(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1859-1860)
(page 1541) (Présidence de M. Dolez, premier vice-président.)
M. de Boe, secrétaire, fait l'appel nominal à 2 heures.
M. de Florisone, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier.
- La rédaction en est approuvée.
M de Boe, secrétaire, présente l'analyse des pétitions qui ont été adressées à la Chambre.
« Le sieur Catteau, ancien instituteur à Oostacker, réclame l'intervention de la Chambre pour obtenir une gratification. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Vanderauwera, ancien sous-officier congédié pour infirmités contractées par le fait du service, demande une pension. »
- Même décision.
« Les sieurs de Cock, de Beer et autres membres d'une société flamande à Sotteghem, déclarent adhérer à la pétition ayant pour objet d'établir l’égalité entre les langues flamande et française dans le projet de loi concernant l'examen et le grade d'élève universitaire. »
- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi.
« Le sieur Antoine Lindin, cordonnier à Bruxelles, né à Luxembourg, demande la grande naturalisation. »
- Renvoi au ministre de la justice.
« Le sieur Patron, ancien maréchal des logis de la gendarmerie, demande que le projet de loi qui apporte une modification à la loi sur les pensions militaires accorde aux sous-officiers de la gendarmerie actuellement pensionnés, la pension attribuée aux adjudants sous-officiers de l'armée. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi.
« Le sieur de Grauw, sous-officier pensionné, ancien infirmier militaire, demande une augmentation de pension. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
M. le président. - La discussion continue sur l'article 9.
La parole est à M. de Naeyer.
M. B. Dumortier. - Voulez-vous me céder un instant la parole ? Je n'ai qu'une simple question à adresser à M. le ministre des finances. L'honorable ministre nous a conviés à travailler, de commun accord avec lui, à la solution du difficile problème dont nous nous occupons en ce moment. Et non seulement ce concours lui a été accordé, mais plusieurs d'entre nous ont fait des concessions considérables pour pouvoir aboutir à une entente avec M. le ministre des finances.
Hier encore, l'honorable M. Frère avouait que les concessions que faisait l'honorable M. de Naeyer étaient très importantes ; plusieurs autres orateurs qui ont présenté des observations sur tels ou tels détails de la loi ont également fait des concessions réelles. Une seule personne jusqu'ici s'est refusée à toute espèce de concession quelconque ; c'est M. le ministre des finances. L'honorable ministre reste inflexible.
Dans cette situation, et en présence des articles sur lesquels nous allons être appelés à voter, les bières, les sucres, articles qui constituent en quelque sorte le passif du bilan des contribuables, il est important pour nous, qui éprouvons un désir sincère de donner un voie favorable à la loi, que nous sachions si M. le ministre des finances veut conserver cette position jusqu'à la fin de la discussion, si, en d'autres termes, il ne consentira pas, notamment, à l'augmentation du fonds communal.
Vous comprenez, messieurs, que si le gouvernement pouvait nous donner une réponse satisfaisante sur ce point, nous pourrions plus facilement nous entendre sur l'ensemble du projet de loi. Cette observation, vous le comprenez, n'est pas dictée par un sentiment hostile au projet de loi ; mais il importe que le gouvernement s'explique sur le point de savoir s'il est disposé à faire quelques concessions et jusqu'où elles iront.
J'attendrai les explications que M. le ministre des finances voudra bien donner sur ce point pour prendre une résolution définitive sur plusieurs points importants du projet de loi.
(page 1551) M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je puis tout disposé à reconnaître la pensée bienveillante qui dirige l'honorable préopinant dans son interpellation. Je l'en remercie, mais je suis obligé de lui faire remarquer que je ne montre point dans cette affaire la moindre obstination, que je ne repousse pas des concessions qui m'auraient été faites ; que les seules concessions qui m'aient été faites ont porté sur les principe de la loi par l'honorable M. de Naeyer, comme je l'ai dit hier en l’en remerciant ; mais que sur les moyens pratiques d'arriver à une solution, je n'ai pas aperçu, jusqu'à présent, la moindre concession. J'ai examiné le plan formulé par l'honorable M. de Naeyer ; j'ai dit pourquoi je ne m'y ralliais point et je crois bien que l'honorable membre n'y persévérera pas, car il est à mon sens beaucoup plus défavorable aux campagnes que celui du gouvernement. Il y a une autre proposition, celle de l'honorable M. Tack. J'attends que l'on soit à l'article 14 pour m'en expliquer ; mais celle-là n'est pas de nature non plus à faciliter la solution de la difficulté.
Reste enfin la proposition de l'honorable M. Carlier. Voilà tout ce que nous avons.
M. Rodenbach. - Et les propositions de la section centrale ?
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - J'y viendrai ; je parle maintenant des propositions faites pendant la discussion.
M. Pirmez. - Vous oubliez les miennes.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - L'honorable M. Pirmez a présenté un amendement, non pas pour faciliter la solution de la difficulté, mais pour la rendre plus difficile. II propose de réduire successivement la part attribuée aux villes.
Il est impossible de poursuivre deux buts à la fois : de substituer l'impôt direct à l'impôt indirect dans les villes et de le vouloir dans une mesure trop forte ; on n'y réussira pas, le projet de loi serait impraticable.
Pour faciliter la solution de la question reste la proposition de M. Carlier. Cette proposition la veut-on ? Veut-on voter 20 centimes additionnels à la contribution personnelle ? Veut-on augmenter de 5 centimes la contribution foncière sur les propriétés bâties ? Je ne m’y rallie pas et je ne pense pas que ce soit l'honorable membre qui m'en fera un grief. Restent les propositions de la section centrale ; elles sont graves, elles vont au-delà des limites que le gouvernement s'était assignées.
Je le fais remarquer à la Chambre, dans les calculs du gouvernement, toutes les bases ont été tellement affaiblies, qu'il est incontestable qu'on doit obtenir, les circonstances restant normales, un produit de beaucoup supérieur à la somme indiquée par le gouvernement ; nonobstant cette situation, la section centrale augmente encore le fonds communal,
Dans ce cas, le fonds se trouvera donc porté à 15 millions de francs. Et si les prévisions se réalisent, si les calculs que je combats, qui me sont opposés, qui servent de fondement à la proposition de M.de Naeyer sont exacts, le fonds communal se trouvera porté à 17 millions de francs.
Eh bien, messieurs, je ferai cette concession, je me rallierai aux propositions de la section centrale ; mais c'est une limite qu'il me serait impossible de dépasser. J'aime mieux que le projet de loi succombe que de compromettre la situation financière du pays.
(page 1541) M. de Naeyer. - Je commence par remercier la Chambre de ce qu'elle a bien voulu acquiescer au désir, que je lui ai exprimé hier, de pouvoir différer jusqu'aujourd'hui ma réponse aux observations de l'honorable ministre des finances. En effet, il m'eût été difficile de répondre immédiatement à un discours renfermant une foule de calculs et d'évaluations qui avaient besoin d'être examinées à tête reposée, pour qu'il fût possible d'en apprécier toute la valeur. Sous ce rapport, je regrette que le discours de l'honorable ministre ne nous ait pas encore été distribué ; en effet, il pourrait arriver que devant baser mes observations sur des notes recueillies pendant que M. le ministre parlait, je tombe dans quelque erreur. Je prie, dans ce cas, M. le ministre de m'excuser et de rectifier, s'il le juge convenable, mes allégations involontairement inexactes.
La tâche que j'ai à remplir est très rude. Vous le comprenez tous, et je le sens profondément ; mon insuffisance de talent est évidente, palpable ; je. dois puiser ma force dans la bonté de ma cause et dans l'indulgence bienveillante de la Chambre.
Les observations présentées par M. le ministre était certainement de nature à vivement impressionner les esprits, je dirai que moi-même j'ai subi cette impression ; mais j'ajouterai que ces observations ont emprunté leur valeur à l'admirable talent de M. le ministre ; ce serait le cas de dire que le vil plomb a pris l'aspect de l'or pur sous la fascination prestigieuse de la parole de l'honorable M. Frère. Mais après avoir admiré l'éloquence et la merveilleuse habileté de l'orateur, j'ai dû me livrer à un travail très ingrat, j'ai dû analyser son discours, tel que je l'avais compris, j'ai dû le réduire à sa plus simple expression, en le dépouillant de tous les artifices, de tous les charmes du langage et je vous l'avoue en toute sincérité, je n'ai plus rien trouvé qui fût de nature à ébranler mes convictions ; cet examen a augmenté mon admiration pour le talent de M. Frère, mais aussi mes convictions ont été singulièrement corroborées.
Messieurs, l’honorable ministre a voulu en quelque sorte, noyer tout mon système dans la question des bières. Eh bien, je dois nécessairement m'opposer à un procédé que j'appellerai par trop asphyxiant.(Interruption.)
Les propositions que j'ai eu l'honneur de soumettre à l'assemblée n'ont, rigoureusement parlant, rien de commun avec la question des bières. Le système que je propose peut tout aussi bien fonctionner avec l'augmentation de deux fr. qu'avec l'augmentation de 94 centimes. Je (page 1542) dirai même qu'il fonctionnerait plus commodément avec l'augmentation la plus forte, ayant à sa disposition plus de ressources. Mais le mérite ou l’avantage du système que je propose, c'est de pouvoir se dispenser de cette augmentation de deux francs, qui est pour moi une énormité, une chose inadmissible.
Les propositions que j'ai eu l'honneur de vous présenter reposent sur trois idées fondamentales. La première c'est la nécessité, évidente pour moi. de demander un concours spécial de la part des villes à octroi, en présence du dégrèvement de charges énorme que l'abolition des octrois leur procurera.
Voilà la première idée, c'est l'idée fondamentale. La seconde, c'est la nécessité d'avoir une séparation complète entre les ressources générales, de l'Etat et les ressources du fonds communal proprement dit, et tel est le véritable but de la modification que je propose à l'article 2.
Je ne reviendrai pas sur les considérations que j'ai eu l'honneur de présenter, à cet égard, pour vous montrer que, dans le système du gouvernement, il y a ce que j'ai appelé un véritable encastrement entre les ressources générales et les ressources spécialement créées pour former un fonds communal. Cette séparation est nécessaire ; elle est indispensable, et voici pourquoi : c'est que les impôts généraux et les impôts communaux, c'est-à-dire, les impôts destinés à faire face aux dépenses communales, sont réglés d'après des principes essentiellement différents. Je vais vous le démontrer en deux mois.
Quel est le principe qui domine, quand il s'agit des charges générales ? Le voici ; il n'y en a qu'un seul ; c'est que chacun paye suivant ses ressources. Pourquoi ? Parce que l'intérêt est le même pour tous les contribuables sans distinction. Cet intérêt, quel est-il en effet ? C'est le maintien de notre indépendance, d'abord et avant tout. Voilà pourquoi nous sommes toujours disposés à faire tous les sacrifices possibles. C'est ensuite l'administration de la justice, le maintien de l'ordre intérieur ; c’est, en troisième lieu, le progrès social, le progrès de la civilisation. Or ce triple intérêt est commun à tous au même degré ; dans cet intérêt, vient se confondre tout ce qui a le cœur belge. Il n'y a d'autre distinction à faire, pour la perception de l'impôt, que la différence des ressources du contribuable.
Mais quand il s'agit d'impôts communaux (perçus, si vous le voulez, sous la forme d'impôts généraux ; mais la forme n'y fait rien ; la destination fait tout), c'est tout diffèrent. Il ne s'agit plus alors uniquement des ressources de chaque contribuable ; ce n'est pas seulement cela qui doit être pris en considération pour déterminer le contingent de charges qui lui incombent ; il faut alors considérer l'intérêt spécial aux dépenses spéciales et cet intérêt varie essentiellement d'une localité à l'autre. Vous ne direz pas qu'un habitant du Luxembourg, qu'un habitant des Flandres a Je même intérêt que l'habitant de Bruxelles aux dépenses qui ont lieu pour la bonne administration ou pour l'embellissement cette ville.
Sans doute nous portons tous intérêt à voir la capitale s'embellir, mais l'intérêt est plus grand pour celui qui jouit directement des avantages attachés au séjour dans la capitale..
Voulez-vous que je cite une autre ville ? voulez-vous que je dise que moi, habitant des Flandres, je n'ai pas le même intérêt que l'habitant d'Arlon à ce qu'Arlon devienne une grande cité, prenne un développement considérable ? Vous comprendrez mieux ma pensée.
Car voici peut-être le défaut de l'exemple que j'ai d'abord choisi : c’est que quand je parle de Bruxelles, je parle de la capitale du pays, c'est-à dire de la ville de tous les Belges.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Les grandes villes payent leur forte part au trésor.
M. de Naeyer. - Ce qui prouve que ces grandes villes ont de grandes ressources. Je voudrais bien payer beaucoup au trésor ; cela prouverait que je suis très riche.
Voilà pourquoi cette séparation complète entre les ressources provenant d'impôts créés pour faire face aux besoins généraux du pays et les ressources provenant d'impôts créés dans le but spécial de subvenir aux dépenses communales, est nécessaire, est indispensable.
C'est la seconde base de mon système.
La troisième base, c'est que poux déterminer le mode de partage de ce fonds communal, il faut faire attention à une seule chose : c'est la part contributive de chaque commune dans le payement de ces impôts tout spéciaux créés uniquement en vue de procurer des ressources aux communes.
Voilà les trois bases du système que nous avons eu l'honneur de vous proposer, et vous voyez qu'il peut fonctionner aussi bien avec une augmentation de droit de deux francs qu'avec une augmentation d'un franc.
Je crois donc que l'honorable ministre, en discutant à propos de l'article 9, le système que j'ai en l’honneur de proposer, s'est un peu placé à côté de la question. Cependant, je veux bien le suivre sur ce terrain, en terme de défense seulement. Je tâcherai de répondre aux objections principales qu’il a faites à mon système et qui se réduisent à trois.
D'abord l'honorable ministre prétend que d'après la combinaison que j'ai l'honneur de proposer, je n'arriverai pas à avoir une somme de neuf millions. Les 35 p. c. sur le produit des vins, des eaux-de-vie étrangères, des eaux-de-vie indigents et des biens ne donneront pas 9 millions, si l'accise sur les bières n'est augmentée que 94 centimes par hectolitre de cuve-matière.
Voyons si cela est fondé. Si j'ai bien compris, l'honorable ministre trouve qu'il y aura un déficit de plus de 2 millions.
D'abord, je ferai remarquer qu'en calculant sur le produit moyen des deux dernières années, les 35 p. c. me donnent plus de 9 millions. Ils me donnent 9,641,264 fr. Il y a donc un excédant de 641,000 fr.
Mais ici l'honorable ministre me fait un reproche assez grave ; il me dit que mon fonds communal ne respecte pas tout à fait la justice, qu'il prend quelque chose aux ressources de l'Etat : 700,000 fr. Je tiens, avant tout, à me disculper de ce reproche.
Mon fonds communal ne prend rien à l'Etat. Pourquoi ? Parce que je laisse à l'Etat toute l'augmentation sur le sucre, augmentation qui est de 700,000 fr. et que vous déclarez vouloir abandonner au fonds communal qu'il s'agit de constituer.
Vous remarquerez que l'article 2, car c'est de lui que nous parlons, tel que je le rédige, ne parle pas du sucre ; cela est laissé entièrement à la disposition du gouvernement. Or, quant au sucre, vous proposez une augmentation de 700,000 fr. Sous ce rapport nous sommes donc quittes.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Du tout.
M. de Naeyer. - Vous voulez tout avoir. Vous dites que ces 700,000 fr. sont destinés au fonds communal, et quand je vous les réclame pour le fonds communal...
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Me permettez-vous de faire une observation ?
M. de Naeyer. - Quelle observation voulez-vous faire sur des choses aussi simples ?
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Si vous le permettez, je vous le dirai.
M. de Naeyer. - Si vous voulez répondre immédiatement à chacune de mes observations, nous n'en finirons pas.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Vous faites un double emploi.
M. de Naeyer. - Je prends 700,000 fr. d'un côté, je restitue 700,000 fr. de l’autre. Voilà tout, où est donc le double emploi ?
Il y a une autre raison, messieurs, par laquelle j'aurais pu justifier ce petit excédant. Les villes à octroi, dont les taxes rapportent au-delà de 42 millions, renferment une population de 1,200,000 hommes, cela fait 10 francs par tête. M. le ministre de la guerre doit entretenir à peu près 30,000 hommes placés sous le régime des octrois ; or, il faut bien le reconnaître, ces 30,000 hommes sont dans toute la force de l'âge et de la consommation et je pense que, sans exagération, on peut admettre que, dans ce cas, un équivaut à quatre.
Or, en calculant 100,000 hommes à raison de dix francs par tête, j'arrive à une économie totale d'un million et en réduisant notablement,Il1 me reste une somme suffisante pour justifier de nouveau le prélèvement sur les ressources du trésor qui m'est reproché par l'honorable ministre des finances.
Je crois, messieurs, qu'en voilà assez sur ce point.
Maintenant, messieurs, on me dit : Pour les vins, vous aurez ce que vous portez en compte, mais pour les genièvres, vous aurez en moins quelque chose comme un million et demi, somme ronde. Eh bien, c'est une erreur, c'est une erreur d'après les bases de votre calcul, et je vais vous le prouver clairement.
Le produit moyen des deux dernières années pour les eaux-de-vie est de 7,135,000 fr. ; vous dites que, quoique le droit soit augmenté de 63 1/2 p. c, on ne peut cependant compter que sur une augmentation de produits de 47 1/2 p. e.
J'admets cette base, et l'appliquant à la recette moyenne des deux dernières années, j'obtiens un produit de 3,757,847 francs, au lieu de 4,508,780 qui est le chiffre que j'aurais obtenu avec une augmentation réelle de 63 1/2 p. c.
Ce qui, au lieu d'une différence d'un million et demi, ne donne en réalité qu'une différence de 1,119,684 francs. Comme j'avais tout à l'heure un excédant de 641,000 francs, si je déduis cet excédant de la somme de 1,119,684, il me reste un déficit insignifiant de 478,420 fr.
Mais sur la bière, dit M. le ministre des finances, il y aura une diminution de consommation.
Je demanderai pourquoi il y aura diminution sur la consommation avec mon augmentation de droits qui n'est que de 94 centimes ? Savez-vous ce que cela représente ? Une véritable bagatelle de plus que le droit d'octroi qui existe aujourd'hui. Les 94 centimes d'augmentation des droits d'octroi actuels se résument en une différence de 624,000 francs, somme ronde.
Si vous répartissez cela sur la contenance des cuves-matières mises en œuvre, cela revient à 16 centimes par hectolitre cuve-matière.
Je demanderai aux honorables membres de cette Chambre, initiés à la brasserie, si cela peut amener une diminution dans la consommation.
Mais, avec son système, M. le ministre des finances a dû prévoir une diminution dans la consommation ; et pourquoi ? Parce qu’il porte le droit au double, et que comparativement aux droits d’octroi actuels, il grève la consommation de bières d'une nouvelle charge, s'élevant à plus de trois millions ; il y a plus : je soutiens qu'avec le système que je propose, (page 1543) j'aurai, quant aux bières, une augmentation dans la consommation. Je me suis déjà expliqué sur ce point à deux reprises ; mais je regrette de devoir dire que quand M. le ministre des finances rencontre sur sa route un argument qui le gêne, il le laisse très habilement de côté, pour s'attacher à ce que j'appellerai des bagatelles qui lui permettent de foudroyer ses adversaires, au moins en apparence.
Je le répète, je me suis déjà expliqué deux fois à cet égard, et puisque M. le ministre des finances m'y condamne, je vais le dire pour la troisième fois.
Je disais qu'avec une augmentation de 94 centimes seulement, il est permis de compter sur une augmentation dans la consommation ; et pourquoi ? Parce que l'augmentation que je propose n'étant pas exagérée, frappe sur cette partie de la population qui consomme pour satisfaire aux besoins en quelque sorte impérieux de la vie, tandis que j'établis un dégrèvement considérable dans les grands centres de population, là où la consommation de fantaisie, la consommation voluptuaire, comme le disait hier M. le ministre des finances, existe principalement, et c'est cette consommation qui est surtout susceptible de développement.
Voilà, M. le ministre, comment, au lieu d'une restriction, j'aurai une augmentation qui servira à combler le déficit insignifiant que j'ai constaté toute à l'heure.
Une observation analogue s'applique aux vins.
Pour les vins, d'après les propositions du gouvernement que nous avons adoptées, il y aurait augmentation de consommation dans les villes, parce que la réduction du droit est considérable. Ainsi, par exemple, à Bruxelles, on ne payera plus que 7 fr., au lieu de 21 fr., par hectolitre. Il en sera de même dans la plupart des autres grandes villes. Vous aurez donc, quant aux genièvres, tout au plus la diminution que j'ai eu l'honneur de vous expliquer et qui est basée sur les chiffres fournis par le gouvernement. D'un autre côté, vous aurez, pour compenser le faible déficit qui se rencontre dans mes calculs, vous aurez l'augmentation probable de consommation quant aux vins et quant aux bières.
Je crois que le fonds communal, tel que je veux le constituer, en ce qui touche la réalité de ses ressources, est complétement justifié, et je défie d'y opposer un raisonnement sérieux. Des subtilités, oui ; mais des raisonnements basés sur des calculs vrais, non.
L'honorable ministre des finances m'a posé un dilemme. Le dilemme, messieurs, est une arme à double tranchant ; et pour qu'il soit bon, il faut qu'il coupe bien de chaque côté. Eh bien, je dois le dire, le dilemme de M. le ministre des finances est complètement émoussé des deux côté ; je pourrais dire que ce n'est pas sous ce rapport une arme de la fabrication liégeoise. Ou bien, me dit l'honorable ministre, vos calculs sont faux, et alors les communes auront deux millions de moins que ce que je veux leur donner ; ou bien vos calculs sont vrais, et s'ils le sont pour nous, ils sont également vrais pour moi, et alors j'ai deux millions de plus à distribuer aux communes. Je crois que c'est bien là le dilemme, c'est la seconde objection à mon système, objection qui tend à prouver que ce système est moins favorable aux communes que celui du gouvernement. Si je n'ai pas bien saisi le sens de l'argument de l'honorable ministre, qu'il veuille bien me le dire.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - C'est ainsi.
M. de Naeyer. - Supposons que mes calculs soient faux, ce qui n'est pas, il y a, dit-on, une diminution de ressources de 2 millions pour les communes rurales. Mais au contraire, il y a toujours augmentation d'un million. Faites bien attention que, suivant mon système, il y a cinq millions pour les communes rurales.
Si le fonds communal produit 2 millions de moins, il y a toujours 4 millions ou à peu près pour les communes rurales, tandis que vous ne leur donnez que 3 millions, et il y a en outre ce résultat, que vous perdez complètement de vue, c'est que les contribuables payeront 5 millions de moins. N'est-ce rien ?
Vous parlez toujours des caisses des communes et des caisses des contribuables, comme si c'était tout à fait la même chose. Les administrations communales sont pour vous toute la commune.
Les administrations communales ne sont pas toute la commune, de même que le gouvernement n'est pas tout le pays. Les administrateurs communaux sont les serviteurs de la commune, de même que vous êtes les serviteurs du pays, et c'est là votre plus beau titre.
Ainsi, un avantage qui me resterait, c'est 5 millions de plus dans la poche des contribuables, qui sauront en faire un usage excellent dans l'intérêt de la prospérité du pays et 1 million de plus au profit des communes rurales, bien entendu si le fonds communal est partagé d'une manière juste et équitable, comme j'ai eu l'honneur de le proposer par mon amendement à l'article 3.
Voilà le résultat si mes calcula étaient faux, mais je crois avoir démontré qu'ils sont parfaitement exacts et que mon fonds communal de 9 millions est une réalité et non une fiction.
Voyons le second membre du dilemme : Si vos calculs sont vrais dans votre système, dit M. le ministre des finances, ils le sont également dans le mien, et alors j'aurai deux millions de plus à donner aux communes rurales.
Il y a d'abord ici un raisonnement qui n'est pas admissible, car il repose sur cette supposition qu'en ce qui concerne l'influence sur la consommation, il n'y a pas de différence entre une augmentation d'un franc et une augmentation de deux francs.
Vous prétendez qu'une augmentation de droit de 94 centimes produit, quant à la consommation, les mêmes résultats qu'une augmentation de 2 fr. Il est évident que cela est impossible.
Mais vous dites que vous aurez deux millions de plus et que vous les donnerez au fonds communal.
Cela n'est pas exact. D'après votre combinaison, la part des communes dans le fonds communal n'est plus que de 34 p. c. par suite du système qui consiste à confondre le fonds communal avec les ressources de l’Etat, quelle que puisse être l'augmentation que recevra le fonds communal. Je crois donc que, quant au dilemme, je n'ai plus à m'en occuper.
Messieurs, voici ce qui est vrai et incontestable, c’est que dans toute hypothèse, même dans cette où le fonds ne se réaliserait pas, mon système est favorable aux communes rurales. Si, par impossible, le fonds communal ne se composait que de 7 millions, il y aurait encore, suivant le mode de partage que je propose, un million de plus pour les communes.
Maintenant en raisonnant dans l'hypothèse posée par M. le ministre, en supposant un instant que mes calculs puissent être appliqués à une augmentation de droit de deux francs, savez-vous à quel résultat j'arrive pour les communes rurales ?
Mais j'aurais alors un fonds communal de 12 1/2 millions, parce que moi je ne veux pas de cette confusion d'impôts créés spécialement pour les communes avec les ressources de l'Etat.
J'aurais donc un fonds communal de 12 1/2 millions ; les calculs sont faciles à faire ; si vous le désirez, je vous en donnerai le détail.
M. Rodenbach. - Oui, oui ; c'est très intéressant.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - C'est tout simple.
M. de Naeyer. - Admettez-vous mon chiffre ?
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Ce sera un peu plus, un peu moins.
M. de Naeyer. - Eh bien, comment cette somme serait-elle partagée ? Les communes rurales en recevront sept millions ! Inutile donc d'insister plus longuement, pour détruire le second reproche qui m'a été adressé, je crois en avoir fait complète justice. En vérité, ce reproche n'était pas sérieux.
Messieurs, en comparant les deux systèmes que nous discutons, voici la vérité. C'est que le système du gouvernement, qui consiste à affranchir les communes à octroi de tout concours spécial, aura pour résultat de faire un magnifique cadeau aux contribuables des grandes villes surtout.
- Voix à droite. - C'est cela !
M. de Naeyer. - Messieurs, je suis au regret d'être amené sur a terrain, car je déteste au plus haut point cet antagonisme entre des citoyens d'un même pays.
Je voudrais que, chez nous, il n'y eût qu'un seul cœur, .le voudrais qu'il n'y eût que des Belges, enfants d'une même patrie. Je voudrais voir cesser, une bonne fois, toute distinction entre les habitants des villes et les habitants des campagnes, et certes l'abolition des octrois était destinée à exercer sous ce rapport une influence éminemment utile. Hélas ! pourquoi faut-il que le projet de cette grande réforme renferme les germes d'un déplorable antagonisme.
Il y a, d'après le projet du gouvernement, un avantage évident, une véritable dotation en faveur des villes à octroi en général. Cet avantage se résume en quelque chose comme huit millions de diminution de charges. Mais il y a une différence énorme entre les copartageants : sur ces huit millions, il y a au moins, d'après le système du gouvernement, cinq millions et demi pour les quatre plus grandes villes du royaume.
M. B. Dumortier. - Sept millions !
M. de Naeyer. - Non ; il faut tenir compte des charges que les contribuables de ces villes auront à acquitter eu nouveaux impôts ; et, pour être juste, il faut nécessairement les déduire du dégrèvement qui résultera de l'abolition des octrois.
Ainsi, l'octroi a perçu, en 1858, sur la consommation de Bruxelles, environ trois millions.
La part contributive de Bruxelles dans les nouveaux impôts ne dépasserait guère un million si le droit sur les bières était fixé à 4 francs. Elle n'atteindra pas même 750,000 francs, si on adopte la proposition de n'imposer aux bières qu'un droit d'accise de trois francs.
A Gand, l'octroi a perçu en 1858 plus de 1,550,000 francs. La part contributive de cette ville dans les nouveaux impôts avec une augmentation de deux francs quant à l'accise sur les bières ne dépasserait pas 350,000 francs, et si mon amendement à l'article 9 était adopté, cette part contributive subirait encore une réduction de 100,000 francs.
Pour Anvers et Liège, les résultats sont analogues.
Les sommes perçues par les octrois, dans ces deux villes, en i1858, s'élèvent à fr. 2,775,000 ; leur part contributive dans les nouveaux impôts resterait certainement inférieure à 700.000 fr., même avec le droit d'accise de 4 francs sur les bières. Si ce droit était réduit à 3 francs, la part contributive que je viens d'indiquer subirait une réduction de 150,000 fr. au moins. Vous le voyez donc, dans cette diminution du (page 1544) charges, dont je viens de parler, la très grosse part serait pour les quatre grandes villes ; plusieurs communes à octroi se trouveront absolument dans la même position que les communes rurales ; pour les villes de troisième et de quatrième ordre il n’y aura guère d’avantage ; souvent même, leur part contributive dans les nouveaux impôts dépassera les charges que les octrois imposent actuellement aux habitants.
Messieurs, c'est là un des caractères fâcheux de la loi, je le dis à regret, mais quand on examine attentivement le projet du gouvernement, il est impossible de ne pas être convaincu que les auteurs du projet ont été dominés par cette pensée que l'abolition des octrois ne pouvait se faire qu'avec la permission des grandes villes.
C'est là une très fâcheuse position et qui malheureusement ne saurait échapper à l'attention du pays. Mais en présence des faits que je viens du constater, quant au dégrèvement considérable que l'abolition des octrois doit procurer aux habitants des grandes villes surtout, peut-on soutenir que je veux leur imposer des charges trop lourdes en exigeant de leur part un concours spécial pour réaliser les ressources destinées à remplacer le produit des octrois ?Comment ! le dégrèvement, suivant la proposition du gouvernaient, s'élèverait à près de huit millions ; et si mon amendement à l'article 9 était adopté, la diminution des charges serait encore plus considérable, et je veux écraser les villes parce que je propose de leur laisser l'obligation de fournir au moins, par des impôts locaux, une somme de 3,200,000 fr.
Je vous avoue, messieurs, que quand M. le ministre a articulé ce troisième grief contre ma proposition, j'étais extrêmement curieux de savoir comment il en ferait la démonstration, et j'ajouterai que c'est cette partie de son discours qui m’a fait le plus plaisir, parce qu’il m’a fourni un excellent argument à l’appui de la cause que je soutiens. L’honorable ministre, en effet, nous a fait une longue nomenclature de toutes les contributions payées par les villes au profit de l'Etat ; c'est, je pense, le contingent des villes dans les contributions générales que vous avez tâché de faire ressortir.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Contributions directes seulement.
M. de Naeyer. - Encore mieux !l Eh bien j'aurais voulu que M. le ministre allongeât encore quelque peu cette nomenclature et quand vous auriez prouvé, par exemple, que Bruxelles paye les trois quarts, j'en aurais tiré cette conséquence logique, je pense, que Bruxelles a des :ressources énormes, et peut, par conséquent, supporter plus facilement ses charges locales qu'une simple commune rurale. Pour apprécier les facultés d'un individu, il est bon, en général, de savoir quel est son contingent de contributions. Supposons qu'un homme grevé d'une dette d'un million par exemple, vienne dire à son créancier : C’est vraiment une chose effrayante que le chiffre des contributions qui pèsent sur moi.
Voyez, peur le foncier, je paye quelque chose comme 15,000 à 20,00 francs ; pour le personnel cela va à 5,000 fr. ; maintenant j’ai trouvé bon de prendre un intérêt dans plusieurs grands établissements industriels ; de ce chef figurez-vous qu'on me frappe encore ! Je paye des patentes considérables, mes charges vont jusqu'à 20,000 à 30,000 fr. Je vous dois un million, vous devriez comprendre qu'il y a lieu de me décharger de cette dette eu égard aux sommes énormes que je verse annuellement au trésor public.
Comment croyez-vous que cette communication serait reçue par le créancier ? Croyez-vous qu’il serait disposé à prendre un pareil argument au sérieux ? M. le ministre a prouvé que les villes payent beaucoup de contributions directes ; mais ne paient-elles pas dans la proportion de leur fortune ? Comme je l’ai dit, il y a là de grandes ressources ; payent-ils trop, eu égard à leurs moyens ?
Voilà la question, et il est impossible de la discuter sérieusement en ce moment.
A l'occasion des octrois, voulez-vous charger notre système financier, voulez-vous furtivement faire peser sur les campagnes une plus lourde part dans les charges publiques ? Cela n’est pas possible. Si vous trouvez que les campagnes ne payent pas assez dans les revenus généraux de l’Etat, dites-le franchement et proposez votre nouveau système financier, il mérite certes de faire l’objet d’une discussion spéciale. Nous n’aurions pas de peine à démontrer que les campagnes payent en proposition de leurs ressources en ce qui concerne les impôts versés au trésor public, et qu’en outre elles payent particulièrement ce qu’on a appelé l’impôt du sang !
- Plusieurs voix. - Les villes aussi.
M. de Naeyer. - Les campagnes en payent les trois quarts.
Il est impossible que nous discussion cette question en ce moment ; j’ai fait tous mes efforts pour éliminer cette question de nos débats, car cela ne peut servir qu’à compliquer la matière déjà très ardue qui forme l’objet de nos délibérations.
M. Muller. - Les villes payent l'impôt de la milice, comme les campagnes.
M. de Naeyer. - Comme un est à trois !
Nous payons aussi nos contributions dans la proportion de nos ressources financières ; en fait ces moyens musculaires, si je puis m’exprimer ainsi, nous avons plus de ressources, et vous savez les trouver là où l’on paye beaucoup de contributions directes à l’Etat ; on prouve qu’on a beaucoup de ressources. Voilà mon argument.
L’honorable ministre, pour apprécier les charges qui pèsent sur les villes et les campagnes du chef des contributions directes, qui révèlent l’état de la fortune en général, a fait un calcul par tête entre les villes et les campagnes.
Il est impossible d'admettre cet argument, il n'a pas de valeur du tout ; il y a une énorme différence entre les têtes de contribuables, il y a des contribuables qui peuvent supporter de fortes charges ; il y en a que la moindre charge écraserait ; il y a des contribuables que vous n'oseriez pas faire comparaître devant les agents du fisc ; et cependant au moyen des impôts de consommation on parvient à leur arracher le denier du contribuable. Pour apprécier la possibilité pour chaque commune de s'imposer des charges destinées à couvrir les dépenses communales, j'avais posé .autre règle d'appréciation, que l'honorable ministre a encore une fois laissée de côté, j'avais dit que, suivant l'opinion de l'honorable ministre, il y a trois impôts généraux qui sont principalement propre à révéler le degré d'aisance et la fortune des citoyens, savoir : la contribution foncière sur les propriétés bâties, la contribution personnelle et les patentes ; par conséquent si vous voulez bien apprécier la valeur des charges locales qui pèsent sur certaines communes ou qu’il serait possible d'y établir, que c'est sur cette base qu'il faut calculer, qu'il y a lieu d'examiner la proportion qui existe entre les charges locales et les impôts généraux qui révèlent la fortune des contribuables.
Je vais, pour abréger, donner lecture de ce que j'ai dit dans une précédente séance, pour vous prouver la part de sacrifice qu'on peut demander aux villes. Dans la séance du 9 de ce mois, j'avais l’honneur d'attirer spécialement l’attention de l'assemblée sur le document qui forme l'annexe M, au projet de loi.
Voici comment je me suis expliqué à cet égard :
« C'est un tableau qui nous fait connaître les charges locales qui pèsent aujourd’hui sur les communes à octroi et sur les communes sans octroi ; or, il résulte de cette pièce que, pour les communes sans octroi, le montant total des centimes additionnels et des cotisations perçus au profit des caisses communales s'élève à la somme énorme de 6,503,163 fr., c'est à-dire à plus de 85 p. c. du principal des trois impôts (foncier bâti, personnel et patentes), que le gouvernement considère comme révélant le degré d'aisance de la population. Il y a plus ; dans la Flandre occidentale les cotisations et les centimes additionnels perçus par les communes sans octroi s'élèvent à plus de 1,612,000 fr., tandis que le principal des trois impôts que je viens d'indiquer n’est que de de 1,153,268 fr., c’est-à-dire que les charges locales représentent plus de 130 p. c. des signes révélateurs de l'aisance de la population.
Voilà les énormes sacrifices que les communes rurales s'imposent pour remplir loyalement les devoirs de l'autonomie communale. »
J'ai examiné ensuite d'après le même tableau quelles sont les charges dans les villes et communes à octroi. J'ai trouvé qu’ici les cotisations personnelles et les centimes additionnels ne s’élèvent plus qu'à 17 1/2 p. c. des trois impôts adoptés pour bases par le gouvernement - ensuite dans les communes sans octroi en général 85 p. c. - dans les communes rurales de la Flandre occidentale plus de 150 p. c. et dans les villes 17 1/2 p. c. seulement.
C'est écrit clairement dans un tableau annexé au projet de loi, et cela s'explique aujourd'hui, parce que les villes ont à supporter leurs octrois. Voilà ce qui établit un système de compensation. Quand les octrois seront supprimés, comment expliquer cette différence, comment soutenir sérieusement que c'est faire tomber le projet que d'exiger un concours spécial dans ces limites restreintes de la part de ces villes qui ne payent que 17 1/2 p. c. de ces signes révélateurs de la fortune des contribuables, alors que, dans une de nos provinces, les communes rurales payent plus de 150 p. c. Je pourrai même en citer où les cotisations personnelles seules, sans les centimes additionnels, dépassent la proportion de 300 p. c.
Or. messieurs, veuillez remarquer ceci. Pour bien apprécier jusqu'où peut aller le sacrifice que les villes pourraient s'imposer, ce n'est pas même à cette proportion générale pour toutes les communes du pays qu'il faudrait s'arrêter, parce que dans notre pays, il y a beaucoup de communes qui peuvent vivre de leurs rentes, il y eu a beaucoup qui ont des revenus qui leur sont propres Mais ce n'est pas là qu'il faut aller pour chercher jusqu'où peut s'étendre le sacrifice.
Il faudrait aller dans ces provinces où l’on se trouve en face des besoins, où l'on est dans la nécessité de s'armer de tout son courage, de toute son énergie et de s'imposer les plus grands sacrifices, et l'on serait ainsi convaincu que ce que je demande aux grandes villes est bien peu de chose eu égard aux ressources de leurs contribuables.
Mais on m'a dit : Il y a pour les villes des charges que vous ne connaissez pas. Je regrette qu'on ne nous les ait pas fait connaître, et par cela même, je suis autorisé à dire qu'elles n'ont pas une importance réelle.
Cependant on nous en a révélé quelques-unes qui peuvent servir d'échantillons. Ainsi on a parlé de Bruxelles où il y a 1 p. c du revenu cadastral.
(page 1545) Je connais cet impôt parce que je l'ai payé moi-même. Il m'est arrivé, un jour, de recevoir un billet par lequel ou me conviait à me rendre à la maison de ville pour payer, du chef de cet impôt, 7 centimes. C'était ma quote-part. Il s'agissait cependant d'une propriété qui avait une valeur de 20,000 fr. environ. Vous voyez comment cet impôt est lourd !
J'en ai reçu un autre par lequel on m'invitait à venir payer 12 fr. 50 c ; c’était pour une propriété telle que ces 11 fr. 50 c. représentaient quelque chose comme un quart ou un cinquième pour mille. Vous voyez que c'est encore une fois un impôt bien écrasant !
Cependant, je crois qu'on nous a dit que ce 1 p. c. sur le revenu cadastral produit quelque chose comme 70,000 fr. Eh bien, je vous dis franchement que pour ma part, je consens volontiers à ce que ce 1 p. c. soit porte à 10 p. c. Je payerais volontiers 10 fr. au lieu de 12 pour ne pas vivre aux dépens des communes rurales. Or, si 1 p. c. donne 70,000fr., les 10 p. c. donneraient 700,000 fr. Vous voyez combien cela est difficile, puisqu'ou aurait trouvé ainsi à peu près toute la somme nécessaire par l'énorme sacrifice que je veux imposer à la ville de Bruxelles.
Mais il y a un autre moyen qui paraît tout aussi praticable. J'entrerai dans quelques explications à cet égard.
Les villes disent : Les cotations personnelles sont impossibles pour nous. Dans les villages même, cela donne déjà lieu à de graves inconvénients ; mais ce système, dans les villes, c'est une impossibilité complète.
Eh bien, je ne veux pas imposer aux villes ce genre de contribution. C'est à elles à examiner quels sont, suivant les circonstances, les meilleurs moyens pour atteindre les ressources des contribuables.
Et ici je dirai un mot de l'amendement de l'honorable M. Carlier. Je puis l'adopter en principe, en ce sens qu'il frappe là où il faut frapper. Mais il ne trouve pas sa place dans cette loi. C'est un impôt direct, et pour un impôt direct il n'y a pas besoin d'un fonds commun. L'honorable membre veut qu'on demande des centimes additionnels à certaines contributions directes.
Eh bien, comme cela serait demandé directement au contribuable, il faut laisser le contribuable verser son contingent dans la caisse des communes. Il est inutile que ce revenu soit versé au fonds communal. Le fonds communal est une nécessité pour les impôts indirects, parce que dès que vous supprimez les octrois, vous ne pouvez plus connaître la consommation locale. L'appareil de l'octroi seul permettait de le faire. Du moment donc que vous demandez quelque chose aux impôts indirects, vous devez placer cela entre les mains du gouvernement qui le perçoit comme impôt général et cela revient au fonds commun ; mais pour les impôts directs, cela n'est pas nécessaire. Ce serait faire faire à ces ressources un circuit inutile.
Je disais donc, en parlant des cotisations, que je n'entends pas faire une loi aux villes de recourir à ce genre d'imposition. Elles ont plein pouvoir d'atteindre les fortunes qui sont à leur disposition et en grand nombre, de telle façon qu’elles le jugent convenable, d’après les bases qui, suivant les circonstances, prêtent le moins à l’arbitraire, qui sont le plus de nature à réaliser une juste pondération entre tous les intérêts. Mais il me semble que les villes n'ont pas une si grande horreur pour les cotisations.
Ainsi la ville de Bruxelles, au quartier Léopold, perçoit une cotisation qui produit 60,000 fr., sur une population de 5,000 habitants environ ; cela fait 10 fr. par tête au moins. Si Bruxelles demandait la moitié de cette quotité à tous ses habitants, il obtiendrait plus de 800,000 fr.
M. Goblet. - Rien du tout.
M. de Naeyer. - Comment se fait-il que l'on obtienne 60,000 fr. sur une population de 5,000 habitants, et que, sur une population de 105,000 habitants, il n'y aurait pas moyen d'obtenir quelque chose ?
M. Goblet. - Le quartier Léopold est le plus riche de Bruxelles.
M. de Naeyer. - Aussi je ne prends que la moitié sur la généralité des habitants.
Votre argument revient à ceci : c'est que toutes les richesses de Bruxelles sont accumulées dans le quartier Léopold. Vous ne pouvez pas soutenir une telle thèse.
Je crois donc qu'on ne peut pas sérieusement soutenir que les villes ne peuvent concourir en rien à remplacer les ressources que les octrois leur procurent. Je l’ai dit, je ne veux pas qu’on leur impose le tout ; j’admets qu’on ne leur impose que la faible partie : ou plutôt il ne s’agit pas de les imposer ; il s’agit de laisser subsister l’obligation qui existe pour elle, qui est écrite clairement dans notre Constitution et dans la loi communale, à savoir qu’aux dépenses communales, il doit être pourvu au moyen d’impôts locaux ou de ressources locales. Je ne puis admettre que les octrois étant abolies, ce grand principe constitutif de l’autonomie communale soit aussi en quelque sorte aboli dans son application.
Messieurs, je regrette d’avoir parlé si longuement et de n'avoir rien dit jusqu'ici dit la question de la bière. Cela prouve, comme je le disais au commencement de mon discours, que M. le ministre s'est placé à côté de la question.
Car jusqu'ici je me suis borné à rencontrer ses observations et je n'ai pas encore eu occasion de parler de la bière, en ce qui concerne la surtaxe dont on veut la grever.
Messieurs, l'honorable ministre, à propos de la bière, vous a fait un assez longue histoire es querelles qui se sont élevées entre l’administration et les brasseurs. Ces querelles ont une certaine ressemblance avec celles qui s’élèvent, dans certains ménages, entre mari et femme. Je crois inutile de m’en occuper.
C'est à peu près par des considérations se rattachant à cet ordre d’idées que l’honorable ministre a prétendu que si l’impôt sur la bière n’avait pas augmenté autant que celui sur les genièvres, c’était par suite de certaines malices, de certaines niches auxquelles les brasseurs avaient eu recours Eh bien, je me permettrai de citer les paroles d’un homme qui observait avec une rare sagacité les faits économiques et qui ne semble pas partager cet avis. C’est l’opinion de l’honorable M. Charles de Brouckere, exprimée dans le mémoire qu’il a joint au rapport de la commission des octrois instituée en 1847.
L'honorable M. Ch. de Brouckere constate que depuis quelques années il y avait eu, en ce qui concerne les bières, diminution de la consommation par tête dans les villes et il cote des chiffres concluants pour le prouver. Puis il ajoute ceci :
« Les effets de la diminution par tête ont été en partie compensés, pour les producteurs, par l'augmentation de la population ; néanmoins, depuis quelques années, les brasseurs voient leur clientèle se rétrécir et, ne se rendant pas encore bien raison de la cause, ils espèrent toujours regagner le terrain qui leur échappe, et font des sacrifiées pour y parvenir. Aussi, nous oserions affirmer que le nombre des brasseurs a diminué, depuis quelques années ; comme nous affirmons qu'il diminuera davantage, dès que les circonstances accidentelles qui offusquent la vue des producteurs auront disparu. Depuis cinq ans et plus, les brasseurs ont été préoccupés, d'abord par les hauts prix de l'orge ou du houblon, puis par celui des grains. En 1840, ils ont pu attribuer la diminution de la consommation au commencement de l'année ; en 1845, à la maladie des pommes de terre ; ils ne se sont pas enquis des effets des lois sur les eaux-de-vie, ni des changements qu'une plus grande consommation de café devait amener dans l'économie générale des subsistances. Et cependant, il résulte des tableaux généraux du commerce que la consommation du café qui, du 1831 à 1836, ne dépassait guère 14 millions de kilogrammes, s'est élevée, après le démembrement du Limbourg et du Luxembourg, à plus de 10 millions et demi dans les années 1841 à 1846 inclusivement. »
Vous voyez donc que la cause indiquée par l'honorable M. Charles de Brouckere n'était pas tout à fait celle que nous indiquait hier l'honorable ministre. Messieurs, dans l'appréciation de faits de ce genre, il faut se mette en garde contre un sophisme qui est connu dans l’école sous le nom de : post hoc, ergo proprer hoc ; il conduit souvent aux appréciations les plus erronées. De ce qu'un fait arrive après un autre, il n’en résulte pas que celui-ci soit le résultat du premier. Il peut avoir été déterminé par d'autres causes plus réelles, moins apparentes et qui échappent d'abord aux investigations ordinaires.
Ainsi les fonctionnaires de l’administration, comme de bons et excellents fonctionnaires, sont préoccupés avant tout de toute ce qui se rattache au service dont ils sont chargés, et c'est dans ce cercle d'idées qu'ils veulent trouver l'explication des phénomènes qui se produisent. Ainsi s'ils constatent certaines diminutions de droits, ils sont généralement portés à voir là l'influence de certains procédés, peu conformes à l'esprit de la loi, auxquels auraient recours les industriels, tandis que le fait peut être dû à une cause toute différente qui échappe à leur appréciation.
Je crois donc qu'on aurait tort d'attribuer absolument à l'esprit trop inventif des brasseurs la diminution de produits dont l'honorable ministre a parlé très longuement.
Il y a une autre considération qui m'a étonné. L'honorable ministre est allé chercher un argument dans les faux fonds des cuves, employées à la brasserie.
Je suis étonné qu'il n'ait pas remarqué qu'il ne pouvait trouver là que de faux arguments. En effet, l'histoire de ces faux fonds est une histoire ancienne,, une histoire complètement terminée depuis neuf ans. Cela ne peut plus avoir aucune influente ; vous avez fait une loi pour empêcher la prétendue fraude qui, suivant vous, résultait de ces faux fonds.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - C'est ce que j'ai dit.
M. de Naeyer. - Je ne sais alors quel argument vous voulez tirer de là. L'argument porte évidemment à faux.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Il était vrai de 1840 à 1851 et explique la décroissance des produits.
M. de Naeyer. - Voilà déjà neuf ans qu'il n'en est plus question, et je m'étonne qu'un ministre aussi progressif que l'honorable M. Frère ait recours à un argument aussi rétrograde. Il fallait l'abandonner ; il n'avait plus de valeur pour décider la question qui nous occupe.
Messieurs, toutes ces petites récriminations contre les brasseurs ne changent absolument rien à la question. Nous restons toujours devant ce fait désolant, devant ce fait déplorable, inadmissible, suivant moi, c'est que vous voulez doubler le droit sur un objet de consommation, et sur un objet de grande consommation pour la classe moyenne et la classe ouvrière. Voilà le fait devant lequel nous nous trouvons et qui doit nous arrêter.
Je lis, dans le rapport de la section centrale, qu’il y a des doutes sur la question de savoir si l'impôt direct doit être préféré à l'impôt indirect. Je l'admets ; seulement je n'attache pas une très grande importance à l'autorité qu'on a fait intervenir dans cette question économique. Je (page 1546) citerai une autre autorité qui, à mes yeux, a plus de poids ; c'est encore une fois celle de l'honorable M. Ch. de Brouckere. Dans le petit ouvrage dont j'ai eu l’honneur de vous lire l'autre jour un passage, il enseigne qu'en fait d'impôts, le meilleur système est celui qui se compose en partie d'impôts directs et en partie d'impôts indirects, parce que, dit-il, le grand nombre des bases sur lequel l'impôt se trouve alors assis est de nature à réparer les injustices partielles qui pourraient exister.
Il y a, si vous le voulez, dans l'ensemble, des compensations qui font qu'on ne s'écarte guère des principes de la justice ; mais la condition première qu'il exige pour un système d'impôts indirects, la voici : c'est qu'il y ait harmonie dans ce système, en ce sens que les objets destinés à la consommation des classes inférieures ne soient frappés que dans de justes proportions avec les objets de consommation de luxe, de consommation voluptuaire. Or, il faut bien le reconnaître, sous ce rapport le système déjà en vigueur aujourd'hui est des plus vicieux. Est-ce un objet de luxe que le sel qui est frappé d'une manière scandaleuse, sur lequel on perçoit un impôt qui s'élève à trois fois la valeur de l'objet imposé ? Eh bien, à cette inégalité révoltante n'en ajoutons pas une autre ayant quelque analogie avec elle.
N'ajoutons pas un autre impôt frappant aussi avec une rigueur exceptionnelle un objet de grande consommation pour les classes ouvrières et les classes moyennes de la société.
Messieurs, on nous a fait hier une comparaison entre la taxe qu'on veut imposer à la bière et celle dont les vins seront grevés.
Eh bien, savez-vous quelle est la différence ? Pour les vins on admet tant pour tout le pays l'augmentation qu'on propose...
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Nous sommes liés par un traité.
M. de Naeyer. - Il y aura 32 ou 33 fr. par hectolitre à peu près. Aujourd'hui le droit n'est plus, je pense, que de 24 fr., par suite du traité avec la France, on y ajoutera 7 fr. ; ce sera 31 fr. ; pour les vins communs c’est 10 p. c, pour les vins fins c'est peut-être 3 p. c, quelquefois 2 p. c. Voilà la boisson du riche ; et ce que vous imposez à la bière qu'est-ce que ce sera ? Ce sera 20 p. c. au moins.
Eh bien, je dis qu'il est impossible d'admettre un pareil système. Vous dites que vous êtes liés par les traités, mais si vous êtes liés par les traités pour les vins, vous êtes liés pour la bière par les sentiments d'humanité et de justice. (Applaudissements dans les tribunes.)
M. le président. - Je préviens les tribunes que toute marque d'approbation ou d'improbation est interdite. Si de semblables manifestations se reproduisent, je ferai évacuer immédiatement les tribunes.
M. de Naeyer. - Je déchire que si de semblables manifestations se reproduisent, je ne dirai plus un seul mot.
M. le président. - Ces manifestations sont surtout déplorables dans des questions où des intérêts particuliers sont en jeu. Je me montrerai d'autant plus sévère.
M. de Naeyer. - Je crois, messieurs, que souvent on a manifesté, à juste titre, le désir que l'usage des boissons alcooliques se restreignît. C'est sans l'intérêt vrai des classes ouvrières ; eh bien, je regrette de devoir le dire, mais dans le projet de loi, ii y a une tendance tout à fait contraire. Vous frappez plus rudement les bières que les eaux-de-vie.
C'est donc en quelque sorte un encouragement que vous accordez à la consommation du genièvre. Quand vous constatez que l'augmentation de droit sur le genièvre pourra avoir pour résultat de restreindre la consommation, vous vous en applaudissez. Qui donc, dites-vous, pourra se plaindre d'un pareil résultat ?
Mais vous frappez la bière dans une proportion plus forte encore et alois que voulez-vous que boive l'ouvrer ? Il ne restera plus que le café.
Eh bien, cette substitution du café à la bière, je n'en veux pas.
L'honorable M. Ch. de Brouckere avait constaté que le café tendait à se substituer à la bière, et je crois que c'est à cela qu’il attribuait la diminution qui a eu lieu dans la consommation et par conséquent sur le produit du droit sur la bière. M. le ministre des finances nous a dit hier que depuis quelque temps l'impôt sur la bière a repris son essor et que, par conséquent, le café n'a pas continué à se substituer à la bière dans une aussi large proportion.
Je m'en félicite, mais ce que nous devons éviter surtout, c'est que la loi soit entachée d'un vice qui serait de nature à entraver cette amélioration qui se manifeste dans la position des classes inférieures.
Remarquez bien, messieurs, que l'augmentation proposée pour la bière est de 94 p. c, tandis que par les eaux-de-vie, l'augmentation proposée n'est que de 63 p. c. Il y a donc privilège pour le genièvre dont nous reconnaissons que la consommation doit être restreinte.
On dit : Nous voulons tous favoriser autant que possible la bière ; c'est une boisson éminemment belge, belge par l'origine, belge dans toutes ses parties constitutives, belge par l'affection du peuple ; mais si vous voulez la suppression des octrois, ii faut vouloir les moyens d'y arriver ; or, il n'y a d'autre moyen que le droit de 4 francs sur la bière. Eh bien, messieurs, il m'est impossible d'admettre qu'il n'y ait pas d'autre moyen. Je crois avoir prouvé qu'il y a un moyen beaucoup plus simple, c'est de ne pas affranchir complètement les villes des obligations que la loi leur impose. Voilà un moyen excessivement simple.
Maintenant vous voulez absolument que les villes n'aient rien à payer, que tout soit demandé au fonds communal, c'est une idée fixe dont vous ne voulez pas vous écarter ; eh bien, faut-il pour cela s'adresser absolument à la boisson populaire, frapper un objet qui serait certainement le dernier qu'il fallût atteindre ?
Comment ! dans il Belgique, il n'y aurait pas moyen de trouver trois millions sans faire peser la charge sur cet objet-là ! Est-ce sérieux ? Je ne veux pas chercher, parce que, dans mon système, ces trois millions ne sont pas nécessaires ; mais si je les considérais comme nécessaires, je garantis bien que je les trouverais, sans toucher à la bière.
Je dis que cette augmentation du droit sur la bière donne à votre loi un caractère déplorable. Et pourquoi cette augmentation ? Pour affranchir complètement des obligations imposées par la loi, ces villes qui sont si riches, qui prouvent leurs ressources par leur contingent même de contributions versées au trésor public, ainsi que vous avez bien vous nous le faire connaître.
Oui, j'ai applaudi à la présentation du projet, je le considérais comme une grande œuvre, et si mes félicitations n'ont pas été officielles, elles sont, néanmoins, parties du cœur, car, tant que je vivrai parlementairement, je saurai rendre justice à mes adversaires.
Mais j'ai éprouvé un véritable déchirement de cœur quand j'ai vu la persistance incroyable à maintenir comme base du projet, un impôt qu’il est impossible de justifier. Non, on ne vous croira pas quand vous irez que vous ne pouvez trouver les millions qui vous manquent sans les prendra sur la bière, et quant à moi, je ne les voterai jamais.
(page 1551) M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, je serai bref, autant que possible, mais je ne puis laisser sans quelques mots de réponse le discours de l'honorable préopinant.
Messieurs, il est réellement déplorable que, dans cette discussion, on signale en quelque sorte les villes à l’animadversion publique. Les villes elles ont fait de folles dépenses ; elles ont gaspillé les deniers publics ; elles ont voulu créer des monuments, des palais ; et maintenant qu'elles sont obérées, endettées, il faut que les campagnes viennent à leur secours ; il faut qu'on rançonne les campagnes au profit des villes !
Messieurs, nous sommes, il faut l'avouer, singulièrement faits. Lorsque nous nous promenons par nos villes, que nous rencontrons ces magnifiques cathédrales, ces splendides hôtels de ville, nous disons : « Voilà de belles œuvres de nos ancêtres ! Quelle grandeur, quelle magnificence ! Il faut conserver ces monuments, il faut les restaurer avec amour. »
Et puis, sous prétexte que les villes élèvent des monuments, on les désigne au mépris public !
Et encore sur quoi repose cette contradiction déplorable ? Sur une pure invention, sur une fantaisie des honorables membres.
Où donc sont, dans nos villes, ces magnifiques monuments qui marqueront notre époque ? où ces grandes œuvres qui rappelleront à nos descendants le siècle présent ?
Je ne trouve rien, absolument rien nulle part ; au contraire il faut le dire, nous sommes sous ce rapport, villes et gouvernement, d'une désespérante impuissance. Quel homme parmi nous a entraîné le pays dans ces dépenses glorieuses qui faisaient transformer Athènes par Périclès, mais qui, il est vrai, exposaient Périclès, au rapport de Plutarque, à l'accusation de gaspiller les deniers publics, glorieux gaspillage qui a rendu Athènes et Périclès immortels ? Cet homme, le connaissez-vous ?
Dans nos villes, à quoi sont consacrés les deniers publics ? A satisfaire aux nécessités les plus urgentes. Les fonds mêmes sont insuffisants pour faire ce qui est strictement nécessaire.
Dans l'ordre des intérêts moraux, les villes font des sacrifices immenses pour l'instruction primaire, et certes je voudrais qu'elles pussent faire davantage encore. Et après cela, hors la voirie, l’éclairage, la police, la bienfaisance que trouvez-vous dans les budgets de vos villes ? (Interruption).
Oui dans le budget de quelques villes, vous trouverez inscrit un chétif subside pour le théâtre. Voilà ce qui peut être reproché à vos villes.
M. de Naeyer. - Je ne critique rien.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Ce n'est pas en répétant incessamment qu'on va rançonner les campagnes au profit des villes ; ce n'est pas en faisant accroire que les campagnes sont sacrifiées, que les villes ont fait de folles dépenses, qu'elles gaspillent les deniers publics ; ce n'est pas ainsi que nous fortifierons le sentiment national que vous avez tout à l'heure invoqué en termes si éloquents.
Que disiez-vous tout à l’heure ? « Je consens à faire un sacrifice de 100 millions, pour racheter les octrois. « Mais parlez-vous sérieusement ? Les octrois na coûtent-ils rien aujourd'hui au pays ? Et s'ils coûtent quelque chose au pays, s'ils coûtent ce que vous donnez, quel sacrifie faites-vous ?
Un de vos honorable amis, et j'ai accepté son chiffre aveuglément, quoiqu'il fût évidemment réduit d'une manière exagérée, estimait à. 3 millions et demi la charge que les octrois font peser sur les campagnes.
M. de Naeyer. - Charge injuste !
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Charge injuste ; mais existe-t-elle oui ou non ? et si cette charge existe dans le système actuel, avec les octrois, n'ira-t-elle pas grandissant d'année en année, si l'on maintient, si l'on perpétue, si l'on aggrave les octrois ? Vous ne faites donc aucune libéralité en inscrivant dans le budget de l'Etat un sacrifice de 4 millions.
Je sais que le vulgaire fait une grande différence entre les deux hypothèses ; je sais qu'on peut faire accroire au vulgaire que les octrois ne sont pas une charge pour la généralité ; mais pour vous, pour nous qui pouvons scruter, qui allons au fond des choses, nous savons que ces charges, pour être cachées, n'en sont pas moins tout aussi considérables que celles qu'il s'agit aujourd'hui d'y substituer.
Ainsi qu'on ne parle pas de ce sacrifice ; on n'en fait pas plus dans un cas que dans l'autre. Les octrois maintenus, y a-t-il, oui ou non, une charge pour les campagnes ? Cela est incontestable. Les octrois supprimés, il y a, il est vrai, une charge pour les campagnes ; mais cette charge qui ne sera pas plus élevée qu'elle n'est aujourd'hui, ira en diminuant tous les jours et finira par disparaître entièrement.
Entre votre système et celui que je défends, voici la différence : mon système, c'est une réforme ; le vôtre, c'est une révolution. (Interruption.)
Oui, c'est une véritable révolution, une chose impossible à faire admettre, si ce n'est par la violence...
M. de Naeyer. - C'est une révolution pacifique.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Elle ne serait pas pacifique : vous seriez bientôt obliges de rapporter votre loi.
Voilà la différence.
Je sais très bien qu'il serait beaucoup plus satisfaisant de réduire un premier jour, immédiatement, toutes les charges pour les campagnes. Les compagnes seront enrichies de la suppression de l'octroi ; les villes succomberont sous le poids de l'impôt ; est-ce là ce que vous voulez ?
Je suis avant tout un homme pratique, un homme sérieux qui ne vient proposer au parlement qu'une mesure qui peut être acceptée par le pays. Quant à celle que propose l'honorable membre, certes il n'aura pas fallu attendre un siècle pour arriver par ce moyen à la suppression des octrois. A ces conditions la suppression a toujours été possible. Décrétez, dit-il, en deux lignes, que les octrois sont supprimés ; les villes se tireront d'affaire comme elles pourront. L'expédient est merveilleux !
Mais qu'est-ce donc qui fait la difficulté de la question ? C'est de savoir comment les villes feront, une fois les octrois supprimés.
C'est pourquoi nous avons cherché une combinaison qui a pour résultat tout à la fois de ne pas aggraver les charges des campagnes en supprimant les octrois et de faire cesser ultérieurement les charges qui leur incombent de ce chef ; c'est pourquoi nous sommes arrivés à une solution satisfaisante pour la grande partie de cette assemblée et, je le crois aussi, pour l'immense majorité du pays.
Vous ne prenez pas garde que beaucoup de charges pèsent sur les villes et que la suppression même des octrois va faire naître de nouvelles charges pour elles sans aucune compensation.
(page 1552) Ainsi des dépenses d'intérêt général sont imposées aux villes, par exemple pour ce qui regarde l'armée : pour les casernes, pour les champs de manœuvre.
Dans le système de l'octroi, les villes trouvaient une compensation dans les sommes qui leur étaient fournies par la consommation de la garnison. Aujourd'hui elles auront les charges et n'auront plus la compensation.
M. Wasseige. - Elles ne renonceront pas à leurs garnisons pour cela.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Elles ne renonceront pas à leurs garnisons, mais elles perdront les bénéfices que les garnisons leur produisaient.
L'honorable M. de Naeyer répond : Les villes sont riches. Vous-même vous avez énuméré hier, dit-il, l'importance des charges qu'elles supportent, et ceci a fourni à l'honorable membre l'occasion des plaisanteries les plus agréables. Il vous a dit : Le grand mal de payer quand on est riche !
Quel sentiment vous inspirerait un débiteur qui en face de son créancier dirait : Je suis grevé d'impôts énormes, je paye tant en contribution foncière, tant en contribution personnelle ; il m'a pris fantaisie de m'occuper de quelques affaires industrielles, et me voici grevé de patente. Je paye 25,000 fr. de ce chef et vous venez réclamer ce qui vous est dû ; cela n'est pas possible.
L'honorable membre n'a pas pensé que le personnage qu'il a mis en scène serait un personnage fort ridicule et qui ferait hausser les épaules à tout le monde ; mais les villes qui sont en scène ne sont pas dans ces conditions.
Il s'agit de savoir si elles ne payent que ce qu'elles doivent payer ; si les charges qu'elles supportent dans les impôts généraux ne sont pas trop lourdes, et vous ne pouvez séparer ce que j'ai dit sur ce point de ce que j'avais établi dans une séance précédente, à savoir que nous n'avons plus qu'une fraction du système d'impositions décrété en 1821 ; que les impôts directs pesaient plus lourdement sur les villes que sur les campagnes, et que la compensation qui se formait à l'aide des impôts mouture et d'abatage a été supprimée.
L'honorable M. de Theux a prétendu que la compensation n'existait point, que les charges qui pesaient sur les campagnes du chef de ces impôts n'étaient pas aussi lourdes en apparence qu'en réalité.
Il s'est trompé.
Dans la pensée du législateur, ce qui est une présomption déjà en faveur de mon opinion, il en devait être ainsi. C'était un moyen de rétablir l'équilibre, parce que les charges directes n'étaient pas également réparties. Il est clair qu'en ce qui touche l'impôt-mouture, il était payé en proportion du nombre et par conséquent il pesait beaucoup plus sur les campagnes que sur les villes.
Il y avait de ce chef une charge très considérable.
M. de Theux. - Considérable pour les campagnes, maïs beaucoup plus pour les villes en raison de la différence du droit.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Non pas même en raison de la différence du droit. Tout cela était combiné pour qu'il y eût équilibre. Ainsi donc la réponse que m'a faite sur ce point l'honorable membre n'est pas admissible.
En commençant son discours, l'honorable M. de Naeyer a voulu signaler une différence essentielle entre le plan qu'il a proposé et le plan du gouvernement. C'était en quelque sorte le côté philosophique de cette affaire, mais j'avoue que je n'ai pas réussi à comprendre.
L'honorable membre dit qu'il ne veut pas de confusion entre le fonds communal et celui de l'Etat ; il exige qu'ils soient parfaitement distincts.
Je ne comprends pas comment il peut en être ainsi, même dans le système de l'honorable membre. Il parle d'un fonds de 9 millions à créer au moyen de 35 p. c. de certains impôts généraux du pays. Il est donc absolument dans les mêmes conditions que le fonds créé par le projet de loi.
M. de Naeyer. - Nullement.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - C'est une question de plus ou moins, mais quant au principe, nous sommes exactement dans les mêmes conditions, car, l'un et l'autre, nous constituons le fonds par prélèvement d'un tantième de certains impôts.
Seulement, la différence est grande quant aux éléments dont se compose le fonds communal tel que le propose l'honorable membre.
L'honorable membre n'a pas voulu se rendre à mes observations. Il tient ses calculs pour vrais et inattaquables. Je lui ai dit : Vous ne pouvez pas trouver les neuf millions avec les bases que vous indiquez et au taux d'impôt que vous fixez ; et si, pour obtenir neuf millions, vous élevez la quotité à 35 p. c., alors ce n'est plus par vos seules augmentations d’impôt que vous avez neuf millions, mais c'est grâce à avec un prélèvement de 728,000 fr. fait sur le trésor public.
L'honorable membre me répond : Eh bien, soit, je prends 600,000 ou 700,000 fr. de ce chef, j'y consens ; mais je vous ai laissé le sucre, partant, nous sommes quittes.
L'honorable membre a une manière assez singulière de calculer.
Lorsqu'il constitue son fonds de 4 millions fixe pour les communes à octroi, il me dit : Vous aurez 1,500,000 fr. du chef des postes, 700,000 fr. du chef des sucres ; total 4 millions, et puis quand il constitue son fond de 35 p. c, il reprend les 700,000 fr. du sucre et prétend que nous sommes quittes.
M. de Naeyer. - Je n'ai pas dit cela, c'est un sacrifice sur l'ensemble.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - C'est un sacrifice sur l'ensemble ; et après ? Que concluez-vous ? Je constate que vous n'obtenez pas neuf millions avec les produits que vous indiquez et que, pour les obtenir, vous faites un prélèvement plus considérable sur les fonds du trésor ; je constate encore que pour expliquer votre opération vous faites un double emploi ; car vous voulez compenser les 700,000 fr. pris en plus sur les fonds du trésor, par les 700,000 francs provenant des sucres qui déjà ont été appliqués au fond de quatre millions.
Les distilleries ne vous donneront pas ce que vous en espérez, ai-je dit. Soit, me dites-vous : J'admets qu'il y aura une certaine diminution. En admettant même vos calculs, dans votre hypothèse, me répondez-vous, il y aura 600,000 ou 700,000 francs de moins, et comme j'ai 700,000 fr....
M. de Naeyer. - Non, non, ce n'est pas cela !
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je crois vous avoir bien compris.
M. de Naeyer. - Pardon ; voulez-vous me permettre de m'expliquer ?
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Volontiers.
M. de Naeyer. - Voici comment j'ai calculé quant aux eaux-de-vie : j'ai pris le produit moyen des deux dernières années et j'ai appliqué à ce produit moyen l'augmentation des 47 4/2 p. c. que vous prenez également pour base de vos calculs, et ainsi je suis arrivé à avoir pour les eaux-de-vie un total de 3,390,000. En déduisant cela du chiffre de l'augmentation de produit que m'auraient donné les 63 1/3 p. c, j'ai trouvé un déficit de 1,120,000 francs, et c'est en déduisant l'excédant sur les 9 millions, de ce déficit, que je suis arrivé au déficit définitif de 478,000 francs.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - C'est donc bien à un déficit que vous aboutissez comme je viens de le dire.
M. de Naeyer. - Pardon, vous avez dit que j'avais encore fait entrer les sucres en ligne de compte.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Permettez : vous n'aurez pas vos 9 millions ; vous ne les obtiendrez qu'en prenant au trésor 700 et des mille francs ; en élevant la quotité à 35 p. c. Quand je vous fais remarquer que vous prenez ces 700,000 francs au trésor vous me répondez que vous m'avez donné les sucres ; à quoi je vous réponds que vous les avez compris dans votre chiffre de 4 millions et que, par conséquent, il y a double emploi.
Maintenant que vous avez obtenu, à l'aide de ces 35 p. c. une somme de 9,600,000 fr., et que vous avouez qu'il vous manque quelque chose sur les distilleries, vous dites : J'use de mes 700 et des mille francs pour les faire servir à éteindre le déficit à due concurrence. Eh bien, je ne puis pas admettre cette manière d'opérer.
L'honorable membre persiste à croire qu'en augmentant un impôt de 65 1/3 p. c, ce que l'on fait pour les genièvres, il obtiendra une augmentation proportionnelle de recette.
M. de Naeyer. - Pas du tout.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Dans vos calculs primitifs ; nous avons vu tout à l'heure la rectification. Vous établissez que vous aurez 4,508,000 francs de produits. Je dis que cela est de toute impossibilité. Outre que votre calcul repose sur une base extrêmement fragile en pareille matière, vous avez pris, non pas comme moi, les prévisions du budget des voies et moyens de 1860 ; mais vous avez augmenté ces prévisions d'une quotité assez notable en raison des produits plus forts des années 1858 et 1859.
M. de Naeyer. - J'ai pris la réalité.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Ce n'est pas prendre la réalité ; c'est calculer de la plus dangereuse manière que de prendre pour base deux années exceptionnellement favorables, ayant donné des produits hors de proportion avec ceux qui ont été constatés pendant une longue série d'années précédentes.
il est évident qu'en agissant ainsi, on propose à l'assemblée une chose, qui, si elle était sanctionnée, risquerait fort de n'être point réalisée.
J'ai ajouté que si j'avais opéré comme l'honorable membre, j'aurais pu promettre beaucoup plus pour la constitution du fonds communal ; cela est hors de doute.
Pour la bière, messieurs, le déficit existera aussi ; selon l'honorable membre non parce que l'augmentation qu'il propose, le taux étant réduit à 3 fr., sera insignifiante...
M. de Naeyer. - Il n'y en a même pas.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - C'est une erreur ; il y en a une, vous abusez des moyennes dans votre calcul. Voici comment vous opérez. Vous dites : En ne portant l'accise qu'à 3 fr., et en supprimant l'octroi il y aura réduction dans les villes et augmentation dans les campagnes, partant, en moyenne, augmentation nulle.
Voilà ce que vous dites ; eh bien, ce calcul est tout à fait inadmissible. Il y (page 1553) aura 45 p. c. d'augmentation à la campagne, dans votre système et je vous attribue 42 p. c. d'augmentation de recette, ce qui est énorme. En vous attribuant 42 p. c. d'augmentation de recette, vous avez un déficit de 400,000 francs ; mais vous prétendez que, dans votre système, la réduction du droit dans les villes provoquera un accroissement dans la consommation qui compensera la diminution que l'augmentation d'impôt pourra produire dans les campagnes.
Ici je ne suis nullement d'accord avec l'honorable membre ; je ne suis pas d'accord sur ce point qu'immédiatement surtout, il obtiendra dans les villes une réduction des prix de la marchandise donnant lieu à un accroissement de consommation, tandis que l'on doit admettre une certaine réduction par l'augmentation d'impôt dans les campagnes.
La réduction ne sera pas assez forte pour qu'on puisse en faire profiter le consommateur ; elle tournera donc au profit du producteur ; cela est vraisemblable. Seulement, il peut se faire qu'avec le temps et grâce à la concurrence une certaine réduction de prix puisse avoir pour effet d'accroître le débit de la marchandise. Immédiatement, c'est inadmissible.
Donc l'honorable membre raisonne mal ; il fait des calculs de tous points fautifs lorsqu'il compte toute l'augmentation qu'il espère.
Enfin, j'ai dit que le système de l'honorable membre était moins favorable que le mien aux campagnes.
L'honorable membre, répondant au dilemme que je lui avais opposé ici, a joué sur les mots : il nous a dit que ce dilemme n'était qu'une arme émoussée qui ne lui semblait point de fabrication liégeoise. D'après l'honorable membre, s'il donne moins, d'un autre côté il prend moins aussi aux contribuables ; il y aura plus à prélever sur les contribuables dans mon système que dans le sien. Sans doute ; mais là n'était point la question : la question était de savoir quelle serait dans l'un et dans l'autre système la somme qui reviendrait aux campagnes, et je dis que cette somme sera plus considérable dans mon système que dans le sien. Vous promettez et vous ne tiendrez pas. Vous promettez au début 5 millions. Vous ne pouvez pas donner trois millions.
M. de Naeyer. - Toujours quatre millions.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - C'est impossible, je maintiens qu'il faut réduire deux millions de votre hypothèse ; reste trois millions. (Interruption.)
Il faut déduire de vos évaluations 1,600 mille fr. sur les eaux-de-vie et 400 mille fr. sur les bières, ce qui fait bien deux millions. (Interruption.)
Je maintiens que vos données sont inadmissibles. J'admets, si vous voulez, que vous donneriez cinq millions. Alors je les donne aussi, c'est-à-dire que le même accroissement profitera au fonds communal et le portera à 17 millions, par conséquent cinq millions pour la part des campagnes.
Mais dans le système que je propose, les campagnes auront, de plus, tout l'accroissement successif du fonds ; dans le système de M. de Naeyer, les campagnes n'auront que 55 p. c. de l'accroissement ultérieur, extrêmement problématique. (Interruption.)
Presque tout l'accroissement, dans le système du gouvernement, profite aux campagnes, cela est incontestable ; dans le système de l'honorable membre, elles n'auront que 55 p. c, en introduisant, dans les bases de la répartition, la population.
Maintenant l'honorable membre, en terminant, a de nouveau parlé de la bière en termes fort éloquents assurément ; il a opposé la bière au genièvre, la bière au sel, la bière au vin. Je suis d'accord avec l'honorable membre, il vaudrait mieux grever le vin que la bière. Mais je demande si c'est possible, et si ce n’est pas possible, est-ce de bonne tactique devant la Chambre, devant le pays, de représenter le gouvernement comme préférant imposer la bière, boisson du peuple, que d'imposer le vin, boisson du riche ? Ne sommes-nous pas liés par un traité ?
L'honorable membre oppose la bière au genièvre ; croit-il qu'on puisse obtenir quelque chose de plus du genièvre ; comment ne le propose-t-il pas ? Il faut des choses sérieuses, il ne faut pas se borner à faire entendre de vaines paroles, verba et voces, il faut des actes.
M. de Naeyer. - Ce n'est pas à moi à créer vos voies et moyens.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Sans doute, je ne vous demande pas de créer des voies et moyens ; mais je réponds à vos critiques et quand je dis qu'il est impossible d'augmenter l'impôt sur le genièvre sans provoquer une fraude considérable qui ferait perdre une grande partie du droit, le niez-vous ?
- Un membre. - Et la houille ?
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Proposez de l'imposer.
Des impositions que vous mettez en relief, c'est celle qui frappe la bière que vous m'opposez surtout, pour montrer que j'atteins des consommations populaires. Et c'est à-moi que s'adressent cette imputation et ce reproche ! Il y a dix ans, je vous ai proposé de me suivre sur d'autres terrains. Il y a dix ans, je vous ai proposé de réformer la loi sur la contribution personnelle et il y a dix ans que cette loi reste à faire ; il y a dix ans je vous ai proposé d'établir un impôt sur les successions en ligne directe, de préférence à d'autres impôts, et, un seul excepté, tous vous m'avez combattu !
- Un grand nombre de voix. - La clôture ! la clôture !
(page 1546) M. B. Dumortier. - Je demande la parole contre la clôture. Messieurs, j'ai lieu de m’étonner de voir pour la seconde fois une partie des membres de cette assemblé qui siègent au côté gauche réclamer la clôture, quand une discussion pareille est loin d'être terminée. Qu'avez-vous entendu hier et aujourd'hui ? Discuter ce qui n'était pas en discussion ; voilà deux jours que vous discutez ce que vous ne deviez discuter que plus tard, et quant à la bière, c'est à peine si on en a parlé dans cette discussion. L'honorable M. Frère vient de parler pendant trois quarts d'heure et n'a pas dit un moi de la bière, et nous qui vouloir parler sur cette matière qui tient de si près à l'intérêt du peuple, on ne veut pas nous entendre. Un pareil acte serait inconcevable ; il faut laisser une semblable discussion suivre son cours ; quand on a passé une séance entière à discuter des questions étrangères à celle qui est à l'ordre du jour, on ne peut pas nous refuser la parole à nous qui tous voulons parler sur la question elle-même.
M. le président. - Il n'y a plus d’inscrits que MM. Carlier et Ernest Vandenpeereboom.
- La clôture est mise aux voix et prononcée.
M. le président. - Nous sommes en présence de la rédaction du gouvernement, de l'amendement de M. Carlier et de celui de M. de Naeyer.
L'amendement de M. Carlier est ainsi conçu :
« Je propose de fixer à trois francs au lieu de quatre le nouveau droit d'accise sur les bières et vinaigres et de combler le déficit dans les ressources nécessaires à l'exécution de la loi. à l'aide des moyens suivants :
« 1° Vingt centimes additionnels à la contribution personnelle ;
« 2° Cinq centimes additionnels à la contribution foncière sur les propriétés bâties ;
« 3° Une augmentation de treize francs du prix du port d'arme de chasse. »
Voici maintenant l'amendement de M. de Naeyer :
« Le droit d’accise établi sur la fabrication des bières et vinaigres, par la loi du 2 août 1822, modifiée par la loi du 24 décembre 1853, est fixé à trois francs. »
L'amendement qui s'écarte le plus du projet du gouvernement est celui de M. Carlier.
Je vais le mettre aux voix.
- Plusieurs mesures. - La division !
M. le président. - Elle est de droit ; dans ce cas, je devrai commencer par la dernière partie de l'amendement, à l'adoption de laquelle la première est subordonnée.
M. Carlier. - Je demande la parole.
L'amendement que je vous ai proposé est parfaitement un ; il m'est impossible de le diviser. Si la division était admise, je me trouverais dans la nécessité de voter contre ou de m'abstenir. En effet, je demande que l'accise sur la bière soit réduite à 3 francs au lieu de 4 ; mais comme je ne veux rien enlever aux voies et moyens du projet, si ce n'est en y substituant une ressource nouvelle, un contingent égal à celui que je fais disparaître, je devrais refuser mon vote à la réduction à 3 francs, si à côté de cette réduction il n'était pas voté d'autres moyens pour rendre possible l'exécution de la loi, si l'ensemble de mon amendement n'était pas accueilli.
Je crois ces explications suffisantes pour démontrer l'unité, la cohésion de la proposition que j'ai soumise à l'assemblée, et l'impossibilité pour moi de consentir à sa division.
(page 1547) M. le président. - C'est ainsi que je l'avais compris. On pourrait donc commencer par voter les derniers numéros de l'amendement, puisque M. Cartier ne vote la première partie qu’à la condition que la seconde soit adoptée.
M. B. Dumortier. - Le mode de procéder que nous propose notre honorable président est tout à fait impossible. De quoi s'agit-il ? Exclusivement de l'impôt sur la bière. Or les derniers paragraphes de l'amendement concernent, non pas l'article 9 qui est en discussion, mais l'article 2 qui a été tenu en suspens. Il est donc impossible de voter des amendements proposés à un article qui n'a pas même été examiné.
Je tiens en main l'imprimé qui nous a été distribué.
M. le président. - Cette rédaction a été modifiée.
M. B. Dumortier. - Je ne crois pas que la rédaction nouvelle se rapporte davantage à l'article 9. La Constitution est formelle. Les projets de lois doivent être votés article par article. En votant l'amendement de M. Carlier à l'article 9, la Chambre l'adoptera ou le rejettera. Si elle l'adopte, elle en adoptera la seconde partie ; si elle le rejette, elle n'aura plus à s'occuper de cette partie subsidiaire.
M. H. de Brouckere. - La proposition de l'honorable M. Carlier forme un ensemble sur lequel il serait fort désirable que la Chambre se prononçât en un seul vote. Je sais que le règlement autorise tout membre a demander la division. Si l'on insiste pour que l'amendement soit divisé, il faudra donc qu'il en soit ainsi. Dans ce cas, je n'hésite pas à dire qu'il n'y a pas d'autre marche à suivre que celle qui nous a été indiquée par notre honorable président. Pourquoi ? Je vais vous l'expliquer aussi clairement que possible.
M. Carlier ne propose la réduction de la taxe sur la bière que subordonnée à une condition sine qua non. Il faut donc que nous votions sur la condition avant de voter sur la proposition. Il est important que l'on procède de cette manière, pour que l'on vote de nouveaux voies et moyens qui permettent de réduire l'impôt sur la bière à 3 francs. Vous ne pouvez admettre que l'on vote sur une proposition que l'on a faite sous condition, alors qu'on ne sait pas quel sera le sort de cette condition.
M. de Theux. - La Chambre ne peut voter sur la proposition complexe de l'honorable M. Carlier ; et puisqu'il faut voter par division, elle ne peut commencer par voter la seconde partie qui n'est que la conséquence de l'amendement de M. de Naeyer. Ce sera évidemment un moyen de remplacer ce que l'amendement de M. de Naeyer aura enlevé au projet ; si cet amendement est adopté, vous pourrez statuer sur la seconde partie de l'amendement de M. Carlier ; sinon vous pourrez passer immédiatement au vote sur le chiffre de 4 francs proposé par le gouvernement.
C'est là ce qu'il faut faire pour se conformer au règlement.
M. le président. - Je ferai remarquer que l'amendement de M. de Naeyer appartient à un autre système que celui du gouvernement, tandis que l'amendement dé M. Carlier appartient au même système.
M. B. Dumortier. - C'est précisément pour cela qu'il faut commencer par l'amendement de M. de Naeyer.
M. Pirmez. - Messieurs, le point que nous avons à résoudre en première ligne est le point de savoir si le droit sur la bière sera de quatre francs ou s'il sera de trois francs.
Je ne crois pas me tromper en disant que l'usage constant de la Chambre est de commencer par le chiffre le plus élevé.
Si le chiffre proposé par eè gouvernement est admis, tout sera résolu et il sera inutile de procéder à de nouvelles épreuves.
Si, au contraire, il est rejeté, il y aura lieu de voter sur le droit de trois francs, et c'est après seulement, qu'il y aura lieu de voir s'il faut ou non combler le vide formé par la diminution du droit.
Je crois que ce que disait M. le président, que l'amendement de M. de Naeyer appartient à un autre système, n'est pas bien exact.
Ainsi, messieurs, je considère qu'il est très possible de n'augmenter que d'un franc le droit sur la bière, tout en conservant l'ensemble du système du gouvernement ; il suffit pour cela de diminuer le minimum accordé par l'article 14 aux villes à octroi, tout en conservant d'ailleurs l’ensemble du projet du gouvernement.
Les membres qui penseraient qu'il est nécessaire de maintenir le fonds communal au chiffre où il est, pourront, après le vote, se prononcer sur les voies et moyens proposés.
Je considère que la prétention de faire voter sur l'ensemble de l'amendement ne conduirait à rien moins qu'à permettre de soutenir que l'on doit voter sur l'ensemble des lois seulement sous le prétexte que souvent les articles sont la condition de l'adoption des uns ou des autres.
M. E. Vandenpeereboom, rapporteur. -- Il m'est assez indifférent que l'on vote d'abord sur tel ou tel chiffre ; mais la Chambre le sait, la question est ici de décider si l'on veut l'abolition ou le maintien des octrois.
M. Wasseige. - Ce n'est pas la position de la question.
M. E. Vandenpeereboom, rapporteur. - Je dis, messieurs, qu'il m'est parfaitement indifférent comment on votera, parce que je comprends quelle est la portée du vote.
Il faut que le pays sache, comme la Chambre le sait, que nous votons aujourd'hui la loi d'abolition des octrois. Voter le principe de l'abolition, sans voter les moyens d'exécution, c'est une puérilité complète. Je le répète, en votant sur le droit des bières, vous allez décider si les octrois seront ou ne seront pas abolis. Dans ma conviction profonde, ne pas voter les moyens d'exécution, c'est décider que les octrois ne seront pas abolis. Toutes les interruptions du monde ne m'empêcheront pas de dire que c'est là la vérité.
Puis, je dis qu'on doit commencer par l'amendement et non par le chiffre le plus élevé. Suivant le règlement, on commence par le chiffre le plus élevé, en fait de crédits ; mais toujours, en fait de dispositions de loi, on voie, d'abord, sur les amendements ; et c'est celui qui s'écarte le plus du projet du gouvernement qui a la priorité.
M. Devaux. - Il est très difficile de commencer par le chiffre le plus élevé, attendu que le chiffre de l'honorable M. Carlier est tout aussi élevé que celui du gouvernement. Seulement l’honorable M. Carlier propose de substituer la contribution directe par une partie à l'augmentation sur la bière. Mais son chiffre est tout aussi élevé que celui du gouvernement, et je dis que vous ne pouvez refuser à l'honorable M. Carlier le vote qu'il demande.
Si l'honorable M. Carlier avait dit : Je propose de substituer la contrition personnelle à toute l'augmentation sur la bière, est-ce que vous lui refuseriez le vote sur son amendement ? quelqu'un dirait-il : Le chiffre est plus ou moins élevé ? Eh bien, que propose l'honorable membre ? Il propose de substituer la contribution directe à une partie de ce que le gouvernement demande à la bière. C'est donc sur cet amendement qu'il faut voter.
M. B. Dumortier. - D'après nos usages, il y a deux modes de procéder en matière de chiffres.
D'ordinaire, quand une question de chiffres est mise aux voix, c'est, comme l'a très bien dit l'honorable M. Pirmez, le chiffre le plus élevé qui est mis le premier aux voix. C'est ainsi que vous procédez dans tous les budgets. Il y a un second système ; c'est celui que vient d’indiquer avec raison l'honorable M. E. Vandenpeereboom ; c'est de mettr 'aux voix la proposition qui s'écarte le plus de la proposition principale.
Quelle est ici la proposition principale ? C'est le projet de loi du gouvernement. Quel est l'amendement qui s'écarte le plus de la proposition principale ? C'est l'amendement de l'honorable M. de Naeyer.
Or, ce qu'on veut faire en nous faisant voter d'abord sur l'amendement de l'honorable M. Carlier qui pour les chiffres revient à la proposition du ministre, et qui par conséquent s'écarte le moins de la proposition principale, c'est nous faire entrer dans une voie toute nouvelle ; c'est nous faire commencer le vote par l'amendement intermédiaire.
Eh bien, je conçois le système de l'honorable M. Pirmez, de commencer le vote par le chiffre le plus élevé, sauf à arriver à des chiffres de moins en moins élevés. Je conçois le système énoncé dans le règlement, et que vient d'indiquer l'honorable M. E. Vandenpeereboom, de mettre aux voix d'abord l'amendement qui s'écarte le plus de la proposition principale.
Mais il m'est impossible de concevoir que l'on vienne, en violant tous les précédents, en violant le règlement, mettre aux voix, avant tout, les parties d'un amendement qui n'a pas même été mis en discussion, qui n'a pas été discuté, qui se rapporte à un autre article.
On viendra me dire : La marche que l'on veut suivre est une condition du vote de l'honorable membre. Je regrette de n'être pas ici de l'opinion de l'honorable M- Carlier, pour lequel je professe une profonde estime. Mais je le prie de remarquer que son amendement est celui qui se rapproche le plus de la proposition du gouvernement. Eh bien, nous pouvons facilement trancher la difficulté ; mettez d'abord aux voix l'amendement de M. de Naeyer, qui s'écarte le plus de la proposition principale ; si cet amendement est adopté, la seconde partie de l'amendement de l'honorable M. Carlier sera mise aux voix ; si l'amendement de l'honorable M. de Naeyer est rejeté, l'honorable M. Carlier devra, par le fait, retirer son amendement.
Mais mettre d'abord aux voix des dispositions qui n'ont pas été soumises à examen, et qui ne l'ont pais été parce qu'elles se rattachent à un article que nous n'examinerons que dans quelques jours, c'est littéralement impossible. Ce serait violer tous vos précédents, ce serait violer le règlement, ce serait violer la raison.
M. Guillery. - Nous avons, depuis quelques jours, violé tant de fois la Constitution, au dire de l’honorable préopinant, que je ne devrais pas m’effrayer d’une violation du règlement. Mais l’honorable membre a oublié une chose, c’est que la base de la discussion est le projet du gouvernement et que l'on doit d'abord mettre aux vox les propositions qui s'en écartent le plus. Or, la proposition du gouvernement est le chiffre de 4 fr. Par conséquent ce chiffre ne peut être mis aux voix avant celui de 3 fr.
Je fais un appel aux membres les plus anciens de cette assemblée, la chambre n'a jamais varié sur ce point. C'est toujours le projet du gouvernement qui est mis aux voix en dernier lieu et la raison en est bien simple, c’est qu’en définitive la présomption est en faveur de ce projet. Quand la Chambre a rejeté tous les amendements, qu’est-ce qui reste ? La proposition du gouvernement.
Quant à la division, elle est de droit. Les membres de cette Chambre ont (page 1548) le droit de se prononcer sur chaque partie séparée de l'amendement. Quelle que soit l'intention de l'auteur de l'amendement, il ne peut échapper aux conséquences de la proposition.
Je ne m'opposerai pas à ce qu'on mette aux voix le chiffre de 3 francs avant le reste de l'amendement. Mais la proposition du gouvernement doit être la dernière.
Du reste, qu'on donne la priorité à l'amendement de l'honorable M. Carlier ou à celui de l'honorable M- de Naeyer, cela m'est égal.
M. le président. - L'article 24 du règlement ordonne au président de mettre d'abord aux voix les amendements. C'est en me conformant à l'article 24 du règlement que j'ai proposé de mettre d'abord aux voix les amendements. Reste à fixer l'ordre dans lequel ces amendements seront mis aux voix, si l'on commencera par l'amendement de M. de Naeyer ou par celui de M. Carlier. Je consulte la Chambre pour savoir auquel de ces deux amendements elle veut donner la priorité.
- La Chambre décide qu'elle donne la priorité à l'amendement de M. Carlier. (Interruption.)
M. de Decker. - M. le président, est-il conforme à notre règlement, à nos usages que l'on vote d'abord sur l'amendement qui s'écarte le plus de la proposition principale ? Est-ce un point admis par tout le monde ? Je crois que oui.
Secondement, quelqu'un peut-il soutenir que l'amendement de M. de Naeyer ne s'écarte pas davantage de la proposition du gouvernement que celui de l'honorable M. Carlier ?
M. le président. - J'ai pensé que l'amendement de M. Carlier s’écartait le plus de la proposition du gouvernement ; voici pourquoi : l'amendement de M de Naeyer, comme celui de M. Carlier, veut réduire le droit à 3 francs ; sous ce rapport, ils sont identiques ; mais M. Carlier propose quelque chose de plus : il propose d'introduire dans l'article 9 des impôts qui ne figurent pas dans le projet du gouvernement.
Sous ce rapport donc, il s'écarte davantage du projet primitif.
Un dissentiment s'étant élevé sur mon interprétation, j'ai dû consulter la Chambre, et la Chambre a décidé qu'elle donnait la priorité à l'amendement de M. Carlier.
- Des membres. - On n'a pas entendu la contre-épreuve.
- Il est procédé de nouveau à la contre-épreuve, elle constate qu'il y a majorité pour la priorité en faveur de l'amendement de M. Carlier.
M. le président. - La division est demandée, et elle est de droit ; mais il s'agit de savoir par quelles parties ou commencera. Je propose, conformément à l'esprit de l'amendement manifesté par son auteur, de voter d'abord sur les derniers numéros.
M. de Theux. - Messieurs, sous l'apparence d'un petite question de règlement, il s'agit de décider une question de la plus haute importance, celle de savoir si, en vue de l'effet moral d'un vote, on pourra violer le règlement. Cela dépend de vous, messieurs, vous avez la majorité ; mais quant à moi si je faisais partie de la majorité, et si j'avais la conviction que le droit de 4 fr. est préférable à celui de 3 fr., je voterais hautement et franchement pour le droit de 4 fr. et je ne chercherais pas à me mettre à couvert par le rejet de l'amendement de M. Carlier.
Voici, messieurs, la question : quel est celui des deux amendements qui s'écarte le plus du projet du gouvernement ? C'est évidemment l'amendement de M. de Naeyer.
M. le président. - La question de priorité a été décidée par la Chambre.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, je vais dire toute ma pensée. Il m'était parfaitement indifférent, à moi, que l'on votât d'abord sur l'on ou sur l'autre des amendements : l'honorable M. Cartier comme ceux qui partagent son opinion étaient placés dans la nécessité ou de voter contre l'amendement de M. de Naeyer ou de s'abstenir. Ainsi, sous ce rapport, le résultat devenait parfaitement indifférent pour nous. Mais je crois qu'il y a une tactique de la part de la droite.
M. B. Dumortier. - Je demande la parole pour un rappel au règlement. Aux termes du règlement, toute imputation de mauvaises intentions est interdite, et quand on dit qu'il y a tactique de la part de la droite, c'est évidemment une imputation de mauvaise intention.
M. le président. - Je ne pense pas qu'il soit contraire au règlement ou aux convenances de dire à une partie de la Chambre qu'elle suit une tactique.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - L'honorable M. Dumortier paraît ne pas savoir, lui qui a lu Rambler, que la tactique parlementaire c'est une science.
Voici comment j'apprécie la tactique que l'on suit, que l'on voudrait faire sanctionner par la Chambre, D'après le moyen indiqué par M. Carlier on met les membres de la Chambre en position de dire s'ils veulent, oui ou non, quelque chose qui puisse amener la suppression des octrois.
Ainsi ceux qui veulent la suppression des octrois mais qui préfèrent les voies et moyens proposés par M. Carlier à l’augmentation de droit sur la bière voteront pour l'amendement de M. Carlier, sauf, en cas de rejet de cet amendement, à adopter la proposition du gouvernement et ceux qui ne veulent pas de la suppression des octrois sont obligés de le déclarer en votant et contre la proposition de M. Carlier et contre celle du gouvernement.
Si, au contraire, on commence par le droit de 4 francs sur la bière, les adversaires de la suppression des octrois sont dispensés de manifester leur hostilité contre cette suppression.
Il vaut donc mieux commencer par l'amendement de M. Carlier.
M. B. Dumortier. - Messieurs, je ne conçois pas comment il est possible qu'un membre du gouvernement en présence de tout ce qui vient de se passer, lorsque la droite ne demande qu'une seule chose, l'exécution du règlement, l'exécution de ce règlement qui est la sauvegarde des minorités contre les majorités, lorsqu'elles veulent les pressurer et les écraser, je ne conçois pas comment il est possible qu'un homme qui siège au banc ministériel vienne ici parler de tactique.
Eh bien, oui, on fait de la tactique, mais ce n'est certainement pas la droite. Voici en quoi consiste la tactique qui est suivie dans cette circonstance. On n'ose pas se présenter devant le pays pour lui imposer un impôt qu'il repousse, un impôt contre lequel sont dirigées toutes les pétitions déposées sur le bureau. Voilà la tactique ! C'est d'empêcher que le vote ne soit franc et loyal.
- La Chambre, consultée, décide qu'elle votera en premier lieu sur les derniers numéros de la proposition de M. Carlier.
M. le président. - Je mets dès lors aux voix la partie de la proposition de M. Carlier relative à une augmentation de treize francs du prix du port d'arme de chasse.
- Cette partie de la proposition n'est pas adoptée.
M. le président. - Je mets maintenant aux voix la partie de la proposition de M. Carlier qui est ainsi conçue :
« Cinq centimes additionnels à la contribution foncière sur les propriétés bâties. »
- Des membres. - L'appel nominal !
- Il est procédé à cette opération.
En voici le résultat :
111 membres sont présents.
21 répondent oui.
65 répondent non.
25 s'abstiennent.
En conséquence la Chambre n'adopte pas.
Ont répondu oui : MM. de Mérode-Westerloo, de Paul, de Terbecq, Frison, Guillery, M. Jouret, Lange, Laubry, Nélis, Neyt, Sabatier, Thienpont, Van Overloop, Van Renynghe, Vermeire, Verwilghen, Vilain XIIII, Ansiau, Beeckman, Carlier et de Haerne.
Ont répondu non : MM. de Lexhy, de Liedekerke, Deliége, de Man d'Attenrode, de Montpellier, de Moor, de Renesse, Deridder, de Rongé, Devaux, de Vrière, d'Hoffschmidt, Frère-Orban, Goblet, Grandgagnage, Grosfils, Hymans, Jacquemyns, Jamar, J. Jouret, Julliot, Koeler, G. Lebeau, J. Lebeau, Lesoinne, Loos, Manilius, Moreau, Muller, Orban, Pierre, Pirmez, A. Pirson, V. Pirson, Prévinaire, Rogier, Royer de Behr, Saeyman, Savart, Snoy, Tesch, Thibaut, A. Vandenpeereboom, E. Vandenpeereboom, Vanderstichelen, Van Dormael, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Leempoel, Vervoort, Allard, Crombez, Dautrebande, David, de Baillet-Latour, de Bast, de Boe, de Breyne, de Bronckart, de Brouckere, Dechentinnes, de Florisone, De Fré, de Gottal et Dolez.
Se sont abstenus : MM.de Muelenaere, de Naeyer, de Pitteurs-Hiegaerts, de Portemont, de Ruddere de Te Lokeren, Desmaisières, de Smedt, de Theux, B. Dumortier, H. Dumortier, d'Ursel, Faignart, Janssens, le Bailly de Tilleghem, Magherman, Moncheur, Notelteirs, Nothomb, Rodenbach, Tack, Vanden Branden de Reeth, Vander Donckt, Wasseige, Dechamps et de Decker.
M. le président. - Les membres qui se sont abstenus sont invités, aux termes du règlement, à faire connaître les motifs de leur abstention.
M. de Muelenaere. - Messieurs, je me suis abstenu parce que la marche qu'on a suivie ne me semble pas régulière. Je n'ai pu me prononcer sur une proposition qui n'a pas été discutée.
M. de Pitteurs-Hiegaerts, M. de Ruddere de te Lokeren, M. de Smedt, M. de Theux, M. B. Dumortier, M. Janssens, M. le Bailly de Tilleghem, M. Magherman, M. Moncheur, M. Notelteirs, M. Nothomb, M. Rodenbach, M. Tack, M. Vanden Branden de Reeth, M. Vander Donckt, M. Wasseige, .M. Dechamps et M. de Decker déclarent s'être abstenus pour les mêmes motifs que M. de Muelenaere.
M. de Naeyer. - Messieurs, je n'ai pas voté contre la proposition de l'honorable M. Carlier, parce que, dans ma manière de voir. elle renferme des moyens qui peuvent servir à remplacer les ressources que donnent aujourd'hui les octrois. Mais je crois que ces moyens doivent êtes laissés à la disposition des communes, et il serait contraire à l'une des idées fondamentales de mon système d'y avoir recours pour augmenter le fonds communal. Cette dernière considération m'a empêché d'émettre un vote favorable.
M. de Portemont, M. Desmaisières et M. d'Ursel déclarent s'être abstenus pour les mêmes motifs que M. de Naeyer.
M. H. Dumortier. - Je n'ai pas voté pour, parce que la question n'a pas été discutée ; je n'ai pas voté contre, pour le même motif.
M. Faignart. - Je n'ai pas pu me prononcer sur un objet qui n'a pas été mis en discussion.
(page 1549) M. Carlier. - Messieurs, ainsi que je l'ai déclaré, la proposition que j'ai eu l'honneur de faire à la Chambre est une ; comme une partie de cette proposition vient d'être repoussée, je déclare retirer le surplus et renoncer à mon amendement.
M. le président. - Nous avons à voter maintenant sur l'amendement de M. de Naeyer.
- Des membres. - L'appel nominal !
- Il est procédé à cette opération.
En voici le résultat :
Nombre de volants, 111.
48 votent pour.
62 votent contre.
1 membre s'abstient.
En conséquence, la Chambre n'adopte pas.
Ont voté l'adoption : MM. de Liedekerke, de Man d'Attenrode, de Mérode-Westerloo, de Montpellier, de Muelenaere, de Naeyer, de Pitteurs-Hiegaerts, de Portemont, de Ruddere de Te Lokeren, Desmaisières, de Smedt, de Terbecq, de Theux, B. Dumortier, H. Dumortier, d'Ursel, Faignart, Janssens, Julliot, Laubry, le Bailly de Tilleghem, Magherman, Moncheur, Nélis, Notelteirs, Nothomb, Pierre, Pirmez, Rodenbach, Royer de Behr, Sabatier, Snoy, Tack, Thibaut, Thienpont, Vanden Branden de Reeth Vander Donckt, Van Dormael, Van Overloop, Van Renynghe, Verwilghen, Vilain XIIII, Wasseige, Ansiau, Beeckman, Dechamps, de Decker et de Haerne.
Ont voté le rejet : MM. de Lexhy, Deliége, de Moor, de Paul, de Renesse, de Ridder, de Rongé, Devaux, de Vrière, d'Hoffschmidt, Frère-Orban, Frison, Goblet, Grandgagnage, Grosfils, Guillery, Hymans, Jacquemyns, Jamar, J. Jouret, M. Jouret, Koeler, Lange, Ch. Lebeau, J. Lebeau, Lesoinne, Loos, Manilius, Moreau, Muller, Neyt, Orban, A. Pirson, V. Pirson, Prévinaire, Rogier, Saeyman, Savart, Tesch, A. Vandenpeereboom, E. Vandenpeereboom, Vanderstichelen, Van Humbeek, Van Iseghem, Van Leempoel de Nieuwmunster, Vermeire, Vervoort, Allard, Crombez, Dautrebande, David, de Baillet-Latour, de Bast, de Boe, de Breyne, de Bronckart, de Brouckere, Dechentinnes, de Florisone, De Fré, de Gottal et Dolez.
S'est abstenu : M. Carlier.
M. le président. - M. Carlier est prié de donner les motifs de son abstention.
M. Carlier. - Mes motifs sont assez connus de la Chambre. Je désirais la réduction à 3 francs en suppléant d'autres moyens ceux que j'enlevais à la loi. N'ayant pu y parvenir je suis contraint de m'abstenir.
M. le président. - Je mets maintenant aux voix l'article du projet du gouvernement.
- Des membres. - L'appel nominal.
- Il est procédé à cette opération.
En voici le résultat :
Nombre de votants, 111
Ont voté pour, 67
Ont voté contre, 42
Se sont abstenus, 2
En conséquence, l'article est adopté.
Ont voté pour : MM. de Lexhy, Deliége, de Moor, de Paul, de Renesse, Deridder, de Ronge, de Terbecq, Devaux, de Vrière, d'Hoffschmidt, Frère-Orban, Frison, Goblet, Grandgagnage, Grosfils, Guillery, Hymans, Jacquemyns, Jamar, Joseph Jouret, M. Jouret, Julliot, Koeler, Lange, Laubry, Charles Lebeau, Joseph Lebeau, Lesoinne, Loos, Manilius, Moreau, Muller, Nélis, Neyt, Orban, André Pirson, Victor Pirson, Prévinaire, Rogier, Sabatier, Saeyman, Savait, Tesch, Alphonse Vandenpeereboom, Ernest Vandenpeereboom, Vanderstichelen, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Leempoel de Nieuwmunster, Vermeire, Vervoort, Ansiau, Crombez, Dautrebande, David, de Baillet-Latour, de Bast, de Boe, de Breyne, de Bronckart, de Brouckere, Dechentinnes, de Florisone, De Fré, de Gottal ei Dolez.
Ont voté contre : MM. de Liedekerke, de Man d'Attenrode, de Mérode-Westerloo, de Montpellier, de Muelenaere, de Naeyer, de Pitteurs-Hiegaerts, de Portemont, de Ruddere de te Lokeren, Desmaisières, de Smedt, de Theux, B. Dumortier, Henri Dumortier, d'Ursel, Faignart, Janssens, le Bailly de Tilleghem, Magherman, Moncheur, Notelteirs, Nothomb, Pierre, Rodenbach, Royer de Behr, Snoy, Tack, Thibaut, Thienpont, Vanden Branden de Reeth, Vander Donckt, Van Dormael, Van Overloop, Van Renynghe, Verwilghen, Vilain XIIII, Wasseige, Allard, Beeckman, Dechamps, de Decker et de Haerne.
Se sont abstenus : MM. Pirmez et Carlier.
M. le président. - Les membres qui se sont abstenus sont priés de faire connaître les motifs de leur abstention.
M. Pirmez. - J'ai voté pour le droit de trois francs que je considérais comme tout à la fois nécessaire, et suffisant au but que la loi poursuit. Il m'est impossible ainsi de voter un chiffre supérieur puisqu'il est à mon sens en partie inutile, et de le repousser parce qu'un vote négatif serait le rejet du chiffre que je considère comme indispensable.
M. Carlier. - Je me suis abstenu pour les mêmes motifs que j'ai indiqués tout à l'heure.
- La séance est levée à 5 heures 3/4.