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Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 5 février 1857

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1856-1857)

(Présidence de M. Delehaye.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 663) M. Crombez procède à l'appel nominal à une heure et un quart.

M. Vermeire, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Crombez, secrétaire, présente l'analyse des pétitions suivantes.

« Des employés inférieurs du parquet de Bruxelles demandent une augmentation de traitement. »

- Renvoi à la section centrale du projet de loi concernant un crédit pour augmenter le traitement des employés inférieurs de l'Etat.


« Des meuniers dans le canton de Westerloo demandent de pouvoir continuer à faire usage de balances romaines. »

« Même demande de meuniers à Herinnes, Saint-Pierre-Capelle, Oetinghen et Herffelinghen. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« L'administration communale d'Avin prie la Chambre d'accorder au sieur Delstanche la concession d'un chemin de fer de Luttre à Maestricht. »

- Même renvoi.


« L'administration communale de Braine-l'Alleud demande que la compagnie du chemin de fer du Luxembourg construise la ligne de Nivelles à Groenendael ou qu'elle soit déclarée déchue de la concession de cette voie ferrée. »

- Même renvoi.


« Le sieur Raeymaekers, ancien officier de santé, demande soit une récompense nationale, soit une pension, soit un emploi. »

- Même renvoi.


« Le sieur Wesels, ancien postillon de l'Etat, demande une augmentation de pension. »

- Même renvoi.


« Le sieur Régnier Poncelet demande l'exemption des droits d'entrée sur les fers étrangers qui sont convertis en acier dans le pays. »

- Renvoi à la commission permanente de l'industrie.


« Le sieur Pendville, blessé de septembre, prie la Chambre de lui accorder une pension civique ou une augmentation de subside. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Des habitants d'Oisquercq présentent des observations sur la situation que font à l'agriculture les droits sur les houilles et sur les fontes. »

« Mêmes observations d'habitants de Knocke, Saint-Germain, Neder-over-Hembeek, Mehaigne, Ghistelles, Oostcamp, Oedelem, Oostkerke, Bruges, Sainte-Croix, Asselbroeck, Saint-Pierre-sur-la-Digue, Beernem, Westcappelle ; des conseils communaux de Saint-Trond, Moorsel, et des comices agricoles à Roulers. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi portant révision du tarif des douanes.


« La société Ledoute soumet à la Chambre un projet d'organisation d'un institut agricole à Gembloux et la prie de voter les fonds nécessaires à la fondation de cet établissement. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget de l'intérieur.


« M. le ministre de l'intérieur transmet les tableaux de l'emploi des fonds alloués pour l'instruction primaire pendant l'année 1855, tant par le gouvernement que par les provinces et les communes. »

- Même décision.


M. le ministre de la justice transmet à la Chambre avec les pièces de l'instruction, quatre demandes de naturalisation.

- Renvoi à la commission des naturalisations.

Projet de loi accordant un crédit extraordinaire au budget du ministère des affaires étrangères

Rapport de la section centrale

M. Van Iseghem. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale qui a examiné le projet de loi allouant un crédit extraordinaire de 3,696 francs au département des affaires étrangères.

- La Chambre ordonne l'impression et la distribution de ce rapport et le met à la suite des objets à l'ordre du jour.

Projet de loi sur les jurys d’examen universitaire

Discussion des articles

Titre premier. Des grades académiques et des jurys d'examen

Chapitre V. Des droits attachés aux grades
Article 36

La discussion continue sur l'article 36.

M. de Breyne. - Messieurs, qu'il me soit d'abord permis de répondre à un reproche qui m'a été fait. Il semblerait que je me serais fait ici l'écho d'un comité qui s'occupe beaucoup de la langue flamande. Je n'ai pas l'honneur de faire partie de cette association ; et je ne connais aucun de ses membres. Par conséquent, je ne puis être dans cette enceinte le représentant de cette société. Je suis représentant du pays, envoyé par l'arrondissement de Dixmude ; et si je défends la langue flamande, c'est parce que je crois que cela est nécessaire.

Messieurs, quand j'ai présenté mon amendement à l'article 17, j'ai expliqué quel était le sens de cet amendement. Je voulais placer tous les candidats notaires sur le même rang, ne faire exception pour personne, ne pas dire : Vous appartenez à telle ou telle langue. J'imposais les mêmes conditions au candidat d'Arlon, au candidat de Liège, comme à celui d'Anvers, de Gand ou de Bruges.

Comme j'ai eu l'honneur de l'expliquer, cet amendement m'avait été inspiré par l’article 8, qui disait que celui qui se présente pour l’examen préparatoire, pouvait faire choix de la langue, soit du français, soit dit flamand.

Eh bien, j'ai engagé la Chambre à suivre la même voie et à introduire dans l'article 17 la même faculté, à n'imposer aucune langue à personne, à laisser au candidat le libre usage de la langue qui lui est naturelle, de la langue dans laquelle il a fait ses études.

La Chambre n'a pas cru devoir accepter ma proposition ; je me soumets à sa décision ; mais si mon amendement avait été adopté, la discussion était terminée et nous aurions évité les débats d'hier et d'aujourd'hui.

Messieurs, dans la séance d'hier, relativement à l'amendement de mon honorable ami M. Vandenpeereboom on a fait plusieurs questions.

L'honorable M. Tesch a demandé si un notaire qui ne connait pas la langue flamande, pourrait être nommé à Bruxelles.

L'honorable M. de Theux a répondu : Non. Je suis tout à fait de cet avis, et l'honorable M. Tesch partageait sans doute la même opinion avant même de faire sa demande.

L'honorable M. Coomans a proclamé : Je suis Flamand et j'aime beaucoup la langue flamande ; mais l'honorable M. Coomans ne veut pas admettre que les capacités des environs de Bruxelles, lorsqu'elles ne (page 664) connaissent pas le flamand, ne puissent plus être nommées notaires dans la capitale.

L'honorable M. Verhaegen, lui aussi, déclare qu'il est Flamand et qu'il est grand partisan de cette langue ; mais l'honorable M. Verhaegen ne veut pas plus que M. Coomans qu'un notaire du Hainaut ou de l'arrondissement de Nivelles ne puisse pas être autorisé à fixer sa résidence à Bruxelles.

Messieurs, je crois, moi, que tous ces honorables membres songent trop aux notaires et qu'ils ne se préoccupent pas assez des intérêts du public.

Le public est-il fait pour les notaires ? Il me semble, messieurs, que c'est le notaire qui est fait pour le public. Ainsi, le notaire doit connaître tout ce que le public peut exiger qu'il connaisse. Voilà pourquoi je dirai qu'à Bruxelles comme partout où les deux langues sont en usage, il faut, conformément à ce que demande M. Vandenpeereboom, que le notaire connaisse l'une et l'autre.

L'honorable comte de Muelenaere a reconnu, dans une séance précédente, que dans les parties rurales des provinces flamandes, les actes se faisaient en flamand, mais que dans les grandes villes ils étaient passés en français ; j'ai répondu alors que je n'habite pas une grande cité et que je ne pouvais pas dire ce qui en était. Depuis lors, j'ai pris des informations et j'ai appris que l'assertion de l'honorable comte n'est pas exacte.

Je ferai un appel à notre honorable président et je lui demanderai si à Gand les ventes publiques ne se font pas en flamand ? Je ferai la même question à mes honorables collègues de Courtrai, d'Ypres, d'Ostende, de Roulers, de Furnes, de Thielt, etc., et l'on me répondra que dans toutes ces localités les ventes publiques se font en flamand ; pourquoi ? Parce que le flamand y est la langue de tout le monde, la langue du public.

Messieurs, hier, l'honorable M. de Muelenaere a dit notamment que la population de Bruxelles se compose de Flamands et de personnes qui parlent exclusivement le français ; qu'il est absurde et ridicule que le gouvernement ne puisse pas nommer à Bruxelles un notaire qui ne sache pas le français. Eh bien, je rétorque l'argument et je dis que si la population de Bruxelles est mi-française et mi-flamande, il est absurde et ridicule d'y nommer un notaire qui ne sache pas les deux langues.

Je crois me rappeler, que l'honorable M. Orts, en parlant hier de la cour d'assises, a dit entre autres choses, que si l'on devait traiter les affaires en flamand devant cette cour, les habitants de l'arrondissement de Nivelles n'en seraient que trop satisfaits, puisqu'ils n'auraient pas à siéger comme jurés dans les affaires traitées en langue flamande.

S'il y a là un inconvénient, je répondrai qu'il faudrait changer la loi sur le jury. Pourquoi sommes-nous ici ? et pourquoi le gouvernement est-il institué ? C'est pour changer les lois, lorsque le besoin s'en fait sentir, c'est pour les rendre conformes aux usages et aux habitudes du pays.

On a cité comme argument le cas d'un notaire que nous avons eu pour collègue, qui siégeait à mes côtés, qui était mon ami ; ce collègue a été nommé à Bruxelles, à l'avenir, pourrait-il l'être encore ? Non, avec l'amendement de l'honorable M. Vandenpeereboom ; oui, si la Chambre avait adopté mon amendement ; le gouvernement restait libre de faire ce qu'il voulait ; le récipiendaire une fois admis, le gouvernement devenait juge de la résidence où il pouvait envoyer tel ou tel candidat suivant ses capacités.

Je conclus en disant que je partage la manière de voir de mon honorable ami M. Vandenpeereboom et que je voterai pour sou amendement.

RI. de Theux, rapporteur. — (Nous donnerons son discours.)

(page 664) M. Van Overloop. -— La discussion sur la langue flamande préoccupe à juste titre une grande partie du pays. D'après le recensement fait en 1846, la population de la Belgique se divise, sous le rapport de la langue, en 2,471,348 Flamands et en 1,827,141 Wallons.

Les Flamands ont toujours considérablement tenu à l'usage libre de leur langue ; ainsi, par exemple, dans l'ancienne charte constitutionnelle du Brabant, dans la Joyeuse-Entrée, article 5, il était stipulé que le chancelier de Brabant devait connaître la langue française et la langue flamande. Il devait même connaître la langue allemande. Or, les Flamands d'aujourd'hui tiennent autant que ceux d'autrefois au libre exercice de leur langue, dans toute sa plénitude. Aussi la littérature flamande tend-elle chaque jour à se développer. C'est ce qu'attestent les œuvres de notre excellent littérateur Henri Conscience, qui sont traduites dans toutes les langues.

Messieurs, le Congrès, qui a si bien résumé nos anciennes libertés dans la Constitution, le Congrès n'a pas négligé de consacrer la liberté du langage. L'article 23 de la Constitution porte : « L'emploi des langues usitées en Belgique est facultatif ; il ne peut être réglé que par la loi et seulement pour les actes de l'autorité publique et pour les affaires judiciaires. »

Voulez-vous connaître, messieurs, la pensée de cet article ? Elle est résumée dans quelques paroles de l'honorable M. Raikem, parlant, si mes souvenirs sont exacts, en qualité de rapporteur de la section centrale.

Voici comment il s'exprime :

« Les actes contenant des conventions, comme les contrats notariés et les testaments, doivent pouvoir être écrits dans la langue que parlent ou choisissent les parties ; sans cela il serait par trop facile de les tromper ; pour les actes de l'autorité, la langue doit être unique, sauf à y ajouter une traduction dans le cas nécessaire. »

Voilà bien la pensée de l'article 23, c'est le rapporteur lui-même qui l'explique.

On comprend qu'au point de vue de l'autorité publique il faut qu'un texte de loi ou d'arrêté soit clair, précis, pour éviter les controverses et maintenir l'unité dans tous les actes du pouvoir.

Sur la proposition de l'honorable M. Devaux, le Congrès a ajouté au projet de loi les mots : « Et pour les affaires judiciaires. » M. Devaux, craignait que des difficultés ne s'élevassent au barreau entre des avocats plaidant en flamand et des avocats plaidant en français.

En résumé, l'article 23 permet au législateur de déterminer par la loi quelle sera, des trois langues usitées en Belgique, celle qui sera employée pour les actes de l'autorité publique et celle qui sera employée dans les affaires judiciaires. Quant à ces affaires, heureusement les difficultés que prévoyait prudemment l'honorable M. Devaux ne se sont pas produites.

Il faut donc, aux termes de l'article 23 de la Constitution, une seule langue pour tous les actes de l'autorité publique. La loi peut aussi exiger l'usage d'une seule langue pour les affaires judiciaires, mais dans toutes les autres affaires, l'usage de la langue doit être facultatif.

Toutefois, je pense que l'amendement de la section centrale est par trop exclusif. Sur ce point je partage entièrement l'opinion de l'honorable comte de Theux.

Cet amendement porte : « Nul ne peut être nommé notaire dans un canton où la langue flamande est usitée, s'il ne justifie devant le jury de la connaissance de cette langue. »

Effectivement, si l'on adoptait cet amendement, il serait impossible que l'on nommât à Bruxelles une personne ne connaissant pas la langue flamande. Or, il me paraît évident que dans une ville où il se rencontre un si grand nombre de notaires que dans Bruxelles il n'est pas indispensable que tous les notaires sachent le flamand.

J'ai donc proposé un amendement qui me paraît être un amendement tout de transaction. Il est ainsi conçu :

« Aucun candidat ne peut être nommé notaire dans un canton où la langue flamande est généralement usitée, s'il n'a justifié devant le jury de la connaissance de cette langue. »

Il résulte de cet amendement que si un notaire demandait son déplacement, demandait à passer dans une résidence flamande, il ne devrait pas passer d'examen. Je ne vois à cela aucune difficulté parce que l'intérêt personnel empêchera toujours un notaire qui ne connaît pas la langue flamande, de demander à passer dans une localité dont il ne connaît pas la langue. Mais il en est autrement pour les candidats notaires.

Le candidat, permettez-moi cette expression vulgaire, ne demande qu'à avoir un pied dans l'étrier. Un candidat notaire, ne connaissant pas la langue flamande, peut induire le ministre de la justice en erreur et se faire passer comme connaissant la langue flamande. En adoptant mon amendement, ces inconvénients ne se présenteront plus. Le candidat notaire qui demandera à être nommé notaire dans un canton où le flamand est généralement usité, joindra à sa requête un certificat constatant qu'il a passé un examen sur la langue flamande, et dès lors il n'y aura plus d'abus possible.

L’honorable M. Vandenpeereboom vous a cité hier des faits qui prouvent que des candidats notaires ont induit le ministre de la justice en erreur ; je confirme sur ce point son témoignage, des faits de cette nature sont à ma connaissance.

Messieurs, quel inconvénient pourrait présenter mon amendement ?/ On pourra, au besoin, nommer notaire à Bruxelles et dans les localités qui se trouveront dans la même position des personnes qui ne connaîtront pas la langue flamande. Mais il ne doit pas en être de même dans les localités où la langue flamande est généralement usitée, où elle est la langue de la société comme dans une partie de nos Flandres.

Car ne vous le dissimulez pas, il y a des villes où le langage de la conversation elle-même est le flamand. Ainsi, à St-Nicolas la population aisée connaît le français, parce qu'elle y est instruite ; mais cela n'empêche pas que la langue de la conversation soit le langage flamand et que les masses y parlent exclusivement le flamand. Eh bien, dans cette circonstance, il me semble qu'il est de toute nécessité que les notaires que l'on nomme dans une localité de cette nature, connaissent le flamand.

L'honorable M. Coomans a assimilé les notaires aux autres fonctionnaires, mais il y a une différence du tout au tout. Les autres fonctionnaires ne peuvent, comme les notaires, compromettre les fortunes des particuliers.

M. Coomans. - Les juges de paix.

M. Van Overloop. - Pour toutes les affaires de quelque importance traitées par les juges de paix, il y a appel. Mais contre les actes des notaires il n'y a pas d'appel. Un fait très grave est à ma connaissance personnelle. Je connais le fait d'un testament qui a donné lieu à un procès par suite de l'omission d'une seule lettre. Le notaire qui avait été chargé de rédiger ce testament, croyait, disent les intéressés, que le mot héritier pouvait s'écrire en flamand au masculin pluriel « erfgename », au lieu de « erfgenamen ». De là procès sur l'interprétation du testament.

On a fait cette objection : abandonnez cela au gouvernement ; il ne (page 665) nommera pas des notaires ne connaissant pas le flamand, dans les cantons où la langue flamande est généralement usitée. Mais si vous reconnaissez que c'est un devoir pour le gouvernement de ne pas nommer, dans les cantons où le flamand est généralement usité des notaires qui ne connaissent pas le flamand, pourquoi ne voulez-vous pas l'inscrire dans la loi ?

Messieurs, loin de moi de vouloir diviser le pays en Flamands et en Français. Je proteste haut et ferme contre cette idée. Nous devons désirer l'union du pays, et je ne contribuerai jamais à y introduire un élément de division.

Plaçons-nous au point de vue des besoins du pays, et nous dirons avec l'honorable M. de Breyne, qu'on se préoccupe beaucoup trop dans cette discussion des personnes au lieu de se préoccuper exclusivement de la chose publique. Si l'on veut réellement se préoccuper de la chose publique et examiner la question à ce point de vue seul, on en reviendra aux anciennes idées qui sont restées dans nos mœurs et l'on dira : Là où les populations sont généralement flamandes, il faut que les notaires connaissent la langue flamande.

Mon amendement, je le répète, ne peut causer aucun inconvénient. Il permet de déplacer les notaires sans leur faire subir d'examen et de nommer des candidats notaires ne connaissant pas la langue flamande dans les localités où le flamand n'est pas généralement usité, dans les localités que l'on pourrait appeler mixtes.

Je crois que la Chambre ferait chose utile en adoptant mon amendement. Il s'agit d'une question qui préoccupe le pays beaucoup plus qu'on ne pense.

M. de Kerchove. - Je n'ai que quelques mots à dire. Nous nous occupons d'une question qui n'est pas sans quelque importance pour les provinces flamandes ; mais je crois que c'est à tort que nous voulons faire intervenir la législature dans une question qui est toute de responsabilité ministérielle. Je serais le premier à blâmer le ministre qui, dans une localité flamande, enverrait un fonctionnaire, un notaire wallon. Mais c'est là un fait qui s'est produit très rarement et qui peut être tout au plus l'objet d'un blâme contre le ministre.

Je crois, messieurs, que nous avons tort de vouloir faire disparaître la responsabilité ministérielle pour des actes aussi infimes, et de faire entrer dans la loi des dispositions qui sont tout à fait de responsabilité ministérielle.

Les Allemands pourraient élever dans ce cas les mêmes prétentions que les Flamands ; les Wallons pourraient faire valoir les mêmes exigences. Je crois que la Chambre s'occupe trop longtemps d'un objet qui n'a pas d'importance, et qu'il suffit de s'en rapporter à la prudence de M. le ministre de la justice.

M. de Bronckart. - Messieurs, je volerai contre la proposition de la section centrale, contre l'amendement démon honorable ami M. Vandenpeereboom, et contre celui de M. Yan Overloop. Je demande la permission de développer en quelques mots les motifs de mon vote.

L'idiome flamand, ou, si on le préfère, la langue flamande, a reçu jusqu'à présent une satisfaction que n'a reçue aucun autre idiome parlé dans le pays. Généralement les règlements de police, les instructions transmises aux administrations communales, les mémoriaux administratifs, etc., sont imprimés en français et en flamand. Or, je ne sache pas que rien de semblable ait lieu pour les autres langues usitées en Belgique.

Je ne m'en plains pas assurément, messieurs, et je ne m'oppose en aucune façon à ce que les choses continuent sur ce pied. Mais de là à élever, de par la loi, ainsi que semble le demander l'honorable M. Van Overloop, la langue flamande au rang d'une seconde langue officielle, il y a, certes, loin, et un danger très grand, selon moi, sépare ces deux états de choses.

D'abord, permettez-moi de vous faire remarquer ce qu'il y aurait d'illogique à inscrire, dans une loi faite pour favoriser l'instruction et les études, une disposition qui irait directement et infailliblement à rencontre de ce but. Aujourd'hui, en effet, messieurs, l'intérêt de tous les citoyens belges est de connaître la langue française, qui est la langue officielle, et dans laquelle se traitent les affaires publiques et la plupart des intérêts privés. Or, messieurs, personne n'ignore combien l'étude des langues développe l'intelligence, et si vous allez malencontreusement enlever à cette étude son stimulant le plus puissant, vous faites un tort incontestable à l'instruction.

L'honorable M. de Breyne vous a dit l'autre jour, et vous a répété aujourd'hui, en substance, du moins, que ce qu'il voulait, c'est qu'on ne le fasse pas reculer de cinquante ans.

« Nous ne voulons pas, voici ses paroles, nous ne voulons pas que dans les Flandres, comme sous le premier empire, les actes soient rédigés en français. Car quel en était le résultat ? Que souvent aucune des parties, pas plus que les témoins, ne comprenait la langue dans laquelle l'acte était rédigé. Ainsi, un contrat de mariage se faisait en français ; très souvent les époux n'en comprenaient pas les stipulations. Un bail était écrit en français. Je veux bien admettre que le propriétaire connût cette langue, mais le fermier ne la connaissant pas, ne savait ni ce qu'il lui était permis, ni ce qu'il lui était interdit de faire. »

Messieurs, c'est là un inconvénient, je veux bien l'admettre, mais c'est un inconvénient qui ne se produit pas seulement dans les Flandres, comme semble le croire l'honorable membre ; c'est un inconvénient qui se fait sentir dans les neuf provinces de la Belgique.

Un Wallon, messieurs, s'il ne sait que sa langue maternelle, ne comprend pas plus un acte rédigé en français, qu'un Flamand ne le comprend s'il ne sait que le flamand.

Il est bon d'insister sur ce point ; il est bon de rappeler aux honorables membres, appartenant aux localités flamandes, que la langue française n'est la langue maternelle d'aucune partie de la Belgique.

C'est une langue étrangère, neutre en quelque sorte, et qui, par cela même, me semble merveilleusement propre à être la langue officielle du pays, car elle met sur la même ligne les populations wallonnes et les populations flamandes, et permet qu'aucun des idiomes, parlés en Belgique, n'ait de prépondérance sur les autres.

C'est, messieurs, cette heureuse égalité que l'adoption de l'amendement aurait pour effet de rompre.

Est-il besoin de vous faire remarquer, messieurs, qu'il n'est pas un argument mis en avant par les honorables parrains de l'amendement, qui ne fût tout aussi concluant en faveur d'une proposition tendante à admettre le wallon aux honneurs de la rédaction des actes, s'il prenait fantaisie à quelque membre de cette Chambre, appartenant à une localité wallonne, de prendre l'initiative d'une proposition de ce genre ? Si une semblable proposition était faite, la majorité ayant admis l'amendement en discussion, pourrait-elle la rejeter sans commettre une souveraine injustice ? Et je vous le demande, messieurs, quelle perturbation, quelle source de procès, quel tohu-bohu ne serait pas le résultat d'un tel état de choses ?

Mais, messieurs, ce n'est là que le côté le moins important de la question. Elle cache un péril pour la nationalité belge, si elle était résolue dans le sens de la section centrale ou des amendements proposés.

Personne n'ignore que l'élément le plus puissant de cohésion pour les nationalités, celui autour duquel viennent se grouper, sans efforts, toutes les différences de coutumes et de langage, est une seule et unique langue officielle, officiellement reconnue par la loi.

Eh bien, messieurs, savez-vous ce qui arrivera, je le crains bien, si vous introduisez dans la loi ce que l'on vous propose d'y introduire ? C'est que lors de la discussion, qui paraît prochaine, du projet de loi de réorganisation judiciaire, on ne vous demande d'y insérer une disposition tendante à ne laisser nommer, dans les provinces flamandes, que des juges de paix flamands, il y aurait, certes, à cela, autant et plus de raisons, que pour les notaires. Un peu plus loin, on vous proposera, toujours avec non moins de raison, de ne nommer dans les tribunaux flamands que des juges flamands et dans les cours flamandes que des conseillers flamands. Vous aurez ainsi, messieurs, une magistrature flamande et une magistrature non flamande ; une jurisprudence flamande et une jurisprudence non flamande. Et par la force même des choses, on en arrivera à avoir dans cette Chambre, non plus deux grands partis politiques, divisés sur de grands principes politiques, mais vous aurez d'un côté les députés flamands et de l'autre les députés wallons, c'est-à-dire des rivalités de langues. Que deviendra alors la nationalité belge ?

Messieurs, je crois donc que la Chambre agira sagement en rejetant la proposition de la section centrale et les amendements qui y sont proposés.

Je ne suis, messieurs, je le dis en terminant et très sincèrement, l'ennemi systématique d'aucune langue. Mon sentiment est que toutes ont droit aux égards et au respect ; je désire que toutes se développent, mais dans des conditions d'égalité et sans privilège pour aucune.

On a invoqué à l'appui de la proposition l'article 23, je pense, de la Constitution. J'invoquerai à mon tour, une autre disposition de notre pacte fondamental qui dit que les Belges sont égaux devant la loi ; et je ne veux pas, par mon vote, sanctionner une inégalité entre les candidats notaires des diverses provinces, inégalité qui consisterait à rendre aptes aux fonctions de notaires dans tout le royaume les candidats appartenant aux parties flamandes, et aptes seulement à ces mêmes fonctions dans les provinces wallonnes les candidats wallons. Messieurs, ce serait là une injustice que vous ne pouvez consacrer.

Que par la force des choses, et en fait, il en soit ainsi, c'est assurément un mal, mais de grâce, n'aggravons pas ce mal, en transformant le fait en droit. Laissons, croyez-moi, au gouvernement le soin d'apprécier, sous sa responsabilité, l'aptitude des candidats qui se présentent pour telle ou telle localité.

Evidemment le gouvernement ne peut avoir aucun intérêt à nommer notaires dans des canions flamands des titulaires complètement étrangers à la langue qui s'y parle. Depuis vingt-cinq ans les choses se passent ainsi, et, à l'exception de quelques plaintes isolées, je n'entends pas dire qu'il en résulte de graves inconvénients. Je crois en avoir indiqué d'immenses qui seraient le résultat de l'adoption de la proposition de la section centrale et des amendements des honorables MM. Vandenpeereboom et Van Overloop.

M. Van Cromphaut. - Messieurs, l'amendement de l’honorable M. Vandenpeereboom a donné lieu, dans la séance d'hier, à une discussion qui m'a assez étonné. C'est un fait assez étrange de voir combien (page 666) les Flamands eux-mêmes dans cette enceinte font bon marché de leur langue qui est celle usitée par les trois cinquièmes des habitants de la Belgique. Pour ma part, messieurs, je juge la chose tout autrement. Le flamand est la clef de plusieurs autres langues et personne ne contestera que ceux qui connaissent cette langue, ont infiniment de facilités à en apprendre une foule d'autres, telles que l'anglais, l'allemand, l'italien, etc. Quelques mois de pratique suffisent pour en savoir assez pour se tirer d'embarras dans ces divers pays, Je trouverais fort illogique que les récipiendaires pour le grade de candidat notaire, ne fussent pas astreints à fournir des preuves de capacité dans leur langue maternelle, lorsque ceux-ci se destinent à exercer dans un pays exclusivement flamand, où presque tous les actes se rédigent dans cette langue. Mais, messieurs, si cette condition n'est pas rendue obligatoire dans le projet de loi qui fait l'objet de nos délibérations, les étudiants pour le notariat négligeront complètement leur propre langue, et ils ne s'occuperont que de la langue française qui n'est usitée dans ces parties flamandes que par un nombre très restreint de ses habitants.

Un notaire flamand qui a fait toutes ses éludes en langue française, sans se préoccuper de sa langue maternelle, que fera-t-il quand il aura à recevoir un testament dicté en flamand ? Il sera obligé d'appeler un rédacteur à son secours, ce qui, dans bien des cas, peut offrir des inconvénients très graves.

Messieurs, j'insiste d'autant plus sur l'urgence de faire quelque chose dans le genre de la proposition de l'honorable M. Vandenpeereboom ou de celle de mon honorable ami M. Van Overloop, qu'il est à ma connaissance que de jeunes notaires, au milieu des Flandres, dans des localités où il ne se passe pas un acte sur cent en langue française, ne savent pas écrire convenablement deux lignes dans leur langue maternelle. Il importe de faire cesser ce grave inconvénient, et je suis d'avis que tout récipiendaire flamand, pour obtenir le diplôme de candidat notaire, et être apte à exercer dans les parties flamandes du pays, doit fournir un témoignage de la connaissance des deux langues, flamande el française, pour la rédaction des actes. Par cette clause, je n'entends nullement exclure les Wallons. Il suffira que ceux-ci donnent des preuves de capacité et d'aptitude en langue française, pour avoir droit à exercer dans tout le pays où leur ministère pourra être réclamé, c'est-à-dire dans l'étendue de la circonscription de leur résidence légale, soit à Bruxelles, soit ailleurs.

M. Tesch. - Je regarde comme inutile la proposition de la section centrale. Je comprendrais cette proposition si nous étions au lendemain de la promulgation de la Constitution, au début de notre existence comme Etat indépendant.

Mais aujourd'hui que nous vivons depuis 27 ans sans une disposition semblable, sans qu'on ait pu citer (c'est un point sur lequel j'appelle l'attention de la Chambre) deux cas de nomination dans les provinces flamandes de notaires n'ayant pas la connaissance de la langue usitée dans le canton où ils doivent instrumenter, je ne comprends réellement pas l'utilité de cette disposition.

Je ne comprends pas comment on veut l'introduire, alors qu'elle jette une certaine irritation dans cette Chambre, et doit agir de la même manière dans le pays.

Si l'on était venu signaler des abus, si l'on était venu dire que des ministres, sans égard pour la langue flamande, pour l'intérêt des populations flamandes, ont nommé dans les cantons flamands des notaires qui ne connaissent pas la langue flamande, qui ne pourraient entrer en rapport avec leurs clients, qui ne pourraient comprendre les conventions auxquelles ils étaient chargés de donner un caractère authentique, je comprendrais la disposition qu'on propose.

Mais où cela est-il arrivé ? Quel est le ministre qui a agi de la sorte ? Où ?

J'attends la réponse de nos honorables collègues qui ont présenté ces amendements, et qui sont les représentants des provinces, des arrondissements, des cantons flamands.

Je désire savoir combien il y a dans ces arrondissements de notaires qui ne savent pas un mot de flamand. J'ai entendu dire hier qu'il y avait un seul cas depuis 1830.

L'honorable M. Van Overloop n'a pas cité un seul cas d'une nomination de ce genre faite par un ministre quelconque.

M. Van Overloop. - Je ne puis citer des noms propres.

M. Tesch. - Je ne vous demande pas de citer des noms propres. Mais si vous aviez des faits à citer, vous n'y manqueriez pas.

M. Van Overloop. - Je pourrais citer des nominations faites par vous-même.

M. Tesch. - Où ?

M. Van Overloop. - A Bruxelles.

M. Tesch. - C’est possible qu'il y ait eu des nominations de ce genre à Bruxelles ; mais il y en a très peu et je n'entends pas exclure ceux qui ne parlent que le français du notariat de Bruxelles.

Il est évident que jusqu'à présent la responsabilité ministérielle a suffi pour garantir complètement les droits de la langue flamande, et je crois qu'il n'est pas nécessaire d'insérer dans une loi une obligation qui jusqu'à présent a été respectée par tous les ministres qui se tout succédé, à quelque partie du pays qu'ils aient appartenu.

La mesure proposée présente d’un autre côté de très graves inconvénients. Elle excite dans les populations un dissentiment, un antagonisme qui est réellement dangereux pour la nationalité belge. Ce que je crains, c'est qu'on dise qu'il y a une classe privilégiée admissible aux emplois dans toutes les provinces de Belgique, tandis qu'il y a une autre classe de Belges qui ne sont pas admissibles aux emplois dans trois ou quatre provinces. Si la proposition était admise pour les notaires, on appliquerait bien vile le même système aux magistrats, ce qui jusqu'à présent n'a pas eu lieu.

Ainsi ; à Arlon, je pourrais citer un grand nombre de magistrats qui sont arrivés sans savoir un seul mot d'allemand. Cela présentait, certes, des inconvénients, mais ils étaient moindres, à mon avis, que ceux qui résulteraient de ce qu'on aurait parqué les Belges en deux ou trois races différentes. (Interruption.) Les plaintes qui ont pu s'élever ont été de peu d'importance, mais si vous insériez dans la loi une disposition à cet égard, les plaintes, les réclamations deviendraient générales, et dans les localités flamandes on repousserait Wallons et Allemands, dans les provinces wallonnes on repousserait Flamands et Allemands, dans l'arrondissement allemand on repousserait Wallons et Flamands.

Enfin, messieurs, il est impossible d'arriver à une rédaction qui ne présente les plus grands inconvénients. Ni à Bruxelles, ni dans plusieurs autres localités où le flamand est en usage, vous ne pouvez pas exclure entièrement les notaires qui ne parlent qu'une langue.

Pourquoi ? Parce que la langue des affaires est principalement le français ; ainsi on ne contestera pas qu'à Bruxelles il en soit ainsi. Ferez-vous une disposition exceptionnelle pour ces localités ?

Mais il y a des cantons où le flamand et le wallon sont également usités ; il y a des cantons où le français et l'allemand sont en usage ; allez-vous étendre l'exception à ces cantons ? Ou bien proscrirez-vous complètement dans ces localités les notaires qui ne connaissent pas les deux langues qu'on y parle et qui n'auront pas passé leur examen dans les deux langues ? Introduirez-vous toutes ces exceptions dans la loi ?

L'honorable M. Van Overloop a cherché à éviter ces inconvénients par un amendement qu'il a proposé ; mais il n'y aurait rien de plus facile que d'éluder la disposition présentée par M. Van Overloop.

Cette disposition porte qu'aucun candidat ne pourra être nommé notaire s'il ne connaît la langue généralement usitée dans le canton ; mais rien n'empêchera le gouvernement de nommer ce candidat dans une localité wallonne, puis de le transplanter dans un canton flamand.

Ainsi un candidat est nommé notaire dans un canton wallon, et un peu plus tard, il demande à passer dans un canton flamand ; le ministre peut parfaitement autoriser ce déplacement, et le but que vous poursuivez ne sera pas atteint.

D'un autre côté, messieurs, les termes de l'amendement présentent beaucoup de vague. « Une langue généralement usitée. » Le ministre pourra toujours discuter si une langue est généralement usitée : il y a la langue de la classe inférieure, la langue de la classe supérieure, la langue des affaires ; presque partout la langue généralement usitée dans les affaires, c'est la langue française. Dans la plupart des grandes villes, dans les villes commerçantes, dans les villes industrielles, la langue des affaires est le français ; le ministre pourra nommer partout sans tenir compte de la disposition présentée, si elle était adoptée.

Je crois, messieurs, que nous pouvons parfaitement nous en rapporter à ce qui a été fait jusqu'à présent : nous pouvons nous en rapporter à la responsabilité ministérielle qui a jusqu'ici garanti les droits de tous.

Cela vaudra infiniment mieux que d'adopter un amendement qui, quelle qu'en soit la rédaction, donnera toujours lieu à beaucoup d'inconvénients et qui, en outre, je parle de l'amendement de M. Vandenpeereboom, aurait un véritable effet rétroactif, en ce qu'il obligerait les notaires nommés depuis longtemps à venir se placer de nouveau devant le jury pour subir un nouvel examen.

M. le ministre de l'intérieur (M. Dedecker). - Je crois, messieurs, que nous devons tous désirer de mettre le plus tôt possible un terme à la discussion qui vient de s'engager. Je crois aussi que nous sommes, au fond, plus près de nous entendre que nous ne le croyons nous-mêmes.

Un honorable préopinant disait, tout à l'heure, qu'il faut professer pour la langue des populations le plus sincère respect, qu'il faut maintenir entre les diverses langues usitées dans le pays, la plus entière égalité.

Eh bien, messieurs, je pars du même point de vue.

Que faut-il faire relativement à l'article 36 ? Faut-il maintenir le paragraphe additionnel de la section centrale, faut-il le supprimer ? Le maintenir cela me paraît conduire à de très graves difficultés pratiques qui ont été signalées dans la séance d'hier et dans la séance d'aujourd'hui. Ainsi que faut-il entendre par la langue généralement usitée dans un canton ? Que fera-t-on des cantons mixtes ? Y aura-t-il rétroactivité ; appliquera-t-on la disposition aux notaires ou aux candidats notaires actuels ? Voilà les difficultés que peut présenter l'application du la mesure. Il y aurait, d'ailleurs, un véritable danger à inscrire dans la loi une pareille division si absolue entre les diverses provinces du pays.

Il me semble donc, messieurs, que pour la nomination des notaires, il faut s'en référer au bon sens du gouvernement et le laisser agir à cet égard sous sa responsabilité.

Il faudrait être conséquent et inscrire le même principe exclusif dans les lois relatives à la nomination de tous les autres fonctionnaires dans les provinces flamandes. La question serait la même et nous entrerions dans un véritable dédale, dans d'inextricables difficultés. D'un autre côté, messieurs, supprimer l'amendement de la section (page 667) centrale, tout en maintenant la rédaction que nous avons adoptée pour l'article 17, ce serait consacrer une évidente injustice. Par l'article 17, vous avez exigé que le candidat notaire, même le candidat flamand, prouve qu'il sait rédiger des actes en langue française. J'ai eu l'honneur de signaler à la Chambre qu'une telle disposition est contraire à l'égalité entre les candidats des diverses provinces. Il aurait fallu, dans l'article 17, comme j'ai eu l'honneur de le proposer, se contenter de dire : « La rédaction des actes », sans parler de la langue dans laquelle ces actes seraient rédigés. En effet, le candidat qui n'a jamais vu que des actes flamands doit être admis à prouver, en flamand, qu'il connait la rédaction des actes. Laissez-lui cette faculté comme vous laissez aux candidats des provinces wallonnes la faculté de donner la même preuve en français.

Qu'arrivera-t-il si vous maintenez pour les candidats des provinces flamandes l'obligation de prouver qu'ils savent rédiger des actes en français et si vous ne prenez aucune espèce de précaution pour constater qu'ils savent les rédiger en flamand, vous ne donnerez pas aux populations flamandes des garanties de votre respect pour leur langue.

Pourquoi exige-t-on des candidats notaires, même dans les Flandres, qu'ils sachent rédiger des actes en français ? parce que, dit-on, il peut se trouver dans les provinces flamandes quelques personnes qui ne connaissent que le français et qui aient besoin d'un notaire sachant cette langue ; mais si vous croyez devoir donner ces garanties à quelques personnes qui peuvent se trouver exceptionnellement dans les provinces flamandes, ne faut-il pas avoir au moins autant d'égards pour l'ensemble de la population de ces provinces. Il faudrait donc exiger que les candidats notaires admis dans les Flandres fournissent la preuve qu'ils savent rédiger des actes en flamand.

Pour éviter toute difficulté pratique, je pense, messieurs, qu'il vaudrait mieux supprimer le paragraphe additionnel proposé par la section centrale à l'article 36, mais à condition de supprimer en même temps à l'article 17 les mots : « en langue française ». Alors le candidat sera admis à se servir de l'une ou de l'autre langue usitée dans le pays pour prouver qu'il sait rédiger des actes, et nous éviterons toute espèce d'inégalité entre les provinces flamandes et les provinces wallonnes.

La nomination des notaires dans les provinces flamandes étant, en définitive, une question de responsabilité ministérielle, comme tout le monde l'a reconnu, le gouvernement sera bien obligé de nommer dans ces provinces des notaires qui en connaissent suffisamment la langue.

M. Devaux. - Messieurs, on a élevé plus d'une fois en faveur de la langue flamande des réclamations qui avaient un caractère exagéré. Parmi les personnes qui, en dehors de cette enceinte, se font les organes de ces plaintes, il en est qui sont évidemment animées d'une intention hostile à la langue française, qui, en toutes choses, voudraient mettre la langue flamande sur le même pied que la langue française et voudraient même aller parfois jusqu'à gêner le libre usage de cette dernière langue.

Je n'ai pas l'habitude d'appuyer ce genre de demandes ; mais, messieurs, je crois aussi qu'il faut savoir distinguer dans ces plaintes ce qui est fondé et ce qui ne l'est pas.

Je dis ceci à mes honorables collègues des provinces où la langue flamande n'est pas en usage. Il faut traiter avec un certain ménagement ces réclamations qu'on nous adresse, ne pas les dédaigner dans ce qu'elles ont de juste comme dans ce qu'elles ont d'outré ; car si l'on se persuade dans les provinces flamandes qu'il n'y a pas de liberté pour l'usage de la langue flamande, vous y verrez naître contre le français quelque chose de cette antipathie que les mesures maladroites du roi Guillaume ont excitée contre la langue qu'il voulait favoriser.

Je crois qu'en ce moment on ne fait pas assez attention à cette considération ; qu'on veuille bien envisager la question avec sang-froid et sans prévention ; qu'on ne fasse que ce qui est juste, mais tout ce qui est juste.

Je disais que quelquefois on va trop loin en dehors de cette enceinte, quelquefois aussi on a été trop loin, parmi nous.

Ainsi, dans la discussion de la loi qui nous occupe, lorsque la Chambre a décidé que pour l'épreuve préparatoire, le récipiendaire serait admis à faire une composition française ou une composition flamande, je crois qu'on a été trop loin ; ainsi l'élève peut obtenir le certificat de l'épreuve préparatoire, sans savoir la langue française qui est la langue universitaire. Cette assimilation parfaite du français au flamand est, à mon avis, une exagération.

On a encore été très loin dans cette enceinte, lorsqu'on a demandé qu'on puisse être notaire en Flandre sans avoir été examiné sur la rédaction française.

Le notaire flamand doit être examiné sur la rédaction française, comme tout autre notaire, parce que le français, ainsi qu'on la dit, est dans les villes une langue employée de préférence par beaucoup de personnes... (Interruption.) Comme on le fait observer à mes côtés, c'est la langue officielle du Code. Mais ce qui concerne particulièrement les notaires, il faut qu'ils comprennent assez bien les parties pour exprimer dans les actes leur volonté d'une manière exacte dans la langue qui leur est la plus familière et de telle sorte qu'elles puissent s'assurer elles-mêmes que leur intention est bien rendue.

M. le ministre de l'intérieur vient de faire une proposition qui, à mon avis, va également trop loin ; il veut que le notaire puisse être examiné, à son choix, sur la rédaction des actes en français ou en flamand ; c'est dispenser le notaire flamand de toute rédaction française.

je pense que nous ne pouvons pas aller jusque-là, la rédaction française doit être exigée de tout le monde ; reste à savoir s'il faut exiger de quelques-uns la rédaction flamande.

N'est-il pas juste d'exiger quelque chose sous ce rapport ?

Il ne faut pas que les personnes à qui la langue française est plus familière soient exposées à devoir se servir, pour exprimer leurs intentions dans des actes authentiques, d'un notaire qui les comprend mal et qui traduit leurs paroles dans une langue où elles ont elles-mêmes de la difficulté à vérifier si l'expression en est exacte. On nous a dit cela avec raison et en nous faisant remarquer ce que cela pouvait avoir d'important, pour le testament surtout. Cela est vrai pour le flamand comme pour le français. Il ne faut pas non plus que, pour le flamand, les parties qui se servent exclusivement ou de préférence de cette langue soient obligées de se servir d'un notaire qui la comprend mal, qui l'écrit imparfaitement, ou qui traduit les actes dans une langue que les parties comprennent mal. Cela est exactement aussi vrai pour une langue que pour l'autre.

Il faut donc tâcher de pourvoir à ce besoin, par une disposition dans la loi ; on a dit : Le gouvernement a-t-il nommé dans les provinces flamandes des notaires qui ne savaient pas le flamand ? Il y a des membres de la Chambre qui répondent qu'il en a été ainsi.

Mais la mesure présente une autre utilité, c'est celle qui ressort de l'exemple cité par l'honorable M. Van Overloop ; cet exemple est frappant et prouve non seulement que dans les localités flamandes le notaire doit comprendre la langue, mais qu'il doit savoir l'écrire avec correction.

Un notaire, faute d'écrire correctement le flamand, a commis dans un testament une erreur qui a rendu le testament nul.. (Interruption.) C'était une faute d'orthographe, me dit-on ; peu importe, le notaire s'était trompé sur le pluriel du mot flamand qui correspond au mot héritier. Cela prouve combien les parties sont intéressées à ce que les notaires sachent rédiger correctement dans la langue des parties qui les emploient.

Mais, dit-on, les Wallons sont dans le même cas. La différence est bien grande. Si on rédigeait des actes en wallon, il faudrait exiger que le notaire put rédiger des actes en wallon ; mais il n'y a pas de langue wallonne enseignée, il n'y a pas de rédaction wallonne. (Interruption). Le wallon diffère d'une province à l'autre.

- Un membre. - Il en est de même du flamand.

M. Devaux. - On prétend qu'il y aurait privilège pour les Flamands.

Singulier privilège qui consisterait à subir un examen de plus que les Wallons pour être nommé notaire, à subir, outre l'examen français, plus difficile pour eux que pour les Wallons, un autre examen dont les Wallons sont dispensés pour être nommés chez eux.

Messieurs, on a parlé des divisions que la disposition proposée peut faire naître. Le meilleur moyen de ne pas faire naître ces divisions,, c'est d'être juste envers tout le monde, c'est de ne pas repousser les réclamations avec dédain, c'est de faire droit à ce qui est fondé, en écartant ce qui est exagéré.

Messieurs, cette différence de langage entre les deux parties du pays deviendra à l'aide du temps de moins en moins tranchée, car la langue française tend à se répandre de plus en plus ; le meilleur moyen de ne pas arrêter cette diffusion, c'est de ne pas laisser croire que l'usage de la langue flamande n'est pas libre.

L'honorable M. de Breyne disait tout à l'heure que dans beaucoup de communes rurales flamandes, le français est enseigné aujourd'hui dans les écoles primaires.

Il en est de même dans les villes. Dans la ville de Bruges que j'habite, le conseil communal, il y a peu de temps, a demandé, sur ma proposition, que le français serait enseigné dans les diverses écoles communales fréquentées par 1,700 enfants. Voilà ce qui doit rassurer contre les craintes qu'on a exprimées tout à l'heure.

Le principe posé dans la section centrale est un peu absolu ; on en a fait voir dans la discussion quelques inconvénients pratiques ; on a cité Bruxelles ; on aurait pu citer aussi dans la province de Liège, des cantons qui n'ont qu'une ou deux communes flamandes.

Il serait assez difficile de formuler dans la loi des exceptions pour ces localités ; mais une partie de la règle peut entrer dans la loi et une autre partie être abandonnée à la responsabilité du gouvernement. ' En fait pour la ville de Bruxelles, la règle générale doit être de ne nommer que des notaires connaissant les deux langues ; mais elle ne doit pas être tellement absolue, qu'on ne fasse aucune exception ; elle ne peut l'être non plus dans quelques autres cantons mixtes ; ou peut donc laisser en dehors de la loi Bruxelles et les cantons mixtes et ne parler dans la loi que de ceux où la langue flamande est parlée par tous les habitants qui y sont nés.

C'est ce que fait l'amendement de M. Van Overloop, la mesure qu'il propose ne s'applique qu'aux cantons où la langue flamande est généralement usitée.

En adoptant cet amendement on fait une part à l'action administrative et on met dans la loi ce qui peut y être raisonnablement inséré.

D'après ce qu'a dit l'honorable M. Tesch, je crois que M. Van Overloop ferait bien de substituer le mot « notaire » au mot « candidat notaire », et comme la législation belge a toujours été très large dans ses mesures transitoires, je crois que la règle pourrait ne s'appliquer ni aux candidats notaires qui ont subi leur examen antérieurement, ni aux notaires déjà nommés aujourd'hui qui viendraient à changer de résidence.

- La clôture est mise aux voix et prononcée.

(page 668) M. le président. - Je vais mettre aux voix les divers amendements présentés.

M. le ministre de l'intérieur (M. Dedecker). - Pour ma part, je ne tiendrais pas à l'adoption de la disposition proposée par la section centrale pourvu que l'article 17 fût modifié dans le sens des observations que j'ai présentées.

M. le président. - L'article 17 est voté ; mais comme il a été amendé, il sera soumis à un second vote ; il pourra alors être fait droit à la demande de M. le ministre de l'intérieur. Quant à présent, l'article 36 est seul en discussion.

L'amendement qui s'éloigne le plus du projet est celui de M. Vandenpeereboom.

M. Vandenpeereboom. - Je suis disposé à me rallier à l'amendement de M. Van Overloop, à la condition de pouvoir le sous-amender. Je propose de rédiger de la manière suivante la fin de la disposition :

« S'il ne justifie devant le jury qu'il sait rédiger des actes en flamand. »

M. Van Overloop. - Je me rallie au sous-amendement de M. Vandenpeereboom.

M. le ministre de l'intérieur (M. Dedecker). - En l'absence de la certitude de voir changer l'article 17, je ne puis consacrer l'injustice qui résulterait de la suppression de la disposition.

M. le président. - Voici comment serait conçu l'amendement de M. Van Overloop, sous-amendé par M. Vandenpeereboom :

« Aucun candidat ne peut être nommé notaire dans un canton où la langue flamande est généralement usitée, s'il n'a justifié devant le jury qu'il sait rédiger des actes en cette langue. »

- Plusieurs voix. - L'appel nominal ! l'appel nominal !

Il est procédé à cette opération.

En voici le résultat :

89 membres répondent à l'appel.

36 répondent oui.

49 répondent non.

4 s'abstiennent.

En conséquence la disposition n'est pas adoptée.

Ont répondu oui : MM. Boulez, Coppieters 't Wallant, de Breyne, Dedecker, de Haerne, de La Coste, de Liedekerke, de Mérode-Westerloo, de Naeyer, de Perceval, de Portemont, de Ruddere de Te Lokeren, Desmaisières, Desmet, de Steenhault, de T'Serclaes, Devaux, Janssens, Landeloos, le Bailly de Tilleghem, Maertens, Malou, Osy, Rodenbach, Sinave, T'Kint de Naeyer, Van Cromphaut, Vanden Branden de Reeth, Vandenpeereboom, Vander Donckt, Van Goethem, Van Iseghem, Van Overloop, Van Tieghem, Vermeire et Delehaye.

Ont répondu non : MM. Ansiau, Brixhe, Coomans, Crombez, Dautrebande, David, de Bronckart, Dechamps, de Lexhy, Delfosse, de Man d'Attenrode, de Moor, de Pitteurs-Hiegaerts, de Rasse, de Renesse, de Sécus, de Theux, Dubus, Dumon, Faignart, Frère-Orban, Goblet, Grosfils, Jouret, Julliot, Lambin, Lange, Laubry, Lebeau, Lelièvre, Lesoinne, Licot de Nismes, Mascart, Matthieu, Mercier, Moncheur, Moreau, Orts, Rogier, Rousselle, Tesch, Thibaut, Thierry, Tremouroux, Verhaegen, Vilain XIIII, Wasseige, Wautelet et Allard.

M. le président invite les membres qui se sont abstenus à motiver leur abstention.

M. de Kerchove. - Je me suis abstenu parce que je n'ai pas voulu voter contre la disposition ; mais je n'ai pas voulu en faire une disposition législative.

M. de Muelenaere. - Il est évident qu'un candidat qui se destine à devenir notaire dans un canton flamand, doit connaître la langue usitée parmi les habitants de ce canton. Dès lors il me semblait complètement inutile d'insérer une semblable disposition dans la loi. D'un autre côté, j'ai craint que cette disposition, mal interprétée, ne donnât lieu à des discussions fâcheuses entre les deux grandes fractions du pays. Cela serait une chose très regrettable.

M. Loos et M. Thienpont déclarent s'être abstenus par les mêmes motifs.

- L'avant-dernier paragraphe de l'article 36 (proposition de la section centrale relative à la connaissance de la langue flamande) est mis aux voix : il n'est pas adopté.

Paragraphe nouveau proposé par M. Verhaegen :

« Nul ne peut exercer la profession de pharmacien s'il n'a été reçu en cette qualité conformément aux dispositions de la présente loi. »

- Adopté.

L'article 36, ainsi modifié, est adopté.

Article 37

« Art. 37. Le gouvernement peut accorder des dispenses aux étrangers munis d'un diplôme de licencié, de docteur ou de pharmacien, sur un avis conforme du jury d'examen.

« Cette disposition est également applicable aux Belges qui auront obtenu l'un ou l'autre de ces diplômes à l'étranger, et qui auront justifié de l'impossibilité où ils se sont trouvés de faire leurs études en Belgique.

« La même disposition est encore applicable aux Belges qui auront obtenu l'un ou l'autre des diplômes susdits à l'université de Bologne (Italie), où ils auront fait leurs études aux frais de la fondation Jacobs, instituée près de cette université.

« Toutefois, ils auront à subir, devant le jury du doctorat, un examen spécial sur les matières prescrites par ladite loi et qui ne font point partie de l'enseignement à l'université de Bologne (loi du 25 mai 1847). »

M. Verhaegen. - Le troisième paragraphe de cet article autorise le gouvernement à accorder des dispenses aux Belges qui auront obtenu un diplôme à l'université de Bologne, où ils auront fait leurs études, aux frais de la fondation Jacobs, instituée près de cette université. Toutefois, ils auront à subir devant le jury du doctorat un examen spécial sur les matières prescrites par la loi, et qui ne font pas partie de l'enseignement à l'université de Bologne. C'est une disposition qui me paraît assez exorbitante. On fait d'abord une faveur à certains Belges, en leur accordant une bourse pour étudier à l'université de Bologne...

M. de Mérode-Westerloo. - Ce n'est pas une faveur, puisque c'est une fondation.

M. Verhaegen. - Fort bien ! c'est une faveur qu'on leur fait en leur accordant la jouissance de ces bourses.

Mais est-il nécessaire de se contenter de cette instruction donnée à Bologne et de dispenser l'élève qui y a fait ses études d'un diplôme en Belgique ? Il me paraît que c'est là une disposition qui peut avoir des conséquences assez larges.

J'appelle toute l'attention du gouvernement et de la Chambre sur ce point.

M. Orts. - La disposition que critique l'honorable M. Verhaegen a été introduite dans la législation belge en vertu d'une loi spéciale du 25 mai 1847, et voici pourquoi cette loi a été admise à titre d'exception.

C'est une faveur essentiellement bruxelloise, si je puis m'exprimer ainsi, ne tirant pas à grande conséquence, dénuée de tout danger, mais qui, si elle était supprimée, rendrait complètement nul pour Bruxelles le bénéfice d'une fondation importante et très ancienne.

La disposition ne présente pas les dangers que paraît craindre l'honorable M. Verhaegen. La Chambre en sera facilement convaincue. Il existe à l'université de Bologne une fondation faite par un Bruxellois nommé Jacobs, qui alloue des bourses à quatre ou six jeunes gens de Bruxelles et à leur défaut, de Louvain, d'Anvers ou même de Bois-le-Duc, si je ne me trompe, et à la condition de suivre les cours de l'université de Bologne. Il y a là un établissement, un véritable palais quant à l'architecture, destiné uniquement à recevoir ces jeunes gens ; ils ont à leur disposition une campagne, des répétitions, etc. ; leur éducation est parfaitement soignée et agréable à tous égards.

Les jeunes gens ayant suivi les cours de l'université pendant quatre ans, reçus docteurs, reviennent en Belgique ; ils ne peuvent y rester plus de quatre ans d'après les statuts de la fondation.

Si ces jeunes gens ne pouvaient tirer en Belgique aucun parti de l'instruction qu'ils ont reçue, il est évident que la fondation Jacobs est perdue pour la ville de Bruxelles et pour les villes de Louvain et d'Anvers appelées à en tirer bénéfice.

Qu'a-t-on fait pour éviter cet inconvénient et donner au pays la garantie que cette faveur faite à quelques enfants de la Belgique, ne tournera pas contre l'intérêt général ? On a pensé qu'il suffisait de demander aux docteurs de Bologne qui reviennent en Belgique, de subir un examen spécial devant le jury, sur les matières dont l'enseignement est obligatoire d'après la loi et qui ne sont pas enseignées à Bologne. On s'en est rapporté, pour les matières enseignées également à Bologne et en Belgique, à l'appréciation de l'université de Bologne.

Ce système ne présente aujourd'hui presque pas d'importance. Pour le droit, et ce sont généralement des étudiants en droit qui vont à cette université, pour le droit, il faut passer en Belgique l'examen sur à peu près toutes les matières. A part le droit romain qui est enseigné dans les universités italiennes, tout le reste est parfaitement nul ; il faut recommencer les études en Belgique.

Pour les sciences exactes, pour les sciences naturelles, pour la philosophie et les lettres, comme le diplôme ne donne aucun privilège, je crois qu'il y a moins de danger encore à accepter comme bon le diplôme de l'université de Bologne.

Pour la médecine enfin, l'université de Bologne a, dit-on, une réputation européenne ; c'est une partie pour laquelle, de l'avis d'hommes compétents, l'enseignement présente une véritable supériorité. Si quelques matières de plus sont enseignées en Belgique, les docteurs en médecine de Bologne doivent passer un examen sur ces matières.

Cette garantie a été trouvée suffisante en 1847 ;elle a été trouvée suffisante en 1849, lors de la révision de la loi. Je ne vois pas pourquoi elle serait trouvée aujourd'hui dangereuse.

M. Verhaegen. - Ce n'est pas parce que cette disposition est toute en faveur des enfants de Bruxelles, que je me dispenserai de faire l'observation que je viens de présenter. Cette observation se rattache à une question de principe. Je ne veux pas toucher aux bourses qui sont données aux élèves de Bruxelles pour étudier à Bologne.

Je suis charmé que ces bourses existent ; mais je ne veux pas attribuer à l'enseignement de Bologne un caractère qu'il ne peut avoir.

Mon honorable ami, M. Orts, a vanté beaucoup la fondation Jacobs. (page 669) Les élèves qui jouissent de ces bourses ont un grand hôtel à leur disposition ; ils ont une campagne ; tout cela c'est l'âge d'or ; c'est très bien. Mais la question est de savoir si les études sont assez solides à Bologne pour que, sur la foi des diplômes donnés à l'université de cette ville, nous leur accordions la dispense d'examens.

Ainsi voici ce qui arrive : pour toutes les matières enseignées à l'université de Bologne, nous disons aux jeunes gens qui ont joui de ces bourses que nous n'avons rien à leur demander, et qu'ils n'ont à subir un examen que sur les matières qui ne sont pas enseignées à Bologne, et qui font partie de l'examen en Belgique. D'où la conséquence que nous admettons comme orthodoxe, l'enseignement donné à Bologne, et c'est à quoi je ne puis consentir.

M. Lelièvre. - Il est évident que la rédaction du paragraphe 4 en discussion doit subir une légère modification. Au lieu de dire : « sur les matières prescrites par ladite loi », il faut énoncer : « sur les matières prescrites par la présente loi ».

M. de Theux, rapporteur. - Comme vous l'a rappelé l'honorable M. Orts, cette disposition a été adoptée par les lois antérieures, et je dois ajouter, si mes souvenirs sont exacts, que c'était à la demande de l'administration communale de Bruxelles, qui s'était adressée au gouvernement en même temps qu'à la Chambre pour obtenir cette disposition.

L'honorable M. Verhaegen dit que l’enseignement de l'université de Bologne peut dégénérer, peut devenir incomplet. Mais comme nous n'accordons qu'une faculté au gouvernement, il est certain que si l'enseignement de cette université n'atteignait plus le but qui a motivé la disposition spéciale de la loi, le gouvernement n'accorderait plus cette dispense, de manière que l'on a, me semble-t-il, toute garantie à cet égard.

- L'article 37, avec la modification de rédaction indiquée par M. Lelièvre, est adopté.

Article 38

« Art. 38. Toute disposition légale ou réglementaire contraire aux articles 35, 36 et 37 est abrogée.é

- Adopté.

Chapitre II. Des examens
Article 21

M. le président. - Nous reprenons la discussion sur l'article 21, sur lequel il n'a pas été statué hier.

M. de Theux, rapporteur. - Je suppose que M. le ministre de l'intérieur aura eu le temps de faire la comparaison des deux amendements. Je pense que celui de la section centrale est plus complet et quant à la durée des examens il n'y a de différence qu'en ce que M. le ministre de l'intérieur réduit celle de l'examen pour le doctorat en philosophie et lettres et pour les sciences à une heure et demie, tandis que la section centrale propose de la porter à deux heures. La proposition de la section centrale est plus complète et laisse au gouvernement tous les pouvoirs dont il a besoin pour régler quelques points accessoires des examens.

Je vais en peu de mots justifier cette assertion.

Il me semble que la rédaction proposée par M. le ministre de l'intérieur présente trois lacunes: la première concerne le doctorat en sciences politiques et administratives, c'est pour comprendre ce grade que la section centrale dit : pour tous les grades de la faculté de droit.

La seconde lacune porte sur les épreuves pratiques. Ainsi, M. le ministre ne tient pas compte des épreuves pour la candidature en médecine.

Quant aux épreuves pratiques pour la pharmacie et pour le doctorat en médecine, M. le ministre de l'intérieur y a pourvu en disant: « La durée du troisième examen de doctorat en médecine et de l'examen de pharmacie est réglée par le gouvernement. Cette durée ne pourra être moindre de deux heures. »

Nous avons adopté en section centrale le terme proposé dans le projet primitif et nous laissons au gouvernement le soin de déterminer le temps nécessaire pour les épreuves pratiques, après s'être concerté avec le jury d'examen.

On a fait remarquer, en ce qui concerne le doctorat en philosophie et lettres et le doctorat en sciences, qu'il n'y a pas ici de matières à certificats, que toutes les matières doivent être comprises dans l'examen.

Ce sont là des grades honorifiques d'une haute valeur, et la section centrale a pensé que deux heures d'examen sur ces matières ne seraient pas trop. Elle a pensé d'un autre côté que lorsqu'il y a deux ou trois récipiendaires il ne fallait jamais prolonger l'examen au-delà de trois heures. L'attention des examinateurs et des récipiendaires ne pourrait pas se soutenir pendant un temps plus long.

Si la Chambre juge à propos d'adopter la rédaction de la section centrale et si M. le ministre s'y rallie, je pense qu'il sera pourvu à tout. Rien n'empêchera, du reste, d'examiner la question d'ici au second vote, mais nous l'avons examinée avec beaucoup de soin.

M. le ministre de l'intérieur (M. Dedecker). - Messieurs, quant au fond, je me rallie à la rédaction de la section centrale ; je persiste, cependant, à croire qu'au lieu de dire : « Les autres examens », il vaudrait mieux faire l'énumération de ces examens. Ce serait beaucoup plus clair, puisqu'il faut des recherches et tout un travail d'esprit pour savoir quels sont les autres examens.

M. Verhaegen. - Messieurs, j'ai eu l'honneur de faire observer dans une séance précédente qu'il y aurait beaucoup de difficultés dans l'exécution si on fixait dès à présent la durée de l'épreuve pratique et de l'épreuve préparatoire.

Je ne vois pas quelle difficulté il y aurait à abandonner au gouvernement le soin de fixer cette durée ; alors s'il se présente des difficultés dans la pratique, on pourra y pourvoir par arrêté royal.

La constitution du jury, la forme et les matières d'examen, tout cela est réglé par la loi ; qu'importe après cela que l'examen dure une heure ou une heure et demie ?

M. de Theux, rapporteur. - La Chambre remarquera qu'il est fait droit à l'observation de l'honorable M. Verhaegen. Pour toutes les matières où il est difficile de fixer par la loi la durée des examens, nous abandonnons la chose au gouvernement ; mais pour les autres matières nous avons des précédents dans la loi de 1835 et dans la loi de 1849, et il ne faut pas, sans nécessité, convertir un système légal en un système administratif. Je compte, en général, beaucoup sur la prudence du gouvernement ; cependant il pourrait arriver qu'il prît une mesure au milieu des cours universitaires, qu'il fixât une durée pour les examens, qui vînt déranger tout le système d'enseignement de plusieurs établissements.

Je crois que la marche la plus rationnelle, c'est que la loi règle tout ce qu'elle peut régler. C'est le système que nous avons suivi.

M. Lelièvre. - Il me semble que la durée des examens est un objet tout à fait accessoire et rentrant nécessairement dans l'exécution de la loi qui appartient au gouvernement. Il n'y a pas ici de principe en question et je ne conçois pas comment on peut s'occuper de semblables détails dans l'acte législatif. Je partage donc sur ce point l’avis de l'honorable M. Verhaegen.

M. le ministre de l'intérieur (M. Dedecker). - Je ne partage pas l'opinion de l'honorable M. Lelièvre que la durée des examens est une chose tout à fait accessoire. La question a évidemment une certaine importance. Ce qui le prouve, c'est que dans toutes les lois que nous avons eues jusqu'à présent, dans la loi de 1835 et dans la loi de 1849, ce point est soigneusement réglé. L'article 55 de la loi de 1849 indique, non seulement par catégories, mais examen par examen, la durée que doit avoir chaque épreuve. Je ne vois, du reste, aucun inconvénient à fixer par la loi la durée de la partie scientifique de l'examen. Quant à la partie pratique pour ce qui concerne les manipulations, les préparations, il est, en effet, impossible de dire exactement dans la loi combien de temps elles exigeront. Cette partie, qui est variable, doit être abandonnée au gouvernement.

- La discussion est close.

M. le président. - M. le ministre de l'intérieur se rallie à la proposition de la section centrale, qui est ainsi conçue :

« L'examen oral dure une heure, pour un seul récipiendaire, pour tous les grades de la faculté de droit, pour la candidature en sciences naturelles et pour le grade de candidat notaire (la rédaction des actes non comprise).

« Les autres examens durent une heure et demie, pour un seul récipiendaire, à l'exception de ceux de doctorat en philosophie et lettres et en sciences, dont la durée est de deux heures.

« S'il y a deux ou trois récipiendaires, l'examen dure trois heures.

« Le gouvernement détermine en outre, le temps nécessaire aux ; épreuves pratiques, prescrites par la loi, et à la rédaction des actes par les candidats notaires.

« La durée et la forme des épreuves préparatoires, prévues par la présente loi, sont fixées par le gouvernement. »

- La proposition est adoptée.

M. le président. - Je viens de recevoir une lettre, par laquelle M. Tack, retenu chez lui, demande un congé.

- Accordé.

Titre II. Moyens d’encouragement

M. le président. - Nous passons au titre II (moyens d'encouragement).

Article 39

« Art. 39. Huit médailles en or, de la valeur de 100 francs, pourront être décernées chaque année par le gouvernement aux élèves belges, quel que soit le lieu où ils font leurs éludes, auteurs des meilleurs mémoires en réponse aux questions mises au concours.

« Les élèves étrangers qui font leurs études en Belgique sont admis à concourir.

« La forme et l'objet de ces concours sont déterminés par les règlements. »

La section centrale propose de terminer le troisième paragraphe par ces mots : « Si le gouvernement juge utile de les établir ».

M. le ministre de l'intérieur (M. Dedecker). - Messieurs, les meilleurs esprits sont fort divisés sur l'utilité intrinsèque des concours universitaires et sur les résultats produits par ces concours.

Cette question a été à diverses reprises soumise à des corps compétents ; et notamment au conseil de perfectionnement de l'enseignement supérieur. En général, on a trouvé que les résultats des concours n'ont pas répondu complètement à l'attente qu'on en avait conçue.

La section centrale propose, par l'addition d'une phrase finale, de rendre le concours facultatif.

Quant à moi, il me semble qu'il n'y pas de motifs pour changer l'état actuel des choses.

La question n'est pas encore assez mûre pour qu'on puisse la résoudre dès à présent d'une manière définitive. Comme la loi n'aura qu'une durée provisoire de trois ans, je ne vois pas qu'il faille évidemment trancher une question qui a son importance.

(page 670) D'après le projet de la section centrale, une simple faculté dont le gouvernement pourra user pendant trois ans ; il n'est pas à prévoir que le gouvernement renonce à user de cette faculté ; mais, dans ce système, chaque année, à l'occasion du budget, on pourrait mettre en question le sort de l'institution, et les gens qui sont en position de prendre part au concours courront le risque de ne pas obtenir la récompense de leurs efforts, si les fonds nécessaires n'avaient pas été votés au budget. Il vaudrait donc mieux, à ce point de vue, maintenir obligatoirement ou supprimer définitivement le concours universitaire.

Quant à moi, j'avoue humblement que je n'ai pas d'opinion faite sur cette matière ; si la Chambre veut se borner à donner au gouvernement la faculté d'établir le concours, je ne m'y oppose pas ; mais cela peut avoir pour les élèves concurrents l'inconvénient que j'ai signalé.

M. de Muelenaere. - Messieurs, je comprends qu'il y ait des opinions divergentes sur l'utilité des concours, mais je ne pense pas que jusqu'à présent le concours universitaire ait été imposé au gouvernement comme une obligation ; le gouvernement a toujours été libre d'organiser ou de ne pas organiser le concours. On veut maintenir cet état de choses. Cela résulte encore du premier paragraphe de l’article 39 :

« Huit médailles en or, de la valeur de 100 fr., pourront être décernées, chaque année, par le gouvernement... »

Ainsi la loi ne dit pas que ces médailles devront, mais qu'elles pourront être décernées par le gouvernement s'il le juge convenable. C'est une faculté et non pas une obligation.

Il me semble donc que la disposition finale ajoutée par la section centrale est en concordance parfaite avec celle que je viens de citer : le gouvernement reste entièrement libre ; il peut faire ce qu'il jugera utile convenable.

Comme la loi n'aura qu'une durée temporaire de trois ans, il est assez probable que le gouvernement ne supprimera pas le concours pendant ces trois années, qu'il continuera d'en faire l'essai et qu'après ce délai il sera assez instruit pour nous faire une proposition définitive sur l'institution du concours universitaire.

M. Devaux. - Messieurs, comme on vient de le dire, les avis sont partagés sur l'utilité du concours universitaire. Quant à moi, je n'ai pas d'opinion faite sur cette matière. Le conseil de perfectionnement, composé de huit professeurs des universités de l'Etat, des deux administrateurs-inspecteurs, des deux recteurs et de quelques personnes étrangères à l'enseignement, a demandé la suppression du concours universitaire, parce qu'il fait perdre aux concurrents pour leurs études un temps qui n'est pas compensé par les résultats du concours.

Je disais que, quant à moi, je n'ai pas d'opinion faite en la matière, j'ai toujours pensé, comme l'honorable M. de Muelenaere, que l'article, tel qu'il était conçu dans la loi de 1849, n'imposait pas au gouvernement l'obligation d'organiser le concours ; que c'était une simple faculté que la loi lui donnait. Le gouvernement n'a pas jugé qu'il en fût ainsi ; au conseil de perfectionnement, qui demandait la suppression du concours, on a toujours opposé que ce n'était pas une faculté et on se fondait, pour le soutenir, sur la disposition finale de l'article 32 de la loi, ainsi conçue :

« La forme et l'objet de ces concours sont déterminés par les règlements. »

On concluait de là que la forme et l'objet des concours doivent être obligatoirement arrêtés par le gouvernement.

À mon avis, le raisonnement n'est pas concluant.

Maintenant la rédaction de la section centrale a uniquement pour but, non pas d'abolir le concours, mais de donner au gouvernement la faculté de l'organiser ou de ne pas l'organiser. Si l'on juge que la disposition de la loi de 1849 u la même portée, alors l'amendement de la section centrale est inutile.

M. Verhaegen. - Messieurs, lorsque nous nous occupions des distinctions, on voulait les supprimer et on nous disait que le stimulant pour les élèves se trouverait dans le concours universitaire ; et aujourd'hui on demande la suppression du concours... (interruption) ou du moins on n'y attache pas une très grande importance.

Messieurs, qu'il me soit permis de vous présenter à cet égard un système tout nouveau.

Certes, les concours, tels qu'ils sont organisés aujourd'hui, présentent des inconvénients. Ils brisent les études ; aussi je ne vous dis pas que des jeunes gens qui n'ont pas terminé leurs études puissent se livrer au labeur d'un concours. Je ne voudrais pas que les candidats pussent être admis à concourir, je voudrais qu'on ne permît qu'aux docteurs avec une limite d'âge de tenter les résultats d'un concours.

Je crois que c'est là un des écueils qui ont été signalés par les hommes compétents, c'est que les concours pour lesquels les jeunes gens emploient de six à huit mois de travaux les empêchait de s'adonner aux études qui doivent les mener au but qui doit être le résultat des examens, qu'il y a là des résultats différents qui viennent se contrarier. Comme dans la discussion générale on a beaucoup parlé de l'abaissement des études, que des membres ont prétendu que ce n'étaient pas les études qui étaient en décadence, mais l'esprit scientifique qui est en défaut, je voudrais que le jeune homme quand il a fini ses études pût trouver l'occasion de se distinguer.

Ce serait, selon moi, le moyen de faire revivre l'esprit scientifique ; un jeune homme a achevé ses études, il est docteur en droit, en médecine, en sciences, en philosophie ; il a atteint le but qu'il se proposait par ses études universitaires ; il a subi son examen ; mais maintenant qu'il a terminé ses études, il y aurait un moyen de faire en sorte que ce jeune homme puisse se faire distinguer ; on lui offrira la faculté de prendre part à un concours en matière de droit, de médecine, de sciences ou de lettres ; il ne sera plus entravé dans la marche de ses études scolaires.

Cet inconvénient, signalé par les hommes compétents, disparaîtra. Mais je voudrais qu'il y eût un plus grand appât. On donne huit médailles de 100 francs, c'est de la mesquinerie ; il n'y a pas là de quoi compenser les dépenses qu'entraîne le concours. Je voudrais prendre les 6,000 francs donnés à l'article 42 à la disposition du jury pour les docteurs ; je voudrais les convertir en récompenses, pour les concours, et au lieu de huit médailles d'une valeur de 100 francs, offrir huit bourses de mille francs dans le sens de l'article 42.

Maintenant, d'après l'article 42, le jury décerne ces huit bourses à des jeunes gens qui ont obtenu le grade de docteur.

Je remplacerais cela par un concours auquel ne seraient admis que des docteurs ; je n'y admettrais pas les candidats pour ne pas briser les études ; j'offrirais comme appât aux concurrents une bourse de mille francs dans le sens de l'article 42. Je propose à cet effet une disposition conçue en ces termes :

Remplacer les articles 39, 42, 45 et 44 par les dispositions suivantes :

« Art. 39. Huit bourses de mille francs par an peuvent être décernées annuellement par le gouvernement aux Belges, auteurs des meilleurs mémoires en réponse aux questions mises au concours. Ces bourses sont données pour deux ans ; celles qui n'ont pas été conférées une année peuvent l'être l'année suivante.

« Pour être admis à concourir, il faut avoir obtenu le grade de docteur et être âgé de moins de vingt-cinq ans.

« La forme et l'objet des concours sont réglés par le gouvernement. »

Mon but ne serait plus atteint si j'admettais les docteurs au concours après l'âge de 25 ans. C'est ainsi que je coordonne les différentes dispositions ; je supprime l'article 42 que je remplace par la disposition dont je viens de donner lecture.

La forme et l'objet du concours seront réglés par le gouvernement.

D'après une observation faite à mes côtés, au lieu de dire docteurs âgés de 25 ans au plus, on pourrait dire docteurs depuis deux ans au plus.

M. de Theux, rapporteur. - La motion de l'honorable M. Verhaegen me paraît devoir se rattacher plutôt à l'article 42 qu'à celui que nous discutons.

En effet, les médailles pour les concours, telles qu'elles sont instituées, sont exclusives des bourses, c'est une médaille d'honneur, tandis que les bourses dont il est fait mention à l'article 42 sont des bourses de voyage qui sont données pour deux ans.

Voici quel a été le but de cette disposition introduite dans la loi de 1835 :

On a pensé qu'il pourrait être utile que des jeunes gens, ayant obtenu la plus grande distinction dans leurs études fissent un voyage à l'étranger, allassent fréquenter les universités étrangères pour approfondir les études auxquelles ils se sont livrés.

D'après la proposition de M. Verhaegen, ce serait un mémoire ou une réponse à une question posée qui vaudrait à ce jeune homme un prix de deux mille francs. C'est un tout autre système qui n'a rien de commun avec les médailles dont il est parlé à l'article 39. On a demandé pourquoi la section centrale avait ajouté les mots : « si le gouvernement juge qu'il y a lieu de les établir ». Il avait toujours été entendu que c'était pour le gouvernement une faculté, un droit, mais comme un doute avait existé à cet égard, nous avons pensé qu'il était bon de le trancher par la loi ; à ce titre, je crois que la phrase additionnelle proposée par la section centrale, « s'il juge à propos de les établir », a son utilité.

M. Lelièvre. - Messieurs, à mon avis les mots « si le gouvernement juge utile de les établir » sont complètement inutiles. Le paragraphe premier, qui forme la disposition principale, n'est que facultatif. Or, le paragraphe 3 ne forme qu'une disposition accessoire qui ne peut avoir que le caractère de la disposition principale. Il est donc évident qu'il ne s'agit que d'une simple faculté, car il est impossible qu'un article purement explicatif d'une disposition ait une portée entièrement différente de celle-ci. L'article en discussion me paraît clair et précis et toute addition me semble une superfétation.

M. Verhaegen. - On a compris le but que je voulais atteindre. On avait signalé deux inconvénients aux concours universitaires. Le premier était de distraire les élèves de leurs études ordinaires, le deuxième de ne pas offrir un appât assez fort à ceux qui voudraient concourir.

J'ai paré au premier inconvénient en n'admettant au concours que les docteurs ; mais il fallait une limite, j'ai fixé l'âge de 25 ans. Si on aime mieux dire : ceux qui auront deux années de doctorat au plus, je le veux bien.

Si quelqu'un voulait amender la proposition en ce sens, je me rallierais volontiers à cet amendement. Quant à l'inconvénient du peu de valeur de ces médailles, je le (page 671) reconnais. Je proposerais volontiers de réunir l'article 42 à l'article 40 et d'attribuer à ces médailles une valeur de mille francs. Ou si l'on voulait maintenir l'article 42 et donner aux médailles une valeur de mille francs, je ne m'y opposerais pas. Mais quand il s'agit de finances, on s'arrête. En attendant, sauf mieux, je maintiens l'amendement que j'ai présenté.

M. le ministre de l'intérieur (M. Dedecker). - L'honorable M. Verhaegen a critiqué les concours tels qu'ils sont aujourd'hui organisés. L'un des principaux inconvénients du concours est, en effet, de détourner les jeunes gens de leurs études universitaires. C'est tellement vrai, qu'on a vu à différentes reprises des jeunes gens, et des meilleurs, qui avaient pris part au concours, échouer dans leurs examens Cependant il se rencontre parfois des jeunes gens doués de si heureuses dispositions qu'ils peuvent, sans nuire à leurs études ordinaires, se livrer aux travaux spéciaux que nécessitent les concours.

Je reconnais avec l’honorable M. Verhaegen qu'une médaille de cent francs n'est pas, à elle seule, un appât suffisant pour engager les jeunes gens à prendre part au concours. Néanmoins il y a toujours des jeunes gens qui prennent part au concours : cette année encore on a décerné trois premiers prix.

J'avoue qu'il y avait un nombre plus considérable de concurrents il y a quelques années ; mais il en est de même pour les concours ouverts par l'Académie royale des lettres et des sciences, pour lesquels, il y a aussi beaucoup moins de concurrents qu'il y a quelques années.

Il y a, du reste, un autre appât que la médaille,' c'est l'insertion des mémoires des concurrents couronnés dans les Annales des universités. Autrefois les mémoires couronnés au concours étaient tous indistinctement insérés dans ces Annales ; il faut aujourd'hui l'avis favorable du jury.

L'honorable M. Verhaegen voudrait donc renvoyer le concours jusqu'après les études universitaires. Ce serait une amélioration ; mais est-elle praticable ?

L'honorable membre voudrait instituer ces concours pour entretenir le feu de la science même au sortir des universités.

Le but que se propose l'honorable membre est en partie atteint par l’établissement de diplômes spéciaux. Autrefois le recrutement des professeurs des universités se faisait par la création d'agrégés.

Depuis quelques années, on a remplacé l'agrégat par les diplômes spéciaux.

Aussi, ceux qui depuis deux ans sont docteurs dans une faculté peuvent se présenter pour l'obtention d'un diplôme spécial. En subissant un examen oral et en rédigeant un mémoire, ou peut obtenir un diplôme spécial dans l'une ou l'autre faculté. Ce diplôme constitue un titre à l'obtention d'une position dans le corps universitaire. Un certain nombre de jeunes gens qui se destinent à l'instruction recherchent ces diplômes. Pour certains jeunes docteurs animés de l'esprit scientifique, on a donc satisfait au vœu qu'a exprimé l'honorable M. Verhaegen.

Pour les jeunes gens qui ne se destinent pas à l'enseignement, il peut y avoir une lacune, et l'on pourrait établir des concours: mais ce serait probablement sans résultat.

En dehors de ceux qui se destinent à la carrière de l'enseignement et qui ont la seule science en vue, les concours seront toujours très peu suivis, parce que, plutôt que de prendre part à ces concours, les jeunes docteurs s'appliqueront à faire leur stage ou se lanceront immédiatement dans la carrière qu'ils se seront choisie.

Mais, quelle que soit la manière de voir à l'égard de ces concours, toujours est-il qu'il y a lieu de conserver les bourses de voyage qui ont une utilité incontestable. Les élèves les plus distingués, même lorsqu'ils ont achevé leurs études, n'ont pas encore complété leur éducation littéraire ou scientifique. Il est bon qu'ils aient des bourses de voyage pour aller comparer l'état de la science dans les autres pays et dans le nôtre.

A leur retour, ils doivent faire un rapport pour rendre compte de l'état de la science dans les diverses contrées qu'ils ont visitées. Il y a là pour le gouvernement comme pour les professeurs des points de comparaison qu'il est intéressant de voir établir.

Je pense qu'il serait utile de renvoyer l'amendement de l'honorable M. Verhaegen à la section centrale.

M. Rogier. - Je ne sais si l'honorable auteur de la proposition insistera pour qu'elle soit renvoyée à la section centrale.

Il supprime les médailles accordées aux élèves des universités, auteurs de mémoires couronnés. Il veut confondre ces médailles avec les bourses de voyage accordées sur la proposition du jury, à la suite de leurs études, aux jeunes gens qui ont subi avec grande distinction l'examen de docteur. Ce sont deux institutions distinctes.

Les médailles sont accordées aux élèves pendant leurs études. Les bourses de voyage leur sont accordées après leurs études. L'institution des médailles accordées par suite de concours est aussi ancienne que nos universités. Pourquoi la supprimer ? Ne suffit-il pas que le concours reste simplement facultatif pour le gouvernement ? Le concours préoccupe, dit-on, les élèves au détriment de leurs études ; mais il peut y avoir des jeunes gens chez qui l'esprit scientifique et littéraire est assez développé pour être utilement stimulé par les concours. S'il y a des jeunes gens que le travail rebute, il en est que le travail attire et qui peuvent rencontrer dans les matières mises au concours des questions qu'il leur est agréable et utile de traiter.

Il faut donner à ces jeunes gens l'occasion de se distinguer, mais ne pas confondre les médailles d'encouragement offertes aux élèves universitaires avec les six bourses de voyage accordées aux jeunes gens qui ont subi, avec grande distinction, l'examen de docteur.

A l’aide de ces bourses, ces jeunes gens vont étudier les méthodes et l'état de la science dans les universités étrangères, et ils rapportent dans le pays d'autres lumières. C'est donc là une bonne institution, et l'honorable M. Verhaegen ne veut pas la supprimer ; au contraire, il veut la renforcer en l'enchérissant des huit médailles qu'il enlève au concours.

Laissons au gouvernement la faculté d'accorder ces médailles aux élèves des universités et conservons-les comme nous conservons les bourses de voyage pour les élèves qui ont fini leurs études avec grande distinction.

M. Lelièvre. - La proposition de l'honorable M. Verhaegen me semble devoir donner lieu à des inconvénients sérieux. N'admettre aux concours que les docteurs, c'est évidemment supprimer l'institution.

En effet, les docteurs qui ont acquis le droit d'exercer une profession libérale ne se livreront plus aux études universitaires, ils préféreront s'occuper des devoirs de leur profession.

D'un autre côté, en ce qui concerne les candidats, il est à remarquer que le temps qu'ils emploient à élaborer une question objet du concours, n'est pas un temps perdu, puisque par ce travail ils acquièrent des connaissances utiles sur la science même qu'ils doivent étudier d'une manière approfondie.

Il n'y a donc nul inconvénient à admettre les candidats au concours, comme cela s'est constamment pratiqué depuis 1817.

D'un autre côté, comme nous l'avons déjà dit, les docteurs qui ont obtenu un titre pour exercer une profession à laquelle ils aspiraient depuis longtemps ne prendront plus part au concours.

La proposition de M. Verhaegen équivaut, selon moi, à la suppression des concours.

M. Verhaegen. - On dit que pendant les études ordinaires l'élève ne travaille que pour l'examen, que toute son attention est absorbée par l'examen qu'il doit passer. Comment voulez-vous alors qu'il se livre pendant les études ordinaires aux travaux d'un concours ? Et c'est là le motif pour lequel le nombre des concurrents a toujours été si faible.

On dit que l'esprit scientifique s'éteint. Mais quel est le moyen de le faire revivre ? C'est de donner des encouragements à la science. Il faut encourager la carrière du professorat ; il faut encourager par des récompenses ceux qui veulent se livrer aux travaux scientifiques proprement dits.

L'honorable M. Lelièvre nous dit que lorsque ce jeune homme aura obtenu son diplôme de docteur, il se livrera à la profession d'avocat ou de médecin et que tout sera dit.

Ce sera donc un but matériel et non l'esprit scientifique qui le guidera. Eh bien, tâchons de faire revivre cet esprit scientifique qui paraît s'éteindre en Belgique. C'est le but que je veux atteindre.

Mon honorable ami, M. Rogier, dit que je veux prendre les 6,000 fr. accordés pour médailles pour les bourses dont il est question à l'article 43. C'est d'une manière très timide que je me suis exprimé. Je désire maintenir les bourses pour voyager à l'étranger.

M. Rogier. - Vous supprimez les huit médailles universitaires.

M. Verhaegen. - Je le fais parce que je crains de ne pouvoir obtenir les fonds.

Mais si vous voulez me donner votre concours pour obtenir des médailles qui ont plus de valeur que celles dont il est parlé dans l'article 39 et maintenir les bourses, je serai d'accord avec vous.

C'est peut-être dans ce sens qu'il conviendrait de renvoyer mon amendement à la section centrale.

M. de Theux, rapporteur. - Je n'ai qu'une seule observation à présenter à la Chambre.

L'honorable M. Verhaegen trouve qu'il y a beaucoup d'inconvénients, et en cela il paraît être d'accord avec le conseil supérieur, à ce que les jeunes gens qui font encore leurs études soient distraits par le travail spécial pour le concours des médailles d'honneur. Il désirerait que ce concours fût établi pour les jeunes gens qui ont achevé leurs études et qui sont cependant encore près de l'époque à laquelle il les ont terminées. C'est une question qui mérite d'être examinée. On pourrait peut-être admettre ceci. Ce n'est qu'une idée qui m'est venue pendant la discussion et que je soumets à l'attention de la Chambre. On pourrait peut-être établir ces médailles en faveur de ceux qui ont obtenu leur diplôme de docteur, à condition que ce soit dans les deux premières années qui suivent l'obtention du diplôme, que le concours ait lieu. Alors on arriverait peut-être au résultat qu'indiquait M. le ministre de l'intérieur d'engager quelques jeunes gens à travailler d'une manière plus spéciale en vue d'un but scientifique.

S'ils ont obtenu le diplôme de docteur avec distinction ou avec la plus grande distinction et s'ils obtiennent, en outre, une médaille d'honneurs au concours, ce sera pour eux un moyen de se signaler à l'attention du gouvernement et du pays, et cela les engagera peut-être à continuer leurs études scientifiques.

Si ces médailles sont obtenues par des docteurs qui n'ont eu que la simple admission et qui se distinguent d'une manière extraordinaire au concours, elles répareront ce que le sort a pu avoir de contraire pour (page 972) eux dans l'examen. A ce point de vue il y aurait peut-être lieu de laisser au gouvernement la faculté d'organiser un concours dans cet ordre d'idées.

Si la Chambre veut renvoyer la proposition à la section centrale, on pourra y réfléchir.

- La Chambre décide que l'amendement de M. Verhaegen sera renvoyé à la section centrale.

Article 40

M. le président. - Nous passons à l'article 40.

« Art. 40. Soixante bourses de 400 francs peuvent être décernées annuellement par le gouvernement à de jeunes Belges peu favorisés de la fortune, et qui, se destinant aux études supérieures, font preuve d'une aptitude dûment constatée.

« Elles sont décernées ou maintenues sur l'avis du jury d'examen.

« Elles n'astreignent pas les titulaires à suivre le cours d'un établissement déterminé. »

La section centrale propose de remplacer les derniers paragraphes 4 par la disposition suivante :

« Elles astreignent les titulaires à suivre les cours de l'une des universités établies aux frais du trésor. »

M. Julliot a fait parvenir au bureau l'amendement suivant :

« Les bourses universitaires payées sur le trésor de l'Etat seront supprimées au fur et à mesure de la cessation des études des élèves qui en sont en possession. »

M. Devaux. - Messieurs, vous avez à délibérer en ce moment sur une rédaction du gouvernement, sur une rédaction de la section centrale et sur la proposition de M. Julliot. Je crois devoir vous prévenir que la rédaction dont M. le président vient de donner lecture n'est pas celle de la section centrale. C'est par erreur que cette rédaction se trouve dans le projet de loi. La majorité de la section centrale a adopté tout simplement l'article 33 de la loi de 1849 que je vais envoyer à M. le président.

Je regrette d'être obligé de communiquer à la Chambre cet incident. La section centrale, dans une première délibération, avait décidé qu'elle adoptait le principe de l'article 33 de la loi de 1849 ; elle n'en avait pas arrêté la rédaction, parce que l'article est tout rédigé dans la loi de 1849.

Lorsque M. le rapporteur communiqué son travail à la section centrale, l'article était rédigé comme vient de le lire M. le président, c'est-à-dire en termes autres que ceux de l'art, 33 delà loi de 1849. On lit des réclamations et M. le rapporteur s'empressa de promettre qu'il y ferait droit.

Depuis lors, le rapport a été imprimé ; nous avons fait parvenir à M. le rapporteur nos réclamations écrites que la Chambre peut voir dans une note publiée comme annexe à la suite du rapport. M. le rapporteur ne s'en est pas moins abstenu d'y faire droit, et a continué à attribuer à la majorité dont il ne faisait pas partie une rédaction qu'elle n'a pas votée, qui contient même une espèce d'épigramme contre ce qu'elle a décidé.

Je le répète, messieurs, j'ai le plus grand regret de devoir entretenir la Chambre de cet incident tout personnel, mais la section centrale tient ses pouvoirs des sections et il ne lui appartient pas de les laisser méconnaître.

M. le rapporteur s'était montré très empressé à faire droit à plusieurs réclamations des membres de la section centrale contre la manière dont il avait rendu dans son rapport les opinions de ses contradicteurs, il avait dit « Qu'on me fasse parvenir une note ; il est assez difficile souvent d'exprimer avec exactitude des opinions qu'on ne partage pas. » On a pris des notes et un membre (c'était moi) a été délégué pour s'entendre avec M. le rapporteur sur les rectifications à faire, soit dans le rapport, soit dans le texte du projet de loi proposé par la section centrale. Ou était dans les derniers jours de la session, nous n’avions pas voulu retarder le dépôt du rapport et il avait été autorisé sous la condition que les rectifications promises y seraient faites.

M. le rapporteur m'ayant exprimé son désir de retourner à sa campagne le plus tôt possible, dès qu'il m'eut remis son rapport, je me suis empressé de lui communiquer les rectifications que dans l'intention de l'obliger j'avais rédigées de manière qu'il n'eût plus qu'à les intercaler dans son rapport.

Je fus fort surpris, lorsque M. le rapporteur vint me déclarer dans cette Chambre, qu'il ne ferait pas usage de mes rectifications dans son rapport, qu'il se bornerait à les mettre dans les annexes, sans me donner pour cela d'autres motifs si ce n'est qu'il ne pouvait troubler l'harmonie de son rapport. Je lui répondis, qu'il était impossible de mettre une partie de la discussion dans le rapport et une autre dans les annexes, qu'il ne pouvait prêter dans le rapport une argumentation inexacte à ses adversaires, pour ne publier que dans les annexes l'argumentation vraie.

M. le rapporteur, après avoir retenu mes notes pendant plusieurs jours, me les a renvoyées sous enveloppe sans un seul mot d'écrit.

Il y a bien longtemps que je siège dans cette enceinte avec M. le rapporteur, c'est la première fois que nous avons de pareils rapports ensemble. Avec un peu plus de courtoisie, il nous aurait épargne à tous les deux ce désagrément.

Quant à moi je n'en veux d'autre justice que le récit que je viens d'en faire à la Chambre et l'engagement que j'ai pris d'être plus prudent à l'avenir lorsqu'on me proposera d'autoriser un rapport qui n'aura pas subi les corrections réclamées.

M. de Theux, rapporteur. - Messieurs, je ne suis, en aucune manière, froissé des observations que vient de faire l'honorable membre, au contraire, je le remercie de me fournir l'occasion de tirer au clair ce dissentiment qui résulte des deux notes insérées à la suite du rapport.

L'honorable membre croit que j'ai voulu faire une épigramme à l'adresse de la majorité de la section centrale qui, par 4 voix contre 3, avait décidé que les bourses de l'Etat seraient exclusivement affectées aux universités de l'Etat. Je crois, messieurs, que dans tout le cours de ma carrière parlementaire, je n'ai jamais eu recours à l’épigramme, je trouve ce moyen déplacé, inconvenant et jamais je n'en fais usage, pas plus dans la vie privée que dans la vie publique.

Je repousse donc la supposition que j'aie voulu faire une épigramme.

L'honorable membre dit que la rédaction de l'article n'est pas conforme au vote de la section centrale. Je suis heureux de pouvoir fournir à la Chambre la preuve matérielle et non susceptible de contradiction de la parfaite exactitude de ce travail.

Il est bon que la Chambre sache comment la section centrale a procédé. Après avoir consacré plusieurs séances à ce qu'elle considérait comme un examen préparatoire du projet de loi, la section centrale a décidé que ses résolutions seraient imprimées provisoirement, et que chacun de ses membres en recevrait un exemplaire.

C'est ce qui eut lieu et je tiens en mains précisément la minute de ce travail ; or, messieurs, voici ce qu'il porte :

« Maintien des deux premiers paragraphes de l'article proposé par le gouvernement qui sont ainsi conçus :

« Soixante bourses de 400 fr. peuvent être décernées annuellement par le gouvernement à de jeunes Belges peu favorisés de la fortune, et qui, se destinant aux études supérieures, font preuve d'une aptitude dûment constatée.

« Elles sont décernées ou maintenues sur l'avis du jury d'examen. »

Quant au troisième paragraphe il était formulé de la manière suivante dans le projet du gouvernement.

« Elles n'astreignent pas les titulaires à suivre les cours d'un établissement déterminé. »

J'ai dit : « Elles astreignent les titulaires à suivre les cours de l'une des universités établies aux frais du trésor. »

Et j'ai ajouté : « La présente disposition ne met point obstacle à ce que des bourses soient accordées en faveur d'autres établissements universitaires. »

Celte addition, messieurs, vous allez la comprendre très bien. Voici d'abord ce que dit, le procès-verbal tenu par M. le président des délibérations de la section centrale, page 24. Je cite textuellement, il ne dit ni plus ni moins :

« Art. 40. La section demande que le gouvernement communique un tableau énonçant l'emploi des bourses et les conditions imposées à ceux qui les ont obtenues. »

Il s'agissait des bourses de fondation ainsi que des bourses conférées par des administrations communales et provinciales.

« Un membre veut bien que l'on donne des bourses à des jeunes gens, en leur laissant la faculté de faire leurs études là où ils le jugeraient convenir ; mais il veut qu'il y ait des bourses uniquement réservées aux établissements de l'Etat. »

Après plusieurs observations pour et contre cette opinion, la section centrale passe au voie sur les propositions suivantes :

« Maintiendra-t-on Je principe consacré dans la loi de 1849 quant à la collation des bourses ? »

La section centrale n'a donc pas voté la rédaction ; elle a voté le principe ; eh bien, quant à la collation des bourses, le principe est inscrit dans le projet.

Maintenant, qu'est-ce qui a blessé quelques membres de la section centrale ? Je ne connaissais pas la portée du grief qu'en articulant contre le rapporteur ; d'après une conversation que j'ai eue avec un de ces membres, c'est que la rédaction de la loi de 1849 était moins offensante (interruption) ou, si l'on veut, avait une couleur plus convenable, au profit de vue des autres établissements d'enseignement supérieur.

M. Devaux. -Nous n'avons pas eu d'entretien là-dessus.

M. de Theux, rapporteur. - Non, c'est avec l'honorable M. Delfosse. Je n'éprouve aucun embarras à cet égard.

Je reprends la lecture du procès-verbal :

« Quatre voix admettent la proposition, trois la repoussent.

« Quel sera le nombre de bourses ?

« Le nombre est fixé à 60 par la majorité.

« Réduirait-on le nombre de bourses affectées à l'étude du droit afin d'augmenter celui des bourses affectées à l'étude de la médecine ?

« La proposition est adoptée par trois membres contre deux et deux abstentions. »

C'est moi qui avais proposé d'affecter plus spécialement les bourses à l'étude de la médecine. Voilà tout ce que contient le procès-verbal.

Maintenant, quant à la séance finale dans laquelle on a arrêté la rédaction que j'avais proposée à la section centrale, voici ce que j'ai annoté séance tenante. Je ne pense pas que personne veuille contester l'exactitude de mon assertion ; cela serait d'ailleurs facile à vérifier par (page 673) l'inspection seule de l'écriture qui date de 6 ou de 7 mois. Il y était dit:

« Elles astreignent les titulaires à suivre les cours de l'une des universités établies aux frais du trésor. »

Cela est resté intact.

Il était ajouté :

« La présente disposition ne fait pas obstacle à l'allocation d'un fonds pour des bourses en faveur des élèves d'autres établissements universitaires. »

Ceci a été rayé, sur les observations faites dans le sein de la section centrale ; on a dit qu'il était inutile de l'inscrire dans la loi, la législature ayant toujours le droit d'accorder des fonds.

Il était dit ensuite :

« Ces bourses sont conférées par arrêté royal ; il peut en être fait une application plus spéciale à l'étude de la médecine. »

Ce paragraphe a été modifié en ce sens :

« Il en sera fait une application plus spéciale à l'étude de la médecine. »

Je mets l'épreuve avec les notes à la disposition des membres de la Chambre ; je les déclare parfaitement exactes.

Maintenant, je continue ma réponse à l'honorable membre.

Dans d'autres parties du rapport, les arguments de la majorité ou de la minorité, lorsque je ne partageais pas les mêmes opinions, n'ont pas été rendues selon que l'honorable membre ou les honorables membres l'avaient désiré.

Je crois avoir reproduit le sens de la discussion ; je n'ai pas sténographié ; j'ai travaillé d'après ma mémoire et d'après quelques notes sommaires que j'avais prises ; et je déclare que je n'avais aucun motif pour ne pas insérer dans le rapport toutes les observations des membres qui ne partageaient pas mon opinion ; au contraire, je devais tenir à ce que tous les arguments de mes contradicteurs fussent mentionnés au rapport ; je pouvais les réfuter ; d'ailleurs, plus leurs arguments recevaient de publicité, plus j'avais de facilité de les rencontrer dans la discussion. Cela est incontestable.

On dit que, lors de la lecture du rapport, l'honorable membre avait été délégué par la section centrale, à l'effet de s'entendre avec moi pour retoucher quelques parties du rapport. Cela n'est pas exact.

Voici ce qui s'est passé. M. Devaux et un autre membre avaient fait des observations qui m'ont paru légères sur quelques points de la rédaction ; il avait été convenu déjà dans une séance antérieure que, d'après les usages reçus, les membres qui trouvaient que leur opinion n'était pas suffisamment exposée dans le rapport, pourraient joindre au rapport, comme annexe, un développement plus complet de leur opinion. C'est la seule décision qui ait été prise de nouveau dans la dernière séance et le procès-verbal en fait mention. Voici ce que porte le procès-verbal :

« Il est donné lecture du rapport. La section centrale décide qu'il sera remis à chaque membre une épreuve du rapport afin qu'il y fasse consigner les observations qu'il jugera convenables ; ces observations seront envoyées au greffier qui les transmettra au rapporteur afin qu'il puisse les joindre au rapport. »

M. Devaux. - Mais pourquoi alors m'avez-vous remis votre rapport ?

M. de Theux, rapporteur. - L'honorable membre me demande pourquoi je lui ai remis mon rapport.

Avant de faire tirer l'épreuve, j'ai remis le manuscrit à l'honorable M. Devaux ; le lendemain, il me rapporta quatre rédactions différentes sur divers passages du rapport ; à la première lecture je reconnus que l'économie du rapport serait dérangée ; comme je n'avais pas envie de présenter un rapport avec des bigarrures, j'ai dit à l'honorable membre le lendemain ou deux jours après, que je ne pouvais pas insérer dans le corps du rapport les nouvelles rédactions qu'il proposait, mais que, s'il voulait, elles seraient insérées à la suite du rapport comme annexe, comme cela avait été décidé. L'honorable M. Devaux a paru tellement mécontent de ce que je ne voulais pas accepter sa rédaction, que j'ai cru qu'une correspondance serait inutile ; j'ai mis alors ses notes sous enveloppe et je les lui ai retournées.

M. Devaux. - Quatre jours après.

M. de Theux, rapporteur. - Je ne sais pas combien de jours après, mais le fait est que si je ne les ai pas renvoyées immédiatement, ce n'a été que pour ne pas paraître céder à un mouvement de mauvaise humeur, car j'ai conservé mon parfait sang-froid, convaincu que j'étais dans mon droit.

Mes explications sont franches et loyales. Je dirai même que mon intention avait été en communiquant mon manuscrit, de tenir compte des corrections de détail que mes collègues auraient pu m'indiquer, mais non de substituer leur travail au mien ; si une proposition de cette nature avait été faite, plutôt que d'y souscrire, j'aurais déposé mes pouvoirs de rapporteur. Jamais je n'aurais accepté un pareil rôle, de présenter à la Chambre le travail d'un autre comme mien.

S'il se fût agi d'apporter quelques arguments de plus à l'appui d'une opinion pour la renforcer, je ne m'y serais pas refusé ; mais l'honorable membre ne disait pas qu'il fallait insister sur tel ou tel argument, il disait : Voilà une rédaction, substituez-la à la vôtre. Dans tel ordre d'idées, il m'était impossible d'admettre sa réclamation.

Je ne comprends même pas que l'honorable membre qui depuis si longtemps fait partie de cette Chambre, qui connaît les convenances parlementaires, ail pu faire une pareille proposition.

Quand l'honorable M. Tesch a rédigé le rapport sur la loi relative à la charité, j'ai désiré que quelques arguments que je considérais comme capitaux y fussent consignés, je les lui ai communiqués avant la rédaction de son rapport ; il les y a joints comme note d'un membre ; il a fait la même chose pour les notes qui lui ont été remises par MM. Dedecker et de Liedekerke. J'indique la marche qu'en semblable circonstance j'ai suivie pour mon compte à propos de la loi sur la charité.

L'honorable M. Tesch a fait son travail comme il l'a entendu.

J'ai regretté cet incident, il est toujours désagréable d'avoir des discussions personnelles avec qui que ce soit, surtout avec un ancien collègue.

Quant à M. Frère, il n'a assisté qu'à la lecture d'une petite partie du rapport. J'ai reçu une note signée de MM. Delfosse, Frère et Devaux, die est imprimée avec ma réponse à la suite du rapport.

Je crois être parfaitement en règle, je crois avoir observé toutes les convenances. J'ajouterai qu'à la réception de cette note, j'ai consulté mes notes et les procès-verbaux et j'ai écrit à M. le président, à M. de La Coste et à M. Vander Donckt pour leur demander si mon rapport, n'avait pas rendu fidèlement les délibérations de la section centrale ; j'étais disposé à ne pas faire imprimer mon rapport et à attendre la réunion de la Chambre pour soumettre la contestation à la section centrale. Mais on m'a fait observer qu'en procédant ainsi on reculerait encore la discussion de ce projet qui avait un caractère d'urgence ; j'ai considéré qu'avec les collègues que j'avais consultés, nous formions la majorité et j'ai donné mon rapport à l'impression.

L'impression a été retardée d'abord par suite de cet incident et encore par un autre motif : les propositions de la section centrale étaient de nature à exercer une certaine influence sur la direction des études des jeunes gens dans la croyance qu'elles seraient adoptées par la Chambre et leur causer un grave préjudice si elles ne l'avaient pas été.

Voilà les explications que j'avais à donner, dont je n'ai pas un mot à rétracter et dont j'atteste la parfaite sincérité.

M. Delfosse. - Messieurs, je regrette cet incident ; mais ayant signé la protestation rédigée par l'honorable M. Devaux, je dots donner quelques explications à la Chambre. Je n'ai pas besoin de dire que je ne suspecte pas la bonne foi de l'honorable rapporteur, je dis seulement que ses souvenirs ne sont pas fidèles.

Quand il nous a donné lecture de son rapport, nous étions à la fin de la session, c'était peu de temps avant l'heure où la dernière séance de la Chambre devait commencer ; nous n'avions pas assez de temps pour présenter les observations que la lecture du rapport aurait pu nous suggérer ; si nous l'eussions fait, nous n'aurions pas pu assister à la séance publique.

Nous avons pensé que ce qu'il y avait de mieux à faire, c'était de charger l'un de nous d'indiquer, après une lecture attentive du rapport, les changements qu'il pourrait y avoir lieu d'apporter à ce document ; l'honorable M. de Theux sur certains points avait été de la majorité et sur d'autres de la minorité, nous avons donc chargé l'honorable M. Devaux de s'entendre avec l'honorable rapporteur pour que les opinions contraires à celles de l'honorable rapporteur fussent fidèlement reproduites et exposées d'une manière complète.

Vous avez pu voir, en lisant le rapport, que les diverses opinions y sont simplement exposées, qu'elles ne sont pas développées ; cette résolution que nous avions prise de déléguer l'honorable M. Devaux avait pour motif que la session étant sur le point d'être close, nous allions quitter Bruxelles ; il fut en outre convenu qu'une épreuve du rapport nous serait envoyée à domicile et que chacun de nous présenterait ses observations s'il y avait lieu d'en faire.

Il était convenu qu'on ne ferait pas de tirage définitif avant l'expiration du délai nécessaire pour que chacun de nous pût présenter ses observations.

En ce qui concerne l'article 40, l'honorable M. de Theux était de la minorité ; trois membres voulaient le projet du gouvernement qui accordait les bourses indistinctement aux élèves de toutes les universités.

C’étaient les honorables MM. Vander Donckt, de La Coste et de Theux.

Les quatre autres membres se sont prononcés pour le rejet du projet du gouvernement, et pour le maintien du principe de la loi de 1840, qui réserve les bourses aux élèves des universités de l'Etat. Ces quatre membres étaient M. le président, MM. Devaux, Frère et moi.

Lorsque l'honorable M. de Theux nous donna lecture de son rapport, je fus frappé de la rédaction, qui était tout autre que celle de la loi de 1849, qui s'écartait jusqu'à un certain point du principe dont nous avions voulu le maintien.

J'en fis l'observation, et je dis que puisque quatre membres s'étaient prononcés pour le principe de la loi de 1849 sans y proposer de changement, ce qu'il y avait de mieux à faire, c'était de reproduire textuellement l'article 33 de cette loi. Les honorables membres qui s'étaient prononcés pour la proposition du gouvernement parurent acquiescer à mon observation, tout comme ceux qui avaient voté pour le maintien de la loi de 1849. Aucune objection ne me fut faite. Je me les rappelle comme si c'était hier.

Voyant l’honorable M. de Theux prendre des notes, je crus qu'il les prenait dans le sens de l'observation que j'avais présentée. Nous avions, (page 674) je le répète, très peu de temps ; la séance publique allait commencer. En ce moment, M. le président ne tenait pas de procès-verbal. Il n’a pas été tenu procès-verbal de la lecture du rapport. Nous faisions des observations et M. le rapporteur prenait des notes.

Quand j'ai reçu l'épreuve à Liège, j'ai vu que l'honorable M. de Theux avait laissé subsister sa rédaction première, sauf une disposition que nous avions rejetée comme inutile ; elle donnait au gouvernement la faculté d'accorder, sur les fonds du budget, des subsides à quelques élèves des universités libres. Il est clair que le gouvernement n'avait pas besoin d'une autorisation inscrite dans la loi pour faire des dépenses dans les limites du budget.

J'ai aussitôt écrit à M. le greffier (c'était le 29 mai 1856). Je lui envoyai des notes relatives à la rédaction de plusieurs articles, notamment de l'article 40 qui, d'après la décision prise, devait être la reproduction du texte de l'article 33 de la loi de 1849. M. le greffier n'a pas donné suite à ces notes, parce qu'ayant su par une lettre de l'honorable M. Frère ce qui s'était passé entre MM. Devaux et de Theux, j'ai adhéré à la protestation de M. Devaux, et pris, en conséquence, la résolution de m'abstenir de toute observation sur le rapport.

En résumé, l'article 40 du projet du gouvernement n'avait que trois adhérents dans la section centrale. L'article 33 de la loi de 1849 en avait quatre. Il est évident que ces quatre membres devaient vouloir une rédaction conforme au maintien du principe de la loi de 1849 ; la rédaction que j'ai proposée y était entièrement conforme, puisque c'était le texte même de cette loi ; aussi, n'a-t-elle été contestée par aucun membre de la section centrale, pas même par ceux qui formaient la minorité.

Je crois donc que la rédaction de l'article 40 proposée par l'honorable M. de Theux, comme l'œuvre de la section centrale, doit être considérée comme non avenue et remplacée par la disposition déposée par l'honorable M. Devaux qui est conforme au vote émis par M. le président, par MM. Devaux, Frère et moi. On ne peut soumettre à la Chambre une rédaction qui n'exprime ni l'opinion de la majorité, ni celle de la minorité de la section centrale. MM. de Theux, Vander Donckt et de La Coste, membres de la minorité, veulent le projet du gouvernement. Ce que nous voulons, nous, majorité de la section centrale, c'est le maintien de l'article 33 de la loi de 1849.

J'ai déjà dit que dans la séance où la décision a été prise, nous avions très peu de temps : les observations ont été présentées et les notes prises à la hâte ; M. le président ne tenait pas en ce moment de procès-verbal, il s'en rapportait aux notes tenues par l'honorable M. de Theux. Je ne révoque pas en doute la bonne foi de cet honorable collègue, mais j'affirme, sans crainte de me tromper, qu'il a omis de mentionner dans son rapport une résolution qui a été prise, sans qu'il y ait eu opposition de la part d'aucun membre de la section centrale.

M. de Theux, rapporteur. - Je commence par déclarer, messieurs, que je n'ai pas même pris ou fait prendre copie des rédactions proposées par l'honorable M. Devaux, bien qu'il m'eût été très agréable de les avoir sous les yeux pour faciliter la discussion ; mais j'ai cru que l’honorable membre ne voulant pas les laisser imprimer elles étaient sa propriété et que je n'avais pas même le droit d'en prendre copie.

Je dis, messieurs, que la rédaction qui a été insérée dans le rapport est la seule officielle. Je ne me suis pas cru autorisé à la modifier et je ne me suis permis cela pour aucune disposition, bien qu'il y ait des articles dont la rédaction aurait pu être meilleure.

Du reste, messieurs, si la Chambre adopte le principe de l'application exclusive des bourses aux universités de l'Etat, je ne ferai aucune objection contre le rétablissement du texte de la loi de 1849. Qu'on mette aux voix la question de principe : « Les bourses seront-elles affectées exclusivement aux établissements de l'État ?3 Quant à la rédaction, on pourra la proposer comme on l'entendra.

L'honorable membre dit qu'il se rappelle parfaitement avoir demandé la reproduction littérale de la loi de 1849. Je ne veux pas contester l'exactitude du souvenir de l'honorable membre, mais je dois déclarer que, quant à moi, je n'avais pas ce souvenir et que je ne l'ai pas encore aujourd'hui. Comme l'a dit l'honorable membre il y avait plusieurs dispositions à réviser dans cette séance ; je me suis borné, à mesure de la lecture des articles, à constater les observations que j'ai comprises ; voilà comment le travail s'est fait.

Du reste, messieurs, tous ces détails sont d'une telle insignifiance qu'ils ne me paraissent pas dignes d'occuper la Chambre un instant, en ce sens qu'il ne s'agit que d'une rédaction ; le principe est le même ; la rédaction que propose M. Devaux a une forme un peu plus polie, je le veux bien, mais la rédaction imprimée a été approuvée par M. le président, et il est dès lors inexact de dire que ce n'est pas le travail de la majorité puisque le président formait la majorité avec la minorité de trois membres.

Quant au peu de développement donné au rapport, j'ai cru que dans une matière qui a été si souvent soumise à la discussion publique, il n'était pas nécessaire d'écrire un volume, mais qu'il suffisait de rapporter succinctement les observations principales. Quand même le développement des motifs eût été le double de ce qu'il est, cela n'aurait en aucune manière diminué la longueur de la discussion.

L'honorable membre dit qu'il a été délégué ; il n'y a pas eu de délégation ; j'ai admis que M. Devaux voudrait bien me faire part de ses observations sur la rédaction du rapport, mais il a été bien entendu I que je ne me soumettrais pas, comme un commis, à la rédaction que proposerait l'honorable membre, que la rédaction devrait être agréée par moi et qu'en cas de dissentiment je l'insérerais dans les annexes.

Quelque importantes que fussent les fonctions de rapporteur dans cette circonstance, je ne les eusse point acceptées au prix d'une humiliation. Que l'honorable membre en soit bien persuadé, jamais je ne subirai d'humiliation de la part de qui que ce soit.

M. le président. - Je me rappelle fort bien que la section centrale n'a pas voté sur le texte de l'article. Il a été convenu qu'on admettait le principe de la loi de 1849, et nous avons été quatre pour adopter ce système. Il a été convenu que M. Devaux s'entendrait avec le rapporteur, mais il a été convenu en même temps qu'on enverrait à chaque membre une épreuve afin qu'il pût vérifier si la résolution énoncée était conforme à celle qui avait été prise. M. le rapporteur, avec lequel j'ai eu un entretien quelque temps après, m'a demandé si mon opinion était fidèlement exprimée. Comme je ne connaissais pas le texte de la loi de 1849, et que le fond était conforme au vote que j'avais émis, j'ai répondu affirmativement ; je me rappelle, du reste, avoir dit que s'il y avait quelque divergence sur la rédaction, rien ne serait plus facile que de se mettre d'accord à cet égard.

Maintenant que je viens de lire la rédaction de M. Devaux, je n'hésite pas à dire qu'elle est plus claire. Ce qui est certain, c'est que, dans ma pensée comme dans celle de mes collègues, il était entendu que les bourses ne pouvaient être données qu'aux élèves des universités de l’Etat. Quant à la rédaction qui se trouve dans le rapport, je la trouve moins claire, moins bonne que celle de M. Devaux, et si M. Devaux reproduit celle-ci, je n'hésiterai pas un instant à lui donner la préférence.

M. de Theux. - Je demande à M. le président si son intention était que je dusse adopter la rédaction de M. Devaux et abdiquer mon libre arbitre de rapporteur ! Le contraire est consigné au procès-verbal.

M. Devaux. - Vous venez d'entendre, messieurs, que j'ai été délégué par la section centrale pour m'entendre avec M. de Theux, sur les modifications à faire, ainsi que l'affirment également dans la note insérée à la suite du rapport MM. Delfosse et Frère.

Maintenant, messieurs, quelle différence y avait-il entre les deux rédactions ? La voici : M. de Theux suppose que des jeunes gens se présentent devant le jury ne sachant pas encore à quelle université ils iront, que le jury leur accorde des bourses et qu'après cela le gouvernement les astreigne à aller à une université qu'ils n'ont pas choisie.

Voilà la rédaction de l’honorable M. de Theux.

Quel est notre système ? C'est celui de la loi de 1849, qui suppose, non pas des jeunes gens se présentant devant le jury académique, mais des jeunes gens déjà attachés aux universités de l'Etat, ou décidés à entrer dans ces universités et demandant aux administrations des établissements des bourses pour y continuer leurs études. Dans ce système on ne contraint personne. Les jeunes gens qui demandent les bourses ont eux-mêmes fait choix de l'établissement.

Messieurs, puisque les membres formant la majorité de la section centrale disaient à l'honorable M. de Theux, qui était d'une opinion contraire, que la rédaction qu'il proposait ne rendait pas leur opinion, il devait se rendre à leurs observations. Eh bien, nous le lui avons dit en section centrale ; délégué par la majorité de la section centrale, je le lui ai répété ; nous lui avons signifié par écrit, dans la note même annexée au rapport, qu'il se trompait sur la rédaction de l'article 40, qu'il devait être uniquement la reproduction de l'article 33 de la loi de 1849.

L'honorable M. de Theux a reçu cette note quatre ou cinq mois avant la distribution du rapport, et il n'y a rien changé.

Quant aux changements réclamés dans les autres parties du rapport, l'honorable M. de Theux m'ayant témoigné le désir de partir incessamment, par une espèce de complaisance j'ai rédigé mes rectifications de manière à pouvoir être insérées textuellement dans le rapport, et j'ai indiqué l'endroit où elles pouvaient être intercalées.

Si l'honorable M. de Theux m'avait dit : Ce style n'est pas le mien, je ferai usage de vos arguments, mais je voudrais mettre le style en rapport avec le mien afin qu'il n'y ait pas de disparate, je n'aurais pas fait la moindre objection. Je comprends que M. le rapporteur avait le choix d'insérer textuellement nos arguments, de les guillemeter même, ce qui ne compromettait pas sa responsabilité, ou de leur donner la forme qui convenait à l'économie de sou rapport ; mais sans rien me proposer de semblable, et sans qu'aucun mot de ma part eût pu le blesser, il s'est borné à me dire du ton le plus positif : Je ne puis insérer cela dans mon rapport, je le mettrai aux annexes.

L'honorable rapporteur nous dit que quand les arguments ne sont pas dans le rapport, c'est un avantage pour ceux qui les ont produits, parce qu'on ne peut se préparer d'avance à les combattre dans la discussion. J'avoue que cet argument donne des devoirs du rapporteur une idée singulière. Il paraîtrait, d'après cela, qu'un rapporteur rend service à ses adversaires en tronquant leurs arguments.

Je conçois tout différemment la mission du rapporteur. Son premier devoir est l'exactitude et la loyauté dans la reproduction des opinions, et quand ses contradicteurs se bornent à lui demander de ne pas rendre un compte inexact de leurs arguments, je ne puis m'imaginer comment cela peut se refuser et cornaient, sous ce rapport, on ne s'empresse pas d'aller même au-delà des ce qui est réclamé.

Le rapport avait été, comme ou vient de le dire, approuvé par M. le (page 675) président. Cela est vrai, ou plutôt approuvé par nous tous, mais conditionnellement, et à une condition que ne pouvait rapporter aucun procès-verbal, car nous usions de tolérance envers M. le rapporteur en l'autorisant à déposer un rapport qui devait encore être modifie par lui.

M. de Theux, rapporteur. - Messieurs, en fait de loyauté, je n'accepte de leçon de personne. Je déclare que j'ai eu l'intention de rendre le plus exactement qu'il m'était possible, les discussions qui avaient eu lieu dans le sein de la section centrale.

Si j'ai ajouté que je n'avais aucun intérêt à ce que les arguments de mes adversaires ne fussent pas consignés dans le rapport, ce n'est pas à dire que j'aie prétendu qu'il ne fallait pas rapporter le plus exactement possible les délibérations de la section centrale. Je comprends que le devoir de la section centrale est de rapporter le plus exactement possible les arguments pour et contre qui se produisent. Mais j'ai dit seulement par forme d'argumentation, que je n'avais aucune espèce d'intérêt ni personnel, ni de parti, à ce que les arguments de mes adversaires ne fussent pas connus par le rapport.

L'honorable membre en revient toujours à la délégation de la section centrale. On peut appeler délégation ce qu'on veut: mais j'ai dit les faits tels qu'ils se sont passés. Le procès-verbal tenu par M. le président fait foi qu'il avait été convenu que les notes qui pourraient être adressées au rapporteur seraient insérées à la suite du rapport, c'est la seule chose que contienne le procès-verbal.

Mais je veux aller plus loin, je dis qu'une espèce d'autorisation officieuse avait été donnée à l'honorable M. Devaux de me communiquer les changements qu'il désirait voir apporter au rapport ; mais cela n'avait pas une autre portée qu'une simple autorisation officieuse et qui nécessitait évidemment le consentement du rapporteur. L'honorable membre dit que si je lui avais proposé de changer la rédaction de ses arguments pour les approprier à l'ensemble du rapport, il ne s'y serait pas opposé.

Je regrette de devoir dire que je n'ai pu faire cette proposition à l'honorable membre, parce que sa rédaction était complète, était telle qu'elle ne pouvait été divisée. J'ai compris que sa pensée était que sa rédaction devait être insérée textuellement dans le rapport ; s'il avait eu une autre intention, il se serait borné à m'indiquer les arguments, il ne m'aurait pas envoyé une rédaction complète.

D'autre part, lorsque je dis à l'honorable membre que je ne pouvais insérer la note qu'il m'avait envoyée dans le corps du rapport, qu'elle serait imprimée comme annexe, la vivacité de l'honorable membre fut telle que je n'ai pas cru devoir lui faire d'autre observation. Si l'honorable membre m'avait dit alors qu'il ne demandait que la reproduction de ses arguments, je n'aurais pas fait d'objection ; j'aurais tiré de sa note les arguments qu'il voulait faire valoir. Mais je le répète, le mouvement de l'honorable membre a été tel que voyant de quelle manière était accueillie mon observation, j'ai cru devoir couper court à l'entretien.

M. Delfosse. - Je ne dirai plus qu'un mot ; je me rappelle très bien que j'ai proposé, lors de la lecture du rapport, que l'on insérât purement et simplement comme article 40, le texte de l'article 33 de la loi de 1849.

L'honorable M. Frère-Orban et l'honorable M. Devaux se le rappellent très bien aussi, M. le président ne peut dire le contraire ; et personne n'a fait d'opposition.

On ne pouvait d'ailleurs en faire, puisque ma demande était tout à fait conforme à la décision de la section centrale qui avait voulu Ite maintien, sans changement aucun, du principe de la loi de 1849.

Dans ce moment M. le président ne tenait pas du procès-verbal ; il s'en rapportait aux notes prises par M. le rapporteur.

Je ne sais comment il se fait que M. le rapporteur n'ait pas tenu note de ce point qui, je l'affirme de nouveau, a été décidé en section centrale.

Du reste, nous paraissons maintenant tous d'accord que si le principe de la loi de 1849 est maintenu, c'est la rédaction de l'article 33 de cette loi qui doit prévaloir.

M. Frère-Orban. - Messieurs, je me rallie aux observations qui ont été présentées par mes honorables collègues de la section centrale, MM. Devaux et Delfosse. J'exprime mes regrets que M. le rapporteur de la section centrale, averti en temps opportun, qu'il s'en souvienne ou qu'il ne s'en souvienne pas, mais averti en temps opportun, que la rédaction qu'il voulait nous imposer n'exprimait pas l'opinion de la majorité, ait persisté à la faire passer pour l'opinion de la section centrale ; je regrette très vivement que M. le rapporteur, ayant reçu des observations écrites, constatant l'opinion des membres de la majorité de la section centrale, ait persévéré à exprimer à sa façon ou à ne pas exprimer du tout les raisons données par les membres de cette majorité.

Je ne crois pas que ce procédé puisse être jugé très convenable et qu'on puisse considérer comme un précédent digne d'être suivi l'autorité dictatoriale que M. de Theux s'est arrogée comme rapporteur de la section centrale.

M. de Theux, rapporteur. - Messieurs, je ne veux aucune espèce d'excuse dans cette matière, parce que je suis parfaitement en règle. Je déclare que je n'avais pas le droit, sur une observation faite par quelques membres de la section centrale, de changer une rédaction que je devais considérer comme arrêtée par elle.

Ce n'était, du reste, qu'une affaire de rédaction ; mais l'honorable. M. Devaux dit que la disposition a une autre portée, que l'on suppose, d'après la rédaction de la section centrale, que les jeunes gens qui ne fréquentent pas les universités de l'État et qui se présentent, pour obtenir une bourse, pourraient être obligés de quitter les établissements libres pour se rendre dans les universités de l'Etat. Je n'ai pas en cette pensée ; j'ai voulu dire seulement qu'un élève d'une des universités de l'Etat, ayant obtenu une bourse, ne pourrait pas quitter cet établissement.

Il ne s'agit que d'une affaire de rédaction et rien de plus.

M. Delfosse. - Tout le mal vient de ce que M. le président n'ayant pas tenu de procès-verbal, M. le rapporteur a omis de prendra note d'une décision.

- La suite de la discussion est remise à demain.

La séance est levée à 5 heures.