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Chambres des représentants de Belgique
Séance du vendredi 23 janvier 1857

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1856-1857)

(Présidence de M. de Naeyer, vice-président.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 539) M. Crombez procède à l'appel nominal à 1 heure. M. Tack, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Crombez, secrétaire, présente l'analyse des pétitions suivantes.

« Le sieur Beauthier, fermier propriétaire à Gosselies, demande qu'il soit pris des mesures pour que les fabriques de briquettes à brûler n'occasionnent aucun dommage aux produits agricoles. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Nicolaï, sous-brigadier des douanes pensionné, demande la révision de sa pension. »

- Même renvoi.


« Des membres du conseil communal de Zarren présentent des observations contre le projet de comprendre une partie de cette commune dans la circonscription paroissiale de Houthulst. »

- Même renvoi.


« L'administration communale de Pousset prie la Chambre d'accorder au sieur Delstanche la concession d'un chemin de fer de Luttre à Maestricht. »

- Même renvoi.


« Des docteurs en droit demandent que les docteurs et les candidats en droit qui se présentent pour l'examen de candidat notaire soient dispensés de l'examen sur le Code civil. »

M. Lelièvre. - J'appuie la pétition, dout le contenu justifie l'amendement que j'ai proposé. Je demande qu'elle soit déposée sur le bureau pendant la discussion du projet de loi sur le jury d'examen.

- Cette proposition est adoptée.


M. le ministre des travaux publics adresse à la Chambre plusieurs amendements à son budget.

- La Chambre ordonne l'impression, la distribution et le renvoi à l'examen de la section centrale qui s'occupe du budget des travaux publics.

Projet de loi relatif au budget du département de l’intérieur pour l’exercice 1857

Motion d'ordre

M. le ministre de l'intérieur (M. Dedecker). - Messieurs, lorsque j'ai eu l'honneur de proposer à la Chambre le budget de l'intérieur pour 1857, j'ai annoncé à la Chambre que dans un certain délai je serais obligé de lui proposer une augmentation de crédit au chapitre de l'instruction primaire, mais que je ne pouvais pas encore indiquer l'importance de cette augmentation, parce que les tableaux ne m'étaient pas encore rentrés des provinces. J'ai l'honneur de déposer sur le bureau cette demande d'augmentation avec les tableaux à l'appui.

- La Chambre ordonne l'impression et la distribution de cet amendement et le renvoie à la section centrale qui a examiné le budget de l'intérieur.

Rapports sur des pétitions

M. Vander Donckt, rapporteur. - « Par pétition datée de décembre 1856, plusieurs commissaires de police dans les arrondissements de Bruges et de Courtrai demandent la révision des lois qui fixent leurs traitements. »

Messieurs, ces employés, comme beaucoup d'autres, demandent une augmentation de traitement.

Ils demandent que les traitements des commissaires de police soient, pour les communes au-dessous de 5,000 âmes de 1,200 fr, de 5,000 à 6,000 âmes de 1,400 fr., de 6,000 à 7,000 fr. de 1,550 fr., de 7,000 à 8,000 âmes, de 1,700 fr., de 8,000 à 9,000 âmes de 1,850 fr et de 9,000 à 10,000 âmes de 2,000 fr.

Comme par la nouvelle organisation judiciaire il sera peut être possible d'accorder aux commissaires de police une augmentation pour leurs fonctions d'officiers de police judiciaire auprès des tribunaux de simple police et de justice de paix, votre commission a l'honneur de vous proposer le renvoi de cette pétition à MM. les ministres de l'intérieur et de la justice.

M. Rodenbach. - Plusieurs commissaires de police, dans les arrondissements judiciaires de Courtrai et de Bruges, demandant que les lois des 25 fructidor an IX et 17 germinal an xi, qui fixent leur traitement, soient révisées.

Les pétitionnaires font valoir qu'il leur est interdit de faire un trafic ou un commerce quelconque et que grand nombre parmi eux n'ont, que de 800 à 1,200 fr. par an ; ils soutiennent, à juste titre, que leur traitement est insuffisant, surtout pour ceux qui ont une nombreuse famille.

J'appuie le renvoi de cette requête à MM. les ministres de l'intérieur et de la justice.

Les conclusions de la commission sont adoptées.


M. Vander Donckt, rapporteur. - « Messieurs, par pétition datée de Louvain le 5 décembre 1856, les régents de l'école moyenne de Louvain demandent que le casuel qui leur est garanti par l'article 17 de la loi du 1er juin 1850 leur soit assuré dorénavant et d'une manière permanente.

« Même demande des professeurs de langues modernes à l'athénée royal de Namur. »

C'est à l'occasion du projet de loi destiné à améliorer le sort des employés inférieurs de l'Etat, que le gouvernement a présenté aux Chambres, que les pétitionnaires demandent que le casuel mentionné.plus haut leur soit assuré.

Il leur paraît que ce serait une question à la fois de moralité et de bonne administration ; ils terminent en émettant le vœu de voir leur espérance se réaliser.

Votre commission, considérant que cette question sera plus convenablement examinée lors de la discussion prochaine du budget de l'intérieur, a l'honneur de vous proposer le dépôt de leur requête sur le bureau pendant la discussion de ce budget.

M. Lelièvre. - Je ne puis qu'appuyer ces pétitions, qui me paraissent fondées sur de justes motifs. J'en recommande l'examen au gouvernement.

M. Coomans. - Messieurs, cette pétition se rattache au projet de loi qui a pour objet d'augmenter les traitements des employés inférieurs de l'Etat. Il serait dès lors plus rationnel de la renvoyer à la section centrale qui est chargée de l'examen de ce dernier projet de loi. Et à ce propos, je prierai l’honorable président de hâter la réunion de la section centrale, attendu qu'il est reconnu, par le gouvernement et par la Chambre entière, que ce projet de loi est urgent.

M. Vander Donckt, rapporteur. - Je ferai observer à l'honorable préopinant, que la pétition des régents de l'école moyenne de Louvain a été adressée à la Chambre, il est vrai, à l'occasion du projet de loi dont parle l'honorable membre ; mais les pétitionnaires ont déjà le traitement maximum fixé par le gouvernement ; ils demandent que la jouissance entière du minerval leur soit assurée, et à ce point de vue, il a paru rationnel à la commission des pétitions de renvoyer la réclamation à la section centrale du budget de l'intérieur.

M. Coomans. - Messieurs, il m'importe assez peu, an fond, que la pétition soit renvoyée à la section centrale du budget de l'intérieur plutôt qu'à la section centrale du projet de loi dont j'ai parlé. Cependant je dois faire mes réserves sur la déclaration que vient de présenter à la Chambre l'honorable rapporteur.

Il veut que la pétition soit renvoyée à la section centrale du budget de l'intérieur, attendu qu'elle est formulée par des fonctionnaires dont le traitement excède 1,600 francs, chiffre, dit-il avec raison, qui est le maximum fixé par le gouvernement.

Mais je dois faire observer à l'honorable membre que la section centrale n'est pas forcée de voter le projet de lot tel que le gouvernement l'a proposé ; que la section centrale est entièrement libre d'élever ou d'abaisser le maximum, de le porter à 2,000 francs, par exemple, comme j'en exprime dès à présent le désir.

La raison que donne l'honorable rapporteur pour ne pas renvoyer la pétition à la section centrale du projet de loi relatif aux employés inférieurs, n'est pas suffisante ; car, je le répète, la section centrale et. la Chambre sont libres d'élever ou d'abaisser le maximum fixé par le gouvernement.

Je propose donc, uniquement pour la régularité de nos travaux, que la pétition soit renvoyée à la section centrale qui est chargée d'examiner le projet de loi concernant les employés inférieurs de l'Etat.

M. de Naeyer. - Je dois faire observer que la section centrale chargée d'examiner le projet de loi dont parle M. Coomans, doit être présidée par noire honorable président, qui est en ce moment indisposé.

M. Vander Donckt, rapporteur. - Je n'ajouterai que deux mots : c'est que si, comme l'honorable M. Coomans vient de le dire, la Chambre est libre d'élever le maximum, elle est également libre d'adopter les conclusions de la commission,des pétitions.

- La Chambre consultée renvoie la pétition à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi qui a pour objet d'augmenter les traitements des employés inférieurs de l'Etat.

Projet de loi sur les jurys d’examen universitaire

Discussion générale

M. de Naeyer. - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi sur les jurys d’examen.

Permettez-moi défaire observer que la discussion générale a déjà duré sept jours et qu'il est à désirer qu'elle ne devienne pas interminable.

MM. Lelièvre et de Lexhy ont déposé deux nouveaux amendements contenant les dispositions additionnelles suivantes aux articles 53 et 54 :

« Art. 53. Pendant les deux sessions qui suivront la publication de la présente loi, les aspirants au grade de candidat notaire sont dispensés de l'obligation prescrite par l'article 2. Ils seront interrogés conformément à la loi du 15 juillet 1849. »

« Art. 54. L'article 2 n'est pas applicable à ceux qui justifieront avoir commencé des études relatives à l'enseignement supérieur, avant la publication de la présente loi. »

Ces amendements seront imprimés et distribués, ils seront développés lors de la discussion des articles auxquels ils s'appliquent.

M. de La Coste. - Messieurs, si je prends une troisième fois la parole, je le devrai à l'indulgence de la Chambre. Je n'en abuserai pas. Il faut, ce me semble, réserver les détails pour la discussion des articles. Pour le fond, j'ai dit ce que j'avais à dire et il me semble que plus nous parlons, moins nous parvenons à nous entendre. Je dois cependant dire quelques mots du discours de l'honorable M. Frère-Orban.

Je ne me plaindrai pas de ce discours. Au contraire, je remercie l'honorable membre, non pas de l'attention qu'il a donnée à mon amendement, il paraît en avoir fait une lecture assez fugitive, mais de l'importance qu'il a bien voulu y attacher.

Quelques honorables amis ont grandi cet amendement en lui prêtant l'appui de leur parole. L'honorable M. Frère-Orban l'a grandi encore en luttant corps à corps avec lui et en l'élevant presque à la hauteur d'une question de parti, tandis que, dans ma pensée, c'est tout simplement une amélioration pratique.

L'honorable M. Frère a prétendu que j'avais d'abord proposé de remplacer le président d'office... par un jésuite, je crois. J'avais, au contraire, proposé de maintenir la présidence d'office à la nomination du gouvernement, je l'avais proposé dans un esprit de conciliation. C'est, du reste, un point fort contesté et fort contestable. Dans la section centrale j'avais d'abord combattu cette proposition, mais, je le répète, je m'y suis rallié, dans l'espoir de trouver une formule qui convînt à beaucoup d'honorables membres.

Je remarque que l'honorable M. Frère lui-même ne paraît pas avoir regardé ce point comme absolument hors de contestation, puisque je ne trouve nullement la mention d'un président d'office dans son jury professionnel.

L'honorable M. Frère nous avait dit, dans une discussion précédente, qu'il avait fort approuvé le jury central, que depuis il avait approuvé encore un jury combiné. Maintenant ses idées sont changées ; il réclame, et il a raison, le bénéfice du temps et de la réflexion. Mais quand il s'agit des autres, ce n'est pas tout à fait la même chose. Il veut que je pense absolument comme en 1844, ou que je sois en contradiction avec moi-même.

Eh bien, messieurs, je le dirai franchement, à part l'expression un peu tranchée, l'opinion que j'avais alors, je l'ai encore, je pense toujours qu'il y a une très grande difficulté inhérente à ce jugement exercé par une université sur une autre ; je pense encore qu'il ne peut pas y avoir de privilège pour les quatre universités existantes, qu'il faut que la part soit faite à l'enseignement extra-universitaire ; c'est pour cela que j'ai combattu, que je repousse le projet de la section centrale qui ne fait aucune part à cet enseignement.

C'est pour cela que je proposais un jury central où l'enseignement extra-universitaire aura toutes les garanties possibles.

L'honorable M. Devaux a dit qu'il fallait que les jésuites eussent des garanties comme d'autres ; eh bien, le collège de Namur trouverait là des garanties ; je suis persuadé qu'il en serait parfaitement satisfait.

Voilà la grande différence entre ce que nous admettons aujourd'hui et ce qui était proposé en 1844.

Là c'était le monopole à quatre dans une loi proposée primitivement comme définitive, avec un président d'office, par conséquent, pas la moindre représentation, pas la moindre garantie pour les études privées.

Messieurs, beaucoup d'honorables membres dont quelques-uns siègent encore dans cette enceinte ont voté pour ce projet du gouvernement ; moi je l'ai combattu et je le combattrais encore.

Messieurs, quant à cette juridiction d'une université sur une autre, dont j'ai fait sentir les inconvénients, je l'avoue, elle est inhérente au système du jury professoral, à moins de décider, comme quelques-uns l'ont proposé, mais jusqu'ici sans succès, la séparation des fonctions d'examinateur et des fonctions de juge.

C'est la proposition qu'a défendue M. de Mérode, mais la difficulté est de trouver ces juges ; c'est l'instrument qui est difficile à rencontrer. En attendant, comme il est très apparent que nous continuerons à tourner dans le cercle du jury professoral, jusqu'à ce qu'un examen plus approfondi ail fait trouver un système meilleur, ce que nous avons eu à cœur a été d'atténuer autant que possible les vices de ce système.

C'est pour cela que nous avons voulu que les élèves fussent principalement interrogés par leurs professeurs, nous avons voulu fortifier dans le jury l'université, l'enseignement dont les élèves sont soumis à l'examen.

C'est encore pour cela que dans les matières délicates où cette juridiction présente le plus d'inconvénients, nous avons admis les certificats sur le pied proposé par M. Frère ; c'est encore là une disposition fort importante, pour laquelle nous n'obtiendrons pas l'approbation de tout le monde, mais que nous avons crue nécessaire.

Messieurs, il y a ici un problème extrêmement épineux, car si vous écartez les professeurs, l'embarras s'accroît pour trouver des juges. Les professeurs sont des juges qui se désignent pour ainsi dire d'eux-mêmes et lorsque vous sortez de cet élément vous n'avez plus de conditions déterminées ; vous avez un choix laissé sans condition au gouvernement.

L'honorable M. Frère a senti cette difficulté. Aussi il a eu recours à des autorités tout à fait indépendantes ou au moins n'étant pas directement dans la dépendance du gouvernement ; il a eu recours aux cours de justice, il a eu recours aux commissions médicales. Mais, messieurs, ici l'honorable M. Frère rencontre encore l'écueil dont je viens de parler, car cette partie de son système est peut-être celle qui donne lieu aux plus nombreuses objections.

On se demande, messieurs, si ces corps judiciaires, les cours supérieures, la cour de cassation, pour laquelle nous avons tant de considération, je dirai de respect, et dont les attributions,dans notre pays,sont si étendues, on se demande s'il convient d'étendre encore par la loi les attributions de ces cours, s'il convient de leur donner encore des attributions administratives, si ce ne serait pas là une confusion de pouvoirs, une confusion de pouvoirs constitutionnels.

Quant aux commissions médicales, je pense qu'ici les objections sont d'un autre ordre, mais qu'elles sont encore plus saillantes. On parle de rivalité entre les universités, est-ce que daus le corps médical, il n'y a point aussi de rivalités ?

Quand les élèves et portant les doctrines des professeurs d'universités seront jugés par cette espèce de république fédérative, par les délégués des commissions médicales réunies en congrès, est-ce que les membres de ce congrès auront toujours beaucoup d'indulgence pour les élèves et pour les doctrines de leurs rivaux, quelquefois plus heureux ? Tout le monde sait qu'il y a dans le corps médical des différences d'opinion, des différences de système, et, il faut bien le dire, des différences d'intérêt matériel et d'intérêt d'amour-propre, d'intérêt de gloire.

Messieurs je pense, comme l'honorable M. Frère-Orban le pense du reste lui-même, qu'un semblable système, avant d'être converti en loi, a besoin d'être bien envisagé sous toutes ses faces.

Voyez, messieurs, ce qui se passe quand il s'agit seulement de la suppression d'une partie des matières d'examen, du remplacement de cette partie de l'examen par des certificats. Quelle émotion n'en résulte-t-il pas déjà dans le corps enseignant ! Et quand il s'agira de convertir en quelque sorte toutes les matières d'examen en matières à certificats, cette émotion ne sera-t-elle pas bien plus grande, et ne sera-t-elle pas fondée ? Je n'affirme rien à cet égard. Je ne prétends pas du tout, par les objections que j'élève, détruire le système de l'honorable M. Frère dans ses parties principales. Je le prétends d'autant moins, que plusieurs de mes amis politiques ont pour ce système des sympathies.

C'est peut être un système d'avenir, mais il a besoin d'être mûrement examiné, et si je devais statuer à cet égard, ce que je proposerais, ce serait une enquête.

Eh bien, messieurs, ne trouvant, quant à présent, rien à quoi nous arrêter, ne trouvant pas le moyen d'établir avec certitude de succès ce jury professionnel, qu'y a-t-il de mieux à faire ? N'est-ce pas, avant de nous élancer vers l'inconnu, de constater les pas que nous avons faits, d'examiner quels sont les principaux défauts de ce qui existe et de chercher à le corriger ? Voilà, messieurs, ce que le gouvernement, ce que la section cenirale ont eu en vue et ce que nous avons également en vue, je parle de mes honorables amis qui ont soutenu mon amendement et de moi-même.

Et, messieurs, s'il s'agissait d'écrire dans la loi un principe, je voudrais qu'il fût tel, que les différents éléments de l'enseignement fussent représentés dans le jury, qu'aucun n'en pût être exclu, que si une nouvelle université se formait dans les conditions de celles qui existent, elle fût admise également comme élément spécial à l'examen. Mais j'avoue, messieurs, que la difficulté de placer dans la loi une telle formule est encore une des plus grandes que nous puissions rencontrer.

Il faut, messieurs, admettre les faits tels qu'ils sont ; prenons donc les quatre universités, puisqu'elles existent et après cela, donnons un jury spécial à tout ce qui n'est pas université. De cette manière, je crois que nous aurons fait tout ce que, dans ce système, il est possible de faire pratiquement.

Et, messieurs, que nous offre-t-on en échange, - je ne parle pas de ces projets qui restent en dehors du cerde que la discussion a parcouru jusqu'à présent, - que nous offre-t-on en échange de ce que nous proposons ?

On nous offre ce système de lutte deux à deux qui a été si bien caractérisé par l'université de Liège dans la pièce dont l'honorable M. Delfosse nous a donné lecture. Que nous offre-t-on encore ? Un principe si large qu'on en peut, dit-on, tirer absolument tout ce qu'on veut, le principe de l'article 40 de la loi de 1849. Ce principe quel est-il ? (page 541) Tout est bien, pourvu qu'il y ait un président d'office et autant de professeurs de l'enseignement libre que de professeurs de l'enseignement de l'Etat et vice-versa. Eh bien, messieurs, il est évident que ce principe n'a une valeur que par l'application, que le principe lui-même ne dit rien, ne garantit rien ; on pourrait parfaitement exclure une université et la lettre sera pleinement satisfaite. Est-ce là ce qu'on a voulu ? Mais non.

Vous avez accepté la loi avec l'explication qui a été donnée par M. le ministre de l'intérieur, et ces explications admettent, tout aussi bien l'existence de quatre universités que le projet de la section centrale, que le projet de M. le ministre, que le projet proposé par nous.

Quant à l'objection de l'honorable M. Tesch, j'avoue qu'elle m'a beaucoup surpris. Quoi ! vous placez deux universités dans la condition que l'université de Liège a décrite ; l'université qui devrait contrôler l'autre, la prévient par des complaisances afin d'en obtenir ; et vous craignez qu'en fortifiant ce contrôle, en donnant au moins des témoins à ce qui se passe, en faisant assister aux examens toutes les universités, outre le président d'office, vous craignez d'ouvrir une fabrique de docteurs ! Mais, messieurs, cela est infiniment plus à craindre dans le système qui existe aujourd'hui, d'après l'expérience, d'après ce qu'indique l'université de Liège, cela n'est pas seulement à craindre, mais eela est devenu inévitable, cela est passé en force de chosi jugée.

Mais, dit-on, votons toujours l'article 40 ; le ministre améliorera ; montrons-lui la même confiance qu'en 1849 ; après tout, l'article 40, qu'on me passe cette expression, c'est un sac dont on peut tirer deux moutures.

Mais, messieurs, en 1849, on savait ce qu'on faisait. Le minisire avait donné des explications, il avait entièrement expliqué son système et dans l'exposé des motifs et à plusieurs reprises dans la discussion. C'est avec ce commentaire qu'on a voté la loi. Et aujourd'hui quel serait le commentaire ? Le rejet de la proposition du ministre. Eh bien, messieurs, le vote de l'article 40 avec ce commentaire, c'est voter l'impuissance et l'immobilité.

M. Lelièvre. - Je ne puis partager l'opinion émise par M. le ministre de l'intérieur relativement à la position qui est faite par le projet en discussion aux deux universités libres actuellement existantes. Je suis convaincu que l'article 28, proposé par le gouvernement, l'amendement de la section centrale, comme celui de l'honorable M. de La Coste, contiennent une doctrine qu'il nous est impossible de consacrer.

Que sont, en effet, les établissements libres d'instruction au point de vue constitutionnel ?

Ces établissements ne constituent pas un corps moral dans l'Etat. Aux yeux de la loi, il n'existe que des individus qui jugent convenable de se livrer à l'enseignement en vertu de la liberté décrétée par la charte. Les personnes réunies daus ce but n'ont ni plus ni moins de droits que des personnes privées, et le motif est évident, une agrégation d'individus ne saurait revendiquer d'autres prérogatives que l'individu lui-même.

Que fait cependant le projet que je combats ? Il dénature entièrement cet ordre de choses, il envisage les établissements libres comme corps collectifs à qui il délègue une portion de la puissance publique. Il crée un corps moral qu'il investit de prérogatives légales. Il donne aux universités de Louvain et de Bruxelles la personnification civile.

Telle est, en effet, la conséquence nécessaire des propositions dont nous nous occupons. Une personne civile est un corps moral auquel la loi attribue certains droits.

Or, dans l'espèce, le projet attribue à des établissements, qu'il considère comme êtres moraux, le droit d'être représentés dans le jury d'examen qui est une émanation de la puissance publique. Par conséquent, il s'agit bien de la création d'un corps moral auquel non seulement on confère la jouissance de certains droits, mais qu'on investit même de certaines prérogatives qu'il exercerait de par la loi, comme délégué des pouvoirs publics.

Or c'est là une position privilégiée que repoussent nos principes constitutionnels.

Du reste, voulez-vous être convaincus que dans le système du projet les universités de Louvain et de Bruxelles acquerraient réellement la personnification civile, au point de vue de l'enseignement public, demandez-vous ce qui arriverait si le pouvoir exécutif, violant les prescriptions de l'article 28, n'appelait pas l'une ou l'autre des universités libres à figurer par ses professeurs dans le jury d'examen. Bien évidemment l'université, comme être moral, se pourvoirait devant les Chambres législatives, elle aurait le droit de réclamer comme corps auquel on dénierait les attributions que lui conférerait la loi sur l'enseignement supérieur, ce qui ne permet d'élever aucun doute sur les énormités qui seraient la conséquence des dispositions législatives qu'on soumet à notre sanction.

Ne changeons pas la position des établissements libres. La loi voit en eux, non des corps moraux, mais des individus usant de la liberté de l'enseignement.

Ils n'ont pas, ils ne peuvent avoir légalement une autre position que les pères du collège de la Paix à Namur, dirigeant une faculté de philosophie, et que de simples particuliers se livrant à des études privées.

Sous ce point de vue je considère les propositions du gouvernement, celles de la section centrale et de notre honorable collègue comme inadmissibles, parce qu'elles créent un ordre de choses que repoussent nos institutions et le principe même de la liberté de l'enseignement.

Il faut revenir à la formule si constitutionnelle de la loi de 1849.

Cette disposition législative ne voit que des professeurs de l'enseignement de l'Etat et des professeurs de l'enseignement libre ; elle voit des citoyens se livrant à l'instruction de la jeunesse, fait à tous une position égale, conformément à nos maximes constitutionnelles, mais ne crée pas dans l'Etat des corps privilégiés, en violant des principes qui dominent toute la législation. C'est par ces considérations que je voterai contre la réduction de l'article 28 et que je repousse l'amendement de l'honorable M. de La Coste.

M. de Naeyer. - M. Dechamps vient de déposer un sous-amendement à l'amendement de l'honorable M. de Brouckere ; ce sous-amendement est ainsi conçu :

« L'organisation de ce jury sera réglée conformément aux prescriptions des arrêtés royaux du 8 août 1849 et du 24 juillet 1850. »

(page 548) M. Dechamps. - Messieurs, dans une séance précédente j'ai cherché à défendre le système présenté par l'honorable M. de La Coste comme étant le meilleur ; je pense encore, après avoir écouté attentivement ceux qui ont combattu ce système, que c'est celui qui présente le plus de garanties au point de vue de la science et de la liberté ; je reste convaincu que ce système réunit, autant que faire se peut, l'avantage d'unité que présente le jury central et l'avantage d'impartialité et de liberté que présentent les jurys combinés.

Ce qui me porte à croire que ce système est le meilleur, c'est la faiblesse des objections faites par ceux qui l'ont combattu. L'honorable M. Frère a soumis à une critique sévère, souvent très juste, j'en conviens, la plupart des systèmes qui ont été débattus, et il a accusé la Chambre d'une impuissance radicale, parce que nous étions, d'après lui, engagés dans une fausse voie ; je pense aussi que nous sommes dans une fausse voie.

Mais l'honorable membre, qui tient un système entre ses mains, devrait bien nous aider à en sortir, en le soumettant à nos discussions Mais il se refuse absolument à ouvrir ses mains ; il les tient fermées, et il accuse la Chambre d'impuissance, il n'en a pas le droit, puisqu'il en fait preuve lui-même par l'hésitation qu'il montre à produite son système.

Sans m'opposer au projet du gouvernement, que je préfère de beaucoup à celui de la section centrale, j'avais déclaré que, si l'amendement de l'honorable M. de La Coste, qui avait mes préférences, n'était pas admis, j'aimais mieux voir continuer l'expérience des jurys combinés. Mon honorable ami, M. le ministre de l'intérieur, sans me nommer, car je crois qu'il a pensé à moi en faisant son observation, s'est étonné quelque peu de voir un certain nombre de membres de la Chambre qui, en 1849, s'étaient vivement opposés au projet présenté alors, semblaient aujourd'hui d'assez facile composition pour accepter la continuation de l'expérience des jurys combinés ; j'ai ici une remarque à faire. En 1849, j'ai été bien loin de combattre le principe des jurys combinés en lui-même ; lorsque ce système a été développé par l'honorable M. Devaux, j'ai déclaré immédiatement, qu'au point de vue de la liberté, c'était, à mes yeux, le meilleur de tous ceux présentés ; que si j'avais des doutes sur la bonté du système par rapport aux études, je n'en avais aucun au point de vue de la liberté.

J'ai été plus loin en 1849 ; j'ai dit que si on voulait écrire dans la loi l'exposé des motifs, tel qu'il avait été expliqué par l'honorable M. Devaux, j'acceptais à l'instant le projet de loi.

Ce que j'ai combattu en 1849, comme antérieurement, ce que je combattrai encore, c'est le refus qu'on a fait et qu'on persiste à faire d'écrire dans la loi les garanties pour l’enseignement privé, pour les établissements libres.

Messieurs, ce que je ne voulais pas en 1849, ce que je ne veux pas aujourd'hui, c'est qu'on place les universités de l'Etat et les universités libres vis-à-vis des jurys dans une position d'inégalité. Je reste de cet avis, et je suis étonné que l'honorable M. de Brouckere qui, en 1835, en 1844, en 1848 et en 1849 a soutenu avec énergie que les garanties pour les universités libres devaient être inscrites dans la loi, se borne aujourd'hui à présenter la formule de 1849.

L'honorable M. de Brouckere et tous ceux qui voteront son amendement ont bien l'intention formelle d'imposer au gouvernement la continuation du système des jurys combinés, et M. le ministre de l'intérieur l'a compris dans ce sens ; mais comme vient de le faire remarquer l'honorable M. de La Coste, en 1849,le gouvernement, tout en n'offrant à notre vote qu'une formule générale, laissait au gouvernement, sous sa responsabilité, une grande liberté dans la formation du jury, déclarait, dans un exposé des motifs, comment il ferait usage de cette liberté ; nous avions là des commentaires qui étaient une espèce de garantie ; nous savions que nous votions. Aujourd'hui, avec votre formule, le gouvernement pourrait organiser les jurys, soit d'après le mode proposé dans son projet de loi, soit d'après celui de la section centrale, soit d'après celui de l’honorable M. de La Coste, soit d'après le système actuellement en vigueur, pourvu que dans la formation des jurys l'enseignement privé et les universités de l'Etat eussent un nombre égal de représentants.

Mon honorable ami, M. le ministre de l'intérieur, a dit, il est vrai, comment il comprenait l'amendement ; mais si l’honorable minutie s'était tu, comme il le pouvait, s’il avait laissé voter l'amendement de l'honorable M. de Brouckere, le gouvernement pourrait faire, strictement parlant, ce que nous ne voulons pas qu'il fasse. L'intention de tous les orateurs qui ont parlé dans ce sens, c'est que le gouvernement continue l'expérience des jurys combinés ; votre formule n'indique en aucune manière cette intention.

Ainsi donc cette liberté qu'on a l'air de lui accorder, on la lui refuse en réalité, puisque au fond on lui impose un système. (Interruption.), Sinon, l'amendement n'a plus de sens. J'avais compris qu'on voulait continuer l'expérience des jurys combinés ; que c'était le maintien du. statu quo que l'on voulait.

Maintenant je veux démontrer que la formule qu'on présente ne dit pas du tout ce qu'on veut lui faire dire ; votre formule laisse au gouvernement sa liberté d'action et votre intention est de la lui ôter ; vous ne voulez pas nommer les universités libres, mais vous les sous-entendez ; vous ne voulez pas écrire leur droit à l'existence dans la loi, mais vous le supposez ; vous voulez le fait, mais vous hésitez à le dire. Cette formule est donc une rédaction mensongère, qui veut une chose et en dit une autre. Pourquoi ne pas écrire notre pensée et notre intention franchement ?

A toute époque, nous nous sommes refusé à donner ainsi au gouvernement un blanc-seing pour nommer et organiser les jurys d'examen, c'est-à-dire pour disposer à son gré de la liberté d'enseignement. En refusant ce pouvoir au ministère actuel, ce n'est pas à coup sûr un acte de défiance que je pose, chacun sait bien que s'il s'agissait d'un témoignage de confiance à donner à mon ami M. le ministre de l'intérieur, je n'hésiterais pas à le lui donner, mais il s'agit d'un principe qui domine toute question ministérielle.

Messieurs, la discussion paraît épuisée ; j'étais dans l'intention de répondre à l'honorable M. Frère, qui hier, au point de vue du principe de la reconnaissance des universités libres par la loi, a essayé de faire l'histoire des antécédents de l'opinion à laquelle j'appartiens ; il m'aurait été facile, il le sait bien, de faire, au même point de vue, l'historique de l'opinion à Inquelle il appartient ; il m'aurait été facile de démontrer qu'en 1835, en 1844, en 1848 et en 1849, les organes les plus influents de l'opinion libérale ont défendu le principe que M. Frère combat ; qu'en 1844, l'opinion libérale ptesque entière a accepté ce principe comme une transaction.

M. Frère-Orban. - C'est une erreur.

M. Dechamps. - C'est si peu une erreur, que M. Rogier qualifiait le projet de M. Nothomb, qui renfermait la garantie écrite en faveur des universités libres, de juste satisfaction donnée à l'opinion libérale, qui acceptait le projet avec une faveur marquée, M. Devaux s'armait de cette garantie pour défendre le projet de loi ; l'honorable M. Delfosse déclarait que l'opinion libérale l'acceptait avec un enthousiasme qu'il ne partageait pas, non à cause du principe inscrit dans la loi, mais parce qu'il n'avait pas confiance dans le ministère.

M. Delfosse. - C'est une erreur, j'y ai toujours été opposé.

M. Dechamps. - Je dis, en effet, que vous ne partagiez pas l'enthousiasme de vos amis pour le projet de M. Nothomb.

En 1848 et en 1849, vous vous rappelez les discours prononcés par MM. Verhaegen, Orts et de Brouckere, qui ont combattu les idées de M. Frère.

En 1848, la section centrale et la majorité issue des élections du 8 juin ont repoussé le projet de M. Rogier, parce que, disait M. de Brouckere, l'exposé des motifs déniait tout droit d'intervention de la part des universités libres. Je pourrais compléter cette histoire et vous démontrer, armé de faits qui manquent à M. Frère, que les antécédents, depuis 1835, parlent pour notre opinion et contre la sienne.

M. Frère-Orban. - J'en doute ; faites.

M. Dechamps. - Mais ce serait abuser des moments de la Chambre, qui est fatiguée, et cela me mènerait trop loin.

J'ai voulu justifier mon amendement ; j'ai voulu prouver que la formule de la loi de 1849 était insuffisante pour exprimer ce que l'on veut dire ; qu'il fallait être clair et franc et substituer à une rédaction vague et incompréhensible une formule qui ne soit pas un mensonge.

Si vous voulez le maintien provisoire du statu quo, dites-le. C'est ce que je propose, pour le cas où l'amendement de M. de La Coste ne serait pas adopté.

(page 541) M. Verhaegen. - Messieurs, j'ai dit, dans mon premier discours, que je serais disposé à donner la préférence à la proposition du gouvernement, sauf quelques observations de détail.

Depuis, messieurs, nous avons entendu beaucoup d'orateurs ; beaucoup de systèmes ont été présentés, et au lieu de faire quelques pas en avant, nous avons reculé. Il faut cependant en finir, le gouvernement ne soutient plus son projet primitif, il l'abandonne en grande partie, pour se rallier au système de la section centrale.

Dans cet état de choses, que nous reste-t-il à faire ? Il nous reste à tenter encore, pendant deux ou trois ans, une expérience nouvelle.C'est ce que nous propose l'amendement de l'honorable M. de Brouckere. Notre honorable collègue nous propose, en effet, de proroger pour trois ans l'article 40 de la loi de 1849.

Messieurs, de la manière dont je comprends l'amendement d'après les développements qui y ont été donnés par son auteur, je pense que l'expérience pourrait être faite pour le jury combiné aussi bien à quatre qu'à deux, ce qui revient en définitive à établir l'expérience d'un jury central avec les garanties écrites dans la loi de 1849 ; cela rentre, quant au fond, dans le projet primitif du gouvernement, car si la combinaison de faire entrer les représentants de plusieurs universités dans un seul et même jury, reste maintenue comme auparavant pendant trois ans, cette combinaison peut se faire aussi bien à quatre qu'à deux et si elle peut se faire à quatre c'est, d'après moi, le jury central.

Il est bon de constater que M. le ministre de l'intérieur, en réponse à une interpellation de l'honorable M. de Brouckere, a déclaré que si le système du maintien pouvait prévaloir, il n'exécuterait la loi de 1849 que comme elle a été exécutée jusqu'à présent. Cette déclaration est-elle suffisante ? Je pense que oui, et je pensais de même en 1849.

Messieurs, je suis un de ceux qui out donné leur approbation à la loi de 1849, quoique la représentation égale ne fût pas écrite daus la loi, et cela pourquoi ? Parce que je trouvais des garanties suffisantes dans l'exposé des motifs et dans les assurances que donnait le ministre quant à l'application qu'il ferait de cette loi.

L'application a été faite impartialement et avec beaucoup de justice par un ministère qui sortait de nos rangs.

Si les explications restent aujourd'hui les mêmes, je le déclare ouvertement, j'aurai la même confiance dans le ministère actuel que dans le ministère précédent. Je ne recule pas devant les conséquences de mon vote ; j'ai donné mon vote en 1849, je le donnerai encore en 1857, pourvu que ce soit avec les mêmes garanties qu'en 1849, et que l'exécution s'en fasse avec égalité de représentation comme elle a été faite jusqu'à présent.

Si c'est comme cela que l'honorable M. de Brouckere entend son amendement, je ne vois aucune difficulté de le voter et je resterai ainsi d'accord avec mes précédents.

Si au contraire l'on veut abandonner toute garantie, séparer la loi de l'exposé des motifs et des promesses faites par le ministère précédent, c'est-à-dire rester dans le vague, en ce cas je donnerai mon appui au sous-amendement de l'honorable M. Dechamps.

Voilà comment je voulais expliquer le vote que je me propose d'émettre.

M. Frère-Orban. - Je dois faire une observation sur l'amendement déposé par l'honorable M. Dechamps.

Cet amendement renferme un principe contre lequel plusieurs de mes honorables amis et moi nous nous sommes élevés, et que la Chambre a refusé d'écrire dans la loi depuis 1835. On propose de faire déclarer par la loi que les établissements qui existent seront représentés également dans chaque jury.

C'est décréter, par la loi, la reconnaissance de certains établissements, attribuer à ces établissements des droits sans que l'Etat puisse exercer à leur égard le moindre contrôle. Nous ne pouvons adopter un pareil principe.

On objecte qu'on ne fait par là que reconnaître un fait, un fait patent, manifeste. Les établissements sont là. C'est, dit-on, une sorte de puérilité que de vouloir nier ce qui existe. Mais c'est là confondre le fait avec le droit.

La liberté d'industrie existe, grâce à cette liberté, on a créé au grand nombre d'établissements. Mais que diriez-vous si, à propos d'une (page 542) mesure relative à l'industrie, on voulait faire admettre une loi en vertu de laquelle les propriétaires de quatre établissemenis industriels auraient seuls le droit de figurer dans un jury d'industrie ? Est-ce que ce ne serait pas méconnaître les droits de tous les autres industriels, de tous les Belges à jouir de la même liberté d'industrie ? C'est évident. On peut bien, par délégation, autoriser le pouvoir exécutif à désigner, par arrêté royal, les industriels qui paraîtront les plus aptes à exercer certaines attributions. Mais nous ne pourrions déclarer dans la loi queceux-là seuls auront des droits. Il en est de même pour les universités libres, ce serait manifestement violer la Constitution. Ce que l'on demande est d'ailleurs inutile.

Je concevrais, s'il y avait un doute sur la manière dont les dispositions seront exécutées, que, par crainte, par scrupule exagéré on voulût imposer des obligations au pouvoir, limiter la prérogative royale. Mais que dit l'honorable ministre de l'intérieur, l'un de vos amis ? Si l'amendement de l'honorable M. de Brouckere était adopté, je déclare.qu 'il y aurait pour moi obligation d'exécuter la loi nouvelle comme a été exécutée la loi de 1849. Or, la Chambre, en 1849, a accepté pareille déclaration du ministère. L'honorable M. Verhaegen s'est expliqué catégoriquement à ce sujet. Il a refusé d'écrire dans la loi les noms des établissements d'instiuction. Mais il a accepté l'article 40 de la loi de 1849 moyennant les explications données par le gouvernement.

Eh bien, malgré les explications données par le gouvernement, données par un ministère qui vous représente, vous insistez pour que l'indication des établissements soit insérée dans le projet de loi. C'est un acte de défiance envers le ministère.

M. F. de Mérode. - Il ne s'agit pas du ministère, il s'agit d'un principe.

M. Frère-Orban. - La loi est temporaire.

M. F. de Mérode. - C'est égal ; on ne sait pas combien durera la loi.

M. Frère-Orban. - Donnez à la loi une durée tetle qu'elle ne dure pas plus que le ministère. Vous avez sans doute quelque foi dans la parole de M. le ministre de l'intérieur qui déclare que l'exécution de la loi sera la même que pour la loi de 1849.

Ce n'est pas au reste un petit honneur pour le ministère de 1847 d'entendre enfin l'hommage tardif que l'on rend à l’impartialité de la loi de 1849, et d'entendre partout reconnaître qu'elle a été exécutée avec une parfaite loyauté. J'en attends autant de M. le ministre de l'intérieur.

M. F. de Mérode. - Lorsqu'on est engagé dans une fausse voie, il est impossible d'arriver au terme qu'on veut atteindre, parce que ce chemin n'y conduit pas.

La Belgique a une croyance généralement pratiquée par ses habitants, elle possède en même temps la liberté de conscience, choses parfaitement compatibles quand on se donne la peine de les accommoder avec bon sens.

Aujourd'hui, l'Etat belge, c'est-à-dire le gouvernement, n'est pas uni politiquement connue il l'était autrefois à la religion des citoyens belges pris dans leur ensemble, et cependant on a imaginé de lui donner une part énorme dans l’enseignement et beaucoup plus grande que celle qu'il avait autrefois dans l'instruction et par conséquent dans l’éducation de la jeunesse.

Il en résulte que l'argent du trésor employé à l'enseignement public est appliqué en sens inverse des véritables besoins du public belge. Pourquoi ? Parce que l'Etat, moralement et religieusement parlant, eétant nul, les professeurs, quand cela leur passe par la tête, en font un niais, répondant au ministre qui leur adresse des observations sur leurs écrits imprimés :

« L’Etat n'a rien de commun avec la religion. L'Etat est étranger à toute croyance religieuse. IL n’a pas le droit de statuer sur cette matière, ni en ordonnant, ni en défendant.

« Un fonctionnaite ne pratique pas le culte de la majorité. Il n'en pratique aucun ; quand même cette conduite serait un scandale public, le gouvernement est sans action.

« Il y a plus, un fonctionnaire se sépare de l’Eglise dominante, il se réunit avec des personnes qui partagent ses croyances et pratique un culte à part, le scandale sera plus grand, mats le droit du fonctionnaire est évident ; l’incompétence du gouvernement est absolue, il me semble que le droit du fonctionnaire est le même, quand, au lieu d'agir, il écrit. A quel titre le gouvernement interviendrait-il ? Je le cherche en vain, je ne le vois pas. »

(Lettre de M. Laurent, professeur, au recteur de l’université de Gand, 6 août 1855).

A l'aide de la désignation de la qualité de professeur par le terme général de fonctionnaire, on arrive à de pareilles conclusions qui seraient vraies s'il s'agissait d'un receveur de l'enregistrement ou d'un inspecteur des forêts, voire même peut-être du ministre de l'intérieur, qui n'est point en contact avec les élevés et n'exerce point sur eux d'influence morale.

Cependant, le professeur qui s'est montré de la sorte l'adversaire du bon sens pratique, en venu d’une théorie qui rend l’enseignement public très dangereux pour la généralité des familles chrétiennes de toute secte, est resté professeur de l'Etat, maître paralytique couché sur le lit des circulaires où il étend son impuissance depuis dix-huit mois comme auparavant, sauf l'activité de la langue qui, certes, n'a pas manqué dans le tournoi parlementaire de l'adresse consigné sur tant de colonnes du Moniteur.

Veuillez remarquer, messieurs, que je ne fais pas la guerre aux personnes ; c'est un système faux que je combats, non sans raison, puisque vous voyez par la discussion même où nous sommes engagés, que nous tournons, sans pouvoir en sortir, dans un cercle vicieux.

Et pourquoi sommes-nous ainsi paralysés à propes de la question qui nous occupe, comme le ministre, directeur de l'enseignement de l'Etat, l'est également vis-à-vis de ses professeurs sur un point capital ? Parce qu'il est impossible de séparer l'enseignement de l'éducation et l'éducation de la religion.

Si nous avions pu mettre bien d'accord l'enseignement public et l'enseignement religieux, conformément aux nécessités sociales de notre pays, telles qu'elles existent en fait, nous n'aurions vu s'élever ni l'université catholique de Louvain, ni l'université libre de Bruxelles. Nous aurions fondé une ou deux universités nationales qui auraient délivré les diplômes de candidats et de docteurs ; puis l’enseignement privé, réduit à de faibles proportions, n'eût demandé qu'un jury d'examen particulier très facile à constituer en dehors de tous les antagonismes.

Exagérant sans appréciation des faits dominants avec lesquels il faut pourtant compter, malgré les théories inflexibles, exagérant, dis-je, la séparation de l'Eglise et de l'Etat, qui ne peut être que relative et jamais absolue pour tous les cas, on a mis sur pied des universités sans relations quelconques avec le principe religieux, généralement adopté depuis des siècles dans le pays et qui, de la sorte, ne sont pas conformes aux convenances des familles les plus nombreuses. Plusieurs en usent par nécessité de position plus que par préférence ; car je suis per-suadé que si dans Bruxelles et dans chaque ville où se trouve une université de l'Etat entretenue à grands frais,soldée par le trésor public, il existait une autre université semblable à l’établissement de Louvain, celle-ci serait beaucoup plus fréquentée, parce qu'on y trouverait avec les études scientifiques la sécurité religieuse. Et ce que je dis ne peut blesser en rien les professeurs actuels rétribués par l'Etat ; car je crois volontiers que le plus grand nombre d'entre eux verraient sans nul regret et même avec satisfaction des garanties réelles données aux familles catholiques dont les fils suivraient alors, sans inquiétude pour leurs parents, les cours des institutions auxquelles ces professeurs sont attachés.

Aussi peut-on soutenir, sans ciaindre d'offenser la vérité, que l'université de Louvain est la plus nationale des quatre, bien qu'elle ne reçoive aucun subside.

En effet, un archevêque et cinq évêques la dirigent par l'intermédiaire d'un recteur investi d'une autorité certaine. Avant de lui confier un jeune homme, on sait de quelle doctrine morale on nourrira son intelligence. On sait qu'aucun professeur ne publiera des écrits ou pour écarter le mystère à la fois mosaïque et chrétien du péché originel ou pour lui préférer celui de la métempsycose.

On disait hier, en plaisantant, à propos de ce recteur choisi par six évêques, que c'était un monsieur sans caractère officiel ; mais quand il s'agit d'enseignement, quel mérite particulier peui-on trouver dans un autre monsieur, nomme recteur par tel monsieur qui devient momentanément ministre de l'intérieur, précédé et suivi dans cette carrière scabreuse par des messieurs avec lesquels il n a souvent aucune communauté d'opinion sur l'éducation des jeunes gens ? Certes on peut bien dire que c'est le hasard qui agit dans cette sphère d'administration publique ; parce qu'il ne s'agit point là d'une besogne purement civile, comme la régie des finances, des chemins de fer, de la voirie nationale et vicinale ou l'organisation de la défense du pays, mais de quelque chose d'infiniment plus large, qui concerne les âmes, par conséquent le temps présent et l'avenir qui le suit.

Messieurs, je suis entré dans les considérations qui précèdent, parce qu'elles sont utiles pour nous tirer d'une mauvaise ornière dans laquelle se traîne la collation des grades académiques. Nous possédons la liberté de l’enseignement avec son principe, les universités que paye l'Etat et que l'on suppose qu'il dirige ; car c'est une pure supposition à cause de son incapacité sur la matière, et de plus en raison de la mobilité ministérielle ; ces universités, dis-je, n'ont aucune supériorité constitutionnelle ni rationnelle sur les universités de Bruxelles et de Louvain, j'en admets une financière seulement.

Cependant de cette prémisse je ne conclus pas qu'elles ne servent en rien la science qui donne à la société des garanties sur l'exercice de certaines professions.

J'estime donc qu'un conseil permanent d'examen pour l'obtention des grades ne devrait pas rejeter leurs diplômes comme des chiffons ; qu'il devrait également me pas dédaigner les diplômes des universités libres ou d'autres institutions bien famées, dès qu'elles-mêmes sauraient, par une conduite prudente, ne pas les prodiguer. Ces établissements sont des faits patents et appréciables, et les jurés examinateurs oui pour mission de porter leurs jugements sur des faits selon l'obligation de tous jurés quelconques.

Je ne dirai donc pas comme MM. Orts, Frère-Orban et Delfosse : « Je soutiens un meilleur ordre pour la collation des grades qui confèrent la faculté d'exercer certaines fonctions ; mais n'espérant rien de mes efforts, je renonce à l'application de ma pensée. » Quant à moi, messieurs, j'insiste sur la mise en pratique de la leur, si la mienne est jugée moins susceptible d'être admise ; mais, en aucun cas, je ne désire retourner à la vieille route qu'on essaye d'arranger depuis plus de vingt ans sans pouvoir en faire un chemin viable. Si l'on y reste, on y resteta, et, pour en sortir, il faut vigueur et patience jusqu'au bout.

(page 543) M. de Theux. - L'amendement présenté par l'honorable M. Dechamps a nettement dessiné la discussion sur l'amendement de l'honorable M. de Brouckere. En effet, nous avions cru tous que M. de Brouckere entendait l'exécution de la loi de 1849 comme elle avait en lieu, et c'est à cette condition, je le déclare, que quelques-uns de mes honorables amis ont pu se rallier au maintien de cette loi.

Pourquoi ? Parce que, comme nous l'avons dit tous, l'exécution de cette loi a été impartiale. Mais voyez la différence de la situation actuelle avec la situation de 1849.

En 1849, on ne proposait qu'une seule exécution du projet de loi, l'exécution du système des jarys combinés. Nous avions tous reconnu que dans l'exécution de cette loi, il y avait des garanties pour tous les établissements comme pour toutes les études en dehors des universités. Seulement nous n'avions pas cru pouvoir donner un blanc-seing au ministère dans une matière qui doit être réglée par la loi.

Je me rappelle avoir dit à cette époque que cette loi serait radicalement inconstitutionnelle si elle avait un caractère de permanence, qu'elle serait radicalement inconstitutionnelle si l'on donnait an gouvernement par une loi définitive le droit de nommer les membres des jurys d'examen. Remettre à l'administration d'une manière perpétuelle et permanente la composition des jurys, la nomination des membres des jurys d'examen, c'était absorber la Constitution ; car c'est en vain que les Chambres voteraient un projet de loi qui enlèverait ces attributions au gouvernement, puisqu'il suffirait qu'un ministère hostile à la liberté d'enseignement opposât son veto à cette loi, pour que cette loi tyrannique fût appliquée à toujours.

Quant à moi, jamais un tel vote ne sortira de ma bouche.

Si cette loi a pu avoir un caractère de constitutionnalité, c'est à cause de sa courte durée.

Je disais que la situation était changée. Ce n'est pas à dire que j'ai moins de confiance dans l'honorable M. Dedecker, que je n'en avais dans l'honorable M. Rogier ; personne ne me prêtera cette pensée. Et je n'offense pas l'honorable M. Rogier en disant cela. Mais la manière loyale dont M. le ministre de l'intérieur s'est exprimé hier ne laisse aucun doute ; il a déclaré que si l'on votait la prorogation de la loi de 1849, il se croirait obligé de l'appliquer comme elle a été appliquée par les arrêtés royaux. Voilà ce que j'appelle de la franchise.

Maintenant, je dis que la situation est changée, qu'elle n'est plus la même qu'en 1849. Et pourquoi ? En 1849, les partisans de la loi se prononçaient pour le système du jury combiné ; les explications du ministre de l'intérieur n'étaient pas combattues. Aujourd'hui, on vient opposer à l'exécution de cette loi la censure des universités de l'Etat, la censure d'un grand nombre de personnages éminents de l'enseignement supérieur et la discussion qui vient d'avoir lieu prouve que le jury combiné encourt un blâme invincible de la part de beaucoup de membres considérables de ce parlement.

Eh bien, quand on abandonne le jury combiné et quand on en arrive à un jury central, savez-vous quelle est la position ? C'est que le gouvernement pourra exécuter la proposition de la section centrale purement et simplement sans aucun adoucissement, sans aucun correctif, proposition que ses auteurs eux-mêmes n'ont certainement pas l'intention d'admettre dans sa crudité et que personne ne pourrait voter sans manquer à ses devoirs constitutionnels.

Comment ! on constituerait un jury central dans lequel seraient représentées les deux universités de l'Etat, par exemple, et les deux universités libres, et on laisserait en dehors l'enseignement extra-universitaire ! Et ce serait là de la justice constitutionnelle ! Il pourrait encore exécuter la loi d'une autre manière. Il pourrait prendre deux professeurs de l'université de l'Etat. Ceux-là ne seront jamais exclus ; le gouvernement se gardera de les exclure. Il pourra prendre ensuite un professeur d'une université libre et un professeur d'un autre établissement, et l'une des deux universités se trouverait en dehors.

Jamais, après la discussion que j'ai entendue, violente contre les jurys combinés, je n'accorderai d'une manière illimitée mon vote à la proposition de l'honorable M. de Brouckere, à moins qu'on n'accepte le sous-amendement de l'honorable M. Dechamps qui est le correctif nécessaire pour la garantie de la liberté ; après la discussion qui vient d'avoir lieu et après l'opposition qu'a rencontrée la loi de 1849 et qui la menace dans son essence s'il y avait un changement de cabinet.

Et que l'on ne dise pas que l'amendement de l'honorable M. Dechamps implique la reconnaissance des universités libres. Vraiment, je suis étonné que des hommes sérieux aient mis en avant un tel fantôme. Les universités libres existent depuis 1835. Les membres de ces universités ont été nommés avec leur qualification par les deux Chambres, par des arrêtés royaux. Les Chambres ont reconnu ces établissements, à tel point qu'on a pris leur avis sur des propositions de loi.

Et ces universités existent en vertu de quoi ? En vertu de la Constitution à laquelle nous ne pouvons pas toucher, et l'on craint de les nommer !

Demande-t-on pour ces établissements le droit de posséder ? On l'a demandé une fois et cette demande était assez en harmonie avec les principes de notre Constitution.

Si on l'avait accordée et que l'université libre de Bruxelles eût fait la même demande, pour mon compte je n'aurais pas hésité à la lui accorder.

Mais il n'en est plus question, aucune des deux universités ne demande plus cela. Tout ce qu'on demande aujourd'hui, c'est d'inscrire dans la loi l'égalité, et je serais étonné que les membres appartenant à l'université libre de Bruxelles reculassent devant un simple fantôme. Car je ne sais comment qualifier une pareille objection, tellement je la trouve sans fondement.

M. Frère-Orban. - Dites cela à M. de La Coste.

M. de Theux. - Est-ce un privilège qu'on accorderait aux quatre universités ? Mais dites donc que l'exécution de la loi de 1849 a été un privilège. Mais quand vous avez voté cette loi, vous avez voté d'une manière implicite ce privilège ; vous saviez que vous aviez un jury combiné entre une université de l'Etat et une université libre. Vous l'avez voté dans votre loi de 1849 ; vous saviez de quelle manière elle serait appliquée.

Maintenant les études libres sont aussi représentés dans le jury combiné spécial ; en composant le jury combiné pour les études libres à neuf membres, par exemple, le gouvernement peut leur donner les mêmes avantages qu'il accorde aux universités ; la position est la même, seulement il lui est matériellement impossible de se transporter au siège de tous les étudiants libres.

Mais au moins, il y a de l'impartialité dans ce système tel qu'il a été exécuté en 1849 et tel encore que le propose l'honorable M. de La Coste.

Messieurs, prenons-y garde, aujourd'hui, je ne sais par quelle espèce de préoccupation, on semble craindre l'amendement de mon honorable ami M. de La Coste. Eh bien, un jour, ceux qui ont ces préoccupations pourraient s'en repentir. Qui suit les fluctuations de l'opinion publique ?

Soyons justes et francs avant tout. Adoptons nettement et franchement la liberté sans aucune espèce d'arrière-pensée. Et pour ma part, je le déclare, si la proposition de l'honorable M. Orts était venue avec l'appui d'un grand nombre de ses amis, je dis que c'était la proposition qu'il fallait adopter, parce que les universités de l'Etat l'avaient demandée dans l'intérêt de l'enseignement, et à ce point de vue leur demande était juste.

Mais quand elles la demandaient avec privilège, elles étaient injustes, parce que ce qui est bon dans l'intérêt de l'enseignement des universités de l'Etat, était bon dans l'intérêt de l'enseignement des universités libres ; et la législature n'a pas à se préoccuper de la prospérité spéciale de tel ou tel établissement ; elle doit se préoccuper de la prospérité de l'enseignement en général. Mais la proposition de l'honorable M. Orts aurait dû être accompagnée également d'une disposition garantissante pour les études extra-universitaires. Dans de pareilles conditions elle était admissible et elle eût rendu de grands services au pays. Mais ceci est réservé à l'avenir.

L'une des deux propositions viendra un jour à triompher, soit celle qui a été annoncée par l'honorable M. Orts et qui n'est pas nouvelle, dont il a été souvent question ; soit celle de l'honorable M. Frère, qui est nouvelle, mais qui devra êire entourée de beaucoup de garanties dans l'intérêt des études d'une part et dans l'intérêt de l'impartialité d'autre part, en écartant les inconvénients de la composition de ce jury, inconvénients qu'a signalés l'honorable M. de La Coste et qui sont vrais.

Vous ne pouvez pas accorder à des tribunaux le droit de conférer le libre exercice d'une profession. C'est là de l'administration et non pas une affaire de jugement. Les commissions médicales dans leur composition ne pourraient pas non plus offrir les garanties qu'exigerait le système de l'honorable M. Frère. Dans ce système, il faudrait que le gouvernement choisît les hommes les plus considérables, soit dans la jurisprudence, soit dans l'art de la médecine et avec des garanties d'impartialité pour toutes les études, quelle que soit leur origine. Alors si ce jury était sérieux et que les examens se fissent d'une manière sérieuse, il est possible que les études n'y perdissent rien.

Mais, messieurs, ce ne serait pas un jury purement professionnel, ce serait un jury scientifique pour les parties principales des connaissances nécessaires à celui qui veut exercer la profession de médecin ou la profession d'avocat.

Messieurs, je ne voterai la proposition de l'honorable M. de Brouckere, que si elle est accompagnée du sous-amendement de l'honorable M. Dechamps.

M. de Brouckere. - Messieurs, il me serait difficile de faire une opposition sérieuse au sous-amendement de l'honorable M. Dechamps, puisque, en réalité, il rend ma pensée. En effet, je désire non seulement que l'article 40 de la loi du 15 juillet soit maintenu provisoirement, mais encore qu'il reçoive, à l'avenir, la même exécution que celle qui lui a été donnée depuis huit ans.

Or quand ce ne serait pas le but de l'amendement de l'honorable M. Dechamps, c'en sera le résultat.

Mais la Chambre me permettra de lui faire observer d'abord que cet amendement est complètement inutile, puisque l'honorable M. Dedecker a déclaré dans la séance d'hier, de la manière la plus formelle, que si ma proposition, qu'il combattait, du reste, était votée par la Chambre, il exécuterait l'article 40 comme l'ont exécuté ses prédécesseurs jusqu'aujourd'hui.

Or, messieurs, j'ai, moi, pleine confiance dans la parole de l'honorable M. Dedecker et je suis très convaincu que la promesse qu'il a faite à la Chambre, il la tiendra ; dès lors je n'attache aucune importance (page 544) à ce qu'on lui fasse par la loi une obligation de ce qu'il s'est spontanément engagé à faire.

Mais, messieurs, l'amendement n'est pas seulement inutile ; à mon sens,il présente un inconvénient réel en ce qu'il introduit dans la législation des dispositions qui ne doivent trouver leur place que dans les arrêtés d'exécution. Daus cette situation, messieurs, je ne voterai pas contre l'amendement de l'honorable M. Dechamps puisque, je le répète, il rend ma pensée ; je m'abstiendrai seulement, parce qu'il est, tout au moins, complètement inutile.

M. le ministre de l'intérieur (M. Dedecker). - Messieurs, j'ai à dire quelques mots sur l'amendement que vient de présenter mon honorable ami, M. Dechamps.

L'honorable orateur qui vient de se rasseoir ne se rallie pas à cet amendement parce qu'il le trouve, ou inutile ou présentant à certains égards des inconvénients. Telle est aussi la pensée de l'honorable M. Frère.

L'amendement est inutile, disent ces honorables membres,'puisque le ministre de l'intérieur a pris formellement l'engagement d'exécuter la loi comme elle l'a été jusqu'à présent, c'est-à-dire conformément aux arrêtés organiques qui ont réglé l'exécution de la loi.

Messieurs, à ce point de vue et à le considérer exclusivement sous ce rapport, l'amendement est sans doute inutile.

Pour moi, qu'on le dise dans la loi ou qu'on s'en réfère à l'application à faire administrativement par le gouvernement, le résultat sera absolument le même. Mais vous avez entendu l'honorable M. Verhaegen élargir la question ; l'honorable M. Verhaegen a dit : Je pourrais avoir confiance dans le ministre actuel qui prend l'engagement personnel d'exécuter la loi dans le sens des arrêtés de 1849 et 1850, mais après lui peut venir un autre ministre qui, n'étant pas lié par le même engagement, pourrait, tout en restant dans les limites tracées par la lettre de la loi, ne pas se conformer à l'esprit des règlements organiques dont il s'agit. (Interruption.) Ce n'est pas à moi d'avoir souci de mon successeur, bien que je ne tienne pas le moins du monde à ne pas avoir un successeur le plus tôt possible.

D'ailleurs, le discours prononcé hier par l'honorable auteur de l'amendement, M. de Brouckere, a laissé sous ce rapport des doutes dans les esprits. Lorsque j'ai dit que j'appliquerais la loi dans le sens des arrêtés organiques de 1849 et 1850, l'honorable M. de Brouckere a répondu que c'était bien là sa pensée ; mais, néanmoins, dans le discours qui accompagnait la présentation de son amendement, il a insisté sur la liberté que sa proposition laissait au gouvernement, d'appliquer l'un ou l'autre système nouveau, tout en restant dans les principes d'impartialité de la loi de 1849.

Partant de là, l'honorable M. Verhaegen a prouvé tout à l'heure que, sans s'écarter des principes de la loi de 1849, le gouvernement pourrait former un jury central tout aussi bien qu'un jury combiné, pourvu que l'enseignement libre et l'enseignement de l'Etat y fussent représentés d'une manière égale.

On peut donc, messieurs, soutenir à bon droit que le sous-amendement de l'honorable M. Dechamps n'est pas inutile.

Mais l'amendement de mon honorable ami a une autre portée, qu'il ne faut pas se dissimuler, portée qui lui a été attribuée, du reste, par la plupart des orateurs et que, je l'avoue franchement, il a à mes propres yeux. Il résout la question qui a été agitée depuis hier, il introduit, dans la loi même, des garanties en faveur des établissements libres.

Eh bien, messieurs, déjà dans l'exposé des motifs qui accompagnait le projet de loi présenté par le gouvernement, sur la collation des grades académiques, j'ai eu l'honneur de m'expliquer franchement à cet égard. J'ai dit que la loi de 1849 présente ce grave inconvénient que les garanties se trouvent, non pas dans la loi, mais seulement dans un arrêté administratif.

Hier encore, j'ai combattu l'amendement de l'honorable M. de Brouckere, parce que je me trouvais arrêté devant le même scrupule.

Le sous-amendement de l’honorable M. Dechamps a pour but d'introduire indirectement dans la loi les garanties dont je viens de parler..Maintenant, l'amendement ayant cette portée doit-il être admis par l'honorsble M. de Brouckere ? C'est l'affaire de l'honorable membre. Mais je dois dire que, d'après les antécédents qu'il a posés depuis vingt ans, il est difficile qu'il ne juge plus nécessaire que ces garanties doivent être inscrites dans la loi.

Ainsi, messieurs, il ne faut pas se faire illusion sur la portée de l'amendement de mon honorable ami. Je n'y vois pas et je ne pense pas que personne puisse y voir un acte de défiance euvers le gouvernement.

Certainement je ne pourrais pas l'accepter s'il avait ce caractère, mais je n'y vois que la constatation pure et simple de la nécessité qu'il y a de mettre dans la loi même les garanties que doit offrir à la liberté d'enseignement l'application de la loi de 1849 dans le sens des arrêtés organiques de 1849 et de 1850.

je me rallie à l'amendement de l'honorable M. Dechamps, si tant est que la Chambre décide qu'il faille revenir au système de 1849. Pour moi, c'est là toujours une question subsidiaire ; je continue à maintenir le système que j'ai défendu jusqu'à présent.

M. Delfosse. - M. le ministre de l'intérieur vient de faire connaître quelle est la véritable portée de l'amendement de M. Dechamps ; cette portée avait déjà été indiquée par mon honorable ami M. Frère ; chacun est donc bien averti de l'importance du vote à émettre.

Je ne puis laisser passer sans réponse ce que M. le ministre de l'intérieur vient de dire, que l'adoption de l'amendement de M. Dechamps serait l'introduction dans la loi d'une garantie en faveur de la liberté. Non, messieurs, il n'y aurait pas là une garantie en faveur de la liberté, mais bien une garantie en faveur de quatre établissements, ce qui est tout autre chose ; la liberté ne peut trouver sa garantie dans un privilège.

M. Moncheur. - Messieurs, je crois nécessaire de proposer un changement dans la rédaction à l'amendement de l'honorable M. Dechamps.

J'admettrai subsidiairement la pensée qui a dicté l'amendement de l'honorable M. de Brouckere, et je suis disposé à faire encore une épreuve du statu quo, si le système de M. de La Coste ne triomphe pas, mais en ce sens cependant que le statu quo sera amélioré par les dispositions que la Chambre prendra sur plusieurs points importants, notamment sur les matières d'examen.

Il est certain, en effet, que cette dernière amélioration aura pour conséquence possible une autre amélioration en ce qui concerne la formation du jury lui-même, à savoir : la diminution du nombre des jurés. Or, je tiens beaucoup à cette amélioration qu'on pourrait apporter dans la composition des jurys, tout en restant parfaitement dans le système des arrêtés organiques pris en exécution de la loi de 1849.

Je m'explique. Il existe actuellement une quantité trop considérable de matières sur lesquelles les récipiendaires doivent être examinés. Il est résulté de cette obligation d'interroger sur des matières très nombreuses une autre obligation, c'est celle de placer dans les jurys un nombre proportionné de professeurs ; mais dès l'instant où le nombre de matières sera réduit, et il le sera peut-être de moitié, il est évident que le nombre des jurés pourra l'être également, et qu'au lieu de nommer quatre professeurs de chaque université comme membres du jury combiné, plus le président, ce qui en élève à présent le nombre à neuf, on pourrait ne nommer que trois professeurs ou même deux professeurs comme membres du jury pour chaque université.

Il faut donc laisser, à cet égard, pleine liberté à M. le ministre de l'intérieur, et au moyen d'un mot qui serait substitué, dans l'amendement de l'honorable M. Dechamps, à un autre mot, nous arriverons à ce résultat.

Messieurs, j'ai dit que je tiens beaucoup à cette amélioration : vous entendez dire quelquefois qu'en Belgique la moitié de la population examine l'autre moitié.

C'est sans doute là le cas de dire que l'hyperbole est permise, mais il n'en est pas moins vrai que le temps que l'on condamne les professeurs à perdre en examens est énorme. La section centrale a joint à son rapport un tableau assez curieux à consulter sur cet objet.

Savez-vous quel est le nombre d'heures employées par vos savants professeurs à examiner les élèves en une année ? Ce nombre est de 16,857 heures ; c'est quelque chose comme une dizaine d'années que devrait employer un seul homme, en consacrant à ce travail 5 heures par jour. Or, c'est là un abus qui ne peut pas durer.

Ne pouvant adopter pour la composition du jury ni le système du gouvernement, ni celui de la section centrale, et pour le cas où l'amendement de l'honorable M. de La Coste ne serait pas adopté, j'admettrai, comme je l'ai dit, ce statu quo, mais je désire que M. le ministre de l'intérieur puisse appliquer à la formation des jurys les conséquences des améliorations que nous allons voter, notamment par la réduction des matières d'examen.

C'est pourquoi l'amendement de l'honorable M. Dechamps portant ceci :

« L'article 40 sera exécuté conformément aux prescriptions des arrêtés de 1849. »

Je demande qu'on remplace les mots « aux prescriptions » par ceux-ci : « au système ».De cette manière, ce sera le même système que celui qui est aujourd'hui en vigueur, qui devra être appliqué dorénavant, c'est-à-dire des jurys combinés a deux universités avec un jury central pour l'enseignement extra-universitaire ; mais M. le minisire de l'intérieur ne sera plus obligé de nommer quatre professeurs de chaque université, pas plus que le ministère de M. Rogier n'était obligé, après promulgation de la loi de 1849, de nommer quatre professeurs de chaque établissement, plutôt que trois ou que deux.

Il avait à cet égard carte blanche ; seulement l'article 40 lui faisait un devoir de donner une représentation égale aux universités de l'Etat et à l'enseignement libre. Par suite de mon amendement, M. le ministre de l'intérieur actuel se trouvera exactement dans la position où se trouvait alors M. Rogier ; il n'est pas du tout nécessaire, il n'est pas prudent que nous lui liions aujourd'hui les mains, en déclarant qu'il devrait suivre les prescriptions des arrêtés d'exécution de la loi organique de 1849, ce terme ayant une signification irop rigoureuse.

M. Rogier. — Messieurs, je voterai contre l'amendement de l'honorable M. Dechamps ; je dirai pourquoi :

Cet amendement rend une pleine et entière justice aux antécédents posés en 1849, il veut des simples mesures d'exécution, prises à cette époque, faire des dispositions législatives ; il veut consacrer, par la loi nouvelle, le système administratif suivi par le cabinet libéral. Je ne puis sous ce rapport que remercier l'honorable M. Dechamps et ses (page 545) amis de ce haut témoignage de confiance rétrospective ; mais je ne puis adopter sa proposition. Je ferai une simple question à M. le ministre de l'intérieur : Est-il bien certain que chacun des articles des anêtés royaux qu'il s'agit d'introduire dans la loi soit tellement parfait qu'ils puissent aspirer à devenir dispositions législatives. Il y a, en outre, dans ces anêtés royaux, des dispositions qui laissent au ministre de l'intérieur l'exécution de certains articles. Est-ce que la loi va consacrer les dispositions que le ministre de l'intérieur a pu prendre en vertu de cette délégation ?

Ce serait évidemment aller trop loin ; et, dans cet accès de confiance dont vous accablez l'ancienne administration, conservez au moins certains égards pour l'administration actuelle.

Comment ! vous avez devant vous un ministre dont on se plaît à reconnaître la loyauté, la franchise ! Ce ministre vous dit : J'exécuterai la loi comme elle a été exécutée par le passé ; ce système me déplaît infiniment, je le déclare détestable, il a été blâmé par tout le monde ; cependant je me dévoue, vous le voulez, je me résigne. Ne craignez rien. J'exécuterai la loi comme elle l'a été jusqu'à présent. Il existe des arrêtés royaux, j'exécuterai la loi conformément à ces pièces officielles.

Quand l'administration de 1849 a proposé la loi, elle a dit qu'elle l'exécuterait conformément à une formule plus ou moins vague développée dans l'exposé des motifs. Qu'a fait l'opposition d'alors ? Elle a accepté la promesse sur cette formule vague ; à cette formule on a fait succéder des arrêtés. M. le ministre s'engage à exécuter ces arrêtés, cela ne suffit pas à l'opposition devenue majorité ; elle semble dire : Nous n'avons pas confiance dans votre déclaration, il faut que les mesures prises par votre prédécesseur soient admises à l'honneur d'être inscrites dans la loi. C'est pousser trop loin l'approbation de l'ancienne administration, c'est pousser trop loin la défiance vis-à-vis de l'administration actuelle. Quels peuvent être les motifs de cet étrange procédé ? De deux choses l'une : ou votre amendement est inutile ou il est injurieux pour le ministère s'il n'a pas la portée que je vais vous dire.

- Un membre. - Il l'accepte.

M. Rogier. - Il l'accepte ; j'admire cette humilité poussée si loin, cependant je ne la comprends pas.

Accepter un système qu on a déclaré détestable, c'est un grand acte de modestie accepter aussi une marque de défiance de la part de ses amis, c'est un deuxième acte d'humilité, et celui-ci me passe.

La portée véritable de l'amendement de M. Dechamps, ne serait elle pas ceci ?

Introduire d'une manière détournée dans la loi ce qu'on n'est pas parvenu à y introduire directement en 1849, la reconnaissance à titre d'autorité des deux universités libres ou plutôt d'une université libre, car l’autre on en ferait bon marché, vu l'état d'interdiction où elle se trouve. Voilà ce qu'on veut.

Nous, nous ne voulons pas de cela ; ce principe a été formellement condamné dans la loi de 1849 ; si on veut le remettre en discussion, soit, discutons-le, si on veut le faire insérer dans la loi, qu'on le mette aux voix ; mais qu'on pose nettement cette question comme on l'a fait en 1849 : les universités libres seront-elles reconnues par la loi à titre d'autorité ? Mettons cela aux voix.

La Chambre se prononcera : mais vouloir atteindre ce résultat par voie détournée ou par surprise, cela n'est pas digne du parlement.

J'insiste, en terminant, sur cette observation pratique ; avant de transformer en dispositions de loi des arrêtés royaux et ministériels (et il y en a beaucoup), ne conviendrait-il pas de les examiner ? Certains de ces arrêtés n'ont-ils pas été modifies depuis 1849. Toutes ces dispositions administratives sont-elles susceptibles d'entrer dans la loi et doivent-elles rester irrévocables pour trois ans ?

Or, il y a beaucoup de détails qui ne sont pas du ressort législatif, détails d’administration dans lesquels il peut y avoir lieu d'introduire fréquemment des changements.

Avant de se rallier définitivement à l'amendement, je prie M. le ministre de revoir les arrêtés de 1849 et ceux qui ont été pris postérieurement ; ce n'est qu'alors qu'il pourrait apprécier, au point de vue pratique, la portée de l'amendement de M. Dechamps.

Quant à moi, je voterai l'amendement de M. de Brouckere qui est le maintien du système actuel dans sa généralité ; mais je m'opposerai à ce qu'une centaine de dispositions réglementaires que je n'ai pas sous les yeux soient converties par improvisation en articles de lois.

M. Devaux. - Il me semble qu'on est bien près d'être d'accord sur le fond. On veut la continuation du système actuel.

- Plusieurs voix. - Non ! non ! subsidiairement.

M. Devaux. - Je dis qu'on veut des deux côtés de cette Chambre, par la proposition de M. de Brouckere, sous-amendée par M. Dechamps, arriver à la continuation du système actuel. Les partisans de la proposition de M. de Brouckere, comme les partisans de la proposition de M. Dechamps, veulent cette continuation ; c'est sur la rédaction que porte le dissentiment ? M. Dechamps et plusieurs membres du même côté de la Chambre veulent qu'il soit dit dans la loi que le système du jury combiné sera continué.

De ce côté, on veut la même chose: mais on ne veut pas que cela soit dit dans les termes proposés par M. Dechamps, parce qu'on ne veut pas que des établissements déterminés reçoivent un privilège de la loi ; et c'est le faire, que de dire que des arrêtés administratifs où ces établissements sont appelés nominativement à' composer une partie du jury seront censés faire partie de la loi.

Puisqu'on veut la même chose, n'est-il pas facile de trouver une rédaction qui satisfasse tout le monde ? Comme dit l'honorable M. Rogier, nous n'avons plus sous les yeux les arrêtés dont parle l'amendement de M. Dechamps, nous ne savons pas même s'ils n'ont pas été modifiés, ni en tout cas, si tout ce qu'ils contiennent peut être immobilisé par la loi. Ce n'est pas là non plus ce que M. Dechamps a en vue ; il lui suffit de maintenir la composition actuelle du jury.

Or, on peut très bien maintenir ce système de composition sans nommer les établissements ou sans citer les arrêtés qui les nomment. Il n'y aurait qu'à dire que l'article 40, dont parle l'honorable M. de Brouckère continuera d'être appliqué, suivant les règles générales observées jusqu'à présent.

C'est la même chose au fond ; mais aucun établissement ne figurera nominalement dans la loi et il n'y aura de privilège exclusif pour personne ; car si un cinquième et un sixième établissement universitaire viennent à se former, les mêmes règles leur seront applicables.

Dans une matière aussi difficile, quand on est près de s'entendre, ne nous obstinons pas au sujet d'une rédaction. Quand il y en a une qui nous réunit, ne lui préférons, ni d'un côté ni de l'autre, celle qui nous divise.

Il y a assez de circonstances où la lutlt est inévitable. Dispensons-nous-en là où, sur le fond des choses, nous sommes d'accord.

Je propose donc de dire : « L'art. 40 de la loi du 15 juillet 4849 est prorogé pour trois ans, et continuera d'être exécuté conformément aux. règles générales suivies jusqu'à ce jour. »

(page 548) C'est la même chose.

J'ai à faire une seule observation qu'on semble avoir perdu de vue, c'est que je n'ai proposé mon amendement que subsidiairemeut, et que M. le ministre de l'iuiéiieur ne l'accepte que subsidiairement.

M. le ministre de l'intérieur a un système qu'il préfère, comme j'en ai un que je préfère.

L'honorable M. Rogier a voulu faire de mon amendement un acte de défiance vis à-vis du ministère. Ce reproche n'est pas sérieux. Il ne s’agit pas de confiance envers tel ou tel ministre, mais d'un principe que nous avons défendu à toutes les époques.

Il y a un peu d'enfantillage dans tout ceci. Plusieurs cherchent une rédaction qui cache leur pensée. Ainsi l'on est d'accord pour vouloir une égale représentation des établissements dans le jury et un jury spécial pour les études privées. J'ai voulu insérer cette garantie dans la loi, comme l'honorable M. de Brouckère l'a voulu en 1849. Que l'on adopte l'une ou l'autre rédaction, peu m'importe. Mais puisque je me suis rallié à l'amendement de l'honorable M. Moncheur, qui porte que (page 549) la loi sera appliquée d'après le système d'organisation du jury tel qu'elle a été appliquée jusqu'à présent, il me semble que je puis me rallier à l'amendement de l'honorable M. Devaux qui porte que la loi sera appliquée d'après les règles qui ont été suivies jusqu'à ce jour, ce qui revient exactement au même.

Pour moi j'entends par cet amendement que l'on appliquera le système des jurys combinés et du jury spécial, sauf à laisser au gouvernement le soin des détails d'organisation.

Ce que je trouvais un enfantillage, c'était de dire au gouvernement : Vous êtes libre de faire sous votre responsabilité ce que vous voudrez ; tandis que ce qu'on pensait c'était : Vous ferez ce qui nous convient ; C'était un enfantillage ; c'était un mensonge de rédaction. Je veux une chose sérieuse, une rédaction qui rende notre pensée. Mais qu'on la rende dans les termes de l'amendement de l'honorable M. Devaux ou dans d'autres, c'est exactement la même chose. Le but est atteint avec l'une comme avec l'autre rédaction. Mais, je le répète, il ne s'agit pas d'une question de confiance.

S'il s'agissait d'une question de confiance envers mon honorable ami, M. le ministre de l'intérieur, je lui dirais: Organisez les jurys d'examen comme bon vous semble. Je suis sûr que l'organisation concilierait la liberté et l'intérêt de la science. Mais il a dit lui-même : c'est d'un principe qu'il s'agit et non de ministres qui passent.

L'opposition veut-elle garantir l'existence du ministère, pendant ces trois années d'essais que nous voulons faire ?

M. Frère-Orban. - Cela dépend de la majorité.

M. Dechamps. - Je crois que cela dépend plutôt de l'opposition que de la majorité.

(page 545) - La discussion générale est close.

Discussion des questions de principe

M. de Naeyer. - La Chambre veut-elle résoudre maintenant des questions de principe ?

M. Dumortier. - Abordons les articles.

M. Frère-Orban. - C’est impossible.

M. Delfosse. - La question la plus importante est celle du jury, c'est sur cette question que la discussion générale a principalement porté, c'est elle qu'il faut d'abord mettre aux voix, si l'ou ne veut perdre le fruit de la discussion qui vient d'être close ; la Chambre est préparée à ce vote, bien mieux qu'elle ne le serait lorsque nous arriverons à l'article 28.

M. Dumortier. - Je ne puis partager l'opinion de l'honorable préopinant. Il est certain que si plusieurs membres considèrent la question du mode de composition des jurys comme la principale, il en est un grand nombre qui attachent plus d'importance à la question de la simplification des matières. Or, permettez-moi de vous faire remarquer que, si les matières d'examen sont simplifiées, comme tout le monde paraît d'accord pour l'admettre, il est évident que vous aurex à simplifier votre jury en conséquence de la simplification de vos matières d'examen, d'où il résulte que la première chose à faire, c'est d'examiner d'abord ce que vous admettrez pour matières d'examen. Car dans tel système d'examen votre jury doit être composé de peu de membres, tandis que dans tel autre ie jury doit être composé d'un grand nombre de membres.

Votre jury doit donc être la conséquence logique de la réglementation des matières d'examen. Pour ma part, je crois qu'il n'y a qu'une chose à faire, c'est de suivre purement et simplement le projet de loi teL qu'il a été présenté.

Messieurs, je dois faire une autre observation. J'ai entendu, dans toute cette séance, les orateurs représenter l'assemblée comme étant parfaitement d'accord sur la proposition de l'honorable M. de Brouckère tendante à maintenir les jurys combinés pour trois ans. Quant à moi, je regarde les jurys combines comme la plus fâcheuse de toutes les créations possibles.

M. de Naeyer. - Il s'agit de la position de la question.

M. Dumortier. - C'est pour cela, M. le président, que je parle.

Je crois donc qu'il est impossible de mettre aux voix la question de la composition du jury avant d avoir décide celle des matières d’examen. Je demande qu'on aborde l’examen des articles et qu'on les discute, conformément au règlement, dans l'ordre où ils nous ont été présentés.

M. le ministre de l'intérieur (M. Dedecker). - Il me semble qu'il n'y a qu'une voie que nous puissions suivre d'une manière logique et utile.

Nous avons eu jusqu’à présent une discussion générale tres embrouillée, il faut bien le dire, et très laborieuse. Cette discussion a porté sur deux questions principales, qui dominent toute la discussion de la loi sur la formation des jurys ; c'est la simplification des matières et c'est l'organisation des jurys.

Il me semble qu'à moins de perdre complètement le fruit de cette discussion, il faut que, par des votes successifs, nous arrivions à une conclusion sur ces deux questions générales.

Cela est tellement vrai, que si l'on suivait l'ordre indiqué par l'honorable M. Dumortier, si l'on abordait les articles, il nous serait impossible d'examiner et de voter les articles qui précèdent l'article 28 (page 546) relatif à la formation des jurys, sans être dans une véritable impasse. Ainsi avant d'arriver à l'article 28, il y a au moins dix ou douze articles dont la rédaction est subordonnée à l'adoption préalable d'un système pour la formation du jury.

On pourrait, me paraît-il, voter d'abord sur l'organisation des jurys. (Adhésion.)

M. de Naeyer. - La parole est à M. Orts.

M. Orts. - Je voulais faire quelques-unes des observations de M. le ministre de l'intérieur, je ne les réproduirai pas, car elles paraissent avoir l'assentiment à peu près complet de la Chambre. Mais je crois qu'en suivant cette marche, la première proposition à mettre aux voix est l'amendement de l'honorable M. de Brouckere, sous-amendé par l'honorable M. Devaux. Car si la majorité est d'avis de continuer l'expérience actuelle pendant trois ans, il est inutile de discuter d'autres systèmes. Ce serait donc la marche qui abrégerait le plus les travaux de la Chambre.

On ne peut, d'ailleurs, se dissimuler que cet amendement a certaines chances de succès. Il a été défendu par plusieurs membres de cette Chambre, il a fait l'objet de sous-amendements que l'on ne propose ordinairement que pour les dispositions que l'on croit devoir être admises.

M. Lebeau. - Il me semble qu'il est difficile de répondre aux observations combinées de M. le ministre de l'intérieur et de l'honorable M. Orts. Je n'ai rien à y ajouter, tant elles me paraissent évidentes.

M. de Naeyer. - On paraît d'accord pour procéder par questions de principes. Il s'agit de savoir si l'on commencera par la question de la composition du jury ou par celle des certificats.

- Plusieurs membres. - Par la composition du jury.

M. de Naeyer. - Dans ce cas la Chambre a à décider quel est l'amendement qui doit le premier être mis aux voix.

M. de Theux, rapporteur. Si nous voulons suivre le règlement, il n'y a qu'une manière de procéder, c'est de mettre d'abord aux voix la proposition qui s'éloigne le plus de la législation en vigueur. Eh bien, c'est celle de l'honorable comte de Mérode. Après celle de l'honorable comte de Mérode, doit venir celle de l'honorable M. de La Coste et en voici les motifs.

Ce que propose l'honorable M. de Brouckere, c'est le maintien de la législation actuelle avec un sous-amendement. L'amendement de l’honorable M. de La Coste doit donc d'abord être mis aux voix et ensuite celui de l'honorable M. de Brouckere. Si l'amendement de l'honorable M. de Brouckere n'est pas adopté, viendra le système de la section centrale.

Il est évident que les amendements qui s'éloignent le plus de la législation en vigueur sont d'abord celui de l'honorable comte de Mérode et ensuite celui de l'honorable M. de La Coste. Car l'amendement de l'honorable M. de La Coste s'éloigne beaucoup plus de la législation actuelle que la proposition de l'honorable M. de Brouckere qui maintient cette législation, sauf quant au sous-amendement de M. Devaux.

- La Chambre décide qu'elle votera d'abord sur le système de M. de Mérode et ensuite sur celui de M. de la Coste.


Le système de M. de Mérode est mis aux voix par assis et levé ; il n'est pas adopté.

Le système proposé par M. de La Coste est mis aux voix par appel nominal.

94 membres répondent à l'appel nominal.

2 s'abstiennent.

37 votent l’adoption.

55 votent le rejet.

En conséquence, le système de M. de La Coste n'est pas adopté.

Ont voté l'adoption : MM. de Pitteurs-Hiegaerts, de Portemont, de Ruddere de Te Lokeren, de Sécus, Desmaisières, Desmet, de Theux, de T'Serclaes, Dumortier, Janssens, Julliot, Lambin, Landeloos, le Bailly de Tilleghem ; Licol de Nismes, Magherman, Malou, Moncheur, Osy, Rodenbach, Tack, Thienpont, Van den Branden de Reeth, Van Goethem, Van Tilleghem, Wasseige, Boulez, de Brouwer de Hogendorp, Dechamps, de Haerne, de Kerchove, de La Coste, de Liedekerke, Della Faille, de Man d'Attenrode, F. de Mérode et de Muelenaere.

Ont voté le rejet : MM de Renesse, de Steenhault, Devaux, Dumon, Frère-Orban, Goblet, Grosfils, Jacques, Jouret, Lange, Laubry, Lebeau, Lelièvre, Lesoinne, Maertens, Mascart, Mercier, Moreau, Orts, Prévinaire, Rogier, Rousselle, Sinave, Tesch, Thiéfry, T'Kint de Naeyer, Van Cromphaut, Vandenpeereboom, Vander Donckt, Van Iseghem, Van Overloop, Verhaegen, Vermeire, Veydt, Vilain XIIII, Wautelet, Allard, Ansiau, Anspach, Brixhe, Calmeyn, Crombez, Coppieters 't Wallant, Dautrebande, David, de Baillet-Latour, de Breyne, de Bronckart, de Brouckere, Dedecker, de Lexhy, Dclfosse, de Moor, de Paul et de Perceval.

Se sont abstenus : MM. Coomans et de Naeyer.

M. Coomans. - Messieurs, je n'ai pas voté pour l'amendement, parce qu'il ne répond pas entièrement à mes idées ; mais je ne l'ai pas rejeté, de crainte de pis.

M. de Naeyer. - Je me suis abstenu pour les mêmes motifs que M. Coomans.

Nous avons maintenant l'amendement de M. de Brouckere, sous-amendé par MM. Dechamps et Moncheur et par M. Devaux.

M. de Brouckere. - Je me rallie au sous-amendement de-M. Devaux.

M. Dechamps. - Je m'y rallie également.

M. Frère-Orban. - Il s'agit donc de mettre aux voix l'amendement de M. de Brouckere sous-amendé par M. Devaux. Je dois expliquer mon vote, qui sera négatif.

Je repousse absolument le maintien du système actuel proposé par M. de Brouckere, mais je ne vote pas contre l'interprétation donnée par M. Devaux, qui réserve le principe.

M. de Theux. - Je pense, messieurs, qu'il est bien entendu qu'on met simultanément aux voix l'amendement de M. de Brouckere et le sous-amendement de M. Devaux. L'honorable M. Frère-Orban dit que ce sous-amendement réserve le principe ; il me semble, au contraire, que le sous-amendement de M. Devaux a pour effet de faire insérer dans la loi les garanties que l'enseignement libre trouvait dans les arrêtés organiques de 1849 et 1850.

M. Frère-Orban. - Ce que je n'ai pas voulu, c'est que les établissements privés fussent désignés dans la loi.

- L'amendement de M. de Brouckere, sous-amendé par M. Devaux, est mis aux voix par appel nominal.

93 membres sont présents.

51 adoptent.

38 rejettent.

4 s'abstiennent.

En conséquence, l'amendement est adopté.

Ont voté l'adoption : MM. de Pitteurs-Hiegaerts, de Portemont, de Ruddere de Te Lokeren, de Sécus, Desmaisières, de Steenhault, de Theux, Devaux, Goblet, Jouret, Lambin, Landeloos, Lange, Laubry, Lebeau, Lelièvre, Maertens, Magherman, Mascart, Moncheur, Orts, Prévinaire, Rogier,. Sinave, Tesch, Thiéfry, T'Kint de Naeyer, Vanden Branden de Reeth,. Vandenpeereboom, Van Goethem, Van Iseghem, Van Tieghem, Verhaegen, Vermeire, Veydt, Ansiau, Anspach, Brixhe, Coppieters 't Wallant, Dautrebande, de Baillet-Latour, de Breyne, de Brouckere, de Brouwer de Hogendorp, Dechamps, de Haerne, de La Coste, de Man d'Attenrode, de Moor, de Paul et de Perceval.

Ont voté le rejet : MM. de T’Serclaes, Dumon, Dumortier, Frère-Orban, Grosfils, Jacques, Janssens, Julliot, le Bailly de Tilleghem, Lesoinne, Licot de Nismes, Malou, Mercier, Moreau, Osy, Rodenbach, Rousselle, Tack, Thienpont, Van Cromphaut, Vander Donckt, Van Overloop, Van Renynghe, Vilain XIIII, Wasseige, Wautelet, Allard, Boulez, Calmeyn, Coomans. Crombez, David, de Bronckart, Dedecker, Delfosse, de Liedekerke, Della Faille et de Naeyer.

Se sont abstenus : MM. de Renesse, de Lexhy, F. de Mérode et de Muelenaere.

M. de Renesse. - Messieurs, étant partisan d'une loi définitive sur le jury d'examen, j'eusse voté de préférence pour le jury professionnel, avec la faculté aux divers établissements d'instruction supérieure, de conférer les grades intermédiaires ; mais ce système n'ayant pas été formulé en proposition formelle, je crois devoir m'abstenir sur l'amendement de notre honorable collègue et ami M. de Brouckere, qui, en prorogeant l'article 40 de la loi du 15 juillet 1849 pendant trois ans, maintient un provisoire contre lequel le corps professionnel n'a cessé de réclamer, et qui semble être préjudiciable aux bonnes et fortes études ; je n'ai cependant pas voulu voter contre cette proposition, parce qu'en modifiant certaines dispositions de la loi de 1849, on parviendrait peut-être à l'améliorer.

M. de Lexhy.- Je me suis abstenu afin de pouvoir protester contre les tendances que révèlent les commentaires fournis par l'honorable M. Dechamps, et je me félicite que les principes aient été réservés par mes amis politiques. Je me suis abstenu, en outre, par les motifs énoncés par l'honorable comte de Renesse.

M. F. de Mérode. - Je me suis abstenu par les motifs que j'ai exposés dans le cours de la discussion.

M. de Muelenaere. - D'après moi, messieurs, le système actuel présente de graves inconvénients et dès lors il m'était impossible d'en voter le maintien ; mais, d'un autre côté, je n'ai pu en voter la suppression, parce que je ne savais pas ce qu'on pourrait y substituer.


M. de Naeyer. - La Chambre veut elle maintenant aborder la question des certificats ?

M. de Theux. - Messieurs, la question des certificats est complexe. Je crois que quant aux matières de l'examen universitaire il n'y aura guère de dissentiment ; quant aux certificats qui concernent les études moyennes, la section centrale les a admis à la majorité de cinq voix contre_deux.

(page 547) Je pense qu'il faudrait discuter, en premier lieu, la question des épreuves préparatoires.

M. de Naeyer. - Il ne s'agit pas en ce moment des certificats dispensant des épreuves préparatoires, il s'agit des certificats remplaçant pour certaines matières l'examen devant le jury.

La Chambre veut-elle se prononcer sur la question de savoir si on admettra, pour la collation des grades académiques, des certificats en remplacement de l'examen sur certaines matières, devant le jury ?

- Plusieurs membres. - Cela doit être discuté.

M. Verhaegen. - Messieurs, cette question n'a pas été discutée jusqu'ici. D'ailleurs elle ne peut pas être posée d'une manière vague, il faut savoir avant tout quelles sont les matières pour lesquelles on remplacerait l'examen par des certificats. Une fois que nous connaîtrons les matières, nous pourrons alors en connaissance de cause nous prononcer sur la question des certificats.

M. de Haerne. - C'est une matière très compliquée ; il a, d'ailleurs, été entendu qu'il y aurait une discussion spéciale sur cette matière.

M. de Theux. - Il faut évidemment se prononcer sur le projet même de la section centrale et suivre l'ordre des articles ; il ne nous servirait de rien de voter maintenant sur une question de principe.

M. Devaux. - Si vous suivez les articles, il n'en faudra pas moins, avant de dire quelles matières feront l'objet de certificats, décider s'il y aura des certificats. Si des membres trouvent que la matière n'a pas été suffisamment discutée, je ne m'oppose pas à ce qu'elle fasse l'objet d'un débat spécial ; mais qu'on en finisse avec la question des certificats.

M. Orts. - Messieurs, je crois que l'ordre de discussion que la Chambre devrait suivre est celui-ci. Il faudrait examiner tout d'abord si l'on maintiendra la suppression du grade d'élève universitaire, ou s'il y aura une épreuve qui remplacera l'examen d'élève universitaire. Il faut en effet savoir si on exigera des justifications de capacité avant d'entrer à l'université, pour pouvoir décider ensuite quelles seront les matières comprises dans l'examen de candidat en philosophie et lettres. Si le grade d'élève universitaire est rétabli, nons pourrons débarrasser l'examen de candidat en philosophie et lettres de plusieurs matières ; si, au contraire, le grade d'élève universitaire est définitivement supprimé, il faudra nécessairement alors renforcer les cours de la candidature en philosophie et lettres et rendre l'examen de candidat en philosophie plus compliqué et plus sérieux. Ce n'est que de cette matière que nous pourrons procéder logiquement. Nous aurons ensuite à faire la même besogne pour les autres facultés.

M. Lelièvre. - Je pense que ce que nous pouvons faire de mieux, c'est d'aborder l'examen des articles. Déjà à l'article 2 se présente la question de savoir s'il y a lieu de rétablir le grade d'élève universitaire. Le point concernant les certificats pourra être discuté lors de l'examen de chacune des dispositions auxquelles se réfèrent les propositions faites à cet égard par la section centrale. Telle est la voie qui me semble la plus rationnelle.

M. Orts. - Je le répète, je demande que la Chambre se prononce sur la question de savoir si l'examen d'élève universitaire sera définitivement supprimé, ou s'il y aura une nouvelle épreuve correspondante à cet examen ; car vous ne pouvez pas organiser l'enseignement.supérieur avant d'avoir décidé ce que l'élève devra connaître pour pouvoir y entrer.

M. Devaux. - Messieurs, puisque la discussion est si avancée et qu'elle a porté sur deux questions de principe, celle du jury et celle des certificats, il faudrait vider ces deux questions avant d'aborder les questions spéciales.

La question relative au grade d'élève universitaire est toute spéciale et en quelque sorte toute séparée dans cette loi-ci. Il s'agit là d'enseignement moyen, et par conséquent d'un tout autre ordre d'idées que celles qui nous occupent depuis huit jours et qui se rapportent toutes à l'enseignement supérieur ; décidons la question des certificats.

Je ne demande pas, si on ne se croit pas assez éclairé, qu'on la tranche immédiatement ; mais seulement qu'on ne passe pas à une autre matière.

L'honorable M. Orts dit qu'il faut décider quelles seront les matières de l'enseignement moyen, avant de déterminer quelles seront celles de l'enseignement supérieur. Mais lui-même propose de reporter à l'enseignement moyen les matières qu'on trouverait de trop dans les examens de l'enseignement supérieur. Pour cela il faut donc bien décider d'abord les matières qu'il y a de trop dans ces derniers examens.

Décidons donc ce que nous discutons depuis huit jours ; sauf, si on a besoin de nouvelles lumières encore, à prolonger la discussion avant le vote. Mais ne passons pas à un autre objet tout différent. Sinon tout ce qui a été dit déjà aura été perdu.

M. Verhaegen. - Messieurs, je ne comprends pas comment on pourrait discuter la question de savoir s'il y aura des certificats, avant qu'on sache quelles seront les matières exigées pour les examens. Il est très possible qu'à la suite de la discussion qui aura lieu sur les matières d'examen, on vienne à décider que telle ou telle matière est inutile et qu'on la retranche des examens ; une fois qu'elle sera retranchée, il ne faudra plus de certificats.

Je l'ai déjà dit, en parlant des certificats ; de deux choses l'une : ou bien telle matière est inutile, ou elle est utile ; si elle est inutile, il faut la retrancher de l'examen ; si elle est utile, il faut l'y maintenir,Voilà le raisonnement que nous avons fait en parlant des certificats.

N'est-il donc pas nécessaire de commencer par rechercher quelles seront les matières qui devront faire l'objet des études ? Cela fait, vous déciderez si, pour telle matière maintenue, vous vous contenterez du certificat.

Pour le moment la question de savoir si vous admettrez des certificats est toute spéculative ; vous devez commencer par décider quelles seront les matières qui seront maintenues dans le programme des études dont on devra justifier.

M. de Theux, rapporteur. - La question des certificats n'a guère été discutée jusqu'à présent, elle a été présentée d'une manière complexe, car elle a été subordonnée à la question de la diminution des matières d'enseignement. Nous ouvrirons demain la discussion sur l'article 2, qui comprend l'épreuve préparatoire ; en votant sur cet article on saura ce que l'on vote. Cette manière usitée de procéder est préférable à aller chercher dans la loi un certain nombre de dispositions pour en faire l'objet d'une question de principe.

D'après le règlement, il doit y avoir une discussion générale et une discussion des articles ; quand on aborde la discussion des articles, si un article donne lieu à la position d'une question de principe, on la met aux voix, mais on suit dans la discussion et le vote l'ordre des articles.

M. Devaux. - L'honorable M. de Theux veut qu'on discute d'abord la question du grade d'élève universitaire, parce que là aussi il s'agit de certificats ; mais ces certificats-là n'ont rien de commun avec les autres. Cela est si vrai que dans le projet même, rédigé par M. de Theux, comme rapporteur, ils sont régis par des dispositions toutes différentes et que dans le sein de la section centrale ceux mêmes qui ont mis en avant les premiers l'idée des certificats, dont nous nous occupons depuis dix jours, ont combattu les certificats dont il s'agit pour l'enseignement moyen.

Si vous voulez vous jeter dans l'enseignement moyen, c'est un désordre que vous introduisez dans la discussion.

Depuis dix jours on discute la question de la composition des jurys et celle des certificats ; si cette discussion n'a pas été suffisante, continuons-la, mais n'en intercalons pas d'autres qui peuvent nous arrêter longtemps, et ne nécessitons pas le renouvellement de toute la discussion qui a eu lieu.

L'honorable M. de Theux a hâte d'arriver à la discussion de l'examen d'élève universitaire ; qu'il soit tranquille, elle ne lui échappera pas ; il l'aura bien aussi longue qu'il la désire.

Messieurs, je n'ai d'autre but que de maintenir l'ordre dans la discussion et de l'empêcher de s'éterniser ou de tomber dans la confusion. Je ne cesse de faire des efforts dans ce sens. C'est dans cette intention que j'ai fait, il y a plusieurs jours, la proposition, appuyée par M. de Theux lui-même et adoptée par la Chambre, de discuter avant tout deux principes, celui de la composition du jury et celui des certificats.

Dans cette prévision, nous avons discuté ces deux questions ; à quoi peut-il être utile d'intercaler dans l'examen de la dernière des deux, alors que la discussion en est déjà si avancée, des débats d'une nature toute différente ? Quel avantage peut il y avoir à cet amalgame ?

Permettez-moi de le dire, la Chambre n'a pas depuis longtemps fait de loi organique, elle n'a plus l'habitude de la discussion de ces lois. Il en est auxquelles nous avons travaillé deux et trois mois, je voudrais nous épargner un pareil labeur ; pour cela il faut beaucoup d'ordre.

N'oublions pas que nous sommes, pour faire de pareilles lois, dans des circonstances très difficiles.

Quand nous avons fait celle de 1849, la situation offrait beaucoup moins de difficulté ; à cette époque le gouvernement était d'accord avec la section centrale : la section centrale avait une majorité décidée, dont le rapporteur défendait sans hésitation les conclusions et qui elle-même avait été élue par une majorité très prononcee dans les sections. Aujourd'hui, le ministère et la section centrale ne sont pas d'accord.

Dans la section centrale la majorité est flottante. Le rapporteur défend plutôt ses propres opinions que celles de cette majorité ; et dans la Chambre elle-même, toute majorité dépend d'un petit nombre de voix. Si nous ne montrons pas un peu de bon vouloir de part et d'autre, pour ne pas laisser les débats s'égarer, il est impossible, dans une pareille situation, que la discussion d'une loi organique aussi difficile aboutisse à un résultat raisonnable.

M. de Theux, rapporteur. - Si je n'ai pas défendu l'organisation des jurys, proposée par la section centrale, c'est qu'il n'y avait pas un seul membre qui l'avait proposée comme l'expression de son opinion personnelle ; elle a été votée comme pis aller, comme thème à discussion. Ceux qui ont voté ce projet avaient proposé un jury spécial pour les études privées. Moi qui avais combattu et voté contre l'amendement de la section centrale, j'aurais joué un rôle ridicule en venant le défendre ici. Quant au grade d'élève universitaire, je suis de l'avis de la majorité, et quant aux certificats, quelque décision que prenne la Chambre, elle n'empêchera pas.la discussion sur la question relative aux élèves universitaires.

Je défendrai la suppression du grade d'élève universitaire comme la Chambre l'a votée.

(page 548) M. de Naeyer. - Je vais consulter la Chambre sur la question de savoir si elle abordera immédiatement l'examen des articles du projet de loi ou si elle continuera la discussion sur la question des certificats.

- La Chambre, consultée, décide qu'elle abordera l'examen des articles du projet de loi.

La séance est levée à quatre heures et trois quarts.