucres. Mais je prétends et je prouverai que le rendement n'est en Angleterre que de 77 1/2, en France de 76, en Hollande de 81 1/4, et qu'il sera en Belgique, pour le sucre des colonies qui paye un droit d'entrée, de 85 1/4. Ce sont là des chiffres que je défie que l'on renverse. Eh bien, dans ces conditions, la concurrence est impossible. Vous ne tarderez pas à le voir, si mon amendement n'est pas admis, si vous ne voulez pas négocier avec la France dans les termes de mon amendement.
Messieurs, je puis dire que je me suis toujours tenu en dehors de toute exagération. J'ai vu mes prévisions dans la question des sucres se réaliser constamment et je ne crains pas de voir l'avenir démentir mes prévisions actuelles.
On nous objecte le peu de différence qu'il y a entre le rendement hollandais et le nôtre. Le gouvernement oublie que la Hollande travaille du sucre de ses colonies, qu'elle a de grands avantages à le recevoir chez elle, et que nous ne pouvons aller l'y prendre qu'en payant des commissions qui augmentent encore une fois le prix du sucre.
Je le répète, si la France n'avait pas l'intention d'exclure le sucre belge des marchés étrangers pour faire place au sien, nos négociateurs pouvaient parfaitement dire : Nous allons adopter la législation d'un pays avec lequel vous avez déjà traité ; vous avez traité avec l'Angleterre ; nous nous mettons sur la menu ligne qu'elle.
Mais en définitive la France, qui vous impose un rendement de 811/4, se réserve pour elle un rendement de 76. Il me semble que cela était assez clair pour ouvrir les yeux des négociateurs belges et qu'ils devaient reconnaître dans les exigences de la France l'intention de nous exclure des marchés étrangers.
Messieurs, l'honorable ministre vous a fait l'historique, aussi à sa manière, de l'exportation des sucres bruts. Il est impossible que l'on ne tente pas la fraude ; on la tente toujours, mais dans un commerce régulier qui est soumis à l'appréciation d'un douanier, vous ne pouvez pas méconnaître qu'il doit exister des contestations continuelles. Il s'agit, comme on vous l'a dit, de décider si la qualité que l'on présente est bien celle qui est indiquée par l'administration. J'ai vu, pour ma part, à Anvers admettre à l'exportation une fraction d'une forte partie de sucres et le lendemain refuser le reste, parce que c'était un autre vérificateur qui était chargé de vérifier l'expédition. Et cela s'est présenté plusieurs fois. J'ai signalé dans le temps ce fait à l'honorable ministre des finances qui nécessairement doit donner raison à ses agents. Qu'ils jugent bien ou qu'ils jugent mal, le gouvernement n'en souffre pas ; c'est le commerce qui en souffre.
M. le ministre dit : La France se serait certainement refusée à traiter avec nous, si nous avions eu la prétention d'accorder des primes énormes tandis qu'elle n'en accorde pas. Mais telle n'était pas la situation. Je ne comprends pas trop pourquoi M. le ministre des finances nous oppose cet argument. Nous n'accordions pas de prime plus que la France, si nous établissions le rendement à 76 au lieu de l'établir à 81 1/4. Du reste, messieurs, je vois l'impatience de la Chambre. C'est une question qui est très peu comprise, et j'essayerais en vain d'amener la Chambre à m'écouter.
Je maintiens mon amendement.
M. B. Dumortier. - L'honorable ministre des finances semble reculer devant la proposition de mon honorable collègue M. H. de Brouckere, d'indiquer un type minimum pour l'exportation. Il craint que cela ne donne lieu à la fraude. Mais la meilleure manière d'empêcher la fraude, c'est de créer un type. Quand vous aurez remis un type aux bureaux vous saurez vous-même qu'il n'y aura pas de fraude et qu'on ne pourra exporter ni mélasse ni sirop, qu'on ne pourra exporter que du sucre.
Quelle est, messieurs, la position que l'on veut faire à l'industrie ? C'est qu'elle ne saura pas ce qu'elle pourra exporter. Quand on aura vendu une partie pour l'exportation, quand on aura traité de bonne foi, que l'on croira être dans les bonnes conditions, l'administration arrêtera le sucre à la frontière et empêchera le vendeur d'exécuter son marché.
Je ne comprends pas, messieurs, qu'on refuse d'établir un type. N'avez-vous pas un type pour les toiles ? Et pourquoi n'en auriez-vous pas un pour les sucres ? Alors chacun saurait dans quelles conditions il peut exporter.
M. le ministre a dit que si l'on ne pouvait exporter que la moitié ou le tiers de la fabrication, ce serait un bienfait. Oui, messieurs, si l'écart était maintenu ; mais du moment que l'écart n'est pas maintenu, l'industrie ne peut plus vivre que par l'exportation.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Les honorables membres qui insistent particulièrement pour un type sous prétexte qu'il y a un type en France, bien que je déclare qu'il n'en est rien, ces honorables membres disent, d'un autre côté, que la fabrication n'est pas la même tous les ans. Je concéderais donc aujourd'hui un type que cela ne signifierait rien, puisque le type devrait être successivement modifié.
M. de Brouckere. - Eh bien, on le modifiera.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Alors quelle garantie auriez-vous de plus ? Dès que l'on changerait le type, il y aurait des réclamations.
On peut, messieurs, plaisanter très agréablement là-dessus, mais les fabricants savent parfaitement ce que l'on entend par sucre sec et blond ; ils savent parfaitement quel est le sucre exportable dans les limites de cette définition. :
Vous n'auriez donc pas plus de garanties que celle qui existent aujourd'hui, puisque l'administration étant maîtresse de fixer le type, le fixerait toujours de manière à ne pas satisfaire tout le monde.
On critiquerait le type choisi comme on critique aujourd'hui les expressions « blond et sec ».
J'ai fait remarquer, messieurs, en produisant certains échantillons, que l'administration avait fait preuve d'une grande tolérance ; j'ai comparé ces échantillon au type indiqué par l'honorable M. Dumortier lui-même, pour donner à tous la conviction que l'application de la loi n'avait pas été faite avec rigueur ; mais on comprend parfaitement que ce minimum, cette extrême limite, applicable dans des cas rares et exceptionnels, ne peut pas être admise comme un type invariable puisque, de l'aveu de l'honorable M. Dumortier, le tiers ou la moitié peut être obtenu en sucre blond et sec.
Quant à l'amendement dont parle l'honorable M. Loos, il y a en cette matière des subtilités dont il est extrêmement facile de faire justice. En Angleterre, par exemple, le droit sur le sucre varie en raison de la qualité saccharine, il en résulte qu'il faut un rendement différent pour chaque espèce de sucre. Vous savez, messieurs, que c'est en divisant l'impôt par la décharge qu'on obtient le rendement.
Si au lieu de nous livrer à des subtilités, nous nous occupons des qualités réellement introduites, des qualités sur lesquelles le droit a été perçu, afin de déterminer quel a été le rendement non pas imaginaire, mais le rendement réel, nous trouvons, comme moyenne générale pour divers pays, que le rendement est en Belgique de 82 1/6 ; en France, de 80 pour les lumps et de 76 pour les mélis (il serait de 78 si les lumps entraient pour moitié dans l'exportation) ; dans les Pays-Bas de 82 1/2 ; en Angleterre de 82 1/2, (Interruption.) C'est le rendement moyen.
Il est positivement de 82. J'ai vérifié les chiffres dont parle l'honorable M. Loos ; ils m'ont été soumis comme vrais, je les ai fait vérifier par l'administration et la rectification que je donne est tout à fait exacte.
Savez-vous, messieurs, quel est le rendement moyen du Zollverein ? Il est de 83 3/10, et à dater du 1er septembre 1861 il sera de 96. (Interruption.) Le Zollverein veut éviter qu'il y ait prime.
Or, dans la situation faite actuellement à l'industrie du raffinage il existe encore une prime, et une prime assez notable. Nous continuerons donc à payer une prime à l'exportation du sucre ; il faut bien qu'on le sache, et tout ce que je fais maintenant c'est pour éviter que la prime ne soit plus élevée ; mais la prime existe et c'est ce qui explique parfaitement comment, bien que la France ait un rendement moins élevé, nous pouvons néanmoins soutenir la concurrence sur tous les marchés : l'impôt est ici de 45 francs tandis qu'en France il n'est que de 30 francs ; or la prime est d'autant plus forte que le droit est plus élevé.
Ainsi, messieurs, les craintes que l'on manifeste et que, du reste, ou a toujours fait entendre chaque fois qu'il a été question des sucres, sans qu'elles se soient jamais vérifiées, ces craintes sont parfaitement chimériques.
Un mot encore, messieurs, de l'amendement de M. Loos dans lequel je le vois, à regret, persister. Il est évident que cet amendement c'est la violation du traité. C'est un amendement qui ne peut être soumis à la Chambre. Il abroge ou modifie l'article 9 du traité qui a fixé l'impôt et la décharge.
Il est impossible qu'un pareil amendement soit soumis à la Chambre, et j'engage l'honorable membre à le retirer.
M. le président. - M. Loos persiste-t-il dans son amendement ?
M. Loos. - Oui, M. le président.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Alors je dois proposer la question préalable.
La Chambre a adopté hier le traité ; il s'agit aujourd'hui d'en régler les conséquences. Dès lors l'amendement ne peut pas être mis en délibération.
- La question préalable est mise aux voix et adoptée.
- L'art. 2 est mis aux voix et adopté.
« Art. 3 nouveau (proposé par M. le ministre des finances, en remplacement de l'amendement de M. de Brouckere). Par extension au littera C de l'article 45 de la loi du 4 avril 1845, le sucre brut de betteraves est admis en dépôt dans l'entrepôt public. »
M. de Brouckere. - Je me rallie à cette rédaction.
- L'article 3 nouveau, tel qu'il est proposé par M. le ministre des finances, est mis aux voix et adopté.
« Art. 3 ancien (devenu l’article 4). § 1. Les droits d'entrée perçus sur le sucre raffiné aux taux fixés par le traité sont compris dans le décompte de la répartition trimestrielle prescrite par le deuxième alinéa de l'article C de la loi du 18 juin 1849.
« § 2. Les droits d'entrée perçus sur le sucre raffiné et sur les (page 1697) eaux-de-vie étrangères aux taux fixés par le traité, contribuent à la formation du fonds communal, dans la proportion déterminée par la loi du 18 juillet 1860, en ce qui touche les droits d'accise. »
- Adopté.
« Art. 4 ancien (devenu l'article 5). Le régime de déclaration en détail, de vérification et de surveillance concernant le chargement et le déchargement, ainsi que les pénalités prescrites par les lois en vigueur pour les marchandises d'accise, sont applicables aux eaux-de-vie étrangères et au sucre raffiné importés sous le régime du traité. »
- Adopté.
« Art. 5 ancien (devenu l'article 6.) Sont abrogés : L'article 9, les deux premiers paragraphes de l'article 10 et l'art. 11 de la loi du 18 juillet 1860 (Moniteur, n°201). »
- Adopté.
« Art. 6 ancien (devenu l'article 7). Les dispositions de l'article 15 de la loi du 18 juillet 1860 sont rendues applicables aux changements de droits d'accise résultant du traité. »
- Adopté.
M. le président. - La section centrale a eu à examiner un certain nombre de pétitions qui lui avaient été renvoyées par la Chambre ; elle a décidé que ces pétitions seraient déposées sur le bureau pendant la discussion ; et elle propose à la Chambre de les renvoyer à MM. les ministres des finances et des affaires étrangères.
- Cette proposition est adoptée.
Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet de loi relatif au traité de commerce conclu avec la France.
100 membres répondent à l'appel nominal.
98 membres répondent oui.
2 membres (MM. B. Dumortier et Faignart) s'abstiennent.
En conséquence, la Chambre adopte. Le projet de loi sera transmis au Sénat.
Ont répondu oui : MM. de Boe, de Breyne, de Bronckart, de Brouckere, Dechamps, Dechentinnes, de Decker, de Florisone, De Fré, de Gottal, de Haerne, de Lexhy, de Maere, de Man d'Attenrode, de Mérode-Westerloo, de Montpellier, de Moor, de Muelenaere, de Naeyer, de Paul, de Portemont, de Renesse, de Rongé, de Ruddere de Te Lokeren, Desmaisières, de Smedt, de Terbecq, Devaux, de Vrière, d'Hoffschmidt, Dolez, H. Dumortier, d'Ursel, Frère-Orban, Frison, Goblet, Grandgagnage, Grosfils, Guillery, Hymans, Jacquemyns, Jamar, Janssens, J. Jouret, M. Jouret, Landeloos, Lange, Laubry, le Bailly de Tilleghem, C. Lebeau, J. Lebeau, Lesoinne, Loos, Magherman, Mercier, Moncheur, Moreau, Mouton, Muller, Nélis, Neyt, Notelteirs, Nothomb, Orban, Orts, Pierre, Pirmez, A. Pirson, V. Pirson, Prévinaire, Rodenbach, Rogier, Royer de Behr, Saeyman, Savart, Snoy, Tack, Tesch, Thienpont, Vanden Branden de Reeth, E. Vandenpeereboom, Vander Donckt, Vanderstichelen, Van Dormael, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Overloop, Van Renynghe, Van Volxem, Verwilghen, Wasseige, Allard, Ansiau, Braconier, Carlier, Crombez, de Baillet-Latour et Vervoort.
Les membres qui se sont abstenus motivent leur abstention en ces termes :
M. B. Dumortier. - Messieurs, il y a dans le traité des dispositions qui sont favorables à plusieurs de nos industries, mais il y en a aussi qui sont pleines de danger pour d'autres industries et qui, dans l'avenir, peuvent leur être ruineuses. C'est pourquoi je me suis abstenu.
M. Faignart. - Messieurs, je n'ai pas voté contre le traité, parce qu'il est favorable à un grand nombre d'industries ; je n'ai pas voulu voter pour le traité, parce que je prévois qu'il entraînera la ruine d'une industrie importante.
M. Rodenbach. - Messieurs, c'est aujourd'hui par des combinaisons de tarif que les alliances politiques se resserrent avec les puissances. Nous venons, messieurs, de voter un traité de commerce et de navigation dont la durée sera de 10 ans ; c'est un des plus grands et des plus importants projets de loi que nous ayons eu à voter depuis bien des années. La France et la Belgique viennent d'accroître par ce traité la bonne entente qui devrait toujours exister entre les deux pays. Pour en donner une nouvelle preuve, j'engage le cabinet à vouloir bien promulguer, sans le moindre délai, la loi sur le cours légal de l'or français votée à une immense majorité par la Chambre et le Sénat et qui a été réclamée par des milliers de pétitionnaires qui en attendent avec d'autant plus d'impatience la mise en vigueur que le retard apporté à cette promulgation froisse leurs intérêts.
Ce sera une nouvelle preuve que nous voulons rendre plus étroits encore nos liens politiques et commerciaux avec la France.
- La Chambre s'ajourne indéfiniment.
La séance est levée à 4 heures et un quart.