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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mardi 19 juin 1860

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1859-1860)

(page 1583) (Présidence de M. Dolez, premier vice-président.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Boe fait l'appel nominal à deux heures et un quart.

M. de Florisone donne lecture du procès-verbal de la séance précédente.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Boe présente l'analyse des pétitions suivantes.

« Le sieur Van Damme adresse à la Chambre cinq numéros du Nouvelliste de Gand contenant des articles qui se rapportent à l'abolition des octrois et prie la Chambre d'adopter définitivement l'article premier du projet de loi et de renvoyer au gouvernement le surplus du projet. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi relatif aux octrois.


« Les membres de l'administration communale de Farciennes réclament l'intervention de la Chambre pour que la station établie au centre de cette commune soit maintenue. »

Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur de Penaranda présente des considérations tendantes à provoquer la révision de différentes questions encore pendantes, relatives aux créances du chef de la dette gallo-belge. »

- Même renvoi.

« M. Crombez demande un congé. »

- Accordé.


« Des bateliers, propriétaires de bateaux et négociants, à Lierre, demandent que le tarif du canal de Lierre à Grobbendonck soit mis sur le même pied que celui des autres canaux et spécialement du canal d'Anvers à Grobbendonck en tenant compte des longueurs comparées de ces deux voies de navigation. »

M. Notelteirs. - Cette réclamation est très fondée, j'ai l'honneur de l'appuyer. Les deux Nèthes constituent la communication naturelle par eau de la Campine avec le Rupel et l'Escaut. Cet avantage est enlevé aux bords des Nèthes par le canal de Grobbendonck à Anvers.

La distance d'Anvers à Grobbendonck est double, et c'est une voie navigable artificielle. Celle de Grobbendonck à Lierre n'est que de la moitié environ, et c'est la voie navigable naturelle. Cependant les péages de Lierre à Grobbeddonck sont le double de ceux de Grobbendonck à Anvers.

Je demande le renvoi à la commission des pétitions, avec prière d'en faire un prompt rapport.

- Cette proposition est adoptée.

Projets de loi approuvant les traités de commerce conclus avec le Pérou et l’Argentine

Rapports des sections centrales

M. Van Iseghem dépose les rapports avec les traités de commerce conclus avec le Pérou et avec la République argentine.

- La Chambre ordonne l'impression et la distribution de ces rapports et les met à la suite de l'ordre du jour.

Projet de loi supprimant les octrois communaux

Discussion des articles

Chapitre II. Modifications à quelques droits d'accise

Sucres
Article 10

M. le président. - Vous avez terminé votre dernière séance par l'adoption de la proposition de M. de Brouckere. Cette proposition n'était qu'un principe, elle n'était pas formulée en articles de loi. Je viens de recevoir de M. le ministre des finances des articles appliquant les principes posés dans la proposition que la Chambre a accueillie. Ces articles sont ainsi conçus :

« Art. 10. Par modification aux lois du 18 juin 1849 et du 15 mars 1856 (Moniteur, n°171 et n°80), le droit d'accise est fixé par 100 kilog. sur le sucre brut étranger, à 48 francs et sur le sucre brut de betteraves indigène à 42 fr.

« Art. 12. La décharge de l'accise, en apurement des comptes ouverts aux raffineurs et aux fabricants raffineurs, est fixée par cent kilogrammes comme il suit :

« 1° A 65 fr. 75 cent, pour le sucre candi sec, dur et transparent, reconnu tel par les employés, et à 59 francs 25 cent, pour les autres sucres de la catégorie A, mentionnés à l'article 3 de la loi du 18 juin 1849.

« 2° Au montant de l'accise pour les sucres de la catégorie B.

« Art. ... (nouveau). La législation sur les sucres sera révisée au plus tard dans la session de 1861-1862. »

M. H. de Brouckere. - Est-ce que ces articles sont mis en discussion ? (Interruption.)

M. le président. - Si la Chambre juge convenable de ne les discuter que demain, nous pourrons les faire imprimer. Ils seraient alors distribués ce soir.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - De cette manière il y aurait trois votes. Il y a eu un vote sur la question de principe, l'amendement de M. de Brouckere ; il y aurait un vote sur la formule que j'ai présentée ; enfin il y aura le vote définitif. Il me paraît que ce n'est pas la marche à suivre.

Les principes ont été adoptés par la Chambre dans la dernière séance ; ces principes, je les formule en articles de loi.

Je dis : Le droit sera de 42 francs sur le sucre de betteraves (augmentation 3 francs) et de 48 francs sur le sucre de canne (augmentation 3 francs). C'est ce que la Chambre a décidé, en maintenant un écart de 6 francs entre les deux sucres ; ce n'est pas ma proposition, et j'en décline complètement la responsabilité.

L'amendement de l'honorable M. de Brouckere contient un deuxième principe, le prélèvement de 700,000 francs, à faire d'abord par la suppression de la décharge à l'exportation des sirops et ensuite par l'augmentation du droit sur les deux sucres, Eh bien, nous supprimons la décharge à l'exportation des sirops et, par conséquent, nous maintenons le rendement de la loi actuelle qui est de 87 kilog. pour l'apurement des prises en charge.

Dans le système du projet de loi, qui établissait un droit uniforme, de 40 francs et qui supprimait la décharge à la sortie des sirops, le rendement était réduit à 80 kilogr. ; mais, aujourd'hui, il n'y a plus lieu d'abaisser le rendement à 80, car ce serait donner une compensation au sucre de betteraves, indépendamment des avantages qu'on veut lui conserver.

Il me semble que je reproduis très fidèlement, textuellement les propositions qui se trouvent dans l'amendement adopté par la Chambre.

M. de Brouckere. - Messieurs, il ne peut pas s'élever de difficultés quant au taux du droit. D'après le vote de samedi, il doit être fixé, comme vient de le dire M. le ministre des finances, à 42 fr. pour le sucre indigène, et à 48 fr. pour le sucre exotique. Mais il n'en est pas tout à fait de même, en ce qui concerne le rendement.

M. le ministre des finances, par son nouveau projet de loi, fait descendre le rendement à 80, de 81 81/1000 qu'il était d'après la législation actuelle.

Cet abaissement est-il en relation avec le taux du droit ? S'il faut répondre affirmativement à cette question, il faut maintenir l'ancien rendement. Mais si le changement de rendement est en rapport avec la (page 1584) suppression de la restitution à la sortie du sirop, alors il faut, au contraire, accepter le chiffre proposé par le nouveau projet, et fixer le rendement à 80.

Or, voici ce que je lis dans l'exposé des motifs :

« Le moment est venu de prononcer la suppression complète de cette décharge ; mais pour atténuer les effets qu'elle pourrait avoir sur l'industrie du raffinage, le projet accorde une compensation par un abaissement du rendement à l'exportation qui de 81,081 descend à 80. »

Dans la note placée à côté de l'article 12, je lis encore ce qui suit :

« Le rendement qui est actuellement de 81,08 est donc abaissé à 80, afin de compenser le désavantage résultant pour l'industrie de la suppression de la décharge accordée aujourd'hui à l'exportation des sirops. » (Voir l'exposé des motifs).

J'avais donc raison de dire que l'abaissement du chiffre du rendement n'est pas en rapport avec le taux de l'impôt, mais qu'il est en rapport avec la suppression de la restitution accordée aujourd'hui à la sortie des sirops.

Ceci posé, je ne m'oppose nullement à ce que les propositions de M. le ministre des finances soient mises immédiatement aux voix. Mais il est bien entendu qu'au second vote il sera permis de présenter des observations quant au rendement, si ces observations sont jugées nécessaires. Je ne veux pas qu'on prenne le consentement que je donne aujourd'hui comme un assentiment définitif. Je me réserve le droit de faire des observations, après un examen attentif.

M. le président. - Il est bien évident que la proposition de M. le ministre des finances n'est que la formule d'un amendement qui a été accueilli par la Chambre, et que par conséquent il y aura un second vote. Cela me paraît incontestable.

M. Faignart. - Je crois volontiers que la rédaction de M. le ministre est la conséquence exacte de l'adoption de l'amendement de l'honorable M. de Brouckere. Toutefois il me semble que si la Chambre voulait ordonner l'impression de la proposition, il serait plus rationnel d'y statuer dans une séance prochaine.

Je ne pense pas qu'il y ait lieu de se hâter autant. Nous avons encore plusieurs articles à discuter. Pourvu que l'amendement soit examiné avant le second vote sur la proposition qui a été adoptée samedi, je crois qu'il n'y aurait pas le moindre inconvénient à ce que l'impression eût lieu et que l'on se prononçât dans une séance prochaine sur la proposition de M. le ministre des finances.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je prie la Chambre de remarquer que je ne fais aucune proposition, qu'il n'y a, par conséquent, pas de proposition du gouvernement à mettre en délibération ; mais il faut bien que la résolution qui a été adoptée samedi soit écrite en style législatif.

M. Faignart. - On pourra s'occuper de cela au second vote.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Mais au second vote on fera précisément cette même objection qu'on n'a pas eu le temps d'examiner.

M. Faignart. - Nous demandons l'impression.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Vous ferez au second vote vos observations. Si cette formule n'exprime pas ce que demandait la proposition en principe, vous le direz.

Je ne vois pas ce que l'on compromet et pourquoi il faudrait trois votes sur la proposition.

M. Mercier. - Je pense qu'il y a peu de membres de la Chambre qui puissent saisir ainsi la portée d'une formule d'amendement comprenant plusieurs chiffres, sans l'avoir examinée.

Je suis très disposé à voter de confiance, mais ce n'est pas régulier.

M. le ministre des finances nous dit que ce n'est pas un amendement, mais une simple formule. Nous demandons que l’on attende à demain pour nous permettre d'apprécier cette formule. Le second vote n'aura assurément pas lieu demain. Nous aurions donc le temps d'examiner la formule et demain l'on pourrait la discuter.

Je crois que cela est beaucoup plus rationnel.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je demande à dire un mot.

J'avais été au-devant du désir des auteurs de la proposition. Je croyais avoir fait chose utile et agréable à ces honorables membres. Je leur laisserai maintenant le soin de rédiger leur amendement en style de loi et je retire ma formule.

M. le président. - Nous sommes en présence d'un vote de principe émis par la Chambre. J'espère que les auteurs de la proposition adoptée voudront bien la rédiger en style de loi.

M. de Brouckere. - J'accepte la proposition. Si M. le président veut me passer la formule, j'effacerai trois lignes et je la fais mienne.

Je ne conçois pas l'opposition que l'on fait au premier vote alors qu'il doit y en avoir un second, alors que ce premier vote n'est qu'un vote préparatoire.

M. le président. - Si l'honorable M, de Brouckere veut s'approprier la proposition que j'avais en main tout à l'heure, je consulterai la Chambre sur la question de savoir si elle veut la discuter.

En ce moment je n'ai plus de proposition. (Interruption.)

Je vous propose, messieurs, de reprendre les antres dispositions du projet de loi, en attendant que M. de Brouckere ait formulé en style législatif les conséquences du principe qui a été adopté samedi par la Chambre.

Chapitre I. Abolition des droits d’octroi et attribution d’un nouveau revenu aux communes

Article 2

Nous avons à examiner maintenant l'article 2 ; car je crois que nous devons tenir l'article 13 en réserve jusqu'à ce qu'on ait statué sur la proposition de M. de Brouckere.

M. A. Vandenpeereboom. - Le chapitre II est relatif à des modifications à quelques droits d'accise, destinés à former le fonds communal. Il me semble que c'est à la suite de l'article 13 qu'il faudrait discuter les différentes propositions qui ont été faites dans le même but. L'honorable M. Rodenbach, notamment, a fait une proposition tendante à accroître le fonds communal ; d'autres propositions ont également été déposées. Je crois que ce serait le moment de les discuter.

M. le président. - M. Rodenbach a rattaché sa proposition à l'article 2 et je crois que c'est, en effet, sa place, dans l'ordre logique des dispositions.

Voici, messieurs, les différents amendements qui se rattachent à l'article 2, j'entends parler de l'article 2 du projet de la section centrale, auquel, si je ne me trompe, M. le ministre des finances se rallie.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Oui, M. le président.

M. le président. - Voici l'article 2 et les différents amendements :

« Art. 2. II est attribué aux communes une part de 40 p. c. dans le produit brut des recettes de toute nature du service des postes ; de 75 p. c. dans le produit du droit d'entrée sur le café et de 34 p. c. dans le produit des droits d'accise fixés par le chapitre II sur les vins et eaux-de-vie provenant de l'étranger, sur les eaux-de-vie indigènes, sur les bières et vinaigres et sur les sucres. »

Amendement de M. Coomans : « Tous les six mois, le gouvernement fera verser dans la caisse de chaque commune une somme égale au produit net du principal de la contribution personnelle et des patentes, perçu sur son territoire. »

Amendement de M. de Naeyer : « Remplacer l'article 2 par la disposition suivante :

« Il est attribué aux communes une part dans le produit des droits d'accise fixés par le chapitre II.

« Cette part sera de 13 p. c. du produit de l'accise sur les sucres ; elle sera calculée sur les bases des autres impôts au prorata de l'augmentation de la quotité du droit.

« En ce qui concerne l'exécution de la présente disposition, la proportion de cette augmentation est fixée à :

« 1° 22 p. c. pour les vins et les eaux-de-vie provenant de l'étranger ;

« 2° 38 p. c. pour les eaux-de-vie indigènes ;

« 3° 48 p. c. pour les bières.

« Supprimer l'article additionnel présenté comme disposition permanente. »

M. Tack propose de substituer au chiffre de 34 p. c. celui de 40 p. c.

M. Rodenbach propose d'ajouter un littéra C : « Dix centimes à prélever à l'extraction par tonneau de mille kilogrammes de houille. »

M. Tack. - Il me semble que, pour procéder régulièrement, il conviendrait d'ouvrir la discussion en même temps sur les articles 2, 3 et 14. C'est l'idée qui avait été émise par M. le ministre des finances dans une séance précédente ; la question de répartition est tranchée par ces trois articles ; il serait difficile de développer des amendements sur un de ces articles sans toucher quelque peu aux autres.

M. le président. - En procédant de cette façon, on ouvrirait de nouveau la discussion générale.

M. Rodenbach. - Messieurs, on dit qu'on peut discuter les amendements ; mais l'amendement que j'ai déposé, je ne l'ai pas développé.

- Plusieurs voix. - Développez-le.

M. Rodenbach. - Eh bien, le but de mon amendement est d'augmenter le fonds communal ; je suis convaincu qu'avec le fonds tel qu’il est, on ne pourra pas en peu d'années faire disparaître l'odieux et arbitraire impôt de capitation ou d'abonnement.

Messieurs, j'ai proposé par mon amendement d'établir un impôt de 10 centimes par tonne de houille de 1,000 kil. à l'extraction. Cela formerait, à raison de 10 c. par tonne, 900,000 fr. pour augmenter le fonds communal.

Je m'attends à entendre dire : Vous voulez donc augmenter le prix du combustible, du pain, de l'industrie, de ce dont les pauvres ont besoin pour cuire leurs aliments ? Mais non, je suis l'adversaire de toute augmentation du combustible.

Pour le prouver je vais citer des chiffres. Neuf millions de tonnes sont extraites approximativement par année ; sur ces neuf millions de tonnes six millions sont consommées dans le pays, trois millions sont exportées ; je demande que sur ces neuf millions on établisse un droit de 10 centimes par tonne, ce n'est pas un centime par hectolitre, (page 1585) ce n'est pas 1 p. c. de la valeur. Cette industrie et la plus prospère du pays ; si vous calculez que le prix de la houille est de 11 fr. 50 par tonne, cela fait 103 millions. Je demande si on ne peut pas demander à cette industrie un impôt d'un centime par hectolitre, pour que nos communes rurales et nos petites villes ne soient point froissées dans leurs intérêts et frappées d'une manière inique.

Du reste je ne demande point d'augmentation sur le charbon ; il y aura au contraire dégrèvement dans les 78 villes soumises à l’octroi ; le droit qu'on y perçoit sur les houilles s'élève à un million 75 mille francs dont elles seront dégrevées. Je le répète, je n'impose donc pas une charge aux houilles, puisqu'il y aura, en admettant ma proposition, encore une décharge de 175,000 fr. Ce qui m'a encouragé à présenter mon amendement, ce sont les paroles qu'a prononcées M. le ministre lui-même dans une précédente séance.

Il nous a dit : Faites des propositions pour augmenter le fonds communal. Je me suis levé immédiatement et j'ai annoncé que je ferais une proposition. Je me suis dit que M. le ministre ne serait pas éloigné d'adopter ma proposition, puisqu'il avait ajouté : Proposez même un droit sur le charbon, je le voterai.

J'ajouterai encore que M. le ministre des finances (dans les discours éloquents qu'il a prononcés, car il a fait preuve dans cette discussion d'un talent extraordinaire), nous a dit que le consommateur payait une partie de l'impôt et le producteur une partie.

Admettons que le producteur ne paye que la moitié du centime que je propose, le consommateur payera donc son charbon un demi-centime plus cher par hectolitre. C'est insignifiant. D'autre part dans les 9 millions de tonnes extraites chaque année, il y en a 3 millions qui sont exportées et de ce chef l'étranger nous payera aussi un demi-centime par hectolitre ou 150,000 fr. par an.

Messieurs, je suis partisan de la loi ; car voilà quinze ans que je demande que les octrois disparaissent, et je serais au regret de donner en cette circonstance un vote négatif. Mais si l'on veut augmenter le nombre des partisans de la loi, il faut que le fonds communal soit porté à un chiffre plus élevé ; et tel est le but de ma proposition. En la votant, vous satisferez aux plaintes des communes et des petites villes qui sont réellement lésées. Car elles resteront grevées de lourdes impositions communales, et M. le ministre n'a pu nous dire si ces impositions disparaîtraient dans quatre, huit ou dix ans.

M. A. Vandenpeereboom. - Messieurs, dans le discours que j'ai eu l'honneur de prononcer, il y a quelques jours, j'ai dit qu'il serait utile et même nécessaire d'augmenter le fonds communal. Il est désirable que cette loi puisse être votée par le plus grand nombre possible de membres de cette Chambre, et je sais qu'un certain nombre d'honorables collègues voteraient en faveur de la loi, si le fonds communal était augmenté. D'un autre côté, il est à désirer aussi que la loi mise à exécution soit accueillie avec faveur dans nos villes et dans nos campagnes, où on l'a si vivement calomniée. Le meilleur moyen pour atteindre ce but serait augmenter le fonds communal.

Le projet primitif du gouvernement allouait à ce fonds une somme de 14 millions de fr. Sur cette somme, 11 millions et demi environ étaient destinés à être donnés aux villes et 2,400,000 aux campagnes. Cependant dans le spécimen de répartition que M. le ministre des finances a distribué à la Chambre, la répartition est calculée d'après une somme de 3 millions.

Mais des faits nouveaux sont venus modifier ces chiffres. Le produit des octrois en 1859 a été notablement plus élevé qu'en 1858. La section centrale a dû tenir compte de cette différence ; elle a admis des propositions nouvelles et le gouvernement vient de se rallier à ces propositions. Cependant l'augmentation proposée ne me paraît pas suffisante.

En effet, d'après le projet du gouvernement, le fonds communal serait de 14 millions. Les augmentations proposées par la section centrale et auxquelles se rallie le gouvernement, sont de 1,042,000 fr. ; de sorte que le fonds communal serait de 15,042,000 Ir. Mais comme le produit des octrois a été en 1859 de plus de 12 millions, il en résulte que la part des communes rurales, si nous n'augmentons pas le fonds communal, ne serait que de 2,983,000 fr.

Je cite ces chiffres pour prouver à la Chambre qu'il est désirable que le fonds communal soit augmenté. Dans une de nos dernières séances, j'ai proposé divers moyens d'atteindre ce résultat, j'ai indiqué comme pouvant être versée au fonds communal une somme que la Banque Nationale paye à l'Etat sur ses bénéfices ou même tout ou partie du produit prélevé sur les jeux de Spa.

Depuis lors, en y réfléchissant, il m'a semblé qu'il ne serait peut-être pas impossible d'obtenir quelques ressources sur la houille. Je viens donc appuyer l'amendement de l'honorable M. Rodenbach que je ne puis approuver quant à la forme, mais que j'approuve quant au fond.

Je pense que l'amendement de l'honorable M. Rodenbach présenterait des difficultés dans l'exécution, et en outre soulèverait des objections qu'il ne serait peut-être pas possible de réfuter immédiatement. Ainsi, mon honorable collègue de la Flandre occidentale calcule le produit des dix centimes qu'il veut imposer à la houille sur 9 millions de tonnes.

Or, il est certain qu'une partie assez considérable de ces 9 millions, 3 millions de tonnes, je crois, sont exportées.

D'une autre part, la perception de ces 10 centimes pourrait peut-être donner lieu à des inconvénients et à des frais.

Je crois qu'on pourrait arriver au même but, san, rencontrer ces difficultés d'exécution, en augmentant la redevance proportionnelle sur les mines. Plusieurs fois déjà cette proposition a été faite. Ainsi je ne vois pas pourquoi ou ne porterait pas de 2 1/2 à 5 p.c. la redevance proportionnelle des mines et pourquoi on ne prélèverait pas sur le produit qui en résulterait 50 p. c, par exemple, au profit du fonds communal. Ce serait une augmentation de 500,000 à 600,000 fr.

Messieurs, cette augmentation de ressources me semble, à plusieurs points de vue, très rationnelle. C'est dans l'intérêt des campagnes que nous devons tâcher, en ce moment, d'augmenter le fonds communal, il faut donc que nous ne leur imposions pas de charges nouvelles. Il est certain que la grande consommation de charbon se fait dans les villes. Si on parvenait à obtenir quelques ressources de ce chef, elles seraient exclusivement au bénéfice des campagnes et ne leur coûteraient pas grand-chose.

Le fond communal se compose en général de recettes qu'on a appelées élastiques, c'est-à-dire qui sont susceptibles de croître. La ressource que je propose étant proportionnelle au bénéfice sur les mines, aurait aussi le caractère que je viens d'indiquer.

L'adoption de ma proposition augmenterait le fonds communal de 500,000 à 600,000 fr. et la part des communes rurales de 12 à 15 p. c. ; mais peut-on dire qu'il y aurait de ce chef aggravation réelle de charges pour le producteur ? Evidemment, non. On a discuté pendant plusieurs jours et on a, d'après moi, établi que c'est le consommateur qui paye les augmentations d'impôt. Mais, messieurs, ne perdons pas de vue que si nous grevons la houille de 500,000 fr., nous la dégrevons d'autre part de plus d'un million par la suppression des octrois.

J'ai dit, messieurs, que c'est le consommateur, en définitive, qui payera le droit, mais il est à remarquer que l'augmentation est tellement minime qu'elle serait en réalité imperceptible, qu'il sera presque impossible d'en tenir compte ; 500,000 à 600,000 fr. prélevés sur 500.000 à 600,000 tonnes, cela équivaut à 10 centimes par tonne, c'est-à-dire à moins d'un centime par hectolitre !

Or, le prix d'un hectolitre de houille est de 1 à 2 francs suivant les localités. Il est évident qu'un impôt de 1 centime sur 1 ou 2 francs est tout à fait sans importance, surtout quand on le compare à l'impôt sur la bière. (Interruption.)

L'honorable M. Laubry me répondra. J'aime toujours beaucoup à l'entendre.

On dit : Vous avez abaissé les péages pour faire baisser le prix de la houille et vous voulez l'imposer ; eh bien, je crois que c'est un motif de plus pour adopter ma proposition.

Le péage a été abaissé dans une proportion considérable et nous demandons une augmentation de droit insignifiants sur le charbon. (Interruption.) C'est le consommateur qui paye, me dit-on, soit. Mais, je le répète, un impôt d'un centime sur une chose qui vaut un ou deux francs, c'est inappréciable.

Messieurs, nous avons voté l'impôt sur la bière à contre-cœur ; nous avons compris, comme ceux qui ont voté contre l'augmentation, que c'est un impôt sur une boisson saine, utile et nécessaire ; mais nous avons voulu que la loi passât et nous n'avons pas trouvé d'autre moyen de remplacer l'impôt sur la bière ; nous avons subi une triste et dure nécessité.

Vous avez consenti à voter un impôt qui sera d'un centime par litre de bière, dont la valeur est de 20 centimes, et vous refuseriez de prélever un droit d'un centime aussi par hectolitre de charbon qui vaut de 1 à 2 francs ? Ce serait là une contradiction que l'opinion publique s'expliquerait difficilement.

Messieurs, je m'attendais à une certaine opposition du moment que je proposerais d’imposer même légèrement la houille. Cette opposition se manifeste d'une manière très vive. Je suis interrompu à chaque instant et pourtant je viens avec beaucoup de calme demander que l'on augmente le fonds communal, et je propose, à cet effet, de prélever quelque chose de plus sur la redevance des mines ; n'en ai-je pas le droit ? Je propose une augmentation tellement légère, qu'elle ne peut froisser personne et, je le répète, on ne cesse de m'interrompre de tous côtés. Est-il donc défendu de toucher à la houille ?

Quoi qu'il en soit, je dépose, messieurs, mon amendement sur le bureau et j'attendrai les objections pour y répondre. Je déclare que si ce moyen d'augmenter le fonds communal ne réussit pas, j'en chercherai un autre, et si je ne puis atteindre le but que je me propose, j'aurai du moins fait tout ce qui est en mon pouvoir pour améliorer la position des communes rurales.

M. Ch. Lebeau. - Je demanderai la permission de dire quelques mots à la Chambre sur l'amendement proposé par l'honorable M. Rodenbach et sous-amendé par l'honorable M. Vandenpeereboom.

(page 1586) Cet amendement, messieurs, est un véritable projet de loi, présenté à l'improviste, à propos d'une loi de suppression des octrois. Il a pour but de frapper d'un impôt nouveau les produits d'une grande industrie, dont on exagère singulièrement les avantages. J'appartiens, messieurs, à un arrondissement éminemment industriel, dans lequel l'industrie charbonnière est très considérable. Je suis moi-même personnellement intéressé dans cette industrie. Je ne crois pas, cependant, que dans cette position je dois m'abstenir de donner à la Chambre des renseignements et de lui soumettre des observations pour la mettre à même de statuer en connaissance de cause, car si, lorsqu'il s'agit d'une loi d'impôt les personnes qui sont soumises à l'impôt devaient s'abstenir, il arriverait presque toujours qu'aucun membre de la Chambre ne pourrait prendre part au débat.

Messieurs, on se fait une fausse idée de l'industrie charbonnière. On vous a dit tout à l'heure que c'était l'industrie la plus prospère du pays. Si on avait dit : la plus importante, je le concevrais.

M. Rodenbach. - C'est l'un et l'autre.

M. Ch. Lebeau - Ce n'est pas l'un et l'autre.

On se figure, je le sais, que l’industrie charbonnière donne des bénéfices énormes à ses actionnaires et c'est dans cette pensée que l'on veut frapper aujourd'hui les produits de cette grande industrie.

Eh bien, messieurs, c'est là une erreur et une erreur profonde qu'il importe de relever. Il y a un certain nombre de charbonnages qui donnent, sans doute, de beaux bénéfices à leurs actionnaires, mais le nombre en est assez restreint, il n'est pas de moitié.

Cela résulte des tableaux qui sont dressés chaque année par l'administration des mines, et si on récapitulait tous les capitaux qui ont été employés à créer et à développer l'industrie charbonnière, on n'aurait pas encore un intérêt dépassant 5 p. c. de ces capitaux, dans les années prospères.

Voilà, messieurs, un fait certain. Eh bien, je le demande, est-ce là cette industrie si florissante, si prospère ? Quelle est donc l'industrie qui ne rapporte pas un intérêt plus élevé ?

Messieurs, il y a en outre un désavantage dans l'industrie charbonnière, qui n'existe pas dans les autres industries : c'est que le capital s'absorbe : au bout d'un certain nombre d'années la mine se trouve sinon totalement épuisée, au moins épuisée à une profondeur telle qu'il devient impossible de l'exploiter avec bénéfice. Or, si vous ne produisez pas de bénéfices suffisants pour amortir le capital tout en couvrant les intérêts, le capital finira par être perdu. Ce qui n'a pas lieu dans les autres industries.

Il faut remarquer aussi que l'industrie charbonnière est la plus chanceuse, celle qui offre le plus de dangers et de périls pour les capitalistes.

Messieurs, il faut le reconnaître, le moment est singulièrement choisi pour venir frapper les produits houillers d'un nouvel impôt. Nous subissons aujourd'hui une crise industrielle très considérable. L'industrie charbonnière souffre tout particulièrement : sa position s'aggrave chaque jour. Déjà, à deux reprises, on a dû réduire le salaire des ouvriers de 10 p. c.

Ce n'est pas tout : par le traité de commerce qui vient d'être conclu entre l'Angleterre et la France, le droit d'entrée sur les charbons anglais en France va être diminué d'une manière notable.

Enfin, le gouvernement français vient de proposer le rachat des lignes navigables, et il va réduire les péages de 66 p. c.

Or, c'est dans un pareil moment, alors qu'il nous sera difficile de soutenir, en France, la concurrence avec les charbons anglais, qu'on vient proposer de frapper les charbons d'un impôt ?

D'un autre côté le gouvernement belge est sur le point, je pense, de négocier un traité de commerce avec la France ; il demandera sans doute au gouvernement français une réduction de droit sur l'entrée des charbons. Eh bien, que dira le gouvernement français ? Il répondra : « Vous venez demander une réduction du droit d'entrée de vos charbons en France pour dégrever les consommateurs français ; et, d'un autre côté, vous frappez les produits charbonniers, dans votre pays, d'un nouveau droit qui le fera renchérir au lieu de production. Dans cette circonstance, je ne puis admettre, dira-t-il, que votre demande de réduction du droit d'entrée en Fiance soit sérieuse. »

Et remarquez-le, messieurs, en France on cherche à développer l'industrie charbonnière, à faire arriver les produits charbonniers dans les lieux de consommation au plus bas prix possible ; à cette fin on réduit les droits d'entrée sur les charbons étrangers, et on diminue les droits de navigation sur les canaux.

Eu Belgique que fait-on ? On a dégrevé les péages du canal du Charleroi : on les a réduits de 40 p. c ; de plus dans la loi qui en discussion, on dégrève les charbons à l'entrée des villes à octroi, et voici que car la même loi, on frapperait le charbon d'un droit au moment de l'extraction !

Ce serait là, il faut en convenir, une contradiction, une inconséquence qu'une loi ne peut consacrer.

Le projet que nous discutons aura pour résultat de dégrever les consommateurs dans les villes à octroi, et l'amendement de M. Rodenbach aurait pour effet de frapper tous les consommateurs du pays et par conséquent ceux des communes sans octroi où la consommation est plus forte que dans les autres.

M. Rodenbach. - Comme pour la bière.

M. Ch. Lebeau. - La bière n'est pas absolument comme le charbon un objet de toute première nécessité ; personne ne brûle du charbon comme objet de luxe ou de fantaisie, mais uniquement comme objet de première nécessité.

Au contraire une partie de la bière, celle qui se boit au cabaret, ne s'y consomme pas comme un objet de première nécessité, mais plutôt comme boisson de luxe, absolument comme les vins et liqueurs.

Messieurs, on se figure sans doute que les produits charbonniers ne sont pas frappés d'impôts, que les charbonnages ne payent aucun droit à l'Etat. Mais qu'on veuille bien remarquer que les exploitants payent d'abord des contributions foncières, des contributions personnelles sur tous les terrains et bâtiments qu'ils occupent ; qu'ensuite ils payent une redevance proportionnelle de 2 p. c. sur les revenus réels, plus les additionnels : ce qui fait à peu près 2 1/2 p. c.

« Mais, dira-t-on, les propriétés foncières payent également des contributions. » Oui, mais elles ne payent pas de contributions sur le revenu réel, comme les exploitants de houille ; elles payent sur un revenu cadastral qui n'est peut-être pas le tiers du revenu de la propriété.

Ainsi, par exemple, un hectare de terre qui rapportera 300 francs de bénéfice au cultivateur, sera imposé d'après un revenu cadastral qui n'atteindra peut-être pas 100 fr.

Messieurs, la base de l'impôt proposé par M. Rodenbach est évidemment injuste ; il faut ne pas connaître l’exploitation charbonnière pour demander de l'imposer de la sorte.

En effet, M. Rodenbach frappe le charbon d'un droit uniforme de 10 centimes par 1,000 kil. Or, la valeur du charbon varie beaucoup trop pour qu'on puisse l'imposer sur la quantité.

En effet, il y a des charbons de différentes qualités et dont les prix sont aussi différents ; nous avons d'abord les charbons maigres qui se vendent moins de la moitié des charbons gras ; nous avons le charbon menu qui se vend à peu près le tiers du charbon gros. Or, comment voudrait-on frapper d'un impôt uniforme tous ces produits qui sont d'une valeur si différente ? D'un autre côté, on frapperait aussi, ce qui serait plus injuste encore, les charbonnages qui ne donnent aucun bénéfice comme ceux qui en réalisent.

Maintenant, je me demande pourquoi on choisit le charbon pour le frapper d'un impôt ? Le charbon est un produit du sol, c'est vrai, mais si on veut imposer le charbon à ce titre, pourquoi ne frappe-t-on pas également tous les autres produits du sol ?

Pourquoi ne frappez-vous pas également les autres produits miniers ? Pourquoi ne frappez-vous pas les minerais de fer, les minerais de plomb, les minerais de cuivre et les minerais de zinc ? Pourquoi ne frappez-vous pas aussi les produits agricoles ?

On reconnaît, sans doute, que ce serait une mesure injuste et désastreuse ; mais dans ce cas pourquoi veut-on, par exception, imposer les produits charbonniers ? Se figure-t-on que le charbon sort de terra sans main-d'œuvre ? Les frais de main-d'œuvre sout de 75 p. c. du prix de revient, et l'industrie charbonnière emploie 80,000 ouvriers. Si vous forcez les exploitants à réduire encore le salaire des ouvriers, on se demande comment les ouvriers verront la loi sur l'abolition des octrois. Ces ouvriers ont déjà vu réduire leurs salaires deux fois et si vous voulez encore grever le prix de revient de 10 c. à la tonne, vous risquez d'amener une nouvelle baisse de salaires, et dans tous les cas l'augmentation du prix de revient amènera naturellement une augmentation du prix de vente.

Je crois, messieurs que ces observations suffiront pour mettre la Chambre à même de décider en connaissance de cause et qu'elle n'adoptera pas l'amendement proposé.

M. le président. - L'honorable M. A. Vandenpeereboom vient de me faire parvenir un amendement ainsi conçu :

« Porter à 5 p. c. la redevance sur les mines et prélever 50 p. c. de ce produit en faveur du fonds communal. »

- L'amendement est appuyé.

M. de Renesse. - Lors de la discussion générale, j'ai cru devoir faire ressortir que-, dans l'intérêt de l'augmentation du fonds communal, il serait à désirer que l'on pût réserver pour ce fonds le droit que la houille payait jusqu'ici aux octrois ; de cette manière, l'on aurait obtenu environ 1 million de fr. sans aggraver la position actuelle de cette grande industrie, qui, notamment depuis 1830, a fait des progrès très marquants. Il est incontestable que cette industrie ne paye qu'une ressource insuffisante à l’Etat, puisque sur une production d'une valeur brute de plus de 103,000,000 de francs, la redevance de 2 l/2 p. c, rapporte à 1 Etat à peine 500 000 fr., et cependant, dans d'autres pays voisons, surtout en France et dans la Prusse rhénane, cette redevance a été maintenue à 5 p. c, et la France a néanmoins besoin de (page 1587) plus de 5 millions de tonneaux pour ses diverses industries, elle a constamment conservé la disposition de la loi de 1810, qui veut que le revenu de la propriété souterraine soit assimilé à celui de la propriété foncière.

D'ailleurs, soit en établissant un droit de 10 centimes sur l'extraction par tonne de houille, ou soit en se réservant le revenu actuel des octrois, sur la houille, l'on ne change réellement rien à l'état actuel des choses. Par ces considérations, je crois que l'industrie charbonnière doit aussi bien contribuer à l'augmentation du fonds communal, que d'autres industries dont les droits payés jusqu'ici aux octrois ont été réservés, à cet effet, par le gouvernement.

M. de Naeyer. - Messieurs, il me semble que la discussion, telle qu'elle s'engage sur l'article 2, soulève trois questions distinctes. Il s'agit de savoir d'abord si aux augmentations d'impôt que nous avons déjà votées au chapitre II pour former un fonds commun, il y aurait lieu d'ajouter encore quelque autre chose ; les charbons ou d'autres objets qui pourraient être adoptés comme matières imposables. Il s'agirait ensuite de voir dans quelle proportion nous voulons que ces augmentations d'impôt contribuent à accroître le fonds communal ; enfin si, outre ces ressources, il y a lieu de prendre dans les ressources actuelles du trésor pour fournir un contingent au fonds communal.

Je crois que si nous ne traitons pas séparément ces trois questions il y aura confusion.

Il faudrait donc vider d'abord cette question : Y a-t-il lieu d'ajouter quelque chose aux augmentations d'impôt que nous avons déjà votées ?

Je remarque que la section centrale et plusieurs honorables membres font des efforts pour améliorer la position des communes rurales ; c'est évidemment dans ce but que sont faites les propositions de grossir le fonds communal.

Dans ma manière de voir c'est chercher un peu midi à 14 heures, que de procéder comme on le fait. Je crois qu'il y a un moyen bien plus simple, bien plus juste, bien plus facile pour arriver au même résultat ; c'est de séparer complètement le produit des nouveaux impôts déjà votés et de ceux qu'on voterait encore pour en former réellement le fonds communal et puis de faire de ce fonds le partage équitable entre toutes les communes.

Quant à ce qu'il y aurait à faire pour les communes à octroi qui seraient embarrassées pour combler des déficits, le gouvernement interviendrait avec ses ressources qui n'auraient pas été entamées et parmi lesquelles il aurait conservé le produit des postes et les droits d'entrée sur le café.

C'est dans ce sens que j'ai indiqué un amendement. Cet amendement a pour objet de séparer complètement le produit des nouveaux impôts des ressources du trésor et d'en former réellement le fonds communal qui se composerait exclusivement du produit d'impôts créés dans ce but spécial de fournir des voies et moyens aux communes.

Le résultat serait celui-ci : ce fonds communal, composé exclusivement du produit des nouveaux impôts, s'élèverait au moins à 11 millions et demi. Si le partage de ce fonds se faisait conformément à l'amendement que j'ai proposé à l'article 3, c'est à-dire un tiers par habitant et deux tiers au prorata du principal des trois impôts indiqués par le gouvernement, il y aurait à repartir entre toutes les communes du pays sans distinction, savoir : environ 3,833,500 fr. suivant la population, soit 82 3/4 centimes par habitant, et 7,166,600 fr. suivant la triple base proposée par le gouvernement, soit 45 3/4 p. c. du principal de la contribution foncière bâtie, de la contribution personnelle et des patentes.

Chaque commune, qu'elle soit ville ou village, aurait par habitant 82 3/4 centimes et aurait, à raison des trois impositions indiquées comme bases, 45 3/4 p. c. Voilà quelle serait alors la position des communes en général et l'on pourrait la dispenser dès lors de recourir encore à de nouveaux impôts.

L'amendement que j'ai eu l'honneur de proposer à l'article 2 se résume en ceci. J'applique aux impositions indirectes ce qu'il fait pour les impositions directes. C’est le système des centimes additionnels au profit de la caisse communale. Nous avons aujourd’hui ce système pour les impositions foncière et personnelle. Là il y a des centimes additionnels décrétés par la loi.

Nous n'avons pas besoin là d'un fonds communal parce que le contribuable est connu au moment du payement et que ce qu'il paye peut aller directement à la caisse communale. Ce serait le même système appliqué aux impositions indirectes.

Ainsi nous avons voté pour les sucres une augmentation de 16 p. c. Cela se résume en 15 p. c. sur les nouveaux produits.

De même pour les vins et pour les eaux-de vie étrangères, l'augmentation votée s'élève à 35 centimes additionnels qui se résument en 22 p. c. sur les nouveaux produits ; de même encore pour les eaux-de-vie indigènes les 65 centimes additionnels que nous avons votés se résument en 38 p. c. à prendra sur les nouveaux produits, et pour la bière les 94 centimes additionnels se résument en 48 p. c. sur les nouveaux produits. L’amendement, tel que je l'ai formulé, signifie donc que le fonds communal se composera de tous les centimes additionnels que nous avons votés au chapitre II.

A la différence de ce qui se pratique pour les impositions directes, nous sommes obligés ici de former un fonds commun, parce que, pour les impositions indirectes, le véritable contribuable n'est pas connu.

Au moment du payement de l'impôt, le producteur ou marchand en fait l'avance ; mais la charge retombe sur le consommateur, qui n'est pas mis en rapport avec les agents du fisc, d'où la nécessité de former un fonds commun qui doit être réparti suivant les prescriptions les plus raisonnables.

Quant au déficit qui en résulterait pour les communes à octroi, il s'élèvera encore à quelque chose comme six millions. Le gouvernement ayant conservé son produit du café et la poste aux lettres interviendrait pour une somme de quatre millions environ, sacrifice accepté d'ailleurs sur la proposition de la section centrale ; cela lui permettrait de couvrir le déficit jusqu'à concurrence de 66 p. c. ; de sorte qu'il resterait une somme de 2 millions environ à fournir par le concours spécial de 50 communes seulement ; car il y aurait déjà 28 communes à octroi qui, par le partage fait dans les conditions que j'ai proposées, auraient obtenu une quote-part supérieure, en général, eu tout au moins égale à celle que leur donne aujourd'hui le produit des octrois.

Je vous ai donné ces explications, messieurs, pour prouver qu'il n'est pas nécessaire de grossir ce fonds communal pour arriver au résultat que l'on a en vue ; je dirai même que ce serait un résultat meilleur, car toutes les idées de privilèges, de préciput, de prélèvement, etc., viendraient ainsi à disparaître. Toutes les communes seraient placées sur le même pied vis-à-vis de ce fonds communal qu'elles auraient toutes également contribué à former.

Maintenant, je dirai un mot quant à la proposition d'imposer la houille.

Je ne pense pas, quant à moi, que ce soit là une bonne base d'impôt ; car, enfin, il faut bien le reconnaître, la houille est encore plus nécessaire que la bière : elle répond aux besoins les plus impérieux de l'homme ; et on le dit souvent, c'est le pain de l'industrie ; or, il faut que l'industrie marche avant tout, même pour qu'on puisse boire de la bière.

D'ailleurs, messieurs, il faut bien se rendre compte de la position que l'industrie charbonnière occupe dans le pays. Elle est privilégiée sur le marché intérieur ; toutefois, le commerce intérieur ne lui suffit pas ; il faut qu'elle ait des débouchés ; sans cela, elle ne pourrait pas prospérer.

Eh bien, si nous imposons la houille, que ferez-vous pour la houille exportée à l'extérieur ? Accorderez-vous la remise du droit ? Si vous ne le faites pas, cela se fera forcément, car les producteurs du pays ne pourraient pas porter cela en ligne de compte à l'acheteur étranger : puisqu'ils se trouveront là en concurrence avec d'autres producteurs non soumis à cette charge et sur lesquels vous n'avez aucune prise.

Ils décompteront donc cela aux acheteurs étrangers et le reporteront à la charge des acheteurs du pays. Vous arriveriez donc à ce résultat que des fabricants étrangers, qui sont nos concurrents sur d'autres marchés, seraient dans une position plus favorable que nos propres industriels.

Si la remise du droit est accordée à la sortie, vous faites directement une position privilégiée à l'industrie étrangère qui emploie nos charbons.

Sous ce rapport, je vois donc là d'assez grandes difficultés ; et il me semble que les raisons données par d'autres membres achèveront de déterminer la Chambre à ne pas adopter l'amendement.

Je me borne à présenter cette seule observation.

Je témoigne donc de nouveau le désir qu'avant tout nous vidions cette question préalable de savoir si nous adopterons quelque nouvelle augmentation d'impôt pour grossir le fonds communal.

M. de Haerne. - Je comprends très bien que, dans le système développé par l'honorable M. de Naeyer, il ne faut pas augmenter le fonds communal. Mais la véritable question est de savoir quels sont les meilleurs impôts qu'on puisse affecter à la constitution de ce fonds et ceux qui ont le plus de chance d'être admis. En définitive, il faut toujours puiser au trésor public. Il est donc utile de créer de nouvelles ressources.

On est assez généralement d'accord qu'il faut, autant que possible, favoriser les campagnes dans la position qui leur a été faite, et cela est d'autant plus nécessaire que comme on l'a dit tout à l'heure, les bases du projet n'ont pas été bien accueillies, surtout dans les campagnes.

A cet égard, toutefois, je dois dire que cette impression ne s'est produite dans l'arrondissement auquel j'appartiens que quant à certaines bases : le projet y a été très bien accueilli, et il est très populaire dans cette partie de nos campagnes, quant au but qu'on veut atteindre. Mais on a soulevé des objections très graves quant à certaines bases auxquelles on a demandé des modifications. C'est ce qui a provoqué des amendements, dont quelques-uns ont été adoptés.

Ainsi, voilà le but qu’on cherche à atteindre ; il s’agit de rendre meilleurs la position des campagnes, et c’est pour cela que j’ai adopté l’amendement de M. Carlier tendant à créer de nouvelles ressources. S’il s'agissait d'opter entre le système de l'honorable M. de Naeyer et celui de certains autres amendements tendants à frapper de nouveaux impôts (page 1588) pour accroître te fonds communal, j'hésiterais, je l'avoue ; prendre les propositions de nouveaux impôts, telles qu'elles sont faites, et sans avoir pu les apprécier dans leur application ; je serais assez disposé à donner la préférence au système de l'honorable M. de Naeyer.

J’entends parler notamment de la proposition de l'honorable M. Rodenbach ; mais elle est modifiée, quant à l'application, par l'amendement que l'honorable M. A. Vandenpeereboom vient de faire parvenir au bureau. Pour ce qui regarde l'imposition des 10 centimes au tonneau sur la houille, je dois m'expliquer et rappeler quelques antécédents. Vous savez, messieurs, qu'il s'est agi, il y a quelque temps, de modifier le tarif sur la houille.

Ce tarif était prohibitif : le droit était de 14 francs ; il a été réduit à 1 fr. 40 c. cette protection m'a paru modérée et convenable. J'adopte généralement les protections modérées lorsqu'elles sont réclamées par l'industrie nationale, et pour rester conséquent avec moi-même, j'ai adopté cette protection pour la houille.

Maintenant, si j'acceptais, sans m'expliquer, la proposition de l'honorable M. Rodenbach dans toute son étendue, c'est-à-dire en frappant la houille à l'extraction, j'aurais l'air de me mettre eu contradiction avec moi-même, puisque j'ai demandé une protection pour les houilles en concurrence avec les produits similaires de l'étranger. On pourrait peut-être modifier la proposition en ce sens qu'on ne frapperait que la houille consommée dans le pays et qu'on ferait la remise de l'impôt à l'exportation, d'après l'idée qui vient d'émettre l'honorable M. de Naeyer.

Il faudrait, par la même raison, frapper d'un droit égal les houilles venant de l'étranger. Si toutefois, comme je le pense, le droit de 10 centimes au tonneau constitue une charge qui est compensée par l'abolition du droit d'octroi sur la houille, mon observation n'a plus la même force quant à la protection.

Maintenant je ne suis pas à même de dire de quelle manière on pourrait exécuter la mesure proposée par M. Rodenbach, sans donner lieu à de grands inconvénients, quant à la perception de ce droit ; niais j'adopte le principe de la proposition pour faire droite la réclamation des campagnes.

L'amendement de l'honorable M. Alp. Vandenpeereboom a plus de chances de succès, parce qu'il est plus rationnel et qu'il me semble d'une exécution plus facile, en ce qu'il n'entraînerait pas de nouveaux frais de perception. Je l'adopte de préférence à celui de l’honorable M. Rodenbach. Après cela nous aurons à examiner l'amendement de M. de Naeyer.

Je crois donc qu'il convient de commencer par augmenter le fonds communal dans le sens que je viens d'indiquer. La charge se répartirait sur la houille en général ; mais le dégrèvement, résultant de la suppression des octrois, et qui est plus grand que l'impôt nouveau, se répartirait aussi sur les houilles en masse. Les exploitants ne pourraient donc en être lésés, ni les consommateurs non plus, et l'on trouverait dans la mesure une ressource nouvelle pour le fonds communal.

M. Allard. - Je commence par déclarer que je suis intéressé dans la question des houilles ; mais j'ajoute que si, pour ce motif, il doit m'être interdit de parler, la même interdiction devra être prononcée contre les consommateurs ici présents et qui sont aussi intéressés que nous dans la question, et que producteurs et consommateurs ne pourront pas voter.

Il faut en convenir, messieurs, c'est une singulière position que l'on veut faire à l'industrie houillère. Il faut la frapper, dit-on ; soit. Mais je répéterai ce que j'ai dit à propos de la bière : Si vous augmentez le droit sur la houille, ce sera le consommateur qui payera.

Rappelez-vous ce que disait tout à l'heure l'honorable M. Vandenpeereboom ; il a voté disait-il, bien à regret l'augmentation de l'impôt sur la bière, c'est sans doute très probablement pour la faire diminuer qu'il propose d'augmenter les droits sur la houille.

Imposer la houille à l'extraction n'est pas chose nouvelle ; je n'ai pas pu terminer le travail que j'avais commencé, ce matin, à la bibliothèque sur cet objet. J'ai trouvé une loi du 15 septembre 1816 concernant les droits à établir sur la houille.

L'article premier imposait un droit de 11 florins sur chaque hoed de houille, grosse ou menue etc., importée de l'étranger ; ainsi que de cinq sous par chaque millier de livres, ou 10 sous 2 deniers des 1,000 kilogrammes de houille grosse ou menue, tirée de houillères de l'intérieur pour débit.

Cette loi a fonctionné je ne sais jusqu'à quelle époque ; il y avait des bureaux établis près des houillères ; chaque individu qui venait s'approvisionner devait aller y déclarer combien il voulait charger et ne pouvait charger sa voiture avant qu'il n'eût payé.

C'était, vous le voyez, le consommateur qui payait. Rétablissez les droits, c’est encore le consommateur qui payera, je vous le répète.

L'article 64 de cette loi exemptait de l’impôt les charbons destinés à' être exportés à l'étranger ; par leur amendement, MM. Rodenbach et Vandenpeereboom veulent actuellement les frapper ; sans doute pour favoriser l'industrie.

Ensuite est venue la loi du 12 mai 1819, puis une autre de 1822, et quelque temps après l'impôt sur la houille à la consommation a été aboli.

M. Deliége. - C'est en 1822 que cet impôt a été aboli.

M. Allard. - Ce n'est pas possible ; j'ai vu ce matin une loi du 7 septembre 1822 qui a pour objet d'opérer la transition du système de contribution, arrêté par la loi du 12 juillet 1821. (Interruption.)

L'article 2 traite de la perception de la houille.

Je disais qu'on voulait faire une singulière position à la grande industrie houillère du pays. On veut imposer la houille indigène et ne pas augmenter les droits sur la houille étrangère.

Déjà aujourd'hui nous remboursons des sommes énormes à la Hollande, pour les droits de navigation sur l'Escaut, pour les charbons qu'on introduit à Anvers par l'Escaut, et à Gand, par le canal de Terneuzen, le droit sur les charbons étrangers est de 1,40 par tonneau ; en 1858, on a introduit à Anvers 107,587 tonneaux de houille ; les droits perçus se sont élevés à 182,519 fr., dit le document où j'ai puisé ce renseignement.

Cependant, 107,587 tonneaux à 1-40 n'ont dû payer que 150,621 fr. Nous avons payé 342,096 fr. à la Hollande pour les 107,587 tonneaux à raison de 3 fr. 18 c, et nous avons reçu 150,621 fr. pour droit d'entrée à 1 fr. 40 c par tonneau.

C'est charmant pour les Anversois qui payent meilleur marché la houille anglaise que la houille indigène.

Voyons ce qui se passe ; dans l'arrivage des houilles anglaises dans notre pays, on embarque la houille anglaise à Newcastle sur la Tyne, le navire descend le canal du Nord, passe la mer du Nord, entre dans le port d’Ostende, et continue jusqu'à Gand sans avoir rien payé (les navires de mer ne payent aucun droit sur le canal d'Ostende à Gand} ; pour nous, c'est différent, si nous voulons envoyer de la houille soit du Borinage, soit du bassin de Charleroi à Gans et à Ostende, nous devons payer sur le canal de Charleroi, sur l'Escaut et même sur le canal de Gand à Ostende, où la houille anglaise ne paye rien.

On fait sans cesse des comparaisons. On a comparé la propriété de la mine à la propriété foncière, mais les mines s'épuisent tous les jours, et il arrivera un jour où il n'y aura plus rien, tandis que M. de Renesse et Vander Donckt auront toujours leurs terres bien exposées au soleil et conservant toute leur valeur.

Il n'y a pas plus de raison pour frapper la houille que la toile au mètre, que le papier au kilog., en définitive ; je ne vois pas pourquoi on s'attaque à une industrie plutôt qu'à une autre. Où cela nous conduira-t-il ?

Je voterai contre l'amendement de M. Rodenbach quoique je sois intéressé dans l'industrie houillère.

M. Vander Donckt. - Je répondrai quelques mots à l'honorable membre.

Jusqu'ici le projet de loi en discussion n'est pas adopté, quoiqu'il ait été voté en principe ; il est donc permis de supposer un instant qu'il ne soit pas adopté. Et dans ce cas quelle sera la situation de l'industrie houillère si les octrois sont maintenus ? Elle sera telle que M. Rodenbach propose de la faire. Par les octrois la houille est imposée à l'entrée des villes, au point qu'elle produit à peu près un million.

Que demandons-nous ? Nous demandons le statu quo, nous ne demandons pas d'aggravation, nous savons que la houille est le pain de l'industrie et qu'il ne faut pas la faire renchérir.

Nous demandons donc le maintien de ce qui est, et pas autre chose ; on se récrie beaucoup de ce qu'on va imposer l'industrie houillère ; soyons un peu raisonnables ; soyons de bon compte, examinons qui profite le plus de la suppression des octrois ; ce sont les industries en général ; quand on leur demande de contribuer pour une petite part, après que de tous côtés on s'est ingénié à prouver que c'est le campagnard qui doit payer parce que c'est lui qui profitera le plus de l'abolition des octrois ; cela n'est pas exact ; c'est le contraire qui est vrai, c'est le citadin, c'est surtout l'industrie qui en profite ; il est par conséquent très rationnel, il est juste de demander qu'elle vienne contribuer pour une part minime à former le fonds communal, non pas en subissant une aggravation de position, mais en maintenant ce qui est, c'est-à-dire de ne pas dégrever cette branche d'industrie de l'impôt perçu jusqu'ici à l'entrée des villes. Voilà la question réduite à sa plus simple expression.

On dit encore : Croit-on que les mines ne payent rien, ne sont pas imposées ? Il y a un impôt de 2 1/2 p. c. ; à quoi cela se réduit-il ? A ce qui est nécessaire aux dépenses de l'administration des mines. (Interruption.)

C'est insignifiant, ce que cela rapporte au trésor. Quand on a proposé en sections de prendre les 2 1/2 p.. c. et de les attribuer au fonds communal, on a répondu : Il n'y a pas d'excédant, tout est absorbé par les frais d'administration.

Qu'on ne vienne donc pas prétendre, comme l'a fait l'honorable M. Allard, que les mines payent une part à l'instar de la propriété foncière. Cela n'est pas exact.

L'honorable M. Lebeau est tombé dans une autreerreur.il nous a dit : Un hectare qui rapporte 300 fr. est évalué en revenu à 100 fr. Je voudrais bien savoir où se trouvent ces hectares à 300 fr. Tous les honorables membres qui ont des propriétés foncières le savent ; dans les Flandres, dans le Hainaut et autres provinces, la moyenne du revenu (page 1589) des terres n'est pas de 300 francs, elle est tout au plus de 100 fr. Lorsque donc nous payons l'impôt sur le pied de 100 fr. l'hectare revenu cadastral, nous payons largement la part qui incombe aux propriétaires et aux cultivateurs.

Messieurs, on a beaucoup agité la question de savoir s'il faut augmenter le fonds communal. Je n'hésite pas à le déclarer, c'est de l'augmentation du fonds communal que dépendra mon vote. J'ai beaucoup applaudi aux propositions de la section centrale ; je l'ai dit, elle a très bien fait en augmentant un peu le fonds communal. Mais je crois que ce n'est pas assez ; je crois qu'il faut à tout prix trouver encore quelques moyens d'augmenter ce fonds, si l'on veut rendre le projet de loi acceptable par les campagnes. Car il y a de ce côté une injustice qui n'est pas jusqu'ici redressée, et j'espère que nous parviendrons à la faire disparaître.

Car en définitive ce sont les villes qui profitent et ce sont les campagnes qui payeront. C'est ce que j'ai déjà dit et je le répète.

Messieurs, dans une séance précédente, j'ai fait ressortir la différence que présentait la Belgique avec les autres pays qui nous entourent quant à la redevance des mines. En France la redevance des mines est de 5 p. c. ; en Prusse et en Suisse, elle est de 5 p. c. ; en Hollande, elle est aussi de 5 p. c. Il n'y a qu'en Belgique qu'elle n'est que de 2 1/2 p. c.

Les mines de Moresnet se trouvent sur un terrain neutre. Elles payaient autrefois une redevance de 60,000 fr. dont moitié à la Prusse et moitié à la Belgique. Aujourd'hui la société de la Vieille-Montagne paye 15,000 à la Belgique et elle continue à payer 50,000 fr. à la Prusse.

Je le demande, est-il si déraisonnable de demander, ave l'honorable M. Vandenpeereboom, que la redevance sur les mines soit portée en Belgique au même taux que dans les autres pays qui nous avoisinent ?

Nous ne demandons du reste pas à innover. Nous ne demandons qu'à maintenir l'impôt que les villes perçoivent actuellement sur la houille sous forme d'octroi.

Je crois que dans la proposition de mon honorable collègue, M. Vandenpeereboom, il n'y a rien que de très raisonnable et j'ose espérer que la Chambre l'adoptera.

M. Rodenbach. - Je crois que j'aurai infiniment plus de chances de réussite en me ralliant à l'amendement de l'honorable M. Vandenpeereboom. J'ai réfléchi que, pour percevoir les 10 centimes, il faudrait nommer des employés. La redevance, au contraire, existe maintenant et l'augmentation du chiffre ne demandera pas un personnel nouveau.

On ne pourra pas dire que c'est un droit qui pèse fortement sur l'industrie, sur le pain de l'industrie, sur le combustible du pauvre. Car il ne s'agit que d'un demi-centime par hectolitre. Il ne s'agit même que d'une transformation, puisque les octrois perçoivent aujourd'hui sur la houille 1,075,000 fr. L'augmentation de la redevance n'atteindra pas ce chiffre.

Je réponds aussi quelques mots à l'honorable M. Lebeau. Il nous a dit que nous voulions augmenter l'impôt sur la houille. Je l'ai déjà dit, nous n'augmentons pas l'impôt ; notre proposition ne maintient pas même le statu quo ; il y a encore un avantage d'environ 175,000 fr. pour l'industrie houillère.

Quant aux bénéfices de l'industrie, on sait que ce ne sont pas toujours ceux qui ont fourni les capitaux qui ont profité des avantages que procurent les mines. Certaines mines de houille donnent un revenu considérable.

M. Allard. - Voulez-vous acheter mes actions ?

M. Rodenbach. - De bonnes actions, comme vous en avez, oui.

M. Allard. - J'en ai aussi de mauvaises.

M. Rodenbach. - Il y a plusieurs personnes qui n'ont pas donné les premiers fonds, mais qui ont acheté des actions et qui sont devenues millionnaires et deux fois millionnaires en peu d'années.

Celles-là n'auront certainement pas à se plaindre de notre proposition.

J'aime du reste à croire que M. le ministre se prononcera en faveur de mon amendement. Il nous a provoqués à présenter des amendements pour augmenter le fonds communal et c'est sur son invitation que j'ai fait ma proposition. Je prierai M. le ministre de nous dire si le gouvernement s'oppose à l'amendement de l’honorable M. Vandenpeereboom, auquel, comme je l'ai dit, je me rallie. Je répète ce que j'ai dit, dans mon premier discours que si l'amendement sur la houille pour diminuer la charge de nos communes et de nos petites villes n'est pas adopté, je voterai contre la loi.

M. Lesoinne. - Je ne dirai que quelques mots dans cette discussion. Je ne pensais pas y prendre part ; mais je me crois obligé de vous présenter quelques observations sur l'amendement des honorables MM. Rodenbach et Vandenpeereboom.

Messieurs, lorsque nous nous trouvons dans la dure nécessité d'imposer les objets de consommation, je crois que nous devons distinguer entre ceux qui ne servent qu'à la consommation seulement et ceux qui servent à la fois comme objet de consommation et comme matière première à l'industrie. Or, dans cette dernière catégorie, je pense que nous devons frapper la houille moins que toute autre.

Messieurs, la houille sert de matière première à toutes les industries. Nous devons donc chercher à éviter tout ce qui serait de nature à en renchérir le prix. D'autre part, le moment n'est pas bien choisi. Car l'industrie houillère n'est pas, en ce moment, dans une position brillante. Ceux de mes honorables collègues qui sont au courant de l'état de cette industrie ne me contrediront pas sous ce rapport. Mais ce ne serait qu'une considération secondaire si l'impôt était juste, s'il n'avait pour effet d'être nuisible à l'industrie.

La conséquence de l'amendement de l'honorable M. Rodenbach aurait été, par exemple, de frapper la consommation d'un seul haut fourneau d'une contribution d'environ 1,500 fr. par an, ce qui augmenterait le prix de revient de la fonte qui est aussi la matière première d'une foule d'autres industries. Or, pour moi, la meilleure politique commerciale est celle qui consiste à placer toutes les industries du pays dans les meilleures conditions possibles pour produire à bon compte. C'est pour cela que j'ai voté la libre entrée des houilles étrangères, que je la voterais encore, si l'abolition du droit d'entrée nous était présentée, et j'espère qu'un jour elle le sera.

Messieurs, je le répète, il n'y a qu'un seul moyen de venir en aide à l’industrie : c'est de la placer dans les conditions les plus favorables pour se procurer les matières premières et les autres objets qui lui sont nécessaires. C'est pour cela que je crois devoir repousser toute espèce d'augmentation d'impôt sur la houille.

La redevance qu'elle paye fournit, je crois, une somme supérieure à celle que coûtent l'administration des mines. Elle procure une recette qui figure au budget des voies et moyens. L'augmenter encore ne pourrait qu'être nuisible à l'industrie ; c'est pour cela que je ne voterai pas l'amendement de l'honorable M. Vandenpeereboom.

M. Laubry. - La houille est un objet de première nécessité ; c'est le pain de l'industrie, il faut tâcher qu'on puisse se la procurer aux meilleures conditions possibles. C’était l'opinion de mes honorables collègues MM. Rodenbach et Alp. Vandenpeereboom qui, veuillez-vous le rappeler, messieurs, ont, dans diverses occasions, appuyé toutes les mesures qu'ils croyaient de nature à faire réduire le prix du combustible.

Récemment, ces honorables membres ont encore insisté dans cette Chambre pour obtenir l'abaissement des péages sur le canal de Charleroi, et cela pourquoi ? Toujours, messieurs, pour procurer au consommateur la houille à bon marché.

C'est donc avec surprise que je vois se produire leurs propositions, moi qui les croyais très disposés à demander, à la première occasion, le dégrèvement de toutes les autres charges qui pèsent encore sur le charbon, pain de l'industrie et aliment presque général du foyer domestique.

Il est vrai que l'honorable M. Rodenbach a retiré son amendement ; il a bien fait. Il se rallie cependant à celui de son collègue M. Vandenpeereboom qui propose d'élever à 5 p. c. la redevance sur les mines et de faire rentier 50 p. c. de cet impôt dans le fonds communal.

Le but de l'amendement de M. Vandenpeereboom est le même que celui que voulait atteindre sou collègue l'honorable M. Rodenbach. Ils veulent l'un et l'autre voir augmenter le fonds commun, parce que, dans quelques communes de la Flandre occidentale, les capitations sont plus élevées que dans le Hainaut et dans d'autres provinces ; et l'honorable représentant d'Ypres pense que la Chambre trouvera juste que l'industrie houillère fasse les frais pour couvrir ces capitations. Je crois qu'il est dans l'erreur et que la Chambre ne lui donnera pas raison.

Messieurs, l'on a réclamé longtemps contre l'octroi et principalement contre celui qui frappait la houille. Chose incroyable ! plus les villes étaient éloignées des centres de production, plus les droits que celles-ci percevaient étaient élevés. Aussi, dans ces localités on a vu avec bonheur le projet de loi qui nous occupe, puisqu'il doit affranchir à jamais les villes d'un impôt odieux.

L'honorable M. Vandenpeereboom ne compte guère voir accueillir sa proposition. Il voudrait pouvoir indiquer d'autres bases d'impôts : il avait proposé de faire entrer .dans le fonds commun la part qui revient à l’Etat dans le produit des jeux de Spa ; enfin il quitte les jeux de Spa et vient s'en prendre aux houilles ; c'est là un terrain brûlant, où il ne compte pas rester longtemps, car il cherche d'autres bases et nous promet de nouvelles propositions.

Dans la province que l'honorable membre habite, il y a beaucoup de gros fabricants de tabac, et ce commerce se développe ; pourquoi ne songe-t-il pas ou n'a-t-il pas songé à proposer un droit sur le tabac indigène et exotique ? Le tabac pourrait fournir au fonds communal qu'il voudrait voir plus arrondi une somme suffisante pour satisfaire l'honorable membre.

A entendre l'honorable M. Rodenbach et d'autres honorables collègues de cette Chambre, on pourrait supposer que les charbonniers exploitent le Pactole, le Potosi. Erreur, messieurs, grande erreur !

Il y a sans doute des charbonnages privilégiés qui donnent de beaux bénéfices, mais, la plupart, le plus grand nombre, dirai-je, n'en font que de médiocres, dont ne se contenteraient pas certains négociants des Flandres.

Je tairai même les charbonnages qui se ruinent.

(page 1590) Messieurs, croyez-le bien, si l'on prenait les charbonnages dans leur ensemble, ou reconnaîtrait que l'industrie houillère, plus que toute autre soumise à une foule d'accidents, à des alternatives de bonne et de mauvaise fortune, a droit à des ménagements et à toute la sollicitude de la Chambre.

La redevance, telle qu'elle est perçue aujourd'hui, couvre non seulement tous les frais de l'administration des mines, mais est encore une source de revenus pour le trésor. Pourquoi modifier cet état de choses incidemment, sans examen et je dirai même sans nécessité ; et s'il y avait nécessité, ce n'est certes pas le pain de l'industrie qui devrait être choisi comme devant apporter son contingent au fonds commun. Il y a tant d'autres matières imposables qui ne sont pas aussi indispensables que la houille.

Messieurs, nous devons nous garder de toucher au régime actuellement suivi pour la redevance des mines. Vous le savez, messieurs, notre production dépasse les besoins de la consommation intérieure, nous devons chercher à placer nos produits sur les marchés étrangers. Les avantages dont jouissent nos houilles en France par suite du système des zones vont bientôt cesser.

Augmenter la redevance aujourd'hui, alors que nous avons tant de peine de lutter, sur le marché français, contre la concurrence anglaise, ce serait aggraver la position, déjà bien précaire, de nos charbonnages.

J'ai trop de confiance dans la sagesse de la Chambre pour croire qu'elle veuille porter la perturbation dans une industrie dont les intérêts sont si importants et qui contribue si puissamment à la prospérité de notre pays.

Quel est le résultat de l'augmentation de la redevance ? N'est-ce pas évidemment l'augmentation du prix du combustible ?

Ce n'est pas le producteur, l'exploitant que vous atteignez, c'est le consommateur.

L'Etat serait atteint, depuis l'existence des chemins de fer, comme le plus grand consommateur.

Notre intérêt commun, je le répète, n'exige-t-il pas que le prix du charbon soit le moins élevé possible, et que cette matière première indispensable puisse lutter avantageusement avec les produits étrangers ?

Je repousse toute aggravation de charge sur les houilles, au nom de la classe laborieuse, au nom de notre commerce, de notre industrie pour lesquels le charbon est devenu une nécessité, un élément d'existence et de prospérité.

Je voterai contre l'amendement de l'honorable M. Vandenpeereboom.

M. H. de Brouckere. - Messieurs, lorsque, dans la discussion générale, quelques orateurs se prononçaient en faveur d'un impôt sur les houilles, je pouvais les comprendre ; leur but était que l'on pût ainsi aggraver moins la position des bières ; mais aujourd'hui que nous avons voté toutes les augmentations d'impôt demandées par M. le ministre des finances, je vous avoue que je ne comprends plus quel rapport il y a entre la proposition de mettre un impôt sur les houilles et le projet de loi d'abolition des octrois.

Il n'y en a aucun. Que les honorables membres qui croient que l'on peut frapper les houilles soit d'un impôt nouveau, soit d'une augmentation d'impôt, formulent un projet de loi spécial ; ils seront dans leur droit ; mais qu'à l'occasion d'une autre loi on vienne, par amendement, demander cette augmentation d'impôt, je crois que c'est une chose tout à fait irrégulière.

- Un membre. - C'est comme pour la bière et les vins.

M. H. de Brouckere. - Mais la bière et les vins figuraient dans le projet primitif que nous avons examiné article par article dans les sections et dans la section centrale.

Ici, au contraire, on produit tout à la fin de la discussion de nouvelles propositions qui n'ont pas été examinées.

Je dis, messieurs, que la proposition relative aux mines ne présente aucune analogie avec le projet de loi de suppression des octrois.

Eh bien, voyez ce que c'est que d'improviser des projets de lois ! L'honorable M. Rodenbach présente une proposition par laquelle il demande que l'on frappe les charbons de 10 centimes par tonneau. Il a bien réfléchi à sa proposition, il la laisse imprimer, il laisse s'ouvrir la discussion, et à la première objection qu'on lui fait, il la retire. (Interruption.) Vous la retirez parce qu'elle est mauvaise, et vous avez raison ; votre proposition n'aurait rien ou presque rien produit ; je vais vous le prouver.

Vous demandiez 10 centimes par tonne brute ; cela faisait 900,000 fr. ; mais le tiers des houilles sort du pays et pour celles-là il fallait nécessairement restituer les 10 centimes. Reste 600,000 francs et pour percevoir ces 600,000 fr. il fallait créer tout une administration. Je ne parle pas de l'injustice qu'il y aurait à frapper la houille brute, sans savoir ce qu’elle vaut, sans savoir s'il y a bénéfice ; je me borne à faire remarquer qu'il aurait fallu créer une nouvelle administration et qu'il ne serait rien ou presque rien resté de l'impôt.

Je le répéter, à la première objection l’auteur de l'amendement reconnaît que l'amendement n’est pas soutenable et il le retire.

Mais l'honorable M. Vandenpeereboom substitue à la proposition rétine très à propos, une autre proposition. Il s'agit de doubler la redevance sur les mines, cela produirait, dit-il, 500,000 francs.

Eh bien, la proposition de l'honorable M. Vandenpeereboom a un côté extrêmement fâcheux, que l'on ne pouvait pas reprocher à la proposition de l'honorable M. Rodenbach, c'est que l'impôt de l'honorable M. Vandenpeereboom frappe les houilles qui vont à l'étranger. Or, je vous le demande, le moment est-il bien choisi pour frapper la houille et à l'étranger et dans le pays ? Commençons par l'étranger.

Le gouvernement est à la veille d'entamer des négociations pour un nouveau traité de commerce avec la France. Le négociateur est désigné ; il est près de son départ, si déjà il n'est sur la route de Paris, le n'ai pas vu les instructions qu'on lui donne, mais il est facile de comprendre que la houille y joue un grand rôle.

Le gouvernement comprend trop bien ses devoirs pour qu'il n'en soit pas ainsi. Le gouvernement lui a sans doute recommandé de faire tous ses efforts peur obtenir quelques avantages en faveur des houilles belges, dont l'importation en France est très menacée en ce moment. Mais si le négociateur fiançais va lui dire : « Vous me demandez des faveurs pour les houilles et vos Chambres viennent précisément de les frapper d'un nouvel impôt ; il faut croire que vos houilles sont dans une bien grande prospérité. La première chose que vous avez à faire c'est de ne pas frapper vous-même un produit eu faveur duquel vous venez négocier avec moi. » Que voulez-vous que réponde le négociateur belge ?

M. A. Vandenpeereboom. - Je demande la parole. Je répondrai.

M. H. de Brouckere. - Je serai charmé que l'honorable M., Vandenpeereboom lui prépare une réponse, mais je crois qu'il en serait très embarrassé.

Messieurs, n'est-il pas vrai que dans toutes les négociations que nous avons eu à suivre avec les pays voisins nous avons toujours eu à nous occuper particulièrement des houilles ? Cela est-il vrai ou cela n'est-il pas vrai ?

Allez-vous abandonner complètement cet intérêt ? Pourquoi ? Pour faire verser au trésor quelques centaines de mille francs ! Ce serait la plus grande de toutes les imprudences, permettez-moi de vous le dire.

Messieurs, je ne veux pas prolonger la discussion outre mesure. J'aime à croire que l'amendement n'a pas grande chance.

Je dirai un mot maintenant de l'intérieur.

On nous répète sans cesse que les houilles vont être détaxées, puisqu'elles étaient frappées d'un droit d'octroi ; mais le droit dont vous voulez frapper la houille ne remplace en aucune manière le droit d'octroi. Je concevrais, si vous vouliez être conséquents, que vous disiez ; Toutes les houilles qui entreront dans les villes à octroi payeront un centime par hectolitre ; il y aurait alors une espèce de balance. Mais parce qu'on a détaxé les houilles qui se consomment dans les villes, vous voulez frapper les houilles qui s'emploient dans les communes rurales, les houilles qui vont à l'étranger, avouez, messieurs, qu'il n'y a plus là aucune espèce de corrélation.

C'est une injustice manifeste, mais ce n'est pas seulement une injustice, c'est une inconséquence palpable. Il y a à peine quelques mois, vous avez réduit dans une très forte proportion le péage sur le canal de Charleroi à Bruxelles. Pourquoi ? Particulièrement dans l'intérêt des consommateurs. On a parlé des bateliers, des exploitants ; mais le principal intérêt que défendaient ceux qui demandaient une réduction de droits sur le canal de Charleroi à Bruxelles - j'en appelle à mon honorable voisin qui était l'auteur de la proposition - le principal intérêt qu'on a fait valoir, c'était l'intérêt du consommateur.

Vous avez récemment imposé au trésor public un sacrifice de 700,000 francs en faveur des consommateurs de houille ; et maintenant vous voudriez leur retirer cet avantage, en frappant la houille d'une augmentation d'impôt. Procédez d'une manière plus rationnelle ; au lieu de faire deux opérations, n'en faites qu'une : restituez au trésor public la somme de 700,000 fr. dont on a dégrevé les péages du canal de Charleroi.

Comment ! hier vous réduisez les droits qui pèsent sur ce canal afin de faire obtenir la houille à meilleur marché ; tt aujourd'hui vous établiriez une augmentation d'impôt sur les houilles et vous en feriez monter le prix ! Avouez, messieurs, que ce serait là une grande inconséquence.

Je ne pousserai pas plus loin l'examen des questions que soulève la proposition de l'honorable M. A. Vandenpeereboom. Je la regarde comme inacceptable au moins hic et nunc, inacceptable en présence de la position où nous nous trouvons à l'égard de 1 étranger, inacceptable eu égard aux conditions dans lesquelles se trouve l'industrie des houilles.

M. A. Vandenpeereboom. - Messieurs, l'honorable M. de Brouckere n'a pas d'abord attaqué ma proposition de face ; d'après lui, le moment n'est pas venu de discuter cette question hic et nunc ; il n'y a pas lieu d'adopter, quant à présent, la proposition ; elle doit être réservée.

(page 1591) Messieurs, ce moyen d'attaque est assez commode, de plus il réussit assez souvent. Dernièrement encore, en ce qui concerne la question des sucres, l'honorable membre n'a pas attaqué les propositions du gouvernement ; comme aujourd’hui, il s'est borné à soutenir que cette question méritait un examen très sérieux, et que le moment n'était pas venu de discuter, et la Chambre, sur sa proposition, a voté l'ajournement.

Mais y a-t-il lieu d'ajourner aussi la proposition que je fais aujourd’hui ? Evidemment non. Il s'agit d'un impôt extrêmement minime, dont les bases sont connues ; en d'autres termes, il s'agit de prélever quelques centimes additionnels sur un impôt existant.

Du reste, la proposition n'est pas aussi neuve que le croit l'honorable membre. Dans un grand nombre de sections de cette Chambre, elle a été soulevée, et la section centrale l'a examinée assez longuement...

- Un membre. - Il n'y a pas eu de vote.

M. E. Vandenpeereboom, rapporteur. - Une proposition formelle n’a pas été faite en section centrale.

M. A. Vandenpeereboom. - Une proposition n'a pas été faite ; mais la question a été discutée ; s'il n'y a pas eu de vote, il n'y a pas eu de vote non plus sur la question des sucres...

M. E. Vandenpeereboom, rapporteur. - Il y a eu un vote sur trois questions relatives aux sucres ; mais il n'y a pas eu de vote sur la question d'ajournement.

M. A. Vandenpeereboom. - Soit, nous sommes d'accord. L’honorable M. de Brouckere a répondu longuement à l'amendement de l’honorable M. Rodenbach ; mais je ne crois pas devoir le suivre sur ce terrain, puisque l'amendement est retiré.

L'honorable membre m'a dit aussi. : Votre amendement frappe également la houille allant à l'étranger, en ce moment nous avons un négociateur qui est pour traiter la question et chercher à obtenir un dégrèvement de droits.

Messieurs, si le premier argument est fondé, si le charbon exporté paye un doit à la Belgique, l'honorable membre n'aurait pas dû attendre jusqu'ici pour demander la suppression de la redevance de 2 1/2 p. c.

Si, comme l'a supposé l'honorable M. de Brouckere, on disait à Paris au négociateur dont il a parlé : « Vous frappez chez vous la houille d'une augmentation d'impôt ; pourquoi voulez-vous un dégrèvement à la frontière ? Le négociateur pourra répondre simplement : « Nous mettons notre législation en harmonie avec la vôtre ; la loi de 1810 régit la question en France et en Belgique. Nous nous bornons à porter la redevance des mines au taux où vous l'avez fixé dès l'origine et où vous l'avez maintenu. »

Voilà une première réponse que notre négociateur pourra faire.

Il pourra ajouter que si nous imposons la houille pour, une somme de 500,000 fr., d'un autre côté nous supprimons pour plus d'un million de droits sur ce combustible en abolissant les octrois. Il me semble que cette réponse serait des plus péremptoires.

On a dit encore au point de vue de l'intérieur du pays : Les communes qui ne payent pas d'octroi aujourd'hui auront à payer un droit sur les charbons.

Il est à remarquer qu'elles le payeront dans une proportion extrêmement faible, tandis qu’elles jouiront d'avantages si considérable que la balance sera entièrement en leur faveur, car on ne peut nier que la grande consommation des charbons ne soit faite dans les villes ; et le produit de l'impôt reviendra en totalité aux campagnes.

L'honorable M. de Brouckere nous dit encore : « Pourquoi ne rétablissez-vous pas l'ancien péage sur le canal de Charleroi ? Vous trouveriez là 700,000 francs.

Je comprends que l'honorable représentant de Mons pourrait admettre le rétablissement de ce péage ; mais, moi, je croirais commettre une injustice, en assurant à un bassin houiller une position privilégiée, et en prélevant le droit sur le bassin de Charleroi seul.

Messieurs, beaucoup d'honorables membres déclarent hautement qu'il faut voter la loi ; et qu'ils désirent voir augmenter le fonds communal pour améliorer la position des campagnes ; et, chose singulière ces honorables membres repoussent les propositions du gouvernement comme celles qui émanent de l’initiative des membres de la Chambre.

C’est ainsi que nous verrons d'honorables collègues voter probablement la loi, après avoir voté contre la bière, contre les sucres ou contre les augmentations qui sont demandées au profit du fonds communal.

Messieurs, l'honorable M. Lebeau a objecté à mon amendement qu'il frappe d'un impôt uniforme toutes les houilles indistinctement, qu’elle que soit la valeur du produit. Il y a des houilles, dit-il, qui ne donnent pas de bénéfice. Mais qu'il veuille bien le remarquer, d'après ma proposition celles qui né produisent rien, qui ne font pas de bénéfice ne payeront pas.

L'honorable M. Allard me fait observer que j'ai voté l'impôt sur la bière et que je l'ai fait à regret. C'est vrai, mais il ajoute : Vous voulez aggraver encre les charges qui pèsent sur la bière en votant l'impôt sur le charbon. C'est une erreur.

Ce n'est pas un impôt, messieurs ; je demande une somme infiniment minime, moins d'un centime par hectolitre, cette charge si légère ne pourra avoir la moindre influence en ce qui concerne la brasserie, ni même en ce qui concerne la consommation générale.

M. Allard nous reproche aussi d'avoir demandé que les houilles étrangères vinssent librement dans le pays, d'être opposé aux droits qu’on voulait y mettre.

M. Allard. - Elles payent 1 fr. 40 c. par 1,000 kil.

M. A. Vandenpeereboom. - Cela fait avec les centimes additionnels 1 fr. 70 c.

Lorsque nous avons demandé, non dans l’intérêt des consommateurs, qu'on nous dégrevât de ce droit, droit qui peut influer sur le prix des charbons, ce sont les mènes membres qui aujourd'hui défendent si chaudement le consommateur qui ont soutenu le droit à mettre à la frontière. Quant au péage de l’Escaut, je désire le voir racheter.

Je féliciterai beaucoup M. le ministre des affaires étrangères s’il parvient, par des négociations habiles, à faire en sorte que la Belgique ne soit plus obligée de rembourser le péage, et j'espère que cela arrivera. Mais il est inutile de traiter ici cette question.

Mon amendement, messieurs, ne porte pas uniquement sur les charbons. Il s'agit d'une redevance sur les mines s'appliquant à tous les produits miniers, de sorte que l’augmentation de 500,000 fr. ne sera pas entièrement payée par le charbon.

L’honorable M. Laubry, quand il a parlé du canal de Charleroi a dit que j'avais été un des plus chauds défenseurs de l’abaissement du péage de ce canal. Je crois devoir dire à l'honorable membre qu'il me fait trop d'honneur..., il est complètement dans l'erreur, je n'ai jamais dit un mot sur cette question.

Cette question a été défendue par ceux qui avaient le mandat de la défendre, et ce n'est pas l’intérêt du consommateur qu'on a défendu ; c'est, si j'ai bonne mémoire, l’intérêt des bateliers avant tout.

En terminant, je prie l'honorable M. Laubry de croire que je ne veux pas plus que lui faire périr l'industrie houillère. L'honorable membre repousse mon amendement au nom de la classe ouvrière. Je dis qu'il ne peut nuire en rien à cette classe, car. je le répète, l’augmentation proposée n’est que d’un centime par hectolitre de charbon, c'est un droit insignifiant, imperceptible.

Je maintiens donc mon amendement.

Projet de loi accordant un crédit supplémentaire au budget du ministère des finances

Dépôt

Projet de loi autorisant le gouvernement à céder des terrains démilitarisés à certaines villes

Dépôt

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - J'ai l’honneur de soumettre à la Chambre :

1° Un projet de loi qui alloue au département des finance un crédit supplémentaire de 347,000 francs pour frais de confection et d’essai des nouveaux types des monnaies d’appoint, pour achat de matières et frais de fabrication de monnaies de nickel.

Le même projet porte au budget des voies et moyens une somme de 728,000 fr. sous là rubrique :

Produit de la fabrication des monnaies de nickel.

2° Un projet de loi qui autorise le gouvernement à céder gratuitement et sans frais, mais sous certaines conditions, à la ville d'Audenarde et aux autres villes qui seront démantelées à l'avenir, soit la propriété, soit la jouissance de quelques terrains et bâtiments militaires.

- Renvoi à l'examen d'une commission à nommer par le bureau.

Projet de loi supprimant les octrois communaux

Discussion des articles

Chapitre I. Abolition des droits d’octroi et attribution d’un nouveau revenu aux communes

Article 2

M. E. Vandenpeereboom, rapporteur. - Je dois une explication à la Chambre. Voici ce qui s'est passé en section centrale. Le rapport dit, page 26 : « Pour tous ces motifs la section centrale décide, par cinq voix et une abstention, que la houille ne servira pas de base nouvelle pour la formation du fonds commun. » C'est-à-dire qu'une section ayant demandé qu'un droit sur la houille fût compris dans le fonds commun, aucun membre n'a fait cette proposition sienne, et c'est ainsi que j'ai interrompu l'honorable préopinant, pour dire qu'il n'y avait pas eu de proposition formelle en section centrale.

- Il est procédé à l'appel nominal sur l'amendement de M. A. Vandenpeereboom.

97 membres y prennent part.

58 votent contre.

38 votent pour.

1 membre (M. Savart) s'abstient.

En conséquence, la Chambre n'adopte pas.

Ont voté contre : MM. d’Ursel, Faignart, Frère-Orban. Goblet, Grandgagnage, Hymans, Jacquemyns, Jamar, J. Jouret, Koeler, Lange, Laubry, C. Lebeau, J. Lebeau. Lesoinne, Mercier, Moncheur, Moreau Muller, Neyt, Notelteirs, Orban, Pirmez, A. Pirson, V. Pirson, Prévinaire, Rogier, Royer de Behr, Sabatier, Saeyman, Snoy, Tesch, E. Vandenpeereboom, Vanderstichelen, Van Humbeek, Van Volxem, Vermeire, Vervoort, Wasseige, Allard, Carlier, Dautrebande, David, de Bast, de Bronckart, de Brouckere, Dechamps, de Decker, Deliége, de Man d’Attenrode, de Mérode-Westerloo, de Naeyer, Deridder, de Rongé, de Terbecq, de Vrière, B. Dumortier et Dolez.

Ont voté pour : MM. Frison, Grosfils, Guillery, Janssens, le Bailly de Tilleghem, Loos, Magherman, Nélis, Notelteirs, Pierre, Rodenbach. Tack. Thienpont, Vanden Branden de Reeth, A. Vandenpeereboom, Vander Donckt, Van Iseghem, Van Overloop, Van Renynghe, Verwilghen, Vilain XIIII, (page 1592) de Baillet-Latour, de Boe, de Breyne, Dechentinnes, de Florisone, De Fré, de Gottal, de Haerne, de Lexhy, de Muelenaere, de Pitteurs-Hiegaerts, de Portemont, de Renesse, de Ruddere de Te Lokeren, Desmaisières, de Smedt et Devaux.

M. le président. - M. Savart est prié de faire connaître les motifs de son abstention.

M. Savart. - Je ne demande pas mieux que d'augmenter le fonds auquel les communes doivent prendre part ; mais il m'a paru que l'amendement de l'honorable M. Vandenpeereboom n'était pas suffisamment étudié. On a, dans cette discussion, toujours parlé de charbon, mais en n'a pas dit un mot des autres mines et de l'influence qu'une augmentation d'impôt pourrait exercer sur ces mines. Je n'étais pas suffisamment éclairé pour me prononcer formellement sur la proposition.

Projet de loi prorogeant la loi des péages sur le chemin de fer de l’Etat

M. Van Humbeeck. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale qui a examiné le projet de loi portant prorogation de la loi du 12 avril 1835, concernant les péages sur le chemin de fer de 1 Etat.

- Ce rapport sera imprimé et distribué.

La séance est levée à quatre heures trois quarts.