(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1857-1858)
(page 851) (Présidence de M. Verhaegen.)
M. Crombez fait l'appel nominal à 2 heures et demie.
M. Vermeire donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier.
- La rédaction en est approuvée.
M. Crombez communique l'analyse des pièces adressées à la Chambre.
« Par dépêche du 27 avril, M. le ministre de l'intérieur transmet des explications sur la pétition d'habitants de Taviet (Natnur), concernant la fondation d'instruction du comte de Rougraff. »
- Dépôt au bureau des renseignements.
M. Vander Stichelen. - Je viens, messieurs, vous faire rapport en deux mots sur les amendements proposés hier par les honorables MM. Lelièvre et Henri de Brouckere.
L'amendement de l'honorable M. Lelièvre a été admis par la section centrale. Il s'agit de supprimer de l'article 72 du projet de la section centrale les mots : « ou qu'après un jugement interlocutoire ». Nous avons, en effet, présenté hier un article par lequel il est dit qu'il ne peut être interjeté appel que quand il s'agit de sentences définitives ; dès lors on ne peut pas maintenir dans l’article 72 une disposition qui prévoit la possibilité d'interjeter appel de jugements interlocutoires. L'adoption de l'amendement de l’honorable M. Lelièvre est donc proposé pour mettre l'article 72 en harmonie avec les principes arrêtés.
A l'article 23, l'honorable M. H. de Brouckere a proposé aussi un amendement qui n'est, au fond, que la reproduction d'un autre amendement qu'il avait antérieurement proposé et que la section centrale n'a pas accueilli. La section centrale a cru devoir maintenir sa décision première Il s'agit toujours de faire décider que lorsque les conseils de prud’hommes sont assemblés pour juger, le nombre des patrons et celui des ouvriers devraient être les mêmes, c'est-à-dire que ces deux éléments devraient être également représentés. Il est, messieurs, extrêmement désirable, la section centrale ne peut pas le méconnaître, que le nombre des ouvriers et des patrons soit le même quand les conseils de prud'hommes sont appelés à porter des jugements.
Mais ce qui doit empêcher qu'on n'inscrive dans la loi cette égalité de représentation des deux éléments comme une chose obligatoire, c'est que, en définitive, dans ce système, il dépendrait de la mauvaise volonté de l'un des éléments de rendre tout conseil de prud'hommes impossible. Il suffirait que l’un des deux éléments s'abstînt, pour que le conseil de prud’hommes fût mis radicalement dans l’impossibilité de siéger et de fonctionner. C'est par ces considérations, que la section centrale croit puissantes, qu'elle ne pense pas pouvoir accueillir l'amendement que l'honorable M. de Brouckere a présenté hier.
M. le président. - Ce rapport sera imprimé et distribué.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - D'après les ordres du Roi, j'ai l'honneur de présenter à la Chambre deux projet de lois : l'un portant interprétation de l'article 405 du Code pénal ; l'autre tendant à augmenter le personnel des tribunaux de Bruxelles, de Louvain, de Charleroi, de Termonde, de Liège et de Dinant.
Par ce dernier projet, il est établi un tribunal de commerce à Alost, et la connaissance des affaires commerciales de certains cantons de l'arrondissement de Termonde est attribuée au tribunal civil.
M. le président. - Il est donné acte à M. le ministre de la justice de la présentation de ces deux projets qui seront imprimes et distribués et dont je propose le renvoi aux sections.
M. Pirmez. - Une commission spéciale ayant été chargée de l'examen de divers autres projets de loi portant augmentation du personnel de certains tribunaux, je proposerai de renvoyer à la même commission le second projet qui vient d’être présenté.
- Voix nombreuses. - Non ! non !
M. Pirmez. - Les mêmes raisons semblent exister encore aujourd'hui pour justifier ma demande. Cependant je n'insiste pas.
- Le renvoi des deux projets aux sections est ordonné.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Vrière). - Messieurs, le Roi m'a chargé de vous présenter un projet de loi tendant à donner la sanction législative à un traité d'amitié, de commerce et de navigation conclu entre la Belgique et la république de San-Salvador.
- Il est donné acte à M. le ministre de la présentation de ce projet de loi qui sera imprimé et distribué.
M. de Perceval. - Je propose le renvoi de ce projet de loi à l'examen de la section centrale qui est chargée d'examiner le budget des affaires étrangères.
- Cette proposition est adoptée.
M. le président. - La discussion continue sur l'article 6 et sur l'amendement proposé à cet article par MM. David et Grosfils.
M. Janssens. - Dans la précédente séance, l’honorable M. Devaux a appelé votre attention sur les inconvénients, sur les dangers même, que pourraient présenter, dans certaines circonstances, les assemblées trop nombreuses d'ouvriers Messieurs, j'ai vu, dans la ville que j’habite, tant de réunions d'ouvriers très nombreuses et très pacifiques, que le danger signalé par l'honorable membre ne m'avait pas frappé. Je reconnais pourtant qu'il est d'autant plus raisonnable de s'en préoccuper qu'on a quelque lieu de craindre que les apôtres de la démagogie ne saisissent cette occasion pour travailler l'esprit de la classe ouvrière et qu'ainsi l'époque de ces élections populaires ne devienne celle d'une campagne faite au profit des opinions avancées, dans ce genre de progrès.
Un grand avantage qui résulterait, à mes yeux, de la circonscription dans certaines limites du nombre d'ouvriers électeurs, ce serait de diminuer la disproportion qui existerait entre celui-ci et le nombre d'électeurs patrons. Et cette disproportion est le principal argument le seul peut-être qu'on oppose à la réunion de tous les électeurs dans un seul collège, réunion qu'il me paraît si désirable de maintenir pour conserver aux prud'hommes le caractère de conciliateurs qui est une condition essentielle de leur utilité. Mais cette réduction plus ou moins arbitraire des listes électorales n'est pas sans difficultés ; ne serait-il pas plus sage de modifier les conditions d'inscription ? Cette solution, messieurs, je ne doute point que vous ne l'adoptiez, si l'on pouvait trouver une règle d'après laquelle on éliminerait les ouvriers les moins aptes à faire un usage raisonnable du droit que vous voulez leur conférer.
Eh bien, je crois que ce résultat serait en grande partie obtenu, en modifiant, à l'égard des ouvriers, les conditions d'âge. L'âge exigé par l'article 6 est de 25 ans, on pourrait porter celui-ci à 30 ou même à 35. Au premier abord, il peut y avoir quelque chose de choquant dans la différence que l'on établirait ici entre les patrons et les ouvriers. Cependant, messieurs, cette différence pourrait parfaitement se justifier. Quoique vous exigiez que ceux-ci sachent lire et écrire, il est certain que leur intelligence n'aura pu recevoir, par l'instruction et par l'éducation, un développement, une maturité aussi précoce qu'on peut généralement le supposer pour les chefs d'industrie. L'ouvrier, pour se former, doit attendre beaucoup de l'expérience et de l'observation, et ce genre d'éducation est lent. Il est donc raisonnable d'élever, pour lui, le minimum d’âge.
D'ailleurs, messieurs, tout ce qui pourrait rendre l'intervention de l'ouvrier dangereuse, le désir d'une indépendance absolue, d'une liberté sans règle, la répulsion contre toute idée d'autorité, tout cela sont des erreurs propres à la jeunesse et qui sont bien moins à craindre de la part d'hommes arrivés à l'âge mur. L'ouvrier père de famille, devenu lui-même chef de sa maison, est très disposé à reconnaître le besoin d'autorité. Ces considérations ne s'appliquent pas jusqu'au même point aux patrons, il faut surtout rechercher chez eux des sentiments généreux, et l'âge ne donne pas ceux-ci.
Je suis donc disposé à croire qu'il serait utile de modifier dans ce sens les conditions d'âge que les ouvriers devront remplir pour être admis sur la liste des électeurs. Cette mesure messieurs, donnerait une double garantie contre le danger que vous a signalé l'honorable M. Devaux ; elle diminuerait le nombre d'ouvriers à réunir, il éloignerait de ces réunions une catégorie d'ouvriers qui peut inspirer moins de confiance. Par les mêmes considérations, messieurs, cette mesure pourrait faire cesser l'hésitation que plusieurs d'entre vous éprouvent à admettre les deux catégories d'électeurs à concourir simultanément à la double élection à faire.
J'aurai l'honneur de déposer un amendement dans ce sens.
M. Vander Stichelen, rapporteur. - A la fin de la séance d'hier, l'honorable M. Devaux a fait quelques observations relativement à l'article 6 du projet de la section cenitale.
II a demandé d'abord qu'on déterminât d'une manière plus précise que dans le texte du projet de loi, les attributions de la députation permanente quant à la formation des listes d'électeurs. Il a demandé si la députation permanente avait le droit absolu d'épurer, de réduire, d'augmenter les listes provisoires qui lui seraient envoyées par les administrations communales.
A mon sens, dans la pensée aussi de la section centrale comme dans celle de l'auteur du projet, si je m'en réfère à l'exposé des motifs qui nous a été distribué, il ne peut pas, à cet égard, exister le moindre doute. Il est très certain, sinon d'après le texte même de la loi, du moins (page 852) d'après l'intention avérée qui l’a dictée, que la députation permanente a, à cet égard, un pouvoir absolu, discrétionnaire et, si l’on veut, arbitraire.
Voici l'économie du projet de loi : des listes provisoires sont envoyées à la députation permanente par les administrations communales. Ces listes provisoires servent à la députation de renseignements. D'après le projet de loi, c'était la députation qui dressait les listes. La section centrale s'est demandé comment la députation pourrait s'acquitter de ce devoir. La députation permanente est composée de membres qui arrivent de divers points de la province et qui, par conséquent, ne connaissent pas assez les localités pour pouvoir ainsi dresser des listes d'électeurs.
La section centrale s'est donc dit : La députation permanente devrait nécessairement s'adresser aux administrations communales. Les administrations communales, à leur tour, devraient s'adresser à la police, et la police s'adressera aux chefs d’industrie. Ainsi, comme premier degré, nous avons la députation permanente qui s'adresse aux administrations communales. La section centrale a pensé qu'il ne suffit pas que les administrations communales communiquent à la députation permanente des renseignements quelconques, mais qu'il est désirable que ces renseignements soient pris avec soin.
La section centrale a pensé qu'on pouvait avoir, sous ce rapport, des garanties d'autant plus grandes que la responsabilité des administrations communales sera plus rigoureuse ; c'est-à-dire que si, au lieu de les charger d'adresser à la députation des renseignements tels quels, on les charge de dresser, sous leur responsabilité, des listes provisoires, elles feront ce travail avec beaucoup plus de circonspection. Dans le système de l'article que nous discutons, l'administration communale dresse des listes provisoires, et les communique à la députation permanente qui en fait absolument ce qu'elle veut, c'est-à-dire que sur des réclamations qui lui sont faites, elle y ajoute des noms d'électeurs, ou qu'elle raye des noms qui y ont été portés.
L'honorable M. Devaux a pensé que ces divers droits attribués à la députation permanente devaient être mieux déterminés dans la loi.
Je crois qu'il y aurait avantage à ce que cela fût, et si l'honorable M. Devaux veut proposer une modification dans ce sens, elle est accueillie d'avance.
En attendant, je demanderai à la Chambre la permission de lui soumettre ma pensée à cet égard :
On pourrait dire que les listes provisoires d'électeurs pour les conseils de prud'hommes sont dressées par les administrations communales respectives et ensuite que les listes générales (des patrons et des ouvriers) sont révisées et arrêtées par la députation permanente.
Je pense, messieurs, que cette modification rendrait complétement le système de la loi, et répondrait au désir exprimé par l'honorable M. Devaux.
En deuxième lieu, messieurs, l'honorable M. Devaux a demandé pourquoi la section centrale a introduit le système de la révision annuelle. La section centrale a pensé que c'était, en quelque sorte, faciliter la besogne des administrations communales et de la députation permanente ; elle a pensé que d'une année à l'autre les mutations ne seront pas assez nombreuses pour rendre la besogne aride et difficile pour ceux qui en sont chargés ; du reste elle est disposée à abandonner sur ce point les modifications proposées.
Si la Chambre a quelque désir de voir substituer la révision triennale à la révision annuelle, la section centrale ne fait aucune objection.
Maintenant, messieurs, convient-il de diminuer le nombre des électeurs-ouvriers qui pourront être portés sur la liste ?
La section centrale, quoiqu’un amendement n'ait pas été déposé dans ce sens, s'est occupée encore aujourd'hui de ce point important. En définitive, elle maintient le système de la loi, c'est-à-dire que, contrairement à l’opinion émise par l'honorable M. Devaux, elle pense qu'il n'y a aucun danger sérieux à laisser, sous ce rapport, toute latitude à la députation permanente.
La liste des électeurs ouvriers subit, avant d'être arrêtée, un double travail d'épuration, d'abord devant le collège échevinal, en second lieu devant la députation permanente.
L'intention formelle des auteurs de la loi, comme celle de la section centrale, est que la liste électorale comprenne tous les ouvriers qui donnent des garanties sérieuses de moralité et de bonne conduite.
D'autre part, la loi dispose que, pour pouvoir être porté sur la liste, il faut savoir lire et écrire.
Eh bien, il est certain, d'après la section centrale, que, si l'on exige l'accomplissement rigoureux de cette condition, d'un côté, et que si la députation permanente, d'un autre côté, remplit ponctuellement son devoir, il est à craindre que le nombre d'électeurs ne soit, non pas trop grand, mais trop restreint.
A cet égard, la section centrale est unanime. Voilà pourquoi elle ne pourrait appuyer la modification que l'honorable M. Devaux voudrait introduire à l'article 6.
Voyez, d'ailleurs, l'énorme difficulté pratique qu'entraînerait un amendement proposé par M. Devaux.
Il veut déterminer dans la loi le nombre des électeurs. A quel chiffre vous arrêterez-vous ? à cent, deux cents ? pourquoi pas trois cents ? pourquoi pas quatre cents ?
Il est impossible de trouver une base raisonnable. Vous ne pouvez pas dire à quel nombre il conviendrait de s'arrêter. C'est l'arbitraire le plus complet qu'on puisse imaginer.
Mais remarquez que, quel que soit le nombre des électeurs d'ouvriers, ils n'ont toujours que les mêmes droits. On comprendrait qu'on prît quelques mesures de précaution, si les droits attribués à ces corps électoraux devaient s'étendre avec le nombre d'électeurs. Il n'en est pas ainsi. Mille électeurs ouvriers n'ont pas plus de droits que vingt -cinq.
Je crois donc que, de ce chef encore, la crainte manifestée par l’honorable M. Devaux n'est pas fondée.
L'honorable M. Janssens, se plaçant à peu près au même point de vue que l'honorable M. Devaux propose un expédient : c'est d'augmenter l'âge à partir duquel on peut être porté sur la liste électorale ; il propose de porter cet âge de 25 à 35 ans pour les ouvriers.
Je crois qu'il y a une considération qui doit faire écarter cette proposition d'une manière absolue : c'est que l'âge de 25 ans est l'âge fixé par la Constitution pour l'exercice des droits politiques les plus importants.
Messieurs, quand nos lois reconnaissent la compétence d'un homme de 25ans pour juger les questions politiques les plus difficiles et les plus compliquées, on peut bien lui reconnaître la même compétence, la même aptitude quand il s'agit de prendre part à l'élection d'un tribunal comme un conseil de prud'hommes.
Rappelez-vous, messieurs, et c'est un point qu'il ne faut pas perdre de vue un instant sous peine de faire fausse route, rappelez-vous que le pouvoir judiciaire des conseils de prud’hommes peut être considéré comme à peu près nul.
Les documents statistiques qui ont été produits relativement aux conseils de prud'hommes pour 1856, démontrent qu'on peut porter jusqu'à 600 causes devant un conseil, sans que celui-ci soit appelé une seule fois à exercer son pouvoir judiciaire ; je dis que, dans de pareilles conditions, prendre toutes ces précautions compliquées pour éviter des dangers qu'on peut appeler chimériques, c'est pécher par excès, par luxe de prudence.
Je pense donc qu'il y a lieu d'adopter sur ce point comme sur d'autres, le projet du gouvernement avec les amendements de rédaction proposés par la section centrale.
M. le président. - Voici l'amendement déposé par M. Janssens.
« A l'article 6 du projet du gouvernement 7 du projet de la section centrale, effacer le deuxième paragraphe et ajouter le suivant :
« En outre les chefs d'industrie devront avoir atteint l'âge de 25 ans et les ouvriers celui de 35 ans. »
M. David. - Messieurs, les discours que j'ai entendus jusqu'à présent ne m'ont pas convaincu ; je suis obligé de maintenir les amendements que j'ai présentés. A mon avis, l'avenir, la popularité, le succès de la loi que nous discutons, dépendent beaucoup du mode que nous adopterons pour l'élection.
C'est vous dire que je suis loin d'adopter le mode proposé hier par l'honorable M. Devaux.
L'honorable rapporteur de la section centrale vient déjà de le combattre d'une manière victorieuse ; j'ajouterai cependant encore quelques considérations.
Je suis étonné que l'honorable membre s'effraye d'un système qui est de beaucoup dépassé dans la France impériale d'aujourd'hui.
En France, la loi de 1853 admet tous les ouvriers âgés de 25 ans à voter pour les conseils de prud'hommes. On ne leur demande pas de savoir lire et écrire.
Cette condition est exigée seulement du prud'homme. Je ne pense pas que ce qui peut fonctionner en France puisse nous émouvoir dans notre libre Belgique.
D'après la loi que nous discutons, nous exigeons des électeurs qu’ils sachent lire et écrire. Par cette disposition vous rayez positivement 90 p. c. des ouvriers. Pour le moment, c'est la proportion ; sur 100 ouvriers vous aurez 10 électeurs. Faut-il s'effrayer de ce petit nombre s'il doit un jour se réunir pour l'élection de prud'hommes ? Nous voyons des réunions plus nombreuses qui ne sont nullement dangereuses.
Afin d'avoir des listes comprenant bien exactement tous les ouvriers et tous les patrons qui doivent faire partie des électeurs, c'est encore toujours au conseil communal, me semble-t-il, que vous devez vous adresser pour faire dresser ces listes. J'ai déjà donné hier quelques motifs à l'appui de cette idée ; ces motifs n'ont été combattus que par la seule considération que les conseils communaux ont déjà beaucoup de besogne et qu'ils n'auraient pas le temps de s'occuper de la rédaction des listes provisoires.
Mais, messieurs, le conseil communal de Bruxelles même ne se réunit qu'une fois tous les huit jours ; la généralité des autres conseils communaux ne se réunissent guère qu'une fois par mois.
C'est, je pense, la meilleure preuve que ces conseils ne sont pas surchargés de travail, comme on pourrait le croire, et qu'ils pourraient très facilement se réunir une fois de plus chaque année, pour examiner les listes qui auront été dressées, remarquez-le bien, par les gardes champêtres ou par les commissaires de police.
La seule opération qui offrira quelque difficulté sera la formation de la première liste.
Mais une fois cette première liste dressée, le travail de révision auquel il faudra se livrer ultérieurement sera peu important, puisqu’il ne consistera que dans quelques radiations et dans l'adjonction des ouvriers et des patrons qui réuniront successivement les qualités voulues pour être électeur par l'article 7. L'argument, messieurs, s'il était appliqué aux administrations communales, serait juste ; en effet, le collège des bourgmestre et échevins est surchargé de besogne ; celui-là ne pourra (page 853) examiner par lui-même et devra probablement s'en rapporter au secrétaire communal.
Nous avons en Belgique, messieurs, 2,450 conseils communaux qui, chaque année, doivent faire la répartition des charges locales, et dans beaucoup de communes nous avons jusqu'à trente classes de contribuables, qui varient de 400 francs à 50 centimes. Voilà certainement une besogne autrement ardue que celle qui résulterait de la formation des listes électorales pour les conseils de prud'hommes.
Les conseils communaux doivent faire aussi les répartitions des compositions pour la voirie vicinale. Voilà encore une tâche bien rude et bien autrement difficile que celle qui aurait pour objet de rechercher quels sont les individus qui réunissent les conditions voulues pour être inscrits sur les listes des électeurs, besogne purement mécanique en quelque sorte et qui ne réclamera aucun soin sérieux. Les conseils communaux sont beaucoup mieux à même, d'ailleurs, de juger avec connaissance de cause dans quels cas il convient d'inscrire sur les listes des électeurs nouveaux ou de rayer d'anciens électeurs. Voilà pourquoi j'insiste pour que les conseils communaux soient chargés de ce travail.
Ma proposition, messieurs, est toute favorable à l'institution même des conseils de prud'hommes ; si vous ne faites pas concourir le plus grand nombre possible d'électeurs, il y aura des catégories d'intéressés qui croiront n'être pas représentés dans les conseils de prud'hommes et ils n'auront pas confiance dans la justice que rendront ces conseils.
D'un autre côté, je me demande quelle sera la mission de la députation permanente pour la formation des listes définitives ; la députation ne connaîtra aucun des individus inscrits sur les listes ; pour réviser celles-ci, elle devra donc s'adresser aux personnes qui les auront dressées.
Or, ces personnes maintiendront leur travail dans la plupart des cas, et la députation, à moins d'ouvrir une enquête, sera bien obligée d'adopter les listes telles qu'elles auront été formées ou procéder aux radiations par catégories, sans règles fixes, arbitrairement. Les listes deviendront incomplètes.
Je persiste donc dans l'amendement que j'ai eu l'honneur de présenter.
M. Devaux. - Je me félicite d'avoir appelé l'attention de la Chambre sur le point important dont je me suis occupé hier ; car les explications que vient de donner M. le rapporteur de la section centrale le rendent plus grave encore et font comprendre la nécessité de dire, dans la loi, à la députation permanente, quelles sont les intentions de la législature.
En effet, messieurs, j'avais cru que l'intention de la section centrale était que les listes électorales fussent réduites dans certaines proportions ; mais d'après les explications données par M. le rapporteur, son intention est qu'elles soient le plus étendues qu'il est possible et qu'on en retranche le moins d'individus qu'on pourra, réunissant les qualités déterminées par la loi.
M. Vander Stichelen, rapporteur. - Je n'ai pas dit un mot de cela.
M. Devaux. - Il résulte des explications données par M. le rapporteur, qu'on ne retranchera pas arbitrairement des individus qui réunissent les conditions prescrites par la loi ; mais qu'on fera en sorte d'en réduire le nombre le moins qu'on pourra.
M. Vander Stichelen. - Je n'ai pas dit cela.
M. Devaux. - Si ce n'est pas là votre intention, je vous demande d'après quel principe vous vous guiderez pour réduite les listes.
Un membre de la section centrale dit que la députation est omnipotente ; eh bien, je le demande, comment exercera-t-elle son omnipotence ? Il faut le dire dans la loi. Voulez-vous des collèges électoraux nombreux ? Oui, dit l'honorable M. Ch. de Brouckere ; eh bien, faites en sorte que cela résulte de la loi. Moi, je veux des collèges électoraux réduits. Il faut donc que la loi dise l'un ou l'autre ; que la députation sache si sa mission est de faire de grands collèges électoraux ou des petits.
L'honorable M. Janssens propose un remède consistant à fixer l'âge des électeurs à 35 ans pour les ouvriers, et à 25 ans pour les patrons. Mais je trouve quelque chose de fâcheux dans cette inégalité d'âge ; mieux vaudrait fixer l'âge de 35 ans pour les patrons comme pour les ouvriers. Quoi qu'il en soit, cela ne me semble pas encore suffisant. Il est possible que cela suffise pour Saint-Nicolas, par exemple, mais cela ne suffira certainement pas pour Gand, Liège, Charleroi, etc. Là où vous avez une population de 50,000 ouvriers dans le ressort d'un conseil de prud'hommes, il faut nécessairement autre chose que ce moyen pour réduire convenablement le nombre des électeurs, pour le ramener aux proportions que je désirerais ; car en fixant l'âge des électeurs à 35 ans, vous pouvez encore arriver à former des collèges électoraux de 5,000, 6,000 et même 10,000 hommes peut-être.
Mais M. le rapporteur objecte que la section centrale n'admet comme électeurs que les habitants sachant lire et écrire, et il fait remarquer que le nombre de ceux-ci n'est pas très considérable. Cela est possible pour aujourd'hui ; mais nous ne faisons pas une loi pour un jour et j'espère bien que bientôt le nombre actuel des citoyens belges sachant lire et écrire augmentera dans une forte proportion ? D'ailleurs, il ne faut pas qu'on s'y trompe, il y a des populations ouvrières au sein desquelles l'instruction est assez répandue et certainement l'intention de la Chambre ne peut pas être d'assembler sur un même point des milliers d'électeurs ouvriers.
Si je me trompais à cet égard, si telle était l'intention de la Chambre, la loi prendrait un caractère différent de celles auxquelles je suis habitué à donner mon vote.
Je dis d'un autre côté que le système est impraticable.
Quel est, en effet, s'il se peut que les listes électorales contiennent des milliers de noms, quel est le conseil communal qui pourra s'assurer si tous les électeurs savent lire et écrire ?
Cela n'est évidemment pas possible ; et vous voulez que la révision des listes soit faite tous les ans. On dit que nous voulons compliquer. Les complications consistent dans la formation annuelle de listes de milliers d'électeurs ; la simplification, au contraire, consiste à les réduire.
L'honorable M. David m'objecte ce qui se fait en France sans qu'on en soit effrayé. Je réponds qu'en France on a le suffrage universel. Je ne sais si l'on en est effrayé, mais quant à moi je le serais en Belgique et je n'en veux pas pour mon pays. Il se peut qu'à côté du gouvernement actuel de la France il y ait peu d'inconvénients à ce genre d'élection des prud'hommes, si tant est que la pratique y réponde à la loi écrite ; maïs nous avons une autre espèce de gouvernement qui a de tout autres conditions et de tout autres exigences.
De deux choses l'une ; ou vous compterez les électeurs par milliers et je dis que c'est trop ; je crois que c'est trop pour toute la Chambre. Ou vous ne compterez les électeurs que par centaines et dès lors, vous pouvez admettre un maximum. Dans tous les cas il faut que la Chambre ou tout au moins le gouvernement dise son intention. Si l'on trouve quelque chose de trop inflexible à fixer un chiffre maximum dans la loi pour tous les conseils de prud'hommes, je laisserai par la loi au gouvernement la latitude de le fixer par arrêté. Mais, dans tous les cas, il faut que les députations et les administrations communales aient une direction.
On me demande d'après quelle règle ces autorités réduiront les listes pour ne pas dépasser le maximum. Elles préféreront ceux qu'elles croient les plus aptes. S'il en est un trop grand nombre qu'elle croit également aptes, elles pourront même employer le sort pour les reduire au nombre voulu. Les administrations communales s'informeront dans chaque atelier d'un petit nombre d'ouvriers capables de remplir les fonctions électorales.
Messieurs, il est évident que nous commençons une chose nouvelle. Si l'on veut qu'elle réussisse, il faut débuter avec quelque prudence, l'on ne risque rien, et se tenir d'abord dans des limites assez étroites. Il sera toujours facile de les étendre ; il serait plus difficile de les resserrer lorsqu'on a commencé par les élargir outre mesure.
Je demande donc que la députation permanente ne puisse dépasser dans la confection des listes un nombre maximum déterminé par le gouvernement.
J'aurai l'honneur d'envoyer à M. le président un amendement dans ce sens, amendement qui en même temps fixe la révision à trois ans. Car si l'on adoptait même l'opinion de la section centrale qu'il faut admettre autant d'électeurs sachant lire et écrire qu'on le pourra, ce serait une raison de plus pour ne pas faire la vérification annuelle. Car ce serait une énorme tâche pour les administrations communales si les listes doivent être nombreuses, que de procéder, chaque année, à toutes les vérifications, à toutes les informations qu'exigerait la formation des listes dans les proportions qu'on veut leur donner.
M. le président. - Voici l'amendement de M. Devaux :
« Deux listes d'électeurs, choisis d'une part parmi les chefs d'industrie et de l'autre parmi les ouvriers sont arrêtées tous les trois ans, du 1er au 15 août, par la députation permanente du conseil provincial. Les administrations communales du ressort du conseil lui adressent à cet effet des listes provisoires d'électeurs choisis par elles dans leurs circonscriptions respectives.
« Le gouvernement fixe à l'avance, pour le nombre des électeurs de chacune des deux catégories, la limite que la liste définitive ne peut dépasser. »
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, je suppose que cet amendement aura le sort des autres amendements, qu'il sera renvoyé à la section centrale. Il est bon cependant d'échanger des explications sur la portée des amendements et sur la portée du projet de loi.
Je pense que mon honorable ami, représentant de Bruges, s'exagère et de beaucoup les dangers éventuels que pourrait présenter l'exécution de la loi. Il craint que la loi actuelle ne réunisse un trop grand nombre d'électeurs. Moi, j'ai la crainte absolument contraire. Je crois que l'élection dont il s'agit ne présentera jamais, du moins dans les circonstances normales un assez grand intérêt pour attirer un grand nombre d'électeurs. Voici en fait comment les choses se passent. Nous avons un exemple sous les yeux ; nous n'avons pas besoin de nous livrer à des hypothèses.
Que se passe-t-il aujourd'hui pour la formation des tribunaux de commerce ? Là, on s'adresse à des hommes intelligents, à des hommes qui ont un grand intérêt à composer convenablement le tribunal qui doit décider des affaires les plus graves en matière commerciale. Eh bien, très souvent on ne parvient pas à détacher plus de sept ou huit personnes pour procéder à la formation des tribunaux de commerce, et cela parmi les notables, les gens qui ont le plus d'intelligence, (page 854) le plus de loisirs, qui peuvent dépenser deux ou trois heures sans voir réduire leurs moyens d'existence, comme l'ouvrier qui se déplace.
Mais nous avons un exemple dans l'espèce même, en ce qui concerne les conseils de prud’hommes Aujourd'hui tous les ouvriers patentables sont appelés à voter.
M. Ch. de Brouckere. - Il n'y en a pas.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Il y en avait. Le principe de la loi actuelle était celui-ci ; tout ouvrier payant patente était admis à voter,
M. Devaux. - Ils n'y ont pas d'intérêt.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Ils sont admis à voter en vertu de la législation actuelle. II est arrivé que, par une mesure très libérale en elle-même, en supprimant leur patente, on a destitué en quelque sorte les ouvriers de leurs prérogatives électorales. On a dit qu'il y a eu 60,000 ouvriers patentables et qui ont cessé d'être électeurs pour les conseils de prud'hommes. Mais, lorsqu’ils étaient électeurs, venaient-ils aux élections ? Ils n'y venaient pas, et s'il y a des inconvénients, c'est, je le répète, dans l'abstention, qui sera en quelque sorte la règle pour la formation des conseils de prud'hommes.
Je viens d'entendre dire derrière moi qu'ils n'ont pas d'intérêt. Mais ils sont absolument dans la même position par la loi qu'avant la loi. Ils auront toujours le même intérêt. Il s'agira pour eux, dans le système que propose la loi, de nommer des juges prud'hommes, comme il s'agit, avant la loi, pour eux, de faire la même opération ; ils s'abstenaient, ou se présentaient en petit nombre, bien qu'ils ne fussent pas astreints aux conditions que la loi nouvelle leur impose.
Il en est une que je considère comme suprême et essentielle : c'est l'obligation de savoir lire et écrire Messieurs, je n'hésite pas à le dire, je ne me défierais pas d'une assemblée électorale, quelle qu'elle fût, dont tous les membres sauraient lire et écrire ; si nous avions une réforme électorale possible en présence du texte de la Constitution, et, si i l'on substituait au cens électoral payé par une foule de personnes qui ne savent ni lire ni écrire un cens intellectuel qui n'accorderait le droit électoral qu'à ceux qui savent lire et écrire, quant à moi, j'adopterais de confiance un pareil changement.
Je me fierais beaucoup plus à des électeurs sachant lire et écrire qu'à des électeurs ignorants qui payeront 15 à 20 francs de contributions.
Cette condition, messieurs, de savoir lire et écrire offre à mes yeux : une garantie d'ordre très suffisante.
De plus, messieurs, on exige une garantie d'âge, 25 ans ; quelques membres veulent porter cet âge à 35 ans. On oublie, messieurs, que pour être électeur communal, avec un cens très réduit, comme vous le savez, il ne faut avoir que l'âge de la majorité. La loi communale' n'exige que 21 ans.
Or, il s'agit là d'une opération très importante, qui peut avoir des conséquentes bien autrement graves que la nomination d'un simple conseil de prud'hommes.
En troisième lieu, messieurs, les électeurs à désigner en vertu de l'article 7 ne sont pas des électeurs de droit ; ce sont des électeurs de choix ; l'administration communale choisit, l'administration communale inscrit les électeurs remplissant les conditions voulues par la loi, c'est-à-dire d'être Belge, d'avoir atteint l'âge de 25 ans, d'exercer effectivement une industrie ou un métier et de savoir lire et écrire et d'être domiciliés.
Voilà, messieurs, des conditions qui, à mon avis, sont suffisantes et plus que suffisantes pour assurer aux listes électorales, formées par les administrations communales, des garanties que nous aussi nous désirons dans les ouvriers électeurs.
Il est, messieurs, un fait auquel il n'y a qu'à se résigner : quoi que vous fassiez, les ouvriers seront toujours beaucoup plus nombreux que les maîtres.
Pourquoi voudrait-on réduire leur nombre au niveau de celui des patrons ? Les assemblées sont différentes ; les ouvriers nomment leurs prud'hommes, comme les patrons nomment leurs prud'hommes. Je conçois très bien que si les ouvriers et les patrons avaient à faire ensemble l'élection, on pourrait craindre que les ouvriers ne fusent trop nombreux, mais il n'y a aucun inconvénient du moment où les élections des patrons et les élections des ouvriers se font séparément.
Je redoute les grandes réunions où pourraient se commettre certains abus dans des circonstances données. Il me semble qu'on perd de vue une chose, c'est que les ouvriers, pour se réunir en très grand nombre, n'ont pas besoin de la loi des prud'hommes ; la Constitution leur permet de se réunir par milliers chaque fois qu'ils le jugent convenable, et je ne vois pas que jusqu'ici ils aient abusé de ce droit.
Je crois que ce n'est pas dans les circonstances où ils auront à exercer un droit électoral, à exercer une fonction qui les relève à leurs propres yeux, ce n'est pas dans de telles circonstances que les ouvriers se livreront à des excès. Dans un pays libre comme le nôtre, où il est permis aux ouvriers de s'assembler tous les jours, de former de grandes associations et où ils n'ont jamais abusé de ce droit, je pense qu'il ne faut avoir aucune crainte, en ce qui concerne les élections pour les conseils de prud’hommes.
Si dans certains districts le nombre des ouvriers était trop considérable, rien n'empêcherait de former plusieurs conseils de prud'hommes ; et de cette manière, l'assemblée électorale serait fractionnée suivant le nombre des conseils de prud'hommes. Dans d'autres localités, où les ouvriers ne pourraient pas être divisés en plusieurs assemblées, et où l'on aurait des craintes sur les résultats de ces grandes réunions, eh bien, là, les autorités appelées à donner leur avis sur l'utilité d'un conseil de prud'hommes, ces autorités ne donneront pas un avis favorable, ne prendront pas l'initiative d'une proposition. Mais il me semble qu'on ne doit pas repousser un système utile dans presque toutes les parties du pays, parce que, dans deux ou trois localités, ce système pourrait offrir quelques inconvénients.
Il y a, messieurs, des exemples de cette division dont je viens de parler.
Ainsi, dans le Hainaut, on a formé un conseil de prud'hommes pour Dour et on en a formé un pour Pâturages. Or, voici ce que je lis dans une lettre qui m'a été adressée le 4 mars de cette année, et où l'on rend compte des opérations du conseil de prud’hommes de Dour :
(L orateur donne lecture de cette lettre.)
Voilà les observations que présente le rapport du conseil de prud’hommes de Dour.
On prétend que la loi sera impraticable parce que les administrations communales auront de la peine à constater quels sont les ouvriers qui savent lire et écrire ; eh bien, je demande comment le système qu'on met en avant sera plus praticable, lorsqu'on imposera à la commune ou à la députation l'obligation de supprimer un certain nombre d'électeurs inscris ; comment la députation pourra-t-elle réduire les 20,000 électeurs que l'on suppose à 200 ?
Maintenant on exagère singulièrement le nombre d'ouvriers, quand on parle de 50,000 ouvriers réunis sur un point.
Il n'y a pas 50,000 ouvriers réunis sur un point dans le ressort d'un conseil de prud'hommes. (Interruption.) Et de ces ouvriers, combien faut-il en déduire ? Il y a d'abord les femmes, les enfants et les garçons au-dessous de 25 ans ; en voilà déjà plus de la moitié ; il faut ensuite défalquer ceux qui ne savent ni lire ni écrire ; voilà une nouvelle réduction de moitié du nombre d'ouvriers restants. Voyez la statistique, qui constate le degré d'instruction des miliciens ; plus de la moitié ne savent ni lire ni écrire.
Ainsi n'exagérons pas, sons ce rapport, la portée de la loi ; n'exagérons pas nos frayeurs au sujet de ces grandes réunions qui auront lieu tous les trois ans.
Dans la plupart des districts, ces dangers, si dangers il y a, n'existent pas. Le nombre des ouvriers est toujours plus grand que celui des patrons, cela est inévitable ; mais dans la plupart des localités, il n'existe pas de masses pareilles d'ouvriers ; eh bien, là je suis d'avis que les ouvriers qui savent lire et écrire peuvent très utilement pour eux-mêmes, et très utilement pour la chose publique, être appelés à exercer certains droits électoraux.
J'en arrive à l'amendement de l'honorable M. David. L'honorable membre insistant, je répète que son amendement est impraticable. Encore une fois, l'inscription des noms des ouvriers, sachant lire et écrire et remplissant les conditions voulues par les articles 7 et 8, ne rentre pas dans les fonctions du conseil communal.
Ce n'est pas le conseil communal qui arrête la liste provisoire des électeurs politiques. Réclamez donc d'abord cette réforme dans les lois politiques.
Il faut que la liste soit faite avec attention et soin. Un corps délibérant est incapable d'opérer de cette manière. Il faut abandonner la confection de la liste a la responsabilité des agents du pouvoir exécutif de la commune, c'est-à dire aux bourgmestre et échevins.
Quant à limiter le droit de la députation d'ajouter à la liste ou d'en retrancher, je crois que ce système est également impraticable. Il faut, sous ce rapport, laisser une latitude complète aux collèges échevinaux et aux députations, sauf à ceux qui ne seraient pas inscrits, à réclamer.
S'il y a ici une chose à craindre, c'est bien plutôt l'indifférence que les exigences de ceux que la chose concerne. Vous verrez très exceptionnellement des ouvriers se déplacer pour réclamer leur inscription sur la liste, inscription qui n'est pour eux que la condition d'une corvée.
Pour ma part, je le répète, je crains beaucoup plus l'indifférence que le zèle pour l'exercice de ce droit. C'est surtout contre l'indifférence que je voudrais prémunir ceux que la loi intéresse ; je voudrais les exciter plutôt à exercer ces droits, que de les en détourner par des moyens qu'il me serait impossible d'admettre.
M. Ch. de Brouckere. - Messieurs, l'amendement de l'honorable M. Devaux serait impraticable dans l'esprit même de la loi. On a parlé du nombre 200 ; mettez 400. La loi prévoit un certain nombre d'électeurs ou certaines catégories d'électeurs de droit, par exemple, tous les médaillés...
M. Devaux. - Il ne s'agit pas de cela maintenant ; cela viendra après.
M. Ch. de Brouckere. - Ceux-là peuvent être portés sur la liste des électeurs.
M. Devaux. - Cela n'est pas décidé.
M. Ch. de Brouckere. - L'amendement de l'honorable M. Devaux décide en principe qu'il n'y aura plus d'électeurs de droit ; car s'il y a des électeurs de droit, le nombre de ceux-ci peut surpasser le nombre des électeurs qui seront admis sur la liste, et par conséquent, il y aura plus d'ouvriers à inscrire sur la liste.
(page 855) L'amendement de l'honorable M. Devaux détruit complèéement la loi. Que voulons-nous ? Nous voulons qu'il y ait parité dans le conseil de prud'hommes entre les patrons et les ouvriers.
Pour réduire dans une grande ville le nombre d'ouvriers à 200, comme l’a dit l'honorable membre, on ira consulter les patrons. Mais il n'y aura plus en réalité d'ouvriers dans un conseil de prud’hommes, si on va demander aux patrons quels sont les ouvriers qu'on désignera pour être prud'hommes.
Il faut que la liste des ouvriers soit placée en dehors de toute pression, de toute influence des patrons. Mieux vaudraient alors des conseils de prud'hommes exclusivement composés de patrons.
S'il s'agit de constater si les ouvriers portés sur la liste savent lire et écrire, vous n'avez pas besoin pour cela de consulter des patrons ; vous n'avez pas non plus besoin de les consulter, s'il s'agit de s'enquérir si les ouvriers ont une bonne conduite ; l'administration communale sait cela parfaitement ; il n'y a pas lieu de recourir aux patrons.
Il faut donc que la liste soit faite d'abord, dans les grandes villes par les commissaires de police ; qu'elles soient revues par l'administration communale, mais qu'elles soient faites en dehors de toute influence des patrons, parce que j'aime mieux ne pas avoir de conseil de prud'hommes que d'avoir des électeurs au choix des patrons et des électeurs patrons ce qui ferait qu'on aurait deux fois le vote des patrons.
A ce prix-là je ne veux pas d'électeurs ouvriers.
M. Devaux. - Quant aux électeurs de droit, nous verrons si la Chambre admet le principe ; tout ce qu'il y aurait à changer, ce serait de dire : seront électeurs de préférence. Les électeurs de droit, d'après la rédaction de la disposition du projet, sont très peu nombreux ; ce sont d'abord les électeurs qui ont reçu la médaille, ceux qui ont deux cents francs déposés à la caisse d’épargne ; il y a encore une autre catégorie, aussi fort peu nombreuse.
L'honorable M. de Brouckere veut que l'administration communale fasse tout par elle-même, qu'elle ne consulte pas les patrons ; il veut des listes indéterminées. Je demande comment il s'assurera que des milliers d'électeurs savent lire et écrire.
M. Ch. de Brouckere. - C'est facile.
M. Devaux. - Je ne comprends pas par quelle omniscience M. de Brouckere pourra savoir que des milliers d'ouvriers savent ou ne savent pas lire et écrire.
M. Ch. de Brouckere. - Par les commissaires de police.
M. Devaux. - Ils n'en sauront rien. Pour quelques centaines d'électeurs c'est facile, mais quand vous avez des milliers d'électeurs… (Interruption...) Qu'on ne dise pas qu'il ne s'agira pas de milliers d'électeurs ! Dans la circonscription de Liège combien y a-t-il d’ouvriers ? La ville de Liège et les houillères des enviions, combien comptent-elles d'ouvriers ?
Qu'on ne dise donc pas qu'il ne s'agit pas de milliers d'ouvriers. Retranchez-en la moitié pour ceux qui ne savent pas lire et écrire et il en testera encore bien des milliers.
Il y aura peu de monde, dit-on, qui se présentera pour voter dans les circonstances ordinaires. Cela est possible, je l'ai reconnu d'avance. Il ne s'agit pas des circonstances ordinaires, des temps de calme, mais des époques d'agitation, c'est alors que les réunions seront nombreuses et qu’elles devraient être évitées.
Il y a deux systèmes en présence : le système qui veut des élections nombreuses, par milliers d'ouvriers (Non ! non !) et un autre qui les veut en petit nombre. J'entends dire : Non ; alors je demande pourquoi on s'oppose à la disposition que je propose, par laquelle pouvoir serait donné au gouvernement d’établir une limite que je ne fixe pas dans la loi.
Si vous ne voulez pas avoir des milliers d'électeurs ouvriers, pourquoi ne pas vouloir d'un maximum, que le gouvernement fixera selon les localités ?
Je dis donc que vous voulez des milliers d'électeurs. S'il n'en est pas ainsi, vous ne risquez rien de donner au gouvernement le droit de fixer une limite.
Ce que je propose n'est pas nouveau, cela existe pour les tribunaux de commerce. En effet, ce sont les notables seuls qui choisissent les membres des tribunaux de commerce, ce ne sont pas tous les industriels patentés.
Bien plus, il y a pour le nombre des notables, un maximum fixé par la loi. Le maximum est de 25, pour les villes de 15,000 âmes, et il augmente d'un électeur par population de mille âmes. Ainsi, quand il s'agit d'intérêts beaucoup plus grands, de ceux dont décide le tribunal de commerce, les industriels sont appelés en nombre restreint, et vous voudriez qu'on les appelât tous quand il s'agit d'intérêts beaucoup inférieurs.
On prend des précautions pour empêcher le nombre des industriels d'être trop étendu et quand il s'agit de simples ouvriers, bien autrement nombreux et offrant bien moins de garanties, on craindrait de fixer une limite. Cela serait-il raisonnable ?
Il faut remarquer que l'amendement que je propose n'est ni rigoureux ni étroit. Je laisse au gouvernement le soin de fixer la limite. Je suis sûr qu'il la posera où elle doit se trouver.
Si plus tard il juge que le maximum peut être élevé, le gouvernement l'élèvera. Je demande seulement qu'il ne se désarme pas, et qu'il se réserve la faculté de prendre des précautions, ce n'est rien de trop. Je le répète, quand il s'agit d'une institution nouvelle, il faut commencer avec prudence ; quand l'expérience aura parié, on verra si on peut aller plus loin.
Quant au renvoi à la section centrale je ne m'y oppose pas ; cependant comme elle a examiné la question ce matin, qu'elle vient d'exprimer son opinion par l'organe de son rapporteur, on gagnerait du temps à se dispenser du renvoi et à voter dès aujourd'hui.
M. Vander Stichelen, rapporteur. - Messieurs, j'ai demandé la parole pour rectifier une opinion que l’honorable M. Devaux m'a gratuitement attribuée. Il a dit que dans ma pensée le rôle principal de la députation permanente aurait été d’augmenter le nombre des électeurs.
M. Devaux. - D'en conserver le plus grand nombre possible.
M. Vander Stichelen, rapporteur. - Je ne crois pas avoir dit cela. J'ai seulement dit que la députation avait un pouvoir absolu soit pour augmenter soit pour diminuer le nombre des électeurs sur la liste. Cela, je le maintiens ; mais cela n'implique pas qu'elle doive chercher à augmenter le nombre des électeurs ou seulement à maintenir le plus grand nombre d'électeurs possible.
Elle n'aura à s'inspirer que d'elle-même ; elle fera ce qu'elle croira bien utile pour l’institution qu'il s'agit d'ériger. Comment se conduira-t-elle ? dit l'honorable membre. Il n'y a pas de règle fixe. Nous regrettons qu'il n'y ait pas de règle fixe, maïs il n'y a pas moyen d'en établir.
Ce que propose l'honorable membre n'est pas non plus de réduire les listes d'électeurs d'après une règle fixe, c'est de les réduire d'une manière tout à fait arbitraire.
M. Devaux. - Et pour les tribunaux de commerce.
M. Vander Stichelen, rapporteur. - C’est mauvais en soi, ce qui se passe pour les tribunaux de commerce, mais voyez d'ailleurs, la différence des intérêts engagés et dites quel rapprochement on peut raisonnablement établir !
Ainsi, pour les tribunaux de commerce, il s'agit de contestations excessivement graves. Pour les conseils de prud'hommes, de quoi s'agit-il ? De deux ou trois contestations sur cent pouvant donner lieu à jugement ; et quelle est la plupart du temps l'importance pécuniaire de ces contestations ? C'est un ouvrier qui quitte son maître et à qui le maître refuse de restituer son livret, prétendant qu'il n'a pas rempli tous ses engagements. Voilà tout ; et quand on calcule la valeur de ces contestations on arrive à ce résultat qu'il ne s'agit que de quelques francs.
Je pose en fait que la moyenne des affaires décidées par voie de jugement par les conseils de prud'hommes ne monte pas à dix francs. Et vous voudriez introduire, pour des affaires aussi insignifiantes, les règles prescrites pour les tribunaux de commerce ! Je dis qu'il n'y a aucune analogie entre ces deux institutions et que l’on ferait chose mauvaise et les mettant sur la même ligne.
Je reviens, messieurs, à mon point de départ, car je tiens essentiellement à ce qu'il soit bien constaté que je n'ai pas dit que la députation permanente devrait s'arranger de manière à augmenter le plus possible le nombre des électeurs. Je répète que la députation permanente aura un pouvoir absolu et qu’elle ne devra pas se conduire dans un sens plutôt que dans un autre ; elle prendra simplement la justice pour règle. Quel sera son criterium dans votre système, nous demande l'honorable M. Devaux ?
J'avoue qu'il serait fort difficile, selon moi, d'en établir un ; et ce qui explique cette difficulté, c'est que l'honorable membre lui-même ne nous donne pas le criterium de la députation dans son propre système. Ainsi, il y aura 500 ouvriers primitivement jugés aptes à figurer sur la liste des électeurs ; l'honorable M. Devaux veut qu'ils soient réduits à 200 ; il en supprime donc 300, mais quelle règle suivra-t-il lui-même dans cette élimination ?
M. Devaux. - Je vous le dirai de suite, si vous le voulez bien.
M. Vander Stichelen. - Volontiers.
M. Devaux. - Si le conseil communal et la députation n'ont pas de moyen de juger quels sont les plus aptes ou si tous sont jugés également aptes, on choisira les 200 électeurs par la voie du tirage au sort. Ce ne sera pas plus difficile que cela.
M. Vander Stichelen, rapporteur. - Fort bien ; mais, messieurs, je persiste à penser avec M le ministre de l'intérieur qu'il n'y a qu'une chose à craindre, c'est l'indifférence des électeurs, qui fera que leur nombre sera sensiblement restreint sans qu'il soit besoin d'y assigner par la loi d'autres limites que celles que nous proposons. J'ai même la conviction qu'au bout d'un certain temps, vous ne parviendrez pas à réunir un nombre convenable d'électeurs. Ce qui a peut-être induit en erreur quelques membres, et particulièrement l'honorable M. Devaux, c'est la disposition de l'article 16 du projet de la section centrale, dans lequel il est dit que les assemblées électorales peuvent être divisées en autant de sections que la députation permanente le jugera nécessaire, sans qu'en aucun cas chaque section puisse être composée de plus de 400 électeurs.
L'honorable M. Devaux a peut-être pensé que dans les prévisions de la section centrale et du gouvernement, qui a accepté son article, on aurait fréquemment à faire usage de la faculté de diviser les collèges électoraux en sections, ne comprenant pas plus de 400 électeurs. Mais, messieurs, l'indication de ce nombre, dans l'article 16, est le résultat d'une erreur que vous comprendrez aisément : cet article 16 n'est, en définitive, que la reproduction de l’article 19 de la loi électorale générale et de l'article 22 de la loi communale.
Dans ces deux articles il est parlé de sections contenant 400 électeurs. (page 856) On 0« a voulu, dans notre projet, par surcroît de précaution, prévoir le cas où il y aurait un grand nombre d'électeurs et l'on a, par erreur, maintenu la disposition telle qu'elle existe dans les deux lois que je viens de rappeler. Quand la section centrale s'est aperçue de l'erreur, elle m'a chargé de proposer sur ce point spécial, un amendement dont j'ai oublié de parler au commencement de la séance. Cet amendement, messieurs, consiste à réduite le nombre des électeurs par section de 400 à 100.
M. Ch. de Brouckere. - Et moi je demande le contraire, pour ne pas augmenter à l'infini le nombre des collèges électoraux.
M. Vander Stichelen, rapporteur. - Oui, dans l'hypothèse évidemment inadmissible qu'il y aura des corps électoraux comprenant plusieurs milliers d'électeurs.
M. Ch. de Brouckere. - Ne fixez pas le nombre d'électeurs par section.
M. Vander Stichelen, rapporteur. - Je le veux bien. Tout ce que je tenais à déclarer, c'est que la section centrale n'a pas prévu qu'il pût y avoir des collèges électoraux comprenant des milliers d'électeurs. C’est le point essentiel que je voulais constater ; le reste est affaire de détail.
M. E. Vandenpeereboom. -Il y aurait, peut-être, un moyen de donner satisfaction à toutes les opinions. Ce que l'on craint, c'est que l’ordre ne soit compromis par une multitude d'ouvriers réunis, sur un même point, à un moment donné. La section centrale a ajouté à l'article 7 un paragraphe 5, ainsi conçu : « Etre domicilié dans le ressort du conseil, depuis le 1er janvier de l'année pendant laquelle l'inscription a lieu. » Or, il se peut que, dans un espace de temps aussi court, on n'ait pas pu acquérir des preuves suffisantes de la moralité de chaque ouvrier. On obvierait, je pense, à cet inconvénient, en supprimant ce paragraphe 5, et en disant au § 5 : « Etre domicilié dans le ressort du conseil, et y exercer effectivement son industrie ou son métier, depuis quatre ans au moins. »
De cette manière, on diminuerait considérablement le nombre des ouvriers admissibles, et l'on procurerait aux administrations communales le moyen de s'assurer, d'une manière plus certaine, de la moralité des ouvriers aptes à figurer sur les listes des électeurs.
De plus, on écarterait de la liste des électeurs ces ouvriers nomades, vraie lèpre de l'industrie régulière. Ces vagabonds, ces bohèmes du travail, sout ordinairement les ouvriers les moins soumis et les moins fidèles.
Je fais, de cette proposition, l'objet d'un amendement.
^- L'amendement est appuyé.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Le projet du gouvernement exige davantage ; il veut six années au moins d'exercice de l'industrie ou du métier.
M. E. Vandenpeereboom. - N'avez-vous pas consenti à ce que la discussion portât sur le projet de la section centrale ?
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Oui, mais je me suis bien réservé de présenter sur ce projet telles observations que je jugerai convenable.
- La discussion est close.
L'amendement de M. Devaux est mis aux voix ; il n'est pas adopté.
M. le président. - Vient l'amendement de MM. David et Grosfils.
M. David. - En présence du vote qui vient d'avoir lieu, je le retire.
M. le président. - M. le rapporteur a proposé quelques modifications de rédaction que voici :
« Art. 6. Des listes provisoires, etc.... dans leurs circonscriptions respectives. Les listes générales, après révision des listes provisoires, sont arrêtées par la députation permanente, etc.
« Les listes générales sont déposées, etc.
« Elles sont permanentes, sauf les radiations, etc. »
- Ces modifications sont mises aux voix ; elles sont adoptées.
L'article, ainsi modifié, est adopté.
« Art. 7. Pour pouvoir être porté sur la liste des électeurs, il faut :
« 1° Etre Belge par la naissance ou par la naturalisation ;
« 2° Etre âgé de 25 ans accomplis ;
« 3° Exercer effectivement son industrie ou son métier depuis quatre ans au moins ;
« 4° Savoir lire et écrire ;
« 5° Etre domicilié dans le ressort du conseil depuis le 1er janvier de l’année dans laquelle l'inscription a lieu.
M. le président. - M. Janssens a proposé d'effc.er le 2° et d'ajouter un paragraphe final ainsi conçu : « En outre, les chefs d'industrie devront avoir atteint l'âge de 25 ans et les ouvriers l’âge de 35 ans. »
M. E. Vandenpeereboom a proposé de supprimer le cinquième paragraphe et de rédiger ainsi le troisième paragraphe : « Etre domicilié dans le ressort et y exercer son industrie où son métier, depuis quatre ans au moins. »
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Il faut que les quatre ans se rapportent à la fois à l'exercice de l'industrie et au domicile.
M. le président. - C'est ainsi entendu.
M. E. Vandenpeereboom. - La rédaction ne peut être entendue autrement.
- L'amendement de M. Janssens est mis aux voix ; il n'est pas adopté.
L'amendement de M. E. Vandenpeereboom est mis aux voix et adopté.
L'article, ainsi amendé, est ensuite mis aux voix et adopté.
« Art. 8. Seront portes de droit sur les listes électorales, s'ils réunissent d'ailleurs les conditions exigées par l'article précédent :
« a. Les chefs d'industrie admis au nombre des notables pour l'élection des membres des tribunaux de commerce ;
« Ceux qui sont inscrits comme électeurs à la province ;
« b. Les ouvriers inscrits en la même qualité ;
« Ceux qui ont obtenu la distinction spéciale instituée pour l'habilité et la moralité, par l'arrêté royal du 7 novembre 1847 ; :
« Ceux qui peuvent prouver qu'ils ont opéré à la caisse générale de retraite ou à une caisse d'épargne, le versement d'une somme de deux cents francs au moins ;
« Ceux qui ont obtenu une récompense pour acte de courage et de dévouement par arrêté royal. »
La section centrale, dans un rapport supplémentaire, a proposé de rédiger cet article de la manière suivante :
« Seront portés de droit sur les listes électorales, s'ils réunissent d'ailleurs les conditions exigées par l'article précédent :
« a. Les chefs d'industrie admis au nombre des notables pour l'élection des membres des tribunaux de commerce ;
« b. Les ouvriers qui ont obtenu la distinction spéciale instituée pour l'habileté et la moralité, par l'arrêté royal du 7 novembre 1847 ;
« Ceux qui peuvent prouver qu'ils ont opéré à la caisse générale de retraite ou à une caisse d'épargnes, le versement d'une somme de deux cents francs au moins ;
« Ceux qui ont obtenu une récompense pour acte de courage et de dévouement, par arrêté royal. »
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Il avait été convenu dans la section centrale de substituer la somme de 100 fr. à celle de 200 francs dans l'avant-dernier paragraphe. On a supposé qu'un ouvrier qui a versé 100 francs a fait preuve d'esprit de conservation et offre assez de garanties pour être porté sur la liste comme électeur de droit.
M. Vander Stichelen, rapporteur. - Je n'ai pas pris note de cette modification.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Du reste, je la propose à la Chambre.
M. Allard. - Messieurs, je ne viens pas m'opposer à ce qu'on abaisse le chiffre à 100 francs, mais je préférerais la rédaction du projet du gouvernement qui disait : « possesseurs d'un livret. » On peut avoir opéré un versement et avoir retiré quelques jours après la somme versée. Du reste, je ne fais pas de proposition.
M. Vander Stichelen, rapporteur. - La première section a fait observer qu'il y a des caisses d’épargnes qui ne délivrent pas de livrets et qu'il valait mieux prendre un terme plus général, un terme moins technique.
M. Lelièvre. - Il me semble que dès qu'il est entendu que l'article doit être interprété dans le sens qui vient d'être énoncé par M. le rapporteur, il ne peut plus s'élever de difficulté. En effet, il sera incontestable que l'ouvrier devra, au moment où il sera porté sur la liste, posséder l'objet à raison duquel il a droit d'élection. C'est le sens que nous attachons tous à la disposition en discussion.
M. Allard. - Si on a versé à des caisses d'épargnes qui ne délivrent pas de livrets, il me semble qu'on n'a pas donné son argent sans avoir reçu une pièce quelconque au moyen de laquelle on puisse constater qu'on possède telle ou telle somme à la caisse d'épargnes.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - C'est ce que l'administration communale exigera.
M. le président. - L'article dit : « ceux qui peuvent prouver... »
- L'article est adopté avec la nouvelle rédaction de la section centrale et avec la modification proposée par M. le ministre de l'intérieur.
« Art. 8. Ne peuvent être ni électeurs ni éligibles, les condamnés à des peines afflictives ou infamantes ; les individus qui sont en état de faillite déclarée ou d'interdiction judiciaire, ou qui ont fait cession de leurs biens, aussi longtemps qu'ils n'ont pas payé intégralement leurs créanciers ; les condamnés pour vol, escroquerie, abus de confiance ou attentat aux mœurs ; les individus notoirement connus comme tenant maison de débauche et de prostitution. »
M. Lelièvre. - Je pense qu'il serait préférable de substituer les mots « peines criminelles » aux expressions « peines afflictives ou infamantes ». En effet, la distinction qui existe actuellement entre les peines afflictives et infamantes va disparaître de notre Code pénal. Je pense donc qu'il vaudrait mieux se servir d'une expression qui, applicable à la législation actuelle, le serait aussi à la législation future. Sans cela dès que le Code pénal révisé sera promulgué, notre article ne pourra plus recevoir d'application, et en tous cas il pourra donner lieu à une difficulté sérieuse.
Je désire aussi qu'on me donne une explication sur la portée du mot vol. A mon avis, c'est là une expression générique qui s'applique même au maraudage, à l'enlèvement de récoltes sur pied. II doit en être ainsi, non seulement d'après la lettre, mais aussi d'après l'esprit de l'article en discussion. Toutefois une explication du gouvernement serait propre à prévenir tout doute.
(page 857) M. Muller. - Messieurs, je tiens seulement à faire remarquer à l'honorable M. Lelièvre que l'article 8 du gouvernement, qui est l'article 9 de la section centrale, est tout à fait conforme à une disposition de nos lois électorales. Si l'observation de l'honorable M. Lelièvre est juste, elle ne l'est que dans une pensée d'avenir. Il faudrait, dès aujourd'hui même, modifier la loi électorale.
Or, il est bien plus simple que nous nous en tenions aujourd'hui à ce qui est dit dans la loi électorale, puisque cela doit avoir la même signification, et si vous changiez aujourd'hui l'expression, on pourrait croire qu'il y a de la différence.
Maintenant je demanderai à la section centrale et au gouvernement, et je crois que la réponse sera affirmative, s'il est bien entendu que les cas d'indignité, mentionnés dans l'article 8, sont tout à fait en dehors du principe de la permanence des listes, c'est-à-dire qu'il s'agit d'une incapacité radicale, et que l'ouvrier ou le maître, fût-il même inscrit sur la liste électorale, ne peut concourir à l'élection et n'est pas non plus éligible s'il tombe sous la disposition de l'article 8.
Il est nécessaire que l'on s'explique, car des doutes s'étaient élevés à cet égard, en ce qui concerne nos lois électorales,
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, je crois qu'en dépit de la liste permanente, il serait juste et convenable que ceux qui sont frappés d'incapacité par l'article 8 ne pussent pas exercer leurs droits d'électeurs ; mais je ne pense pas pouvoir résoudre cette question par une simple déclaration.
M. Lelièvre. - Je dois une réponse aux observations de l'honorable M. Muller. L'expression « peines » criminelles convient aussi bien sous la législation actuelle que sous le régime du nouveau code. Elle indique aujourd'hui les peines afflictives ou infamantes ; elle indiquera sous le nouveau régime toutes les peines qualifiées criminelles par la loi nouvelle.
C'est pour ce motif que j'ai proposé de l'introduire dans notre article. Au contraire les mots peines afflictives ou infamantes ne seront plus en harmonie avec le Code pénal révisé qui ne reconnaît pas cette distinction.
M. Ch. de Brouckere. - Mais qu'entend-on par peines criminelles ?
M. Lelièvre. - C'est là une expression technique connue sous la législation actuelle et consacrée également par le nouveau Code. Peines criminelles sont l'antithèse des peines correctionnelles et la loi en donne une définition claire et précise. Au surplus, nonobstant la justesse de mon opinion sur ce point, je ne dépose pas un amendement et je me borne à une simple observation.
M. le président. - L'amendement de M. Lelièvre est retiré. Il ne reste plus que l'article 8.
- Cet article est mis aux voix et adopté.
« Art. 9 (du projet du gouvernement, 10 du projet de la section centrale). Sont éligibles, les électeurs âgés de trente ans accomplis. »
- Adopté.
« Art. 11 (du projet de la section centrale, article auquel le gouvernement s'est rallié). Peuvent être appelés à faire également partie des conseils de prud'hommes les chefs d'industrie retirés et les anciens ouvriers, pourvu qu'ils réunissent les autres conditions de capacité. Toutefois, les membres de cette catégorie ne pourront jamais former plus du quart du nombre total des membres du conseil.
- Adopté.
« Art. 12 (art. 51 de la loi communale). Les membres du conseil ne peuvent être parents jusqu'au troisième degré inclusivement ; si des parents à ce degré sont élus au même tour de scrutin, celui qui a obtenu le plus de voix est seul admis ; en cas de parité de suffrages, le plus âgé est préféré. »
Cet article nouveau avait été proposé par la section centrale.
L'honorable M. Lelièvre avait proposé un amendement à cet égard.
La section centrale, d'accord avec le gouvernement, a proposé la rédaction suivante :
« Art. 12. Les membres du conseil ne peuvent être parents ou alliés jusqu'au deuxième degré inclusivement. Si des parents ou alliés à ce degré sont élus au même tour de scrutin. celui qui a obtenu le plus de voix est seul admis ; en cas de parité de suffrages, le plus âge est préféré. »
M. Lelièvre a retiré son amendement, pour se rallier à cette nouvelle rédaction.
- L'article 12 nouveau est mis, aux voix et adopté.
L'article 11 du projet du gouvernement a été fondu dans l'article 6 du projet de la section centrale.
« Art. 13 (nouveau proposé par la section centrale auquel le gouvernement s'est rallié). L'élection a lieu au siège de l'institution.
« Les administrations communales dans leurs ressorts respectifs, convoquent les électeurs, conformément aux instructions de la députation permanente du conseil provincial.
« La convocation est faite à domicile et par écrit ; elle est en outre publiée par voie d'affiche ou autrement dans chacune des communes du ressort du conseil, dans les formes usitées et à l'heure ordinaire des publications.
« Les convocations à domicile et la convocation par publication sont faites huit jours au moins avant celui de l'élection. »
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - J'ai l'honneur de déposer put projet de loi ayant pour objet d'autoriser le gouvernement à faire des échanges de terrain afin de faire disparaître des enclaves qui existent dans le parc de Tervueren.
- Il est donné acte à M. le ministre des finances de la présentation du projet de loi qu'il vient de déposer.
Ce projet et les motifs qui l'accompagnent seront imprimés, distribués et renvoyés a l'examen des sections.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - J'ai déposé, au commencement de la séance, un projet de loi interprétatif de l’article 405 du code pénal. Au lieu du renvoi aux sections, je demanderai le renvoi à une commission de jurisconsultes composée de 5 membres à nommer par le bureau.
- Cette proposition est adoptée.
M. le président. - M. Lelièvre a déposé un nouvel amendement à l'article 54 du projet ; cet amendement sera imprimé et distribué.
- La discussion est continuée à demain.
— La séance est levée à 4 heures 35 minutes.