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Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 12 mai 1859

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1858-1859)

(page 1129) (Présidence de M. Orts, premier vice-président.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Vermeire, secrétaire, procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart, et donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

Il présente ensuite l'analyse des pétitions suivantes.

« Des habitants de Waerdamme demandent la canalisation du cours d'eau dit Riviertje qui a sa source dans le canal de Gand à Bruges, passe par la commune d'Oostcamp et traverse celles de Waerdamme et de Ruddervoorde, pour déboucher près de Thourout. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur d'Artois demande que tous les artistes du pays soient admis à participer aux travaux des monuments publics. »

- Même renvoi.


M. de Moor, obligé de s'absenter pour affaires de famille, demande un congé.

- Ce congé est accordé.

Rapports de pétitions

M. Allard. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission permanente d'industrie sur de nouvelles pétitions relatives au droit d'entrée sur le houblon.

Projet de loi accordant un crédit au budget du ministère de la justice

Rapport de la section centrale

M. de Luesemans. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale qui a examiné le projet de loi tendant à allouer, au département de la justice, un crédit de 450,000 fr. pour continuation des travaux de l'église monumentale de Laeken.

- La Chambre ordonne l'impression et la distribution de ces rapports et les met à la suite des objets à l'ordre du jour.

Projet de loi prohibant provisoirement l’exportation des chevaux

Discussion de l’article unique

La discussion est ouverte sur l'article unique du projet.

M. Coomans. - Messieurs, ce projet de loi, déposé à l'improviste et discuté de même, m'inspire des doutes que je voudrais que le gouvernement levât.

Je déclare immédiatement que si l'on n'a pas d'autres raisons que celles qui ont été alléguées par M. le ministre pour l'interdiction de la sortie des chevaux, if me sera impossible de le voter.

Le gouvernement prétend qu'il est utile, qu'il est urgent de prohiber la sortie des chevaux, parce que les nations voisines en ont fait autant et qu'l importe que nous nous réservions toutes les ressources du marché intérieur. Cette raison est relativement bonne, mais elle ne peut être bonne qu'à l'égard des chevaux propres à la guerre. Je conçois que le gouvernement veuille se réserver l'emploi des chevaux propres à la guerre.

Maïs il est reconnu, je pense, par des hommes compétents que, sur cent, deux cents chevaux belges, il y en a à peine un qui est propre à la guerre. Pourquoi donc, pour se réserver un cheval, interdire la sortie de cent, de deux cents chevaux ? Pourquoi ce nouveau sacrifice imposé à l'agriculture qui en a déjà tant supporté ? Pourquoi cette nouvelle atteinte à des principes économiques que l'on vante très haut, mais que l'on ne pratique pas ? Pourquoi cette expropriation réelle ? Toute prohibition est odieuse ; toute prohibition est absurde ; et toute prohibition peut à peine se justifier par des raisons de nécessité absolue. Mais où est cette nécessité absolue de prohiber la sortie de milliers de chevaux belges dont personne ne voudra, dont le gouvernement belge ne veut pas lui-même ?

Je me rappelle que l'un des prédécesseurs de l'honorable ministre actuel de la guerre nous a déclaré un jour, répondant à des plaintes qui s'élevaient de plusieurs bancs de la Chambre, que s'il n'employait pas plus de chevaux indigènes pour l'année, c'est que ces chevaux en général ne valaient rien.

Mais, messieurs, si nos chevaux ne sont pas bons pour l'armée belge, je doute que les autres armées les prennent. Je voudrais qu'elles les prissent. Je le dis hautement, je voudrais voir exporter tous les mauvais chevaux de la Belgique.

Maintenant, messieurs, il m'est venu une idée qui se conciliera peut-être avec la mesure proposée. Le gouvernement prétend qu'il lui faut des chevaux et que ces chevaux il ne peut plus les acheter qu'en Belgique. Eh bien, je voudrais lui laisser trois mois pour prendre le dessus du panier, la fine fleur des chevaux belges.

Je n'aime pas de blanc-seing indéfini donné au gouvernement. Pourquoi ce provisoire ? Pourquoi ne pas dire trois mois ? Deux mois, un mois suffirait même, mais va pour trois à six mois. (Interruption.)

Je ne veux pas le moins du monde entraver la remonte de notre armée ; mais ne suffirait-il pas d'un mois ou deux aux officiers de remonte pour prendre tous les bons chevaux du pays ? Eh bien, limitons la durée de la prohibition, prenons cette mesure sensée, libérale, juste. Disons, ce qui est raisonnable, que nous voulons d'abord choisir et que le reste sera pour l'étranger. Si le gouvernement ne me réfute pas convenablement, je proposerai une limite.

Je voudrais qu'il n'y eût pas de prohibition du tout, mais enfin je vois bien que, par le temps qui court, on a fort peu de chance de succès en s'opposant aux prohibitions ; il y a ou il y a eu prohibition en toute chose : denrées alimentaires, minerais, chiffons, chevaux. Je ne comprends pas cette opposition constante entre les principes et les actes. Mais, enfin, je m'accommode au temps où nous vivons et je consens à la prohibition puisqu’il la faut absolument ; je désire seulement qu'elle soit la plus courte possible

Si maintenant on m'objecte que dans trois mois nous ne serons plus ici pour proroger au besoin la loi, eh bien, je consentirai à 5 mois, 6 mois, mais je veux un terme. Il faut un terme à la prohibition. (Interruption.)

La prohibition est absurde, on l'a dit si souvent qu'il a bien fallu le croire, d'ailleurs tout ce que je vois autour de moi me le démontre de plus en plus

M. Julliot. - Messieurs, quand il s'agit de la défense du pays, j'ai toujours suivi le gouvernement dans ses propositions.

Aujourd'hui, à l'imitation de ce qui se fait dans les pays qui font la guerre, on veut prohiber la sortie de nos chevaux.

Nous allons donc, quoique pays neutre, appliquer en Belgique aux chevaux le système déjà appliqué aux chiffons de laine, nous allons en prohiber la sortie. Si nos précautions économiques se bornent là, je n'ai rien à dire, si ce n'est qu'il est toujours fâcheux de porter atteinte à une propriété quelconque sans indemnité aucune, fut-ce même celle des paysans.

En Hollande, pareille proposition est faite, et j'ai de bonnes raisons de croire qu'elle sera repoussée.

Mais dans un autre pays voisin, après avoir pris cette mesure pour conserver tous ses chevaux, on en a pris une autre qui la contrarie, on a rétabli l'échelle mobile sur les céréales ; ainsi quand on s'est assuré d'avoir beaucoup de chevaux, on prit une seconde mesure pour avoir peu d'avoine pour les nourrir. Ces deux mesures prises à la fois, je n'y comprends plus rien.

Je désire donc savoir si le gouvernement imitera tout ce qu'il voit faire ailleurs ou s'il se bornera à cette seule prohibition, abandonnant tout le teste à la liberté, afin que mon vote puisse être raisonné.

Un autre point mérite l'attention du gouvernement. Nous avons une statistique agricole qui coûte fort cher et je me demande à quoi elle sert, quand le gouvernement prouve qu’il n'en connaît pas les conclusions. En effet, il envoie des commissions pour acheter des chevaux pour l'année à toutes les foires à criquets des Ardennes et il néglige la province de Limbourg qui fourmille des meilleurs chevaux de trait. A la foire de la mi-carême à Tongres, la foire la plus importante des deux provinces de Liège et de Limbourg, où un grand nombre de chevaux propres à l'armée se sont présentés en vente, on n'a vu personne commissionné par le gouvernement, et pourquoi ? Je n'en sais rien, mais je dois supposer que c'est l'effet de l'ignorance ou de la négligence, mais je ne connais de raison pour éviter cette foire plutôt qu'une autre. On peut dire que les commissions gouvernementales vont chercher les chevaux où ils ne sont pas et s'abstiennent d'aller où on les trouve. Je me réserve donc mon vote jusqu'après la discussion.

M. de Renesse, rapporteur. - Messieurs, l'Etat, depuis nombre d'années, dépense des sommes assez considérables pour le haras et pour l'amélioration de la race chevaline ; il faut donc qu'il tâche, autant que possible, que toutes les parties du pays qui produisent de bons chevaux puissent concourir à la vente de leurs chevaux pour les besoins de l'armée, sans devoir faire trop de dépenses de déplacement.

Celte année-ci, où le gouvernement se trouve dans la nécessite de se procurer un nombre assez considérable de chevaux, l'on a été très étonné, dans une grande partie de la province de Limbourg, que le département de la guerre n’ait pas songé à faire des achats à la foire si importante de la mi-carême de la ville de Tongres ; cependant, par l'achat fait l'année dernière à la foire du mois de septembre dans la même ville, le gouvernement a pu se procurer un certain nombre de bons (page 1150) chevaux, et il aurait pu en acheter davantage si les propriétaires et fermiers-cultivateurs avaient été informés plus tôt que l’on enverrait une commission d'officiers à Tongres pour y acheter des chevaux pour la remonte de la cavalerie.

Eu appelant l'attention du gouvernement sur la réclamation si fondée de mes compatriotes du Limbourg, j'aime à croire que le département de la guerre, lorsqu'il aura dorénavant des achats de chevaux à faire, ne perdra pas de vue les deux grands marchés de chevaux qui se tiennent chaque année à Tongres, vers la mi-carême et la mi-septembre.

D'honorables collègues ont critiqué la présentation du projet en discussion ; ils croient que, dans la position où se trouve la Belgique, le gouvernement ne devrait pas suivre l'exemple de quelques autres pays qui nous entourent et qui, depuis quelque temps, ont défendu la sortie des chevaux ; je ne puis, à cet égard, partager l'opinion de ces honorables membres ; je crois que la mesure, provisoirement proposée, est réellement réclamée par les besoins de la remonte d'un certain nombre de chevaux nécessaires à notre armée ; car nous ne pouvons plus en tirer des différents pays qui, jusqu'ici, nous fournissaient une partie des chevaux de la cavalerie ; aussi, la commission dont j'ai eu l'honneur d'être le rapporteur, a cru, vu les circonstances tout extraordinaires, devoir proposer l'adoption du projet de loi, dans un véritable intérêt national.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je ne sais trop ce que je puis répondre aux observations des deux orateurs que vous avez entendus avant l'honorable rapporteur de la section centrale. Ces honorables membres ont pu émettre des idées très spirituelles, j'en conviens ; ils ont pu faire des rapprochements très ingénieux, je l'admets, et leur logique m'a paru très puissante quand ils ont trouvé opportun de démontrer qu'il vaut mieux pratiquer le libre échange que la guerre. Mais leur discours, il faut en convenir, n'ont qu'une utilité fort médiocre en ce moment. Il y a un certain danger à avoir tant d'esprit ; on s'expose à être seul de son avis, et c'est un malheur.

La mesure que nous proposons est-elle tout à fait spéciale au pays ? Si elle est si ridicule, comment se fait-il que presque tous les autres pays en ont pris de semblables avant nous ?...

M. Coomans. - La Suisse n'a pas prohibé l'exportation des chevaux.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Il est inutile de citer tel ou tel pays, mais il est notoire que presque tous les pays du continent ont prohibé l'exportation des chevaux. Les hommes qui dirigent ces pays, sont peut-être très absurdes ; l'honorable M. Coomans les juge tels ; rien d'étonnant qu'il nous fasse le même honneur ; mais, grâce sans doute a une infirmité de notre esprit, nous sommes obligés de reconnaître que ce n'est pas sans raison qu'un pays prend certaines dispositions pour conserver les chevaux qu'il possède. Il faut préalablement que j'explique les causes de pareilles prescriptions. C'est qu'en général on assimile, dans ces pays, les chevaux à des instruments de guerre et il se trouve des gens de peu d'intelligence estimant que, en vue de certaines éventualités, il vaut mieux garder des instruments de ce genre pour soi, que de les livrer à l'étranger. (Interruption.)

S'il y avait utilité, nécessité de prohiber l'exportation des poudres, du salpêtre, des armes, pourquoi ne le ferions-nous pas ? Mais les armes de guerre que l'on fabrique dans le pays, pour les gouvernements étrangers, ne sont pas, à peu d'exceptions près, du calibre des armes de notre armée, et il serait inutile de vouloir les garder.

L'honorable M. Coomans peut nous dire que la prohibition est contraire à tous les principes économiques, que nous sommes en contradiction, que nous proclamons, selon lui, à chaque instant, les bienfaits du la liberté commerciale et qu'ensuite nous venons proposer des prohibitions de ce genre. Nous ne répondrons pas en énumérant les mesures douanières libérales que nous avons prises. Mais nous demanderons à tout homme raisonnable, si la guerre ne fait pas exception aux principes économiques ? Y a-t-il un motif plus péremptoire de faire fléchir les principes que celui qui est tiré des devoirs qui sont imposés à tous par les nécessités de la défense du pays ? Y a-t-il quelque chose de supérieur à cet intérêt-là ?

Nous ne pouvons que très difficilement nous procurer de l'extérieur des chevaux pour la remonte de notre cavalerie ; il faut donc conserver les chevaux que nous avons. Mais, dit-on, à l'intérieur du pays, nous avons peu de chevaux propres au service de l'armée ; soit. Avec la prohibition nous aurons, à défaut de chevaux tout à fait convenables que nous nous procurions autrefois à l'extérieur, nous aurons ceux que nous pouvons trouver chez nous, et cela vaut certes beaucoup mieux que d'en manquer tout à fait.

D'ordinaire, l'exportation des chevaux n'est pas très considérable. (Interruption.) Vous me comprenez mal. Je veux établir une comparaison avec ce qui s'est fait dans ces derniers mois ; d'ordinaire, on ne vient chercher chez nous qu'une certaine quantité de chevaux ; mais, dans ce moment, l’exportation s'est notablement accrue...

M. Coomans. - Tant mieux !

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Oui, tant mieux, à certains points de vue, mais tant pis à un autre point de vue ; car si nous ne pouvons nous procurer des chevaux pour le service de notre armée, nous nous trouverions dans une fâcheuse situation ; tant pis donc à ce point de vue ; et c'est la considération qui nous détermine à proposer la mesure que nous discutons.

Combien durera cette mesure ? L'honorable M. Coomans veut la limiter à trois ou six mois ; durant ce temps, prenez, dit-il, le dessus du panier, et tout sera dit.

Eh bien, je ne puis pas admettre la restriction de l'honorable membre, nous ne savons pas combien de temps durera la situation ; elle pourra se prolonger. Le gouvernement n'a pas d'autre intérêt, dans cette affaire, que celui de la défense du pays. Il fera cesser, aussi promptement qu'il le pourra, la mesure exceptionnelle qu'il réclame. Il ne désire rien tant que de voir disparaître les circonstances qui lui imposent l'obligation de la proposer.

On peut donc être certain qu'elle ne sera pas maintenue un seul jour sans la plus rigoureuse nécessité.

Je désire que ces déclarations puissent satisfaire les honorables préopinants.

M. Vilain XIIII. - M. le ministre des finances a parfaitement raison quand il dit qu'en temps de guerre les principes économiques doivent être mis de côté, que tout doit céder devant tes nécessités de la défense du pays.

Mais l'honorable M Coomans avait émis une idée qui serait peut-être pratique ; je désirerais connaître l'opinion de M. le ministre des finances sur l'idée émise par l'honorable membre.

Il n'y a qu'une seule nature de cheval propre à la guerre, c'est celle qui sert à la remonte ; les chevaux de luxe ne peuvent pas servir à l'armée ; car en ce moment les chevaux de luxe sont à très bon marché, c'est à-dire les chevaux de 1.500 à 2,000 fr. et au-dessus ont considérablement baissé de prix depuis la guerre.

M. de Baillet-Latour. - Les vieux chevaux !

M. Vilain XIIII. - Les jeunes aussi ; ainsi à la foire de Gand, c'est la foire la plus considérable du pays, qui a lieu le 9 mai, les chevaux propres à la cavalerie ont été très cher, tandis que les chevaux de luxe ont été vendus très bon marché ou sont restés dans les écuries des marchands. S'il était possible de faire une différence entre les chevaux de remonte et les chevaux de luxe et d'interdire la sortie de ceux qui pourraient être utiles à notre armée et de permettre l'exportation des autres, ce serait un grand bienfait pour l'agriculture belge.

M. Coomans. - La pensée que vient d'exprimer l'honorable M. Vilain XIIII a été la base de toute mon argumentation. Il n'entrera dans l'esprit de personne de supposer que je veuille entraver la remonte de notre armée et compromettre le succès futur de nos opérations militaires, J'ai donné une preuve hier de mon patriotisme en émettant un vote malgré la répugnance que j'éprouve à approuver une augmentation de nos dépenses militaires ; mais, je vous le demande, est-il juste de nuire à cent individus inutilement pour favoriser contre un seul un intérêt douteux ? Est-il juste d'empêcher la sortie de cent chevaux pour en conserver un problématiquement ?

Je désirerais que M. le ministre recherchât avec nous s'il n'y a pas moyen de concilier les intérêts de l'armée, qui nous sont chers à tous, avec ceux de l'agriculture, qui doivent nous être également chers, et avec les intérêts de la justice, qui domine tout. N'y aurait-il pas moyen de n'interdire la sortie des chevaux que dans des conditions qui répondissent à la pensée exprimée par le gouvernement. Pourquoi ne pas autoriser la sortie des chevaux, notoirement impropres au service de l'armée, de la cavalerie aussi bien que de l'artillerie et du train ?

Je lui donnerais beaucoup de latitude sous ce rapport. Mais pourquoi défendre l'exportation de tous nos chevaux de luxe, comme vient de le dire l'honorable comte Vilain XIIII, et, ce qui m'intéresse beaucoup plus encore, d'une foule de gros chevaux de trait très recherchés par nos voisins, non pas par nos voisins armés, mais par nos voisins pacifiques.

Pourquoi infliger cet impôt injuste à un grand nombre de familles ? Quoi ! messieurs, se fiant aux promesses du gouvernement, cédant à toutes les sollicitation, officielles et officieuses qui leur ont été adressées, beaucoup de nos cultivateurs ont fait des sacrifices pour obtenir des chevaux ; puis, tout à coup, inutilement, je le répète, on leur enlève tout le fruit de leurs soins et de leurs avances. Il me semble que cette considération mériterait bien de fixer l'attention du gouvernement.

J'ai indiqué deux systèmes à suivre. Le premier, M. le ministre le repousse ; il ne veut pas que l'on fixe un terme à la prohibition. Je le regrette beaucoup, parce qu'il me semblait que trois, quatre ou cinq mois suffiraient à nos officiers de remonte pour se procurer les chevaux belges qui leur seraient nécessaires.

Mais est-il donc impossible à la douane, qui admet des centaines de classifications en toutes choses, de juger si un cheval est ou n'est pas propre au service militaire ? Mais le premier maquignon venu vous dira cela ! (Interruption.) Pourquoi donc enlever à nos cultivateurs le bénéfice légitime qu'ils attendent de leurs produits ?

Maintenant, M. le ministre des finances me dit qu'il est bien malheureux d'être seul de son avis. D'abord, je suis bien certain de n'être pas complétement seul de mon avis.

Mais en fût-il ainsi, j'avoue que cela me serait parfaitement indifférent, car, messieurs, quand je suis seul avec ma conscience, je suis toujours en parfaite compagnie ; ce qui se passe ici d'ordinaire m'autoriserait à me (page 1131) féliciter d'être souvent seul de mon avis. M. le ministre des finances a produit un autre argument ; toutes les autres puissances ou à peu près toutes les antres puissances, dit-il, ont prohibé la sortie de leurs chevaux ; par conséquent nous avons raison de faire la même chose. Mais est-ce là un argument sérieux ? Si je disais à M. le ministre des finances : La Belgique et un ou deux autres pays du monde ont des institutions parlementaires et représentatives, donc la Belgique a tort de les maintenir. Serait-ce logique ? Eh bien, messieurs, conformons nos lois, nos paroles, nos actes à nos institutions ; puisque nous avons l'honneur d'avoir des institutions libres, faisons des lois libérales en harmonie avec nos institutions, et surtout avec la justice.

Puis on dit encore, les chevaux sont des instruments de guerre ! Sans doute, messieurs, mais s'il faut prohiber tous les instruments de guerre, il faut prohiber le pain, la viande, les vêtements, les armes surtout. (Interruption.)

Mais je demande si les armes fabriquées à Liège sont soumises à la prohibition de sortie ?

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - S'il y avait nécessité, on la voterait.

M. Coomans. - Il me semble beaucoup plus nécessaire de défendre l'exportation des excellents fusils rayés que l'on fait à Liège que celles des mauvaises rosses de notre pays. Un bon fusil rayé est beaucoup plus un instrument de guerre que les gros chevaux qui marchent à peine au service de nos campagnards et dont vous défendez aujourd'hui l'exportation.

Messieurs, la vérité est celle-ci : je suis seul ou à peu près ; je serai battu ; mais je ne voterai pas votre projet de loi et je n'en aurai pas moins raison.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je ne crois pas avoir rien dit de blessant pour l'honorable M. Coomans. J'ai fait la remarque qu'avec tant d'esprit il se trouvait souvent seul de son opinion, ou à peu près ; que c'était un malheur. Un malheur ! Mais c'est l'Evangile qui s'exprime ainsi. Vœ soli !

M. Coomans. - Vœ soli ! eh bien, soit.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - C'est donc une vérité que je pouvais répéter.

M. Coomans. - Oui ! mais l'Evangile dit aussi que les imbéciles sont en majorité.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Ceci est un compliment bien flatteur pour ceux qui ne partagent pas vos idées.

L'honorable membre a, d'ailleurs, une singulière façon de raisonner. Il nous dit qu'il est absurde de prohiber l’exportation de tous les chevaux, attendu que parmi eux, il n'y en a qu'un petit nombre qui peuvent servir à la remonte de notre cavalerie. Mais l'honorable membre aurait dû nous indiquer le moyen de les distinguer et surtout de procurer à nos douaniers placés à la frontière les connaissances nécessaires pour faire cette distinction.

M. Coomans. - Mettez-y des maquignons, ai-je dit, ou des officiers de cavalerie.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - L’intention de l'honorable M. Coomans est encore très spirituelle, je le reconnais ; il ne s'agit que de transformer les douaniers en maquignons...

M. Coomans. - Je n'ai pas dit cela.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Mais comment ferai-je pour trouver l'armée de maquignons qui serait nécessaire à la frontière ? Ce moyen n'est pas pratique, ce me semble, et si l'honorable membre ne parvient pas à m’indiquer un moyen qui permette de distinguer à la frontière, au moment de la sortie, les chevaux qui seraient propres à notre armée et ceux qui ne le seraient pas, il s'ensuit que ses critiques viennent à tomber et que son opposition peut se justifier.

La prohibition doit s'appliquer en général aux chevaux, puisqu'il n'est pas possible de distinguer parmi les chevaux. Si nous avions un moyen pratique, assurément nous serions très disposés à l'employer ; mais il n'existe pas. Donc nous sommes obligés d'appliquer la mesure à tous les chevaux.

L'honorable M. Coomans insiste encore sur le délai que l'on devrait fixer ; c'est pour lui un motif suffisant de ne pas voter en faveur de la loi proposée. Mais veuillez remarquer que la loi se borne à donner au gouvernement le pouvoir de prononcer la prohibition à l'exportation. C'est une simple faculté Dès que la nécessité n'existera plus, la mesure prise en exécution de la loi sera retirée.

M. Coomans. - Mais ne la rendez pas générale, c'est tout ce que je demande.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Donnez-nous les moyens pratiques de ne pas la rendre générale.

M. Faignart. - Cela est facile.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Cela est facile pour ceux qui connaissent les chevaux, qui peuvent les apprécier. Mais cela est impossible pour les douaniers.

M. Vilain XIIII. - Voulez-vous me permettre un mot ?

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Très volontiers.

M. Vilain XIIII. - Voici le moyen qui me semble pouvoir être mis en pratique : ce serait de n'ouvrira l'exportation des chevaux que cinq bureaux : le bureau d'Ostende vers l'Angleterre ; un bureau dans le Hainaut, un bureau dans la Flandre occidentale, un bureau dans le Luxembourg pour la France, et un bureau dans la province de Liège pour la Prusse. Dans chacun de ces bureaux, on placerait soit un vétérinaire, soit un sous-officier de cavalerie qui accepteraient les chevaux à la sortie ou les refuserait.

M. de Renesse, rapporteur. - Messieurs, la distinction que voudrait voir introduire l'honorable M. Coomans, dans le projet de loi, ne me paraît pas être praticable ; il faudrait, pour permettre la sortie des chevaux propres seulement à l'agriculture, au roulage et au halage, nécessairement établir à tous les bureaux de sortie des artistes vétérinaires, ou des experts qui pourraient juger de la distinction des chevaux à exporter ; je ne pense pas que l'on puisse, seulement, désigner quatre à cinq bureaux, pour la sortie des chevaux ; ce serait froisser les intérêts des localités qui ne se trouveraient pas à portée de ces bureaux privilégiés. C'est dans un intérêt belge que le projet de loi a été présenté ; il nous faut des chevaux pour la remonte de l'armée, il est donc naturel que l'on prenne des dispositions provisoires pour conserver les chevaux dans le pays, d'autant plus que nous ne pouvons plus en retirer d'autres pays.

M. Faignart. - Messieurs, l'article unique du projet de loi qui vous est soumis est ainsi conçu : « Le gouvernement est autorisé à prohiber provisoirement l'exportation des chevaux. »

Je demanderai à M. le ministre des finances s'il entend aussi défendre l'exportation des poulains. Evidemment les poulains ne sont pas propres au service des armées. Je crois donc qu'on pourrait dire que les chevaux qui n'ont pas atteint l'âge de trois ans pourront sortir du pays. Si la Chambre acceptait cet amendement, elle rendrait à l'agriculture un service qu'elle est en droit de réclamer en présence de la mesure que vous avez l'intention de prendre ; car cette prohibition à la sortie est une nouvelle charge pour les cultivateurs.

Puisque j'ai la parole, je dirai aussi mon opinion sur ce qui pourrait se faire quant à la sortie des chevaux propres au service militaire.

L'honorable comte Vilain XIIII vous a dit qu’il regardait comme possible de déterminer si les chevaux étaient propres ou non au service militaire. Je crois que le moyen que l'honorable membre a indiqué est très acceptable. Il ne faut pas placer à tous les bureaux frontières des préposés ayant les connaissances nécessaires ; mais on peut indiquer quelques localités par lesquelles les chevaux peuvent sortir, et y attacher des officiers de cavalerie ou des vétérinaires du gouvernement. Le gouvernement pourrait facilement, je pense, instituer auprès de chaque bureau une commission de deux ou trois membres qui examinerait quels sont les chevaux qui sont ou ne sont pas propres au service de la cavalerie.

Du reste j'appelle l'attention du gouvernement sur cette question, car elle est très importante.

M. le président. - Voici l'amendement proposé par M. Coomans :

« Ajouter à l'article unique du projet de loi, après le mot : Chevaux : Qui seront jugés propres aux opérations militaires. »

M. Coomans. - Je prie la Chambre de m'excuser si je prends une troisième fois la parole.

Je veux, messieurs, faciliter les vues très honorables et très légitimes que le gouvernement nous présente aujourd'hui, mais il me semble que si l'on autorise le gouvernement à prohiber la sortie de tous les chevaux que lui jugera propres aux opérations militaires, sans entrer d'ailleurs dans les distinctions que l'honorable M. Faignart vient de formuler, si, dis-je, on autorise le gouvernement à prohiber la sortie de tous les chevaux qu'il jugera propres aux opérations militaires, sans distinction d'âge ni de qualité, si nous l'autorisons, en outre, à ne permettre la sortie des autres chevaux que par un petit nombre de bureaux qu'il indiquera lui-même, alors il me semble qu'il n'y a plus la moindre objection à faire aux idées que j'ai pris la liberté de vous soumettre. Le but du gouvernement se trouvera atteint et la mesure sera supportée plus facilement et pourra avoir une plus longue durée. L'odieux du projet de loi serait en grande partie enlevé.

Nous pourrions dire aux puissances voisines que nous ne voulons livrer aucune arme de guerre aux parties belligérantes ; nous pourrions dire également à l'agriculture que nous ne l'avons pas inutilement vexée et nous dire à nous-mêmes, ce qui est plus important encore, que nous avons agi avec justice.

Maintenant si on me démontre que ceci même est inexécutable, je reculerai ; mais il me semble qu'il est impossible d'y faire la moindre objection fondée.

Ainsi il est bien entendu que, dans ma pensée, le gouvernement indiquerait un très petit nombre de bureaux pour la sortie des chevaux- ; dans ce petit nombre de bureaux, il lui serait facile de placer, soit des officiers de cavalerie en non-activité, soit des artistes vétérinaires du gouvernement, soit d'autres agents qu'il jugerait convenable d'y mettre.

Il ne s'agirait donc pas de transformer les douaniers en maquignons, ni les maquignons en douaniers.

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(page 1132) D'autre part le gouvernement donnera les instructions qu'il jugera convenable, et je m'en rapporte pour ceci au département de la guerre, ainsi qu'à l'honorable ministre des finances. Il est impossible de supposer que l'un ou l'autre ministre veuille garder en Belgique forcément des chevaux impropres au service militaire.

M. le président. Voici un amendement déposé par. M. Faignart : « Seront exemptés de cette mesure les chevaux au-dessous de trois ans accomplis. »

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, je persiste à croire que les moyens recommandés pour permettre de choisir les chevaux et de ne retenir ainsi que ceux qui seraient propres à la remonte de la cavalerie sont impraticables et seraient dans tous les cas inefficaces. Je dis qu'ils sont impraticables. On vient d'indiquer comme moyens de faire ouvrir seulement quelques bureaux par lesquels l'exportation pourrait avoir lieu. Dans ces bureaux se trouveraient des personnes aptes à reconnaître les chevaux qui peuvent sortir et ceux qui doivent être retenus dans le pays. Comment le gouvernement pourrait-il organiser un pareil service ? Faudrait-il laisser à un vétérinaire, à un sous-officier, à un individu quelconque, le soin de décider m la prohibition existe ou n'existe pas ?

M. Coomans. - Ils achètent bien pour le gouvernement.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Cela n'a point d'analogie. Ne comprend-on pas que la fraude cl la corruption seraient bien vite à redouter ?

Ne comprend-on pas qu'une pareille mesure pourrait avoir aisément pour résultat de susciter au gouvernement des embarras de la part des gouvernements étrangers ? Les achats de chevaux seraient faits par des fournisseurs ; on soutiendrait qu'ils ne sont pas propres au service de l'armée, il y aurait des réclamations, des conflits. (Interruption.) Nous n'aurons aucune difficulté ! Nous avons à cet égard la parole de l'honorable M. Coomans ; mais cela ne suffit pas. Je dis que la mesure sera inefficace. Vous limitez le nombre des bureaux où les marchands qui viendront acheter les chevaux qu'ils ne seront pas certains de pouvoir exporter. Ils achèteront sous condition, ils conduiront les chevaux aux bureaux-frontière ; s'ils peuvent sortir, le marché sera maintenu, sinon les chevaux seront ramenés dans l'intérieur du pays. Il est évident que dans de pareilles conditions le commerce des chevaux pour l'exportation ne sera guère possible.

L'honorable M. Faignart propose un amendement, amendement à l'usage des maquignons, je le reconnais. Les chevaux au-dessus de 3 ans pourront sortir.,et qui constatera que les chevaux ont moins de 3 ans ?

M. Faignart. - Tout le monde.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Oui, car on ne voit jamais transformer des vieux chevaux en chevaux jeunes ! et nos pauvres douaniers seront chargés de vérifier les dents des chevaux ; ils s'assureront si le maquignon n'a point laissé par là des traces de sa science Et puis, ce qui est decisi1f le cheval qui a trois ans sera, dans un temps très court, propre au service.

Je crois donc, messieurs, que nous devons nous en tenir purement et simplement à ce qui se pratique partout en pareille matière et subir avec patience cet inconvénient passager en faisant des vœux ardents pour que le pays n'ait pas à supporter des inconvénients plus graves.

M. Faignart. - L'honorable ministre trouve inexécutable le système que j'ai proposé tout à l'heure, de permettre la sortie des chevaux de moins de trois ans. Je concevrais, messieurs, qu'il y eût de grandes difficultés à reconnaître les chevaux qui sont ou qui ne sont pas propres au service de l’armée ; mais il est extrêmement facile de distingue un cheval d'un poulain. Chacun le sait, et les douaniers aussi le savent, les chevaux qui ont trois ans sont très reconnaissables, rien qu’à la denture.

Et quoi qu'en dise M. le ministre des finances, à savoir qu'on peut fai e paraître vieux un cheval n'ayant que trois ans, je déclare que cela est impossible. Vous pouvez rajeunir un cheval qui a 10 ans ; vous pouvez lui en donner six ; mais il est impossible d'indiquer à la dent d'un cheval qui a trois ans, qu'il en a quatre ou plus. Donc la difficulté qu'indique M. le ministre n'en est pas une.

Messieurs, il se fait un commerce considérable de poulains vers la France ; la restriction qu'on veut mettre à ce commerce est tout à fait sans utilité. Si la loi est adoptée, comme je le suppose, vous ferez un tort notable aux cultivateurs, et je pense que la Chambre et le gouvernement ne devraient pas reculer devant certains moyens, fussent-ils même gênants, pour ne pas leur faire supporter ce surcroît de charge.

Il serait très facile de reconnaître, à la frontière, si ce sont des poulains ou des chevaux qu'on présente à 'la sortie.

Pourquoi ne préposerait-on pas un vétérinaire ? Ce'a ne coûterait pas tant ; on paye souvent des vétérinaires pour des choses beaucoup moins importâmes.

Messieurs, il ne faut pas qu'on se fasse une grande difficulté de ce qui n'en est pas une ; je concevrais que M. le ministre des finances soutînt qu'on ne peut pas distinguer parfaitement si c'est un cheval de guerre, un cheval de luxe ou un cheval de labour ; mais ici la distinction est beaucoup plus facile, et je crois que si M. le ministre des finances veut se donner la peine d'examiner un peu la question, i .trouvera que rien ne s'oppose à ce qu'on permette l'exportation des poulains

M. L. Goblet. - Messieurs, je ne comprends pas qu’on combatte la mesure proposée par le gouvernement. La Belgique ne produit que très peu de chevaux ; et il peut se présenter des circonstances où nous ayons besoin d'une très grande quantité de chevaux, d’un nombre beaucoup plus considérable qu'on ne le suppose généralement.

Je crois pouvoir sans indiscrétion citer un chiffre qu'on m'a donné comme réel, on m'a assuré que s'il fallait mettre notre armée sur pied de guerre, nous serions dans la nécessité de nous procurer immédiatement 7,000 chevaux et peut-être davantage

Je dis qu'en présence d'une telle éventualité, il serait de la dernière imprudence de laisser sortir de la Belgique les chevaux qui peuvent nous servir ; presque tous les autres pays, moins la Suisse qu'a citée l'honorable M. Coomans, défendant l'exportation des chevaux. (Interruption.)

La Prusse elle-même a défendu l'exportation des chevaux ; et pourtant en Prusse, il y a pour la remonte de la cavalerie et de l'artillerie un système tout à fait exceptionnel.

Dans ce pays, les chevaux sont à la disposition du gouvernement, moyennant une indemnité payée aux cultivateurs qui sont obligés de les garder jusqu'à ce que l'administration les vienne prendre.

Messieurs, il est très difficile de bien distinguer les chevaux, de dire à quels services ils sont spécialement propres. Quand on a un besoin pressant d'une chose, et que cette chose n'est pas tout à fait propre au service qu'on a en vue, on est bien obligé de s'en contenter cependant.

Ainsi, dans les circonstances auxquelles l'on a fait allusion, dans les opérations de guerre, tous les chevaux de trait peuvent plus on moins servir ; il en est de même des chevaux de luxe ; c'est une question de prix. L'autorisation d'exporter étant maintenue, nous serions même privés de ces derniers comme les autres.

Quant à l'âge des chevaux, tous ceux qui se sont occupés un peu de l'élève du cheval savent que les maquignons ont les moyens d'arranger les dents de façon à tromper les gens les plus habiles. Du reste, un cheval de trois ans est déjà propre à rendre certains services ; les membres de la Chambre qui s’opposent à l'exportation des chevaux ne doivent pas oublier que les chevaux de trois ans peuvent déjà être employés.

Messieurs, pour en revenir au projet qui nous a été soumis par le gouvernement, je crois qu'il y a lieu de l'adopter purement et simplement, eu égard aux circonstances, à titre, non pas de mesures extraordinaires, mais de mesure de simple précaution. Le projet de loi n'est en effet qu'un acte de prévoyance, que l'on peut en tout état de choses admettre, sans préjudice grave pour personne et dans l'intérêt bien entendu de la protection de nos intérêts les plus chers.

M. Loos. - Messieurs, je voterai le projet de loi qui nous est présenté ; je le voterai, parce qu'il s'agit d'une simple faculté donnée au pouvoir exécutif.

J'engagerai le gouvernement à ne recourir an remède qu'il nous demande que lorsque l'emploi en sera rigoureusement nécessaire.

Ainsi, par exemple, je ne sache pas que la prohibition des chevaux à la sortie de Hollande soit déjà proposée. Tant que cette proposition ne sera pas votée par les chambres hollandaises, notre gouvernement ferait bien de ne pas prohiber les chevaux à la sortie.

Messieurs, j'ai surtout demandé la parole pour prier M. le ministre des finances de vouloir bien nous dire si le transit des chevaux par notre pays sera encore permis, lorsque la prohibition à la sortie sera prononcée.

Ainsi il pourrait très bien se faire que, malgré le conseil que je donne au gouvernement, de ne pas agir avec précipitation, on crût utile de prononcer la prohibition à la sortie, alors que dans un pays voisin on n'aurait pas encore considéré l'adoption des autres mesures connue indispensable : il s'en suivrait que les chevaux provenant de ce pays ne pourraient plus traverser le nôtre.

Or, ce serait occasionner un préjudice tout gratuit au pays et en même temps au pays voisin.

Je crois qu'il serait utile de maintenir le transit des chevaux, alors que la prohibition à la sortie serait prononcée.

- La discussion est close.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je demanderai qu'on ajoute à l'article unique un second paragraphe, ainsi conçu :

« La présente loi sera exécutoire le lendemain de sa publication. » Cet amendement était préparé, au moment où la discussion a été close.

M. Loos. - J'ai demandé une explication au gouvernement sur ses intentions quant au transit.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, la prohibition du transit ne se trouve pas dans le projet de loi ; j'ajoute que le transit n'aura pas lieu, ou n'aura lieu que très exceptionnellement, parce que dans presque tous les autres pays on a prohibé l'exportation.

- Plusieurs membres demandent la parole.

- D’autres membres. - La discussion est close.

M. le président. - La discussion a été effectivement close ; mais M. le ministre des finances vient de proposer un paragraphe additionnel ; veut-on, de ce chef, rouvrir la discussion ?

(page 1133) M. de Naeyer. - M. le ministre a donné des explications qui peuvent donner lieu à de nouvelles observations. \

M. le président. - J'ai fait observer que la discussion était close. Si l'on propose de la rouvrir, je consulterai la Chambre.

- La Chambre consultée rouvre la discussion.

M. Mascart. - La libre sortie des chevaux continue à exister en Hollande ; si on introduit un cheval, fût-ce une rosse, par la frontière hollandaise, pourra-t-on, par suite de la liberté du transit, exporter un cheval quelconque vers la France ?

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Le signalement est pris.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Le gouvernement emploie dans ce cas certaines mesures.

M. Coomans. - Ce point est fort important, bien que M. le ministre dise que cela lui importe très peu, attendu que selon lui tous les pays à peu près ont prohibé la sortie des chevaux.

En fait cela n'est pas ; la Hollande et d'autres pays autorisent encore l'exportation des chevaux.

Je ferai observer à l'honorable M. Goblet que je n'ai pas dit que la Suisse fût le seul pays de l'Europe qui n'eût pas interdit l'exportation des chevaux.

Il est donc important de savoir si nous continuons à autoriser le transit, oui ou non . ans l'hypothèse présentée par M. Mascart, pour autoriser le transit d'un cheval hollandais, il y aurait lieu de faire toutes sortes de frais pour savoir si c'est bien le même cheval qu'on exporte.

Ainsi un cheval introduit à Hoogstraeten qu'on veut exporter vers Valenciennes, le fera-t-on plomber ? Aux frais de qui se fera le plombage ? Sera-ce aux frais de l'acheteur, du vendeur ou du gouvernement ?

C'est une de ces lois rédigées à l'improviste qu'on a eu tort de ne pas examiner de plus près.

Malgré les principes d'équité, de justice, malgré le bon sens, vous vous interdisez la libre sortie des chevaux belges et vous favorisez les chevaux étrangers. Puisque vous voulez vous mettre à l'abri du soupçon de connivence avec l'une ou l’autre des parties belligérantes. pourquoi, afin d’échapper aux reproches de prêter votre territoire à l'approvisionnement de ces parties belligérantes, n'interdisez-vous pas aussi le transit ?

Les explications données sont insuffisantes ; il est impossible, dans l'état, de voter ce projet de loi.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je commence à ne plus rien y comprendre. Tout à l'heure on combattait vivement la proposition de prohiber l'exportation, cela paraissait une énorniité. Maintenant on demande si l'on veut aussi prohiber le transit, et de ma réponse négative, l'honorable M. Coomans tire une critique nouvelle qui n'est pas trop en harmonie avec celle qu'il avait d'abord dirigée contre le projet de loi.

Que va-t-il arriver, nous dit-il, si vous permettez le transit ? On substituera des chevaux étrangers à nos chevaux ; vous allez favoriser les chevaux étrangers.

Mais, dans votre hypothèse, on introduira une rosse de l'étranger, pour me servir de vos expressions, et on prendra un bon cheval indigène pour le faire passer en transit. De quoi vous plaignez-vous, vous qui repoussez la défense d'exporter ?

M. Coomans. - Je n'ai pas dit cela.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je ne sais pas ce que vous avez pu dire d'autre.

M. Coomans. - J'ai dit que vous favorisiez le cheval étranger.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Vous avez dit que l'on pourrait substituer une rosse à un bon cheval du pays.

M. Coomans. - Et les frais ?

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - C'est à cela même que j'ai répondu, sans même vouloir faire remarquer que la douane a sans doute les moyens d'éviter les fraudes.

La critique qu'on fait du projet de loi ne me paraît donc pas sérieuse. La prohibition du transit ne pourrait être sollicitée que pour donner une force nouvelle à notre proposition, ce n'est pas ce que veut faire l'honorable membre, il combat le projet, il ne le votera pas.

M. de Naeyer. - D'après les observations que vient de présenter M. le ministre des finances, je crois que je suis près d'être d'accord avec lui. Il a dit qu'en droit le transit sera permis mais qu'en fait il n'aura pas lieu, si les autres pays ferment leurs frontières à ation des chevaux. Le projet n'a pas pour objet d'interdire le transit ; c'est ainsi qu'on l'entend.

-- La discussion est close.

Vote de l’article unique

L'amendement proposé par M. Coomans est mis aux voix.

Il n'est pas adopté.


L'amendement proposé par M. Faignart est ensuite mis aux voix.

- Il n'est pas adopté.


On passe à l'article unique du projet ainsi conçu :

« Le gouvernement est autorisé à prohiber provisoirement l'exportation des chevaux.

« La présente loi sera exécutoire le lendemain de sa publication. »

Il est procédé au vote par appel nominal.

En voici le résultat :

63 membres répondent à l'appel,

53 répondent oui :

2 répondent non.

8 s'abstiennent.

En conséquence, le projet de loi est adopté. Il sera transmis au Sénat.

Ont répondu oui : MM. Orban, Pierre, Pirson, Prévinaire, Rodenbach, Sabatier, Saeyman, Tack, Tesch, Thiéfry, A. Vandenpeereboom, E. Vandenpeereboom, Vanderstichelen, Van Iseghem, Van Overloop, Vermeire, Vervoort, Vilain XIIII, Wala, Allard, Coppieters 't Wallant, Dautrebande, de Baillet-Latour, de Boe, de Bronckart, de Decker, De Fié, de Liedekerke, de Luesemans, de Mérode-Westerloo, de Renesse, Desmaisières, de Terbecq, Devaux, de Vrière, Dolez, Frère-Orban, L. Goblet, Godin, Grosfils, Jacquemyns, J. Jouret, Julliot, Lange, Laubry, G. Lebeau, J. Lebeau, Lelièvre, Loos, Magherman, Manilius, Moreau, Muller et Orts.

Ont répondu non : MM. Vander Donckt et Van Renynghe.

Se sont abstenus : MM. Coomans, de Muelenaere, de Naeyer, de Ruddere de Te Lokeren, H. Dumortier, Faignart, Mascart et Nélis.

M. le président. - Les membres qui se sont abstenus sont priés d'en faire connaître les motifs.

M. Coomans. - La prohibition est une expropriation qui ne peut avoir lieu que pour cause d’utilité publique. Comme il n'y avait peut-être utilité publique, quant à l'interdiction de sortie des chevaux, que pour les chevaux destinés à l'armée, je n'ai pas pu voter ce projet de loi qui était trop général.

M. de Muelenaere. - Je voterai toutes les mesures qui me sembleront nécessaires dans l'intérêt de la défense nationale ; mais, d'un autre côté, je crois qu'il était sans utilité aucune pour le service public d'imposer à l'agriculture un sacrifice aussi considérable. Du reste, il m'a paru que ce projet de loi n'avait pas été suffisamment élaboré.

M. de Naeyer. - Je n'entends aucunement contester les motifs d'utilité publique qui ont déterminé la présentation de ce projet de loi. Je m'en rapporte volontiers aux appréciations du gouvernement, mieux placé que nous pour connaître sous ce rapport les véritables besoins du pays.

Toutefois il est incontestable que toute prohibition à la sortie présente le caractère odieux d'une expropriation partielle. Or une pareille mesure, dans mon opinion, ne peut trouver grâce aux yeux de la justice que pour autant qu'elle soit accompagnée d'une indemnité ou d'une compensation, et malheureusement l'agriculture, qui est toujours mise en réquisition dans les moments difficiles, loin d'obtenir des compensations, s'est trop souvent privée des bénéfices du droit commun même dans les circonstances ordinaires et normales. Ces considérations ne m'ont pas permis de voter le projet de loi.

M. de Ruddere de Te Lokeren. - Je n'ai pas voté pour le projet de loi parce que j'aurais voulu restrictions, et je n'ai pas voté contre, parce que je reconnais que le gouvernement devait prendre des mesures dans les circonstances actuelles.

M. H. Dumortier. - Je me suis abstenu parce que le projet de loi ne m'a point paru concilier suffisamment les intérêts de la défense du pays avec les intérêts de l'agriculture.

M. Faignart. - Je me suis abstenu parce que j'ai trouvé la loi trop absolue. Je l'aurais votée avec infiniment de plaisir si M. le ministre des finances avait consenti à se rallier à mon amendement. Il lui était d'autant plus facile, me semble-t-il, d'y adhère, que l'application de notre tarif de douane oblige maintenant les douaniers à posséder les connaissances nécessaires pour constater les diverses catégories de chevaux. Attendu que le droit d'entrée sur les poulains est inférieur à celui des chevaux, l'adoption de mon amendement n'eût donc pas occasionné les difficultés dont on a parlé.

M. Mascart. - Si j'admets la prohibition à la sortie des chevaux propres à l'armée, je ne puis pas l'admettre pour les chevaux et les poulains qui n'ont pas cette destination.

M. Nélis. - Je n'ai pas voté contre le projet pour ne pas priver le gouvernement des moyens propres à la remonte de notre cavalerie et de notre artillerie ; d'un autre côté, je n'ai pas voté pour le projet, parce qu'il me semble qu'on pouvait atteindre le même résultat sans recourir à la prohibition.

Projet de loi accordant un crédit supplémentaire au budget du ministère de la justice

Rapport de la section centrale

M. J. Jouret. - J'ai l'honneur de présenter le rapport de la section centrale sur le projet de loi ouvrant un crédit supplémentaire au budget de la justice pour les exercices 1858 et 1859.

- Ce rapport sera imprimé et distribué ; ce projet de loi figurera, à la suite de l'ordre du jour.

Projet de loi accordant un crédit supplémentaire au budget du ministère des finances

Dépôt

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, d'après les ordres du Roi, j'ai l'honneur de soumettre à la Chambre un projet de loi tendant à allouer un crédit de 114,397 fr., au département des finances pour (page 1134) indemniser les propriétaires des marchandises endommagées ou détruites par le sinistre arrivé au pavillon de l'entrepôt d'Anvers, le 28 décembre 1837.

M. le président. - Il est donné acte à M. le ministre de la présentation de ce projet qui sera soumis à l'examen des sections.

Projet de loi ouvrant un crédit extraordinaire au budget du ministère de l’intérieur, pour l’achèvement de la colonne du Congrès

Discussion générale

M. Allard. - Je voterai le crédit que nous demande le gouvernement. Je ne prends le parole que pour présenter une simple observation. Le gouvernement propose de substituer à la gravure sur la pierre même, la gravure sur des plaques en marbre des noms des membres du Congrès. Or, messieurs, chacun sait que, dans notre pays, le marbre blanc prend bientôt une teinte rougeâtre et se dégrade en peu de temps à cause de l'humidité de notre climat.

Je pense donc qu'on ferait bien de remplacer le marbre par un métal très dur, et puisque tous les ornements sont en bronze, il me semble que l’airain remplacerait avec infiniment d'avantage le marbre qu'on se propose d'employer pour les plaques destinées à recevoir les noms des membres du Congrès. La dépense ne serait pas plus considérable, puisqu'il serait très facile, au moyen de lettres d'imprimerie de faire immédiatement la planche nécessaire au coulage ; et du moins les plaques où seront gravées les noms des honorables citoyens qui ont composé le Congrès offriraient des conditions de durée en rapport avec leur destination.

Puisque j'ai la parole, je dirai un mot d'un autre monument qu'on a déjà élevé à la mémoire du Congrès. On a imprimé la Constitution belge dans un grand tableau et on a reproduit à l'entour les noms des soi-disant membres du Congrès. Je dis soi-disant parce qu'on y rencontre les noms de plus de cent personnes qui n'ont pas fait partie de cette assemblée. Je n veux pas citer des noms propres, mais il suffit de se rendre dans le cabinet de la présidence pour constater l'exactittude de ce que j'avance. De telles erreurs me paraissent fort étranges dans une œuvre de ce genre.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je ferai remarquer, en réponse à cette dernière observation, que le gouvernement est complétement étranger à l'œuvre dont il s'agit.

M. Allard. - Cela ne devrait pas figurer à la Chambre.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - C'est une affaire de la questure.

M. de Baillet-Latour. - Je demande la parole.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Bien certainement, le premier soin du gouvernement sera de faire reproduire de la manière la plus exacte les noms des membres du Congrès.

L'honorable préopinant a demandé qu'on substituât des plaques en bronze aux plaques en marbre destinées à recevoir les noms des membres du Congrès.

Quoique le devis primitif ait été, comme presque toujours, dépassé pour ce travail, le ministre de l'intérieur a fait tout ce qu'il a pu pour réduire la dépense dans des limites aussi modérées que possible. C'est ainsi qu'aux ornements en bronze qui avaient été décidés en principe, nous avons cru pouvoir substituer des ornements en pierre et réduire par-là la dépense d'une manière notable. Si l'on substituait aux plaques en marbre des plaques en bronze, il est probable que la dépense devait augmenter. D'ailleurs, il serait, je crois, trop tard pour faire cette modification, parce que le marbre est déjà commandé.

Les avis, du reste, ont été partagés à la suite des conférences que j'ai eues avec les artistes, et les architectes, il a été décidé que le marbre serait substitué au bronze. Du reste, je ne me refuse pas à examiner de nouveau la question, mais je répète que cette modification entraînerait probablement un accroissement de dépenses,

J'ajouterai que je ferai tous mes efforts pour arriver au prompt achèvement de ce monument qui depuis trop longtemps attriste les regards. J'espère que pour le mois de septembre prochain, nous pourrons découvrir ce monument.

La section centrale a fait des observations relativement à l'emploi des artistes qui ont concouru aux travaux de la colonne. Voici ce que j'ai à dire.

L'architecte chargé de l'érection du monument est Belge. Les sculpteurs chargés des ornements, des statues, des lions, sont Belges. Voilà, je crois, le point essentiel auquel la Belgique devait tenir, c'est que les artistes chargés des travaux principaux fussent Belges.

Pour la fonte, qui est un travail matériel, voici ce qui s'est passé. Pour la fonte des statues, le ministre de l'intérieur d'alors est convenu avec les artistes que ceux-ci choisiraient eux-mêmes leurs fondeurs : un marché a été conclu dans ce sens entre le gouvernement et les artistes.

Ceux-ci ont trouvé de l'avantage à faire leur marché avec un fondeur de Paris. Ils ont prétendu que les fondeurs belges ne leur présentaient pas de moyens suffisants pour exécuter convenablement et en temps opportun leurs œuvres. Ont-ils eu tort ? C'est ce que n'avait pas à examiner le gouvernement qui n'est pas intervenu dans cette affaire. Mais dans l'intérêt de la fonderie belge, on en est arrivé à l’arrangement suivants : On a mis à la disposition des sculpteurs et du fondeur la fonderie de canons de Liège, et là plusieurs statues ont été fondues à la condition qu'une partie des artistes qui devraient s'occuper de cette fonte fussent Belges. L'emploi de ces artisans belges a été très avantageux ; on les a façonnés ainsi à ce genre de travail pour lequel il paraît que la Belgique ne comptait pas assez de bons ouvriers.

Les lions, comme les statues, devaient être fondus à Liège ; mais l’emplacement s'est trouvé insuffisant. Nous avons reçu des avis du directeur de la fonderie, nous annonçant que l'établissement ne pourrait suffire à tous les besoins. Une statue a donc dû être fondue à Paris.

Des réclamations ont eu lieu de la part des fondeurs belges. Ces réclamations se justifient à certains égards. Aussi nous avons fait tous nos efforts pour tâcher de donner aux fondeurs belges la part la e lus grande possible dans les travaux qui restent à achever. Ces travaux, consistent dans un balustrade, dans les portes, dans une statue.

Dans tous les cas, les faits, arrangements primitifs relatifs à la fonte, sont entièrement étrangers à mon administration. Mais je crois que la voie qui a été suivie était la seule à suivre, et je pense qu'à l'avenir les fondeurs belges n'auront plus à se plaindre.

Eux-mêmes ont senti la nécessité d'introduire dans leurs procédés de grands perfectionnements, de donner à leurs établissements un plus grand développement.

Pour la sculpture de la pierre, j'ai appris qu'on avait aussi réclamé contre l'emploi d'ouvriers étrangers.

L'artiste chargé au début de diriger les travaux de sculpture en pierre est un ouvrier praticien qui s'est beaucoup occupé de ces sortes de travaux à Paris.

Ce travail a fait l'objet d'une entreprise, et l'on n'a pu prescrire à l'entrepreneur l'emploi exclusif d'ouvriers belges.

Il faut avant tout que le travail soit exécuté d'une manière aussi parfaite que possible. La Belgique n'est pas déshonorée parce qu'elle n'a pas, pour toutes sortes de travaux, des artistes du premier ordre. Il faut être national, très national, ultra national même ; mais il faut pourtant raisonner sur le nationalisme ; il ne faut pas vouloir tout faire par nous seuls. Il y aurait là un côté mesquin, un côté ridicule. En acceptant les hommes de talent de tous les pays, on doit donner la préférence aux nationaux, mais il ne faut pas jeter les hauts cris parce qu'un artiste étranger viendra apporter le fruit de son talent parmi nous. Qu'arriverait-il, si les étrangers repoussaient, à titre de réciprocité les artistes belges ? Nous aurions à y perdre énormément. Nos artistes sont reçus à l'étranger, ils sont parfaitement accueillis partout sans qu'on leur reproche leur qualité d'étranger. Il faut de notre côté montrer des sentiments un peu plus larges que ne le font quelques personnes.

En matière d'art comme en d'autres matières, nous pouvons sans crainte être un peu cosmopolites. J'aime les artistes de mon pays, je suis fier de leur talent, de leurs succès, mais il m'est impossible d'admettre un système qui consisterait à exclure tout ce qui est artiste étranger. Je pense que la Chambre a des sentiments trop élevés pour s'associer à une sorte d'hostilité mesquine contre les hommes de talent qui pourraient nous apporter des travaux plus parfaits que ceux qui s'exécutent dans notre pays.

En fait si sous ce rapport l'on a adressé à la colonne certains reproches, ils sont parfaitement injustes. Les artistes qui ont conçu la colonne, l'architecte, les sculpteurs sont Belges, il me semble que cela doit suffire. De plus, la fonte des statuts a eu lieu en Belgique à la fonderie de canons nationale. Maintenant y a-t-il eu quelques ouvriers étrangers qui ont concouru à la fonte, aux ouvrages en pierre, il n'y a pas là de quoi récriminer et sous ce rapport je m'associe entièrement à ce qui a été fait par mes honorables prédécesseurs

Messieurs, la section centrale ayant d'ailleurs adopté le crédit demandé, ma tâche est très facile et je dois rendre bon procédé pour bon procédé. Je veux m'expliquer devant la Chambre avec une entière franchise relativement au crédit de 200,000 fr.

Après un examen très attentif, j'ai acquis la conviction que cette fois c'est bien le dernier crédit supplémentaire qui sera demandé. Je dirai même que pour avoir tot e certitude à cet égard j'ai un peu forcé le chiffre dont j'avais besoin. Si je ne dépense pas toute la somme, le surplus restera acquis au trésor ; mais mon intention serait de consacrer une partie du crédit à l'ornementation de la place du Congrès. La place ne doit pas rester telle qu'elle est. Et la Chambre trouvera bien sans doute que je donne cette destination à une partie du crédit.

Enfin, messieurs, quand le crédit sera voté je ferai tous mes efforts pour que le monument soit enfin terminé au mois de septembre prochain.

M. de Decker. - Je crois, messieurs, devoir ajouter quelques explications à celles que vient de donner l'honorable ministre de l'intérieur.

L'honorable rapporteur exprime le regret que des artistes étrangers aient été chargés de couler les ornements en bronze. Comme c'est moi qui suis ici, indirectement, mis en cause, je tiens à expliquer la conduite tenue en cette circonstance par le département de l'intérieur.

Messieurs, lorsque les travaux avaient été confiés aux artistes éminents que vous connaissez et dont tout le monde, je pense, approuve le choix ; lorsque le gouvernement se fut mis d'accord avec ces artistes sur le plan à suivre pour coordonner tous les ornements, il fut question du moyen de procéder au coulage de ces ornements. J'insistai follement sur la (page 1135) nécessité de trouver en Belgique même des artistes pour achever ce travail, que pendant deux ou trois semaines j'hésitai de signer les contrats avec les artistes parce que cette condition paraissait inexécutable.

C'est seulement lorsque les artistes eurent déclaré unanimement qu'il n'y avait pas, malheureusement, en Belgique, d'artistes capables de procéder convenablement au travail du coulage, c'est alors seulement que je consentis à ce qu'il se fît sous la direction d'artistes étrangers.

Mais, comme vient de le dire l'honorable ministre de l'intérieur, ce fut à la condition que le coulage se ferait à la fonderie royale de Liège, et que l'on saisirait cette occasion pour créer cette spécialité d'artistes fondeurs, fondeurs qui nous manquent et qui manquent à la plupart des nations, car il faut bien le dire, il n'y a que trois ou pays où cette catégorie d'artistes existe.

Je crois donc, messieurs, que la conduite tenue en cette circonstance par le département de l'intérieur est parfaitement explicable et justifiable. Du reste, comme vient de le dire l'honorable ministre de l'intérieur, dans une question comme celle-là il ne faut pas poursuivre à outrance l'idée de la protection du travail national, la poursuivre jusqu'à' vouloir qu'un tel monument soit achevé jusque dans ses moindres détails par des artistes du pays, alors même que le pays n'offrirait pas encore sous ce rapport toutes les ressources désirables. Je pense au contraire que lorsqu'il en est ainsi il vaut infiniment mieux trouver le moyen de créer les artistes qui manquent.

Eh bien, messieurs, c'est ce qui a été fait, et je suis convaincu que nous trouverons désormais des artistes fondeurs en Belgique. Nous en avons eu la preuve, récemment, lorsque nous avons vu, dans le remarquable établissement Cormann, à Bruxelles, cette fontaine monumentale que tout le monde a admirée.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - L'une des quatre statues sera fondu en Belgique.

M. de Decker. - Eh bien, c'est une excellente chose, et désormais nous pourrons, j'espère, nous passer de tout concours étranger.

Le rapport de la section centrale exprime le regret, partagé du reste partout le monde, que l'achèvement de ce monument se soit fait si longtemps attendre.

Je dois le dite, j'ai fait tout ce qui était possible pour abréger ce retard, et l'honorable ministre de l'intérieur a pu trouver au dossier plusieurs lettres énergiques de ma part ; j'ai même usé de rigueur envers un fournisseur, rigueur dont le gouvernement a pu ensuite se départir en considération du zèle que ce fournisseur a montré depuis.

Je saluerai, messieurs, l'achèvement de ce monument avec bonheur comme le feront tous les amis sincères du pays.

M. de Baillet-Latour. - Je dois donner une explication relativement à l'observation faite par M. Allard sur le tableau qui se trouve dans le cabinet du président, C'est un hommage que le Roi a fait à la Chambre. S'il y avait erreur dans les noms des membres du Congrès, on pourrait le faire vérifier. M. Allard sera alors rassuré, et je ne doute pas que le gouvernement portera la plus grande attention aux noms qui doivent figurer sur la colonne du Congrès.

M. Thiéfry. - Ce tableau non seulement indique les noms des membres qui ont siégé au Congrès, mais aussi ceux des personnes qui ont été nommées comme suppléants. Au reste, la Chambre n'est pas responsable des erreurs qu'un artiste a pu commettre.

J'ajouterai, messieurs, qu'on avait demandé à faire lithographier le tableau, et nous l'avons refusé à cause même de ces erreurs.

- La discussion est close.

Vote des articles et vote sur l’ensemble

« Art. 1er. Un crédit supplémentaire de deux cent mille francs est mis à la disposition du département de l’intérieur, pour les travaux d’achèvement du monument érigé en commémoration du Congrès national. »

- Adopté.


« Art. 2. Ce crédit sera rattaché au budget du département de l'intérieur pour l'exercice 1859, et formera l’article 128bis de ce budget. Il sera couvert au moyen des ressources ordinaires dudit exercice. »

- Adopté.


II est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet.

Le projet de loi est adopté à l’unanimité des 62 membres présents. Il sera transmis au Sénat.

Ont adopté : MM. Orban, Pirmez, Pirson, Prévinaire, Rodenbach, Rogier, Sabatier, Saeyman, Tack, Tesch, Thiéfry, A. Vandenpeereboom, E. Vandenpeereboom, Vander Donckt, Vanderstichelen, Van Iseghem, Van Overloop, Van Renynghe, Vermeire, Vervoort, Wala, Allard, Ansiau, Coppieters 't Wallant, Dautrebande, de Baillet-Latour, de Boe, de Bronckart, Dechentinnes, de Decker, De Fré, de Liedekerke, de Luesemans, de Mérode-Westerloo, de Muelenaere, de Renesse, de Ruddere de Te Lokeren, Desmaisières, de Terbecq, Devaux, Dolez, H. Dumortier, Faignart, Frère-Orban, L. Goblet, Godin, Grosfils, Jacquemyns, J. Jouret, Lange, Laubry, C. Lebeau, J. Lebeau, Lelièvre, Loos, Magherman, Manilius, Mascart, Moreau, Muller, Nélis et Orts.

Proposition de loi relative aux péages du canal de Charleroi

Rapport de la section centrale

M. Pirmez. - Messieurs, j'ai l’honneur de déposer le rapport de la section centrale qui a examiné la proposition de loi déposée par M. J. Jouret et d'autres membres, relativement aux péages du canal de Charleroi.

- Impression, distribution et mise à la suite de l'ordre du jour.


M. le président. - Je demande à la Chambre de s'occuper demain, eu première ligne, de toutes les demandes de crédit sur lesquelles des rapports ont été distribués.

- Cette proposition est adoptée.

- La séance est levée à 4 heures et demie.