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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mardi 10 mai 1859

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1858-1859)

(page 1105) (Présidence de M. Verhaegen.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Boe, secrétaire, procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. de Moor, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance du 7 mai.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Boe, secrétaire, présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.

« Le sieur Tollenaere présente des observations sur le projet de loi relatif à la police et la disciplne militaires, »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi.


« Le sieur L. Emonts, ancien postillon au relais de Chokier, demande une pension. »

- Renvoi à la commission des pétitions, avec demande d'un prompt rapport, sur la proposition de M. De Fré.


« Le sieur Iweins prie la Chambre d'améliorer la position des commissaires de police qui remplissent les fonctions du ministère public près des tribunaux de simple police. »

- Renvoi à la commission des pétitions, avec demande d'un prompt rapport, sur la proposition de M. Lelièvre.


« Des habitants de Lierre prient la Chambre de faciliter le vote des communes rurales en établissant des circonscriptions électorales peu étendues. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi modifiant quelques dispositions de la loi électorale relatives aux élections.


« Des habitants de Baelen prient la Chambre de rejeter la proposition relative au vote par lettre alphabétique et d'examiner quelle circonscription électorale il y aurait lieu d'établir, afin de faciliter le vote des électeurs des communes rurales. »

- Même disposition.


« Le sieur Louis-André Cavayé, ancien caporal au bataillon des sapeurs-mineurs, employé au chemin de fer de l'Etat en qualité de garde-barrières, né à Casters (France), demande la naturalisation. »

- Renvoi à M. le ministre de la justice.

« Des habitants d'une commune non dénommée prient la Chambre d'adopter le projet de loi modifiant quelques dispositions de la loi électorale relatives aux élections. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi.


« M. d'Hoffschmidt, obligé de s'absenter, demande un congé. »

- Accordé.


« M. de Paul, obligé de s'absenter pour affaires de famille, demande un congé de 3 jours. »

- Accordé.

Projet de loi relatif aux modifications apportées à la concession ferroviaire de Namur à Liége

Rapport de la section centrale

M. Lelièvre. - J'ai l'honneur de déposer sur le bureau le rapport de la section centrale qui a examiné le projet de loi relatif aux modifications au cahier des charges de la concession du chemin de fer de Namur à Liège.

- Impression, distribution et mise à la suite de l'ordre du jour.

Projet de loi accordant un crédit extraordinaire au budget du ministère de l’intérieur

Rapport de la section centrale

M. L. Goblet. - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau le rapport de la section centrale sur le projet de loi ayant pour objet d'ouvrir au département de l'intérieur un crédit extraordinaire d'un million pour construction et ameublement de maisons d'école. »

- Impression, distribution et mise à la suite de l'ordre du jour.

Projet de loi accordant un crédit extraordinaire au budget du ministère de la guerre

Discussion générale

M. le président. - Le gouvernement avait d'abord demandé un crédit extraordinaire de 5,000,000 de francs ; par un amendement renvoyé à la section centrale, il a proposé une augmentation de 4 millons ce qui porte le crédit à 9 millions.

La section centrale adopte le crédit.

La discussion générale est ouverte.

M. Coomans. - Messieurs, je comprends la réserve que le gouvernement apporte dans l'exposé des motifs du projet de loi qui est en discussion. Cependant je dois insister sur un point. L'autre jour, répondant à diverses interpellations faites par des membres de cette assemblée, l'honorable ministre de l'intérieur, remplissant par intérim les fonctions de ministre de la guerre, nous a déclaré itérativement et nettement qu'il ne serait plus fait de travaux de fortifications nouveaux sans l'assentiment préalable des Chambres ; je présume que cela est toujours entendu ainsi ; sinon, je demanderais des explications au gouvernement.

M. le ministre de la guerre (M. Berten). - Messieurs, je ne pense pas que l'honorable M. Coomans entende que le gouvernement ne peut faire exécuter certains travaux de fortifications ; car il y a des places fortes qui ont besoin de certains travaux de réparation, d'amélioration et même de constructions nouvelles qu'il est indispensable d'exécuter.

M. Coomans. - Messieurs, il est évident que je n'entends entraver en rien les travaux ordinaires que le gouvernement exécute sous sa responsabilité, conformément aux votes de la législature.

Je n'ai fait allusion qu'à des travaux nouveaux, pour parler plus nettement, à des travaux qui gêneraient la liberté de la Chambre dans l’appréciation de grandes fortifications à élever. Il faut que la liberté de la Chambre soit entière quant aux fortifications à élever à Anvers et sur les rives de l'Escaut. Si le gouvernement juge que les fortifications actuelles sont insuffisantes, que le moment est venu de les augmenter, je suis tout disposé à entendre les explications qu'on peut avoir à nous donner et à faire telles observations que de droit.

M. le ministre de la guerre (M. Berten). - Pour les fortifications à faire sur les rives de l'Escaut, il y a question jugée. Les fonds ont été alloués pour la construction du fort Sainte-Marie, et ce fort est en voie d'exécution.

Quant au système de fortifications nouvelles à établir à Anvers, le gouvernement n'a pas le projet d'entreprendre ces travaux sans l'assentiment de la Chambre.

M. Lelièvre. - Je demanderai à M. le ministre de la guerre s'il ne croit pas pouvoir présenter dans un bref délai un projet de loi relatif aux servitudes militaires. Depuis longtemps on reconnaît la nécessité de s'occuper de semblable matière. J'appelle sur ce point l'attention de M. le ministre.

M. H. Dumortier. - Ce n'est pas le moment de s'occuper de cela.

- La discussion est close.

Vote des articles et vote sur l’ensemble

« Art. 1er. Il est ouvert un crédit supplémentaire de neuf millions de francs. pour continuer l'exécution de travaux arriérés et pourvoir à d'autres besoins du département de la guerre. »

- Adopté.


« Art. 2. Ce crédit sera disponible pendant la durée des exercices 1859, 1860 et 1861. Sa répartition entre les articles du budget se fera par arrêtés royaux, il sera couvert au moyen de bons du trésor. »

- Adopté.


« Art. 3. La présente loi sera obligatoire le lendemain de sa publication. »

- Adopté.


Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet de loi.

Le projet de loi est adopté à l'unanimité des 63 membres qui ont répondu à l'appel nominal. Il sera transmis au Sénat.

Ont répondu à l'appel : MM. E. Vandenpeereboom, Vander Donckt, Vanderstichelen, Van Iseghem, Van Leempoel, Vermeire, Vilain XIIII, Allard, Coomans, Coppieters 't Wallant, de Baillet-Latour, de Boe, de Bronckart, H. de Brouckere, Dechentinnes, De Fré, Deliége, de Luesemans, de Mérode-Westerloo, de Moor, de Muelenaere, de Renesse, de Ruddere de Te Lokeren, Desmaisières, de Smedt, de Terbecq, Devaux, Dolez, Dubus, B. Dumortier, H. Dumortier, d'Ursel, Faignart, Frère-Orban, A. Goblet, L. Goblet, Godin, Jacquemyns, J. Jouret, Landeloos, Lange, Le Bailly de Tilleghem, C. Lebeau, J. Lebeau, Lelièvre, Loos, Magherman, Mascart, Moncheur, Muller, Notelteirs, Orban, Orts, Pirmez, Rodenbach, Rogier, Sabatier, Saeyman, Tack, Thiéfry, Vanden Branden de Reeth, A. Vandenpeereboom et Verhaegen.

Motion d’ordre

M. L. Goblet. - M. le ministre des travaux publics nous a promis, il y a quelque temps, le dépôt d'un projet de loi portant réduction des péages sur le canal de Charleroi. Cette promesse, nous attendons tous les jours qu'elle se réalise. Nous avons montré, ce me semble, assez de patience ; je crois qu'il serait temps que M. le ministre nous dît s’il compte exécuter sa promesse ou s'il entend ajourner la solution de cette question d'une manière indéfinie.

(page 1106) M. le ministre des travaux publics (M. Partoes). - J'ai dit que quand je serais saisi du rapport de la commission je m'occuperais de la question sans désemparer. J'ai tenu la promesse en ce qui me concerne, l'affaire a été étudiée avec soin à mon département. et, comme j'ai eu l'honneur de le dire à la Chambre, le dossier a été envoyé au département des finances à la suite de l'examen qu'il avait subi au mien.

Le gouvernement a arrêté en principe qu'il y avait lieu de réduire les péages sur le canal de Charleroi, il a arrêté, en outre, qu'il y avait lieu de réduire la surtaxe spéciale dont sont frappés les transports venant du Centre.

Voilà, messieurs, quant au fond.

Quant à l'époque de la présentation du projet de loi, le gouvernement par suite des événements graves qui sont survenus depuis la séparation de la Chambre, doit se réserver de choisir le moment qu'il croira le plus opportun. Je pense que cette réserve se justifie assez par le motif que je viens d'indiquer, et qu'elle sera comprise par la Chambre.

M. J. Jouret. - M. le ministre des travaux publics vient de dire qu'il se réservait de choisir le moment qu'il croira opportun pour la présentation du projet de loi. Je prierai M. le ministre de vouloir bien nous dire si nous pouvons espérer que la présentation de ce projet aura lieu encore dans le cours de la présente session. (Interruption.)

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Il nous reste à peine une huitaine de jours

M. J. Jouret. - Si le gouvernement est animé de bonnes intentions, il peut facilement nous satisfaire pensant la session actuelle. Quant à moi, je déclare formellement que je demanderai à M. le président de la section centrale de convoquer cette section. Je fais cette déclaration devant la Chambre parce que je tiens à remplir mon devoir d'une manière complète.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Nous aussi.

M. J. Jouret. - Si M. le président ne veut pas convoquer la section centrale, il encourra la responsabilité de son refus, de même que les membres de cette section qui croiraient ne pas devoir se rendre à la convocation qui leur serait adressée.

M. Orts. - Je promets à l'honorable M. Jouret de convoquer la section centrale, attendu que je n'ai pas le droit de m'y refuser quand la demande m'en est faite.

M. Faignart. - Je viens, à mon tour, insister pour que le gouvernement présente le projet de loi dont il s'agit, avant la clôture de la session actuelle.

Cette question, tout le monde le sait, est à l'ordre du jour depuis plusieurs années. Jusqu'à présent le gouvernement ne s'était pas prononcé d'une manière aussi catégorique et je l'en remercie. Néanmoins, nous ne pouvons pas attendre indéfiniment la présentation de ce projet de loi. Je fais donc appel aux sentiments d'équité du gouvernement, qui a reconnu la justesse de nos réclamations et je demande qu'il y fasse droit. Qu'il présente ce projet pendant la session actuelle et la Chambre décidera si elle veut ou non le discuter. Le projet nous a été formellement promis et j'espère que le gouvernement ne faillira pas à sa promesse.

M. J. Jouret. - Je désire faire remarquer encore qu'en définitive il serait parfaitement inutile de présenter un projet de loi nouveau. Le projet de loi que d'honorables amis et moi avons présenté est pendant devant la section centrale. Les résolutions prises par la commission des péages sont maintenant connues de tout le monde ; elles se trouvent depuis longtemps entre les mains du gouvernement et il suffirait de communiquer ces résolutions à la section centrale et d'appeler au sein de cette section les principaux intéressés dans la question ; il serait donc bien facile d'arriver à une solution. Ainsi, messieurs, si les honorables M. Sabatier, Muller et moi, nous étions convoqués au sein de la section centrale, il y aurait moyen d'en finir en une seule séance et du jour au lendemain le projet pourrait être discuté par la Chambre.

Comme la Chambre paraît être depuis longtemps dans des dispositions favorables à ce projet, si, réellement, on ne veut pas chercher des prétextes sans fondement pour différer la solution de la question on reconnaîtra qu'il serait extrêmement facile d'en finir en très peu de temps.

J'espère que M. le ministre des travaux publics ne viendra pas permettre que les nombreux intérêts en souffrance soient trompés dans les paroles si bienveillantes qu'il a prononcées à plusieurs reprises dans cette enceinte.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, je regrette beaucoup que l'honorable préopinant, à propos de cette affaire, qui lui tient fort à cœur, je le reconnais, soit autant porté à soupçonner les intentions du gouvernement. Je me permettrai de lui rappeler un fait.

Lorsque la première fois cette question a été soumise à la Chambre, j'ai eu l'honneur de faire remarquer combien d'intérêts divers étaient engagés dans cette question et combien il était difficile d'arriver à une solution satisfaisante propre à les concilier.

J'étais alors chargé du département des travaux publics, j'annonçai que le gouvernement avait l'intention de nommer une commission qui serait chargée d'examiner toutes les difficultés. L'honorable membre s'indigna fort, si ma mémoire est fidèle, contre la nomination de cette commission ; il y vit un moyen dilatoire, un expédient employé pour éviter une solution.

Ce n'était à ses yeux qu'un moyen d'empêcher l'examen du projet qu'il avait déposé.

M. J. Jouret. - Je vous ai rendu depuis lors pleine justice.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Depuis lors oui. Mais c'est afin d'obtenir successivement la même justice de l’honorable membre que je rappelle ces faits. Puisqu'il a été obligé de reconnaître qu'il avait été injuste à notre égard, il reconnaîtra encore tout à l'heure, je pense, qu'il est de nouveau trop rigoureux envers nous.

La commission fut instituée ; elle a opéré de la manière la plus satisfaisante. Les opinions diverses s’y sont combattues ; on est arrivé à des conclusions que le gouvernement n'admet pas entièrement, mais qui peuvent au moins servir de base à un projet de loi à soumettre à la Chambre.

Les résolutions de cette commission connues et promptement connues, l'honorable M. Jouret s'est empressé de reconnaître que le gouvernement avait agi avec la plus entière loyauté, qu'il avait composé la commission de telle sorte que l'on pût en effet chercher, non des moyens dilatoires, mais des moyens de solution.

Les rapports ont été transmis au gouvernement. L'instruction ordinaire en ces sortes de matières a eu lieu tant par le département des travaux publics que par le département des finances.

Mais pendant que cette instruction se faisait, des événements un peu plus importants que l'affaire des péages sont arrivés eu Europe, et comme nous étions en face des propositions de la commission qui, réunies, ont pour résultat une suppression de recettes de 700,000 francs, il nous a paru que le gouvernement aurait pris une attitude insoutenable devant la Chambre et devant le pays, si, dans les circonstances où nous nous trouvons, il était venu proposer aujourd'hui une réduction notable de recette, fût-elle de la moitié du chiffre que je viens d'indiquer.

Il nous a paru qu'alors que nous sommes exposés à devoir réclamer, peut-être dans un temps rapproché, des sacrifices du pays, nous serions inexcusables de proposer une suppression de recettes. Et je vais vous dire pourquoi cela nous aurait paru surtout inexplicable. C'est que, par cette mesure, nous ne pouvons pas véritablement porter remède au mal dont on se plaint. Quelques mots suffiront pour en convaincre la Chambre.

Une plainte est formée à raison de la taxe qui grève le charbon du Centre. C'est l'un des côtés de la question. On prétend qu'il y a là une surtaxe qui ne peut pas être maintenue. On a cherché une solution. On a trouvé qu'en prenant un parcours moyen, en fixant une distance légale, on ferait cesser tout sujet de réclamation. De ce chef seul, c'est 100,000 fr. de recettes supprimées. Mais ce côté de la question, s'il intéresse les charbonnages du Centre, est assez indifférent aux bateliers. Le péage du canal de Charleroi est, en outre, considéré comme trop élevé, des plaintes fort vives ont lieu, c’est le côté le plus grave de la question. Le batelage est dans des conditions qui semblent, en effet, peu satisfaisantes ; on a demandé de ce chef une réduction des péages.

La réduction proposée par la commission, qui nous semble trop forte, est de 40 p. c. Il en résulterait, si elle était admise, une diminution de recettes de 600,000 fr (Interruption.) Les transports n'ont pas diminué ; le produit du péage sur le canal de Charleroi a même été plus élevé en 1858 qu'en 1857. On suppose que la cause du malaise des bateliers résulte de ce que les voies ferrées font concurrence au canal de Charleroi et réduisent ainsi les transports sur ce canal. Erreur ; il n'y a point de concurrence réelle entre les voies ferrées et le canal. (Interruption.)

Les faits sont patents. Cela est incontestable. (Interruption.) Je dirai tout à l'heure quelles sont les raisons qui conduisent le gouvernement à admettre une réduction des péages.

Voilà la situation. Le péage, soit pour les charbonnages de Charleroi, soit pour les charbonnages du Centre, par le chemin de fer de l'Etat ou par les chemins de fer concédés, est environ de 5 francs par mille kilogrammes. Le fret sur le canal de Charleroi, pour la même quantité, prise aux mêmes lieux de production, est maintenant de 3 fr. 50 c. On ne peut donc pas dire que les voies ferrées font concurrence au canal, qu'il lui enlève un transport quelconque.

D'où vient donc le malaise ? Car nous ne contestons pas qu'il existe réellement ; nous le contestons si peu, que nous avons proposé déjà des mesures favorables au batelage, nous avons proposé déjà une réduction de la patente des bateliers. Mais dépend-il du gouvernement, de porter remède à ce mal ? En aucune façon. Vous supprimeriez entièrement le péage que la condition des bateliers ne serait pas changée. Pourquoi ? Parce que la situation fâcheuse où ils se trouvent résulte de la concurrence qu'ils se font entre eux. II y a des centaines de bateaux en trop.

M. Vermeire. - C'est une erreur.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - L'honorable M. Vermeire expliquera donc comment, sans autre concurrence que les chemins de fer, où le transport coûte 5 fr., le fret sur le canal tombe à 3 fr. 50.

Ce fait résulte évidemment de la concurrence que les bateliers se font entre eux et cette concurrence est encore aggravée parce qu'un certain nombre de producteurs ont des bateaux et des ouvriers à gage qui opèrent le transport sur le canal.

Nous ne pouvons donc rien à la situation, et la réduction de péages dont le gouvernement admet principe, sauf à se prononcer sur la (page 1107) quotité, est déterminée par une seule considération ; c'est que le péage sur le canal de Charleroi est trop élevé si on le compare à celui des autres canaux du pays. Mais ce motif indique qu'il n'y a pas d'urgence absolue à opérer la réduction.

Dès que le moment sera opportun, nous déposerons un projet de loi ; quant à présent, nous croyons que la Chambre ne consentirait pas à sacrifier une partie quelconque de nos ressources.

M. Vermeire. - M. le ministre des travaux publics nous a annoncé qu'en ce qui concerne la question des péages, il était disposé à faire droit à deux griefs qui ont été articulés. D'abord, il aurait réduit les transports à longues distances ; ensuite, il reconnaissait qu'il y avait lieu à réduire le péage sur le canal de Charleroi.

J'engagerai M. le ministre des travaux publics à examiner en même temps s'il n'est pas nécessaire d'avoir pour les lignes de chemin de fer, exploitées par l'Etat, des tarifs uniformément applicables, quelle que soit la direction dans laquelle vont les convois. Je ne crois pas qu'il soit juste que des marchandises, parcourant une direction du réseau de l'Etat, soient soumises à un péage différentiel de celui qu'elles devraient acquitter si elles prenaient une autre direciinn.

M. le ministre des finances prétend que l'Etat ferait un sacrifice de 700,000 fr. s'il réduisait, en ce moment, le péage sur le canal de Charleroi. Je ne pense pas que ce sacrifice fût aussi important. Et, en effet, que doit faire celui qui reçoit le charbon ? Il doit examiner quel est le moyen par lequel il peut se le procurer au meilleur compte possible.

Eh bien si un destinataire de la Flandre veut se servir, d'une part, du canal de Charleroi, du canal de Willeboeck et de l'Escaut, d'autre part des voies ferrées, il se servira, nécessairement, de celles de ces voies qui lui offrent le plus d'avantages ; et, comme dans l'espèce, la balance penche du côté du chemin de fer, c'est ce dernier qui doit accaparer les transports. Or cette assertion n'a jamais été contestée et les chiffres produits en faveur de ce soutènement n'ont jamais rencontré de contradicteurs.

M. le ministre des finances nous dit aussi que le canal de Charleroi transporte encore aujourd'hui autant de marchandises, que la navigation n'y est pas diminuée.

Nous avons fait remarquer que, comparativement à des années antérieures, le produit du canal de Charleroi était resté à peu près le même en 1858. Du reste, cette comparaison d'une année à une autre n'est pas toujours très juste, parce que vous n'avez pas toujours le même nombre de jours de chômage.

Mais le batelage peut-il continuer dans les conditions actuelles ? Voilà la question.

Je réponds à l'instant négativement, car, quand les bateaux qui naviguent aujourd'hui sur le canal de Charleroi sont usés, on n'en construit pas de nouveaux. (Interruption.) C'est un fait, il n'y a plus sur les chantiers de bateaux destinés à être employés sur le canal de Charleroi ; pourquoi ? Parce que le trafic sur ce canal se fait à perte Si l'on compare le nombre des bateaux qui naviguent aujourd'hui sur le canal de Charleroi à celui qui y trafiquait dans d'autres années, ce dernier serait plus considérable.

Du reste, nous nous réservons de discuter cette question dans un autre moment ; nous opposerons alors des faits et des chiffres qu'on ne pourra pas réfuter.

Quant à moi, je dis que la question des péages doit être résolue le plus promptement possible, qu'elle doit être examinée sous tous les rapports ; il me semble qu'introduite au début de la session, elle peut très bien être résolue avant notre séparation.

M. B. Dumortier. - Messieurs, il m'avait semblé que l'engagement qu'avait pris M. le ministre des travaux publics devait satisfaire tout le monde. M. le ministre était venu nous dire : « Le gouvernement reconnaît l'utilité de la mesure ; il est prêt à consentir à une réduction ; mais, dans la situation actuelle, la sagesse exige que cette réduction soit ajournée. »

D'après ce que nous déclaré M. le ministre des finances, la mesure doit avoir pour conséquence une réduction de 700,000 fr. dans le revenu du trésor. En présence d'une pareille déclaration, la prudence nous commande d'attendre jusqu'à ce que la situation des finances se soit éclaircie davantage. Comment ! demain peut-être on sera exposé à établir de nouveaux impôts, et ce serait au moment où l'on établirait un impôt sur la généralité du pays qu'on viendrait diminuer les recettes ; on frapperait tous les citoyens pour subvenir aux déficits que présenterait le revenu du péage sur le canal de Charleroi !

Je le déclare, je suis prêt à voter ce dégrèvement, quand l'état de nos finances nous permettra de prendre cette mesure, sans créer un nouvel impôt à la charge de la généralité ; mais si cette mesure doit avoir pour conséquence la création de nouvelles contributions pour tout le pays, je ne saurais y consentir.

A mon avis, il n'y avait pas de reproche à faire à M. le ministre des travaux publics, et l'honorable M. Vermeire est mal fondé à s'imaginer qu'on puisse statuer sur cet objet avant la fin de la session. (Interruption.)

L'honorable M. J. Jouret est profondément convaincu de la nécessité d'une solution immédiate, et il pense que toute la Chambre est de son avis...

M. J. Jouret. - Tout le monde à dit que c'était un acte de justice.

M. B. Dumortier. - Vous l'avez dit et quelques autres l'ont dit avec vous. Tout le monde n'est pas député d'un des districts intéressés et, en matière de finances, chacun a toujours son libre examen.

Or, la réduction des revenus du trésor mérite un examen sérieux, alors surtout que ces revenus ne sont pas tirés de la poche des contribuables.

M. J. Jouret. - Il y a sept ans qu'on examine.

M. B. Dumortier. - Il y a des impôts qu'il serait beaucoup plus agréable au pays de voir réduire que le péage sur le canal de Charleroi.

L'honorable M. Vermeire dit que la situation est tellement grave, que le trafic actuel se fait en perte, et qu'on ne construira plus de bateaux.

Si le trafic actuel se fait en perte, qu'arrivera-t-il, quand vous aurez réduit le péage ? le trafic ne se fera-t-il plus en perte, si le consommateur vient à bénéficier de la réduction qui sera faite sur le péage ?

Le trafic restera dans les mêmes conditions, il se fera encore à perte ; s'il perd aujourd'hui, il perdra encore. (Interruption,)

Si le commerce fait profiter à la consommation du montant de dégrèvement du péage, les conditions resteront les mêmes, quant au trafic. Comment, j'ai cinq francs par tonneau de fret, le gouvernement réduit le péage d'un franc ; je descends mon fret à quatre francs. Est-ce que les conditions du trafic ne restent pas les mêmes ? Je renverse la question : le consommateur ne verra pas améliorer sa position, qu'est-ce que vous avez fait ? Vous avez retiré 600,000 francs des caisses du trésor pour les donner aux trafiquants sur le canal de Charleroi. Une discussion pareille n'est pas de nature à s'improviser ; quand vous arriverez à ce projet de loi, vous n'aurez pas seulement à vous occuper du canal de Charleroi, vous, aurez le canal de Mons à Condé et celui de Pommerœul qui demanderont une réduction.

- Un membre. - Pas du tout ! C'est compris dans le chiffre de 700 mille fr.

M. B. Dumortier. - C'est une erreur ; M le ministre des finances vous a dit que la réduction sur le canal du Centre serait de 200 mille fr. et sur le canal de Charleroi de 500 mille, ce qui fait bien 700 mille fr. Vous aurez à ajouter un troisième et un quatrième dégrèvement pour les deux canaux dont je viens de parler, ce qui portera bien la réduction à un million. Où irez-vous chercher cette somme ? Dans les contributions !

Pour mon compte, moi qui désire ce dégrèvement, je dis qu'il faudra le faire quand le moment sera favorable, et qu'on pourra l'opérer sans devoir créer des impôts nouveaux. Si le dégrèvement doit entraîner l’établissement de nouveaux impôts, j'approuve la marche que le gouvernement a annoncé vouloir suivre dans cette affaire et je l'engage à y persévérer.

M. Sabatier. - De même que l'honorable M. Vermeire, j'étais loin de m'attendre à un débat sur le fond de la question des péages. La motion d'ordre de l'honorable M Goblet ne nécessitait nullement ce débat, cette motion étant simplement la conséquence des promesses faites antérieurement par M. le ministre des travaux publics ; mais M. le ministre des finances vient de me présenter des arguments tellement contraires au véritable état des choses, qu'il m'est impossible de ne pas les relever.

M. le ministre des travaux publics d'abord et M. le ministre des finances ensuite reconnaissent que les conclusions de la commission instituée pour l'étude de toutes les questions de péage étaient fondées. Toutefois, dit-on, le quantum du dégrèvement réclamé sur les péages du canal de Charleroi est trop élevé. Nous verrons tout à l'heure si même cette observation sur les chiffres de la commission peut être faite. Ce que je constate dès maintenant, c'est qu'au moins sur le fond nous sommes d'accord.

Mais, messieurs, reconnaître que les réclamations qui ont surgi depuis si longtemps de la part des bateliers, des marchands de charbon, des consommateurs et des exploitants du Centre et de Charleroi sont justes, n'est-ce pas reconnaître que l'on ne peut pas éloigner indéfiniment le moment d'une solution si désirée ? Lorsque ces réclamations ont surgi, le gouvernement a voulu échapper à la nécessité de présenter un projet de loi. M. le ministre des finances, qui tenait alors le portefeuille des travaux publics par intérim, nous a dit et répété que la question des péages était si complexe, si difficile à résoudre, qu'il fallait qu'elle fût soumise à une commission spéciale.

La nomination de cette commission s'est singulièrement fait attendre. Enfin elle s'est réunie en décembre 1858, ses travaux ont été interrompus deux fois, d'abord par les vacances que la Chambre s'est données au nouveau, puis à propos du carnaval.

M. H. de Brouckere. - La commission avait terminé avant les secondes vacances.

M. Sabatier. - M. de Brouckere a raison, nos séances ont été closes avant les jours du carnaval, mais la lecture du rapport n'a eu lieu qu'à la rentrée des Chambres, nous avons ainsi perdu trois semaines pour approuver le rapport.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Mais personne ne vous reproche le temps que vous avez mis à votre examen.

M. Sabatier. - Je dis cela parce que dans une précédente séance M. le ministre des travaux publics a prétendu qu'un travail qui av²ait (page 1108) occupé une commission spéciale pendant trois mois et qui avait conséquemment été l'objet de longues études et de longues discussions, ne pouvait pas être lu et apprécié en quelques jours. Cette réponse a été faite lorsque l'honorable M. Charles de Brouckere demandait la présentation d'un projet de loi assignant à M. le ministre des travaux publics la deuxième quinzaine d'avril pour tout délai. J'ai voulu montrer que la question des péages ne nécessitait pas tout le temps que semblait réclamer le gouvernement pour son examen ; la commission spéciale a eu en tout et pour tout vingt-deux heures de séance et de son côté M le ministre des travaux publics a eu dix fois le temps de présenter un projet de loi.

Peut-on citer une question qui ait été aussi souvent débattue devant la Chambre et pour laquelle on soit mieux préparé à voter ?

Eh bien, après l'argument du temp nécessaire à son étude, viennent aujourd'hui d'autres arguments, pour ne pas dire excuses. D'accord sur le fond, on veut sembler ne pas l'être sur le quantum de la réduction demandée et enfin sur l'opportunité d'une mesure réclamée par tant d'intérêts.

M le ministre des finances nous a dit tout à l'heure que le quantum indiqué par la commission spéciale, c'est-à-dire 40 p. c. de réduction sur les péages du canal de Charleroi lui paraissait trop élevé. Comme il n'y a aucune indiscrétion à parler de ce qui s'est passé dans le sein de la commission, je vous dirai que le chiffre de 60 p. c. de réduction a été reconnu devoir être appliqué...

- Un membre. - Pourquoi pas tout ?

M. Sabatier. - Pourquoi pas tout ? me dit-on. J'espère que l'on ne va pas me prêter l'idée absurde de ne plus vouloir de péage du tout, comme sur le canal de Gand à Bruges, où l'Etat dépense beaucoup et ne reçoit rien.

Ce que je demande c'est que, lorsqu'une voie de communication rapporte à elle seule la moitié de la recette totale de tous les canaux et rivières du pays et que les frais d'entretien ne représentent pas un douzième des recettes, on opère une réduction raisonnable de ses péages, alors surtout qu'on reconnaît le bien fondé de nos réclamations.

Je continue et dis que la commission spéciale avait reconnu juste une réduction de 60 pour cent.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - La minorité.

M. Sabatier. - Il ne nous a manqué qu'une voix pour que les 60 p. c. soient admis, et quand on considère de quelle manière la commission était composée, je trouve que l'on peut à peine invoquer ici la minorité.

Je tiens à répondre complétement à l'interruption de M. le ministre des finances avant de poursuivre mon argumentation, et je dis qu'il était très difficile d'arriver à une majorité, alors que trois agents du gouvernement faisaient partie de la commission. (Interruption.)

Mais, mon Dieu ! messieurs, je ne dis rien de désagréable pour les honorables agents avec lesquels je me suis trouvé en commission. Ce n'est pas parce qu'ils étaient de la commission qu'ils se sont prononcés contre la demande de réduction générale, mais je dis qu'ils n'ont été nommés que parce qu'ayant tous trois écrit sur la matière en discussion, le gouvernement prévoyait parfaitement leur vote négatif.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Ils n'étaient pas tous de la même opinion.

M. Sabatier. - Permettez-moi donc de savoir ce qui s'est passé dans le sein de la commission. Il n'y a eu dissidence que sur la question d'un dégrèvement partiel en faveur du Centre.

Bref si le chiffre de 60 p. c. de réduction n'a pas été admis c'est qu'un membre a déclaré qu'il ne donnait son appui qu'à un chiffre que le gouvernement n'aurait plus aucune raison de repousser.

Il est aisé de dire, comme l'honorable M. B. Dumortier : Nous avons une recette, il faut la conserver. Mais combien de temps la conserverez-vous cette recette ? Ne savez-vous pas qu'il y a péril en la demeure et qui, si vous ne venez pas en aide au batelage, la recette sur laquelle vous comptiez si bien pourrait vous échapper ?

M. le ministre des finances prétend qu'une réduction de 40 p. c. amènerait un déficit de 700,000 francs dans le produit du canal de Charleroi. Cela serait si l'on ne transportait pas plus qu'aujourd'hui ; mais faut-il que je revienne encore sur cette éternelle vérité économique, que l'abaissement du prix du transport amène toujours un surcroît de trafic ? C'est ce surcroît de trafic que l'on doit rechercher, et le déficit dont on veut effrayer la Chambre disparaîtra.

Pouvez-vous douter un instant qu'il soit possible d'augmenter les chiffres du transport ? Mais je vais vous citer quelques produits dont le transport nous serait acquis, si le péage n'était pas aussi élevé. Nous discuterons demain sans doute une réclamation des sauniers de l'intérieur du pays qui prétendent que l'emploi de l'eau de mer est si avantageux aux sauniers du littoral que ceux-ci feront bientôt taire toute concurrence. On réplique à cela que par contre les sauniers du littoral doivent faire venir le charbon, dont ils ont besoin, à grands frais.

Eh bien, ne voyez-vous pas que si le transport des charbons se faisait à de meilleures conditions. l'industrie du raffinage se déplacerait et serait l'occasion d'un trafic considérable de charbon sur le canal ? Abaissez les péages, vous aurez immédiatement à transporter des minerais de la Campine que le prix actuel du fret ne permet pas de recevoir dans le bassin de Charleroi ; enfin vous transporteriez aussi une grande quantité de briques de Boom.

Je pourrais citer encore bien d'autres objets qui viendraient augmenter le trafic du canal de Charleroi ; mais plus de détails me paraissent superflus.

M. le ministre des finances a dit encore que les chemins de fer concédés ne faisaient aucune concurrence au canal, attendu qu'il ne connaissait pas de transport par voie ferrée coûtant moins de 5 fr. par 1,000 kil. pour Bruxelles, tandis que le fret est en ce moment de 3 fr. 50 c. Il y a là erreur de chiffres et d'appréciation. Par les chemins de fer de Louvain et du Luxembourg combinés on obtient les charbons à Bruxelles au prix de transport de 3 fr. 82 c. et non pas 5 fr. Quant au fret, j'irai plus loin que M. le ministre des finances et je dirai qu'il est à 3 fr. 25 c. Mais ce bas prix du fret n'est-il pas la preuve la plus convaincante de la misère des bateliers et de la nécessité où ils se trouvent d'accepter le peu qu'on veut leur offrir ; cette situation ne prouve-t-elle pas mieux que tout ce que l'on pourrait dire à ce sujet combien est déplorable la position du batelage ?

Ainsi, messieurs, si l'on suppute les frais faits pour le transport de charbons, autrement dit si l'on fait le prix de revient du transport, on reconnaît qu'à moins de 4 fr. 82 c, y compris le transport des fosses au lieu de chargement, il est impossible que les bateliers fassent leurs affaires. Veuillez noter que par le chemin de fer de Louvain le prix de 3 fr. 82 1/2 c. comprend le transport partiel jusqu'aux fosses.

Le fret de 3-25 tel qu'il existe aujourd'hui ne permet pas aux bateliers de se procurer du pain.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Ce sera la même chose après la réduction.

M. Sabatier. - Non, M. le ministre, ce ne sera pas la même chose, par la raison que, lorsque vous aurez, par une diminution de péage, permis aux bateliers d'effectuer des transports ; quand vous aurez organisé le service sur le canal de Charleroi de manière à assurer ces transports, ces bateliers, du moins, auront de l'ouvrage. (Interruption.)

Vous prétendez que l'augmentation de transports la plus considérable qu'on puisse obtenir est de 10 p. c. Eh bien, cela n'est pas soutenable, et tous les hommes techniques à l'opinion desquels vous avez fait allusion devront bien une fois reconnaître que quand le service du canal sera bien organisé, quand on aura donné au canal l'eau qui lui manque....

M. H. de Brouckere. - Voilà la question.

M. Sabatier. - La question est très facile à résoudre et à très peu de frais.

On s’est obstiné à ne pas faire au canal certains travaux d'une nécessité absolue et bien autrement utiles que ceux que l'on a décrétés récemment encore, et dont l'exécution aurait pour effet de rendre le canal parfaitement navigable.

Voilà où est la question. J'ai également voulu la débattre dans la commission spéciale ; mais nous n'étions pas là pour l'examiner, et j'ai dû attendre un moment plus opportun pour démontrer qu'on pourrait augmenter, non pas de 40 p. c, mais de 50 p. c, les transports sur le canal de Charleroi.

Voilà la vérité, je la maintiens et me réserve de l'établir de la manière la plus évidente quand l'occasion m'en sera offerte.

Maintenant M. le ministre des finances a dit une chose vraie et que je reconnais sans difficulté parce que, dans une discussion de ce genre, il faut mettre toute la loyauté possible. Il y a trop de bateaux sur le canal de Charleroi. Cela est parfaitement vrai. Mais qu'avons-nous fait en commission ? Nous avons reconnu ce fait et si bien que nous avons établi les calculs de ce que coûte ce transport, dans la pensée qu'on permettrait aux bateaux de faire un plus grand nombre de voyages pendant l'année.

Il est évident que si 700 bateaux seulement sur 1,000 trouvent actuellement des transports, tous auraient de l'occupation si l'on multipliait les voyages et si la circulation était rendue plus active. De sorte que je reconnais que les entrepreneurs de transports par bateau se font actuellement une concurrence fatale ; mais n'est-ce pas là précisément une des raisons les plus puissantes pour que M. le ministre des travaux publics fasse exécuter les travaux nécessaires afin de permettre aux bateliers d'effectuer plus de voyages qu'en ce moment ? La situation actuelle impose au gouvernement le devoir d'organiser le service sur le canal de Charleroi de manière que cette voie de communication réponde à tous les besoins du commerce et de l'industrie.

Ce n'est pas, nous dit-on, dans les circonstances actuelles qu'on peut songer à un abaissement de péages ; mais dans quelles circonstances donc pourra-t-on alors prendre une pareille mesure ? On reconnaît le fondement de notre réclamation, niais on ajoute que le moment n'est pas opportun pour y faire droit. Je suis, moi, d'un avis diamétralement opposé. Les circonstances actuelles me semblent on ne peut mieux choisies pour décréter un abaissement de péages et pour venir ainsi en aide à nos malheureux bateliers.

(page 1109) Les circonstances politiques auxquelles M. le ministre des finances a fait allusion, loin d'être un obstacle à cette mesure, me paraissent commander, au contraire, qu'on ne la diffère pas plus longtemps ; et je ne comprendrais pas que l'on reculât devant une dépense de quelques millions de francs, pour des travaux reconnus nécessaires, alors que nous avons vu l'empressement avec lequel la Chambre a voté un crédit, porté en quelques jours de 5 à 9 millions et demandé pour le département de la guerre. Ne perdez pas de vue une chose essentielle, messieurs, c'est que la recette sur laquelle vous comptez du chef des transports par le canal de Charleroi finira par vous échapper et que vous devrez alors accorder une réduction de péages beaucoup plus forte pour rendre plus d'activité à la navigation.

Je termine, messieurs, en appuyant la proposition faite par l'honorable M. Jouret, de réunir la section centrale, de prier cette section d'appeler dans son sein les membres de la Chambre qui ont travaillé dans la commission spéciale, d'écouter les observations qu'ils pourraient avoir à faire et de déposer leur rapport le plus promptement possible.

M. A. Vandenpeereboom. - Il me semble que la discussion va singulièrement à la dérive. Au lieu de discuter la proposition primitivement faite, nous discutons réellement le fond de la question De quoi s'agit-il aujourd'hui ? Il ne s'agit pas de savoir s'il y a lieu de réduire les péages sur le canal de Charleroi ; mais d'examiner si l'on discutera la question dans la présente session. Eh bien, très franchement je dis que, selon moi, cette discussion avant la fin de la session est complétement impossible. Elle est impossible par deux motifs : le premier, ce sont les raisons que le gouvernement a données, raisons tirées des circonstances actuelles. Le second, c'est la nature même de la discussion actuelle.

Il est certain que nous ne serons plus réunis pendant bien longtemps Or, la discussion serait très longue, puisque du moment où l'on prononce le nom du canal de Charleroi, une foule d'orateurs demandent la parole, et que l'on vient de discuter pendant cinq quarts d'heure pour savoir si l'on discuterait. Si l'on emploie cinq quarts d'heure sur une question préalable, combien de temps ne prendra pas la discussion du fond ? Il ne faut pas croire que du moment où l'on fera une proposition tout le monde sera d'accord.

Un certain nombre de membres croiront le moment peu opportun. D'autres feront des propositions, ils demanderont également des réduction sur d'autres voies navigables.

Un membre. - Sur l'Yser.

M. A. Vandenpeereboom. - Je ne parle pas de l'Yser.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Les propositions comprennent cette réduction.

M. A. Vandenpeereboom. - Il y aura de plus discussion sur le quantum de la réduction.

En un mot cette discussion sera très longue. Je crois que la session ne durera plus assez longtemps pour l'aborder. Je demande qu'on laisse au gouvernement toute sa latitude. Il est bien disposé, et il me semble que les personnes qui ont intérêt à voir abaisser les péages, devraient être très satisfaites de la déclaration que le gouvernement vient de faire. Ce que nous avons de mieux à faire, c'est de laisser au gouvernement toute sa liberté et de passe à un autre objet pour épuiser le plus promptement possible notre ordre du jour et rentrer dans nos foyers. Le moment des élections n'est pas loin et plusieurs d'entre nous éprouvent le besoin de se trouver dans leur district : voilà pourquoi je demande que la Chambre continue à s'occuper des objets à l'ordre du jour.

M. Faignart. - Nous prenons acte de la déclaration que vient de faire M. le ministre. Il reconnaît qu'il y a lieu de faire droit à nos réclamations, et de soumettre à la Chambre, soit un projet de loi qu'il voudra bien nous présenter, soit le rapport de la commission instituée pour examiner le projet de réduction des péages sur le canal de Charleroi.

Cette question n'est pas nouvelle, la Chambre la connaît ; depuis plus de deux ans, elle est soumise à son examen ; plusieurs rapports ont été faits, et cependant, le gouvernement vient seulement de nous dire que l'ayant sérieusement examinée, il reconnaît qu'il y a lieu de faire droit à notre demande.

L'état actuel est très fâcheux, il est fâcheux pour les consommateurs, il est déplorable pour les bateliers, ainsi que pour les exploitants. En ce moment, les charbons restent sur place, et l'on est obligé de restreindre considérablement l'extraction en attendant une solution prochaine, car si cet état d'incertitude continue, le chômage est imminent.

Je voudrais que M. le ministre tînt la promesse qu’il nous a faite et qu'il présentât le projet qu'il nous a promis ; la Chambre examinera alors si elle veut le discuter pendant cette session, mais il est indispensable que les intéressés sachent à quoi s’en tenir sur ce qu’ils doivent attendre du ministère à la suite de leurs justes réclamations, et sur la solution qui sera donnée aux nombreuses pétitions qui nous ont été adressées depuis quelques années. Cette question mérite une prompte solution et j'espère qu'aucun prétexte ne la fera ajourner plus longtemps.

Je ne répondrai pas à l'honorable M. Dumortier, je pense que le moment n'est pas venu d'entrer dans les détails ; je dirai seulement que lorsqu'une injustice est signalée, et surtout lorsqu'elle est reconnue fondée, aucune considération ne peut être invoquée pour en éloigner le redressement, le devoir du gouvernement est de la faire disparaître quelles que soient les circonstances.

Il est donc évident qu'il y a une justice à rendre et pour cela le moment est toujours venu, quoi que dise M. le ministre des finances, qu'il n'est pas bien choisi. On peut avoir des embarras, mais combien dureront-ils ? Personne ne le sait.

Attendrez-vous un an, deux ans, dix ans, peut être, pour rendre justice ? Si c’est trop tôt aujourd'hui, peut-être sera-ce trop tard demain. Je ne sais quand le temps sera plus propice.

Je crois, quant à moi, qu'il ne saurait être mieux choisi ; puisqu'on reconnaît le mli, il faut y porter remède, c'est un devoir pour le gouvernement de présenter son projet, et comme je l'ai dit tantôt, s'il ne convient pas à la Chambre de le voter, elle sera libre ; mais je crois que le ministère doit tenir à exécuter sa promesse, et j'espère qu'il n'y faillira pas. J'ai dit.

M. Coomans. - Messieurs, il me semble qu'il y a une raison grave en faveur de la proposition de l'honorable M. Jouret. La Constitution accorde à tous les membres de cette assemblée le droit d'initiative. Un grand nombre de membres ont signé la proposition, une proposition de loi dont l'examen est sans cesse ajournée. Il est raisonnable, il est juste, il est convenable que cette proposition vienne devant la Chambre et que la Chambre la discute avant la fin de cette session.

Le gouvernement lui-même doit le désirer, pour ne pas assumer seul toute la responsabilité, la responsabilité grave du rejet d'une proposition juste. Les propositions qui s'appuient surtout sur des raisons de justice admettent moins que d’autres des ajournements.

le conclus donc à ce que la section centrale dépose son rapport, et la Chambre, qui est souveraine, prononcera.

M. L. Goblet. - Messieurs, les observations de M. le ministre des finances ont été suffisamment combattues par l'honorable M. Sabatier, et je crois pouvoir me dispenser d'insister sous ce rapport. Mais il me reste à demander s'il est bien juste d'argumenter des circonstances exceptionnelles où nous nous trouvons, pour refuser de rendre justice à des administrés dont la position est encore aggravée par ces mêmes circonstances.

L'honorable M. Dumortier a dit que tout le monde n'est pas de notre avis. Eh bien quand la Chambre sera saisie du projet de loi, nous saurons bien mieux encore ceux qui sont pour et ceux qui sont contre.

Ce qui doit surtout nous déterminer, messieurs, à ne pas ajourner cette question, c'est que l'incertitude fait encore plus de mal que le maintien des péages actuels, l'indécision paralyse toutes les opérations: les uns comptent sur les promesses du gouvernement et n'expédient pas ; les autres ne comptent plus sur ces promesses et se laissent aller au découragement le plus complet.

On dit aux bateliers : Votre cause est juste, mais les circonstances ne permettent pas qu'il soit fait droit à vos plaintes C'est là une fin de non-recevoir que certes nous ne pourrions repousser, si réellement elle était absolue, car nous désirons tous que le pays possède le plus de ressources possible pour traverser une crise aussi grave que celle qui agite l'Europe.

Mais les calculs de M. le ministre des finances ne sont pas assez concluants pour que l'on puisse conclure ainsi que la réduction des péages doit nécessairement rendre la situation des finances moins bonne.

Si, par exemple, on rendait les voyages des bateliers sur le canal plus nombreux, en ordonnant d'écluser la nuit comme le jour, on pourrait doubler les transports et dès lors il n'y aurait plus de réduction considérable dans la recette et le nombre des bateaux ne serait plus excessif. M. le ministre des finances a parlé de la différence entre les prix de transport par le chemin de fer et le prix du fret sur le canal ; il a perdu de vue, dans son calcul, que le transport par le canal entraîne beaucoup de frais accessoires qui n'existent pas pour le transport par les voies ferrées et c'est là un point extrêmement important. Ainsi il y a des frais de transbordement, d'emmagasinage par les bateliers, tandis que presque toutes les fosses sont reliées au chemin de fer par des embranchements, ce qui permet de livrer le charbon à plus bas prix qu'on ne peut le faire quand le transport a lieu par les canaux.

Il serait donc facile de prouver, messieurs, que les chiffres de M. le ministre des finances ne sont pas aussi fondés qu'il le croit, et que les conclusions qu'il en tire sont loin d'être positives.

Messieurs, on a insisté sur la question de justice. La question de justice est d'autant plus importante que notre position politique est plus difficile. Il faut que nous restions tous unis et qu'il n'y ait pas un Belge qui puisse reprocher au gouvernement d'être injuste à son égard, alors surtout que ce dernier est peut-être à la veille de demander des sacrifices importants au pays.

M. le ministre des travaux publics (M. Partoes). - Je commence par répéter l'observation qui a été faite par l'honorable. M. A. Vandenpeereboom : il ne s'agit pas de savoir si nous réduirons ; nous sommes d'accord à cet égard ; il s'agit de savoir quand nous réduirons, aujourd'hui ou plus tard. C’est une question de temps.

Il y a, messieurs, en faveur de l'ajournement indéterminé, nécessairement indéterminé, que le gouvernement propose, un argument dont personne n'a contesté la valeur, ce sont les circonstances extérieures. Y a-t-il, pour la solution immédiate, un argument d'une égale force ?

Je pense que la seule considération en faveur d’une solution immédiate que l'on ait produite, c'est qu'une classe spéciale de contribuables (page 1110) souffre et qu'il est injuste de faire peser sur eux ces sacrifices qui ne pèseraient pas sur d'autres. Eh bien, messieurs, mon honorable collègue des finances a démontré, par des chiffres qui n'ont pas été réfutés, que les bateliers ne profiteront pas de la réduction.

Il l'a prouvé d'abord en nous citant les prix de transport comparés du chemin de fer et du canal : les prix du chemin de fer sont plus élevés que ceux du canal, et dès lors le chemin de fer ne fait pas une concurrence ruineuse au canal. Cela me paraît incontestable. M. le ministre des finances a cite ce deuxième fait, que le produit total de transports par le canal va sans cesse croissant ; il n'y a par conséquent pas manque de transports. Qu'est-ce donc qu'il y a ? Deux choses ; nos honorables contradicteurs ont reconnu qu'il y a sur abondance de bateaux ; le batelage se fait concurrence à lui-même. C'est un aveu bien remarquable. Est-ce qu'un abaissement de tarif va améliorer cet état de choses ? Evidemment non, un abaissement du péage ne réduira pas le nombre des bateaux. Il y a en second lieu les défectuosités du service du canal. Encore une fois la réduction des péages va-t-elle faire disparaître ces défectuosités ? (Interruption.) Il faut faire des travaux, me dit-on, afin d'augmenter le volume des eaux. Mais pour faire des travaux il faudrait des fonds et vous proposez d'enlever 600,000 ou 700,000 francs par an !

Qu'est-il arrivé en 1849 ? On a abaissé le péage de 3 fr. 7 c. à 2 fr. Eh bien, les bateliers n'ont pas profité de cette réduction. Immédiatement le fret a baissé du montant de la réduction. Est-ce que le même phénomène ne va pas se reproduire ? Je prétends qu'il se reproduira inévitablement, puisqu'il y a plus de bateaux qu'il n'y a de transports et que le fret par eau n'a pas cessé d'être moins élevé que le fret par chemin de fer.

Je dis donc, messieurs, que si l'on invoque en faveur d'une solution immédiate cette circonstance que le sacrifice porterait sur une catégorie spéciale de contribuables, cet argument n'est pas fondé. Je dis que la réduction ne profitera pas aux bateliers. Or c'est la cause des bateliers qu'on invoque.

La seule considération sérieuse à faire valoir en faveur d'une réduction, c'est qu'il n'y a pas de raisons déterminantes pour que sur un seul canal, il y ait un péage infiniment supérieur à celui qui existe sur les autres canaux. C’est cette considération qui a engage le gouvernement à arrêter en principe qu'il soumettrait à la Chambre un projet de réduction de péage ; mais je pense aussi que l'immense majorité de cette Chambre sera d'accord pour s'en rapporter au gouvernement quant au moment où cette mesure pourra être réalisés, et qu'elle reconnaîtra qu'une diminution notable des revenus publics, inappréciable dans ses effets, pour ceux dont on plaide la cause, serait fort inopportune dans des circonstances qui commandent une extrême circonspection. La Chambre voudra montrer la même prudence que le gouvernement.

M. Orts. - Messieurs, je me borne à faire ressortir un fait du discours de M. le ministre des travaux publics, et j'y trouve la preuve qu'il est impossible qu'une réduction de péage ne soit pas un remède aux souffrances incontestables éprouvées par les bateliers. M. le ministre a rappelé ce qui s'est fait à l'égard du canal de Charleroi en 1849 ; on a réduit alors les péages sur le canal de Charleroi ; cela n'a rien produit, dit-on, pour les bateliers.

Je me permettrai de dire que les bateliers me paraissent meilleurs appréciateurs de la cause de leurs souffrances que M. le ministre des travaux publics ; en 1849, ils ont demandé et obtenu une réduction de péages ; aujourd'hui ils éprouvent les mêmes souffrances, et ils réclament encore le même remède, c'est-à-dire une réduction de péages.

Du reste, il me paraît résulter de la nature même des choses qu'une réduction doit amener, au moins dans une certaine mesure, une circulation plus importante ; elle aura pour conséquence un soulagement aux souffrances qu'on nous signale.

J'ajouterai un seul mot sur l'argument qu'on tire des circonstances où nous nous trouvons, pour demander l'ajournement de la discussion. Cet argument me touche très peu.

En 1849, nous éprouvions des nécessités financières à peu près les mêmes que celles que nous éprouvons aujourd'hui ; je crois même qu’elles étaient alors plus pressantes ; et cependant les circonstances dans lesquelles nous nous trouvions à cette époque ne nous ont pas empêché de voter une réduction de péage sur le canal de Charleroi ; nous ne sommes pas aujourd'hui dans l'état de crise où nous étions en 1849, et je ne pense pas qu'une réduction sur le canal de Charleroi affectât nos finances d'une manière sensible.

M. le président. - Personne ne demande plus la parole et aucune proposition n'était faite, nous reprenons l'ordre du jour.

Projet de loi allouant une pension à Madame veuve Dumont

Discussion générale

M. Lelièvre. - Le projet de loi est un de ceux qu'on est heureux de voter et auxquels les Chambres législatives s'honorent d'imprimer leur sanction.

Le rapport de l'honorable M. Muller est empreint des sentiments généreux qui caractérisent notre excellent collègue. Il retrace noblement le mérite d'André Dumont et les titres de sa famille à une récompense nationale.

Le pays entier s'associera à l'acte de justice proposé par le gouvernement. Ce sera une nouvelle preuve que la Belgique honore la mémoire de ses enfants qui l'ont illustrée par leurs connaissances et leurs vertus.

Personne ne demandant plus la parole dans la discussion générale, on passe aux articles.

Vote des articles et vote sur l’ensemble

« Art. 1er. Une pension annuelle et viagère de deux mille francs (fr. 2,000) est accordée, à dater du 1er janvier 1859, à la dame Amélie-Hyacinthe Dejaer, veuve d’André-Hubert Dumont, recteur de l’université de Liége, membre de l’Académie royale de Belgique, commandeur de l’ordre de Léopold, etc.

« Cette pension est réversible en entier sur les trois enfants ci-après nommés, de la dame veuve Dumont, jusqu'à la majorité du plus jeune, savoir :

« Dumont, Jean-Baptiste-Antoine-André, né à Liége le 10 juillet 1843,

« Dumont, Jules-Léonard, né à Liége le 14 juillet 1844 ;

« Dumont, Léon-André, né à Liége, le 9 octobre 1847. »

- Adopté.


« Art. 2. Les crédits ouverts à l'article du budget de la dette publique pour l’exercice 1859 seront augmentés de 2,000 fr.

« Cette augmentation de crédit sera couverte au moyen des ressources ordinaires »

- Adopté.


Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet de loi.

Le projet de loi est adopté à l'unanimité des 65 membres présents. Il sera transmis au Sénat.

Ont adopté : MM. E. Vandenpeereboom, Vander Donckt, Vanderstichelen, Van Iseghem, Van Leempoel, Vermeire, Allard, Coomans, Coppieters 't Wallant, de Baillet-Latour, de Boe, de Bronckart, H. de Brouckere, Dechentinnes, De Fré, Deliége, de Luesemans, de Mérode-Westerloo, de Moor, de Muelenaere, de Renesse, de Ruddere de Te Lokeren, Desmaisières, de Smedt, de Terbecq, de Theux, Devaux, Dolez, Dubus, B. Dumortier, H. Dumortier, d'Ursel, Faignart, Frère-Orban, A. Goblet, L. Goblet, Godin, Jacquemyns, J. Jouret, Landeloos, Lange, Laubry, J. Lebeau, Lelièvre, Loos, Magherman, Mascart, Moncheur, Muller, Nélis, Notelteirs, Orban, Orts, Pierre, Pirmez, Prévinaire, Rodenbach, Rogier, Sabatier, Saeyman, Tack, Thiéfry, Vanden Branden de Reeth, A. Vandenpeereboom et Verhaegen.

Projet de loi accordant un crédit de 25,000 fr. au budget du ministère de l’intérieur, pour l’acquisition des collections scientifiques du professeur Dumont

Vote de l’article unique

« Article unique. Il est ouvert au département de l'intérieur un crédit de vingt-cinq mille francs (25,000 fr.), destiné à acquérir, au nom et pour compte de l'Etat, les collections minéralogiques ainsi que les manuscrits et cartes se rapportant à ces collections, délaissés par feu M. André Hubert Dumont, recteur de l'université de Liège, membre de l'Académie royale de Belgique, commandeur de l'ordre de Léopold, etc.

« Ce crédit, qui sera couvert au moyen des ressources ordinaires, sera rattaché, sous l'article 105, Abis, au budget du département de l'intérieur, pour l'exercice 1859. »

- Personne ne demandant la parole, il est procédé au vote par appel nominal.

Le projet de loi est adopté à l'unanimité des 61 membres présents. Il sera transmis au Sénat.

Ont adopté : MM. E. Vandenpeereboom, Vander Donckt, Vanderstichelen, Van Iseghem, Van Leempoel, Vermeire, Allard, Coomans, Coppieters 't Wallant, de Baillet-Latour, de Boe, de Bronckart, H. de Brouckere, Dechentinnes, De Fré, Deliége, de Luesemans, de Mérode-Westerloo, de Moor, de Renesse, de Ruddere de Te Lokeren, Desmaisières, de Smedt, de Terbecq, Devaux, Dolez, Dubus, B. Dumortier, H. Dumortier, d'Ursel, Faignart, Frère-Orban, Albert Goblet, Louis Goblet, Godin, Jacquemyns, Landeloos, Lange, Laubry, J. Lebeau, Lelièvre, Loos, Magherman, Moncheur, Muller, Nélis, Notelteirs, Orban, Orts, Pierre, Pirmez, Prévinaire, Rodenbach, Rogier, Sabatier, Saeyman, Tack, Thiéfry, Vanden Branden de Reeth, A. Vandenpeereboom et Verhaegen.

Rapports de pétitions

M. Coomans, rapporteur. - Messieurs, j'ai à vous présenter un second rapport sur des pétitions qui nous sont parvenues au sujet de la réforme des lois de milice. Dans la séance du 17 mars 1858, j'ai eu l'honneur de vous faire un rapport détaillé sur 1,721 pétitions revêtues de 64,161 signatures. Depuis cette époque, il nous a été adressé encore 176 pétitions avec 7,577 signatures, en sorte que le nombre total de ces pétitions est de 1,897, et celui des signatures de 71,759. A mon présent rapport sont annexées les 176 pétitions dont je viens de parler.

Votre commission vous propose, messieurs, l'envoi de ces documents à M. le ministre de l'intérieur, en l'invitant à hâter les travaux préliminaires de la révision qu'il a lui-même annoncée de notre législation sur le recrutement militaire. Votre commission pense que cette réforme est une œuvre utile et urgente qui est impatiemment attendue par toutes (page 1111) les classes de la population et qui peut favoriser à la fois les intérêts de l'armée et ceux des familles laborieuses.

- Ces conclusions sont mises aux voix et adoptées.

Prompts rapports de pétitions

M. Vander Donckt, rapporteur. - Par pétition datée de Frameries, le 29 mars 1859, des receveurs communaux dans l'arrondissement de Mons prient la Chambre d'établir en leur faveur une caisse de retraite ou de les faire participer aux bénéfices de celle des secrétaires communaux.

Les pétitionnaires prétendent qu'eux aussi rendraient de grands services, non seulement aux communes, mais à l'Etat en général, et que leur position est aussi digne d'intérêt que celle des secrétaires communaux.

La commission a l'honneur de vous proposer le renvoi au ministre de l'intérieur.

- Ces conclusions sont adoptées.


M. Vander Donckt, rapporteur. - Par pétition datée de Menin le 7 avril 1859, des habitants de Menin demandent la construction d'un canal reliant la Lys à l'Yperlée.

Messieurs, il n'y a pas de demande de concessionnaire, c'est une simple demande que les pétitionnaires font valoir ; ils signalent dans la pétition les avantages considérables qui résulteraient pour les localités que ce canal traverserait. Votre commission conclut au renvoi de cette pétition au ministre des travaux publics.

M. H. Dumortier. - La pétition des habitants de Menin dont vous venez d’entendre l'analyse est relative à une question d'une grande importance et qui fait depuis bien longtemps l'objet de nombreuses demandes émanées des chambres de commerce de Mons, de Tournai, de Courtrai, d’Ypres et d'Ostende.

En demandant la construction d'un canal de jonction entre la Lys et le canal d'Ypres les pétitionnaires demandent le complément nécessaire de la grande ligne de navigation en ligne directe entre le bassin houiller de Mons et le bassin de la Sambre et la mer du Nord.

Pour compléter cette ligne continue de navigation traversant toute la partie méridionale du pays de l'est à l'ouest, il fallait la construction de deux canaux, celui de Court rai à Bossuyt et celui de Menin à Ypres.

La construction du premier sera achevée dans un avenir très prochain ; le moment semble donc arrivé pour compléter la grande œuvre dont je parlais tantôt, par le creusement du canal de Menin à Ypres.

La meilleure preuve de l'importance de ce travail, c'est que tous les gouvernements qui se sont succédé en Belgique depuis un siècle s'en sont tous préoccupés.

Les premières études qui ont été faites relativement à la jonction de la Lys à l'Yperlée datent même du temps de Vauban.

Sous l'empire, l'administration française s'est également occupée de cet objet.

De nouvelles études ont été ordonnées par le gouvernement à la fin du royaume des Pays-Bas.

Enfin, sous le gouvernement actuel, des ingénieurs qui ont attaché leurs noms à tant de grands travaux, MM. Noël et Walters ont été chargés de compléter l'instruction de cette importante affaire.

C'est surtout en parcourant les documents que ces savants ingénieurs ont adressés au gouvernement que l'on peut se convaincre de la grande utilité qu'il y aurait pour le pays de compléter cette œuvre nationale.

Permettez-moi, messieurs, de faire une courte citation d'un mémoire de M. l'ingénieur Walters.

« C'est avec raison, dit-il, que le gouvernement attache de l'importance au projet de réunir l'Escaut et l'Yperlée. Cette réunion est le complément d'un grand système. C'est la dernière lacune à remplir d'une ligne considérable commençant dans le Luxembourg et aboutissant à la mer du Nord, occupant par conséquent tout le grand diamètre du pays. C'est là un ouvrage d'intérêt général pour une très grande partie de la Belgique, et sous ce rapport il me paraît digne de l'attention et de la protection du gouvernement. »

Le témoignage d'hommes aussi compétents dans de pareilles questions, placés par leur position même dans des conditions de parfaite impartialité, doit nécessairement exercer une grande influence sur les déterminations du gouvernement

La distance qui sépare Menin d'Ypres est d'environ 3 à 4 lieues. La dépense qu'exigerait l'exécution de ces travaux ne serait pas hors de proportion avec les avantages qui en résulteraient pour plusieurs provinces.

Outre ces avantages généraux, au point de vue de l'agriculture, du commerce et de l'industrie, la construction de ce canal contribuerait fortement à donner une impulsion fort utile au travail dans les villes de Courtrai, de Menin, d'Ypres, etc.

La ville de Menin, entre autres, est d'autant plus digne de toute la sollicitude du gouvernement qu'elle a éprouvé des pertes très considérables par suite de la démolition de ses remparts et en cessant d'être une de nos villes fortes.

Je soumets donc avec confiance ces observations à l'attention de M. le ministre des travaux publics et je recommande vivement la pétition des habitants de Menin à sa bienveillante sollicitude.

M. A. Vandenpeereboom. - Je n'ajouterai que quelques mots aux observations que vient de présenter mon honorable collègue M. Dumortier. Je me contente d'appuyer les conclusions de la commission qui sont le renvoi à M. le ministre des travaux publics. La communication que demande la ville de Menin a été demandée depuis longtemps par les villes d'Ypres et de Courtrai. Ypres y a un intérêt immense.

Il s'agit de compléter une grande ligne et de relier toute cette partie du pays au Hainaut.

Je crois que le moment n'est pas venu de discuter la question, c'est pour cela que je me contente pour le présent d'appuyer les conclusions de la commission. Il n'y a pas de demande en concession, mais je sais que quelqu'un est disposé à demander la priorité pour une concession.

Je crois que nous aurions un demandeur ; mais si personne ne se présentait, nous examinerions s'il n'y a pas lieu d'engager le gouvernement, lorsqu'il présentera un projet de loi de travaux publics, à exécuter ce canal aux frais de l'Etat pour compléter cette grande ligne de communication.

Je me borne à appuyer les conclusions de la commission.

M. B. Dumortier. - S'il y avait une demande en concession, je n'aurais pas d'observation à présenter ; mais s'il s'agissait de faire ce canal aux frais de l’Etat, je prierais le ministre de vouloir examiner quelle serait la direction la plus fructueuse dans l'intérêt des Flandres. A mon avis, ce serait celle qui passerait par Roulers, en canalisant la Mandeel. Cette direction aurait une grande utilité en ce qu'elle donnerait un moyen de communication à un pays qui en est privé.

Et il me semble souverainement juste que le gouvernement fasse étudier le travail dont je parle et de ne point accorder toujours aux mêmes districts alors que d'autres, qui ont cependant leur large part dans les charges publiques, n'obtiennent rien. Je demande donc que M. le ministre fasse aussi étudier cette direction qui, selon moi, est plus nationale et serait plus fructueuse que l'autre.

- Les conclusions de la commission sont mises aux voix et adoptées.


M. Vander Donckt, rapporteur. - Par pétition datée de Gulleghem, le 4 avril 1859, des habitants de cette commune demandent une loi qui supprime les dépôts de mendicité et les remplace par des établissements agricoles.

Les pétitionnaires font valoir que le régime actuel des dépôts de mendicité n'a pas eu pour effet de supprimer la mendicité ni le vagabondage ; qu'au contraire les détenus s'y corrompent de plus en plus et finissent par y devenir de véritables fainéants et un danger pour la société.

La preuve qu'il en est ainsi, c'est que ce sont presque toujours les mêmes individus qui, à peine relâchés, ne tardent pas à y rentrer et sont ainsi une charge permanente pour leurs communes. En conséquence, les pétitionnaires demandent que, pour le cas où l'on maintiendrait les dépôts de mendicité, on y remplace les travaux actuels par des travaux agricoles. Votre commission, messieurs, vous propose le renvoi de la pétition à M. le ministre de la justice.

(page 1120) M. H. Dumortier. - De temps en temps nous entretenons la Chambre de réformes à introduire dans le régime des dépôts de mendicité, et néanmoins cette importante question reste toujours sans solution.

Cependant cette réforme a été annoncée dans le discours du trône dès 1856. Maintes fois les députations permanentes ont été consultées sur cet objet, et différents projets de loi ont été soumis à leur examen. Ce ne sont donc ni les renseignements, ni les consultations, ni les avis, ni les rapports qui manquent au gouvernement.

Quoiqu'il en soit, le projet de loi si vivement réclamé par les communes reste toujours dans les cartons du ministère de la justice : il serait bien temps de l'en faire sortir.

Nos dépôts de mendicité, pour la plupart du moins, sont depuis longtemps considérés comme des réceptacles de tous les vices, où les indigents se démoralisent plus qu'ils ne s'amendent. Tout cela a été dit et répété si souvent, que je craindrais d'abuser des moments de la Chambre si j'insistais longuement sur ce point.

D'autre part, le régime actuel est désastreux pour les finances des communes. Je pourrais occuper la Chambre pendant des séances entières, si je voulais lui donner des détails complets sur les charges écrasantes que le système actuel a imposées à nos communes.

Malgré ces énormes contributions prélevées à charge des budgets communaux, la situation financière des dépôts eux-mêmes est mauvaise ; j'ai examiné en détail cette situation et j'ai acquis la conviction qu'elle ne peut se prolonger.

Il est donc évident qu'une réforme est indispensable, urgente.

Les observations présentées par les pétitionnaires de la commune de Gulleghem om un degré de fondement qui mérite de fixer l'attention du gouvernement.

On pourrait en cette matière opérer certaines réformes utiles qui n'exigeraient pas de bien longs travaux ni de la part du département de la justice, ni de la part de la chambre.

Parmi les modifications essentielles à introduire dans l'organisation des dépôts de mendicité, figure une nouvelle classification des reclus.

L'on ne devrait plus réunir dans le même établissement les vieillards et les enfants, car malgré la création de nos écoles de réforme, il y a encore un assez grand nombre d'enfants dans les dépôts de mendicité.

Il ne faut pas non plus que les indigents amenés par la misère dans les dépôts y restent confondus avec les condamnés du chef de vagabondage, et même d'autres délits ; que les reclus valides soient mêlés aux invalides, etc. ; ce pêle-mêle d'éléments si divers qui rend toute bonne administration impossible devrait cesser d'exister.

Voilà une première considération. Une seconde observation que je présenterai à la Chambre est relative à l'organisation du travail dans ces établissements charitables. Le travail industriel auquel se livrent les détenus est peu important quant à son produit ; il est même souvent énervant pour les indigents. On voit dans les dépôts beaucoup d'hommes jeunes encore et très valides, occupés à filer, à piquer des visières de casquettes, etc.

D’un autre côté, les locaux sont tellement insuffisants dans plusieurs dépôts et dans celui de Bruges particulièrement, que l'administration ne peut pas même y établir un quartier de correction dans des conditions convenables. La commission administrative du dépôt de Bruges n'a cessé de réclamer dans presque tous ses rapports contre un pareil état de choses.

Il faut que la détention des mendiants et des vagabonds soit à la fois plus moralisatrice et moins onéreuse pour les communes.

Ce résultat, on ne pourra l'obtenir qu'en adoptant un système plus ou moins analogue à celui que proposent les pétitionnaires, c'est-à-dire en substituant au travail actuel le travail agricole. De cette manière, les indigents qui iraient demander dans les dépôts de mendicité le pain de la charité ne l'obtiendraient qu'en échange d'un travail fructueux et d'un travail qui serait rendu assez rude pour leur enlever l'envie d'y retourner, si ce n'est dans des cas de nécessité absolue.

(page 1121) On a parfois agité la question de savoir s'il n'y aurait pas utilité à supprimer les dépôts de mendicité. Cette opinion a même été émise dans cette Chambre.

Je ne puis pas partager cette opinion, les dépôts de mendicité sont un mal nécessaire, il serait impossible de les supprimer.

L'expérience est là pour le prouver. Depuis très longtemps des institutions de ce genre existent dans tous les pays.

Le gouvernement français a essayé de les supprimer par un décret du 24 vendémiaire an II ; mais il a été bientôt obligé par la force même des choses, de les rétablir.

On a dit que la plupart des dépôts de mendicité ont été supprimés en France ; c'est là une erreur manifeste.

J'ai visité, il n'y a pas longtemps encore, les principaux dépôts de mendicité en France, et je puis affirmer que le nombre de ces institutions, au lieu d'être diminué, a été augmenté.

Sous la restauration, il est vrai, quelques dépôts ont été supprimés ou plutôt transformés en établissements municipaux ; mais déjà sous le gouvernement de juillet, tes conseils généraux ont vivement réclamé l’augmentation et la réorganisation de dépôts de mendicité.

Depuis le rétablissement de l'empire surtout, la plupart des départements ont réorganisé sur des bases nouvelles leur dépôt de mendicité.

Les préfets et les conseils de préfecture n'ont pas voulu ajourner plus longtemps une réforme portant principalement sur la classification des reclus et l'organisation d'un travail productif et moralisant. Permettez-moi, messieurs, de citer à ce sujet quelques paroles d'un homme dont les opinions font en quelque sorte autorité en ces matières.

Voici comment s'exprimait M. de Metz au congrès de charité en 1853 :

« Pour faire pénétrer l'habitude et le goût du travail chez des hommes que la dissipation, l’indolence et la fainéantise ont réduits au dernier dénuement, il est essentiel que ce travail présente au moins quelque attrait et que des résultats satisfaisants récompensent ou encourageant des efforts mal affermis. De bonne foi, peut-on s'imaginer que c'est en provoquant la répugnance du travail que l'on peut espérer de conquérir à l'amour du travail des natures qui y ont obstinément résisté ! Les méditations de toute notre vie nous ont convaincu que les professions agricoles unies à une forte éducation religieuse et morale, peuvent seules arracher à une vie de désordre ou de méfaits les jeunes populations déjà engagées dans la carrière du vice. »

Cotte opinion, fondée sur une longue expérience et sur de profondes études, sont pour tous ceux qui se sont occupés de ce genre de question, l'expression de la vérité.

Messieurs, il n'est souvent pas bien difficile de venir ici décrire les défauts que présente telle ou telle constitution ; la plus grande difficulté consiste à signaler les moyens d’y porter remède.

Je m'efforcerai donc toujours, pour ma part, en prenant la parole sur de pareilles questions, de vous présenter, autant que possible, des conclusions pratiques de nature à faire disparaître ou à atténuer les défauts que je signale.

Permettez-moi donc d'ajouter à ces prémisses quelques courtes observations pour vous indiquer certains moyens qui sont, selon moi, de nature à améliorer considérablement le régime actuel de nos dépôts de mendicité.

Il ne me semble pas possible de maintenir des dépôts de mendicité aux portes de nos grandes villes. C'est une véritable absurdité d'avoir une institution de ce genre à la Cambre, aux portes de la capitale. Je n'en veux d'autre preuve que l'impossibilité dans laquelle se trouve la police de Bruxelles d'empêcher la mendicité. Il y a une population flottante de mendiants qui ne fait que passer de Bruxelles à la Cambre et vice-versa.

Ce qui existe sous ce rapport à Bruxelles, se présente également, quoique dans de moindres proportions, à Bruges et à Mons. Je crois donc qu'il faut supprimer les dépôts de la Cambre, de Bruges et de Mons, et augmenter considérablement ceux de Hoogstraeten et de Reckheim.

Si, pour avoir un bon classement de reclus, il était nécessaire de créer un troisième dépôt, je proposerais de l'établir également à la campagne.

Il ne serait pas difficile de donner une plus grande extension aux dépôts de Hoogstraeten et de Reckheim qui, comme établissements agricoles, se trouvent déjà dans des conditions d'une incontestable supériorité en comparaison des dépôts de la Cambre, de Bruges et de Mons.

A proximité du dépôt d'Hoogstraeten, il y a une quantité considérable de terres plusopu moins défrichées, il y a aussi plusieurs bâtiments et de fermes provenant des anciennes colonies agricoles de Merxplas-Ryckevorsel et de Wortel.

Le gouvernement pourrait également acquérir des terres pour les annexer au dépôt de Reckheim ; je citerai entre autres une étendue d'une trentaine d'hectares de terres et de prairies qui touchent au dépôt même.

M. Muller. - Ils sont acquis.

M. H. Dumortier. - C'est possible, mais quand j'ai visité cet établissement l'année dernière ils ne l'étaient pas. L'établissement de Reckheim comme celui d'Hoogstraeten est heureusement situés pour ce qui concerne les travaux de défrichement. En outre, l'un et l'autre jouissent d'un grand nomme de voies de communication.

M. Muller. - A la décharge future du gouvernement, je dis que ces 30 hectares ont été acquis.

M. H. Dumortier. - J'ajouterai encore quelques mots concernant un troisième point qui est également une des bases de toute bonne législation sur l'organisation des dépôts de mendicité.

Je serai très bref, car j'ai cru pour le moment ne devoir venir présenter sur cet objet que des observations sommaires. Je me propose de les développer plus longuement, lors de la discussion du budget de la justice.

Il y a quelques années, les indigents se rendaient au dépôt de mendicité avec autant de facilité qu'ils se rendaient sui la voie publique. Ils en sortaient à peu près aussi facilement qu'ils y entraient.

Cette facilité pour l'entrée et la sortie avait créé un état de choses déplorable et ruineux pour les communes. C'est pour y remédier que la loi de 1848 subordonna l'entrée des indigents an dépôt de mendicité à l'autorisation de l'administration de la commune du domicile de secours, ou de celle de la commune où les mendiants sont arrêtés.

Cette modification de la loi n'a remédié que très partiellement au mal.

Aujourd'hui les indigents qui veulent entrer dans les dépôts de mendicité se rendent à Bruxelles, à Bruges et à Mons, s’y font arrêter pour délit de mendicité et sont conduits dans ces établissements.

Ils entrent donc dans les dépôts à peu près aussi facilement qu'avant la promulgation de la loi de 1848.

Je crois que pour ce qui concerne l'entrée des indigents dans les dépôts, il ne faut pas adopter un système absolu ; je m'explique.

L'entrée libre ou subordonnée aux conditions que la loi exige actuellement ne pourra être maintenue à cause des abus qui en résultent.

Il n'est pas possible non plus de supprimer complétement l'entrée volontaire. Il ne serait ni juste ni humain de fermer d'une manière absolue les portes des dépôts aux indigents qui se trouvent réellement dans un état pour ainsi dire désespéré et loin de la commune qui est le lieu de leur domicile de secours.

La société ne pourrait d'ailleurs punir la mendicité comme un délit que pourvu qu'elle offre en même temps un dernier et suprême refuge aux véritables malheureux, dénués momentanément de toute ressource.

Que faut-il donc faire ?

Il faut adopter un système en dehors de ces deux termes extrêmes ; c'est le système que j'ai vu appliquer en visitant les dépôts de mendicité en France, et notamment à Beaugency, à Tulle et à Marseille.

Là, avant d'admettre les indigents au dépôt, on exige qu'ils justifient du défaut de moyens d'existence, du manque absolu de travail, etc.

En outre, la question d’admission devrait être tranchée, non par des autorités communales, toujours intéressées elles-mêmes dans la solution ces questions, mais par des autorités placées dans des conditions d'impartialité.

Ces autorités sont les commissaires d'arrondissement, les gouverneurs et les députations permanentes.

On a aussi souvent critiqué la disposition de la loi qui autorise le gouvernement à détenir pendant un temps plus ou moins long dans les dépôts, les indigents qui y entrent dans le courant de la même année. Je crois moi que ces dispositions sont très sages ; je pense que le meilleur moyen pour empêcher les mendiants et les vagabonds de rentrer constamment au dépôt de mendicité, c'est de les y détenir pendant un certain laps de temps et de les y soumettre à un régime tel, qu'ils ne recourent, à l'avenir, à ce genre de charité que dans les cas d'absolue nécessité.

Les directeurs des établissements de Hoogstraeten, de Reckheim et ceux de plusieurs établissements analogues de France et de Hollande m'ont assuré que les communes qui laissent leurs indigents pendant un temps plus ou moins long dans ces dépôts contractent moins de dettes de ce chef, que beaucoup d'autres communes dont les indigents entrent périodiquement dans ces établissements.

Enfin, messieurs, je crois qu'il faudrait simplifier les formalités et la procédure administrative qui se rattache à ces questions et notamment aux questions de domicile de secours.

Il y a en cette matière un luxe de garanties, de contrôler, d'appels, d'enquêtes, et, passez-moi le mot, de paperasseries administratives qui constituent tout un système de défiance outrée à l'égard de l'autorité administrative supérieure, et qui sert fort bien les manœuvres souvent très habiles de certaines communes qui cherchent souvent à éluder les obligations que la loi leur impose du chef de l'entretien de leurs indigents.

Je bornerai là mes observations sur cet objet, me réservant d'y revenir ultérieurement.

M. Orts. - L'honorable membre a terminé en disant qu'il compte revenir sur la question dans la discussion du budget de la justice. Il aura grandement raison, car cette année, comme toutes les autres, à peu près depuis que j'ai l'honneur de siéger dans cette Chambre, la section centrale du budget de la justice a posé au gouvernement des questions oh elle signale les vices, les défauts, les imperfections qu'a révélés tout à l'heure l'honorable membre.

(page 1122) Mais cette année le gouvernement a répondu par l'indication très détaillée de ses intentions, et dans quelques jours, quand le rapport sera imprimé, l'honorable M. Dumortier pourra voir que la plupart des idées qu'il a émises sur les moyens de remédier à l'état actuel des choses, ont été adoptées par le gouvernement. Seulement le gouvernement a entamé une enquête sur la situation de tous les établissements charitables et le régime des dépôts de mendicité rentre nécessairement dans le cadre de cette enquête.

Quand elle sera terminée, je crois qu'on pourra la consulter avec beaucoup plus d'utilité pour le régime des dépôts de mendicité qu'on n'aurait pu la consulter, comme le demandait l'honorable membre, pour déterminer le véritable sens de l'article 84 de la loi communale.

M. H. Dumortier. - J'ignorais complétement les renseignements que nous donne l'honorable M. Orts.

Quoi qu'il en soit, le commencement de cette communication me paraissait beaucoup plus satisfaisant que les paroles par lesquelles l'honorable membre a terminé ses observations. Il m'a semblé en résulter que nous ne pouvons espérer une réforme réelle des dépôts de mendicité que lorsque la grande enquête (cette grande enquête que vous savez, messieurs), sera terminée !

J'aime à croire que le gouvernement ne partagera pas, à cet égard, la manière de voir de l'honorable M. Orts. Il n'est nullement besoin de la grande enquête pour établir une meilleure classification des reclus, pour organiser le travail dans les dépôts, pour régler les conditions d'entrée et de sortie des mendiants. Or, ce sont h les bases de la réforme à réaliser.

J'espère que l'honorable ministre de la justice ne se retranchera pas derrière la grande enquête pour retarder la présentation d'un projet de loi.

La fin de non-recevoir tirée de cette grande enquête pourrait nous amener des ajournements indéfinis de cette question et de plusieurs autres.

- Les conclusions de la commission sont mises aux voix et adoptées,

(page 1111) - La séance est levée à 5 heures.