(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1856-1857)
(Présidence de M. de Naeyer, premier vice-président.)
(page 497) M. Crombez procède à l'appel nominal à 2 heures et quart.
M. Tack donne lecture du procès-verbal de la séance du 17 janvier.
- La rédaction en est approuvée.
M. Crombez présente l'analyse des pétitions adressées à la Chambre.
« La Chambre de commerce et des fabriques d'Anvers demande la construction, soit aux frais de l'Etat, soit par voie de concession, d'une seconde ligne de chemin de fer d'Anvers vers l'Allemagne. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Plusieurs habitants de Heule demandent que tous les notaires puissent instrumenter dans leur arrondissement judiciaire. »
- Même renvoi.
« Le sieur De Valex, capitaine pensionné, décoré de la croix de Fer, demande d'être admis à participer au fonds alloué en faveur des décorés de la croix de Fer. »
- Même renvoi.
« Plusieurs juges de paix dans l'arrondissement de Tongres prient la Chambre d'améliorer leur position. »
- Renvoi à la commission chargée de l'examen du projet de loi sur l'organisation judiciaire.
« Les membres du conseil communal de Flamierge demandent que la compagnie concessionnaire du chemin de fer du Luxembourg établisse une station à Marloye, et que le gouvernement construise une route de raccordement entre le pont de Martin et le village de Jemeppe. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Deprez, teneur de livres, combattant de la révolution, demande une récompense nationale. »
- Même renvoi.
« Le sieur André Weinandy, propriétaire et cultivateur à Bourcy, né à Noertrange (grand-duché de Luxembourg), demande la naturalisation ordinaire. »
-Renvoi au ministre de la justice.
« Le sieur Leblanc réclame l'intervention de la Chambre pour que la fabrique de l'église de Nives soit contrainte à exécuter une condamnation prononcée contre elle. »
- Sur la proposition de M. de Moor, renvoi à la Commission des pétitions avec prière de faire un prompt rapport.
« Des habitants de Haelen appellent l'attention de la Chambre sur la situation que font à l'agriculture les droits sur les houilles et sur les fontes. »
« Mêmes observations d'habitants de Dour, Lorée, Gagés, Everberg, Kain, Leerne, Popuelles, Louveigné, Winenne, Autre-Eglise, Thieulain, Ophain-Bois-Seigneur-Isaac, Folx-lez-Caves, Saint-Léger, Thines, Thieu, Stabroeck, Vance, Hemptinne, Ensival, Huppaye, Otrange, Bastogne, Assenois, Croix-lez-Rouveroy, Pepinster, Couckelaere, Blaugies, Glabais, Grand-Metz, Jodoigne, Liège, Aerseele, Ecaussinnes-d'Enghien, Pousset, Longueville, Rochefort, du conseil communal de Bassange et des comices agricoles de Couvin et de Bruges. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi portant révision du tarif des douanes.
« Par dépêche du 16 janvier, M. le ministre de la justice transmet à la Chambre, avec les pièces de l'instruction, la demande de naturalisation ordinaire du sieur Galesloot. »
- Renvoi à la commission des naturalisations.
« II est fait hommage à la Chambre par M. F. Dupont, (page 498) de 110 exemplaires d'un mémoire qu'il vient de publier pour la défense du travail national. »
- Distribution aux membres de la Chambre et dépôt à la bibliothèque.
M. Thiéfry (pour une motion d'ordre). - Messieurs, les Annales parlementaires renferment trois erreurs. Il y a à l’article 15 une somme de 803,143 francs 15 c. On a oublié d’en déduire la somme de 1,063 fr. 50 c., montant du prix des fourrages demandés pour les médecins. Le crédit doit donc être réduit à 802,106 fr. 65 c.
A l'article 22 « pain », on a fait une erreur en sens contraire, le chiffre n'est que de 1,911,062 fr. 24 c. ; on a omis la demande de crédit supplémentaire en raison de la cherté des subsistances. Ce crédit est de 358,324 fr. 17 c. Le chiffre de l'art. 22 doit donc être de 2,269,386 fr. 41 c.
A l'article fourrages on a également oublié de faire figurer la somme demandée comme crédit supplémentaire, s'élevant à 454,227 fr. 90 c., de manière que le crédit qui, dans les Annales parlementaires est de 3,017,000 fr. doit être de 3,471,227 fr. 90 c.
Je pense qu'on ferait bien de réimprimer la feuille des Annales qui contient ces erreurs.
M. Delfosse. - Une rectification suffit. Il est inutile de réimprimer la page.
M. de Naeyer. - Je ferai remarquer que le procès-verbal a été rédigé conformément aux rectifications de M. Thiéfry.
M. le ministre de la guerre (M. Greindl). - Je ne m'oppose pas à la proposition de l'honorable M. Thiéfry. J'avoue, du reste, que je n'ai pas vérifié les chiffres figurant aux Annales parlementaires. Après l'adoption du budget, il sera imprimé, conformément aux décisions de la Chambre et tout sera dit.
M. de Naeyer. - M. Thiéfry demande- t-il une rectification au procès-verbal ?
M. Thiéfry. - Non, il est exact.
M. de Naeyer. - Je pense que l'observation de M. Thiéfry suffit pour redresser l'erreur qui existe dans les Annales parlementaires.
- Plusieurs membres. - C'est cela.
« Art. 30. Traitements divers et honoraires : fr. 147,500. »
- Adopté.
« Art. 31. Frais de représentation : fr. 30,000. »
- Adopté.
« Art. 32. Pensions et secours : fr. 67,185 18 c. »
- Adopté.
« Art. 33. Dépenses imprévues : fr. 98,694 53 c. »
- Adopté.
« (La partie disponible du crédit porté à l'article 33 pourra être transférée, par des arrêtés royaux, à d'autres articles du même budget, si des circonstances éventuelles rendaient insuffisants les crédits alloués pour ceux-ci). »
- La section centrale propose la suppression de cette note.
M. le ministre de la guerre (M. Greindl). - Messieurs, je ne puis pas accepter l'amendement de la section centrale.
Je me permettrai de faire observer que le motif pour lequel je crois devoir m'opposer à l'adoption de cet amendement, c'est qu'il détruirait complètement l'économie du budget.
En effet, messieurs, en 1855, lorsque à la suite du travail de la grande commission mixte, différentes parties de l'armée ont été complètement modifiées, on crut inutile de majorer certains articles du budget, tels sont entre autres ceux qui ont pour objet le service pharmaceutique, la nourriture des malades, l'école militaire, les frais de route et de séjour pour les officiers, les transports généraux, le chauffage et l'éclairage des corps de garde, les honoraires d'avocats et les pensions temporaires. On a cru alors qu'au moyen de l'article dépenses imprévues, élastique par sa nature et permettant des transferts, on pourrait pourvoir à toutes les éventualités.
Les différents articles que je viens de citer ont été fixés au minimum de la dépense habituelle ; si l'on n'avait pas la ressource d'opérer des transferts au moyen des dépenses imprévues, il aurait fallu majorer tous ces articles, de manière à prévoir toutes les éventualités.
Je ne citerai qu'un ou deux exemples pour ménager les moments précieux de l'assemblée qui m'écoute.
Dans le courant de l'année 1856, la cherté excessive des vivres m'a forcé d'accorder un crédit supplémentaire de 12,000- francs à l'école militaire ; si je n'avais pas eu la faculté de faire usage de l'article des dépenses imprévues, j'aurais été dans l'obligation absolue de renvoyer les élèves de l'école militaire, faute de pouvoir les nourrir.
C'est là certes un grave inconvénient, qu'on ne pourrait prévenir, en l'absence de la faculté laissée jusqu'ici au gouvernement, qu'en majorant le crédit proposé pour l'école militaire.
Mais en donnant à chaque article du budget tout le développement que des circonstances particulières pourraient amener dans le courant de l'exercice, on tomberait dans un inconvénient qui s'est déjà produit. En faisant le relevé des allocations et des dépenses faites pendant un certain nombre d'exercices, j'ai trouvé qu'une somme de 12,221,009 fr. 95 centimes était restée dans les caisses du trésor. Je sais qu'au point de vue financier, c'est un mince inconvénient de ne pas avoir dépensé les crédits alloués ; il n'en est pas moins vrai que lorsque ce fait se présente dans des proportions exagérées, il peut en résulter des appréciations tout à fait inexactes.
La position dans laquelle on me mettrait, en refusant la faculté d'opérer des transferts au moyen de l'article 33, m'obligerait à présenter un budget supplémentaire dans lequel la plupart des articles seraient majorés.
Dans le courant de l'année dernière, faisant droit à de justes réclamations, et disloquant l'armée d'une manière plus en harmonie avec la situation pacifique de l'Europe et avec l'état calme et tranquille de notre pays, on a placé des garnisons dans différentes villes qui n'en avaient pas, notamment à Ypres, à Menin, à Ath, à Saint-Nicolas et à Bouillon ; eh bien, sans l'article 33 et la faculté de transfert, j'aurais été dans l'impossibilité de faire cette concession aux circonstances et aux besoins d'une bonne administration, faute de pouvoir y établir des corps de garde.
Je vous le demande, messieurs, en présence d'un aussi misérable obstacle, la situation du ministre n'eût-elle pas été réellement pénible ? Je dois encore faire une objection qui m'est personnelle. Cette proposition n'a pas surgi antérieurement, et j'ai peut-être quelques droits de regretter qu'elle se soit présentée en ce moment, alors que c'est précisément pendant l'année de mon administration que les sommes transférées de l'article 33 ont été les moins élevées ; en 1856,, on a dépensé moins de 43,000 fr. ; je reste donc avec un solde de 57,976 fr. 16 c, tandis qu'en 1854, il n'est resté que 422 fr. et en 1853, que 7,299 fr.
Il me paraît étrange, quand nous avons donné des preuves d'une administration pleine de réserve et de discrétion, qu'on cherche à amoindrir les pouvoirs du ministre de la guerre, en l'entourant d'une défiance qui ne me paraît pas justifiée et qui ne peut tourner en aucune manière à l'avantage du service.
Je voudrais qu'on signalât de ce chef un abus dans l'administration ou bien un transfert opéré sans nécessité, je me considérerais comme battu sur la question. Mais jusque-là je persiste à demander à la Chambre de me continuer la confiance pleine et entière dont elle m'a honoré et que je désire conserver encore.
M. Thiéfry. - Je crois que M. le ministre de la guerre donne une fausse interprétation aux motifs qui ont déterminé la proposition dont il s'agit. Elle n'est pas une marque de défiance envers l'honorable général ; elle n'a d'autre but que de faire rentrer son administration dans la voie légale.
Ce n'est, comme l'a fort bien dit M. le ministre, que depuis trois ans que des transferts sont autorisés au département de la guerre. Si MM. les ministres de l'intérieur et des travaux publics demandaient à jouir de la même faveur, une majorité importante s'y opposerait certainement, non par défiance envers ces hauts fonctionnaires, mais par ce que c'est contraire à la loi sur la comptabilité de l'Etat. L'honorable général a commis une erreur En ne disposant en 1853 que de 44 mille francs sur un crédit de 90 mille, il croit être celui de tous les ministres de la guerre qui aient dépensé le moins d'argent sur ce crédit : De 1849 à 1852, la moyenne des dépenses n'a été que de 9,681 fr.
Du reste, je n'en fais pas une question de dépenses plus ou moins utiles, je dis seulement que personne ne peut s'écarter de la loi de comptabilité et que, par une autorisation anticipée de transfert, la Chambre n'émet point son avis sur l'emploi du crédit.
M. le ministre pense qu'il ne pourrait pas pourvoir à toutes les éventualités si on ne lui accordait pas la faculté d'opérer des transferts: Comment a-t-on donc fait jusqu'en 1853 et comment a-t-on pourvu au pain et aux fourrages pendant 1856 ? La Chambre n'a jamais refusé de donner son approbation à une dépense qui était nécessaire ; on en agirait encore de même à l'avenir, on aurait recours à des crédits supplémentaires.
M. le ministre nous dit : Qu'on me cite un seul fait d'une dépense inutile opérée par Ce moyen, je reconnaîtrai que le transfert ne doit pas être accordé. Et il nous a cité un transfert de 12,500 francs qu'il a opéré sur l'article administration de l'école militaire. Il est résulté de cette opération que le crédit de 1856 se trouve porté à 31,450 francs. Or en 1850 ces dépenses ne se sont élevées qu'à 22,696 fr. ; en 1851, à 23,587 fr. ; en 1852, à 20,425 fr. ; en 1853, à 22,285 fr. ; en 1854, à 24,266 fr. J'ai extrait ces chiffres des comptes (page 499) rendus par MM. les ministres. Ainsi de 1850 à 1854 la dépense a été de 20 à 24 mille fr., et en 1856 elle s'élèvera à 31,000 fr.
Dans l'exposé des motifs pour la demande d'une augmentation de 3,057 fr. 83 c. il est dit sur cet article, que toujours le crédit a été insuffisant, de sorte que les dépenses pour les objets auxquels il est affecté ont dû être restreintes aux besoins absolus. Je ferai remarquer à M. le ministre qu'il y a eu deux années pendant lesquelles on n'a pas même dépensé le crédit alloué. En 1850, le crédit était de 23,628 fr. et la dépense de 22,696 fr. En 1852, le crédit était de 22,137 fr., et la dépense de 20,425 fr. Voilà deux années pendant lesquelles les dépenses ont été inférieures aux allocations, ce qui prouve que les crédits ont été suffisants.
M. Van Overloop, rapporteur. - Messieurs, le but de la section centrale a été d'ôter à M. le ministre de la guerre la faculté d'effectuer des transferts par arrêté royal ; mais je prie la Chambre de remarquer que la section centrale n'a refusé cette faculté que par parité de voix. Voilà ce que j'avais à dire, en ma qualité de rapporteur.
Comme membre de la Chambre, je crois qu'il vaut mieux laisser à M. le ministre de la guerre la faculté d'effectuer des transferts par arrêté royal. L'honorable M. Thiéfry n'objecte contre cette faculté qu'un seul motif, déduit de la loi de comptabilité ; c'est pour rentrer, dit-il, dans la légalité qu'il veut la suppression de cette faculté. Mais il me semble que nous sommes parfaitement dans la légalité en accordant, par la loi du budget, la faculté que M. le ministre de la guerre demande.
Convient-il de laisser à M. le ministre de la guerre la faculté d'effectuer des transferts par arrêté royal ? Là est la question.
Or, il me paraît que lorsque, comme nous l'a dit tantôt l'honorable ministre, sur un crédit de 98,000 francs, il nous reste un solde disponible de 57,000 francs, on ne peut pas convenablement enlever à l'honorable ministre une faculté dont il use avec tant de discrétion.
Permettez-moi de vous soumettre une autre considération. Si je ne me trompe, il est, en général, interdit par la loi de comptabilité de faire des marchés directs.
S'il en est ainsi, nous pourrions blâmer M. le ministre de la guerre d'avoir effectué des marchés directs. Nous ne le faisons pas, et pourquoi ? Parce que, comme l'a déclaré M. le ministre de la guerre, en section centrale (les chiffres se trouvent à la page 3 du rapport), il a, au moyen de cette espèce de violation de la loi sur la comptabilité, réalisé sur les grains une économie de fr. 791,170 17 c., sur les fourrages, une économie de 227,829 fr. 41 c. et sur le prix général des mercuriales, une économie de 263,723 fr. 39 c.
Je le répète, si l'on doit être si sévère sur l'application de la loi de comptabilité, il faudrait reprocher à M. le ministre d'avoir violé cette loi en faisant des achats directs qui ont produit au pays une économie de plus d'un million.
Pour moi, je crois que nous sommes entrés dans une fausse voie en divisant trop les littéras. Je crois qu'on ferait beaucoup de diminuer le nombre des littéras au lieu de l'augmenter et de laisser un peu plus à la responsabilité personnelle du chef du département ministériel.
Notre loi sur la comptabilité et un grand nombre d'autres lois sont basées sur la défiance, ce qui me paraît contraire au principe fondamental d'une bonne société. Le principe de la société, c'est la confiance que nous devons avoir les uns dans les autres. Il faut sans doute prendre des mesures pour se garantir contre les abus. Mais, en prenant pour point de départ, non pas la défiance, mais la confiance, ces mesures ne se prennent que lorsque des abus se sont manifestés.
Lorsqu'il n'existe pas d'abus, il convient de se rappeler que le mieux est souvent l'ennemi du bien.
M. Verhaegen. - Messieurs, je prends la parole, non pour faire de l'opposition au budget de la guerre, mats pour ne pas laisser sans réponse les observations de l'honorable Van Overloop.
A en croire I honorable membre, parce que nous devons avoir confiance les uns dans les autres, nous n'avons plus besoin de lois, il ne s'agit plus de faire des budgets ; nous n'avons plus qu'à donner à chaque chef de département ministériel un crédit global ; il faut faire disparaître non seulement tous les littéras, mais tous les articles du budget.
Ce sera beaucoup plus avantageux, pourra-t-on dire, parce que chaque ministre saura ainsi s'arranger de manière qu'en violant la loi, il finisse cependant par apporter un bénéfice au trésor public.
Voilà le résumé des observations de l’honorable membre qui vient de se rasseoir ; mais on ne peut laisser passer de semblables théories. Je veux bien avoir, et j'aurai confiance dans un ministre comme dans toute autre personne aussi longtemps que je ne serai pas forcé de le suspecter, mais toujours dans les limites de la loi.
Vous dites que l'honorable ministre de la guerre a pu faire des économies sur quantité d'articles en violant la loi de comptabilité et que s'il n'avait pas violé la loi, il n'aurait pu faire ces économies ; d'où vous tirez la conséquence qu'il faut que la législature pose aujourd'hui un fait pour engager M. le ministre à violer toujours la loi sur la comptabilité. Eh bien, ce système, je n'en veux pas. Lorsqu'un ministre par exception aura, dans des circonstances extraordinaires, violé la loi, il viendra nous demander un bill d'indemnité que nous lui accorderons bien volontiers.
Mais établir à priori en principe qu'il est permis au gouvernement de violer la loi de comptabilité, c'est un acte que jamais la Chambre ne posera, à moins de dire que le système parlementaire est arrivé à son terme et que tout doit dépendre du bon plaisir du gouvernement.
Je crois que notre honorable collègue ne veut pas plus que moi d'un pareil système. Mon seul but a été de faire sentir la portée de son raisonnement et je ne doute pas que la Chambre ne soit trop imbue des principes constitutionnels pour accepter d'avance la violation de la loi et surtout do la loi de comptabilité, qui est notre sauvegarde.
M. Thiéfry. - J'ajouterai quelques mots aux raisons que vient de donner M. Verhaegen. M. Van Overloop vient, pour défendre sa thèse, de s'appuyer sur un exemple complètement inexact. Il vous a dit que M. le ministre de la guerre avait posé un acte contraire à la loi de comptabilité en contractant des marchés sans adjudication publique. C'est là une erreur. La loi de comptabilité a prévu le cas où le ministre pourrait faire des adjudications de gré à gré. L'article 22 dit :
« Il peut être traité de gré à gré (…)
« 7° Pour les matières el denrées qui à raison de leur nature particulière et de la spécialité de l'emploi auquel elles sont destinées, sont achetées et choisies au lieu de production, ou livrées sans intermédiaires par les producteurs eux-mêmes. »
Eh bien, c'est ici le cas. Pour fournir le pain à la troupe, on est obligé d'acheter du grain sur les marchés du pays ; si les fournisseurs ont ses prétentions trop élevées, la loi autorise le ministre à faire des marchés de gré à gré.
Je crois donc que les arguments de l'honorable M. Van Overloop ne sont pas fondés.
M. le ministre de la guerre (M. Greindl). - J'ai seulement un mot à dire pour expliquer ce qui a amené la différence entre la dépense de l'école militaire pour l'année qui nous occupe et la dépense des années antérieures.
Cette différence s'explique d'une manière toute simple. Il y a eu, pendant l'année qui correspond à cette augmentation de dépense, seize élèves de plus à l'école militaire que les années précédentes. On a eu ensuite une cherté excessive de vivres, et il a été impossible de nourrir les élèves sans un supplément de dépense.
On vient de dire que le ministre pouvait faire la dépense et que la Chambre ne reculerait par devant la régularisation. C'est très vrai ; mais en attendant la cour des comptes serait sans droit pour ordonnancer, et en présence de son refus, nous nous trouverions désarmés, ou nous serions obligés de recourir à un moyen héroïque que la loi permet, mais qu'il serait cependant très désagréable d'employer pour des sommes minimes comme celle dont il s'agit ici.
Je citerai encore un autre article extrêmement important et qui peut aussi nécessiter une augmentation de dépenses : c'est la nourriture des malades.
Il peut se présenter un plus grand nombre de malades qu'on ne l'a prévu, ou bien la journée d'entretien peut coûter plus cher, et nous avons vu le cas se produire. Cette difficulté peul se présenter. Au milieu de l'année, lorsque les Chambres ne sont pas réunies, l’intendant vient signifier qu’il n’a plus de fonds pour l'entretien des malades dans les hôpitaux.
Que voulez-vous que fasse le ministre s'il ne peut opérer les transferts C'est une difficulté que l'on évite aujourd'hui ; elle deviendrait inévitable, si la Chambre refusait la latitude que je demande et que je considère comme étant d'une nécessité absolue.
Je persiste donc à prier la Chambre de ne pas admettre la proposition de la section centrale.
M. Van Overloop, rapporteur. - L'honorable M. Verhaegen m'a mal compris ou je me suis mal exprimé.
Il va de soi que je n'entends pas professer comme doctrine qu'un ministre quelconque puisse, même dans l'intérêt de l'économie, violer une loi a priori. Si je me suis exprimé de manière à faire supposer le contraire, je me suis trompé et je rétracte mes paroles, bien volontiers, bien complètement et bien franchement.
Voici, messieurs, quelle était ma pensée. L'honorable M. Thiéfry, répondant à M. le ministre de la guerre, disait que c'était pour lui une question de légalité. J'ai dit à M. Thiéfry que, d'après moi, nous étions parfaitement dans la légalité en autorisant le ministre de la guerre à opérer des transferts par arrêté royal, puisque la loi du budget est aussi une loi. J'ai ensuite, entrant dans un autre ordre d'idées, émis l'opinion qu'il ne convenait pas d'augmenter les littéras du budget au point de vue de l'économie, que d'après moi il valait mieux diminuer, au contraire, le nombre des littéras.
Mais de là à supprimer le budget il y a un abîme. J'ai justifié ma manière de voir en disant que dans un système social bien entendu, il faut que la législation soit basée sur le sentiment de confiance et non sur celui de la défiance.
Aujourd'hui, messieurs, l'article 33 de la loi du budget autorise le ministre de la guerre à opérer des transferts par arrêté royal, et l'honorable ministre justifie, sinon la nécessité, au moins la grande utilité de cette disposition, au point de vue de l'économie d'abord, au point de vue de l’administration ensuite ; convient-il de lui enlever cette faculté alors précisément qu'il en a usé de manière à réaliser une économie de 57,000 francs ?
L'année dernière la section centrale avait adopté à l'unanimité, je crois, la suppression de la faculté dont il s'agit ; une discussion eut lieu à la Chambre, et l'amendement fut retiré après que l'honorable M. Manilius eut prononcé ces paroles :
(page 500) « Si la cour des comptes n'a pas ses apaisements, nous discuterons ; si, au contraire, elle déclare qu'elle a ses apaisements, tout sera dit. »
Je ne sache pas que la cour des comptes ait déclaré ne pas avoir ses apaisements.
Je crois, messieurs, devoir appuyer le maintien de la faculté qui est accordée à M. le ministre de la guerre.
M. Osy. - Je ne puis admettre, messieurs, que l'adoption de l'amendement de la section centrale fût un acte de défiance envers M. le ministre de la guerre, puisque, dans tous les budgets qui ont été votés jusqu'à présent, il a toujours été entendu que les fonds des dépenses imprévues ne peuvent pas être employés à des objets prévus au budget. Ce que propose la section centrale est une règle générale qui a toujours été suivie. Seulement en 1853, après l'organisation de l'armée, il a été nécessaire d'accorder au gouvernement la faculté de transférer de l'article dépenses imprévues sur d'autres articles du budget, qui pourraient être insuffisants par suite de la nouvelle organisation.
Il est possible que l'année dernière l'organisation ne fût pas encore assez complète pour que le gouvernement pût se passer de cette faculté mais, comme je tiens extraordinairement à la régularité de la comptabilité, je demande que le gouvernement présente, pour l'exercice 1858, dont le budget nous sera soumis d'ici à peu de mois, un système normal, c'est-à-dire un budget où toutes les dépenses soient prévues et où il ne soit plus nécessaire d'opérer des transferts par arrêté royal.
Pour ma part, je voterai encore cette année la faculté dont il s'agit mais je tiens à ce que l'année prochaine nous puissions rentrer dans l'état normal. La même chose est arrivée pour le budget des finances. En 1848, lorsqu'on a décrété des économies, on a autorisé M. le ministre des finances à opérer des transferts ; mais aujourd'hui que l'organisation est faite, cette autorisation n'existe plus.
Il est temps que pour le budget de la guerre nous en venions également à une marche régulière.
M. le ministre de la guerre (M. Greindl). - Je me conformerai autant que possible aux recommandations fort sages que vient de me faire l'honorable M. Osy ; mais une chose, entre autres, sur laquelle j'appellerai l'attention de tout le monde, c'est qu'il est impossible de prévoir quel sera le nombre des journées de malades dans les hôpitaux ; il est impossible de savoir d'avance s'il y aura des épidémies ; il est impossible de prévoir le renchérissement des matières pharmaceutiques, enfin il y a mille circonstances imprévues qui peuvent survenir.
Au surplus j'étudierai la question de la manière la plus consciencieuse et je m'arrangerai de manière à présenter à la Chambre un budget normal, comme le dit l'honorable membre, qui permette de faire face aux dépenses sans sortir des limites des crédits. Mais je me réserverai alors le pouvoir que la loi accorde au gouvernement de faire au besoin mandater d'office par la cour des comptes.
M. Osy. - Je concevrais qu'il y eût des difficultés si les crédits du budget étaient mis à la disposition du gouvernement par douzièmes, mais ils lui sont accordés pour l'année entière. Si maintenant, dans le cours de l'année, il y a augmentation du nombre des malades, renchérissement des matières, ce sont là des cas exceptionnels pour lesquels le gouvernement pourra toujours demander un crédit supplémentaire.
Pour ma part, je suis persuadé que quand M. le ministre aura examiné la question, il abandonnera de lui-même la faculté dont il s'agit.
M. Malou. - Messieurs, je voulais soumettre à la Chambre deux observations étrangères à l'incident, mais qui se rattachent cependant à l'article 33.
Plusieurs fois déjà il y a eu dans cette assemblée des discussions sur ce qu'on a appelé la masse noire. La cour des comptes a fait un rapport, à la demande de la Chambre ; M. le ministre de la guerre nous a également fait distribuer un travail il y a quelques semaines. Je crois que le moment est venu de préparer une solution définitive de cette question.
La section centrale propose de renvoyer le rapport de la cour des comptes à M. le ministre de la guerre avec demande d'explication ; il me semble que, comme la cour des comptes, d'une part, et le département de la guerre, de l'autre, se sont déjà expliqués, il y aurait un moyen meilleur d'arriver à une bonne solution ; ce serait de renvoyer â la commission des finances qui est déjà saisie d'une proposition de comptabilité, d'après un vote émis par la Chambre à la séance de samedi dernier, ce serait, dis-je, de renvoyer à cette commission le rapport de la cour des comptes et les explications de M. le ministre de la guerre, pour que la commission présente à la Chambre une résolution motivée.
Je propose à la Chambre de prendre cette décision.
M. Thiéfry. - Messieurs, je me réservais de faire à la Chambre la proposition de l'honorable M. Malou, mais seulement après que M. le ministre de la guerre aurait donné des explications dans l'hypothèse de l'adoption des conclusions de la section centrale.
Comme l'a fait observer l'honorable M. Malou, la Chambre avait demandé un rapport à la cour des comptes ; ce rapport nous a été distribué ; M. le ministre de la guerre nous a fait remettre une note qui n'avait été communiquée à la cour des comptes qu'officieusement ; aussi, cette cour n'a-t-elle pas pu rencontrer les observations faites par M. le ministre de la guerre sur l'administration de la masse des recettes et dépenses imprévues.
En renvoyant à M. le ministre de la guerre le travail de la cour des comptes, j'ai pensé que l'honorable général pourrait se mettre d'accord avec la cour et adopter un des moyens qu'elle propose. Si je dois m'en rapporter aux journaux, r on s'occupe déjà même d'un semblable travail dans les bureaux du département de la guerre.
M. le ministre de la guerre (M. Greindl). - Messieurs, je crois qu'entre la cour des comptes et le département de la guerre toutes les explications ont été échangées ; car quoi qu'en dise l'honorable M. Thiéfry, la communication à la cour des comptes a été faite officiellement ; la note a été remise par l'intendant en chef entre les mains de M. le président lui-même, ce qui est un mode de communication tout aussi officiel que si on avait adressé une lettre à la cour des comptes. Cette cour a pu, dès lors, tirer de la note tout le parti qu'elle a voulu, et je m'étonne qu'on la fasse se retrancher en quelque sorte derrière les mots de communication non-officielle pour dire qu'elle n'a pas rencontré les arguments du département de la guerre.
D'ailleurs, la cour des comptes a dit tout ce qu'elle avait à dire, comme de mon côté, j'ai épuisé toutes les explications.
Je pense que, pour arriver à une prompte solution, il est préférable de recourir au moyen indiqué par l'honorable M. Malou ; j'appuie en conséquence la proposition que cet honorable membre a faite à la Chambre.
M. Thiéfry. - Messieurs, du moment que M. le ministre de la guerre ne croit pas devoir présenter un projet, et je me rallie à la proposition de l'honorable M. Malou ; seulement je maintiens que la note du département de la guerre n'a pas été remise officiellement à la cour des comptes ; si elle l'eût été, cette cour aurait rencontré les objections du département de la guerre dans son travail, c'est ce qu'elle n'a pas fait.
- La proposition de M. Malou est mise aux voix et adoptée.
La note jointe à l'article 33, et dont la section centrale propose la suppression, est mise aux voix et adoptée. L'article 33 est ensuite mis aux voix et adopté.
« Art. 34. Traitement et solde de la gendarmerie : fr. 2,004,053 40 c. »
- Adopté.
« Art. 12. Traitement et solde de l'infanterie : fr. 12,170,785 35. »
M. de Naeyer. - Il nous reste à statuer sur l'amendement que M. Delfosse a présenté à l'article 12, et qui a été tenu en suspens. M. Delfosse propose d'ajouter à la note de l'article 12 la disposition suivante :
« Celte faculté de transfert ne s'étend point aux sommes dont les chapitres II, III, IV et VIII ont été augmentés par suite des amendements proposés par le gouvernement, en vue de la cherté persistante des denrées alimentaires et des fourrages. »
M. Delfosse. - Messieurs, je dirai brièvement les motifs de mon amendement ; ils sont très simples.
Le budget de la guerre pour l'exercice 1857, tel qu'il a d'abord été présenté, s'élevait à 32,196,000 fr. ; le gouvernement a demandé, depuis, une augmentation de plus de 1,400,000 fr., fondée sur la cherté persistante des denrées alimentaires et des fourrages.
Autrefois, on aurait couvert l'insuffisance en renvoyant pour quelque temps en congé un certain nombre de miliciens ; c'est une mesure qui eût soulagé les contribuables, sans mettre, je pense, la patrie en danger, et je regrette fort qu'on ne veuille plus y avoir recours.
Quoi qu'il en soit, l'augmentation étant votée, je demanderai seulement que si l'éventualité à raison de laquelle elle a été réclamée ne se réalise pas, c'est-à-dire que si le prix des denrées alimentaires et des fourrages vient à baisser, les sommes qui resteront disponibles de ce chef soient considérées comme économies et ne reçoivent pas une autre destination.
D'après la note jointe à l'article 12, M. le ministre de la guerre serait autorisé à donner à ces sommes une autre destination ; il pourrait les employer à appeler sous les drapeaux une ou deux classes de la réserve ; c'est ce que je veux empêcher par mon amendement.
Je conçois que les sommes restées disponibles sur les crédits ordinaires soient appliquées à cet usage ; mais je ne puis accepter la note en ce qui concerne les crédits extraordinaires réclamés et votés uniquement à cause de la cherté des denrées alimentaires et des fourrages ; si cette cause vient à cesser, l'excédant resté disponible doit, comme je l'ai dit tantôt, être considéré comme économie.
Je suppose que M. le ministre ne fera pas difficulté de se rallier à mon amendement.
Je dirai en terminant, que comme les années précédentes, je m'abstiendrai sur l'ensemble du budget de la guerre.
Je ne voterai pas contre parce qu'il a été dressé conformément à la dernière loi sur l'organisation de l'armée, loi votée après une longue enquête et trop récemment pour qu'on puisse utilement la remettre en question. D'un autre côté, il m'est impossible de voter pour le budget de la guerre parce que cette loi d'organisation à laquelle je n'ai pas donné mon adhésion, fait peser sur le pays des charges exorbitantes, qui nous conduiront tôt ou tard à une situation financière des plus fâcheuses.
M. le ministre de la guerre (M. Greindl). - Je me rallie entièrement, à l'amendement de l'honorable M. Delfosse, il rentre complètement dans les intentions et les vues du gouvernement. Si la note a été inscrite sans restriction dans le projet de budget, c'est qu'on ne savait pas (page 501) quand on l'a rédigée, quelle serait la nouvelle situation qui serait créée par les amendements.
Quant à l'emploi des fonds, la gestion de l'année dernière est une garantie de ce qui se fera pour l'année courante ; car quand les prix des vivres ont commencé à baisser, même d'une manière presque insignifiante, j'ai opéré des réductions qui ont profité au trésor.
M. Delfosse. - L'année dernière, la question ne pouvait pas se présenter ; les crédits supplémentaires ayant été accordés après le vote du budget, la note de l'article 12 ne pouvait pas s'appliquer à ces crédits.
M. Moncheur. - Je demande la parole.
Messieurs, je crois opportun d'adresser une observation à M. le ministre de la guerre, par suite de quelques paroles que vient de prononcer l'honorable M. Delfosse. Il vient de rappeler que souvent on cherchait jadis à faire des économies, en renvoyant des miliciens en congé ou en permission. Je sais que la nouvelle loi d'organisation militaire permet moins qu'auparavant ces congés, mais je prierai M. le ministre de la guerre d'examiner cependant si, pendant la saison de la récolte du moins, il ne pourrait pas renvoyer dans leurs foyers un nombre plus ou moins considérable de miliciens qui en feraient la demande.
Messieurs, ce n'est pas seulement un objet d'intérêt particulier pour les petits et souvent les malheureux cultivateurs qui manquent de bras pour recueillir les récoltes qu'ils ont fait croître, mais c'est aussi une question d'intérêt général.
En effet, qu'avons-nous vu, notamment cette année ? Nous avons vu les récoltes se gâter pendant une série de jours pluvieux, faute de bras pour les ramasser ; il est certain que si les bras avaient été plus nombreux pour faire la récolte, une grande partie de nos grains serait infiniment meilleure que celle qui forme notre approvisionnement.
Messieurs, dans le temps où nous vivons, la main-d'œuvre est tellement rare, les ouvriers sont tellement employés, soit dans l'industrie, soit dans des travaux publics, que quand arrive le travail extraordinaire, énorme de la récolte, la main-d'œuvre lui manque outre mesure.
Ainsi, ce n'est pas en quadruplant ni en quintuplant le salaire ordinaire que, dans certaines localités, on pourrait se procurer des ouvriers pour la récolte, car il y a impossibilité absolue d'en trouver. Je signale en ce moment un intérêt tellement grave, que j'espère que M. le ministre n'hésitera pas à examiner quels seraient les moyens d'y satisfaire dans de certaines limites.
Je sais qu'il dira que l'intérêt du service militaire ne permet pas le renvoi simultané d'un grand nombre de miliciens dans leurs foyers.
Mais, messieurs, il y a pourtant toujours un tempérament possible à tout système et nous vivons dans un siècle où il faut transiger avec tous les intérêts, réellement graves et puissants. Ces intérêts sont aujourd'hui tellement nombreux et liés entre eux, qu'on ne peut pas méconnaître les uns d'une manière absolue pour favoriser les autres d'une manière également absolue. Si les exercices du camp se font pendant la saison de la récolte et sont une des raisons pour lesquelles on ne peut pas renvoyer les miliciens dans leurs foyers, eh bien, que l'on tâche d'avancer les exercices du camp ou de les abréger un peu ; on pourrait peut-être faire l'un et l'autre et par ce moyen satisfaire à cet intérêt grave dont je suis ici l'organe, en exprimant le sentiment public.
Je dis donc que M. le ministre ferait non seulement une chose utile au pays, une chose d'intérêt général, mais encore une chose très populaire et qui apporterait souvent de grandes consolations dans la chaumière du pauvre, s’il prenait les mesures nécessaires pour renvoyer pendant la saison de la récolte, un nombre plus considérable de miliciens dans leurs foyers qu'il ne le fait habituellement.
M. Faignart. - Ayant une connaissance particulière des besoins de l'agriculture, je viens appuyer de toutes mes forces les observations présentées par l’honorable M. Moncheur. Il est vrai qu'il y a une nécessité tellement grande, qu'il est impossible, comme l'a dit l'honorable membre, en doublant et triplant les salaires, de se procurer des bras. Je prie donc M. le ministre de prendre des mesures pour satisfaire à ce pressant besoin.
M. Rodenbach. - J'engage également M. le ministre à vouloir bien prendre des mesures pour remédier au défaut de bras dans nos campagnes au moment de la récolte ; mais nous ne devons pas perdre de vue que si l'on renvoyait trop de militaires dans leurs foyers, le service pourrait en souffrir. Je dois vous expliquer pourquoi, sur notre frontière surtout, les agriculteurs manquent de bras ; c'est parce que le salaire qu'on accorde aux ouvriers des fermes n'est pas en proportion avec le bénéfice que fait l'agriculteur ; c'est pour cela que beaucoup de nos ouvriers font en France, où ils gagnent davantage. Le salaire est trop bas chez nous ; je ne dis pas qu'il faille empêcher nos ouvriers de quitter le pays ; mais je dis que c'est là une des causes du manque de bras dont on se plaint.
Si le salaire était plus fort on ne déserterait pas le pays. Du reste j'appuie les observations faites par les honorables membres ; comme eux, je désire que M. le ministre prenne des mesures pour satisfaire au besoin qui se fait sentir, en les conciliant avec les exigences du service.
M. Vander Donckt. - Je viens également appuyer la proposition de M. Moncheur. Il n'est que trop vrai que les bras manquent, surtout au moment de la récolte. S'il était possible que le département de la guerre prît des mesures pour renvoyer un certain nombre de miliciens dans leurs foyers au moment de la récolte en devançant l'époque de la réunion au camp, il rendrait un grand service à l'agriculture. Il est généralement reçu dans nos campagnes que le département de la guerre apporte un très grand préjudice à l'agriculture en retenant les hommes sous les drapeaux au moment où ils ont le plus grand besoin d'être chez eux pour aider aux travaux de la récolte. Ce besoin est plus impérieux depuis qu'un grand nombre de nos ouvriers se rendent annuellement en France pour y faire la récolte. Cependant dans notre pays depuis le renchérissement des denrées alimentaires, je dois le dire à l'honneur de nos cultivateurs, ils ont considérablement augmenté le salaire des ouvriers ; malgré cela, les bras manquent ; c'est ce que j’ai déjà eu l'honneur de dire à une autre époque ; il n'y a pas un Belge valide de trop dans notre pays. Les plaintes sont générales ; à l'époque des travaux des champs des hommes valides manquent, et c'est à tel point, comme l'a dit l'honorable M. Moncheur, que si nous avions suffisamment de bras, la récolte est moins avariée sur les champs qu'elle ne l'a été parce qu'elle y serait restée moins longtemps, et elle n'aurait pas autant souffert des pluies.
M. de Smedt. - Messieurs, j'ai demandé la parole quand mon honorable ami Rodenbach avait dit qu'une des causes du manque des bras à la campagne pendant le temps de la récolte, était celle de l'émigration en France, parce que les salaires y étaient plus élevés qu'en Belgique.
Messieurs, il est vrai que l'émigration y est pour beaucoup, que nous avons trop peu de bras pour les travaux des champs, mais je ne pense pas que la cause de l'émigration soit le trop peu de salaire que pour la récolte on paye aux ouvriers.
Cette malheureuse émigration se fait on ne sait pas bien pourquoi, mais c'est comme une épidémie, et elle se fait sur une grande échelle à un tel point que des communes ont perdu une partie notable de leur population, et cette émigration ne se fait pas uniquement de la part des ouvriers, mais elle se fait par des familles entières.
Les salaires sont réellement augmentés dans beaucoup de localités,, beaucoup de cultivateurs ont doublé et même triplé le salaire pour faire le piquetage de leurs champs de grains, et encore les ouvriers ont manqué à un tel point, que je pourrai citer des exploitations de 20 et 30 hectares, que n'ont pu obtenir qu'un seul piqueteur pendant tout le temps de la moisson, et ici je dois appuyer l'observation d'un des honorables préopinants, que beaucoup de céréales ont été mal récoltées, à cause du manque de bras, et ont dû séjourner hors du temps, dans les champs.
Je demande donc comme les honorables préopinants que l'honorable ministre de la guerre veuille avoir égard aux réclamations que l'on vient de faire et prendre de tels arrangements pour l'époque des moissons, que beaucoup de miliciens puissent retourner dans leurs foyers, pour aider à faire les récoltes ; il rendra un grand service aux cultivateurs.
M. le ministre de la guerre (M. Greindl). - Tout en m'associant de tout cœur au vœu philanthropique émis par quelques honorables orateurs, je dois cependant faire remarquer que toute l'organisation de 1853, émanée de la commission, a eu pour but le maintien des miliciens sous les armes pendant un temps déterminé. Or, il est impossible de les maintenir sous les armes et de les renvoyer en même temps. Mais, dans l'application, je crois qu'il n'y a pas de membre qui ne sache par expérience que le gouvernement s’empresse d'accueillir les réclamations de ce genre.
- Un grand nombre de membres. - Cela est vrai.
M. le ministre de la guerre (M. Greindl). - Ce système, je continuerai à le mettre en pratique, d'autant plus que le gouvernement fait tous ses efforts pour donner satisfaction aux intérêts individuels et alléger autant que possible les rigueurs du service, mais quant à une mesure générale, il ne peut en être question. Nous serions en désaccord avec la loi d'organisation de l'armée.
M. Lebeau. - Je crois remplir un devoir en déclarant, avec quelques-uns de mes honorables collègues, que plusieurs fois, assez souvent même, ayant eu à m'adresser à M. le ministre de la guerre pour obtenir ; des renvois temporaires, je les ai presque toujours obtenus.
M. Malou. - Vous êtes plus heureux que nous.
M. Lebeau. - Ce n'est que par des exceptions, motivées sur les besoins de l'instruction de l'armée et de la discipline, exceptions que je me suis toujours empressé d'accueillir comme l'accomplissement de ses devoirs, que M. le ministre de la guerre m'a fait exprimer son regret de ne pas satisfaire à quelques-unes des réclamations auxquelles j'avais donné suite.
Il ne faut pas oublier, en soutenant des intérêts particuliers très respectables d'ailleurs, qu'il y a dans la question qui nous occupe un intérêt prédominant que M. le ministre de la guerre ne peut perdre de vue, et qu'il ne nous est pas permis de mettre au second rang : c'est l'intérêt de l'armée, de son instruction et de sa discipline.
Quelque respectables que soient certaines réclamations, quelques sympathies qu'elles trouvent à la Chambre, M. le ministre de la guerre en y cédant dans une mesure qui compromettrait l'instruction et le moral de l'armée, manquerait à son premier devoir, à son devoir envers la Chambre, qui est de maintenir dans toute son efficacité cette force publique qui nous coûte si cher envers les contribuables qui s'imposent d'aussi grands sacrifices. Le gouvernement ne peut sacrifier à des intérêts particuliers l’intérêt général qu'il représente spécialement.
(page 502) J'ai entendu en outre d'honorables membres demande des argumentations de garnison, vœu très légitime que j'ai peut-être été dans le cas d'exprimer moi-même.
Mais j'ai toujours désiré même alors que M. le ministre de la guerre subordonnât son accueil pour de pareils vœux à l'intérêt de l'armée, qui est d'empêcher une dissémination propre à nuire à sa discipline et à son instruction.
L'honorable M. de Moor a demandé à M. le ministre de la guerre s'il serait possible de ne pas faire coïncider d'une manière aussi absolue les exercices du camp avec le moment oh les travaux de la récolte ont la plus grande activité. Je prierai M. le ministre de la guerre d'examiner spécialement et de près cette question, c'est vraiment une coïncidence fâcheuse de voir souvent les bras manquer chez nous au moment où le camp est réuni.
Si M. le ministre y peut quelque chose, je suis persuadé qu'il fera en sorte de donner satisfaction à ce vœu très légitime qui repose aussi sur des considérations d'hygiène.
Je ne suis pas sûr d'avoir bien entendu mon honorable ancien collègue, je pourrais ajouter et ami M. Desmet, qui s'est plaint, je crois, de l'émigration des ouvriers briquetiers. Quelque partisan qu'il soit de la protection, je ne suppose pas qu'il songe à prohiber la sortie des ouvriers briquetiers.
M. de Smedt. - Nullement ! J'ai parlé de l'émigration en général.
M. Lebeau. - J'aurai mal compris. Mais plusieurs de mes collègues vous avaient compris comme moi.
Revenant à l'observation pour laquelle j'ai demandé la parole, j'insiste pour que M. le ministre de la guerre subordonne toujours à la discipline, à l'instruction, à la force morale de l'armée les réclamations, quelque légitimes qu'elles soient, qui pourraient lui être adressées.
- L'amendement de M. Delfosse est mis aux voix et adopté. L'article 12 est adopté avec la note du gouvernement amendée par M. Delfosse.
La Chambre, après avoir décrété l'urgence, adopte définitivement les amendements introduits dans le budget de la guerre.
« Article unique. Le budget du ministère de la guerre et fixé, pour l'exercice 1857, à la somme de fr. 33,586,720 07 c. conformément au -tableau ci-annexé. »
- Adopté.
Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du budget.
73 membres répondent à l'appel nominal.
60 votent pour le budget.
1 vote contre.
12 s'abstiennent.
En conséquence, le budget est adopté ; il sera transmis au Sénat.
Ont voté l'adoption : MM. Vandenpeereboom, Van Iseghem, Van Overloop, Verhaegen, Vervoort, Veydt, Vilain XIIII, Wasseige, Allard, Ansiau, Anspach, Brixhe, Coppieters 't Wallant, Dautrebande, de Baillet-Latour, de Breyne, de Brouwer de Hogendorp, Dedecker, de Haerne, de La Coste, de Liedekerke, de Moor, de Muelenaere, de Paul, de Perceval, de Pilleurs-Hiegaerts, de Ruddere de Te Lokeren, Desmaisières, Desmet, de Steenhault, de Theux, de T'Serclaes, Devaux, Dumon, Faignart, Landeloos, Lange, Lebeau, Licot de Nismes, Loos, Magherman, Malou, Mascart, Matthieu, Mercier, Moncheur, Orts, Osy, Prévinaire, Rodenbach, Rogier, Rousselle, Tack, Tesch, Thibaut, Thienpont, Van Cromphaut, Van den Branden de Reeth et de Naeyer.
A voté le rejet : M. Grosfils.
Se sont abstenus : MM. Vander Donckt, Coomans, Crombez, David, de Bronckart, Delfosse, de Renesse, Goblet, Lesoinne, Moreau, Pierre cl Thiéfry.
Les membres qui se sont abstenus sont invités à faire connaître les motifs de leur abstention.
M. Vander Donckt. - Messieurs, je me suis abstenu, parce que d'un côté, je ne veux pas entraver le service de l'armée et que de l'autre côté, en présence de l'élévation du chiffre du budget, je n'ai pu lui donner mon adhésion.
M. Coomans. - Je ne voterai aucun budget de la guerre aussi longtemps que nos mauvaises lois sur la milice ne seront pas réformées.
M. Crombez. - Je n'ai pas voté pour le budget parce que je ne puis me rallier à la loi d'organisation qui a été adoptée il y a quelques années. Je n'ai pas voulu voter contre, pour ne pas entraver le service de l'armée.
M. David. - Je me suis abstenu par les motifs indiqués par l'honorable M. Delfosse dans la discussion.
M. de Bronckart. - Je me suis abstenu par les mêmes motifs que l'honorable M. Delfosse.
M. Delfosse. - J'ai fait connaître tantôt les motifs de mon abstention.
M. de Renesse. - Lors de la discussion générale, j'ai déjà donné les motifs qui m'empêchaient de donner un vote favorable à un budget de la guerre aussi élevé que celui soumis à nos délibérations. J'ai formellement demandé au gouvernement de vouloir examiner sérieusement s'il n'y aurait pas lieu, pour l'exercice 1858, de proposer une certaine modification au contingent actuel de l'armée, par suite d'un nouveau système de défense qui semble être adopté par l'établissement du camp retranché à Anvers, ce qui permettrait de diminue l'effectif de l'armée, et procurerait ainsi des économies.
En attendant cette réduction du budget de la guerre, j'ai cru pour cette année devoir seulement m'abstenir, comptant, dans le futur, voter contre les dépenses trop considérables de ce budget, si le gouvernement ne consentait pas à y introduire de notables économies.
M. Goblet. - Lors de la discussion du budget du département de la guerre pour l'exercice 1856, j'ai développé les considérations qui me portaient à considérer l'organisation actuelle de l'armée comme partiellement défectueuse au point de vue de notre position politique et de notre situation internationale.
Depuis lors aucune modification n'a été introduite dans l'organisation de notre armée ; j'aurais donc été porté à voter contre le budget, si je n'avais pleine confiance dans les intentions de M. le ministre et si je n'espérais qu'il nous présentera incessamment un projet de loi qui puisse concilier l'intérêt de nos finances avec la bonne défense du pays. Dans cette position je me suis contenté de m'abstenir.
M. Lesoinne. - Je me suis abstenu par les mêmes motifs que l'honorable M. Coomans et que l'honorable M. Delfosse.
M. Moreau. - Je me suis abstenu par les mêmes motifs que l'honorable M. Delfosse.
M. Pierre. - Je me suis abstenu par les mêmes motifs que l'honorable M. Crombez.
M. Thiéfry. - Je n'ai pu voter pour le budget à cause du chiffre élevé de la dépense et de l'organisation défectueuse de l'armée. Je n'ai pas voté contre, pour ne pas entraver le service.
M. de Naeyer. - M. F. de Mérode a déposé l'amendement suivant :
« Art. 1er. Les examens pour la collation des grades académiques auront lieu devant un conseil d'examinateurs permanents siégeant à Bruxelles, et composé de trois membres pour chaque faculté.
« Art. 2. Aucun des membres de ce conseil n'appartiendra à l'enseignement. Ils seront nommés d'abord pour trois années par le gouvernement.
« Art. 3. Les conseillers examinateurs n'interrogeront pas. Ils se borneront à indiquer les points sur lesquels doivent porter les questions.
« Art. 4. Ces questions seront adressées contradictoirement :
« 1° Par un interrogateur public nommé et révoqué par arrêté royal ;
« 2° Selon le désir du récipiendaire, par un interrogateur privé, à son choix, usant des expressions ou formates qui pourraient être plus compréhensibles pour l'interrogé.
« Art. 5. Le grade de docteur sera seul délivré par le conseil d'examinateurs, les grades inférieurs cessant d'avoir une existence légale. Les conseillers examinateurs apprécieront comme ils le jugeront convenable les diplômes et certificats délivrés par les universités, par les facultés ou par des professeurs isolés. »
La parole est à M. F. de Mérode pour développer son amendement.
M. F. de Mérode. - Messieurs, le système d'examen et de collation des grades de docteur que je viens de présenter et de réduire en articles, ne tire pas son origine de mes propres recherches ; mais il s'est offert à moi par la lecture toute récente d'un article qui m'a paru fort juste et bien motivé, inséré dans un journal, avec la signature de M. Debesselle, et qui porte pour titre : Le mot de l'énigme, à propos des jurys d'examen.
Or, le mot de l'énigme, le voici en abrégé : tous les modes proposés, jury académique, jury professionnel, jury central, jurys combinés, pèchent tous par un vice radical et incorrigible, parce qu'ils concentrent dans certaines personnes des fonctions contraires entre elles par leur nature, dans un pays où la liberté d'enseignement est considérée comme le droit le plus précieux pour les familles et formellement assuré par la Constitution.
L'intérêt du candidat et celui de son professeur poussent à un examen facile.
L'intérêt de la société demande non pas sans doute un examen trop rigoureux qui exclurait trop de candidats, mais réclame des études fortes et bien suivies.
L'intérêt des établissements entretenus par l'Etat pousse ceux-ci à se prétendre plus importants que les autres et à s'attribuer une supériorité que leur dénomination semble justifier, mais qui ne peut se prouver par aucune considération sérieuse tirée du droit naturel, du droit religieux chrétien ou du droit politique belge.
En effet, selon le régime établi par notre loi fondamentale, la liberté de l'enseignement est la base de l'enseignement scientifique, et si le trésor public vient en aide à la propagation de la science ce n'est que comme auxiliaires des efforts privés, et non comme leur dominateur ou oppresseur antagoniste.
Sous le régime de la concurrence, il ne faut pas rendre les concurrents juges et parties ; car ils seront toujours plus ou moins excités, si on les mêle ensemble comme juges, à se faire des concessions ou des torts les uns aux autres.
(page 503) Or pour asseoir de bons jugements il ne faut ni complaisance ni émulation établies entre les membres du tribunal.
Celui qui s'est livré, pendant son adolescence et sa jeunesse, consciencieusement, activement et avec une capacité suffisante aux études qui méritent, quand on les a terminées, le grade de docteur, doit être mis en possession de cette propriété morale qui, de plus, attribue au titulaire le droit effectif d'exercer certaines professions. Quand une propriété d'ordre matériel est contestée, l'ordre social dont nous jouissons procure aux contendants un juge impartial autant que l'imperfection humaine permet de l'obtenir.
Telle est l'obligation que nous cherchons à remplir vis-à-vis des étudiants parvenus à l'époque où ils sont appelés à l'examen par lequel ils doivent passer pour échouer ou pour atteindre le but de leurs travaux. Nous avons des tribunaux bien organisés et indépendants du pouvoir politique pour juger les causes civiles, ayons aussi des conseillers indépendants de toute influence nuisible pour juger les causes dont la perte ou le gain intéressent à la fois et la société et l'existence de tant de jeunes hommes qui occupent successivement le champ de bataille des épreuves scientifiques. Indépendamment des tribunaux ordinaires multiples, il existe en Belgique une cour des comptes, un conseil des mines ; ayons en outre un conseil d'examinateurs permanents qui ne coûtera pas plus que les assises des jurys actuels.
Si je propose que le gouvernement nomme d'abord ces examinateurs pour trois ans, c'est parce que toute combinaison nouvelle a besoin d'être essayée avant d'être constituée définitivement. Plus tard, l'expérience apprendra sans doute comment il faut perfectionner, consolider l'institution ; et j'ai la ferme croyance que celle-ci peut mieux que toute autre résoudre l'énigme dont nous cherchons la solution depuis que la liberté vraie de l'enseignement a été sincèrement voulue par le Congrès national de 1830.
Nulle liberté n'est plus inoffensive, n'est plus légitime que celle-là ; car ce n'est point une liberté d'agression contre qui que ce soit, ce n'est point la liberté de démolir, ce n'est que celle d'instruire les enfants des familles selon les vœux et le choix de leurs parents ou de leurs tuteurs, s'ils sont orphelins.
Selon la conviction d'une multitude de parents et de tuteurs respectables, pleins de sollicitude pour la bonne et sérieuse éducation de leurs fils ou pupilles, l'Etat, c'est-à-dire tel ou tel ministre qui passe, n'est qu'un directeur très incapable de guider l'enseignement, un directeur sans autorité fondée sur une doctrine connue, un directeur accablé d'autres besognes qui l'absorbent, et dans leur appréciation, le directeur de l'enseignement de l'Etat, au point de vue si capital de moralité et de religion, c'est le hasard ; d'autres, au contraire, vantent sa capacité transcendante, croient à la largeur de ses horizons, au développement le plus magnifique des connaissances humaines par la puissance de son action directe, et bien que je ne partage point, messieurs, ce sentiment, je n'en veux pas moins que les enseignés aux frais de l'Etat, qui ont dû, en raison de l'obéissance, accepter l'éducation que choisissaient ou prenaient pour eux, par nécessité, les chefs de leurs familles, soient examinés pour les grades scientifiques avec la plus parfaite équité.
Je désire donc ce bienfait pour tous sans restriction, parce qu'il leur appartient d'en jouir et d'en jouir avec toute la sécurité possible ; c'est pourquoi à l'interrogateur public j'associe l'interrogateur privé, afin que celui-ci pose les questions que désigne le conseil d'examen dans les termes les mieux appropriés à la méthode suivie par l'élève, si l'interrogateur public les formulait d'une manière plus difficile pour lui. Je me permets d'ajouter, en finissant, que je crois au progrès des études qui seraient beaucoup encouragées par le mode d'examen que je propose à votre attention, non, je le répète, d'après mes inspirations personnelles, mais d'après celles dont j'ai indiqué l'auteur.
Partout où l'on estime trouver la vérité, il faut la saisir avec empressement, sans se parer toutefois, par réticence, des découvertes d'autrui.
Mes développements sont très incomplets, je l'avoue, mais je n'ai pas eu le temps de leur donner plus d'étendue et d'en mieux établir la valeur.
- L'amendement de M. de Mérode sera imprimé et distribué.
La séance est levée à 4 heures et un quart.