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Chambres des représentants de Belgique
Séance du samedi 29 janvier 1859

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1858-1859)

(page 427) (Présidence de M. Verhaegen.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Boe procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. Vermeire donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Boe présente l'analyse des pétitions suivantes.

« Les membres du conseil communal et des cultivateurs de Maxenzele demandent l'établissement d'un droit d'entrée sur le houblon étranger. »

- Renvoi à la commission permanente de l'industrie.

« Le sieur Brankaer, ancien commis des accises, réclame l'intervention de la Chambre pour obtenir une indemnité à raison de ses années de service et de ce qu'il a versé à la caisse de pension, sans avantage pour lui. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« La veuve Le Biesart, dirigeant une saunerie à Bruges, prie la Chambre de n'apporter aucune modification à la loi du 5 janvier 1844. »

« Par 4 pétitions, des bateliers et sauniers de la province d'Anvers et des deux Flandres font la même demande. »

- Renvoi à la commission de l'industrie.


« Le sieur Marquet demande une loi qui oblige un membre du collège échevinal et le secrétaire communal à se trouver tous les jours, de onze heures à midi, au bureau de la maison commune. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Cogniau, milicien de la classe de 1858, demande à être libéré du service militaire. »

- Même renvoi.

« Par deux pétitions, un grand nombre de débitants et de consommateurs de sel raffiné de la partie méridionale du pays, prient la Chambre de rejeter la demande des sauniers de la même partie du pays, relative k l'usage de l'eau de mer dans le raffinage du sel. »

- Renvoi à la commission permanente de l'industrie.

Projet de loi accordant un crédit extraordinaire au budget du ministère des travaux publics

Rapport de la section centrale

M. Muller. - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau de la Chambre le rapport rte la section centrale qui a été chargée d'examiner le projet de loi tendant à obtenir un crédit extraordinaire de 110,000 francs pour le payement de créances arriérées à charge de l'administration du chemin de fer.

- Impression, distribution et mise à la suite de l'ordre du jour.

Rapports de pétitions

M. H. Dumortier, rapporteur. - Par pétition datée de Verviers, le 9 juillet 1858, le sieur Hesbeens, postillon de la poste aux chevaux, à Verviers, demande une pension.

Conclusions : Renvoi à M. le ministre des travaux publics.

- Adopté.


M. H. Dumortier, rapporteur. - Par pétition datée de Fraire-Fairoul, le 29 novembre 1858, le sieur Daune prie la Chambre de demander à M. le ministre de l'intérieur des explications au sujet de ses plaintes concernant des fonctions accessoires exercées par des instituteurs communaux.

Messieurs, le pétitionnaire est un de ces infatigables pétitionnaires, que rien ne peut décourager ; il s'est déjà adressé six fois à M. le ministre de l'intérieur pour lui dénoncer des faits qui, dans son opinion, constituent des abus...

- Une voix. - D'un autre âge.

M. H. Dumortier. - Nous réserverons ce mot pour une occasion plus solennelle... des abus d'une nature grave. Le pétitionnaire dénonce des instituteurs communaux qui remplissent en même temps les fonctions d'organistes à l'église de leur village ; il prétend que cet état de chose porte un grand préjudice à l'instruction primaire.

M. le ministre de l'intérieur, après avoir examiné les plaintes du sieur Daune, lui a déjà fait répondre cinq ou six fois que sa demande n'était pas fondée, et dans la dernière lettre que ce haut fonctionnaire lui a adressée, il lui a annoncé que dorénavant il ne serait plus donné aucune suite à ses réclamations.

Cela n'a pas découragé le sieur Daune ; et aujourd'hui il s'adresse à la Chambre, moins pour réclamer contre les faits qu'il a dénoncés que pour demander que M. le ministre de l'intérieur soit mis en demeure de répondre devant la Chambre à une série de questions qu'il a soin de déterminer lui-même, probablement pour en avoir cette fois le cœur net. Il demande entre autres que M. le ministre de l'intérieur réponde à cette question, à savoir si le commissaire d'arrondissement a été autorisé à transmettre à lui positivement la lettre contenant la dernière décision de M. le ministre de l'intérieur.

Vous voyez, messieurs, que cette pétition peut à peine être regardée comme sérieuse. La commission vous propose de faire au pétitionnaire une réponse plus laconique encore que celle qu'il a reçue de M. le ministre de l'intérieur : elle vous propose de passer à l'ordre du jour.

- Ces conclusions sont adoptées.


M. H. Dumortier, rapporteur. - Par pétition datée de Fineuse, le 2 décembre 1858, le sieur Lepère, préposé des douanes pensionné, prie la Chambre de faire augmenter sa pension et demande qu'on lui donne une place de commissaire voyer.

Le pétitionnaire se plaint de ne pas toucher une pension assez forte pour pouvoir vivre dans l'aisance ; il ne conçoit pas qu'on puisse mettre les gens à la pension sans leur donner amplement ce qu'il leur faut pour vivre.

Il déclare que s'il avait, su que c'était ainsi que les choses se passaient il n'aurait jamais consenti à se laisser mettre à la pension.

C'est encore une de ces pétitions qu'on ne peut pas considérer comme sérieuses. La commission propose de passer à l'ordre du jour.

- L'ordre du jour est adopté.


M. H. Dumortier, rapporteur. - Le sieur Ruelle, combattant de la révolution, demande un secours. Le pétitionnaire produit des certificats qui constatent qu'en 1830 et 1831, il a rendu des services au pays.

En conséquence votre commission vous propose le renvoi au ministre de l'intérieur.

- Ce renvoi est ordonné.


M. H. Dumortier, rapporteur. - Par pétition datée de Gochenée, le 29 novembre 1858, la dame Rofidal demande qu'il soit accordé un congé définitif à son fils Alexis, qui appartient au corps de la gendarmerie.

La commission propose le renvoi de la pétition au ministre de la guerre, tout en faisant remarquer que le fils de cette dame ne demande pas lui-même ce congé. C'est une circonstance qui s'est présentée plusieurs fois que des parents réclamaient la rentrée dans ses foyers de leur fils qui lui-même ne faisait pas cette demande.

- Le renvoi au ministre de la guerre est ordonné.

M. Vander Donckt. - Par pétition datée de Bruxelles, le 24 février 1858, plusieurs habitants de Bruxelles demandent qu'il soit donné cours légal à la monnaie d'or de France.

Messieurs, les pétitionnaires, nonobstant la discussion qui a eu lieu au sein de la Chambre au sujet du cours légal de l'or, reviennent à la charge et prétendent que le cours légal de l'or serait d'un immense avantage ; ils ne prennent pas en considération les inconvénients qui y sont attachés ; ils prétendent que, dans tous les autres grands pays, le cours légal est admis, et ils citent l'Allemagne, le Zollverein.

Une personne très haut placée dans les finances, qui a eu connaissance de cette pétition, a bien voulu informer la commission du véritable état des choses sous ce rapport en Allemagne. Or l'Allemagne n'admet plus les pièces d'or que pour leur valeur intrinsèque qui change suivant le cours. Je prendrai la liberté de vous donner communication de la lettre que la commission a reçue au sujet du cours légal de l'or. (L'orateur donne lecture de cette lettre.)

En présence de ces considérations, votre commission, sans rien préjuger, a l'honneur de vous proposer le renvoi de cette pétition à M. le ministre des finances.

- Adopté.


M. Vander Donckt, rapporteur. - Par pétition datée de Pervyse, le 24 novembre 1858, le sieur de Grave demande que des mesures soient prises pour faire renouveler l'eau des canaux du Furnes-Ambacht.

Par pétition datée de Boitshoucke, le 25 novembre 1858, l'administration communale de Boitshoucke demande qu'il soit pris des mesures pour faire renouveler l'eau des fossés qui longent les pâtures dans cette commune.

Même demande de l'administration communale d'Oostdunkerke.

Messieurs, les pétitionnaires signalent les inconvénients et le préjudice grave qui résultent de cet état de choses, et demandent que le gouvernement recherche les moyens d'y obvier. En même temps, ils indiquent comme, moyens d'arriver à ce résultat, l'évacuation des eaux par les écluses d'Ostende et de Nieuport et l'ouverture des écluses du canal de Gand à Ostende, pour renouveler l'eau salée des fossés par une eau de rivière.

(page 428) La commission, messieurs, a l'honneur de vous proposer le renvoi de ces pétitions à M. le ministre de l'intérieur.

M. de Smedt. - Messieurs, toutes les pétitions qui nous arrivent du pays de Dixmude et du Furnes-Ambacht doivent prouver à la Chambre la réalité et la gravité du mal dont se plaignent nos industriels et surtout nos cultivateurs.

Les explications qui ont été données par l'honorable rapporteur, et, dans une séance précédente, par l'honorable M. de Breyne et par moi, me dispensent d'entrer dans de nouveaux détails sur l'urgence des travaux à exécuter pour remédier au mauvais état de nos eaux.

D'ailleurs, vous connaissez tous, messieurs, la richesse de nos pâturages et la beauté du bétail qu'on y élève ; c'est assez dire combien est grave la question qui est soulevée par les pétitionnaires.

Je ne m'étendrai donc pas sur les conséquences fâcheuses que doit nécessairement produire dans un pays si éminemment agricole que le nôtre, l'insalubrité des eaux. Je ne ferai pas ressortir non plus la funeste influence que la mauvaise qualité des eaux exerce à un autre point de vue, par le développement sans cesse croissant des fièvres.

Le mal existe ; c'est là un fait dont la gravité ne peut pas être contestée. Il est donc' urgent que le gouvernement prenne des mesures efficaces et promptes pour remédier à cet état de choses, et surtout pour en prévenir le retour. Je laisse aux hommes spéciaux et compétents le soin de rechercher les moyens d'atteindre ce double résultat.

Je me contesterai de demander avec les pétitionnaires que l'on fasse, avant tout, écouler les eaux insalubres et saumâtres de nos petits canaux et ruisseaux ; et je désire que l'on veille à ce que les éclusiers de Nieuport et d'Ostende observent les règlements. Là est, selon moi, le point essentiel ; car, sans cela, on ferait un véritable travail des Danaïdes.

Je recommande donc ces pétitions à l'attention sérieuse et bienveillante de M. le ministre de l'intérieur.

J'ose espérer qu’il saura profiter de cette occasion pour prouver une fois de plus sa sollicitude pour les intérêts agricoles et ceux de l'hygiène publique.

M. Rodenbach. - J'appuie fortement les observations de l'honorable M. de Smedt. Comme il l'a fort bien dit, c'est dans le Furnes-Ambacht qu'il y a le plus de bétail. Or, dans cette partie du pays, les eaux sont, en général, corrompues, ce qui est nuisible, non seulement pour le bétail, mais aussi pour les habitants, parmi lesquels les fièvres se multiplient.

Messieurs, ce n'est pas la seule localité de la Flandre occidentale qui se plaigne de l'insalubrité des eaux. Il y a une foule d'arrondissements où les eaux sont corrompues ; je citerai notamment la ville de Roulers. Depuis bien longtemps, surtout en été, l'eau y est méphitique. Aussi, je dois rendre cette justice à M. le ministre de l'intérieur, il a envoyé naguère, à Roulers, M. le baron de Jamblinne, pour s'y assurer des faits dont on s'est plaint. On fait fort bien, au ministère de l'intérieur, de s'occuper de l'amélioration des cours d'eau et des petites rivières ; jusqu'ici on a trop négligé de s'occuper de cette question pour ne s'occuper que des grands travaux publics.

Nous sommes, du reste, saisis d'un projet de loi tendant à voter deux millions pour divers travaux, notamment d'assainissement et d'hygiène. Déjà la section centrale s'en est occupée et a nommé son rapporteur. Je forme des vœux pour que cette loi soit promptement discutée et votée ; car des travaux d'assainissement sont réclamés de toutes parts et ces travaux sont indispensables.

Je le répète, je puis citer spécialement notre arrondissement et en particulier la ville de Roulers, ville industrieuse, progressive, qui verrait augmenter le nombre de ses fabriques si les petites rivières, le Mandel et le St-Amand, étaient pourvues d'eaux saines et abondantes.

J'appuie donc chaleureusement le renvoi à M. le ministre de l'intérieur.

M. de Smedt. - A l'occasion d'une pétition semblable, le renvoi à M. le ministre des travaux publics a été ordonné. Cela peut être utile. Ainsi de grands travaux publics vont être exécutés a l'Yser.

- Le renvoi à M. le ministre de l'intérieur et à M. le ministre des travaux publics est ordonné.


M. Vander Donckt, rapporteur. - Par pétition datée de Gand, le 27 novembre 1858, des employés à la direction du trésor à Gand, prient la Chambre de statuer sur leur demande, tendante à obtenir une amélioration de position.

Les pétitionnaires croient qu'ils peuvent être classés dans la catégorie des petits employés, et, en effet, de tous les employés attachés à des administrations qui rassortissent au trésor public, ce sont ceux qui se trouvent dans la pire condition.

Votre commission a l'honneur de vous proposer le renvoi à M. le ministre de l'intérieur.

- Adopté.


M. Vander Donckt, rapporteur. - Par pétition datée de Bruxelles, le 20 novembre 1858, le sieur Victor Faider demande une loi qui établisse l'égalité entre tous les électeurs, qui assure la probité des élections, la sincérité des votes, et garantisse la liberté des électeurs.

Par pétition datée de Leupeghem, le 4 décembre 1858, les sieurs Mouroit et Droissart demandent que, pour, la représentation nationale, le vote par arrondissement, et pour le conseil provincial, le vote par canton soient donnés d'après l'ordre alphabétique des électeurs, au lieu de l'être par commune.

Le premier pétitionnaire demande que des mesures soient prises pour que les élections se fassent avec ordre. Il demande que les fraudes électorales soient sévèrement réprimées et il indique une série de mesures à prendre pour atteindre ce résultat.

Il demande 1° l'égalité entre tous les électeurs par l'allocation d'une indemnité à ceux qui habitent hors du chef-lieu ; 2° la probité des élections en frappant de nullité les élections entachées de corruption et en proclamant l'incapacité temporaire des élus qui s'en seraient rendus coupables ; 3° la sincérité des votes en empêchant les votants de se faire connaître ; 4° d'annuler les suffrages contenant des désignations incomplètes ; 5° la liberté des élections en empêchant la pression sur les votants de certaines influences.

Voilà, messieurs, l'analyse de cette pétition. Votre commission, sans rien préjuger quant à son contenu, se borne à vous proposer le renvoi pur et simple à M. le ministre de l'intérieur.

M. Rodenbach. - J'ai jeté un coup d'œil rapide sur la pétition de M. V. Faider et j'y ai rencontré plusieurs observations frappées au coin de la vérité. Le pétitionnaire signale, notamment, que dans beaucoup de localités on emploie des bulletins marqués et forcés ; c'est-à-dire que sur ces bulletins on ajoute aux noms des candidats quelques mots, ou une désignation quelconque qui font reconnaître les votes déposés dans l'urne ; dès lors le vote n'est plus secret.

C'est là une fraude intolérable qu'on ne saurait trop promptement faire disparaître.

Alors même que cette requête n'indiquerait que cette seule manœuvre illicite et des moyens d'y porter remède, elle mériterait d'être mûrement examinée par le ministre. Mais il paraît que l'on y signale aussi d'autres abus non moins graves à réformer.

Quant à la seconde pétition, analysée par M. le rapporteur, je la désapprouve en grande partie. Nous devons tous vouloir que les élections soient loyales, qu'elles se fassent librement, et non par quelques chefs de file connaissant d'avance les bulletins qui sont jetés dans l'urne. Cette manœuvre est la négation du régime constitutionnel. J'appuie fortement le renvoi au ministre de la requête de M. l'avocat Faider.

M. Muller. - Messieurs, je pense avec l'honorable rapporteur et avec l'honorable M. Rodenbach qu'il s'exerce parfois dans les élections des pressions inavouables, mauvaises, et que la liberté de l'électeur n'est pas complétement garantie.

Ce sont généralement ceux qui sont les plus puissants, qui ont le plus d'autorité par leur position, qui se livrent à ce genre de pression.

Maintenant, à côté de ce mal qui existe, qui existera toujours à un degré quelconque, mais qu'il s'agit d'affaiblir, un remède vous est proposé, ce remède qui doit l'atténuer, remède sur lequel j'appelle l'attention de la Chambre et du gouvernement.

Aujourd'hui les électeurs votent par commune ; les habitants de chacune d'elles sont les uns près des autres ; les petits peuvent trop facilement subir l'influence de ceux dans la dépendance desquels ils se trouvent.

Si vous établissiez, et après y avoir longtemps réfléchi, je crois qu'il n'y a rien d'impossible dans la pratique ; si vous établissiez le vote par ordre alphabétique dans tout le collège électoral, évidemment ces inconvénients, que nous devons tous déplorer, seraient sensiblement amoindris ; les électeurs seraient alors confondus, à l'abri de pressions violentes ; l'on ne pourrait pas tenir si soigneusement note des bulletins, note des signes caractéristiques qui peuvent faire reconnaître l'électeur.

Voilà pour tous ceux qui désirent la sincérité du gouvernement représentatif, voilà une mesure que nous devons méditer et qui peut contribuer à donner satisfaction aux opinions sincères qui veulent se produire avec loyauté au grand jour, sans recourir à de misérables subterfuges, a des influences condamnables.

M. Vander Donckt, rapporteur. - Messieurs, si la Chambre attache de l'intérêt à cette pétition, j'aurai l'honneur de lui proposer l'impression de la pétition de M. V. Faider, qui est rédigée d'une manière très convenable.

Ainsi de deux choses l'une : ou la Chambre décide de renvoyer la pétition, sans discussion ultérieure, à M. le ministre de l'intérieur, à l’effet d'examiner la question ; ou bien, la Chambre s'en saisit elle-même, et alors il ne faut pas qu'elle se livre à une discussion vague, sans avoir connaissance des faits.

Il est impossible qu'à une lecture fugitive d'un rapport ou d’une pétition, la Chambre puisse immédiatement discuter une question aussi grave que celle qui consiste à modifier les dispositions de la loi électorale.

Je crois donc que la Chambre devrait d'abord décider si elle entend ordonner l'impression des pièces ou si elle se bornera a un simple renvoi de la pétition à M. le ministre de l'intérieur sans discussion ultérieure.

M. B. Dumortier. - Messieurs, ainsi que les honorables préopinants, je désire vivement la sincérité des élections. Le gouvernement représentatif repose tout entier sur cette sincérité, car lorsqu'elle n'existe pas, la représentation nationale est nécessairement un mensonge. On ne peut donc pas prendre des moyens trop efficaces pour arriver à cette sincérité.

A mes yeux, un point capital au point de vue de la sincérité électorale, c'est d'empêcher les bulletins marqués dans lesquels l'électeur se fait (page 429) connaître de celui qui achète son vote. Ce sont là des marchés d'autant plus honteux, qu'il n'y a de responsabilité ni pour l'acheteur ni pour le vendeur.

A ces conditions-là, je préférerais infiniment le vote à haute voix à un mode qui peut donner lieu à des marchés si déshonorants.

En Angleterre, des hommes éminents demandent aujourd'hui le vote secret ; ils doivent peser mûrement les conséquences du vœu qu'ils expriment, ils doivent surtout rechercher si ce vote secret n'est pas un moyen de honteux trafics.

Le point culminant des élections, c'est que chacun vote selon sa conscience, que chacun donne sa voix à celui qu'il estime le plus capable, que les influences légitimes, car le gouvernement représentatif n'est qu'un gouvernement d'influences, que les influences légitimes s'exercent honorablement, honnêtement. Voilà ce que nous devons tous désirer.

J'appuierai donc tout moyen qui aura pour but d'empêcher que l'électeur se fasse connaître de celui qui achète son vote, car cette manœuvre est le renversement du gouvernement représentatif, de tout ce que nous avons de plus cher dans nos institutions.

Maintenant le mode indiqué par l'honorable M. Muller amènera-t-il le résultat que nous devons tous désirer ? Je n'hésite pas à le dire, ce mode serait infiniment plus vicieux que le mode actuel.

L'honorable membre craint les influences.

Mais le gouvernement représentatif n'est autre chose que le gouvernement des influences, on l'a dit cent fois en Angleterre, et en le disant, on a proclamé une grande vérité.

En Belgique, deux grandes influences sont en présence ; vous avez d'un côté, l'influence libérale, d l'autre, l'influence catholique.

Si vous faites la guerre à ces influences, vous la faites à ce que le gouvernement représentatif contient de plus essentiel.

Maintenant à côté de ces influences que je regarde comme légitimes et qui le sont, parce qu'elles sont l'essence de tout gouvernement représentatif, de tout gouvernement qui est régi par un système populaire, à côté de ces influences dis-je, viennent se placer des influences que j'appelle illégitimes.

Messieurs, je vous parlais tout à l'heure de ces marchés honteux dans lesquels l'acheteur et le vendeur se connaissent seuls, dans lesquels la responsabilité de cette infâme action se dérobe sous le manteau du vote secret ; eh bien, ce qui est peut-être plus honteux, plus odieux encore, ce sont ces manœuvres qui se passent dans certains bureaux électoraux, manœuvres à l'aide desquelles des électeurs simples sont le jouet d'intrigants qui parviennent à leur enlever leur bulletin et à les faire voter pour un système auquel ils sont tout à fait contraires.

Eh bien, le système que demande M. Muller mènerait au développement de cet abus. C'est peut-être pour y arriver qu'on veut introduire ce système.

M. le président. - Vous attaquez les intentions.

M. B. Dumortier. - J'inculpe un résultat.

M. Muller. - Vous avez dit que le moyen que j'indiquais amènerait le développement des abus et que c'était pour y arriver qu'on le proposait.

M. B. Dumortier. - Je ne vois pas d'autre motif, c'est-à-dire de faire pratiquer les électeurs des campagnes par les électeurs des villes. Voilà ce que l'on veut. Ici encore c'est une démolition du système du Congrès national, de l'œuvre du Congrès, de notre Constitution.

Nous n'avons que trop touché à la Constitution. En touchant à la loi électorale, et en abaissant le cens à sa dernière limite, nous avons fait des électeurs par catégories. Cardons-nous de toucher davantage aux bases de notre Constitution, laissons l'œuvre du Congrès aussi complète que possible. Si cependant on jugeait à propos d'introduire de nouvelles modifications, on pourrait admettre les bulletins imprimés. Je n'ai jamais compris pourquoi les bulletins imprimés ne pouvaient pas être mis dans l'urne, comme les bulletins écrits. En France, toutes les élections se font avec des bulletins imprimés.

Je ne vois pas de motifs pour les exclure du vote. Voulez-vous la sincérité dans les élections, voulez-vous qu'il y ait une représentation sérieuse dans les noms des candidats, et qu'on ne vienne plus équivoquer sur des désignations suffisantes ou insuffisantes, c'est l'objet d’une véritable chicane. L'électeur qui dépose son bulletin sait parfaitement que c'est M. Muller ou M. Dumortier, candidat, qu'il veut élire. Et quand il ne met pas le prénom, on sait parfaitement à qui son bulletin s'applique. Simplifions le mécanisme, c'est le meilleur moyen d'arriver à la vérité, à la sincérité des élections.

M. Muller. - Je ne crois pas devoir répondre à l'insinuation mauvaise que l'honorable M. Dumortier s'est permise envers moi et probablement aussi envers mes amis politiques. Cette insinuation, je la laisserai tomber à mes pieds.

Maintenant, messieurs, pour avoir attiré votre attention et celle du gouvernement sur un moyen signalé par les pétitionnaires qui pourrait avoir pour résultat d'empêcher la pression, non pas la légitime influence des opinions, comme a bien voulu le croire et le dire l’honorable M. Dumortier, mais la pression illégitime des individualités, des individus qui ont une action directe sur certains électeurs, parce que je vous ai dit que l'appel des électeurs suivant l'ordre alphabétique général par collège serait un des moyens les plus efficaces qu'on pourrait employer pour diminuer les inconvénients du système actuel, je porte par l'expression de ce vœu atteinte aux principes de la Constitution, à la base de notre loi électorale ! Et en même temps, l'honorable M. Dumortier, qui ne parle pas atteinte à la base de la Constitution, propose d'autoriser le vote par bulletins imprimés. Que feront vos bulletins imprimés ? Ils pourront être reconnus comme les autres, à moins d'avoir un papier officiel sur lequel le nom des candidats devrait être inscrit.

Puis on est venu parler du vote public tel qu'il a lieu eu Angleterre, où on en signale aujourd'hui les inconvénients et l'on a prétendu qu'il serait préférable de l'adopter dans le pays ! C'est alors que vous auriez corruption et pression, vente et achat de suffrages ; c'est alors que l'électeur ne serait plus libre !

Que demandons-nous ? Nous ne demandons pas que les influences légitimes ne puissent s'exercer ; il faut qu'elles s'exercent ; c'est la vie représentative, c’est la lutte des partis, et cette lutte des partis vivifie le pays.

Ce qu'il ne faut pas, c'est que l'électeur ne reste pas sous l'œil d’un surveillant quelque habit qu’il porte, qui vérifie s'il met bien dans l'urne le bulletin qui lui a été donné.

Quant à l'échange des bulletins qu'on pourrait s'arracher, c'est un fait qui se présente très rarement ; ces électeurs cachent leur bulletin autant qu'ils peuvent ; ils craignent la surveillance dont ils sont l'objet ; elle ne pourrait pas s’exercer avec un œil aussi inquisitorial si l'élection avait lieu par l’appel des électeurs suivant l'ordre alphabétique.

Je ne crois pas qu'on ait pu se méprendre, la Chambre ne s'est pas méprise sur mes intentions ; aussi, je ne protesterai pas contre ce qu'il y a de personnel et de blessant dans l’intervention de M. Dumortier, qu’il n'aurait pas dû se la permettre envers un membre et toute une fraction de cette Chambre, qui ne manque jamais aux égards qu'on se doit entre collègues.

M. B. Dumortier. - Cette protestation m'étonne ; l'honorable membre a perdu de vue que l'objet de mon observation était la demande de la seconde pétition. Il faut que sa personnalité soit bien vive et bien susceptible pour qu'il prenne pour lui ce qui s'adressait au pétitionnaire.

M. de Bronckart. - Qu'est-ce que cela veut dire ?

M. B. Dumortier. - Maintenant je laisse l'honorable membre faire toutes les protestations qu'il voudra.,

M. Malou. - Lorsque la loi électorale a été modifiée en 1843, on a pris connaissance de cent et quelques bills portés en Angleterre (et ce nombre s'est accru depuis) pour combattre les fraudes électorales, pour empêcher des faits de fraude ou de corruption analogues à ceux que l'on cite. On a acquis la preuve qu'aucun remède en cette matière ne peut être absolu. Il n'y a de sanction efficace que les décisions de la Chambre dans les vérifications de pouvoirs.

Un fait assez récent le démontre : une élection avait eu lieu à Marche ; un grand nombre de bulletins portaient des désignations inutiles ; on a cru que c'étaient des votes forcés, la Chambre a annulé l'élection. Je crois qu'elle a bien fait, et qu'en pareille circonstance elle le ferait encore.

On a proposé en 1843 un papier électoral uniforme, plié uniformément.

C'était un remède ; c'était quelque chose ; mais jamais personne n'a cru qu'on éviterait par-là la violation du secret du vote. Et, en effet, cette violation se commet le plus souvent soit en ajoutant des désignations supplémentaires, des noms inutiles qui ne comptent pas pour le vote, mais qui suffisent pour faire connaître le votant.

Ainsi, pour éluder la loi électorale, même avec le papier électoral, on peut ajouter, sur chaque bulletin, outre le nom du candidat, un autre mot tout à fait superflu par lequel l'électeur se fait connaître. Croit-on que le changement indiqué par le pétitionnaire et appuyé par l'honorable M. Muller aurait quelque efficacité ?

Mais, messieurs, les bureaux ne seraient pas moins formés et désignés d'avance ; il serait donc toujours possible, l'accès de chaque bureau étant public, qu'une personne, et une seule suffirait, tînt note des bulletins dépouillés et parvînt à surprendre le secret du scrutin, au moyen de désignations surabondantes et convenues d'avance, inscrites sur les bulletins, comme, par exemple. M .. ami des arts ; M... ami de la patrie, ou quelque autre qualification qui permît de constater si tel électeur a déposé le bulletin qui lui a été remis.

Messieurs, à plusieurs reprises, quand des demandes relatives à la révision de quelques points secondaires de notre système électoral se sont produites et qu'elles étaient appuyées par des membres de la droite, on nous a accusés de vouloir, au préjudice de la stabilité de nos lois organiques, toucher aux bases mêmes de la Constitution.

Nous voulions notamment (nous nous sommes expliqués sur ce point dans la discussion la plus récente), nous voulions qu'on examinât s'il n'y avait pas lieu de changer le mode d'émission des votes, en établissant le vote au chef-lieu du canton.

Je ne reproduis pas cette demande, mais il en est une parfaitement légitime que je formule ici, c'est qu'on n'aggrave pas les conditions des électeurs qui sont le plus éloignés du bureau électoral.

Or, la formation de listes alphabétiques générales aurait immédiatement ce résultat.

Dans la loi de 1843, il y a deux dispositions nouvelles par lesquelles on a tâché d'équilibrer autant que possible les conditions des électeurs le plus éloignés de leur bureau électoral.

(page 430 La première de ces dispositions, violemment critiquée alors, mais qui n'a plus soulevé la moindre objection depuis, stipule la simultanéité du vote quand il y a lieu d'élire en même temps des sénateurs et des représentants. L'autre disposition, qui forme le paragraphe premier de l'article 25 de la loi électorale, est ainsi conçue :

« L'appel des électeurs sera fait en commençant, au premier scrutin, par ceux des électeurs les plus rapprochés et au deuxième par ceux des communes les plus éloignées. »

En formant des listes alphabétiques générales par arrondissement, vous rompez les conditions actuellement établies, et vous les rompez de manière à rendre pires les positions des électeurs éloignés du centre électoral. Car enfin, vous direz, par exemple, que les quatre dernières lettres de l'alphabet forment la section des électeurs des communes excessivement éloignées ; vous aggraverez donc leur position en les retenant au-delà de ce qu'exige la loi actuelle.

Si l'un ne veut pas améliorer le statu quo vicieux, défectueux, injuste, qui existe actuellement, du moins qu'on ne l'aggrave pas au détriment des communes les plus éloignées.

M. A. Vandenpeereboom. - Il est certain, messieurs, qu'il n'est pas possible de trouver un moyen infaillible de prévenir toutes les fraudes qui se commettent dans les élections. Cependant, le moyen indiqué par le pétitionnaire me paraît de nature à remédier, dans une certaine mesure, à un grave inconvénient, celui de la dépendance directe de l'électeur.

Tous ceux qui ont assisté à des élections ont pu voir certains personnages accompagner des groupes d'électeurs sur lesquels ils avaient de l'autorité, et les forcer, d'une manière ostensible pour tout le monde, à déposer dans l’urne les bulletins qu'ils vérifiaient et qu'ils leur remettaient même au moment du vote.

C'est là, messieurs, une manœuvre que tout homme loyal doit réprouver et qui anéantit complétement la liberté et la sincérité des votes. Or, nous avons tous intérêt à maintenir la libre expression de l'élection, base du régime représentatif.

Qu'avant les élections, on cherche à influencer les électeurs, dans un sens ou dans un autre, je le veux bien ; c'est là l'action légitime des diverses opinions ; mais ce qui doit révolter tout homme loyal et honnête, c'est de voir les électeurs dans un tel état de sujétion, qu'ils se laissent embrigader et mener jusque dans la salle même où a lieu l'élection ; et prendre, au moment du vote, leurs bulletins de la main de la personne qui les conduit pour les déposer dans l'urne, sans se soucier que cette manœuvre soit remarquée par les autres assistants.

Eh bien, messieurs, l'un des moyens, indiqués par le pétitionnaire, me semble de nature à remédier à cet état de choses. Ce serait soustraire les électeurs à la pression directe et irrésistible de ceux qui ont une influence ou morale, ou matérielle sur eux. Toutes choses égales, isolés, les électeurs seront plus libres de suivre l'impulsion de leur propre volonté, de leur conviction personnelle.

Je ne croirais guère à l'efficacité de bulletins imprimés, fût-ce même sur du papier électoral ; attendu qu'il serait toujours possible de connaître les électeurs, par la manière dont on conviendrait de plier leurs bulletins, et par mille autres moyens encore ; car on en invente tous les jours de nouveaux.

Quant aux désignations surabondantes, que portent les bulletins, pour faire reconnaître le votant, il y aurait un moyen bien simple de déjouer leur intention, ce serait de prescrire aux présidents des bureaux électoraux de ne point donner lecture de ces désignations superflues.

Ainsi, par exemple, si le vote a lieu pour trois candidats et que le bulletin porte un quatrième nom, il suffit que le président lise les trois premiers noms et n'ajoute rien de plus...

Je comprends fort bien que, dans une discussion incidente comme celle-ci, il soit tout à fait impossible de la traiter d'une manière approfondie ; mais la demande de pétitionnaire est assez sérieuse pour mériter que nous appuyions la proposition de renvoi à M. le ministre de l'intérieur, avec prière de l'examiner attentivement Car il est certain qu'il y a quelque chose à faire dans l'intérêt de la sincérité et de la moralité des élections.

Mais, dit-on, en adoptant une base générale, par ordre alphabétique, vous exposerez les personnes éloignées du chef-lieu à ne pas profiter du nouveau système adopté en leur faveur.

Je ne prétends certes pas que ce moyen soit efficace pour écarter tous les inconvénients ; mais je crois qu'il diminuerait beaucoup les vices du système actuel. L'objection qu'on y a faite, d'ailleurs, n'a pas grande valeur, aujourd'hui que les communications sont rendues si faciles par nos chemins de fer. (Interruption,) On voudra bien me concéder, j'espère, que ces communications sont infiniment plus faciles, plus rapides aujourd'hui qu'anciennement. Au surplus, on pourrait, au besoin, créer des facilités nouvelles aux électeurs, en augmentant le nombre des bureaux ; mais, quoi que l'on fasse, il y aura toujours une foule d'inconvénients, comme le réappel, le ballottage, etc., qu'on ne pourra pas éviter. Et, en tenant compte de ces faits, la position des communes éloignées ne serait pas empilée par le mode proposé.

Sans rien préjuger, quant à tous les points traités dans la pétition, j’appuie le renvoi proposé à M. le ministre de l'intérieur.

M. de Theux. - Le changement apporté en 1848, sous la pression du mouvement républicain et révolutionnaire qui se manifestait dans toute l’Europe, a produit un tel bouleversement dans la loi électorale faite par le Congrès, au détriment de la catégorie la plus nombreuse de nos populations, c'est-à-dire des électeurs les plus éloignés du centre des élections, que je ne comprends pas que quelqu'un ait encore le courage de demander une aggravation de cette situation.

Mieux vaudrait dire que l'élection se fera exclusivement par les électeurs du chef-lieu actuel de l'arrondissement et que le reste de la population est invité à n'y pas prendre part. (Interruption.)

Oui, messieurs, c'est là mon opinion, et si nous avions à discuter cette question d'une manière approfondie, je me chargerais de le démontrer par des faits irrécusables.

Mais, dit-on, rien n'est plus facile, il y a des chemins de fer ; les moyens de communication sont devenus extrêmement simples. Pour quiconque a quelque peu assisté à des élections, cette assertion est complétement inexacte. Déjà, nous avons prévu que des élections pouvaient devoir se faire cet hiver et des élections faites dans ces conditions pourraient amener des résultats qui ne répondraient nullement à la volonté du pays.

En effet, le déplacement à de grandes distances, en cette saison, est une chose extrêmement pénible et difficile : les jours sont courts, beaucoup d'électeurs ne peuvent pas faire deux fois la route le même jour et sont obligés de passer la nuit hors de chez eux ; cela est surtout vrai lorsque, par des motifs quelconques, les opérations électorales traînent en longueur et dans les cas de ballottage ; ce sont là autant de difficultés devant lesquelles reculent beaucoup d'électeurs.

Maintenant on croit trouver une amélioration en proposant la confusion des électeurs, sous prétexte d'assurer leur indépendance.

On croit ainsi trouver un moyen contre ce que j'appelle, à juste titre, une fraude électorale, fraude qui consiste à faire connaître les électeurs. Messieurs, personne, plus que nous, n'a intérêt à faire disparaître les violences que l'on exerce à l'égard des électeurs, mais j'ai eu beau réfléchir à un moyen pratique, j'avoue très humblement que je n'en ai point découvert. J'ai vu pratiquer ces violences sur une très large échelle, elles sont tellement communes qu'il est très difficile d'espérer la liberté du vote, de ce chef. Voilà, messieurs, la vérité.

Et que l'on ne dise pas, messieurs, qu'il est difficile de reconnaître les bulletins qui ont été imposés. Rien n'est plus facile ; j'ai vu, messieurs, dans certain bureau électoral, quelqu'un s'asseoir à une table et tenir note très exactement de tous les bulletins qui sortaient.

Mais il y a une autre fraude ou plutôt une violence, c'est de menacer les électeurs qui se rendent à l'élection ; quand on n'est pas assez sûr des électeurs, on cherche par des menaces à les empêcher de se rendre aux élections.

Messieurs, les moyens de fraude sont nombreux, ils sont déplorables, et certainement celui qui aurait trouvé un moyen impartial, efficace, de prévenir toute espèce de violence exercée à l'égard des électeurs, aurait bien mérité de la patrie ; mais quant au moyen qui a été indiqué, c'est une mesure que je n'hésite pas à qualifier de révolutionnaire.

M. Manilius. - Je sais bien, messieurs, que nous ne pouvons pas, à l'occasion d'une pétition, discuter la loi électorale ; mais on ne doit pas non plus, à cette occasion, jeter des doutes sur l'efficacité du moyen qui est indiqué ; on ne doit pas surtout étayer ces doutes sur des exagérations. Comment ! on vient dire que si les bureaux étaient formés d'après l'ordre alphabétique, il y aurait perte de temps, que les électeurs ne pourraient plus regagner leur village.

Mais, messieurs, les électeurs de la lettre A ne peuvent pas plus retourner que les électeurs de la lettre Z ; je dis, moi, que ce serait exactement la même chose qu'aujourd'hui.

Je comprends que l'honorable M. de Theux, soit imbu de cette idée, il ne considère que les petits districts, où il n'y a souvent qu'un seul bureau. (Interruption.)

Eh bien, supposons que trois bureaux doivent opérer ensemble.et plus tôt ils ont fini, plus tôt les électeurs peuvent retourner dans leurs foyers, que les bureaux soient formés par communes ou qu'ils soient formés d'après l'ordre alphabétique des noms des électeurs.

Il s'agit uniquement, messieurs, du renvoi de la pétition à M. le ministre de l'intérieur afin que l'on cherche les moyens d'empêcher que chaque commune n'arrive avec son seigneur, noir ou blanc, en tête.

M. Tack. - Messieurs, il n'est que trop vrai que l'on viole très fréquemment la vérité de l'élection, la sincérité du scrutin, parce que le secret du vote est éludé. Le secret du vote, selon moi, c'est la condition de la moralité de la pureté de l'élection. Sans le secret du vote il ne reste que la violence, la coaction, la menace avant l'élection, et après l'élection la satisfaction donnée à des vengeances, à des rancunes personnelles.

Ce joug est devenu insupportable pour les petits électeurs qui s'en plaignent amèrement : ce sont des fermiers ou des locataires qu'on expulse, des artisans dont on enlève la clientèle, des boutiquiers dont on déserte les magasins. En France, on a toujours attaché la plus grande importance au vote secret. Autrefois en France on obligeait l'électeur à inscrire son vote sur le bureau même de l'élection.

Je ne préconise pas ce système qui donnerait peut-être satisfaction à ceux qui veulent que tous les électeurs sachent lire et écrire. En Belgique nous avons une disposition dans la loi, qui défend à (page 431) l'électeur de se faire connaître ; eh bien, il ne se passe pas d'élection où il ne sorte de l'urne électorale une foule de ces bulletins marqués ou, comme les appelle fort bien M. Rodenbach, « forcés », au moyen desquels on exerce une pression déplorable sur les électeurs.

C'est là, messieurs, un grand mal. Ce sont, comme on l'a dit, des qualifications originales, ridicules souvent, piquantes, toujours inutiles ; c'est tantôt un nom que l'on ajoute, c'est un système de numérotage, un système de lettres majuscules qui figurent des chiffres. Tout cela se fait avec ensemble ; souvent les bulletins sortent de la même officine et au moment du dépouillement, vous voyez de part et d'autre les partisans des divers candidats se tenir derrière le bureau, vérifier les bulletins, faire des annotations avec la plus grande exactitude.

Il ne suffirait donc pas d'omettre de proclamer les noms superflus, car tout électeur a le droit de se tenir derrière le bureau pour vérifier ce qui se passe. Tous ceux qui se sont mêlés d'élections savent ce qui en est.

Eh bien, messieurs, au point de vue de la dignité du parlement, au point de vue de la stabilité de nos institutions, nous devons tous avoir à cœur de mettre un frein à cette corruption électorale. Le système électif, comme l'a dit M. Dumortier, c'est la base du gouvernement représentatif.

La liberté en est l'essence. Si ces principes pouvaient être faussés, le système lui-même ne tarderait pas à tomber dans la déconsidération. C'est ce que personne de nous ne veut, et pour ma part, je désire que le cabinet s'occupe très sérieusement de toutes les questions qui se rattachent aux fraudes électorales.

- Le renvoi au ministre de l'intérieur est mis aux voix et adopté.


M. Vander Donckt, rapporteur. - Par pétition datée de Gand, le 6 décembre 1858, la chambre syndicale des agents de change et courtiers près la Bourse de Gand, prie la Chambre de s'occuper d'une pétition de quelques négociants de cette ville en date du 15 juillet, et de celle qu'elle a fait parvenir en réponse relativement à la révision de la loi sur le courtage.

Comme il y a eu déjà une discussion assez longue sur cet objet, lors de la présentation de ces requêtes, votre commission, messieurs, a cru qu'elle pouvait se borner à en proposer le renvoi pur et simple à M. le ministre des affaires étrangères.

- Adopté.


M. Vander Donckt, rapporteur. - Par pétition datée d'Anvers, le 13 décembre 1858, le sieur Van Spilbeeck demande l'impression des Annales parlementaires en flamand.

Messieurs, depuis que le pétitionnaire nous a fait sa demande, plusieurs autres pétitions ayant le même but nous sont arrivées. Ainsi :

Une pétition d'habitants d'Anvers prie la Chambre d'accueillir favorablement la demande du sieur Van Spilbeeck ayant pour objet l'impression des Annales parlementaires en flamand.

Par pétition du 27 décembre 1858 des habitants de Nordshout demandent la publication des Annales parlementaires dans les deux langues.

Même demande d'habitants d'Anvers.

Messieurs, la demande d'impression des Annales parlementaires en flamand n'est pas neuve, depuis longtemps on a agité cette question.

Mais à l'occasion des pétitions et du rapport de la commission sur la protection à accorder à la langue flamande, les provinces flamandes ont de plus en plus compris combien serait utile l'impression en flamand des Annales parlementaires.

On a demandé et plusieurs pétitions nous sont arrivées pour réclamer que dans les écoles les instituteurs donnent des leçons sur les principaux devoirs du citoyen belge.

Eh bien, un des moyens d'instruire le peuple à cet égard, c'est de mettre les populations flamandes à même de connaître ce qui se passe au sein des Chambres.

Votre commission, sans rien préjuger à cet égard, a l'honneur de vous proposer le renvoi de ces pétitions à M. le ministre de la justice.

- Ces conclusions sont adoptées.


M. Vander Donckt, rapporteur. - Par pétition datée de Mons, le 15 décembre 1858, le sieur Bolle présente des observations sur l'application qui lui est faite des disposions de la loi relative aux dépôts de mendicité.

Le sieur Bolle a été retenu au dépôt de mendicité par voie administrative. Pendant son séjour dans cet établissement, il a fait une petite succession. Il a demandé son élargissement. Les autorités n'ont pas permis au pétitionnaire de sortir de l'institution ; bien qu'il eût des moyens d'existence, elles ne lui ont pas accordé sa liberté.

C'est contre cette espèce de vexation que le sieur Bolle réclame.

Votre commission vous propose le renvoi de sa pétition à M. le ministre de l'intérieur.

- Ces conclusions sont adoptées.

Rapport sur une demande en naturalisation

Demande de naturalisation ordinaire du sieur Broerman

La commission de naturalisation, par les motifs que le pétitionnaire, d'après les faits signalés est Belge, propose l'ordre du jour.

- L'ordre du jour est prononcé.

Demande de naturalisation ordinaux du sieur Van Halteren

La commission des naturalisations, par les motifs que le pétitionnaire, d'après les faits signalés, est Belge, propose l'ordre du jour.

- Cette proposition est adoptée.

La séance est levée à 4 heures.