(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1860-1861)
(page 414) (Présidence de M. Vervoort, président.)
M. de Florisone procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.
M. de Moor donne lecture du procès-verbal d« la séance d'hier.
- La rédaction en est approuvée.
M. de Florisone présente l'analyse des pièces adressées à la Chambre.
« Des facteurs ruraux attachés au bureau des postes de Warneton (page 415) demandent une augmentation de traitement ou du moins une indemnité. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Des facteurs ruraux du canton de Wellin demandent un augmentation de traitement. »
- Même renvoi.
« Les sieurs Kuhn, Cosme et Zimmer, gendarmes pensionnés, demandent que la loi du 20 juillet 1860 leur soit rendue applicable. »
- Même renvoi.
« Le sieur Dumoulin, ancien receveur d'octroi, à Tournai, réclame l'intervention de la Chambre pour obtenir une place des accises ou une gratification. »
- Même renvoi.
« Des habitants d'Ath demandent la construction des chemins de fer de Louvain à Bruxelles, de Hal à Ath et de Tournai à la frontière française ou du moins l'exécution de la ligne de Hal à Ath avant celle de Louvain à Bruxelles. »
- Même renvoi.
« Des habitants de Namur demandent que les deux métaux soient employés à la confection ces monnaies belges ; qu'on batte de préférence celui des deux métaux qui est le plus abondant ; que le rapport légal soit conservé dans toute son intégrité, et qu’on admette l'or fiançais sur le même pied que la France admet l'or belge. »
« Même demande d'habitants de Bouvignes, Bastogne, la Bouverie, Frameries, Cuesmes, Floreffe, Braine-le-Comte, Ecaussines d’Enghien, Mainveult. »
- Renvoi à la section centrale chargée d’examiner la proposition de loi relative à la monnaie d'or.
« M. le ministre de l'intérieur adresse à la Chambre 116 exemplaires de la seconde partie du tome XIII du Bulletin du conseil supérieur d'agriculture.
- Distribution aux membres et dépôt à la bibliothèque.
« M. le ministre de la justice adresse à la Chambre deux exemplaires du troisième volume publié par la commission royale des anciennes lois et ordonnances de Belgique, contenant les ordonnances de la principauté de Liège du 10 mars 1744 au 5 juin 1794.
- Dépôt à la bibliothèque.
(page 467) M. Vander Donckt, rapporteur. - Par pétition datte de Meerdonck, le 15 janvier 1861, des habitants de Meerdonck prient la Chambre d'accorder à la compagnie Bauwens la concession d'un chemin de fer de Malines, par Tamise et Saint-Nicolas, vers la frontière de Zélande.
Par pétition sans date, les membres des administrations communales et des commerçants, industriels et propriétaires de Puers, Oppuers, Ruysbroeck, Bornhem, Weert, Hingene, prient la Chambre d'accorder à la compagnie Bauwens la concession d'un chemin de fer de Malines a Terneuzen.
Même demande des administrations communales de Willebroeck, Clinge, et d'habitants de Clinge et St-Gilles (Waes).
Par pétition datée de Saint-Nicolas, le 8 janvier 1861, le conseil communal de Saint-Nicolas prie la Chambre d'accorder au sieur Bauwens la concession d'une ligne directe reliant cette ville aux chemins de fer de l'Etat et aux villes de Hulst, Axel et Terneuzen.
Même demande d'habitants de Beveren.
Par pétition datée de Stekene, le 14 janvier 1861, le conseil communal de Stekene demande que le concessionnaire d'un chemin de fer de Malines à Terneuzen soit tenu d'établir une station à l'endroit dit : les trois cheminées, territoire de Stekene-Kemsele.
La commission a examiné, avec toute l'attention qu'elle mérite, cette demande en concession des différentes villes et communes intéressées ; elle a constaté que, parmi les nombreuses demandes présentées jusqu'à présent, celles qui tendent à concéder à la compagnie Bauwens le chemin de fer de Mannes par Tamise et Saint-Nicolas à Terneuzen sont plus importantes sous tous les rapports et méritent tout spécialement l'attention du gouvernement et la bienveillante attention de la Chambre Dans ces conditions, votre commission a l'honneur de vous en proposer le renvoi à M. le ministre des travaux publics.
- Adopté.
M. Vander Donckt, rapporteur. - Par pétition datée d'Enghien le 10 janvier 1861, des habitants d'Enghien demandent la construction simultanée des chemins de fer de Louvain à Bruxelles, de Hal à Ath et de Tournai à la frontière française, ou du moins l'exécution de la ligue de Hal à Ath avant celle de Louvain à Bruxelles.
Même demande d'habitants de Gondregnies, Thoricourt, Hellebecq, Quenasi, Bassilly, Herinnes, Marcq, Biévène, Vaulx, Silly.
Messieurs, parmi toutes les demandes de concession de chemin de fer, une des plus importantes, tant sous le rapport des intérêts généraux du pays que sous le rapport des intérêts des communes demanderesses, est certainement celle que la ville d'Enghien et des communes intéressées ont adressée à M. le ministre des travaux publics. L'isolement dans lequel se trouve la ville d’Enghien, comme l'ont parfaitement dit notre honorable collègue M. Dumortier et d'autres orateurs, est certes une des grandes causes pour lesquelles la demande en concession est très fondée.
C'est une des plus utiles et des plus nécessaires de toutes les demandes qui ont été présentées jusqu'à présent.
Votre commission, pénétrée des grands avantages qu'offrirait la construction de ce chemin de fer, a l'honneur de vous proposer le renvoi des pétitions à M. le ministre des travaux publics en lui recommandant cette affaire de la manière la plus pressante.
Conclusions : Renvoi à M. le ministre des travaux publics.
(page 415) M. Van Overloop. - Comme vient de le dire l’honorable rapporteur de la commission des pétitions, la demande de concession de la compagnie Bauwens est une des plus importantes qui aient été soumises au gouvernement. Le projet de la compagnie Bauwens créerait une nouvelle ligne de chemin de fer qui aurait son point de départ à peu de distance de Malines, traverserait le Petit Brabant, passerait l’Escaut à Tamise et se dirigerait par Saint-Nicolas vers la frontière zélandaise.
Ce chemin de fer serait important à différents points de vue ; d'abord il multiplierait nos relations avec nos anciens frères de la rive gauche de l'Escaut et doterait d’un chemin de fer de nombreuses agglomérations de population qui existent dans le riche pays de Waes. En un mot, si la ligne de la compagnie Bauwens venait à être exécutée, elle constituerait un véritable travail d'utilité publique.
Par ces considérations, j’espère que, quand la demande en concession sera régulièrement présentée à M. le ministre des travaux publics, il l'accueillera avec sa bienveillance habituelle.
- Le renvoi proposé est ordonné.
M. Faignart. - Messieurs, je viens appuyer les conclusions de la commission des pétitions en ce qui concerne la requête dont vous venez d’entendre l'analyse. Je recommande à M. le ministre des travaux publics d’avoir égard, lorsqu'il présentera le projet de loi pour la construction d'un chemin de fer de Tournai à la frontière de France ainsi que de celui de Bruxelles à Louvain.
Vous reconnaîtrez sans doute, messieurs, que la ville d'Enghien et peut-être la ville de Tongres sont les seules villes d'une certaine importance qui soient privées d'un chemin de fer. Malgré les nombreuses réclamations des habitants de la ville et du canton d'Enghien, on a laissé cette contrée dans un état d'isolement complet.
Ces réclamations n'ont cessé de se produire à la Chambre sans qu'il y ail été fait droit. Déjà en 1851, dans la séance du 22 août, j'ai eu l'honneur de déposer un amendement tendant à ce que la Chambre autorisât le gouvernement à concéder une ligne de chemin de fer de Hal à Ath avec garantie par l'Etat d'un minimum d'intérêt ; ma proposition n'ayant pas été admise, la ville d'Enghien est restée jusqu'ici privée d'un bienfait dont jouissent depuis longtemps presque toutes les villes du pays.
Je viens de nouveau prier instamment l'honorable chef du département des travaux publics de présenter, en même temps que le projet de chemin de fer qu'il nous a promis de Tournai à la frontière française et de Bruxelles à Louvain, celui de Hal à Ath. Je demande en outre que ces diverses lignes soient établies simultanément ou, si la situation financière ne permettait pas cette exécution simultanée, que la ligne de Hal à Ath ait la priorité sur celle de Bruxelles à Louvain.
J'insiste, messieurs, sur ce point : ; car, comme j'ai eu l'honneur de vous le dire, la ville d'Enghien est complètement isolée, bien qu'elle ait puissamment contribué comme toutes les autres parties du pays, à la construction des chemins le fer belges. Je recommandé donc tout particulièrement à M. le ministre des travaux publics d'avoir égard à la pétition dont on vient de faire l'analyse, Lorsque l'occasion s'en présentera, et j'espère qu'elle ne se fera pas attendre, nous aurons l'occasion de traiter la question à fond et de prouver à la Chambre ainsi qu'au gouvernement que cette demande est bien fondée. Je n'en dirai pas davantage pour le moment, me réservant pour la discussion lorsqu'elle aura lieu.
M. Ansiau. - Je viens, messieurs, appuyer les conclusions de la commission et prier la Chambre de les adopter.
J’appelle toute l'attention bienveillante de M. le ministre des travaux publics sur l'objet si important de la requête dont il s'agit.
J'ai lieu d'espérer que l'esprit de justice et d'équité qui doit animer le gouvernement, nous mettra enfin en mesure de faire cesser l'isolement, de réparer l'injuste oubli où l'on a laissé jusqu'ici la ville d'Enghien et les nombreuses populations qui l'environnent.
Dans la session de 1856, lors de la présentation du projet de chemin de fer de Luttre à Denderleeuw, j'avais l'honneur déjà de faire valoir, avec la même insistance, les droits de ces intéressantes localités à se voir enfin relier au railway national.
Je ne puis que persister dans cette attitude, et avec d'autant plus de raison que l'on a différé jusqu'ici l'acte de réparation que l'on sollicite.
Messieurs, à propos de l'opinion si complètement favorable que vient de formuler l'honorable président de la commission des pétitions, je ne puis me dispenser de faire incidemment ressortir tout ce que renferme d'autorité l'avis si net, si désintéressé en même temps, de l'honorable membre.
Il a hautement déclaré, qu'aux yeux de la commission, aucune des nombreuses requêtes, parvenant chaque jour à la Chambre, pour réclamer des voies de communication ferrées, aucune n'est aussi fondée, en raison et en justice, que la pétition dont il s'agit, aucune ne mérite à plus haut titre un accueil favorable de la part du gouvernement et de la législature.
Permettez-moi de le dire, en terminant, cette appréciation est, à mes jeux, du meilleur augure en ce qui concerne l'adoption, par la législature, des mesures qui devront lui être proposées
M. Savart. - Je me joins à mes honorables collègues pour appuyer la demande en obtention d'une ligne de chemin de fer directe de Lille à Tournai, d'Ath à Enghien et à Hal, de Bruxelles à Louvain.
J'appuie la pétition en tant qu'elle demande la construction simultané des divers tronçons qui dans leur ensemble formeront une grande ligne internationale et deviendront la voie de transit la plus courte entre le nord de la France et l'Allemagne.
II s'agit d'un des projets les plus urgents, les plus nécessaires, les plus importants. On ne peut trop le signaler à la bienveillante attention de M. le ministre des travaux publics.
Suivant moi, la loi à intervenir aura des chances plus assurées de (page 416) succès si on en forme un projet unique renfermant toutes les parties de lignes que si on opère une division, que si on crée un projet de loi séparé par chaque tronçon.
En effet, dans le premier cas, tous les députés des diverses localités que la ligne doit traverser, d'après un plan d'ensemble, concerteront leurs efforts pour amener la réussite d'une loi indivise, tandis qu'en présentant une loi spéciale pour chaque tronçon isolé, on n'a pas autant la certitude de l'union complète et de l'entente cordiale entre un grand nombre de députés.
Si, en principe, chaque député représente (ou du moins doit représenter la Belgique dans son entier), il n'en est pas moins vrai qu'en pratique chaque député a beaucoup d'égards pour les intérêts particuliers du district dont il tient son mandat.
Par ces raisons, je ne me joins pas à la partie de la pétition qui serait de nature à amener une division, une préférence ayant trait à l'époque de l'exécution.
Si d'ailleurs l'exécution d'une partie de la ligne doit précéder l'exécution des autres parties, ce devrait être la partie de Lille, à Tournai, parce qu'elle forme le commencement de la voie, mais on peut travailler sur divers points à la fois ce qui vaudra mieux et activera la construction complète.
M. B. Dumortier. - Messieurs, l'objet dont il s'agit en ce moment est l'un des plus intéressants qui puissent occuper la législature au point de vue des travaux publics. Il s'agit, en effet, de savoir si la Belgique conservera le trajet direct entre l'Angleterre et l'Allemagne, qui pourrait très bien lui échapper si elle n'y prend garde. Le trajet direct entre l'Allemagne et l'Angleterre sera toujours le trajet par Calais, car très peu de personnes désirent faire une longue traversée en mer.
Le chemin de fer entre Tournai et Lille et de. Lille à Calais, n'est réellement pas un chemin de fer, c'est un véritable signe d'interrogation. Ii faut d'abord aller à Mons, puis à Courtrai, puis enfin, l'on arrive à Lille, et le système proposé par les pétitionnaires aurait pour résultat d'abréger de plus du tiers le trajet entre Lille et Bruxelles, il aurait pour résultat de mettre la capitale de la Belgique en communication directe avec la capitale de la Grande-Bretagne.
Je crois qu'en matière de travaux publics il est peu d'objets plus intéressants pour le pays.
Déjà en 1851 ou en 1852, d'accord avec les honorables MM. Faignart et Ansiau, j'ai proposé, à l'occasion de la loi des travaux publics, l'exécution de cette ligne. Les circonstances ont empêché que cela se fît alors. Je désire que le gouvernement ne laisse pas le pays dépourvu d'une ligne pareille. Il est impossible que, quand on s'occupe de redresser toutes les lignes qui se dirigent vers la capitale, celle-là seule reste dans l'état d'imperfection où elle se trouve.
M. Magherman. - Je suis loin de venir combattre les conclusions présentées par l'honorable rapporteur de la commission ; au contraire, je suis le premier à reconnaître toute l'opportunité qu'il y a à tirer de l'isolement la ville d'Enghien.
Mais il est une autre ligne au moyen de laquelle on obtiendrait le même résultat quant à la ville d'Enghien : c'est la ligne, concédée en 1856, de Braine-le-Comte à Courtrai. Malheureusement le concessionnaire, le sieur Tarte, par suite des diverses crises qui se sont succédé depuis lors, n'a pu remplir tous ses engagements et il a été déclaré déchu.
Je demande à M le ministre des travaux publics s'il n'y aurait pas moyen de le relever de la déchéance à l'aide de quelques nouveaux avantages qui ont été accordés à d'autres lignes ou de faveurs analogues, et de comprendre cette ligne dans l'ensemble de travaux publics qui doit être bientôt soumis à la Chambre.
- Les conclusions de la commission sont mises aux voix et adoptées.
M. Vander Donckt, rapporteur. - Par pétition datée d'Oostacker, le 19 décembre 1860, des électeurs à Oostacker signalent, comme pris en contravention à l'article 46 de la loi communale, l'arrêté de la députation permanente de la Flandre orientale, en date du 15 de ce mois, qui a annulé les élections de cette commune.
Conclusions : Renvoi à M. le ministre de l'intérieur.
(page 467) M. Vander Donckt, rapporteur. - Par pétition datée d’Oostacker, le 19 décembre 1860, des électeurs à Oostacker signalent, comme pris en contravention à l'article 46 de la loi communale, l'arrêté de la députation permanente de la Flandre orientale, en date du 15 de ce mois, qui a annulé les élections de cette commune.
Par pétition datée de Doel, le 1er décembre 1860, des électeurs à Doel prient la Chambre d'annuler tes élections qui ont eu lieu dans cette commune, le 30 octobre dernier.
Messieurs, pour éclairer la Chambre sur ces deux pétitions, il est nécessaire de donner quelques explications.
D'abord il était difficile d’admettre que la députation permanente de la Flandre orientale, corps honorable qui compte dans son sein des hommes éminents, des jurisconsultes les plus distingués de la province, eût pris à la légère des arrêtés en contravention de la loi ; aussi votre commission a-t-elle examiné ces pétitions avec la plus sérieuse attention.
Voici comment les choses se sont passées :
Des réclamations du chef d'irrégularités graves ayant été adressées à la députation permanente, M. le commissaire d'arrondissement fut chargé de procéder à une enquête sur les lieux et en communiqua le résultat à ce collège ; le 5 novembre dernier, il fut chargé le lendemain, à la demande dudit collège, de procéder de nouveaux et plus amples renseignements, et son nouveau rapport parvint dans la matinée du 28, jour auquel la députation devait prendre une décision.
Le même jour aussi, dans la matinée, les intéressés au maintien des élections firent remettre par M. l’avocat Rolin au président de la députation une requête qui tendait à démontrer que, d'après la jurisprudence, la députation n'était pas tenue de prononcer définitivement dans le délai de trente jours et qu’il suffisait pour interrompre la prescription qu’elle prît une décision préparatoire et par laquelle ils demandaient qu'elle ordonnât un complément d'enquête pour les mettre à même de faire entendre des témoins qu'ils prétendaient avoir à opposer à ceux déjà entendus. Ce supplément d'enquête fut donc ordonné par décision de la députation permanente en date du 28 novembre dernier pour donner égale satisfaction aux deux parties en cause, mais comme il ne détruisit pas les preuves d'irrégularités graves démontrées par la première enquête, les élections furent annulées par arrêté de ce même collège en date du le décembre suivant.
La députation avait eu outre pris sa disposition transitoire pour éviter l'alternative d'invalider les élections sur des preuves contestées ou de les valider sur des affirmations contraires dénuées de preuves.
Ceux-là même, à la demande desquels le supplément d'enquête avait été ordonné, se sont alors adresses à M. le ministre de l'intérieur et à la Chambre, pour réclamer du chef d'annulation tardive des élections, cherchant ainsi un moyen de faite prévaloir ces élections pour le cas où les nouvelles n'amèneraient pas les résultats qu'ils désiraient.
Les nouvelles élections ayant donné absolument le même résultat que les premières...
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Sauf les irrégularités.
M. Vander Donckt, rapporteur. - La question n'offre plus d'intérêt qu'au point de vue de la jurisprudence douce administrative, et si mes renseignements sont exacts, elle est en ce moment soumise à l'examen du département de l'intérieur.
Au fond il n'est plus question d'annuler les élections d'Oostacker, ou de les déclarer valides, mais simplement d'examiner la question de savoir si la députation permanente peut encore prendre une décision après le délai de 30 jours, fixé par la loi, quand même elle aurait pris un arrêté provisoire, et dans ces termes, votre commission a l'honneur de vous propose 'le renvoi de cette pétition à M. le ministre de l'intérieur.
Une autre question a été soulevée dans la pétition présentée par des électeurs de Doel.
Un des conseillers communaux doit être pris parmi les habitants du hameau le Vieux-Doel. Celui qui représentait ce hameau étant décède, le sieur Authoon fut élu en son remplacement le 7 septembre 1859, quoique n'habitant pas le hameau le Vieux-Doel.
Cette circonstance étant restée inconnue à l'administration provinciale, cette élection ne fut pas invalidée, mais sa réélection du 30 octobre dernier ayant donné lieu à une réclamation fondée sur ce que, n'étant pas habitant du Vieux-Doel, il n'était pas éligible pour ce hameau, elle a été annulée par arrêté de la députation permanente en date du 24 novembre dernier.
Les pétitionnaires demandent l'annulation des élections de cette commune pour le motif que, contrairement à une circulaire ministérielle du 22 avril 1836, on a commencé par l'élection du plus grand nombre des conseillers au lieu de commencer par celle de celui à élire parmi les habitants du Vieux-Doel. Sans contester cette circulaire, si toutefois elle a existé, il est évident qu'elle a été contredite par une autre du 2 juin même année, 1er division, n°7662, en suite de laquelle dans les villes et communes auxquelles l'article 5 de la loi communale a été appliqué, on a toujours commencé les opérations par l'élection du plus grand nombre de conseillers.
Vous remarquerez, d'ailleurs, messieurs, qu'on n'a pas pu contrevenir à la loi qui ne fixe pas l'ordre des scrutins et qui dit seulement qu'il y aura un scrutin séparé pour chaque section ou hameau, et qu'au surplus une circulaire n est pas une loi.
Ce qui a induit les pétitionnaires en erreur, c'est que, lors de la première élection du sieur Authoon, ce représentant avait été nommé pour (page 468) ce hameau, et que la députation permanente qui ignorait que cet élu n'habitait pas ce hameau n'a pu annuler l'élection la première fois, mais la seconde fois au mois d'octobre dernier sur la réclamation qui a été présentée à la députation permanente, elle a, conformément à la loi, annulé l'élection de ce représentant du hameau.
Votre commission est d’avis que l'arrêté du 24 novembre susdit a été pris conformément aux lois existantes sur la matière, que la députation permanente a bien fait de maintenir les élections générales à Doel, parce que, dans le cas contraire, ce serait au préjudice des droits acquis par les autres élus aux élections d’octobre dernier, régulièrement faites et qui n’ont pas été contestées au fond. Il n’y a pas à revenir sur les élections, il ne reste que la question administrative à examiner, surtout par rapport aux deux circulaires qui semblent contradictoires l’une à l’autre et c’est dans ce sens qu’elle vous propose le renvoi à M. le ministre de l’intérieur.
(page 415) M. E. Vandenpeereboom. - Messieurs, comme vient de vous le dire l'honorable rapporteur, il n'y a plus aucun intérêt ni politique, ni d'actualité dans cette affaire.
Tout ce qui a été fait est confirmé, et tous les délais sont passés ; car le délai endéans lequel M. le ministre de l'intérieur pourrait casser l'arrêt de la députation permanente, est lui-même expiré, parce que la décision du gouvernement doit intervenir dans les 15 jours de la résolution de la députation permanente.
Or, cette résolution a été prise le 15 décembre 1860, par conséquent le délai même est passé pour l'intervention du gouvernement.
Si je prends la parole, messieurs, ce n'est pas simplement parce qu'on dit que c'est une question à examiner théoriquement, et en ce sens je ne m'oppose pas an renvoi à M. le ministre de l'intérieur. Mais je crois qu'il y a lieu de faire connaître la question du côté pratique.
Il est très vrai que la loi dit que toute élection contre laquelle il n'y a pas de décision dans les 30 jours est réputée valide.
- Un membre. - Est validée.
M. E. Vandenpeereboom. - Est réputée valide.
Ce sont les termes de la loi. Mais, messieurs, dans la pratique administrative, il arrive souvent qu'on prend des décisions qui ne sont pas renfermées dans ce délai et qui cependant ont été reconnues jusqu'ici comme régulières : voici pourquoi : c'est que la plupart des élections contre lesquelles on réclame et dont on demande l'annulation, sont,souvent très embrouillées.
Il y a d'abord 10 jours pour réclamer contre l'élection ; pendant ces dix jours, la députation permanente ne doit pas statuer, puisqu'il n'-y a pas de réclamation.
Si l'on compte ensuite le temps nécessaire à l'envoi des pièces et des procès-verbaux, la députation n’a plus guère que 10 à 15 jours pour faire toute l'instruction. Eh bien, si l’enquête est ordonnée et si, comme c'est ici le cas, une contre-enquête est ordonnée, il est impossible à la députation de statuer dans ce délai. Et voici ce qui arrive, quand ces collèges se trouvent dans l'impossibilité de statuer endéans les 30 jours ils prennent un arrêté qui constate cette impossibilité et prononcent l'ajournement de la décision.
Je ne veux pas examiner si ce procédé est conforme au texte de la loi ; je me borne à exposer la pratique administrative qui a été suivie jusqu'à présent, sans qu'il en soit résulté aucun abus.
Je ne m'oppose donc pas au renvoi à M. le ministre de l'intérieur, mais je voudrais que ce renvoi n'eût pas la signification d'une adhésion à la réclamation des pétitionnaires. C'est une question à examiner, comme toutes les questions, de ce genre qui sont sujettes à controverse, et je prie M. le ministre de vouloir bien, quand il l'examinera, tenir compte des nécessités administratives qui peuvent se produire en pareil cas.
On ne doit pas oublier que les députations permanentes n'ont aucun intérêt à retarder leur décision. Si elles dépassent le délai prescrit, c'est qu'elles ont été dans l'impossibilité absolue de se prononcer plus tôt, avec fondement, en pleine connaissance de cause. Si, contrairement à la pratique administrative presque générale, on renferme les députations dans des délais insuffisants, on provoque des décisions précipitées et par conséquent, défavorables au fonctionnement salutaire de nos institutions communales. Il y a là un danger plus grand que dans un délai un peu prolongé. La question est assez grave, pour ne pas la toucher imprudemment, en détruisant des procédés administratifs qui n'ont pas présenté d'inconvénient jusqu'à présent.
M. Van Overloop. - L'article 46 de la loi communale porte : « La députation permanente de ce conseil provincial peut, dans les 30 jours à dater de l’élection, soit sur réclamation, soit d'office, annuler, par, arrêté motivé, l'élection pour irrégularité grave. Passé ce délai, l'élection est réputée valide. »
Je n'entends ni approuver ni improuver, dans l'espèce, ce qu'a fait la députation permanente de la Flandre orientale, mais je désire savoir quelle est l'interprétation que le gouvernement donne à cet article 46. Cette question est très importante. Si je suis bien renseigné, dans d'autres provinces que dans la Flandre orientale, on a appliqué rigoureusement l’article 46 de la loi communale, tandis que, dans la Flandre orientale, au moyen d'une décision qu'on pourrait appeler interlocutoire, on a cru entrer dans les vues de l’article 46.
Quoi qu'il en soit, je n'entends pas, je le répète, décider cette question. Je désire seulement connaître l'opinion du gouvernement sur l'interprétation de la disposition dont il s’agit. Je demanderai donc le renvoi de ces pétitions à M. le ministre de l'intérieur, avec demande d'explications.
Il y a autre chose encore qu'il importe de faire remarquer à propos des élections d'Oostacker. Encore une fois, je ne veux ni approuver ni (page 417) improuver ce qui a été fait ; mais voici quelques points que je tiens à faire ressortir.
La députation de la Flandre orientale a donc prononcé une espèce d'arrêt interlocutoire ; par suite de cette décision, on a procédé à une enquête ; la députation permanente n'a pas procédé elle-même à cette enquête, si je suis bien renseigné. Cela est-il régulier ?
Autre question : Une députation peut-elle, lorsqu'elle ordonne une enquête en matière électorale (et remarquez-le bien, elle exerce dans ce cas une partie du pouvoir judiciaire), peut-elle déléguer à une autre autorité le droit de procéder à cette enquête ?
La députation permanente de la Flandre orientale a délégué ce droit au commissaire d'arrondissement, agent du pouvoir exécutif (interruption). Ce sont des questions que je soulève, messieurs, sans vouloir me prononcer sur la solution à y donner.
Je répète donc ma question :
La députation permanente peut-elle déléguer le commissaire d'arrondissement pour procéder, dans des cas analogues à celui-ci, à l'audition de témoins ?
Troisième point (remarquez toujours que la députation permanente, corps administratif, dans ce cas, agit en vertu d'attributions qui tiennent de la nature du pouvoir judiciaire) : Peut-on sérieusement procéder à une enquête alors que les témoins sont entendus sans prestation de serment ? Je demande au gouvernement de quelles garanties l'on aurait de la sincérité des témoins ? Ainsi, lorsque, dans la Chambre, il s'est agi du droit d'enquête de cette assemblée, droit que la Chambre a en vertu d'un article formel de la Constitution, la Chambre elle-même n'a pas cru pouvoir passer outre à l'enquête sans avoir fait une loi obligeant les témoins que la commission appellerait devais elle, à prêter serment et comminant des peines contre ceux qui prêteraient un faux serment.
Dans les matières communales cela ne se fait pas.
Si l'interprétation donnée à la loi communale est vraie, si une députation peut ordonner une enquête et déléguer le commissaire d'arrondissement pour procéder à cette enquête et entendre des témoins sans qu'il puisse les astreindre à prêter serment de dire la vérité, rien que la vérité, je demande quelle garantie reste. Il me semble qu'il n'en reste plus.
A Oostacker, il a été entendu, dit-on, une quarantaine de témoins en faveur de l'annulation de l'élection, on en a indiqué une centaine en sens contraire ; sur ces cent témoins indiqués contre l'annulation, toujours d'après ce qu'on m'a dit, je n'affirme rien, on en a entendu 20 ; de ces 20, qui demandaient le maintien des élections, des 40 favorables soustraction faite à l'annulation, il est resté 20 témoins de plus en faveur de l'annulation ; une telle manière de procéder me paraît dangereuse. Je finis.
Je désire savoir, d'une manière, claire, précise, quelle est l'interprétation que le gouvernement donne à l'article 46 de la loi.
Si la députation pouvait avoir la puissance qu'on veut lui donner sur les élections communales, que deviendraient les libertés communales ? Ce seraient en dernière analyse les députations qui en seraient maîtresses.
Les élections communales sont la base de nos libertés. C'est là surtout que la volonté de la nation se manifeste.
Vous comprenez dès lors, messieurs, l'importance que j'attache à la question soulevée par les habitants d'Oostacker ; ce n'est qu'à raison du principe qui se trouve en jeu que j'ai pris la parole, n'attachant aucun intérêt au fait en lui-même qui a motivé la pétition.
Je demande donc le renvoi avec demande d'explications.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, la question peut être dégagée de toute préoccupation de personnes : d'après l'honorable rapporteur, ceux qui ont réclamé contre l'annulation de la première élection out été nommés dans la seconde, nous pouvons donc discuter la question d'une manière uniquement théorique. On propose le renvoi au ministre de l'intérieur avec demande d'explications.
La question me paraît si claire, si simple que je demande à la Chambre de recevoir mes explications séance tenante.
Ce qui s'est passé dans la Flandre orientale n'est pas nouveau, c'est la jurisprudence suivie par presque toutes les députations permanentes, la députation du Brabant, de la province de Liège, de la Flandre orientale et, je crois aussi, du la Flandre occidentale. Je pourrais citer des exemples empruntes à ces diverses provinces.
Voici la question : les élections communales peuvent être annulées par la députation permanente d'office ou sur réclamation dans les 30 jours ?
L'élection non annulée dans les 30 jours est réputée valide, mais qu'arrive-t-il, quand la députation, pour prononcer un jugement parfaitement justifié, fait une enquête, prend des renseignements, demande des productions de pièces ? Il arrive que cette instruction ne peut pas être terminée dans le délai de 30 jours ; la députation n'a pas même 30 jours.
Elle doit prononcer dans les trente jours, mais les intéressés ayant dix jours pour faire leur réclamation, celle-ci peut n'arriver que le onzième jour, il ne reste donc à la députation que dix-neuf jours ; elle ne prononce pas, elle attend que l'enquête soit terminée pour prononcer ; cela s'est passe ainsi à toutes les époques, et je ne pense pas qu’il y eu lieu pour le gouvernement d'imprimer une autre direction à la jurisprudence des députations.
On dit : Que devient la liberté communale si la députation est maîtresse des élections ? Se peut-il qu'on vienne crier que la liberté communale est en danger ? Les députations sont là pour protéger les libertés communales, les libertés électorales ; il ne faut pas considérer les députations comme hostiles aux libertés électorales, mais comme protectrices de ces libertés, supposons, puisqu'on nous appelle sur le terrain des libertés électorales, des libertés communales, supposons une commune où un personnage important exerce sur les électeurs par les moyens les plus déloyaux, les plus illégitimes, une pression coupable, force les fermiers, sous peine de leur retirer les avantages dont ils jouissent, à voter pour lui ou ses amis, envoie ses gardes de jour et de nuit pour tourmenter de pauvres fermiers, appellent le garde champêtre, le curé, le bourgmestre même à leur aide, et dans ces conditions parvienne à obtenir une élection suivant ses vues ; les électeurs vaincus réclament, disent qu'il a été commis des actes de violence morale, quelquefois de violence matérielle, ils viennent réclamer le secours de la députation contre ces actes de violence devant lesquels ils sont impuissants.
Voilà où la liberté est compromise ; et la députation vient au secours de la liberté des élections, des libertés communales. Ne repoussons donc pas, au nom des libertés électorales, des libertés communales, cette influence salutaire de la députation, encourageons-la, au contraire, engageons les habitants des campagnes à recourir à ce pouvoir tutélaire et parfaitement indépendant. Quand les députations ordonnent des enquêtes qui suspendent leur jugement, elles le font pour ne pas prononcer à la légère un jugement important. C'est ce qui se fait dans la plupart des provinces, et cette jurisprudence n'a jamais été contestée.
Je n'aurai pas d'autre explication à donner. Si on veut renvoyer encore la pétition au ministre, je ne m'y oppose pas ; mais si on considère le renvoi comme une invitation faite au gouvernement de changer la jurisprudence des députations, il me serait impossible de l'accepter à ce titre ; ce n'est pas, d'ailleurs, dans les intentions du rapporteur.
M. Vander Donckt, rapporteur. - Ni de la commission.
M. B. Dumortier. - Messieurs, je suis peiné d'entendre les doctrines qui viennent d'être émises par M. le ministre de l'intérieur, à propos de l'article de la loi électorale dont il est question. Cet article est impératif ; il prescrit et ordonne aux députations permanentes de contrôler les élections communales pendant 30 jours ; il ajoute que, passé ce temps, les élections sont réputées valides. Voilà la loi.
Maintenant la députation doit-elle, oui ou non, se soumettre à la loi ? Si la loi est insuffisante, réformez -la, mais tant qu'elle existe, soumettez-vous-y. Il faut commencer par exécuter la loi. Quand nous avons fait la loi communale, dont j'étais rapporteur, nous avons pas voulu, la Chambre qui savait ce que c'étaient que les libertés communales, n'aurait pas souffert que le pouvoir souverain fût mis à la merci des députations pour en faire ce qu'elles voulaient.
C'est pour cela qu'elle a posé un terme, un délai fatal à la faculté qu'elle accordait à la députation, parce qu'elle a voulu que, passé ce délai, les élections fussent réputées valides et qu'il ne pût dépendre d'une députation de laisser une commune sans un pouvoir communal.
J'entends, dans beaucoup de discussions, des membres me demander : Admettez-vous le principe de la souveraineté du peuple ? Eh bien, quand ce principe de la souveraineté du peuple se trouve en question, on prétend qu'il faut une députation pour protéger la souveraineté du peuple ; c’est-à-dire qu'on nie soi-même le principe qu'on a posé.
L'exercice du droit électoral, dans toutes les parties du monde, est un acte de souveraineté. Le corps électoral, qui exerce ce droit, fait acte de pouvoir souverain. Le préjugé est donc que la souveraineté exerce ses attributions dans toutes les bornes légales.
(page 418) Si des erreurs ont été commises, si des abus ont été commis, évidemment 1a députation permanente a le droit d’y pourvoir. Mais la loi a fixé un terme fatal, et ce terme fatal, c'est une condition de stricte interprétation dans la loi ; car c’est une limitation à la souveraineté du peuple, et tout ce qui est limitation de la souveraineté du peuple est nécessairement de stricte interprétation. On a beau venir nous dire : L'usage des députations, la tradition des députations de trois ou quatre provinces est telle ou telle ; la violation de la loi ne peut être opposée à la loi. Si des députations ont pris un pareil usage, elles n'ont fait qu'une seule chose, c'est de violer la loi ; et la loi est faite pour les députations comme pour les élections communales.
Le cas qui se présente ici, je le reconnais, n'a aucune espèce de conséquence. Mais il est des circonstances dans lesquelles il n'en est pas de même. On m'assure que dans une commune du Brabant la députation a annulé les élections six semaines ou deux mois après qu’elles avaient eu lieu et que, se fondant sur cet article, la commune a déclaré qu'elle ne réunirait pas les électeurs.
Eh bien, je dis que la commune qui a agi de la sorte a respecté la loi que la députation avait enfreinte.
On nous parle du droit d'enquête. Mais où donc a-t-on été chercher le droit d'enquête pour les députations ? Ce droit, elles ne l’ont pas. Le droit d'enquête n'appartient qu'aux Chambres et au pouvoir judiciaire. (Interruption.)
Il n'appartient pas aux corps administratifs ; et quant à ceux qui m'interrompent, qu'ils veuillent bien ouvrir leur Manuel parlementaire. S'ils ne l'ont pas lu, qu'ils veuillent jeter les yeux sur ce que dit la loi électorale. Elle dit que la députation peut charger un ou plusieurs de ses membres d'une mission, lorsque l'intérêt du service l'exigé. Voilà ce que la députation a le droit de faire, mais elle n'a pas le droit de faire des enquêtes ; le droit d'enquête est un droit parlementaire et judiciaire et rien de plus.
Le gouvernement n'a pas le droit d'enquête ; il n'y a que le parlement qui ait ce droit, et vous savez que ce droit a été longtemps dénié et qu'on n'a pas même voulu établir de loi fondamentale pour régler ce droit d'enquête.
Une députation n'a pas le droit de forcer des témoins à comparaître, et lorsqu'elle n'a pas ce droit, elle n'a pas le droit d'enquête, Je défie de citer un seul texte de loi duquel il résulterait que la députation a le droit d'enquête. Elle peut prendre des renseignements, elle peut se renseigner ; mats le droit d'enquête, elle ne l'a pas ; et lorsqu'elle vient, sous prétexte, d'un droit qu'elle n'a pas, violer la loi, prendre un moyen détourné pour arriver à cette violation, je dis que cela n'est pas tolérable et qu'un pareil état de choses n'est rien autre que la violation de la loi la plus importante que nous ayons dans le pays, de la loi communale.
J'entends l'honorable ministre de l'intérieur nous dire que la députation doit protéger les électeurs. Mais, depuis quand, encore une fois, les électeurs doivent-ils être protégés par la députation ? La députation doit rendre justice quand il y a réclamation ; mais elle n'a pas de protection à exercer sur les électeurs. La main qui protégerait aujourd'hui les électeurs pourrait bien demain comprimer les électeurs.
La souveraineté du peuple n'a pas besoin de protection. La loi provinciale n'a rien dit de ce qu'on lui fait dire. La loi provinciale refuse à la députation le droit que vous prétendez lui donner, le droit d'enquête, elle ne l'a pas.
Quand nous avons fait la loi communale, dans le projet de loi il était écrit que les conseils communaux pouvaient faire des enquêtes, et lors de la discussion, on a soigneusement supprimé ces mots, parce qu'on a soutenu, et avec raison, qu'aux Chambres seules et au pouvoir judiciaire appartenait le droit d'enquête. Une députation ne peut donc violer la loi au moyen d'un droit qu'elle n'a pas !
Je maintiens donc que nous devons avant tout commencer par faire respecter la loi communale. Si le délai accorée par la loi n'est pas suffisant, qu'on présente un projet pour modifier la loi ; nous l'examinerons. Mais modifier la loi par des traditions, par des usages, parce qu'on appellera la jurisprudence des députations, cela n'est pas possible. Quand la loi parle, il faut que la députation s'y soumette comme le dernier des particuliers.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - J'aime à croire que l'honorable préopinant est seul de son opinion lorsqu’il vient refuser à une députation le droit d'enquête. Qu'est-ce que le droit d'enquête ? C'est le droit de s'enquérir, le droit de prendre des informations, de prendre des renseignements. Voilà ce que j'appelle une enquête administrative.
Mais, dit-on, la députation s'est arrogé un droit qui n'appartient qu'au parlement et au pouvoir judiciaire.
Où l'honorable membre a-t-il vu cela ? Où a-t-il vu qu'une députation s'est arrogé ce droit ? La députation peut envoyer soit un de ses membres, soit un agent administratif, pour prendre des renseignements quant à des faits qui ont été signalés à l'occasion d'une élection. Cet agent se rend sur les lieux ; il entend les diverses parties ; il vérifie le fondement des plaintes, il fait son rapport à la députation. Voilà tout.
La députation n'a pas le pouvoir de faire comparaître des témoins sous peine d'amende, elle n'a pas le droit d'exiger d'eux le serment. J'admets cela.
Mais cela s'est-il passé quelque part ? Une députation a-t-elle prescrit ce mode d’enquête et a-t-elle trouvé quelqu'un prêt à se soumettre à cette enquête arbitraire ? En aucune façon.
Messieurs, le mot « enquête » n’a, je pense, rien d'inconstitutionnel. Loin de là l'enquête est un des grands moyens constitutionnels à tous les degrés. L'enquête parlementaire, les enquêtes administratives sont de l'essence même de notre gouvernement, et à chaque pas, dans certaines lois, vous trouvez le droit d'enquête appliqué à des actes d'administration.
On dit, messieurs, que la députation n'a pas à protéger les électeurs, que les électeurs se protégeront bien eux-mêmes. L'honorable membre a donc eu tort de voter les articles de la loi qui attribuent aux députations le droit d'annuler les élections.
Et quand les députations annulent-elles ? C'est précisément quand elles supposent que la liberté électorale a été violée. On a recours à la députation pour sauvegarder la sincérité des élections. Lorsqu'une élection est entachée d'illégalité, d'actes de violence, d'actes d'immoralité, on a recours à la députation, corps électif et parfaitement indépendant, pour faire rentrer les électeurs dans la libre jouissance de leurs droits.
Je le répète, je ne pense pas que l'honorable préopinant trouve beaucoup de membres disposés à défendre l'opinion qu'il vient de mettre en avant.
Si l'on veut que la liberté communale comme toutes les autres libertés soit prise au sérieux, si l'un veut surtout que leurs défenseurs soient pris au sérieux, il ne faut pas venir à chaque instant dire que la liberté est violée.
J'admettrai si l'on veut ces habitudes de défiances contre les ministres, ceux-ci sont condamnés de par certaines opinions à violer toujours la liberté ; mais je ne le comprends plus quand il s'agit de corps électifs et dont l'indépendance ne peut être révoquée en doute par personne.
Il ne convient pas que des membres de cette Chambre viennent ici jeter la pierre à des corps sur lesquels la Chambre n'a pas d’action directe et dont il faut respecter l'indépendance.
M. B. Dumortier. - Il s'agit de savoir, messieurs, si la loi communale existe ou n'existe pas, si les députations peuvent ou ne peuvent pas l'enfreindre. D'après M. le ministre, la loi communale n'existe pas pour les députations ; d'après moi, au contraire, lorsque la loi déclare que passé les 30 jours l'élection est réputée valide, il est évident que passé ce délai l’élection ne peut plus être invalidée. D'après M. le ministre, elle pourrait encore être invalidée après plusieurs mois.
- Un membre. - C'est monstrueux !
M. B. Dumortier. - Oui ! C'est monstrueux. Il dépendrait de la députation de laisser une foule de communes sans conseils communaux, mais si les députations ne doivent pas respecter la limite tracée par la loi, quelle limite respecteront-elles ? Si la députation peut par une série d’arrêts interlocutoires laisser les communes dans l’incertitude, ce sera une menace permanente pour les électeurs.
Je ne comprends pas comment il est possible qu'un homme aussi ancien dans la vie parlementaire que l’honorable M. Rogier puisse soutenir un pareil système.
On dit que les décisions des députations ne sont pas de notre compétence.
Mais depuis quand donc ? Cela est encore directement opposé aux principes de la loi communale et de la loi provinciale.
Nous avons exigé que la députation se prononçât dans un bref délai, mais passé ce délai le pouvoir législatif peut intervenir. Les résolutions de la députation sont donc soumises à notre examen. Je dis qu'il s'agit d'une question de prérogative parlementaire et, pour mon compte, je n'abandonnerai jamais les droits de la Chambre.
Je demande à M. le ministre dans quel délai la députation doit se prononcer
La loi fixe un délai de 30 jours ; si cette prescription ne doit pas être respectée, il dépendra d'une députation mue par l'esprit de parti soit dans le sens de la droite, soit dans le sens de la gauche, peu importe ; il (page 419) dépendra d'une telle députation de suspendre indéfiniment les élections, de confisquer en quelque sorte la liberté des communes.
Je le répète donc, la loi doit être exécutée, toutes les traditions possibles ne sont rien en présence du texte de la loi ; les traditions contraires à la loi ne sont que des abus.
Si la loi est insuffisante, faites une proposition pour la modifier, nous examinerons votre proposition ; mais aussi longtemps que la loi existe, les députations doivent s'y soumettre.
Je suis heureux devoir, messieurs, par l'accueil qu'ont reçu mes paroles que je ne suis pas le seul de l'avis que je viens d'exprimer.
M. de Theux. - Je ne conteste pas aux députations permanentes le droit de prendre des informations sur la vérité des réclamations et des faits allégués ; mais ce qui me semble contraire à toutes les convenances en cette matière, c'est de déléguer un agent du pouvoir exécutif pour prendre ces informations. Je crois que la députation doit déléguer à cet effet l'un de ses membres.
Ceci, messieurs, est important.
Maintenant, je veux dire quelques mots sur le droit d'annulation après le délai de 30 jours.
Si nous consultons le texte de l'article 46, nous devons dire qu'il n'y a pas de doute possible. Cependant je ne veux pas me prononcer d'une manière absolue, et je voudrais que la discussion fût ajournée à 15 jours pour que chacun eût le temps de consulter les discussions parlementaires et les divers documents relatifs à la question.
Cette question, messieurs, est d'une haute importance ; car en présence du texte formel de la loi, les populations peuvent se croire victimes d'un acte arbitraire lorsque l'annulation est prononcée après les 30 jours ; il faut donc, dans l'intérêt de la paix et du bon ordre dans les communes, que la question soit résolue.
Je le répète, l'article 46 ne semble laisser aucune espèce de doute. Il porte :
« La députation permanente du conseil provincial peut, dans les trente jours, à dater de l'élection, soit sur réclamation, soit d'office, annuler par arrêté motivé l'élection pour irrégularité grave. Passé ce délai, l'élection est réputée valide.
« En cas de réclamation de la part des intéressés, ou d'opposition de la part du gouverneur, la députation est tenue de prononcer dans le même délai de trente jours.»
Il me semble, messieurs, que ce texte est aussi clair qu'il peut l'être ; il est possible cependant qu'à raison des discussions dont il a été l'objet, il dût recevoir une interprétation différente. Je n'ai en ce moment sous la main qu'un extrait du rapport de la section centrale sur le projet de la loi communale qui semble venir positivement à l'appui du texte de la loi.
« Le projet déclare que, passé 30 jours, si la députation n'a pas annulé l'élection, celle-ci est réputée valide.
« Cependant une députation provinciale pourrait, par sa non-action, valider, en ne se prononçant pas, une élection, que même il lui répugnerait d'approuver par un jugement motivé.
« Nous avons cru devoir prévenir cet abus. Toutes les fois qu'il y a une réclamation sur une élection, il faut qu'un jugement intervienne ; il ne faut pas que la négligence des autorités provinciales puisse être considérée comme une fin de non-recevoir.
« D'après ces considérations nous vous proposons l'addition d'un paragraphe qui stipule que, lorsqu'il y a réclamation ou opposition, la députation est tenue de prononcer dans le délai fixé pour son droit d'annulation. » (Rapport de la section centrale.)
Messieurs, il y a un motif grave pour qu'un terme soit fixé aux décisions de la députation permanente. Il faut en convenir, en matière d'élections, il arrive souvent qu'un intérêt politique est en jeu, et l'on pourrait, en prenant des informations, une première, une deuxième, une troisième fois, prolonger indéfiniment l'état d'incertitude dans les communes, et ainsi prolonger des pouvoirs expirés dans le chef de la personne non réélue.
Si l'on trouve qu'en effet le texte de la loi est clair et formel, et si l'on juge qu'il devrait y avoir une exception pour des cas déterminés, rien n'empêcherait d'apporter une modification dans ce sens à la loi communale ; mais jusque-là les députations doivent, à mon avis, se conformer au texte de la loi.
Remarquons que la députation permanente est la seule autorité à laquelle la loi impose un délai pour prononcer ses décisions. Un délai n'est pas imposé aux Chambres, en matière de vérification des pouvoirs, il y a un délai moral, un délai de bonne foi. Le législateur n'a pas non plus fixé le délai endéans lequel les tribunaux doivent prononcer.
Pourquoi a-t-on fixé un délai dans la loi communale ? On a eu certainement une vue particulière, c'est celle que j'ai indiquée tantôt.
Messieurs, par ces diverses considérations, je maintiens la proposition d'ajourner la discussion à quinze jours. Chacun pourra, dans l'intervalle, consulter le mémoire doit a parlé l'honorable M. Vander Donckt et que nous n'avons pas lu. On pourra consulter les rétroactes, et alors la Chambre sera à même de se prononcer en connaissance de cause.
Messieurs, je crois qu'il importe à la paix et au bien-être des communes que la question soit résolue d'une manière irrévocable.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, on parle de la paix et du bon ordre des communes. Je ne sache pas que jusqu'ici la paix et le bon ordre des communes aient été le moins du monde troublés sur aucun point du royaume, à l'occasion de la mise en pratique de la jurisprudence des députations permanentes. Nulle part, le bon ordre et la paix des communes n'ont été troublés, je puis en donner l'assurance à l’honorable M. de Theux. Du reste, je crois que de son temps les choses se passaient de la même manière qu'elles ont lieu aujourd'hui : les députations faisaient des enquêtes, ou si le mot « enquêtes » effarouche, faisaient des informations, et la paix et le bon ordre des communes n'étaient pas troublés.
J'ai dit quelle était la jurisprudence des députations ; j'ai détendu leur intervention au point de vue de la liberté électorale. A prendre le texte de la loi dans toute sa rigueur, je conçois qu'on puisse prétexter qu'il faut absolument que la députation permanente prononce dans les 30 jours ; mais, messieurs, il faut interpréter la loi avec le sens commun et faire la part des nécessités pratiques.
On dit que si on ne respecte pas le délai dans lequel la députation permanente doit prononcer, elle pourra suspendre sa décision sur une élection communale pendant deux ou trois ans.
Je réponds qu'une telle supposition est inadmissible, qu'une députation qui agirait de la sorte soulèverait, à bon droit, contre elle l'opinion publique.
Messieurs, il faut accepter l'exécution des lois suivant les règles du bon sens. Les Chambres ont le droit d'annuler les élections ; il n'y a pas de délai dans lequel elles doivent les annuler ou les valider. Donc il pourrait arriver qu'une majorité despotique ajournât indéfiniment l'admission des membres de l'opposition.
Les Chambres ont le droit d'enquête : elles pourraient aussi faire durer les enquêtes d'une manière indéfinie, et repousser ainsi indéfiniment les membres qui déplairaient à la majorité. Eh bien, cela a-t-il eu lieu relativement à l'enquête parfaitement constitutionnelle sur les élections de Louvain ? Messieurs, il faut tenir compte du bon sens et des nécessités pratiques, et ne pas se livrer à des suppositions parfaitement impossibles dans un régime tel que le nôtre.
La députation permanente qui aura eu besoin de 10 ou de 15 jours de plus que les 30 jours que la loi lui assigne, pour s'éclairer sur une élection, la députation, reconnaissons-le, fait bien en prenant ce délai supplémentaire.
Si la députation n'agit pas de cette façon, qu'arrivera-t-il ? En supposant une députation animée de sentiments hostiles à l'égard d'une élection communale, si vous ne lui permettez pas de prendre des informations, elle annulera immédiatement l'élection, et elle a le droit de l'annuler ; est-ce que la liberté électorale sera mieux respectée lorsque la députation aura annulé l'élection que lorsqu'elle l'aura maintenue à la suite d'une enquête ?
Messieurs, ne nous livrons pas à de vaines suppositions. Voilà 25 ans que la loi provinciale et la loi communale sont en vigueur, et nous ne voyons dans aucune commune le désordre dont on parle, à l'occasion de la jurisprudence des députations permanentes.
Je ne dis pas que, si on voulait réviser la loi communale, il n'y eût pas lieu de faire cesser le doute qui existe dans certains esprits, de déclarer que la députation permanente aura le droit d'ordonner des enquêtes et que, dans ce cas, le délai de 30 jours sera prolongé. Mais cela est de droit, c'est la règle indiquée par le sens commun. Je ne vois pas la nécessité de modifier la loi communale en ce qui concerne l'article 46.
Les cas qu'on signale aujourd'hui sont très rares ; je crois que c'est la première fois que la question est soumise à la Chambre : preuve que les députations n'ont pas fait abus de ces délais supplémentaires ; preuve que la liberté communale ne se trouve en aucune manière engagée dans de pareilles questions, et preuve encore qu'on peut avec sécurité laisser les députations continuer la jurisprudence qu'elles ont appliquée jusqu'ici.
(page 420) L'honorable M. de Theux a trouvé inconvenant que pour l'affaire dont il s'agit, la députation eût envoyé sur les lieux le commissaire d'arrondissement.
Je vois dans ce fait la preuve que la députation ne faisait pas de cette affaire une question d'opinion ; car si elle avait voulu en faire une question d'opinion, elle se serait chargée probablement elle-même de l'enquête. Quant à la convenance qu'il y a pour la députation de déléguer un représentant du pouvoir exécutif pour prendre les informations, je repousse ce reproche. Je tiens que la députation peut très convenablement confier cette mission à un représentant du gouvernement.
- La discussion est close.
M. le président. - M. Van Overloop n'insiste probablement pas sur sa proposition, les explications ayant été donnée.
M. Van Overloop. - Je me rallie à la proposition de l'honorable M. de Theux.
M. le président. - Je prierai alors l'honorable M. de Theux de formuler sa proposition.
M. de Theux. - Je l'ai déjà formulée. C'est d'ajourner la discussion à quinzaine.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je ne m'oppose pas à ce que l'examen des conclusions soit remis à quinzaine. S'il peut convenir à certains membres de reprendre cette discussion, je n'y vois aucun inconvénient.
M. le président. - M. le ministre de l'intérieur et le rapporteur se rallient à la proposition de M. de Theux.
- La proposition est adoptée.
(page 467) M. Vander Donckt, rapporteur. - Par pétition datée d'Anvers, le 14 janvier 1861, les sieurs Telghuys et Cie demandent une loi qui les indemnise de dommages subis par le fait de la révolution.
Messieurs, vous vous rappelez tous les noms de MM. Outshoorn et Telghus. Ces messieurs sont des associés.
Aujourd'hui c'est M. Telghuys qui, au sujet de l'incendie de l'entrepôt d'Anvers, demande une indemnité pour les marchandises qui ont été brûlées et détruites dans cet incendie.
Messieurs, les sieurs Outshoorn et Telghuys sont des Hollandais d'origine. On a donc exclu les Hollandais du bénéfice de la somme que la Chambre a mise à la disposition du gouvernement pour indemniser les ayants droit des différentes nations, y compris les Belges, qui ont subi des pertes par suite de l'incendie de l'entrepôt d'Anvers.
Messieurs, cette question a été longuement discutée dans la séance du 17 février I860, et sur la proposition de l’honorable M. Dumortier, l'ordre du jour a été adopté.
Plusieurs honorables membres ont pris une large part à cette discussion, et l'on a dit qu’il fallait eu finir une bonne fois. Sur ce, la Chambre faisant droit a adopté l'ordre du jour proposé par l'honorable M. Dumortier.
Maintenant, messieurs, votre commission, vu qu'il n'y a rien de changé dans la position de MM. Outshoorn et Telghuys, a l’honneur de vous proposer l'ordre du jour.
- Adopté.
(page 420M. Royer de Behr. - Messieurs, j'aurai l'honneur de demander à la Chambre, et particulièrement à l'honorable ministre des finances, de vouloir bien ajourner à vendredi la discussion de la pétition des employés des taxes de Namur.
Ces employés réclament afin d'obtenir soit une indemnité, soit un traitement d'attente.
Bon nombre de villes étaient soumises au régime de la mise en ferme, par conséquent la question présente un intérêt général.
J'ose espérer que la Chambre, et particulièrement M. le ministre des finances, ne trouveront pas d'inconvénient à ajourner l'examen de cette question à vendredi.
- Cette proposition est adoptée.
M. le président. - Messieurs, l'honorable M. Van Humbeeck m'a fait parvenir l'amendement suivant, qui complète l'amendement qu'il avait proposé antérieurement à l'article 3.
« L'examen préalable à celui de candidat en pharmacie et à celui de candidat notaire se compose également d'une épreuve écrite et d'une épreuve orale qui comprend :
« 1° Une traduction du latin en français ;
« 2° Une traduction du grec en français ;
« 3° L'algèbre jusqu'aux équations du deuxième degré ;
« 4° La géométrie plane ou la géométrie à trois dimensions au choix du récipiendaire. »
M. Van Humbeeck. - Je le disais hier, messieurs, en faisant pressentir à la Chambre mon abstention sur l'article 2 du projet de loi, en instituant le titre d'élève universitaire, nous n'avons fait qu'introduire un mot dans la législation. Ce mot pourra désigner une chose bonne ou une chose mauvaise. Cela dépendra de l'organisation que nous allons donner au grade décrété en principe.
Hier nous avons voté le mot, aujourd'hui nous avons à voter sur la chose.,
Tâchons de faire qu'elle soit bonne. L'honorable M. Devaux me disait il y a deux jours que mon opposition au projet n'était pas bien vive qu'elle ne consistait qu'à substituer un examen plus sévère à l'examen proposé.
Si l'honorable rapporteur de la section centrale a voulu parler de la forme de mon opposition, je me réjouis de ce que cette forme soit restée calmé, parce que je crois que tout raisonnement ne peut que gagner à être présenté sans passion ; mais au fond, il y a entre le projet du gouvernement et le mien une différence radicale.
Dans le système du gouvernement l'institution du grade nouveau doit constituer une épreuve préparatoire au grade de candidat en philosophie.
Dans mon système, au contraire, le grade nouveau constituerait un dédoublement du grade de candidat en philosophie.
Cette différence est bien autre que celle qui peut dériver d'une plus ou moins grande sévérité dans le programme des examens.
Lequel des deux systèmes est préférable ?
La solution de cette question dépend entièrement de celle d'une question préalable, importante, élevé : où finissent les humanités ?
Si les humanités finissent à la rhétorique, le projet du gouvernement se justifie. On conçoit qu'alors on veuille constater les résultats acquis dans une première période d'enseignement et ne pas laisser arriver à une période nouvelle avant de s'être assuré que ces résultats sont ce qu'ils doivent être.
Mais il y aurait erreur à comprendre ainsi la chose ; en réalité les humanités ne finissent pas à la rhétorique, mais à la philosophie. Admettre que les humanités finissent à la rhétorique, c'est admettre que l'enseignement des humanités est une œuvre sans conclusion. Vous aurez enseigné à l'élève la correction dans les mots par la grammaire ; vous lui aurez enseigné la correction dans les phrases par la syntaxe ; vous lui aurez enseigné à apprécier le beau dans les produits de l'imagination par la poésie ; vous lui aurez enseigné à apprécier le beau dans les produits du mouvement et de la passion par la rhétorique ; et puis votre enseignement s'arrêtera.
Mais ce sera alors, je le répète, un enseignement sans conclusion aucune. S'il faut le comprendre ainsi, vous avez mis pierres sur pierres, vous avez mis des matériaux à côté d'autres matériaux, vous avez pu prendre les pierres les mieux taillées, les matériaux de premier choix, mais, en définitive, vous n'avez pas construit un édifice. Si, au contraire, vous considérez l'enseignement des humanités comme finissant seulement à la philosophie, le système se présente sous un tout autre aspect, sous un aspect beaucoup plus majestueux, permettez-moi l'expression.
Vous arrivez alors à donner à l'enseignement moyen et à l'enseignement supérieur une ligne de démarcation bien tracée ; vous donnez à chacun de ces enseignements son véritable caractère.
L'enseignement moyen est un enseignement général, une préparation à toutes les carrières libérales. L'enseignement supérieur, au contraire, est un enseignement spécial, dans lequel on commence à rassembler les éléments nécessaires pour parcourir la carrière que l'on s'est choisie. Or, quelle est la dernière des connaissances générales que doit acquérir l'élève ?
C'est bien certainement la philosophie, la philosophie élémentaire, du moins, telle qu'elle se rattache au grade de candidat ; à ce point, la philosophie n'est pas encore une science spéciale.
Votre enseignement moyen se complète dans mon système par la connaissance de l'homme. En disant que les humanités finissent à la philosophie, je les considère comme formant, jusqu'à la rhétorique, un vaste système de gymnastique intellectuelle, qui doit mettre l'homme en état de se connaître lui-même ; cette connaissance, c'est la philosophie qui la lui donne, et surtout les branches de philosophie que l'on étudie d'abord.
Vous lui apprendrez à connaître les éléments dont se compose sa personnalité ; c'est la psychologie qui se charge de ce soin. Vous lui enseignez les formes dont son raisonnement doit se revêtir, c'est la mission de la logique. Vous lui apprenez à connaître les devoirs que lui impose sa conscience ; c'est la tâche de la morale.
Voilà comment l'enseignement moyen se complète ; comment il paraît véritablement ce qu'il doit être. A côté de la philosophie, figurera l'histoire, non pas l'histoire élémentaire et se confondant avec la chronologie ; mais l'histoire sous sa forme générale et s'alliant avec la philosophie. Ainsi compris, l'enseignement moyen finit par mettre sous les yeux de l'élève un vaste tableau, en lui présentant d'un côté l'homme tel qu'il doit être, par l'étude de la philosophie, et de l'autre côté, l'humanité telle qu'elle a été, telle qu'elle est, par l'étude de l'histoire.
De cette manière, votre enseignement moyen a réellement un but ; il conduit le jeune homme jusqu'au point où on peut lui dire : Vous savez quel est le but de l'humanité ; vous savez que chaque génération doit y concourir, que chaque individu doit collaborer à l'œuvre de sa génération ; maintenant choisissez votre route. De cette façon, l'instruction moyenne forme un ensemble complet.
Messieurs, admettre que le grade d'élève universitaire doive empêcher les élèves de faire leur philosophie, ce serait dire qu'il faut interrompre l'enseignement des humanités avant sa fin ; pourquoi alors plutôt à la philosophie qu'à toute autre période ? Ce n'est certainement pas dans (page 421) l'intérêt de l'élève. Le déclassement, qu'on paraît redouter beaucoup ne sera pas plus grand an sortir de la philosophie qu'au sortir de la rhétorique ; il restera le même.
Est-ce à cause de la nature spéciale de la matière, qui va s'enseigne dans cette dernière période de l'enseignement des humanités ? Mais on ne soutiendra pas que la philosophie soit plus dangereuse qu'une autre branche dés connaissances humaines ; ce n'est pas dans la défense du projet de loi présenté au nom du libéralisme qu'une pareille thèse pourrait se soutenir.
Ces principes ont été consacrés dans la législation d'autres pays. On a parlé de la Prusse ; on a voulu faire considérer le grade proposé comme devant tenir lieu de l'examen de maturité consacré par la législation prussienne. Mais, messieurs, cet examen de maturité, c'est un examen de candidat en philosophie ; il se rattache beaucoup plus à mon système qu'à celui de la section centrale et du gouvernement Voici, en effet, de quelles branches se compose l'examen de maturité : les langues allemande, latine, grecque et française ; la religion, l'histoire et la géographie ; l'arithmétique, l'algèbre, la géométrie, la physique et l'histoire naturelle ; l'introduction à la philosophie.
Et quelle est cette introduction à la philosophie ?
Elle comprend la psychologie expérimentale et la logique formelle Voilà l'examen de maturité. Vous voyez que c'est déjà un examen de philosophie ; ainsi, dans le système prussien, la philosophie fait partie de renseignement des humanités.
M. de Boe. - Mais on fait encore une année de philosophie à l'université.
M. Van Humbeeck. - Je ne le conteste pas ; mais l'examen de maturité, à la philosophie morale près, correspond à notre examen de candidat en philosophie.
En France l'examen de bachelier es lettres clôt l'enseignement des lycées ; le cours de philosophie se donne dans le même établissement où l'élève a étudié depuis la sixième.
Si le cours de philosophie se donnait en Belgique dans les collèges on n'aurait jamais pensé à créer un grade pour empêcher les élèves de le fréquenter.
Cette différence des locaux, si puérile en apparence, a exercé une influence très grande sur les idées en cette matière.
Les cours de philosophie étant donnés à l'université, cela amène une différence dans les dépenses de la famille et dans la vie des élèves. On s'est beaucoup préoccupé de ce point, et on a voulu faire du grade d'élève universitaire une sauvegarde pour la bourse des pères de famille.
Le but est respectable ; mais il ne suffit pas pour justifier à lui seul la création d'un grade nouveau.
Nous ne sommes pas les gardiens de la bourse des pères de famille ; ils doivent y veiller eux-mêmes. D'ailleurs, si ce but vous paraît si excellent, placez à côté de vos universités des pédagogies où la vie de l'élève continuera à être ce qu'elle était au collège.
Il vous reste un autre moyen encore : ajoutez des cours de philosophie au programme de vos athénées, si vous ne reculez pas devant la dépense que cette innovation entraînerait.
Mais qu'un examen ne vienne pas empêcher les élèves d'entrer en philosophie. La Chambre, comme l'a montré son dernier vote d'hier, se rapproche des idées que j'émets ici, elle n'admet pas un délai nécessaire d'un an entre l'examen de gradué en lettres et l'examen de candidat en philosophie.
Toutefois sur le résultat des études moyennes, philosophie comprise, j'admets un examen.
J'admets aussi que cet examen pris au complet serait trop chargé pour être l'objet d'une seule épreuve ; en conséquence je propose de le diviser ; la première épreuve sera celle de gradué en lettres ; la seconde sera la candidature en philosophie proprement dite. C’est le système que j'ai formulé dans mes amendements.
La première épreuve devra-t-elle avoir lieu à l'université ? Non, elle pourra se passer au sortir de la rhétorique.
Il sera à souhaiter qu'elle soit subie alors ; depuis ce moment, en effet, le récipiendaire doit avoir des données suffisantes sur toutes les matières qui font l'objet de cette première épreuve.
Recevoir ce grade en sortant de rhétorique, telle devra être l'ambition légitime des élèves ; et sous l'empire de ce sentiment une louable émulation naîtra chez eux et en même temps chez leurs professeurs.
Mais je ne veux pas instituer une obligation de subir cet examen à cette époque.
Je ne veux pas aller plus loin que la Prusse et la Hollande. Le système prussien n'est pas plus sévère que je ne le suis moi-même.
En Prusse les élèves, qui après avoir fini leurs études d'humanités n'ont pas réussi à passer leur examen de maturité, sont admis à la faculté de philosophie.
Dans ce cas, ils sont obligés de se présenter de nouveau devant la commission d'examen d'un gymnase à leur choix ; mais s'il leur arrivait d'échouer dans cette seconde épreuve, ils ne seraient plus admis à se présenter à l'examen, et la carrière académique leur serait fermée.
Ainsi, je me conforme au système prussien, en admettant qu'on pourra passer cet examen au sortir de la rhétorique ou pendant qu'on suit un cours de philosophie ; mais une conséquence que je repousse, c'est qu'on ne soit plus admis à se présenter après deux échecs.
Je ne pense pas d'ailleurs qu'on insère jamais une pareille exigence dans la législation belge.
Jusqu'ici je vous ai dit quelles idées générales avaient présidé à la rédaction primitive de mon amendement relatif à l'article 3, permettez-moi d'entrer dans les détails des diverses branches de mon programme. Il exige :
1° Des explications d'auteurs latins à livre ouvert avec exercices littéraires sur les passages expliqués ;
2°-Des explications d'auteurs grecs, également avec exercices littéraires sur les passages expliqués ;
3° L'algèbre jusqu'aux équations du second degré ;
4° La géométrie plane ou la géométrie à trois dimensions, au choix du récipiendaire ;
5° La trigonométrie rectiligne ;
6° Les notions élémentaires de physique.
Pour les branches mathématiques, jusqu'ici je n'ai pas entendu les critiques se produire. Au surplus elles ne sont guère possibles.
Ces branches auront été étudiées par l'élève, pour la plupart, depuis trois ans ; on ne lui en aura donc pas inculqué la connaissance par des efforts de mémoire et d'une manière prématurée.
Mon programme n'a pas été critiqué en ce qui concerne les explications d'auteurs grecs avec exercices littéraires sur les passages expliqués ; il en été autrement des explications d'auteurs latins à livre ouvert avec exercices littéraires. L'honorable M. Jacquemyns a trouvé cette exigence de mon programme beaucoup trop sévère. Ma réponse est facile.
Prenant l'épreuve de gradué en lettres comme dédoublant l'examen de candidat en philosophie, j'y introduis naturellement une matière qui a toujours fait partie du programme de ce dernier examen.
A l'ancien jury central, l'examen portait sur des explications d'auteurs à livre ouvert. Dans le projet de loi déposé en 1855 par M. Pier-cot, alors ministre, l'explication des auteurs latins à livre ouvert se trouvait faire partie du programme de candidat en philosophie.
Dans la loi du 1er mai 1857, si mauvaise qu'elle soit, si commode qu'elle ait voulu se rendre pour les élèves, les matières d'examen pour la candidature en philosophie et lettres, préparatoire à l'étude du droit, comprennent encore les exercices littéraires sur la langue latine et l'explication d'auteurs latins à livre ouvert.
Aussi, je ne fais que dédoubler le programme de la candidature eu philosophie et lettres, en plaçant cette matière dans l'épreuve de gradué en lettres.
Du reste, messieurs, devant tous les jurys on tient compte de la différence entre une explication sur préparation et une explication à vue. Cette distinction doit être faite non seulement à l'égard des élèves, mais encore à l'égard des latinistes les plus distingués.
L'honorable M. Jacquemyns a paru également redouter les exercices littéraires sur les passages expliqués. Il est très difficile, nous a dit l'honorable membre, d'admettre une discussion entre l'examinateur et le récipiendaire.
Que l'honorable membre ne s'y trompe pas ; il ne s'agit pas ici de discuter sur le sens des passages douteux, ni de discuter les leçons des textes. Il s'agit de chose plus simple. Un passage étant expliqué, peut-on exiger dans un examen littéraire que le récipiendaire y signale les défauts ou les qualités de la forme ? S'il s'agissait d'un texte de la langue maternelle, on ne pourrait le contester.
En serait-il différemment pour une langue que l'on doit pouvoir interpréter à livre ouvert ? Je ne le crois pas.
L'honorable M. Jacquemyns a fait une appréciation' exagérée des difficultés de mon programme, ce programme peut être maintenu.
(page 422) Dans mon amendement primitif, je mettais sur la même ligne le futur candidat en philosophie et lettres, le futur candidat en sciences, le futur candidat en pharmacie et le futur candidat notaire.
Pour eux tous, l'examen de gradué en lettres était le même. Hier, la Chambre, par son vote sur l'article 2, a consacré en principe qu'il y aurait des distinctions entre l'examen de gradué en lettres proprement dit, et l'examen préalable au grade de candidat en pharmacie ou de candidat notaire.
Cette circonstance m'obligeait à déposer un supplément à mon premier amendement.
Comme préparation au grade de candidat notaire et de candidat en pharmacie, j'ai pris l'examen de gradué en lettres du projet et je l'ai transcrit à la suite du programme que je maintiens comme celui de la première épreuve de candidat en philosophie et lettres.
Seulement de ce programme de gradué en lettres, rédigé par la section centrale et le gouvernement, j'ai retranché le thème latin ; le thème, d'après moi, dans l'enseignement-est un moyen et non pas un but. Nous' ne devons constater qu'un résultat : le récipiendaire sait^il ou non le latin ? Les expédients de méthodes ne nous concernent pas.
J'ai supprimé aussi la composition française : je n'aime pas les compositions françaises, les ouvrages de rédaction comme matière d'examen ; l'appréciation en est trop arbitraire ; elle peut trop varier.
Les matières d'examen doivent être toujours susceptibles d'une appréciation extrêmement précise.
Au reste, on pourra juger si l'élève sait écrire en français par le style qu'il imprimera à ses traductions du latin et du grec.
Ainsi mon programme se réduit, quant aux candidats en pharmacie et aux candidats notaires, aux dimensions du programme de gradué en lettres admises par le gouvernement et la section centrale ; je ne crois pas qu'on trouve encore ce programme surchargé. Cet examen peut être passé par un bon élève de troisième ; je l'ai déjà dit, et l'appréciation a été répétée par une voix plus éloquente que la mienne., Ne craignons pas que cet examen nous prive de candidats notaires. Comme on l'a très bien dit, nous en avons pour dix ans dès maintenant. La pénurie n'est pas à redouter.
Cet examen serait-il trop sévère pour les futurs candidats en pharmacie ? L'observation de l'honorable M. Jacquemyns s'adressait à mon programme primitif ; je ne crois pas qu'il l'applique encore à mon programme réduit. Au besoin, d'ailleurs, j'opposerais à son avis celui des pharmaciens de Bruxelles qui, dans une pétition adressée à M. le ministre de l'intérieur le 9 avril 1860, disaient :
(page 480) « Plus que jamais, M. le ministre, le besoin d'études fortes et élevées se fait sentir dans toutes les carrières scientifiques ou libérales ; dans les premières, même, c'est une nécessité qui devient de plus en plus impérieuse au fur et à mesure que la science s'avance à pas de géant, dans le champ des découvertes, et qu'elle déroule à nos yeux des horizons tellement vastes, tellement éloignés, que l'esprit doit avoir été cultivé avec le plus grand soin pour aborder avec quelque chance de réussite l'une ou l'autre des branches de ces vastes études.
« La pharmacie, carrière à la fois scientifique et libérale, a besoin tout comme une autre, plus qu'une autre peut-être, de voir développer, par une solide instruction littéraire, les qualités de celui qui devra passer le reste de sa vie dans un laboratoire ou dans une officine. Plus qu'une autre peut-être, disons-nous, parce que le plus souvent l'isolement du pharmacien est complet, et qu'il faut qu'il puisse trouver en lui-même et dans cette instruction première tout ce qui fait l'homme studieux et sociable ; tandis que dans bien d'autres carrières, le contact de la société peut combler, en partie du moins, les lacunes des études moyennes.
« Le nom d'humanités, donné à cette partie des connaissances préliminaires, n'est-il pas, du reste, la preuve de ce que nous avançons ? »
(page 422) Ainsi, messieurs, l'observation de l'honorable M. Jacquemyns, si elle était maintenue, serait contraire à l'opinion des pharmaciens eux-mêmes.
La Chambre examinera lequel des deux avis doit l'emporter.
Mon amendement, messieurs, contient encore des modifications importantes. Non seulement il introduit une épreuve orale à côté de l'épreuve écrite, seule admise par le projet du gouvernement et de la section centrale ; mais en énumérant dans l'article 3 toutes les matières de l'examen, il supprime l'épreuve complémentaire qui vous est proposée et qui entraîne, à propos de l'épreuve de gradué en lettres, une consécration nouvelle de la valeur des certificats d'études.
C'est surtout le besoin de publicité qui me porte à demander qu'une épreuve orale soit déclarée nécessaire.
L'honorable ministre de l'intérieur pour critiquer cette modification s'est fondé sur une quasi-impossibilité pratique. Si cette impossibilité était réelle, je n'hésite pas à le dire, mieux vaudrait supprimer le grade que d'en confier la collation à un jury qui constituerait un tribunal secret.
Nous avons supprimé les procédures occultes ; ce n'est pas dans la sphère de l’enseignement que nous devons les rétablir.
Quant à la suppression des certificats, je ne reviendrai pas sur les considérations victorieuses qui ont été présentées à cet égard par d'autres orateurs et qui justifient entièrement la mesure.
Je me borne, messieurs, à ces observations et par les divers motifs que je viens d'indiquer, je soumets au vote de la Chambre l'amendement modifié dont lecture lui a été donnée, il y a quelques instants.
M. le président. - Nous arrivons à l'article 3. Le gouvernement s'est rallié aux propositions de la section centrale.
M. Devaux (pour une motion d’ordre). - Messieurs, si la discussion continue, je demande qu'on tâche d'y introduire un peu de précision et d'ordre.
L'article 3 règle deux choses : la question de savoir si l'examen se fera par écrit ou oralement, et le programme. L'amendement de M. Van Humbeeck s'écarte du projet du gouvernement en ce qu'il ajoute un examen oral à l'examen écrit et qu'il modifie certaines parties du programme.
Pour qu'au moment du vote on ne soit pas surpris, pour qu'on ne soit pas appelé à voter sur des choses qui n'aient pas été discutées, je crois que nous ferions bien d'examiner séparément les diverses questions. On pourrait décider d'abord, s'il y aura un examen écrit et un examen oral ; ensuite nous discuterions et voterions séparément chaque numéro du programme avec les amendements qui s'y rattachent ; plusieurs membres, je crois, ont annoncé de nouveaux amendements, entre autres l'honorable M. de Haerne.
- La proposition de M. Devaux est mise aux voix et adoptée.
La séance est levée à 4 heures et demie.