(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1857-1858)
(page 861) (Présidence de M. Verhaegen.)
M. de Moor fait l'appel nominal à 2 heures et un quart.
M. Crombez donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier.
- La rédaction en est approuvée.
M. de Moor communique l'analyse des pièces adressées à la Chambre.
« Le sieur Finet demande une augmentation de pension pour les aveugles. »
M. Rodenbach. - Parmi les pétitionnaires, il y a quelques anciens militaires, aveugles qui demandent un adoucissement à leur positon.
Je propose de renvoyer la pétition à la commission, avec invitation de faire un prompt rapport.
- Cette proposition est adoptée.
« Le chef de bureau et les employés du commissariat de l'arrondissement de Dînant demandent que leur position soit améliorée. »
M. Wala. - Il y a longtemps que M. le ministre a promis d'améliorer la position des fonctionnaires dont on vient d'analyser la pétition. C'est une affaire d'une certaine urgence.
Je demanderai que la commission des pétitions soit invitée à faire un prompt rapport.
M. Lelièvre. - J'appuie la demande de M. Wala. parce que je suis d'avis que la demande des pétitionnaires est fondée sur les plus justes motifs.
- Cette proposition est adoptée.
« Le sieur Jacobs demande le payement d'une créance à charge de l'Etat et prie ta Chambre de voter, en attendant, un crédit provisoire en sa faveur. »
- Même renvoi.
« Les bourgmestres des communes de Baillamont, -sy, Bellefontaine, Aile, Gros-Fays, Laforêt, Vresse, Petit-Fays et Chairière demandent la construction d'une route de Baillamont vers Sedan par Oisy, Chairière et Aile. »
- Même renvoi.
« Des habitants de Moen réclament l'intervention de la Chambre pour que les chemins communaux ne soient ni supprimés ni changés par les concessionnaires du canal de Bossuyt. »1er
- Même renvoi.
« Le sieur Outshorn demande à être admis au bénéfice de la loi du 1er mai 1842 qui alloue des indemnités pour pertes essuyées par le fait de la révolution. »
M. Vermeire. - La pétition dont la Chambre vient d'entendre l'analyse signale des faits d'une certaine importance. Je demande qu'elle soit renvoyée à la commission des pétitions avec invitation de faire un prompt rapport.
- Cette proposition est adoptée.
M. Allard. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission d'industrie sur la pétition du sieur Jacobs, demandant la libre entrée en Belgique du bétail venant de France après y avoir été exposé en vente.
- Ce rapport sen imprimé et distribué et mis à la suite de l'ordre du jour.
M. Lelièvre. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission sur trois demandes de naturalisation.
M. Savart. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission sur plusieurs demandes en naturalisation.
- Ces rapports seront imprimés, distribués et mis à la suite de l'ordre du jour.
M. le président. - La Chambre a chargé le bureau de nommer une commission de cinq membres pour l'examen du projet de loi interprétatif de l'article 405 du Code pénal. le bureau a désigné pour former cette commission MM. Dolez, Lelièvre, de Muelenaere, Moreau et Savart.
« Art. 14. Les chefs d'industrie, réunis en assemblée particulière, nomment les prud'hommes chefs d'industrie.
« Les ouvriers, également réunis en assemblée particulière, nomment les prud'hommes ouvriers. »
Il n'y a pas d'amendement.
M. Vermeire. - Il me semble que la séparation en deux assemblées distinctes pour la nomination des prud'hommes est une mesure qui, dans la pratique, pourrait offrir quelques inconvénients. Je crois que, si les électeurs se réunissaient en une seule assemblée et nommaient, ensemble, les prud'hommes des deux catégories, le résultat serait bien plus favorable. C'est ainsi que, pour la nomination des conseillers communaux, par exemple, s'il y a des groupes de population ou de hameaux qui ont droit à être représentés par un conseiller, tous les électeurs concourent à la nomination de ce conseiller appelé à les représenter plus particulièrement. Je crois que, par analogie, et dans l'intérêt même de l'institution, on devrait agir de même pour la nomination des prud'hommes, c'est-à-dire qu'on devrait faire nommer par tous les électeurs réunis les prud'hommes appartenant aux patrons et les prud'hommes appartenant aux ouvriers ; et comme il y a des listes distinctes désignant les uns et les autres, les inconvénients que l'on a signalés disparaîtraient. Ce que je redoute, messieurs, c'est que les patrons et les ouvriers, nommant, séparément, leurs représentants, respectifs, il ne s'établisse, entre ces deux catégories, un antagonisme fâcheux qui ne pourrait pas se produire s'il n'y avait qu'une seule assemblée d'électeurs.
M. Devaux. - Les considérations que j'ai eu l'honneur de présenter hier, ont suffisamment fait pressentir mon opinion sur cette disposition.
Hier on a inscrit dans la loi le principe du suffrage universel des ouvriers sachant lire et écrire.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je demande la parole.
M. Devaux. - Je sais bien qu'on ne se l'avoue pas. Je sais bien qu'on y met cette restriction que la députation permanente, si elle le veut, pourra déroger au principe, quoiqu'on l’ait en quelque sorte engagée à en dévier le moins possible.
Je sais bien qu'on espère ainsi que la plupart de ceux à qui on accorde le droit de voter n'en feront pas usage ; espèce de garantie qui ne me paraît pas très rassurante.
Quoi qu'il en soit, messieurs, la disposition d'aujourd'hui renchérit sur celle d'hier. Dans le suffrage universel ordinaire, toutes les classes sont confondues et elles peuvent, dans une certaine mesure, réagir les unes sur les autres : ici on constitue la clase inférieure à part, on la fait agir d'une manière tout à fait indépendante et on la met eu opposition officielle avec la classe plus élevée. Cela me paraît aggraver encore l'inconvénient de ce qu'on a fait hier. On dit que s'il n’y a qu'une assemblée, les ouvriers domineront par leur nombre et que la composition du conseil s'en ressentira. C'est là un inconvénient auquel on aurait porté remède en limitant ce nombre. Mais même avec le nombre illimité, nommé par un seul collège électoral, le conseil serait peut-être un peu plus indulgent envers les ouvriers ; j'aime infiniment mieux me résigner à ce mal que de constituer deux classes de la société dans un antagonisme formel l'une contre l'autre.
On ne saurait prévoir quelles conséquences une pareille mesure peut avoir à la longue.
Il est possible, je le sais bien, que la sagesse des députations provinciales, des administrations des communes et le bon sens des ouvriers remédie au défaut de la loi, mais je n'aime pas à tenter le ciel.
Je n'aime pas à mettre les administrateurs locaux et les ouvriers surtout à de si fortes épreuves. Il me semble que nous avons ici de tout autres devoirs.
Je remarque, messieurs, que ce projet de loi, qui a été rédigé avant la formation du ministère actuel, dérive d'un avant-projet qui a été fait en 1848, époque d'agitation où les esprits manquent de calme pour résoudre plusieurs des questions que soulève une loi pareille. Cet avant-projet a été révisé au ministère de I intérieur par une commission. Je ne me rappelle pas les noms de tous les membres qui la composaient ; c'étaient toutes personnes très honorables, mais toutes, par leur position, préoccupées d'un seul côté des questions à traiter. Si je ne me trompe, la commission ne comprenait pas un seul homme politique. Or, je dis qu'il y a au fond de ce projet des questions qui peuvent acquérir une très grande importance politique, chose dont on ne paraît pas s’être douté en la rédigeant.
Je suis loin de dire qu'avec la grande extension des listes électorales d'ouvriers, un collège d'ouvriers et de patrons réunis soient une bonne institution, mais les inconvénients les plus graves sont du côté de la séparation des deux classes d'électeurs.
(page 862) M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, puisque l’honorable préopinant est revenu sur l'opinion qu’il a émise hier, et que j’ai cru devoir combattre, je demanderai à la Chambre la permission de revenir aussi sur l'opinion que j'ai exprimée.
Evidemment, l'honorable préopinant obéit à une crainte, est sous te poids d'une espèce de frayeur peur l'avenir du pays.
M. Devaux. - Ce sont mes principes.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Ce sont vos principes, soit, maïs je crois qu'en oe moment vos principes vous égarent.
L'honorable membre est évidemment sous le poids d'une frayeur qui lui fait voir, dans la loi, des conséquences et des dispositions qui ne s'y trouvent pas. Il vous place, comme il nous le disait hier, en présence d'une réunion de 50, 000 ouvriers.
M. Devaux. - J'ai dit qu’il y avait à Liége 50,000 ouvriers.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Vous avez fait apparaître devant la Chambre une armée de 50,000 ouvriers. J'ai décomposé votre armée et je l'ai d’abord singulièrement réduire. Je l'ai réduite de plus de moitié, de plus des trois quarts. Mais cela ne suffit pas. L'honorable représentant de Bruges veut-il bien se pénétrer des dispositions de la loi ? Il nous a cité en exemple ce qui se passe pour les tribunaux de commerce. Il nous a dit : Là une liste des notables est formée par la députation permanente ; cette liste susceptible d'accroissement, suivant les populations, comprend les notaires chargés de nommer les juges au tribunal de commerce.
Eh bien, qu'est-ce qui va se passer pour les conseils de prud'hommes ? Des listes de notables seront formées pour les ouvriers, lesquels ouvriers concourent à la nomination des conseils de prud'hommes.' Des listes de notables seront formées par qui ? Elles seront formées par les administrations communales, par les collèges des bourgmestre et échevins.
Qui est-ce qui sera inscrit sur les listes électorales ? On vient nous faire peur aujourd'hui du suffrage universel. Eh bien, voyons donc quels seront les électeurs appelés au suffrage universel dont on s'effraye !
D'abord ne pourront pas figurer sur cette liste du suffrage universel, les ouvriers qui ne sont pas Belges, les ouvriers de moins de 25 ans, les ouvriers ne sachant pas lire et écrire, les ouvriers qui n'exercent pas leur métier depuis quatre années dans la circonscription et qui n'y ont pas leur domicile. Tous ceux-là, messieurs, sont exclus de la liste, ils ne peuvent pas y être portés. Ce n'est pas tout, messieurs ; l'administration communale choisit qui elle veut, elle inscrit les noms des ouvriers qu’elle croit dignes de figurer sur cette liste des notables ouvriers. Voilà la loi !
Il y a, messieurs, une catégorie d'électeurs de droit, ce sont ceux qui figurent dans l'article 8 et ceux-là, j'espère, n'effrayeront pas l'honorable député de Bruges. Ce sont d'abord ceux qui ont obtenu la distinction instituée pour l'habileté et la moralité, ceux qui ont fait des versements à la caisse d'épargnes ou à la caisse de retraite, ceux qui ont obtenu une récompense pour actes de courage et de dévouement. Voilà, messieurs, les seuls qui figurent de droit sur la liste.
Voilà, je pense, des restrictions assez fortes au prétendu suffrage universel, mais ce n’est pas tout ; l'administration communale a fait cette liste de notables ; elle est transmise à la députation permanente ; celle-ci trouve que l'administration communale a porté sur la liste un trop grand nombre d'ouvriers ; elle en efface autant qu'elle veut.
Voilà, messieurs, la loi dont on redoute de si graves conséquences pour l’avenir du pays ! Moi aussi, messieurs, j'ai des principes et je crois être très fidèle à mes principes en soutenant la loi dans les limites que je viens d'indiquer.
J’y vois, messieurs, une nouvelle mesure d'ordre, une nouvelle amélioration qui aura pour effet d'introduire de plus en plus l'esprit de conservation dans la classe ouvrière. Je dis que pour l'ouvrier qui se trouvera inscrit au nombre des électeurs, il y a là une distinction qui flattera son orgueil, si l'on veut, son amour-propre ; ce ne sera pas la décoration qu'on accorde aujourd'hui pour l’habileté et la moralité, ce sera un commencement de distinction : l'ouvrier éprouvera une certaine fierté d’être inscrit au nombre des notables, au nombre de ceux qui auront été jugés dignes par l’administration communale et provinciale d'être investis des foncions d'électeur. Eh bien, messieurs, le nombre de ces notables sera nécessairement restreint et, comme je le disais hier, ce que je redoute, ce n'est pas le trop grand nombre de ceux qui prendront part aux élections, ce que je redoute, ce n'est pas l'excès de zèle, c’est plutôt l'abstention de la part du nombre restreint de ceux qui seront inscrits.
Ainsi, messieurs, laissant de côté ce que je considère comme des appréhensions sans aucune espèce d« fondement, je dis que la loi porte en elle-même le remède aux dangers, aux inconvénients qu'on croit y découvrir et je répète encore une fois que le nombre des ouvriers inscrits sera nécessairement limité.
Vient maintenant l'action de ces électeurs, en ce qui concerne la formation du conseil de prud'hommes.
Plusieurs systèmes se présentent, plusieurs systèmes ont été essayés ; on en est encore en quelque-sorte aux tâtonnements dans un pays voisin.
Il y a d'abord le système actuellement existant, c'est la nomination des patrons et des ouvriers par l'assemblée générale des ouvriers et des patrons. Sous l'empire de ce régime, on peut dire que ce sont les patrons seuls qui font les élections, parce que les ouvriers n'y viennent plus, n'ayant plus le droit de voter depuis la suppression de leur patente.
Le système que nous admettons par le projet de loi en discussion, est emprunté à la loi française de 1853. Là les élections se font par catégorie, les ouvriers nomment les ouvriers, les patrons nomment les patrons. Dans ce système, que je ne donne pas comme parfait, se présente l’inconvénient de tenir séparées les deux classes, celles des ouvriers et des maîtres, de constater en quelque sorte les différences d'intérêt qui existent entre ces deux classes ; mais nous avons beau faire, nous ne pouvons pas empêcher que ces différences d'intérêt n'existent. Il faut considérer les électeurs, comme parties, choisissant chacune des arbitres. A ce point de vue il est juste de laisser nommer les arbitres des ouvriers par les ouvriers, et les arbitres des patrons par les patrons., Il y a un troisième système qui consiste à faire nommer les patrons par les ouvriers, et les ouvriers par les patrons. Ce système a été pratiqué en France à partir de 1848 sous le régime très passager de la république Ce système a été changé quelques années après, et en 1853 on a introduit le système que nous consacrons en Belgique par le projet de loi.
Enfin il est un quatrième système qui est le plus ingénieux de tous. Ce système, qui a été suggéré par un des honorables préopinants, consisterait à faire nommer moitié des patrons et moitié des ouvriers par les patrons, puis moitié des ouvriers et moitié des patrons par les ouvriers. Les éléments qui paraissent d'abord se combattre, se réunissent dans ce système ; la moitié des patrons procède des ouvriers, et la moitié des ouvriers procède des patrons. La combinaison, à première vue, paraît séduisante ; mais ce serait une innovation complète. J'avoue que je ne pourrais pas prendre sur moi de l'accepter avant d'avoir fait, au moins l'expérience du système qui fonctionne aujourd'hui en France et qui ne paraît pas y donner lieu à des inconvénients et à des plaintes.
Voilà pourquoi tout en ne méconnaissant pas certains inconvénients attachés au système que nous présentons, nous demandons cependant qu'il soit adopté et qu'on en fasse l'expérience pendant 3 ou 6 ans ; si des inconvénients sérieux se révélaient dans la pratique, il sera facile de revenir sur la loi et de changer le mode d'élection.
M. Devaux. - Je ne désire pas prolonger cette discussion ; mais je crois avoir eu raison de dire qu'on avait inscrit dans la loi le suffrage universel pour ceux qui savent lire et écrire ; on exige en effet certaines conditions d'âge et de domicile, c’est ce qui est exigé aussi dans les pays mêmes où !e suffrage universel existe.
La députation, dit-on, doit y consentir, ainsi que les conseils communaux. Si le conseil dépasse la proportion qui peut être dans notre intention, si la députation se trompe, si elle croit comprendre que le législateur désire qu'on se rapproche autant que possible du suffrage universel, quel remède le gouvernement aura-t-il ? Il n'a pas voulu de la faculté qu'on lui offrait de présenter une limite que conque.
Il convient que la loi aura peu d'inconvénients dans les petites localités de la Flandre. Peut-être même en aura-t-elle peu à Bruges où il y a peu d'industrie ; mais il en pourra être tout autrement dans les parties les plus industrielles du pays. Aussi paraît-elle exciter beaucoup de répugnance à Liège, à Charleroi, à Mons.
Il me semble qu'il eût été raisonnable de diminuer ces répugnances en modifiant les parties de la loi qui peuvent les exciter. Une législation industrielle est faite pour être appliquée ailleurs que dans les parties du pays où il y a le moins d'industrie.
Je n'insisterai pas davantage sur les raisons qu’il y a, selon moi, pour ne pas partager les électeurs en deux classes. Je crois que M. le ministre ne les a pas réfutées. Je ne pourrai donner mon vote à cette disposition.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Si je croyais que des appréhensions existent dans certains centres industriels, au lieu de les exciter, je tâcherais de les calmer ; je ne voudrais pas apporter des exagérations au lieu de raisons. Si des appréhensions existent dans de grands centres industriels, l'honorable membre voudra bien admette que la loi actuelle en est complétement innocente, ou qu'elles existaient avant même sa présentation, puisque dans ces centres industriels, sous la législation actuelle, il n'y avait pas de conseils de prud'hommes jusqu'en 1850.
Ces centres industriels ont demandé des conseils de prud'hommes en 1848-1849. On en a réclamé à Dour et à Pâturages. J'ai donné le compte rendu des opérations d'un de ces conseils de prud'hommes.
Je n'y ai pas aperçu l'ombre d'une appréhension. On se félicite de la manière dont ce conseil marche.
M. de Brouckere. - À Pâturages, il ne fonctionne plus.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Pourquoi ne fonctionne-t-il plus ? Parce que la loi, par des précautions dont je crains qu'on n’exagère encore aujourd'hui l'importance, a voulu qu'il fût présidé par un bourgmestre qui ne fût ni exploitant, ni intéressé dans les exploitations.
Trouver un homme de quelque importance dans ces communes, qui n'ait pas d'intérêt dans ces exploitations, était chose, en quelque sorte, impossible. Par suite, le conseil de prud'hommes n'a pas pu marcher. A Liège, on dit que les besoins, les usages ne demandent pas de conseils de prud'hommes, on n'en aura pas. Mais, franchement, j'ai trop de confiance dans le bon sens des industriels liégeois pour croire que le projet de loi les ait alarmés. J'en dirai autant du Hainaut.
On a beau dore que nous décrétons le suffrage universel. Qu'est-ce que le suffrage universel, avec la faculté pour l'administration communale de n'inscrire comme électeurs que ceux qui lui conviennent et pour la députation du conseil provincial de rayer qui bon lui semble ?
Peut-on dire qu'on établit le suffrage universel quand la liste des électeurs, qui ne peut comprendre que ceux qui savent lire et écrire, peut être réduite à volonté par la députation présidée par le gouverneur ?
Au surplus, la loi sur les conseils de prud'hommes n'est pas faite pour toutes les industries en général ; elle est faite pour les localités où ce genre d'institution convient et sera demandée et par conséquent bien accueillie, où et le fonctionnera avec facilité.
Dans les localités où les opinions, les usages, les intérêts, la repousseront, des conseils ne seront pas établis. Le projet de loi n'a pas d'autres prétentions que celles-là.
Nous ne l'aurions pas présenté peut-être sans cette circonstance qu'aujourd’hui l'élément ouvrier faisait défaut par suite de la suppression de la patente des ouvriers.
On a supprimé la patente des ouvriers ; il n'y avait d'électeurs ouvriers que les ouvriers patentés ; la patente étant supprimée, il n'y avait plus d'ouvriers électeurs.
C'a été l'origine des modifications qu'on a dû introduire dans la législation actuelle qui était, à plusieurs égards d'ailleurs, suffisante.
Maintenant, à propos de cette modification devenue indispensable, on en a introduit plusieurs autres ; on a introduit certaines améliorations qui étaient réclamées ; mais je crois que, sous ce rapport, la loi est fort innocente, fort innocente surtout des dangers que l'on croit voir renfermés dans son sein, des tempêtes que l'on s'attend à en voir sortir. On ne dit pas précisément le jour, mais il paraît que ce sera quand tous les ouvriers sauront lire et écrire. Quant à moi, j'appelle ce jour de tous mes vœux, car je crois qu'à partir de ce jour-là, la société n'aurait plus grand-chose à craindre pour le maintien de l'ordre dans son sein.
L'honorable préopinant, qui a fait apparaître hier devant la Chambre ce fantôme d'une assemblée de je ne sais combien de milliers d'électeurs, que veut-il aujourd'hui ? Il veut que cette assemblée électorale, composée de plusieurs milliers d'électeurs, vienne concourir avec quelques centaines, quelques dizaines peut-être de patrons, à une même opération ; je pense que c'est bien là le système qu'il veut. Eh bien, je ne puis pas concilier son opinion d'hier avec celle d'aujourd'hui ; car après avoir exprimé la crainte de voir l'élément ouvrier dominer l'élément patron, il veut maintenant que patrons et ouvriers se réunissent pour l'élection et concourent à cette opération dans les conditions d'inégalité que je viens d'indiquer.
Il est évident que, dans ce système, les ouvriers pourront imposer leurs choix aux patrons.
Or, c'est précisément parce qu'on suppose que les ouvriers seront plus nombreux dans l’assemblée générale qu'on a dit aux ouvriers : Vous formerez entre vous une assemblée électorale et vous choisirez parmi vos camarades ceux que vous connaissez le mieux et que vous croirez les plus dignes de vous représenter.
Voilà pourquoi nous avons proposé des assemblées distinctes pour les patrons et pour les ouvriers ; nous avons voulu empêcher que les ouvriers, arrivant en nombre plus considérable que les patrons, n'imposassent leurs choix à ceux-ci. Dans le système proposé, les patrons pourront être aussi peu nombreux qu'ils le voudront ; ils choisiront entre eux leurs représentants et ne seront pas exposés à être vaincus par le nombre.
Si je professais l'opinion de l'honorable membre, si je croyais que les assemblés électorales dussent être composées d’ouvriers en très grand nombre, je défendrais bien plus encore le système de la loi actuelle, et je ne voudrais pas introduire un genre d’assemblées où nécessairement la minorité des patrons serait toujours vaincue par la grande majorité d'ouvriers.
Je maintiens, je le répète, la disposition de la loi sans méconnaître que l'expérience peut faire découvrir certains inconvénients. Nous ne sommes pas prédestinés, je pense, à faire des lois parfaites ; c'est un essai que nous faisons par ce mode d'élection ; si la pratique révèle des inconvénients, on modifiera ce mode d'élection.
C'est une innovation que nous faisons, il est tout à fait impossible de prévoir tous les résultats qu'elle produira.
- L'article 14 est mis aux voix et adopté.
« Art. 15. Les électeurs ne sont admis au vote que sur la présentation d'un bulletin de convocation.
« Le bulletin de convocation indique le jour, l'heure et le local où l’élection aura lieu, ainsi que le nombre et la profession des prud'hommes à élire. »
- Adopté.
M. le président. - La section centrale a proposé ici une disposition nouvelle qui formerait l'article 16 ; elle est ainsi conçue :
« Les assemblées peuvent être divisées en autant de sections que la députation permanente le juge nécessaire, en raison du nombre des électeurs.
« Il est assigné à chaque section un local distinct.
« Le classement des électeurs par section s'opère en suivant la lettre initiale des noms. »
Un paragraphe 2 ainsi conçu :
« Dans aucun cas, une section ne peut être composée de plus de quatre cents électeurs » a été supprimé par la section centrale.
M. Allard. - Je propose de remplacer les mots « en suivant la lettre initiale des noms » par ceux-ci : « par ordre alphabétique ».
M. Vander Stichelen, rapporteur. - Je ne m'y oppose pas.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Ni moi non plus.
- L'article 16, ainsi modifié, est adopté.
« Art. 17. Chacune des assemblées ou des sections électorales est présidée par un membre du conseil communal du siège de l'institution.
« Le président désigne un secrétaire et deux scrutateurs parmi les électeurs présents. »
M. Muller. - Il me semble qu'on devrait dire qui désignera les présidents. Il est bien dit que chacune des sections ou des assemblées sera présidée par un membre du conseil communal ; mais on ne dit pas quelle est l'autorité qui désignera ce membre.
M. Vander Stichelen, rapporteur. - Le collège échevinal.
M. Muller. - Dites-le d'une manière quelconque.
M. Vander Stichelen, rapporteur. - Je pense que le collège échevinal pourrait faire cette désignation ; ce serait la voie la plus simple.
M. Lelièvre. - Il me semble que l'on pourrait sans inconvénient, charger la députation de désigner le président, puisque c'est cette autorité qui divise les assemblées en différentes sections.
En tous cas, puisqu'il y a divergence sur le point de savoir si ce sera à la députation ou bien au collège échevinal que l'on conférera la désignation du président, il est clair que cette question doit être résolue par la loi, et en conséquence je ne puis qu'appuyer la proposition de M. Muller qui est d'avis que l'article doit formuler une disposition formelle à cet égard.
M. le président. - On pourrait ajouter au paragraphe premier : « Le président est désigné par le collège des bourgmestre et échevins. »
-- L'article ainsi modifié et adopté.
« Art. 18. Les collèges électoraux ne peuvent s'occuper que de l'élection pour laquelle ils sont convoqués. »
- Adopté.
« Art. 19. Il est procédé aux élections par scrutin de liste, à la majorité relative des suffrages.
« S'il y a parité de votes, le plus âgé des candidats est préféré. »
M. E. Vandenpeereboom. - On donne pour origine aux conseils de prud'hommes le principe électif. On fait reposer leur formation sur l'élection. Mais, à peine a-t-on admis cela en principe, qu'on s'en écarte dans la pratique.
En effet, par l'article qui nous est soumis en ce moment, on se contente de la majorité relative, et cela pour éviter le ballottage, qui a, je le reconnais des inconvénients. Mais il me semble que, pour éviter un léger inconvénient, vous tombez dans un très grand vice ; car, enfin, en vous contentant de la majorité relative, vous pouvez arriver à ne plus avoir la signification d'une élection ; je vais vous le prouver.
Vous pouvez avoir un tel morcellement, une telle dispersion des voix que, sur 60 votants, je suppose, 4 ou 5 voix vous donnent une majorité relative. Eh bien ! je dis que ce n'est pas là une élection ; c'est un accident ; c'est peut-être une manœuvre employée par quelqu'un de remuant. Mais vous n'avez plus là la signification d'une élection.
La dernière loi française, pourvoit à cela par son article 9 : « Au premier tour de scrutin, la majorité absolue des suffrages est nécessaire ; la majorité relative suffit au ballottage. » Ainsi, on commence par exiger, comme on exige ici, dans toutes nos élections, la majorité absolue.
Je veux bien qu'on n'aille pas jusqu'à la majorité absolue ; mais je voudrais qu'on fixât au moins un minimum ; ainsi, que l'on dise que cette majorité relative ne pourra pas être moindre du tiers des votants. De cette manière, vous auriez un à-peu-près ; mais par ce que vous demandez à présent, vous aurez un tel morcellement de votes que votre élection n'en sera plus une. Ce sera, permettez-moi le mot, un tirage au sort dans lequel, avec un petit numéro, on peut gagner un lot. Ce ne sont plus là des élections.
(page 864) C'est un inconvénient d'avoir des ballottages. Mais, je suppose qu'on fixe l'élection au dimanche, à 2 heures, et qu'on dise que le ballottage, s'il est nécessaire, aura lieu après la proclamation du résultat principal. En quelques heures tout sera fini ; vous n'aurez pas de grande perte de temps, ni d'inconvénients notables.
Messieurs, l'élection consiste à s'assurer du choix des électeurs, en exigeant la moitié plus un des suffrages. Alors, on est certain qu'il y a un choix, qu'il y a quelque chose de raisonné, tandis qu'avec ce que vous demandez, il n'y a plus assurance d'élection. C'est un semblant d'élection.
Et non seulement, vous appliquez ce régime aux ouvriers, auxquels i 'faudrait enseigner à pratiquer leurs droits civiques, d'une manière saine et virile ; mais vous l'appliquez aussi aux patrons, déjà rompus aux fortes luttes électorales. Assignez aux uns et aux autres un niveau à atteindre, et l'effort qu'ils tenteront pour y parvenir, fera qu'ils le dépasseront. Fixez un minimum, et vous aurez la coalition, véritable ressort de l'élection.
Je propose donc l'amendement suivant :
« Il est procédé aux élections par scrutin de liste. Nul n'est élu au premier tour de scrutin, s'il ne réunit plus du tiers des voix.
« Si tous les membres du conseil n'ont pas été nommés au premier tour de scrutin, le bureau principal fait une liste des personnes qui ont obtenu le plus de voix.
« Cette liste contient deux fois autant de noms qu'il y a encore de prud'hommes à élire. Les suffrages ne peuvent être donnés qu'à ces candidats.
« La nomination a lieu à la pluralité des votes.
« S'il y a parité des suffrages, le plus âgé est préféré. »
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je ne vois pas grand inconvénient à adopter la proposition de l'honorable membre. Je conçois qu'il serait utile que les juges prud'hommes fussent revêtus d'un mandat plus complet par l'élection à la majorité absolue. Ce mandat plus complet viendra à leur manquer, s'ils sont nommés par une majorité relative.
Mais il faut le reconnaître ; ce sont les cas exceptionnels. On s'entendra presque toujours pour que les choix portent sur les mêmes individus et dès lors, je crois qu'on arrivera presque toujours bien près de l'unanimité.
L'inconvénient que je vois à l'amendement, est celui-ci : on a déjà beaucoup de mal, dans l'état actuel des choses, à réunir une première fois les électeurs, pour ce genre d'opération. Si on va les convoquer deux fois, il arrivera peut-être qu'au second tour, on aura beaucoup moins d'électeurs qu'au premier, et que vos juges, au lieu d'être nommés par une majorité relative, renfermant un certain nombre de voix, soient nommés au second tour par 3 ou 4 voix. Dès lors leur dignité de juges n'y gagnera rien ; au contraire.
Il faut bien se rendre compte de la pratique. Vous n'amènerez pas la foule dans ces élections. Ce sera toujours la minorité des inscrits qui y viendra, patrons et ouvriers.
Il faut autant que possible ne pas imposer de charges aux citoyens. Il en ont déjà un grand nombre. On les réunira le dimanche, dit-on. Mais le dimanche il leur faut leurs loisirs.
Ceux qui, le matin, auront été faire l'exercice de la garde civique ne seront pas tentés d'aller, l'après-midi, faire l'exercice électoral et nommer des prud'hommes.
Je le répète, on ne va pas maintenant aux élections, et si vous les multipliez, vous risquez de ne plus avoir personne. Je ne sais si, avec le nouveau système, un plus grand nombre d'électeurs viendront aux élections. Autrefois, lorsque nous appelions un plus grand nombre d'ouvriers par la patente, ils ne venaient pas. Il y avait dix ou quinze patrons et ouvriers aux élections.
Peut-être que l'esprit public faisant des progrès, et j'espère qu'il en sera ainsi, nous verrons plus de zèle dans ces élections que nous n'en avons vu jusqu'à présent. Mais ne multiplions pas les obstacles. Si nous voulons attirer successivement les électeurs à ces élections, ne les rendons pas trop fréquentes et contentons-nous de la disposition de la loi.
Cette disposition d'ailleurs a été empruntée non pas à la loi française de 1853, mais à la loi française de 1848. Dans cette loi on se contentait aussi de la majorité relative.
Ce n'est qu'en 1853 qu'on a substitué la majorité absolue à la majorité relative.
M. Muller. - Messieurs, je conçois les objections de M. le ministre de l’intérieur à l'amendement de l'honorable M. Vandenpeereboom, mais d'un autre côté il n'est pas admissible non plus que l'élection ait, en quelque sorte, un caractère dérisoire ; il faut qu'il y ait un nombre de voix assez considérable pour constater, en quelque sorte, l'autorité morale de l'élection. Eh bien, messieurs, comme on l'a dit, il est très possible, dans le système du projet que des prud'hommes soient nommés par 5 ou 6 voix sur 40 ou 60 votants.
On dit que les électeurs se mettraient d'accord sur les choix, mais alors, messieurs, l'amendement de l'honorable M. Vandenpeereboom n'aura aucun inconvénient.
Ce qui est certain, messieurs, c'est que vous ne pouvez pas vous en rapporter au hasard ; ce serait vicier l'élection. Il me semble qu'il faut exiger au moins le tiers des suffrages.
M. le ministre de l'intérieur a parlé de la loi de 1848, mais il a fait une confusion : dans la loi de 1848 il y avait deux opérations électorales, une première opération dans laquelle les assemblées présentaient des candidats à la majorité relative, et une deuxième opération dans laquelle on fixait définitivement le choix des candidats à la majorité absolue. Pour ne pas compliquer les opérations vous avez fait des deux assemblées une seule assemblée, il faut donc que vous apportiez un correctif à ce qu'il pourrait y avoir d'arbitraire dans les choix et il n'y a pas grand inconvénient à adopter l'amendement de l’honorable M. Vandenpeereboom, car il ne s'agit pas de remettre le ballottage à une assemblée ultérieure ; les électeurs seront convoqués de telle sorte, que si la majorité d'un tiers des voix n'est pas obtenue au premier scrutin, on procédera immédiatement au deuxième tour de scrutin, comme vous le faites actuellement pour les officiers de la garde civique ; car là vous exigez la majorité absolue et ce n'est que pour les sous-officiers que vous vous contentez de la majorité relative. Si vous ne voulez pas mettre les prud'hommes au même rang que les officiers, mettez-les au moins au-dessus des caporaux.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Si les électeurs s'en vont ?
M. Muller. - Alors il y aura une deuxième opération dans laquelle il y aura une majorité relative suffisante, et aucun reproche ne pourrait être adressé à personne.
- L'amendement de M. Vandenpeereboom est mis aux voix et adopté.
« Art. 20. Le président refusera de recevoir les bulletins qui ne sont pas écrits sur papier blanc et non colorié ou qui seraient reconnaissables à un signe quelconque ; en cas de contestation, le bureau décidera. (Article 57, loi communale).
« Sont nuls, les bulletins qui ne contiennent aucun suffrage valable, ceux dans lesquels le votant se fait connaître, ainsi que ceux qui ne sont pas écrits à la main. (Article 57, loi communale). »
- Adopté.
« Art. 21. L'élection terminée, il en est dressé un procès-verbal.
« Dans le cas où le collège aura été divisé en plusieurs sections, le résultat du vote dans chacune d'elles sera immédiatement transmis au bureau principal, où se fera le dépouillement. »
M. de Bronckart. - Messieurs, l'article 21 dispose que l'élection terminée il en est dressé procès-verbal ; la loi ne dit pas ce que deviendra ce procès-verbal. Je pense qu'en présence de l'article 23 du projet de la section centrale, qui accorde à la députation permanente la faculté, dans certains cas, d'annuler soit d'office, soit sur réclamations, les opérations électorales, il faut au moins qu'un double du procès-verbal lui soit adressé pour qu'elle puisse juger de la régularité ou de l'irrégularité ; des opérations qu'elle est appelée à apprécier.
D'un autre côté je pense, qu'il serait désirable qu'un double du procès-verbal restât aux archives de la commune, siège du conseil de prud'hommes.
Je proposerai donc de supprimer le premier paragraphe de l'article 22 du projet de la section centrale, de rédiger le deuxième paragraphe comme suit :
« Dans le cas où les collèges auraient été divisés en sections, le résultat du vote dans chacune d'elles sera immédiatement transmis aux bureaux principaux où se fera le dépouillement. »
Et d'intercaler un article 22 ainsi conçu :
« Les procès-verbaux de l'élection rédigés et signés séance tenante par les membres de chaque bureau principal, les procès-verbaux des sections ainsi que les listes des votants et les listes des électeurs seront adressés, dans le délai de trois jours, à la députation permanente du conseil provincial. Un double des procès-verbaux, rédigé et signé par les membres de chaque bureau principal, sera déposé au secrétariat de la commune, siège du conseil de prud'hommes, où chacun pourra en prendre connaissance. » (Article 43 de la loi communale.)
M. Vander Stichelen, rapporteur. - Messieurs, l'amendement de l’honorable M. de Bronckart me paraît combler une lacune qui existe dans la loi. La députation permanente est chargée de vérifier les élections contestées ; il faut donc qu'elle soit mise à même de faire cette vérification. Or, cela ne lui est possible que si on lui communique le procès-verbal.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, le projet de loi a été augmenté d'un assez grand nombre d'articles de procédure judiciaire et de procédure administrative, articles qui, à la rigueur, auraient pu ne pas y figurer. Cependant, pour faciliter la discussion, je me suis rallié à beaucoup d'additions qui ont été proposées par la section centrale. Si maintenant nous allons encore les renforcer, nous n'en finirons pas.
L'amendement de l'honorable député de Liège peut avoir son utilité, mais si nous entrons dans cette voie, cet amendement ne suffira pas ; il faudra dire encore de quelle manière se fera l'appel nominal, de quelle manière les listes seront tenues, etc., etc. Avec un pareil système nous allons noyer les dispositions importantes de la loi dans une foule de détails de procédure.
(page 865) Ne perdons pas de vue qu'il s'agit ici d'élections qui se font en quelque sorte en famille ; n'allons pas les comparer à nos élections politiques, provinciales ou même seulement communales.
Quant à moi, j'avoue que j'en ai assez comme cela d'articles de procédure.
M. Lelièvre. - Je dois soumettre une observation à la Chambre. Si nous inscrivons dans la loi des formalités sans nombre, nous nous montrons plus sévères, plus rigoureux, pour l'élection du conseil de prud'hommes, que quand il s'agit de l'élection même des juges du tribunal de commerce. Or, c'est là une anomalie que nous ne pouvons introduire dans la législation. D'un autre côté, je pense qu'il y a des inconvénients réels à énoncer dans la loi un grand nombre de détails ; nous nous exposerons à faire une œuvre informe, peu digne des chambres législatives. N'inscrivons dans la loi que des dispositions réellement utiles.
M. de Bronckart. - Messieurs, je ne suis pas, à proprement parler, l'auteur de l'amendement que j'ai présenté ; cet amendement est la conséquence nécessaire de propositions faites par la section centrale. Du moment que la section centrale introduit dans le projet les articles 22 et 25 qui sont la reproduction de dispositions de la loi communale, il faut nécessairement y insérer l'article 43 de la même loi, article sans lequel les deux articles 22 et 23 deviennent inintelligibles et inapplicables. Si l'on n'adopte pas ces articles, je ne vois pas d'inconvénient à retirer mon amendement ; mais si on les adopte, l'amendement doit être maintenu.
M. Vander Stichelen, rapporteur. - Messieurs, je suis autant que M. le ministre de l'intérieur partisan de la simplicité dans les lois ; je pense même que, dans cette circonstance, il y avait des raisons toutes particulières pour appliquer ce système d'une manière rigoureuse.
Je n'approuve pas, pour ma part, tous les articles nouveaux qui ont été ajoutés au projet ; je ne suis pas le père de ces articles.
Mais puisque nous en sommes à l'article 20, voici ce que je lis dans le texte du gouvernement :
« En cas de réclamation du chef des opérations électorales, il est statué, dans les huit jours au plus tard, par la députation permanente, sauf recours au Roi. »
Il a paru à la majorité de la section centrale qu'attendu qu'on introduisait le droit de réclamation, on pouvait convenablement dire dans quel temps ces réclamations devraient se faire, chez qui elles devraient être déposées, dans quel délai l'autorité appelée à statuer sur les réclamations, devrait décider. Il n'y a pas là excès de précaution.
Maintenant, en ce qui concerne particulièrement l'amendement de l'honorable M. de Bronckart, il me semble que puisqu'on dispose que la députation permanente statue sur les élections contestées, il est indispensable qu'on lui communique les procès-verbaux de ces élections. Cela ne fût-il pas dans la loi, il faudrait l'y sous-entendre. Il y a donc, me paraît-il, motif péremptoire d'admettre l'amendement.
M. Lelièvre. - En ce qui me concerne, je considère l'amendement comme inutile. Il est évident que le procès-verbal de l'élection doit être transmis à la députation, cela résulte nécessairement des articles 22 et 23.
En effet, puisque la députation peut, même d'office, annuler les opérations électorales, il est clair que cette disposition suppose que les procès-verbaux lui sont transmis.
Il me semble donc que l'obligation d'adresser les procès-verbaux à la députation est la conséquence nécessaire des différents articles de la loi et que par conséquent il est inutile d'énoncer à cet égard une disposition formelle. Je considère l'amendement de M. de Bronckart comme dénué d'utilité.
- La discussion est c'ose.
L'article 21 du projet de la section centrale, tel qu'il est amendé par M. de Bronckart, est mis aux voix et adopté.
L'article 22 nouveau, proposé par le même membre, est mis aux voix et adopté.
« Art. 22 (auquel le gouvernement s'est rallié). Toute réclamation contre l'élection devra, à peine de déchéance, être formée dans les huit jours de la date du procès-verbal. Elle sera remise par écrit, soit au greffier du conseil provincial, soit au bourgmestre du siège de l'institution, à charge par ce dernier de la transmettre dans les trois jours à la députation provinciale. (Article 45, loi communale).
- Adopté.
M. le président. - La section centrale a fait un article nouveau placé sous le n°23. Le gouvernement s'y est rallié. Il est ainsi conçu :
« Art. 23. La députation permanente du conseil provincial peut, dans les quinze jours à dater de l'élection, soit sur réclamation, soit d'office, annuler par arrêté motivé l'élection pour irrégularité grave. Passé ce délai, l'élection est réputée valide. En cas de réclamation de la part des intéressés ou d'opposition de la part du gouverneur, la députation est tenue de prononcer dans le même délai de quinze jours. Le gouverneur peut, dans les huit jours qui suivront celui de la décision, prendre son recours auprès du Roi, qui statuera dans le délai de quinzaine à dater du pourvoi. »
M. Lelièvre avait proposé à la fin de la disposition d'ajouter après le gouverneur les mots : « et les intéressés ». Mais au sein de la section centrale il y a renoncé.
M. Muller. - Messieurs, je regrette de devoir entrer dans des détails à propos de cet article, mais il y a une impossibilité d'exécution résultant des délais trop courts fixés dans cet article. Je propose d'introduire une modification que j'ai soumise, au préalable, à la section centrale.
Vous allez comprendre cette impossibilité d'exécution.
L'article 22 donne pour les réclamations un délai de huit jours, auquel il faut en ajouter trois éventuellement pour la transmission à la députation provinciale. Cela fait donc 11 jours et il n'en resterait que quatre à ce collège, qui ne tient habituellement que deux séances par semaine, pour statuer. Il convient donc d'étendre ou plutôt de préciser davantage l'article 23. N'obtiendrait-on pas ce résultat par la rédaction suivante :
« La députation peut, dans les 15 jours de la transmission du procès-verbal, annuler l'élection d'office par arrêté motivé et pour irrégularité grave. Passé ce délai l'élection est réputée valide, s'il n'y a pas eu réclamation de la part des intéressés ou opposition de la part du gouvernement. Dans l'un ou l'autre de ces derniers cas, la députation est tenue également de prononcer dans le délai de 15 jours à partir du dépôt de la réclamation à l'administration provinciale ou de l'arrêté d'opposition.
- Le gouvernement se rallie à l'amendement.
Il est mis aux voix et adopté.
« Art. 24. La validité des élections se trouvant vérifiée, les prud'hommes et leurs suppléants prêtent le serment prescrit par le décret du Congrès, en date du 20 juillet 1831, savoir : le président du conseil entre les mains de la députation permanente ou du délégué de ce collège, et les autres membres, titulaires ou suppléants, entre les mains du président.
« Après la réception du serment, le conseil de prud'hommes est déclaré installé. »
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Les mots « la validité des élections se trouvant vérifiée » me paraissent inutiles ; j'en demande la suppression.
L'article commencerait par ces mots : « Les prud'hommes et leurs suppléants, etc. »
M. Lelièvre. - Au lieu de conférer à la députation le soin de recevoir le serment du président du conseil des prud'hommes, je pense qu'il serait préférable de conférer ce droit au gouverneur ou à son délégué.
D'abord cette mesure aurait une utilité réelle en ce que l'on ne devrait pas, pour recevoir le serment, attendre que la députation se réunît.
En second lieu, il s'agit d'une mesure d'exécution qui, d'après les règles administratives, doit concerner le gouverneur et non pas la députation. Jamais cette dernière autorité ne reçoit les serments des fonctionnaires.
Je pense donc qu'aux expressions « entre les mains de la députation permanente ou du délégué de ce collège », il serait préférable de substituer les mots « entre les mains du gouverneur ou de son délégué. »
Cette marche serait plus expéditive, et l'on ne forcerait pas la députation, corps constitué à recevoir des serments contrairement à la pratique administrative ou à faire des délégations qui amènent des retards et des difficultés.
M. de Muelenaere. - Je ne pense pas qu'il soit dans les intentions du gouvernement et de la Chambre de faire voyager les prud'hommes. Ce sera entre les mains du délégué du gouverneur qu'ils prêteront serment.
- Les amendements proposés par M. le ministre de l'intérieur et M. Lelièvre sont mis aux voix et adoptés.
L'article, ainsi amendé, est également adopté.
« Art. 25. Tous les trois ans, dans la première quinzaine du mois de septembre, les prud'hommes et leurs suppléants sont renouvelés par moitié.
« Les sorties ont lieu par séries composées de chefs d'industrie et d'ouvriers, en nombre égal.
« Lors du premier renouvellement, l'ordre de sortie est déterminé par le sort.
« Les membres sortants sont rééligibles. »
- Adopté.
« Art. 26. Il est procédé pour le renouvellement du conseil d'après le mode prescrit aux articles 12 et suivants. »
- Adopté.
(page 866) « Art. 27. Lorsque, par suite de décès ou de démission, le nombre des membres du conseil, y compris celui des suppléants, se trouverait réduit de plus de moitié, les électeurs seront convoqués extraordinairement pour compléter le conseil.
« Tout membre élu en remplacement d'un autre membre ne demeure en fonctions que pendant la durée du mandat confié à son prédécesseur. »
M. Muller. - Je désire savoir si l'on entend dans cet article confondre les membres du conseil qui appartiennent à l'une et l'autre catégorie, industriels et ouvriers. Ainsi s'il y a huit ouvriers et 10 patrons, comment calculerez-vous la réduction de moitié ?
Il est important que la section centrale s'explique.
M. Vander Stichelen, rapporteur. - Dans l’esprit de la loi, une fois l’élection terminée et approuvée, les divers membres du conseil sont considérés comme ne faisant plus qu'un seul tout.
M. Ch. de Brouckere. - Pas du tout.
M. Vander Stichelen, rapporteur. - Dans ma pensée, c'est là le système de la loi.
M. Ch. de Brouckere. - Je n'admets pas cela.
M. Vander Stichelen, rapporteur. - Je crois que c'est là le système de la loi ; et s'il en est ainsi, il s'ensuit que, quelle que soit la position de ceux qui viennent à quitter le conseil, par démission ou autrement, il suffit qu'il reste un certain nombre de membres pour que le conseil puisse continuer à fonctionner.
M. Ch. de Brouckere. - L'honorable rapporteur a raison, si la loi n'est pas amendée ; mais plusieurs membres de cette Chambre et moi nous proposons un amendement qui modifie complétement le système dans lequel il raisonne ; nous demandons que les jugements soient rendus par un nombre égal de patrons et d'ouvriers. Or, ceux qui, partageant notre opinion, veulent qu'il y ait un nombre égal de patrons et d’ouvriers siégeant dans le conseil, doivent vouloir aussi que, si plus de la moitié des patrons ou des ouvriers sont décédés, il y ait réélection, et que, sans cela, le conseil ne puisse plus siéger. Cet article est donc subordonné à la résolution que prendra la Chambre relativement à l'article 33.
M. Vander Stichelen, rapporteur. - L'honorable M. de Brouckere a parfaitement raison. La solution de la question que vient de soulever l'honorable M. Muller dépend évidemment du système général de la loi. Ce système est mis en relief notamment par l'article 33, d'après lequel, dès que l'élection a eu lieu, on ne s'inquiète plus de la qualité des prud'hommes présents. Maintenant si, par suite de l'amendement proposé à l'article 33, cet article venait à être modifié, il est certain que notre article en discussion devrait subir une modification en conséquence. Il conviendrait donc de tenir en suspens la question soulevée jusqu'après le vote sur l'amendement à l'article 33.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Voici, messieurs, ce qui peut arriver. Je suppose un conseil de prud’hommes composé de 12 membres, 6 patrons et 6 ouvriers, et qu'il vienne à manquer, d'une part, un patron, d'autre part, 5 ouvriers. Il y aura encore la moitié des membres, mais le principe de la loi sera évidemment faussé, attendu qu'ouvriers et patrons ne seront plus représenté également au sein du conseil appelé à juger ou à concilier. Il faut donc prévoir le cas où l'une des deux catégories vînt à être tellement réduite, qu'elle ne serait plus représentée. Je crois qu'on pourvoirait à cette éventualité en disant : Lorsque, par suite de décès ou de démission, le nombre des membres de l’une ou de l'autre catégorie du conseil, etc.
M. Muller. - Je me rallie à cet amendement.
- L'article 27 est adopté.
« Art. 28. Le président et le vice-président du conseil des prud'hommes sont nommés par arrêté royal, parmi les membres du conseil. La durée de leurs fonctions est de trois ans. Ils peuvent être nommés de nouveau. »
M. le président. - La section centrale, d'accord avec le gouvernement, a proposé une nouvelle rédaction, ainsi conçue :
« Le président et le vice-président du conseil de prud'hommes sont nommés par arrêté royal, sur une liste double de candidats, présentés par le conseil ci pris dans son sein ou en dehors.
« La durée de leurs fonctions est de trois ans. Ils peuvent être nommés de nouveau. »
A cet article 25, un amendement avait été rattaché par l'honorable M. H. de Brouckere ; mais je crois que c'est par erreur.
M. H. de Brouckere. - J'avais, en effet, présenté à l'article 25 un amendement tendant à déférer la présidence du conseil de prud'hommes au juge de paix ou à l'un de ses suppléants. On m'a fait cette objection que dans certaines localités où les conseils de prud'hommes rendent aujourd'hui des services incontestables, on verrait avec regret l'intervention de ces magistrats. Malgré tout mon désir d'améliorer la loi, je ne veux pas, messieurs, m'exposer à désorganiser les conseils là où ils fonctionnent bien aujourd'hui. J'ai donc consenti à retirer mon amendement et j'accepte, comme moyen transactionnel, la proposition faite par le gouvernement et par la section centrale. Par suite de cette disposition, là où l'on voudra un prud'homme pour présider le conseil, le gouvernement pourra y nommer un prud'homme ; tandis que dans d'autres localités où l'on n'accepterait aujourd'hui un conseil qu'à la condition que la présidence fut déférée au juge de paix ou à un suppléant, le gouvernement pourra satisfaire à cette préférence. J'ai donc retiré cet amendement.
Mais j'en ai proposé un autre qui se rattache à l'article 33 relatif à la composition du conseil ; celui-là sera examiné plus tard.
M. Tack. - J'ai demandé la parole pour obtenir de M. le ministre de l'intérieur un éclaircissement sur la portée des termes de l'article 28, d'après lequel le président et le vice-président du conseil des prud'hommes sont nommés par arrêté royal sur une liste double de candidats présentés par le conseil et pris dans son sein ou en dehors. Je voudrais savoir si le conseil de prud'hommes est tenu de proposer ses candidats et le gouvernement de faire ses nominations parmi les éligibles, ou bien si cette condition n'est pas requise ; je pense que non, mais il peut y avoir doute, provenait de ce que la loi française contient une disposition analogue dans laquelle il est dit positivement que le président ou le vice-président pourront être nommés en dehors des éligibles. Il faut qu'on ne puisse point argumenter du silence de la loi belge, c'est pourquoi je pense qu'une déclaration de M. le ministre de l'intérieur, qui puisse servir d'interprétation à la loi, est ici nécessaire.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Le président, sur la proposition du conseil, pourra être pris parmi les éligibles ou en dehors des éligibles. L'article n'a pas été inspiré par la loi française. L'article a été inspiré par les observations très justes de l'honorable M. H. de Brouckere. Il a dit que, dans certaines localités, on préférait être présidé par un juge de paix que par un patron ou par un ouvrier. Eh bien, nous donnons satisfaction à cette observation pratique. Nous disons que le gouvernement pourra, sur la présentation du conseil, nommer le président en dehors même du conseil, et que le candidat pourra être choisi, en dehors des éligibles.
Dans le district de Mons, pour les cantons de Dour et de Pâturages, on a si peu voulu que le président fût pris parmi les patrons ou les ouvriers qu'on a interdit à ce président d'être exploitant ou intéressé dans une exploitation. On a voulu détacher entièrement l'élément judiciaire de l'élément industriel.
M. Tack. - J'avais remarqué que le cas était prévu par la loi française et ne l'était pas par le projet. C'est pourquoi j'ai fait mon observation.
M. Allard. - Je n'ai pas l'intention de m'opposer à l'adoption de l'article. Mais je crois devoir signaler une omission sur laquelle nous devrons, je crois, revenir au second vote. Par l’article 24, nous venons de décider que le président prêtera serment entre les mains du gouverneur ou de son délégué. Les titulaires ou les suppléants prêteront serment entre les mains du président. Mais si le vice-président est nommé en dehors des titulaires, ou ne dit pas en mains de qui il devra prêter serment.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Il devient titulaire.
- L'article est mis aux voix et adopté.
« Art. 29. Dans toute délibération, en cas de partage, la voix du président est prépondérante. »
M. H. de Brouckere. - Je prie la Chambre de vouloir ajourner son vote sur cet article jusqu'à ce qu'elle se soit prononcée sur l'article 33, parce que, d'après la proposition que j'ai présentée, le cas que prévoit l'article 26 ne peut arriver. Je propose en effet que les conseils de prud'hommes soient toujours composés d'un nombre impair.
- La discussion de cet article est ajournée jusqu'après le vote sur l'article 36.
La section centrale et le gouvernement se sont mis d'accord pour présenter, au lieu des articles 30 et 31, la rédaction suivante :
« Un greffier est attaché à chaque conseil de prud'hommes ; il est nommé par arrêté royal, sur la présentation d'une liste double de candidats dressée par le conseil de prud'hommes.
« En cas d'empêchement du greffier, le conseil de prud'hommes assume un commis greffier. »
M. Devaux. - Je demanderai à M. le rapporteur ou à M. le ministre s'il croit qu'il est nécessaire qu'il y ait une présentation de candidats, pour le greffier. Il s'agit d'une place rétribuée, d'une place dont la rétribution peut aller à 500 ou 600 fr. Pensez-vous qu'il convienne que le conseil, composé en partie d'ouvriers, soit appelé à présenter des candidats pour de telles places ? Je crois que cela peut avoir des inconvénients et je n’en vois pas la nécessité. On trouve que la simplification est désirable. Eh bien, qu’on laisse la nomination pure et simple au gouvernement ou même, si on veut, à la députation permanente. Je dirais à l'administration communale si le ressort du conseil ne devait se composer jamais que d'une seule commune ; dans tous les cas, la présentation de candidats me paraît superflue.
M. H. de Brouckere. - J'appuie l'observation présentée par l’honorable M. Devaux, en faisant remarquer que les conseils de prud'hommes ne sont nommés que pour un temps limité, tandis que le greffier est nommé jusqu'à révocation. Il me semble qu'il ne convient pas que le conseil, qui ne siège que pour six ans, indique au gouvernement quel est le greffier qu'il faut nommer jusqu'à révocation.
(page 867) Cette présentation, je la regarde comme superflue, et je demande qu'elle ne soit pas admise.
M. Loos. - Je demande le maintien de la disposition proposée quant à la nomination du greffier. Je suis convaincu que si le greffier est nommé par le gouvernement sans présentation de la part du conseil de prud'hommes, la plupart des conseils qui existent aujourd'hui ne fonctionneront plus. Je vous annonce, avec l'expérience que j'ai de quelques-uns des conseils de prud'hommes qui existent aujourd'hui, que la nomination par le gouvernement, et en dehors des présentations, c'est l'annulation du conseil de prud'hommes.
Messieurs, le projet m'inspire une crainte. Sans doute la loi qui fonctionne n'est pas parfaite ; mais elle a donné des résultats brillants auxquels vous ne pouvez qu'applaudir.
On vous a indiqué le grand nombre de conciliations qu'il y avait eu et le petit nombre de jugements, et c'est en présence d'un résultat aussi favorable qu'on veut réformer complétement la loi à laquelle il suffisait d'apporter quelques perfectionnements.
Messieurs, si vous ne permettez pas au conseil de prud'hommes de présenter des candidats pour les fonctions de greffier ou de secrétaire, vous n'aurez plus de conseils de prud'hommes qui fonctionneront.
M. Ch. de Brouckere. - Messieurs, lorsque j'ai entendu parler de supprimer les candidats, je croyais que c'était dans un autre sens, je croyais qu'on voulait que le conseil nommât directement son greffier. Je me suis trompé ; mais quant à l'objection faite par un honorable membre, qu'il y aurait quelque chose d’anomal à ce qu'un conseil élu à temps nommât un greffier qui dût siéger après lui, cela se passe dans tous les conseils communaux. Le conseil communal nomme son secrétaire, an bout de 3 ans la moitié du conseil se retire er le secrétaire reste.
Pour moi, messieurs, il y a de très grands inconvénients dans la nomination du greffier par le gouvernement ; si le gouvernement nomme greffier un homme supérieur aux prud'hommes, un demi-avocat, le greffier jugera tout seul. Nous en avons malheureusement des exemples dans plusieurs tribunaux de commerce, où c'est le greffier qui juge. J'aime beaucoup mieux un homme connu du conseil de prud'hommes qu'un demi-légiste qui viendra vanter ses connaissances et qui jugera tout seul.
Je demande donc que s'il n'y a pas de candidats, ce soit le conseil de prud'hommes qui nomme directement son greffier.
M. Devaux. - Messieurs, je n’ai pas présenté d'amendement, je me suis borné à demander à M. le ministre de l'intérieur ou à M. le rapporteur de la section centrale si, à leur avis, la présentation de candidats était indispensable ; je ne me suis pas même prononcé entre la nomination par le Roi, par la députation ou par le conseil communal. La nomination par la députation est peut-être ce qui serait préférable, mais dans tous les cas, ne croit-on pas que faire intervenir des ouvriers dans la nomination de fonctionnaires salariés, c'est s'exposer assez inutilement à des abus qu'on aura peine à éviter.
M. Lelièvre. - Pour moi, messieurs, je pense qu'en ce qui concerne le commis greffier, la nomination doit émaner du greffier, puisque celui-ci est responsable des faits du commis greffier.
En ce qui concerne le greffier, je pense qu'il est préférable de laisser la nomination au conseil lui-même qui, certes, saura chercher un homme capable. D'un autre côté, il est important que le greffier conserve le rôle que lui assignent ses fonctions et à ce point de vue, une nomination émanée directement du conseil me paraît avoir des avantages réels.
J'estime donc qu'il faut laisser an conseil le soin de choisir le greffier, et nous pouvons, à cet égard, nous reposer sur sa sollicitude, puisqu'il est le premier intéressé à faire une nomination convenable.
M. H. de Brouckere. - Messieurs, je ferai d'abord remarquer que les secrétaires communaux sont nommés par le conseil, mais sauf l'approbation de la députation permanente ; je ferai remarquer, en second lieu, que les greffiers provinciaux sont nommés par la députation permanente, mais seulement pour un temps limité.
Maintenant on fait le procès aux greffiers des tribunaux de commerce, on regrette qu'ils prennent trop d'influence sur les membres du tribunal, qu'ils assument en quelque sorte toute la besogne et on craint que la même chose n'arrive pour les conseils de prud'hommes.
Je voudrais bien que l'honorable opposant me dît ce que feraient les tribunaux de commerce s'ils n'avaient pas de greffier. Je défie les tribunaux de commerce, dans les grands centres commerciaux, de marcher un mois s'ils n'avaient pas dans leur greffier un homme de loi qu'ils puissent charger spécialement de la rédaction des jugements.
Du reste, messieurs, je n'insiste en aucune manière et je retire volontiers mon observation si l'on croit qu'il vaut mieux adopter le système proposé par la section centrale.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, dans l'état actuel des choses, les conseils de prud'hommes nomment leur greffier qui ne reçoit pas de traitement de l'Etat : à l'avenir le greffier sera salarié par l'Etat, et de là la convenance de faire intervenir le gouvernement dans la nomination de ce fonctionnaire. C'est par une transaction qui obtiendra, je pense, l'assentiment de la Chambre, que l'on conserve en partie le système actuel, en accordant au conseil la prérogative présenter des candidats et que l'on rentre dans le système de la loi nouvelle qui fait payer le greffier par le gouvernement, en attribuant au gouvernement la nomination du greffier.
Les greffiers des conseils de prud'hommes auraient un caractère mixte ; ils seraient désignés par le conseil et ils puiseraient leur autorité dans la nomination du gouvernement. Ils sont d'ailleurs révocables par le gouvernement comme tous les fonctionnaires qu'il nomme.
- La rédaction de la section centrale est mise aux voix et adoptée.
« Art. 32. Le greffier et le commis greffier, avant d'entrer en fonctions, prêtent, entre les mains du président du conseil, le serment prescrit par l'article 21 ci-dessus. »
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Le commis greffier doit disparaître.
- L'article est adopté avec cette modification.
« Art. 33. Chaque conseil de prud'hommes forme dans son sein un bureau qui a pour mission de concilier les parties.
« Le bureau de conciliation se compose de deux membres pris l'un parmi les chefs d'industrie et l'autre parmi les ouvriers.
« Deux membres suppléants, choisis dans l'une et l'autre catégorie, sont désignés pour remplacer, le cas échéant, les membres effectifs.
« Le greffier assiste aux séances du bureau de conciliation.
« Celui-ci est renouvelé tous les trois mois. Les mêmes membres peuvent être réélus.
« Toute affaire non conciliée est renvoyée devant le conseil. »
- Adopté.
« Art. 34. Le bureau de conciliation tient au moins une séance par semaine.
« Le président du conseil peut, en cas d'urgence, convoquer extraordinairement le bureau de conciliation. »
M. le président. - La section centrale, dans un rapport supplémentaire, a proposé la nouvelle rédaction suivante, à laquelle MM. Van Overloop et Janssens se sont ralliés :
« Le bureau de conciliation tient au moins une séance par semaine.
« Le président du conseil peut convoquer extraordinairement le bureau de conciliation.
« Il peut aussi, d'après la nature des affaires et en se conformant au paragraphe 2 de l'article 33 (30 du gouvernement), renvoyer les parties en conciliation devant deux membres du conseil autres que ceux qui composent le bureau de conciliation. »
- Cette rédaction est mise aux voix et adoptée.
« Art. 35 Nulle affaire ne peut être déférée au conseil qu'après avoir été soumise au bureau de conciliation.
« Le conseil ne procède au jugement, qu'après avoir également épuisé la voie de la conciliation. »
- Adopté.
« Art. 36. Le conseil ne peut siéger si la moitié de ses membres ne sont présents, sans que le nombre de ceux-ci puisse en aucun cas descendre au-dessous de quatre. »
Voici l'amendement proposé par M H. de Brouckere :
« Le conseil de prud'hommes ne peut siéger que moyennant la présence d'un nombre égal de prud'hommes patrons et de prud'hommes, ouvriers, indépendamment du président ou du vice-président. Ce nombre est au moins de deux prud'hommes patrons et de deux prud'hommes ouvriers, quel que soit celui des membres dont se compose le conseil. »
M. H. de Brouckere. - Messieurs, j'ai développé cette disposition dans une séance précédente, et j'avoue très sincèrement que je ne me rends pas compte de l'opposition qu'elle a rencontrée dans la section centrale.
En effet, le projet de loi établit que le conseil de prud'hommes devra se composer nécessairement d'un nombre égal d'ouvriers et de patrons : dès lors, la conséquence toute logique doit être que le conseil, celui de jugement, bien entendu, ne pourra siéger que moyennant la présence d'un nombre égal aussi de patrons et d'ouvriers. C'est la conséquence la plus simple qui puisse se présenter à un esprit quel qu'il soit.
Maintenant, voici la seule objection que me fait la section centrale : elle dit que, si cette disposition était adoptée, il suffirait de la coalition des prud'hommes ouvriers ou des prud'hommes patrons, pour rendre la réunion du conseil impossible.
Je réponds d'abord que cette coalition est hors de toute probabilité : mais en admettant qu'elle puisse se présenter, vous rencontrez le même inconvénient, en maintenant le projet tel qu'il est ; car si vous admettez qu'il peut y avoir une coalition entre les prud’hommes ouvriers, par exemple, pour rendre la réunion du conseil impossible, vous devez admettre aussi qu'il peut y avoir coalition entre les ouvriers pour ne pas élire de prud'hommes ouvriers. Mais l'une de ces deux hypothèses n'est pas plus probable que l'autre. Si des cas pareils se présentaient dans une localité, le conseil de prud'hommes ne tarderait pas à y succomber ; vous ne pourriez pas conserver debout un conseil de prud'hommes, alors qu'un des deux éléments qui doivent nécessairement le composer, refuserait d'y prendre part.
(page 868) Mais, je le répète, c'est une hypothèse qu'il faut considérer comme irréalisable, à moins de faire le procès à l'institution elle-même.
Au surplus, la disposition que je présente est copiée textuellement de la loi française ; or, avez-vous jamais entendu qu'en France les conseils de prud'hommes n'aient pas pu siéger parce qu'il y aurait eu coalition d'un côté ou de l'autre ? Vous ne l'avez jamais entendu et vous ne l'entendrez probablement jamais.
Je vous prie de vouloir bien faire cette remarque très importante, que nous faisons aujourd'hui du nouveau, du tout nouveau ; les conseils de prud'hommes, tels que nous allons les instituer, ne ressemblent en rien aux conseils de prud’hommes, tels qu'ils ont fonctionné jusqu'ici.
Dans les villes où, de l'aveu de tout le monde, les conseils de prud'hommes rendent le plus de services et fonctionnent le mieux, c'est-à-dire à Gand, à Bruges, à Ypres, les conseils sont aujourd'hui composés exclusivement de patrons.
Nous voulons faire entrer dans ces conseils l'élément ouvrier, nous avons raison ; nous voulons l'y faire entrer en nombre égal avec l'élément patron, nous avons encore raison ; mais prenez-y garde, si vous adoptiez la proposition de la section centrale, au lieu d'un conseil composé exclusivement de patrons, vous pourriez bien avoir un conseil composé exclusivement d'ouvriers.
J'insiste finement pour que la Chambre adopte la proposition que j'ai eu l'honneur de présenter et que je regarde comme fondamentale ; c'est-à-dire que j'ai la conviction qui si le système de la section centrale était accueilli par la Chambre et s'il pouvait arriver qu'un conseil de prud’hommes fut autorisé à siéger moyennant la seule présence des ouvriers, l'institution ne tarderait pas à péricliter.
II ne faut pas perdre de vue que la loi contient un appât très réel, pour engager les ouvriers à se rendre au conseil de prud'hommes : on leur donne des jetons de présence. Ces jetons ne tenteront guère les patrons, mais ils tenteront les ouvriers, cela est naturel, cela est incontestable.
Il faut donc s'attendre à ce qu'il se présente, pour siéger, plus d'ouvriers qu'il ne se présentera de patrons, c'est-à-dire que vous aurez l'opposé de ce qui existe actuellement ; or, tout le monde est d'accord que les conseils de prud'hommes fonctionnent bien aujourd'hui, malgré l'absence des ouvriers ; mais je crois que vous ne parviendrez jamais à faire fonctionner convenablement les conseils de prud'hommes en l'absence des patrons.
Je le répète, je regarde la proposition que j'ai présentée comme une proposition fondamentale.
- La proposition est appuyée.
M. Vander Stichelen, rapporteur. - Messieurs, j'ai demandé la parole, non pour entrer dans de longs développements, mais pour rappeler succinctement les considérations qui ont engagé la section centrale à ne pas adopter l'amendement de l'honorable M. H. de Brouckere.
L'honorable membre pense que la section centrale n'a fait valoir qu'un seul motif pour se prononcer contre cet amendement. C’est une erreur
D'abord, je puis déclarer, non seulement en mon nom personnel, mais comme organe de la section centrale, qu'il est extrêmement désirable que les patrons et les ouvriers répondent, chacun de son côté, à l'appel qui leur est fait, lorsqu'il s'agit de composer le conseil de jugement. Evidemment on doit désirer que tout le monde fasse acte de présence, et les conseils les mieux composés seront ceux où les deux éléments se trouveront en face l'un de l'autre.
Mais la question est de savoir si on peut forcer, soit directement, soit indirectement, l'un ou l’autre de ces deux éléments à faire acte de présence.
M. H. de Brouckere. - Mon amendement est une copie textuelle de la loi française.
M. Vander Stichelen, rapporteur. - La proposition de la section centrale ou plutôt le projet du gouvernement, est la copie d'un régime qui a été en vigueur en France et en Belgique pendant un demi-siècle.
Messieurs, peut-on pratiquement accepter l'amendement qui vous est présenté ?
Je vais poser quelques hypothèses en priant l'honorable M. H. de Brouckere de vouloir bien dire comment, dans l'application, il agirait dans son système.
Il est, je le répète, éminemment désirable qu'un nombre égal de patrons et d'ouvriers se trouve en présence ; sur ce point nous sommes tous d'accord ; mais la question n'est pas là. Il s'agit de savoir comment il faut se conduire au cas où, malgré le vœu de la loi, plusieurs membres sont absents.
J'accepte la prévision indiquée par l'honorable préopinant ; je suppose que le jeton de présence soit un appât pour les prud'hommes ouvriers. Il faut dire les choses comme elles sont ; cela peut se réaliser en fait. J'accepte donc la prévision que l'appât du jeton de présence amènera un plus grand nombre d'ouvriers que de patrons ; je suppose que dans un conseil composé de seize membres, 8 patrons et 8 ouvriers, quatre patrons seulement viennent au conseil et qu'il y arrive 6 ouvriers. Il faudra donc en écarter 2 ouvriers ; lesquels écarterez-vous ? Les écarterez-vous au choix ? Alors qui fera le choix ? Sera-ce d'après l'âge ? En écartant d'après l'âge, vous écarterez peut-être ceux dont la présence sera le plus nécessaire, en raison de la nature des affaires sur lesquelles il s'agit de statuer Voilà une première difficulté des plus graves.
Mais il y a un cas où le système de M. de Brouckere serait vraiment inexécutable ; c'est celui où l'un des éléments ferait tout entier défaut. Il peut faire défaut de deux manières. D'abord par coalition. L'hypothèse n'est pas chimérique ; deux intérêts sont en présence ; il peut se faire qu'un élément soit mécontent de l'autre, au point de se retirer momentanément du conseil. Vous devez prévoir la coalition par amour-propre froissé ; vous devez encore prévoir l'absence de tout un élément par empêchement légitime.
Ainsi quand vous avez nommé un conseil de 10 membres, il se peut que l'un des deux éléments l'élément patron soit absent de la manière la mieux justifiée.
D'ailleurs, vous n'avez pas seulement les réunions ordinaires de quinzaine, mais les cas urgents où le conseil se réunit à un jour et une heure non réglés d'avance. Il ne faut pas d'effort d'imagination pour comprendre que, dans ce cas, un des deux éléments peut facilement faire défaut, surtout dans un conseil composé d'un petit nombre de membres. Que devient votre justice dans ces hypothèses ? Elle est tout simplement arrêtée.
Voilà où conduit votre système.
Et sur quoi repose-t-il au fond ? Sur une faveur que vous accordez en définitive à la négligence, sauf le cas exceptionnel où les prud'hommes absents pourraient invoquer des motifs réellement indépendants de leur volonté.
Vous êtes dans l'obligation de maintenir le système du projet du gouvernement, si vous ne voulez favoriser l'incurie. Vous voulez renverser tout le système de la loi pour ceux qui ne remplissent pas leurs devoirs. Je ne crois pas qu'il y ait lieu de renverser le système du gouvernement dans un but aussi peu légitime.
Notez-le bien, d'ailleurs : Qu'un élément fasse défaut par n'importe quel motif, vous entravez la justice d'une manière absolue.
Car n'oubliez pas ce point important : quand vous établissez un conseil de prud'hommes vous instituez une nouvelle compétence, vous ne pouvez pas dire : Si le conseil ne siège pas, les parties se pourvoiront devant un autre juge, devant le juge de paix, par exemple. Non. Du moment que vous instituez un conseil de prud'hommes pour examiner une certaine catégorie d’affaires, si par un motif quelconque ce conseil ne siège pas, avant qu'il soit régulièrement, légalement dissous, ces affaires restent en souffrance ; elles ne peuvent recevoir de solution.
Le système proposé par l'honorable M. de Brouckere présente donc des inconvénients pratiques qui semblent insurmontables. C'est ce qui a engagé la section centrale à se rallier au système du gouvernement.
M. H. de Brouckere. - Le système que j'ai soumis à la Chambre présenterait quelques inconvénients de détail, que ce ne serait pas une raison pour moi de le retirer. Je trouve ceux qu'on signale existaient-ils même, bien moindres que ceux que présente le système de la section centrale.
Les objectons de l'honorable rapporteur sont spécieuses, rien autre chose. Il prévoit deux choses : la première, la voici : Les ouvriers et les patrons se présentent en nombre inégal ; dans un conseil, composé de seize membres, huit ouvriers et huit patrons, à un jour donné il se présente quatre patrons et six ouvriers : qu'allez-vous faire ? dit le rapporteur. Comment composerez-vous votre conseil ?
L'honorable M. Vander Stichelen fait partie du barreau, je pense. Que fait une chambre de tribunal qui ne peut siéger qu'à trois membres, quand il s'en présente quatre ? Un des quatre se retire.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Cela ne se présente plus.
M. H. de Brouckere. - Erreur. A la cour d'appel de même, il se présente souvent six membres, alors qu'ils ne peuvent siéger qu'à cinq. Dans ce. cas, un se retire.
M. Orts. - Hier à la première chambre de la cour de Bruxelles, 7 membres se sont présentés.
M. H. de Brouckere. - Vous l'entendez. Dans ce cas, deux membres se retirent. Il en sera de même du conseil de prud'hommes. On pourrait, dans la loi, dire que ce seront les plus jeunes qui se retireront ou les derniers élus ; mais j'aime mieux ne rien régler du tout à cet égard. S'il se présente six ouvriers alors que quatre seulement doivent siéger, le conseil s'entendra pour décider quels seront ceux qui resteront ; cela ne présentera aucun embarras quelconque.
J'arrive à la deuxième objection. On veut absolument prévoir le cas de la coalition. J'ai déjà répondu que je regarde la coalition comme impossible. Si vous admettez la coalition des ouvriers ou des patrons, vous pouvez vous devez tout aussi bien admettre la coalition et des uns et des autres ; alors il n'y a plus de conseil de prud'hommes et l'institution tombe. C'est donc une hypothèse que nous ne pouvons pas prévoir. Mais on en fait une autre qui peut se réaliser parfois : à un jour donc il peut arriver qu'il ne se présente que des ouvriers pour siéger ; vous voulez donc, dit-on, que le conseil ne siège pas ? Oui, j'aime mieux voir l'affaire remise que jugée par un seul des deux éléments qui doivent composer le conseil de prud'hommes.
Vous avez vu qu'un fabricant, si haut placé qu'il soit, peut être condamné pour manquement envers un ouvrier. Eh bien, je suppose un fabricant traduit devant le conseil pour manquement à ses ouvriers ; je suppose en outre que, par rivalité entre les fabricants, ou pour tout autre motif, au jour où il est cité il ne se présente que des ouvriers. Vous voulez que le fabricant soit jugé par un conseil composé uniquement d'ouvriers ?
- Un membre. - Il y a l'appel !
(page 869) M. H. de Brouckere. - Je ne veux pas d'un tribunal de première instance mal composé, parce qu'il y a un tribunal d'appel. Je veux un bon tribunal de première instance et un bon tribunal d'appel.
Ce n'est pas là une réponse. Ce système, je suis fâché de le dire, est vraiment absurde. Vouloir qu'un patron puisse, pour un certain cas donné, être condamné par de simples ouvriers pour manquement, par exemple, envers des ouvriers, cela ne supporte pas l'examen.
Qu'arrivera-t-il ? L'affaire sera remise, et au jour qui sera fixé ultérieurement ; il se présentera ce jour-là des prud'hommes en nombre suffisant, et des prud'hommes patrons et des prud'hommes ouvriers ; car, si j'admets que, par mauvais vouloir ou par suite d'empêchement, les uns ou les autres puissent faire manquer une séance, je ne puis pas croire qu'ils s'obstinent dans leur abstention et qu'ils s'exposent ainsi au blâme de leurs concitoyens comme ayant manqué à leur devoir le plus sacré.
- Plusieurs membres. - A demain !
- La séance est levée à 5 heures.