(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1856-1857)
(Présidence de M. Delehaye.)
(page 205) M. Tack fait l'appel nominal à 2 heures et un quart.
M. Crombez lit le procès-verbal de la séance précédente.
- La rédaction en est approuvée.
M. Tack présente l'analyse des pièces qui ont été adressées à la Chambre.
« Les régents de l'école moyenne de Louvain demandent que le casuel qui leur est garanti par l'article 17 de la loi du 1er juin 1850 leur soit assuré dorénavant et d'une manière permanente. »
M. Lelièvre. - J'appuie la pétition qui mérite toute l'attention de la Chambre. Comme il s'agit d'un objet urgent, puisqu'il se rattache à un projet de loi qui sera déposé incessamment, je demande le renvoi de la réclamation à la commission des pétitions, avec invitation de faire un prompt rapport.
- Adopté.
« Le sieur Labouche demande la création de timbres-poste spéciaux pour les journaux et imprimés. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
Par dépêche du 3 décembre 1856, M. le ministre de la guerre transmet des explications sur la requête du capitaine pensionné Porte, ayant pour objet d'obtenir le bénéfice de la loi qui accorde dix années de service aux anciens officiers qui, en qualité de volontaires, ont pris part aux combats de la révolution.
- Dépôt aux bureaux des renseignements.
« Le sieur Simonet prie la Chambre de considérer comme non avenue sa demande de naturalisation en faveur de son fils. »
- Renvoi à M. le ministre de la justice.
« Les commis greffiers près le tribunal de première instance de Nivelles demandent une augmentation de traitement. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget de la justice.
« La députation permanente du conseil provincial du Hainaut présente des observations au sujet de l'augmentation de crédit demandée par le gouvernement en faveur des employés provinciaux, et prie la Chambre de porter à 9,000 fr. la part de cette province dans l'augmentation. »
- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le budget de l'intérieur.
M. le ministre de la justice transmet une requête du sieur Kenth, tendant à obtenir l'exemption du droit d'enregistrement auquel est assujettie la naturalisation ordinaire qui lui a été accordée.
- Renvoi à la commission des naturalisations.
Par dépêche du 4 décembre, M. le ministre de l'intérieur transmet à la Chambre 110 exemplaires d'une composition allégorique due à l'un de nos artistes les plus estimés, M. Portaels, et figurant un hommage de reconnaissance nationale offert au Roi à l'occasion du 25e anniversaire de l'inauguration du règne de S. M.
- Dépôt à la bibliothèque et distribution aux membres de la Chambre.
- M. de Naeyer remplace M. Delehaye au fauteuil
M. Delehaye (pour une motion d’ordre). - Messieurs, un journal de cette ville, rendant compte de la manière dont le bureau a proclamé hier le résultat du vote sur l'amendement de l'honorable M. Thiéfry, prétend qu'abusant de ma position et pour obtenir une voix de plus, j'ai tardé à proclamer le résultat.
La dignité dont vous m'avez fait l'honneur de m'investir me fait un devoir de protester contre cette accusation. MM. les secrétaires sont là pour dire que dès que les membres du bureau ont été d'accord sur le résultat du vote, je l'ai proclamé immédiatement. Je dirai même plus, l'honorable M. Desmaisières était entré dans la salle avant que nous eussions pu nous mettre d'accord sur le résultat de ce vote. Il n'y a donc eu aucune tactique de ma part, et je prie la Chambre d'être convaincue que quelles que soient les décisions qu'elle prendra, je me ferai toujours un devoir de les proclamer telles qu'elles sont.
La décision prise hier devait du reste m'être d'autant plus indifférente qu'adoptée, elle aurait été soumise à un second vote.
Si, messieurs, l'accusation me concernait seul, je me serais abstenu de protester. Mais comme elle tend à mettre en suspicion la loyauté du bureau entier, je me fais un devoir de protester. J'espère que ce journal comprendra assez sa dignité pour retirer son assertion. S’il persiste, votre protestation me vengera suffisamment de l'accusation dont j'ai été l'objet.
M. de Theux. - J'ajouterai une observation à celles que vient de présenter l'honorable président et qui sont de tous points parfaitement exactes ; c'est que si le fait allégué par un journal eût été vrai, il y aurait eu des réclamations dans cette enceinte. Or personne n'a réclamé. Ce seul fait doit suffire pour démontrer la fausseté de l'allégation. (Interruption )
M. Delehaye. - Je viens d'entendre dire qu'il y a eu réclamation ; je déclare que si j'avais entendu des réclamations, j'y aurais répondu immédiatement. Mais si une semblable réclamation a été faite par un membre de la Chambre, c'est que ce membre était dans l'erreur. Il n’a pas apprécié exactement les faits. Il n'y avait de la part du bureau aucune tactique. Comme j'ai eu l'honneur de le dire, à quoi aurait-il pu servir de ne pas proclamer une décision qui, dans tous les cas, devait être soumise à un second vote ?
M. Tesch. - C'est moi qui viens de dire qu'il y avait eu des réclamations, et cela est vrai. Il y a eu des réclamations de la part de la Chambre. On a dit à gauche : proclamez le résultat, et M. le président a répondu : les secrétaires ne sont pas d'accord. Ainsi il y a eu des réclamations. Le bureau a été très longtemps à se mettre d'accord.
M. Delehaye. - Je reconnais que le bureau a été quelque temps à se mettre d'accord, c'est ce que je viens de dire. Mais je répète qu'aussitôt que le bureau a été d'accord, nous avons proclamé le résultat.
M. Tesch. - Je ne conteste pas cela. Je dis qu'il y a eu des réclamations et qu'à ces réclamations M. le président a répondu : Le bureau n'est pas d'accord.
M. Crombez, secrétaire. - En effet, les deux secrétaires avaient trouvé des résultats différents. L'honorable M. Vermeire avait trouvé 32 voix contre -2 ; j'avais trouvé 31 voix pour et 33 contre parce que j'avais noté M. de Baillet-Latour comme ayant voté contre l'amendement tandis qu'il avait voté pour. Alors M. Vermeire m'a fait observer que M. de Baillet-Latour avait voté pour l'amendement de M. Thiéfry.
M. Lebeau. - Messieurs, ce n'est pas du tout pour contester la réclamation de M. le président, que j'ai demandé la permission de dire quelques mots. Il y a une formalité qui m'a toujours paru être accomplie par les présidents, c'est de déclarer immédiatement à haute voix, lorsque tous les membres présents ont voté, que le scrutin est fermé. Lorsque le président a déclaré le scrutin fermé, il ne peut plus y avoir prétexte à réclamations pour qui que ce soit arrivant dans la salle après cette déclaration. Je désire que si l'on s'est écarté de cet usage, on veuille bien y revenir, car il me paraît très utile, pour ne pas dire indispensable, si l'on veut prévenir des réclamations analogues à celle qui s'est produite.
M. Osy (pour une motion d’ordre). - J'ai l'honneur de proposer à la Chambre de mettre à l'ordre du jour de lundi prochain le projet de loi sur les timbres de commerce. Le rapport a été déposé dans la session dernière, et l'ordre du jour est peu chargé en ce moment. Nous pourrions nous occuper le même jour du traité de commerce avec la Grèce.
M. Devaux. - Messieurs, je ne m'oppose pas à la motion de l'honorable M. Osy, mais je demande qu'on fixe également le jour où commencera la discussion de la loi sur le jury d'examen. Si l'on n'est pas assez préparé et si le gouvernement a besoin d'un délai, on peut toujours fixer le jour, sauf à laisser quelque intervalle. Il est très important pour les études universitaires que la loi ne soit pas trop longtemps ajournée. Le rapport de la section centrale introduit de très grands changements dans les examens, changements qui doivent réagir sur l'enseignement, à tel point que certains élèves gagneraient une année si on adopte le système de la section centrale. Ces élèves perdraient donc une année par un trop long ajournement de la discussion, en supposant que le projet de la section centrale doive être adopté. Les professeurs doivent être fixés aussi sur les modifications qu'ils ont à faire subir à leur enseignement, pour le mettre en harmonie avec l'examen qui le suivra.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Decker). - Je reconnais avec l'honorable préopinant qu'il serait fort utile que la Chambre pût aborder le plus tôt possible l'examen de la loi sur le jury universitaire ; mais, d'une part, messieurs, j'avoue franchement que j'aurais bien voulu avoir quelques jours devant moi pour me préparer à une discussion dont tout le monde comprend l'importance. D'autre part, voici ce qui va arriver : vers le milieu de la semaine prochaine nous devrons forcément nous (page 206) occuper de projets de lois urgents, du budget des voies et moyens, du projet de loi sur les denrées alimentaires, projets dont l'examen exigera aussi un certain temps.
Je ne sais donc pas si nous pourrons, avant les vacances, aborder, sans la scinder, la discussion de la loi sur le jury d'examen. Je me tiens à la disposition de la Chambre ; mais, je le répète, je ne sais pas si nous pourrons nous occuper de cet objet avant la séparation de l'assemblée.
On pourrait mettre cet objet à l'ordre du jour, en première ligne, immédiatement à la rentrée de la Chambre après les vacances de Noël. J'en fais la proposition.
M. de Naeyer. - La parole est à M. Orts.
M. Orts. - J'y renonce, M. le président.
M. Devaux. - J'accepte, pour ma pari, le délai proposé par M. le ministre de l'intérieur.
M. Lelièvre. - Je crois devoir appuyer l'opinion émise par M. le ministre de l'intérieur. En conséquence on pourrait fixer la discussion au premier jour de séance après les vacances de Noël. Il est important que les élèves pour la candidature connaissent dans un bref délai les matières de l'examen afin qu'ils aient le temps convenable pour se préparer à subir cette épreuve.
- La proposition de M. le ministre de l'intérieur est mise aux voix et adoptée.
M. de Naeyer. - Je mets aux voix la proposition de M. Osy, tendante à mettre à l’ordre du jour de lundi le projet de loi sur la création d'un timbre de commerce et le traité avec la Grèce.
M. Vandenpeereboom. - Mais que ferons-nous samedi ?
M. de Naeyer. - Ne pourrait-on pas mettre à l'ordre du jour de samedi le projet de loi relatif aux traitements d'attente ?
M. Frère-Orban. - C'est une grave question.
M. le ministre des finances (M. Mercier). - Je pense que ce projet de loi donnerait lieu à plusieurs jours de discussion.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Decker). - Il est un autre objet sur lequel la Chambre doit encore statuer, mais qui vraisemblablement doit entraîner plusieurs jours de discussion ; c'est le projet de loi qui a pour objet de réviser l'article 23 de la loi du 23 septembre 1842 sur l'instruction primaire. La question est assez grave. Il s'agit de décider quelle sera la part d'intervention des communes dans les frais d'enseignement primaire. Je ne crois pas que les opinions des différentes personnes qui se sont occupées de cette question, soient bien d'accord. Nous pourrions donc avoir une très longue discussion sur ce point ; et comme le résultat de cette discussion est d'une très haute importance pour l'avenir de l'enseignement primaire, il ne me paraît pas désirable d'étrangler les débats sur ce projet de loi. (Non ! non !)
M. le ministre des finances (M. Mercier). - On pourrait peut-être discuter samedi le projet de loi sur le timbre d'endossement.
M. Osy. - Je maintiens ma proposition ; samedi l'honorable rapporteur ne pourra pas assister à la séance.
M. Loos. - Je suis le rapporteur de la section centrale ; je désire que l'objet soit mis à l'ordre du jour de lundi.
- La Chambre, consultée, met à l'ordre du jour de samedi le traité avec la Grèce, et à l'ordre du jour de lundi le projet de loi sur la création d'un timbre d'endossement.
La chambre en était restée à l’article 28.
« Art. 28. Bourses et demi-bourses affectées aux grands séminaires, à l'exception de celui de Liège : fr. 62,010 ? »
- Adopté.
« Art. 29. Clergé inférieur du culte catholique, déduction faite de 8,914 fr., pour revenus de cures : fr. 3,383,852. »
M. Frère-Orban. - Le gouvernement demande une augmentation de crédit affecté au clergé inférieur, pour la création d'un certain nombre de succursales et de vicariats. J'appelle l'attention de M. le ministre sur un point assez important qui m'a été signalé. Il semble qu'on ait l'intention d'imposer un vicariat à diverses communes qui, loin de le réclamer, protestent contre l'avantage dont on veut les gratifier. Je connais des localités dans lesquelles le conseil de fabrique et le conseil communal déclarent, à l'unanimité, qu'il n'y a pas nécessité d'établir un vicariat, et où cependant on paraît vouloir en établir.
Je ne discute pas la demande de crédit, j'admets qu'on doive pourvoir aux besoins du cube quand ils sont bien constatés, je ne propose pas de réduction. Mais j’espère que M. le ministre de la justice voudra bien déclarer que son intention n'est pas d'imposer d'office un vicaire dans les localités où, suivant l'opinion des autorités, les besoins spirituels des habitants n'exigent pas un nombre de ministres du culte plus considérable que celui qui s'y trouve maintenant. La création de nouvelles fonctions contre le vœu des habitants exposé à des conflits. Il en résulte, d'ailleurs, des charges qu'il convient d'éviter autant que possible.
M. Coomans. - Les faits énoncés par l'honorable député de Liège sont exacts, mais il ne lui est sans doute pas démontré pour cela qu'il faille s'abstenir de voter le subside demandé.
J'espère même me mettre entièrement d'accord avec l'honorable membre.
Les intérêts religieux ne sont pas toujours les seuls que consultent les communes ni même certaines fabriques. (Interruption.)
Messieurs, il faut dire la vérité en tout ; il va de soi que les centres de population aiment beaucoup mieux que les fidèles aillent à l'église au centre, chez elles, que de pouvoir s'acquitter de leurs devoirs religieux dans les hameaux éloignés où il s'agit d'élever des églises nouvelles, ou de créer un service divin. De là l'opposition qu'on signale çà et là.
J'avance des faits que j'affirme, je regrette que le gouvernement ne nous demande pas une somme plus élevée, parce que je ne connais pas, pour ma part, de dépense plus utile (je ne dis pas au point de vue religieux, mais à celui du progrès agricole et industriel), que la création de nouvelles églises en Belgique.
Messieurs, nous avons en Belgique des contrées entières que nous ferions mieux de coloniser que de consacrer nos fonds à la colonisation étrangère. Il y a une foule de localités en Belgique où les habitants doivent faire une ou deux lieues pour se rendre à l'église. Je suppose que c'est à cet inconvénient que le gouvernement veut surtout porter remède et je donnerai volontiers mon assentiment à la dépense actuelle ainsi qu'à d'autres plus élevées que l'on jugerait bon de proposer.
Je ne dis pas que l'intention de l'honorable député de Liège ait été de s'opposer à ce crédit ; mais l'observation qu'il a présentée était de nature à inspirer des doutes, me semble-t-il, et à faire hésiter certains membres sur le vote à émettre. C'est pour cela que j'ai cru devoir dire la vérité en me plaignant du mauvais vouloir de quelques communes. Maintes fois encore le fait avancé par M. Frère se présentera. Maintes fois les communes et les églises même nieront qu'il y ait utilité à développer le service divin, et cette négation sera inspirée par des considérations d'une portée purement matérielle, j'allais dire égoïste, surtout depuis un certain temps où le nombre des cabaretiers et des aubergistes dans les conseils communaux et dans le corps électoral est devenu trop considérable.
M. Vander Donckt. - Sans vouloir contredire les observations de l'honorable M. Frère, je viens cependant appuyer l'augmentation de l'allocation demandée au budget, et cela parce que je connais plusieurs communes dans nos Flandres, où une partie de la population se trouve à une telle distance de l'église, que la commodité de ces habitants et l'intérêt de la religion réclament impérieusement l'érection de succursales. Ce fait ne se présente pas seulement dans les Flandres. Si je suis bien informé, plusieurs honorables membres de cette Chambre, et je me permettrai de les indiquer, l'honorable M. Pierre et l'honorable M. Dautrebande doivent avoir fait des instances auprès du département de la justice pour obtenir l'érection de succursales dans différentes localités. D'autres membres, el moi-même, je ne le cache pas, nous avons fait de semblables démarches, entre autres pour la commune d'Edelaere.
Il y a réellement besoin urgent d'étendre le service divin dans plusieurs communes. C'est pour cela que je n'hésite pas à venir appuyer l'augmentation de l'allocation, sans vouloir, comme je viens de le dire, contester les observations de l'honorable M. Frère, pour d'autres localités.
M. le ministre de la justice (M. Nothomb). - L'honorable M. Frère n'a pas, me semble-t-il, contesté le chiffre ; il a seulement fait une réserve quant à l'application qui en serait faite. Il a paru craindre que le gouvernement imposât en quelque sorte d'office, dans certaines localités, la création d'un ministre du culte. Telle n'est pas l'intention du gouvernement. L'honorable député de Liège a peut-être puisé ses appréhensions dans l'indication de certains noms que j'ai jointe aux développements du budget, où j'ai signalé différentes localités. J'ai procédé de cette façon pour prouver à la Chambre quels étaient les besoins les plus urgents ; mais cette liste n'est pas une liste définitivement el irrévocablement arrêtée.
Si des localités contestent la création d'un ministre du culte, le gouvernement n'imposera certainement pas cette création, le gouvernement s'attache à mettre d'accord, autant qu'il est en lui, les autorités civiles et l'autorité religieuse qui interviennent dans l'instruction des affaires de ce genre.
L'honorable M. Coomans, tout en donnant son appui le plus sympathique au chiffre proposé, trouve qu'il n'est pas assez élevé. Je suis loin de prétendre que les besoins du culte ne demanderaient pas une somme plus forte. Mais, d'un autre côté, en présence de la situation financière, je n'ai pas cru devoir demander immédiatement un crédit plus considérable. A l'aide des ressources que la Chambre mettra à ma disposition en votant le crédit demandé, je pourrai du moins pourvoir aux besoins les plus urgents.
M. Frère-Orban. - J'ai été très bien compris par M. le ministre de la justice et très mal par l'honorable M. Coomans. Je n'ai ni discuté ni contesté le crédit demandé. Je n'avais pas les éléments nécessaires pour l'examiner ; je suis obligé de m'en rapporter aux déclarations du gouvernement.
J'ai appelé l'attention du gouvernement sur un point tout particulier (page 207) qui n'est pas non plus l'hypothèse qu'indique l'honorable M. Coomans. Cet honorable membre suppose des communes où il y a des hameaux isolés et des chapelles et qui ont intérêt à avoir soit un chapelain, soit un desservant.
Il peut arriver sans doute que dans ce cas des contestations s'élèvent entre des conseils communaux et les habitants qui réclament. Mais le fait que j'ai indiqué est tout différent ; il s'agit de communes où l'unanimité des conseils communaux et même des fabriques n'est affaiblie par aucune réclamation contraire, par aucun intérêt digne d'être écouté. L'avis des autorités ne peut ici être méconnu sans graves inconvénients. Aussi, M. le ministre de la justice s'est-il empressé de reconnaître qu'il ne pouvait pas alors imposer d'office des vicaires à ces communes.
M. Coomans. - Je suis d'accord avec l'honorable M. Frère, je le suis également avec l'honorable ministre de la justice, sauf en un point. M. le ministre vient de dire qu'il n'imposerait pas de succursales aux communes qui n'en désireraient pas ou qui s'opposeraient à la création de ces succursales. Je pense que l'on s'avance trop en tenant ce langage. Je pourrais aussi citer des cas où il est de toute nécessité que le gouvernement se prononce en faveur de la minorité qui est opprimée par la majorité, ce qui est de la tyrannie aussi.
- Le chiffre est mis aux voix et adopté.
« Art. 30. Subsides aux provinces, aux communes et aux fabriques d'églises pour les édifices servant au culte catholique, y compris les tours mixtes et les frais du culte dans l'église du camp de Beverloo : fr. 394,000.
« Charge extraordinaire : fr. 26,000. »
- Adopté.
« Art. 30bis. Monument à ériger en commémoration de la Reine Louise-Marie (quatrième cinquième du crédit de 450,000 fr., alloué par la loi du 21 juin 1853) ; charge extraordinaire : fr. 90,000. »
- Adopté.
« Art. 31. Culte protestant et anglican (Personnel) : fr. 50,376. »
- Adopté.
« Art. 32. Subsides pour frais du culte et dépenses diverses : fr. 7,524. »
- Adopté.
« Art. 33. Culte israélite (Personnel) : fr. 9,200. »
- Adopté.
« Art. 34. Frais de bureau du consistoire central et dépenses imprévues : fr. 300. »
- Adopté.
« Art. 35. Pensions ecclésiastiques (payement des termes échus avant l'inscription au grand-livre) : fr. 8,000. »
- Adopté.
« Art. 36. Secours pour les ministres des cultes ; secours aux anciens religieux et religieuses : fr. 18,000 »
- Adopté.
M. Delexhy. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale qui a examiné le projet de loi tendant à allouer au département des travaux publics un crédit de 100,000 fr. pour l'établissement de haies et clôtures au chemin de fer de Dendre-et-Waes.
- La Chambre ordonne l'impression et la distribution de ce rapport et le met à la suite des objets à l'ordre du jour.
M. Orts. - Messieurs, je crois devoir interrompre la discussion du budget de la justice pour adresser à M. le ministre de la justice une interpellation relative à un fait de la plus haute gravité, à un fait qui revêt un caractère d'urgence éminent et touche également à une question politique et constitutionnelle de l'ordre le plus élevé.
Il s'agit ni plus ni moins que de l'expulsion d'un de nos concitoyens, déclaré tel par la justice et expulsé, nonobstant les déclarations de la justice, par l'ordre de l'administration de la sûreté publique. Cet homme, Belge, notre concitoyen, ayant autant de droits que chacun de nous à demeurer sur sa terre natale, illégalement arraché à sa patrie, a été repoussé du territoire étranger eu qualité d'étranger ; de sorte qu'aujourd'hui il en est à ne pas savoir où reposer sa tête. S'il rentre sur le territoire belge, il va en prison, et est ensuite reconduit à la frontière. Sur le territoire étranger on le repousse et aujourd'hui ce malheureux en est littéralement réduit à errer dans les bois aux environs de Gand.
Voici les faits. M. le ministre de la justice a présenté à la signature du Roi un arrêté d'expulsion publié sous la date du 16 août 1856 et qui enjoint au nommé Jacques Cocquyt, journalier, âgé de 36 ans, né à Philippine, territoire hollandais de la Zélande, de quitter le royaume avec défense d'y rentrer à l'avenir sous les peines comminées par la loi du 22 septembre 1835.
Ce journalier est, par parenthèse, père de plusieurs enfants, nés d'un mariage contracté avec une Belge sur notre territoire.
Il n'est ni repris de justice, ni signalé par aucun rapport joint à son dossier, comme troublant d'une manière quelconque la tranquillité publique en Belgique. Lorsque son expulsion ordonnée par l'arrêté du 16 août lui a été signifiée, il a répondu qu'il était prêt à quitter le territoire. Son défaut d'instruction ne lui laissait probablement pas apercevoir le droit de résistance légale dont il pouvait user contre une semblable mesure. Il ne sait ni lire ni écrite.
Le 31 octobre 1856, une dépêche de M. l'administrateur de la sûreté publique parvint à l'autorité locale de la commune de Bouchaute que cet individu habitait. Ella enjoint à la gendarmerie d'Assenede d'opérer l'arrestation de Cocquyt et de le conduire à la frontière hollandaise. Là, le voyant arriver entre deux gendarmes belges, lui étranger, la police de la première commune limitrophe de la Zélande se dit que cet homme, dont le gouvernement beige cherchait â se débarrasser, était sans doute un personnage dangereux. Elle le repousse du territoire hollandais comme étranger et le renvoie en Belgique. Le 26 octobre, quatre jours après son expulsion, il est repris par la gendarmerie belge qui l'arrête et le conduit à Gand à la disposition de M. le procureur du roi. On l'écroue sous prévention de rupture de ban, c'est-à-dire sous prévention d'être rentré sur le territoire belge après en avoir été expulsé par arrêté royal, délit prévu par la loi de 1835.
Cocquyt est donc incarcéré le 26 octobre de cette année. Il est mis en état d'arrestation, évidemment d'une manière illégale, s'il est Belge, comme vous allez voir. Et tout cela se produit, notez-le bien, sans erreur, sans obscurité possible sur les faits. Rien n'était ignoré, chose étrange, inexplicable, ni par le parquet de Gand, ni par l'administration de la sûreté publique à Bruxelles.
En effet, le 31 octobre, quatre jours après l'emprisonnement préventif de Cocquyt, l'administrateur de la sûreté publique à Bruxelles transmet à M. le procureur du roi de Gand les pièces nécessaires, dit-il, pour faire poursuivre le nommé Jacques Cocquyt, du chef de rupture de ban, et il a soin d'ajouter dans sa lettre qu'il demande à M. le procureur du roi de Gand de tenir M. le ministre de la justice au courant de l'issue de l'affaire devant son tribunal correctionnel.
L'affaire se produit en justice un peu bien tard, mais n'importe, elle est plaidée le 27 novembre seulement, après une détention préventive de plus d'un mois, et le tribunal de Gand décide, sur les conclusions conformes du ministère public, que l'homme expulsé comme étranger est Belge :
Que, par conséquent il n'a pas pu être expulsé légalement, et qu'il n'a pas pu davantage commettre un délit quelconque en n'obéissant pas à l'arrêté royal inconstitutionnel dont il s'agit.
Voici, messieurs, le texte du jugement :
« En cause de Jacques-Bernard Cocquyt, âgé. de 37 ans, ouvrier, né à Philippine et demeurant en dernier lieu à Bouchaute ;
« Prévenu de contravention à l'article 6 de la loi du 22 septembre 1835 pour être rentré en Belgique, en octobre 1856, après en avoir été expulsé ;
« Ouï le prévenu en ses moyens de défense proposés par son conseil, Me Van Hoorebeke, avocat ;
« Ouï également les conclusions conformes de M. Granjean, substitut du procureur du roi ;
« Le tribunal attendu que le prévenu est né à Philippine (Hollande) de parents belges et qu'ainsi il a conservé sa qualité de Belge aux termes de l'article 10 du code civil ; que partant la loi du 22 septembre ne lui est pas applicable :
« Par ces motifs, faisant droit contradictoirement, renvoie le prévenu Jacques Bernard Cocquyt des fins de la poursuite, sans frais.
« Fait et prononcé en séance publique du vingt-sept novembre an huit cent cinquante-six, présents MM. Morel, vice-président. Fiers, juge, J. Dubois, juge suppléant, Granjean, substitut du procureur du roi, et Loveling, commis greffier. »
Le ministère public n'interjette pas appel de ce jugement. Le ministère public sur l'avis conforme duquel le jugement avait été porté fait réintégrer cet homme dans la prison de Gand et que se passe-t-il ensuite ? On l'expulse de nouveau ! (Interruption.)
La chose est positive, quoique inouïe, les faits que je cite ne seront pas démentis. On l'expulse, messieurs, de nouveau et cette fois l'autorité communale du premier village des Pays-Bas où il a abordé, lui délivre en le repoussant derechef en deçà de nos frontières, une déclaration portant que si on le repousse, c'est parce qu'il n'est pas Hollandais. Il veut rentrer à son domicile ; sa maison est entourée de gendarmes belges qui l'attendent pour l'arrêter. Il s'échappe el il erre encore aujourd'hui à travers les campagnes, ne sachant où reposer sa tête.
Cependant ce malheureux a autant de droit qu'aucun de nous d'habiter le sol de la Belgique.
De pareilles violations des droits les plus sacrés n'ont pas besoin de commentaires.
Je demande que M. le ministre de la justice, s'il reconnaît, comme il le reconnaîtra certainement, la vérité des faits que je porte à cette tribune, prenne immédiatement des mesures pour que la liberté individuelle des Belges soit respectée. Je demande, en môme temps, qu'il prenne vis-à-vis de l'autorité, si haut placée qu'elle puisse être, coupable des abus dont je viens de parler, les mesures exemplaires propres à en empêcher le retour.
Je déclare que si une satisfaction éclatante et prompte n'est pas donnée, je proposerai un vote de défiance sur les crédits demandés pour l'administration de la sûreté publique.
M. le ministre de la justice (M. Nothomb). - La Chambre comprendra parfaitement qu'il m'est impossible d'entrer dès maintenant dans l'examen de cette affaire. Le ministre de la justice signe cinq ou six cents arrêtés d'expulsion par an ; il est donc impossible qu'il se rappelle instantanément tous les détails de chacune des affaires. Je donnerai, si (page 208) l'honorable membre le désire, des explications aussi complètes que possible, dans la séance de demain. Que s'il veut se contenter de la déclaration que je fais ici, que j'examinerai à fond l'affaire et que j'y donnerai la solution qu'elle doit recevoir, cet incident pourrait ne pas avoir de suite.
Sans être à même de contester ce qu'a dit l'honorable M. Orts, je dois supposer qu'il a été induit en erreur.
Je ne connais pas de fonctionnaire qui, plus que M. l'administrateur de la sûreté publique, apporte dans l'accomplissement de ses devoirs plus de zèle, plus d'exactitude, plus de circonspection, et surtout un plus grand désir d'éviter tout ce qui pourrait porter atteinte à la liberté individuelle et aux prérogatives de nos concitoyens. C'est un hommage que je me plais à lui rendre.
Au reste, je le répète, si l'honorable M. Orts désire que je donne des explications demain, je suis prêt à le faire ; que si, au contraire, il veut s'en rapporter à la décision que je prendrai, je déclare formellement que si je reconnais le fondement de sa réclamation je m'empresserai d'y faire droit de la manière la plus complète.
M. Lelièvre. - Le fait dont a par le l'honorable M. Orts a révélé une circonstance assez grave sur laquelle j'appelle l'attention de M. le ministre de la justice. Il paraît que dans l'affaire dont nous nous occupons, l'inculpé, avant d'être mis en jugement, avait subi un emprisonnement préventif d'un mois, alors qu'il s'agissait d'un fait très simple, qui n'exigeait pas une longue instruction.
Je pense que M. le ministre ferait chose utile de rappeler aux fonctionnaires de l'ordre judiciaire les principes de la circulaire de M. Tesch, sur la détention préventive. Dans certaines localités, à Namur, par exemple, je ne pense pas qu'il se commette aucun abus, mais il n'en est pas ainsi ailleurs. On ne se pénètre pas assez de l'idée qu'en matière de, délits, il n'y a lieu à détention préventive que quand il existe des circonstances graves et exceptionnelles exigeant cette mesure rigoureuse.
La liberté provisoire est la règle et la détention préventive ne doit être que l'exception, li s'agit ici de la liberté la plus précieuse des citoyens, la liberté individuelle ; on ne saurait assez veiller à ce qu'elle soit respectée. Cette matière touchant aux intérêts les plus importants, ne saurait être perdue de vue par le gouvernement.
Je prie aussi M. le ministre de bien vouloir inviter les juges d'instruction à accélérer le plus possible l'information préparatoire dans les affaires où il y a détention préventive. Tout retard qu'éprouve l'instruction en pareil cas est extrêmement regrettable, puisqu'il lèse les intérêts les plus respectables. Je ne saurais assez recommander cet objet à la sollicitude du gouvernement.
M. Orts. - Messieurs, contrairement aux habitudes que j'ai toujours suivies, j'ai cru pouvoir adresser une interpellation à M. le ministre de la justice sans l'avoir prévenu. Je l'ai fait pour plusieurs raisons, parce que, d'abord, le fait présentait un caractère d'urgence extrême ; il s'agit d'un malheureux qui erre littéralement dans les champs sans abri.
En second lieu, si j'avais été informé des faits hier, j'aurais prévenu ce matin M. le ministre de la justice ; je viens de les apprendre. Enfin je croyais et devais croire M. le ministre très bien averti puisque l'administration de la sûreté publique avait écrit au parquet de Gaud dès la fin d'octobre de tenir M. le ministre au courant de la suite qui serait donnée à l'affaire, et je suis intimement convaincu que le parquet de Gand, ainsi mis en demeure, n'est pas resté jusqu'au 4 décembre sans faire connaître au gouvernement un jugement du 27 novembre.
Il n'est pas possible que le parquet de Gand, chargé par la loi de l'exécution des jugements, ait pris sur lui de réexpulser un individu qui était en prison, de le réexpulser sans l'intervention de la police administrative. J'aurais compris que, voulant interjeter appel, on eût maintenu l'individu en prison ; c'eût été très rigoureux, mais, enfin, c'était dans le strict droit. Mais extraire l'homme de sa prison et le réexpulser, c'est ce qu'on n'aura jamais osé exécuter sinon sur l'ordre de l'administration centrale de Bruxelles. Sur cet ordre seul, le geôlier de Gand a pu se dessaisir d'un prisonnier.
J'avais donc lieu de croire que l'administration centrale de Bruxelles et, par conséquent, M. le ministre étaient parfaitement renseignés.
Maintenant, puisque je me suis trompé, je ne m'oppose pas à ce que M. le ministre remette à demain les explications à la Chambre, mais je désire que ces explications soient données devant la Chambre, car je doute qu'on ait jamais accusé devant la représentation nationale une atteinte plus grave à la liberté individuelle ni apporté la preuve d'un mépris plus profond des décisions de la magistrature par l'administration.
Sans doute, messieurs, l'administrateur de la sûreté publique est un fonctionnaire très honorable ; je n'ai pas attendu jusqu'à présent pour lui rendre une pleine et entière justice ; mais si une erreur aussi grave que celle que j'ai signalée, et dont la responsabilité doit nécessairement retomber soit sur le parquet de Gand, soit sur l'administration centrale de la sûreté publique, a été commise, il n'y a pas de considération personnelle qui puisse m'arrêter dans l'expression du blâme le plus sévère et le plus énergique. J'attendrai.
M. de Naeyer. - Nous reprenons l'ordre du jour.
M. de Naeyer. - La discussion générale est ouverte sur le chapitre IX (Etablissements de bienfaisance)
M. Moreau. - Messieurs, le gouvernement a promis de nous présenter, dans le cours de cette session, un projet de loi sur les dépôts de mendicité. La Chambre sera sans doute saisie de cette question importante assez tôt pour qu'elle puisse la résoudre le plus tôt possible, car, messieurs, il est temps de faire droit aux justes et vives réclamations que fait naître ce qui existe aujourd'hui, il importe de faire cesser les abus nombreux, signalés de toute part, auxquels donnent lieu les dépôts le mendicité. J'espère donc que M. le ministre de la justice aura égard à ma demande.
Mon intention, messieurs, n'est donc pas de traiter de nouveau et longuement cette question, j'attendrai à cet effet les propositions du gouvernement.
Toutefois, puisqu'il élabore un projet de loi sur cette matière, je crois faire chose utile, en lui signalant quelques faits constatés par la statistique.
El voici le premier de ces faits :
De 1830 à 1836 inclus, il existait en Belgique six dépôts de mendicité,. C'étaient ceux de Namur, de Bruges, de la Cambre, de Hoogstraeten, de Mons et de Reckheim.
En 1837, le dépôt de Namur a été supprimé et les reclus ont été transférés dans celui de Mons, qui sert en conséquence aujourd'hui pour les mendiants des provinces de Hainaut, de Namur et de Luxembourg.
On devait naturellement s'attendre à ce que, pendant les années postérieures à 1837, la population de ce dépôt augmentât dans la proportion du nombre de mendiants hébergés à Namur.
Eh bien, messieurs, il n'en est rien, les documents fournis par le gouvernement lui-même le prouvent à l'évidence.
En effet, de 1830 à 1836 inclus, la population du dépôt de Namur a été de 2,290 individus ; soit en moyenne, par année, de 327, celle du dépôt de Mons de 1,728 reclus, soit en moyenne de 247.
L'on devait donc croire qu'en 1837, 1838, 1839 et années suivantes la population du dépôt de Mons s'augmenterait de 327 reclus, et qu'elle serait ainsi en moyenne de 574 mendiants.
Mais, messieurs, ces prédictions ont été loin de se réaliser.
Eu 1838, il n'y avait à Mons que 360 individus, en 1839, 344, en 1840, 382 ; en 1841, 325 ; en 1842, 377 ; en 1843, 444 et en 1844, 509.
Ainsi, pendant ces années, la moyenne des détenus à Mons n'est que de 391, chiffre surpassant seulement de 144 individus la moyenne des mendiants détenus à Mons, avant la suppression du dépôt de mendicité de Namur. C'est-à-dire que cette suppression, au lieu de faire augmenter la population du dépôt de Mons de 537 personnes, ne l'accrut que de 144.
Et encore ce chiffre n'est-il pas exact, il est évidemment trop élevé, car il faut tenir compte de l'augmentation de la population qui s'est manifestée dans tous les autres dépôts de mendicité, pendant cette période de 1838 à 1844, et elle a été considérable.
C'est ainsi, messieurs, qu'à la Cambre de 1830 à 1837, la moyenne des reclus était de 1,110, tandis que de 1838 à 1844, elle s'élevait à 1,660 ; pendant cette période, il y a donc eu accroissement de près de moitié.
Par conséquent si le nombre des détenus à Mons a dû, comme celui des reclus de la Cambre, s'accroître de près de moitié, indépendamment de sa réunion avec celui de Namur, ou trouve que la population du dépôt de Mons aurait dû être à peu près ce qu'elle a été pendant les années 1838 inclus 1844 ; en d'autres termes, en tenant compte de l'augmentation successive des détenus qui a été constatée dans tous les dépôts pendant lesdites années, il devait y avoir à Mons 370 mendiants si le dépôt de Namur était resté ouvert, et il n'y en a eu que 391, quoique les mendiants de Namur aient été admis dans cet établissement,, différences 21.
Telle est donc l'influence que la suppression du dépôt de Namur a. exercée sur le chiffre de la population de celui de Mons.
En résumé il résulte des faits constatés officiellement par la statistique que la suppression du dépôt de mendicité de Namur n'a pas augmenté ou a accru tout au plus de 21 individus le nombre des mendiants reclus au dépôt de Mons.
C’est là, messieurs, une nouvelle preuve de ce que nous avons avouée que les dépôts favorisent la mendicité, tandis que leur suppression la diminue.
Un deuxième fait établi également par des chiffres officiels, c'est que plus les dépôts de mendicité sont rapprochés des villes populeuses, plus le nombre des mendiants qu'ils renferment est considérable.
Ainsi en 1843 le dépôt de la Cambre contenait 30 37/100 de reclus sur 10,000 habitants de la province de Brabant, tandis que pour le Luxembourg il n'y eu avait pas un par 10,000 habitants, la proportion était de 0,83/100.
Avant la suppression de son dépôt, la province de Namur comptait 15 mendiants hebergés à ses dépens dans cet établissement sur 10,000 âmes de population ; eh bien en 1843 après la suppression, elle n'en avait plus que 2 70/100. Et cependant on disait aussi alors que le dépôt de Namur était un établissement utile, nécessaire, qu'il était bon de maintenir, aussi en réclamait-on instamment la conservation.
Tant il est difficile de remédier à des abus lorsqu'ils existent depuis longtemps et de faire disparaître des préjugés qu'on a flattés !
Enfin, messieurs, un fait bien étrange vient de nous être révélé par (page 209) l'honorable ministre de la justice, sur l'interpellation d'une section.
Ce fait, je ne crains pas de le dire, constitue la plus criante injustice et une violation flagrante de la loi.
Comme vous le savez, les dépôts de mendicité sont des établissements qui n'ont pas de capitaux, leurs dépenses sont uniquement couvertes au moyen des recouvrements qu'ils doivent opérer sur les communes débitrices.
Or, l'état annexé au rapport de la section centrale constate qu'en ce moment, il leur est dû 587,223 fr. 43 c.
Eh bien, que font les dépôts de mendicité pour marcher, malgré cet énorme déficit ?
Ils augmentent la journée d'entretien de chaque détenu, de manière que les communes qui payent loyalement et exactement aux dépôts les frais d'entretien de leurs indigents, supportent en réalité les dettes des autres communes qui ne s'exécutent pas.
Je vous le demande,messieurs, cet état de choses est-il tolérable ? Comment qualifier ce procédé qui consiste, il faut bien le reconnaître, à prendre quelque chose aux uns, pour en faire profiter d'autres ?
La loi du 13 août 1833 met à charge des communes le prix de la journée d'entretien de leurs mendiants détenus dans les dépôts, mais rien autre chose, elles ne sont tenues de rembourser que les dépenses que la détention des indigents occasionne ; la loi ne porte dans aucune de ses dispositions que certaines communes soient obligées de suppléer au défaut de payement des autres.
N'est-ce donc pas violer ouvertement la loi que de faire supporter aux uns les charges des autres ? de faire combler par des communes un déficit qui ne les concerne pas ?
Certes, en présence de cette manière d'agir les communes, lorsqu'on leur demande le payement des frais d'entretien de leurs mendiants, ne sont-elles pas en droit de répondre qu'elles sont prêtes à le faire, lorsqu'on aura déduit de leurs créances ce qu'en réalité elles ne doivent pas ?
Messieurs, je ne parlerai pas davantage des dépôts de mendicité ; ce que j'ai dit suffit pour démontrer, comme je le déclarais tantôt, qu'il était temps, plus que temps d'apporter un remède prompt et efficace à l'état actuel des choses.
Je me permettrai cependant d'appeler encore un instant votre attention sur la loi relative au domicile de secours qu'il importe aussi de réviser dans un bref délai.
M. le ministre de la justice dit qu'elle fonctionne depuis trop peu de temps encore pour qu'il ait été mis à même d'en apprécier convenablement les avantages et les inconvénients.
El cependant, messieurs, que voyez-vous presque chaque jour, dans les colonnes du Moniteur, si ce n'est de nombreux arrêtés royaux, tantôt annulant des décisions des députations permanentes, tantôt mettant fin à des contestations existantes entre les communes ?
Si M. le ministre de la justice voulait bien nous faire connaître à combien de contestations a donné lieu, annuellement, la loi sur le domicile de secours, depuis qu'elle est en vigueur, je suis certain qu'il nous produirait un état statistique tout à la fois instructif et curieux.
Je sais, par exemple, que cette loi, dont on ne peut, dit-on, apprécier encore les inconvénients, a fait naître en 1855, dans la seule province de Brabant, 185 procès administratifs.
Je sais qu'elle suscite les plaintes les plus vives de toutes les administrations communales, je sais que bien souvent on nous adresse des pétitions pour nous en demander la révision et que naguère encore on en a signalé les défauts dans une longue discussion qui a eu lieu dans une assemblée délibérante au sein de la capitale.
Enfin à quel chiffre évaluerai-je le nombre des employés communaux et autres qui sont chaque jour occupés presque exclusivement à rechercher, à examiner quel est le domicile de secours de nombreux mendiants ?
D'un autre côté je ne sache pas, messieurs, que ni la loi du 24 vendémiaire an II, ni celle de 1818 sous le régime desquelles nous avons longtemps vécu, ait donné lieu à des difficultés aussi nombreuses ; je ne sache pas non plus que dans des pays voisins le domicile de secours soit l'objet de tant de contestations.
Du reste, messieurs, je ne veux pas traiter incidemment une question aussi importante, je me contenterai d'ajouter qu'une loi qui, comme on l'a déjà dit, consacre le droit à l'assistance en imposant à la commune l'obligation de secourir tout indigent qui se trouve sur son territoire, introduira toujours de graves inconvénients et ne donnera jamais de bons résultats.
Il est donc également urgent que le gouvernement procède à la révision de la loi sur le domicile de secours.
M. Vander Donckt. - Messieurs, depuis que j'ai l'honneur de siéger dans cette Chambre, je n'ai cessé de réclamer la réforme des dispositions législatives sur les dépôts de mendicité et le domicile de secours. J'ai eu l'honneur de présenter des rapports sur des centaines de pétitions émanées de toutes les communes du pays et tendant aux mêmes fins. Je suis heureux aujourd'hui de constater que cette question a fait un grand pas, grâce à nos efforts réunis ; je suis heureux de voir que la Chambre et le gouvernement sont d'accord sur la nécessité de réviser cette législation.
Je n'entrerai pas pour le moment dans tous les détails de la question ; je me bornerai à rappeler le remarquable discours que l'honorable M. Moreau a prononcé dans la dernière session à ce sujet, et qui a beaucoup contribué à amener ce résultat et à convaincre la Chambre et le gouvernement de la nécessité de cette révision ; enfin le discours du Trône lui-même a fait mention de cet objet ; nous pouvons donc espérer que bientôt cette réforme aura lieu.
Je présenterai une simple observation que je recommande à l'attention spéciale de l'honorable ministre de la justice.
Dans deux communes des plus populeuses du Hainaut, une coalition, un complot coupable s'est formé entre ceux qui prétendaient avoir droit aux secours des bureaux de bienfaisance de ces communes. A la suite de ce complot, ils sont entrés en masse au dépôt de mendicité, les uns par une condamnation, les autres volontairement ; peu importe ; mais le complot a eu pour effet de forcer ces communes à s'obérer, pour payer la somme de 23,000 fr. dont elles se sont trouvées redevables au dépôt de mendicité. A l'heure qu'il est, quoique les communes aient eu recours à tous les moyens possibles de s'exécuter, elles ne sont parvenues qu'à éteindre la moitié de la dette. Ces deux communes sont celles d'Ellezelles et Flobecq. Plusieurs honorables membres de la Chambre pourraient confirmer ce que j'ai dit, parce qu'ils en ont une connaissance spéciale.
Je le déclare, la législation actuelle a pour résultat de décourager les administrations communales et les maîtres de pauvres, de leur enlever la part d'autorité et de pouvoir à laquelle ils ont droit. Eh bien, c'était pour se venger des administrations locales et des bureaux de bienfaisance que les individus dont je parlais tout à l'heure sont entrés au dépôt de mendicité, dans le but avoué d'imposer une lourde charge à ces communes ; ils leur en avaient fait la menace d'avance et ils sont parvenus à l'imposer à ces communes ; ce qui s'est passé en grand dans ces communes, se passe tous les jours, sur une moindre échelle, dans les communes des Flandres.
Je demande que dans le nouveau projet de loi, le gouvernement présente des dispositions telles que les conseils communaux et les bureaux de bienfaisance ne puissent plus être paralysés, par les pauvres de mauvais vouloir, dans l'exercice de leur pouvoir, comme ils le sont aujourd'hui.
La Chambre doit comprendre que l'état actuel des choses ne peut plus durer : le maintien du régime actuel placerait la plupart de nos pauvres communes des Flandres dans une position intolérable et les entraînerait à leur ruine, à une banqueroute inévitable.
Je bornerai là mes observations ; je recommande à M. le ministre de la justice de nous présenter un projet de loi sur cet objet assez à temps pour qu'il puisse être convenablement discuté et voté dans la session actuelle. J'ai dit.
M. le ministre de la justice (M. Nothomb). - J'ai écouté avec le plus vif intérêt les discours des deux honorables membres qui viennent de se rasseoir ; le gouvernement y puisera plus d'un utile renseignement pour la solution de la question qui nous préoccupe tous. Je ferai comme ces honorables membres, je n'entrerai pas plus avant dans la discussion du fond, car je leur donne avec satisfaction l'assurance qu'avant peu je présenterai à la Chambre le projet de loi que j'ai promis.
M. Rodenbach. - Messieurs, je m'associe de tout point aux observations qui vous ont été présentées par les honorables MM. Moreau et Vander Donckt. J'ai été frappé des chiffres statistiques que vous a fait connaître le premier de ces orateurs : l'honorable M. Moreau vous a dit que la suppression de quelques dépôts de mendicité n'a pas eu pour conséquence d'augmenter le nombre des mendiants. Ce fait m'en rappelle un autre, c'est que quand on a supprimé des tours, on n'a pas vu s'accroître le nombre des infanticides. Ainsi, d'après ces faits incontestables, on est autorisé à croire que plus on supprimera le nombre de dépôts de mendicité, moins il y aura d'individus livrés au vagabondage.
En effet, ces individus trouvent facilement à aller s'héberger dans les dépôts de mendicité. On les arrête dans les grandes villes, qui, sous ce rapport, sont beaucoup moins lésées que les communes ; on les envoie au dépôt de mendicité aux frais de ces communes, dont par là on occasionne en quelque sorte la ruine.
Il en est de même des pauvres qui tombent malades dans les grandes villes : on les met à l'hospice, et il en résulte encore des frais considérables pour les communes.
Je l'ai dit déjà bien souvent et je ne cesserai de le répéter : chaque commune devrait enfermer elle-même ses vagabonds et tous ceux de ses habitants qui sont sans travail ; la conséquence de ce système serait la suppression de tous les dépôts de mendicité.
Ce serait faire acte de bien bonne administration que de faire table rase de ces établissements qui ont déjà causé tant de mal au pays.
Aujourd'hui le nombre des dépôts de mendicité est très peu considérable. D'ailleurs, comme on l'a dit, on exige une somme élevée pour l'entretien dans les dépôts de mendicité et dans les hospices. Or dans des villages des Flandres, il y a des hospices de vieillards où l'on parvient, à l'aide de la culture de quelques hectares de terre,qu'on loue même souvent, à entretenir les pauvres pour 10 ou 20 centimes par jour, j’en sais quelque chose ; je puis certifier l'exactitude de ces chiffres en ma qualité de magistrat d’une commune ; je puis affirmer que dans la commune que j'administre on entretient, à l'aide de moyen que j'indique,(page 210) jusqu'à 100 et même 150 pauvres par jour, à raison de 16 ou de20 centimes par individu.
Ainsi en décentralisant la bienfaisance, quand chaque commune entretient ses pauvres, on fait une excellente affaire. C'est du reste un devoir pour chaque commune d'entretenir ses pauvres.
On vous l'a déjà dit, les correspondances auxquelles donne lieu le domicile de secours fournissent plus de travail aux secrétaires communaux que toute l'administration.
Je citerai aussi un chiffre. Il paraît qu'il y a eu dans la province de Brabant 180 procès à raison du domicile de secours, parce que des communes prétendaient n'être pas tenues de payer ce qu'on réclamait d'elles.
C'est là la lèpre de nos communes, on ne peut la faire disparaître trop promptement. En France, le domicile de secours s'établit par une année d'habitation dans une commune. Je crois que c'est aux termes de la loi de l'an II de la république ; chez nous il faut huit ans de résidence ; il en résulte un dédale inextricable dont il ne sort que des procès.
La loi du domicile de secours est aussi détestable que la loi sur les dépôts de mendicité. Ces deux lois sont la lèpre et la ruine de nos communes.
Je n'en dirai pas davantage maintenant. M. le ministre a annoncé qu'il présenterait un projet de loi dans le cours de cette session, j'espère qu'il aura égard aux observations qui ont été présentées dans cette enceinte.
Je regrette que l'honorable M. de Muelenaere ne soit pas présent, car il est à ma connaissance qu'il a fait sur la question un mémoire établissant que ce qui concerne le domicile de secours et la mendicité est ce qu'il y a de plus mauvais dans nos administrations communales.
M. Julliot. - Nous avons des lois qui ont la prétention de réprimer la mendicité, et je n'hésite pas à le dire, elles ne répriment rien du tout, c'est-à-dire que 2 ou 3 pour mille des délits commis sont punis et que les autres échappent. Or les lois inexécutées sont destructives du principe d'autorité, ce sont des éléments dissolvants de la société, il faut les abattre.
M. le ministre de h justice nous promet un projet de loi sur les dépôts de mendicité dans un délai quelconque. Cette promesse peut contenter ceux qui ont foi dans ces dépôts moyennant des améliorations supposées ou réelles ; mais ceux qui, comme moi, pensent que ces dépôts ont fait leur temps, qu'ils sont mauvais dans leur principe comme dans leur application auront assez de peine à contenir leur impatience.
Messieurs, les dépôts de mendicité sont mauvais dans leur principe parce qu'ils entraînent forcément au droit à l'assistance ; ce droit est dangereux et antisocial ; nous repoussons tous sans exception le droit au travail, et nous faisons ménage en toute quiétude avec le principe du droit à l'assistance que je flétris comme le plus mauvais principe qu'on puisse écrire dans un Code.
Pourquoi dans cette matière ne pas suivre la Hollande qui a fait une loi dont l'article premier porte « niemand heeft regt op bijstand », personne n'a droit à l'assistance.
Les dépôts sont mauvais dans leur application, car ils ne répriment pas, servent de refuge volontaire aux paresseux et ruinent nos communes.
Selon moi, le droit à l'assistance, le domicile de secours, les dépôts de mendicité et la mendicité même sont des questions connexes qui se tiennent la main ; s'occuper de l'une sans s'inquiéter des autres, c'est prendre cette matière par le petit bout.
Quant au domicile de secours, la loi qui le règle est faite contre les contrées agricoles ; car voici ce qui se passe : les parties industrielles du pays attirent des ouvriers agricoles de tout âge dans leurs établissements, il les usent en peu d'années, puis, comme le domicile ne s'acquiert qu'au bout de 8 ans, on les renvoie comme invalides la sixième ou septième année à la commune du domicile qui les reçoit à sa charge, c'est-à-dire que l'industrie s'approprie l'actif des ouvriers agricoles et nous en abandonne le passif. On est même parvenu à tricher et à mettre à notre charge des gens qui ont résidé 12 et 15 ans ailleurs. Comme garde civique, comme électeur on appartient à une commune, si on y est établi avant le 1er janvier, pourquoi n'en serait-il pas de même du pauvre ?
Et la mendicité comment se passe-t-elle ? Un mendiant me tend la main, je sais que c'est un délit, je vais à ma poche, je me constitue son complice ; si un municipal passe, il mettra le mendiant en prison et me tirera son chapeau avec respect quoique je me sois fait le complice avoué d'un délinquant. Cela semble étrange.
Messieurs, je pense qu'il serait utile de supprimer les dépôts de mendicité et leur mauvais cortège, le droit à l'assistance.
Qu'il serait encore bon de tolérer la mendicité à la campagne par les mendiants de la commune même ; tout le monde s'y connaît, pas un denier ne se perdra, on donnera à ceux qui sont réellement malheureux et on repoussera le fainéant, c'est-à-dire qu'on le forcera de la bonne manière au travail.
On pourrait laisser aux villes de faire les règlements de police qui leur semblent nécessaires, puis on devrait traiter de vagabond et le punir assez sévèrement, celui qui dans des communes autres que la sienne va grimacer des maux qu'il n'a pas.
Je convie M. le ministre de vouloir examiner les principes que je viens de soulever et nous dire plus tard quelles sont les causes qui s'opposent à cette application que je crois bonne.
M. T'Kint de Naeyer. - L'honorable ministre de la justice vient de renouveler la promesse qu'il a faite dans le sein de la section centrale de présenter un projet de loi sur les dépôts de mendicité. Malgré ces promesses, je crains bien que la question ne soit pas résolue de si tôt. Il n'est pas si facile que d'honorables préopinants l'ont affirmé de faire table rase des dépôts de mendicité.
En effet, nous sommes en présence de l'article 275 du Code pénal qui prescrit le renvoi des mendiants, à l'expiration de leur peine, dans les dépôts de mendicité.
Aussi longtemps que cette législation n'aura pas été révisée, je me demande comment il sera possible de s'occuper de la réforme qui nous est annoncée.
Si certaines dispositions étaient maintenues, si elles étaient rigoureusement appliquées, au lieu d'héberger dans les dépôts quatre ou cinq mille mendiants comme aujourd'hui, il faudrait y envoyer les 85,000 mendiants qui, s'il faut en croire les statistiques officielles, sont répandus dans le Royaume. Ce n'est pas à ce résultat assurément que nous voulons arriver. Le budget des communes et le budget de l'Etat seraient bientôt absorbés.
Ainsi, dans la pratique, les dispositions du Code pénal concernant la mendicité sont condamnées II en est de même en France, où le système a pris naissance.
Vous savez que Napoléon avait décrété que la mendicité serait défendue dans tout l'empire, et il avait prescrit l'institution de dépôts dans chaque département, Dès 1816, il restait cinq dépôts de mendicité en France. Il y en a dix aujourd'hui, et, d'après le dernier rapport de M. de Watteville, leur situation financière est peu florissante et leur administration laisse à désirer sous tous les rapports.
En 1852, il y avait en France des départements où la mendicité est interdite, d'autres où elle est tolérée. Aujourd'hui, le gouvernement ne permet plus aux maires d'interdire la mendicité, sans son autorisation, et avant qu'on lui ait démontré que des secours sont organisés.
Je n'ai pas la prétention de présenter un système pour remplacer les dispositions du code pénal sur la mendicité ou les institutions qui en sont la conséquence. Mais je crois que nous serons poussés par la force des choses à nous relâcher de la trop grande sévérité du Code pénal.
Je crois qu'avant toute chose il est nécessaire d'établir une démarcation entre les différentes catégories de mendiants. L'intervention du gouvernement, à mon avis, doit être restreinte ; il peut agir préventivement, par l'instruction, en encourageant la création d'écoles professionnelles et d'ateliers d'apprentissage, en maintenant pour les jeunes vagabonds, à défaut d'institutions locales, des écoles de réforme telles que celles de Ruysselede.
Quant aux mendiants valides qui refusent obstinément le travail on qui ont des habitudes invétérées de désordre, il faudra toujours, quoi que l'on en dise, avoir recours à des mesures répressives. Il s'agit d'examiner de quelle nature seront les peines, dans quels établissements le condamne les subira.
Lorsque la mendicité a pour cause les infirmités, les maladies et la vieillesse, il me semble peu rationnel delà considérer comme un délit. On punit ceux qui font profession de mendier, mais jamais on n'interdit d'avoir faim. Il restera des mesures de police à prendre, mais elles sont plutôt du ressort de l'autorité locale que de l'autorité supérieure.
L'autorité locale peut faire des règlements, elle pourra même, comme cela arrive en France, interdire la mendicité d'une manière absolue, lorsque des secours suffisants auraient été organisés, soit par les établissements publics, soit par la charité privée.
Je me suis borné à émettre quelques idées générales, ne me dissimulant pas le moins du monde les difficultés que présente la solution de la question délicate et complexe que nous discutons. Mais quel que soit le système auquel le gouvernement s'arrête, je crois qu'il n'y a pas d'amélioration sérieuse possible, tant au point de vue moral, qu'au point de vue de l'intérêt financier des communes dont nous nous sommes souvent préoccupés, aussi longtemps qu'il n'y aura pas une démarcation bien établie entre les différentes catégories, et aussi longtemps que ceux qui doivent être punis ne seront pas soumis à un régime plus sévère que celui qui a soulevé de si justes critiques.
Je viens donc demander à M. le ministre de la justice s'il ne croit pas utile, afin que la proposition de loi sur les dépôts de mendicité puisse être discutée sans retard, de proposer à la Chambre d'examiner séparément les articles du Code pénal concernant la mendicité. Le discours du trône a annoncé la révision de plusieurs titres du Code pénal, mais il est peu probable qu'un travail de cette importance puisse être terminé avant la fin de la session.
En présence des nombreuses pétitions dont la Chambre est saisie, des réclamations des conseils communaux et provinciaux, il est impossible que le statu quo se prolonge indéfiniment. J'appelle donc sur ce point l'attention de M. le ministre de la justice.
M. de Smedt, rapporteur. - Je crois que le but que l'on s'est proposé en créant les dépôts de mendicité est complètement manqué. Ces dépôts avaient été établis pour tâcher d'empêcher la mendicité. Ils l'ont plutôt augmentée. Comme l'a dit l'honorable M. Vander Donckt, ces dépôts sont pour les pauvres malveillants un moyen de contrarier plus ou moins les administrations communales, de s'ameuter contre elles.
(page 211) Pour ce qui me concerne, je crois que nous pourrions très bien supprimer les dépôts de mendicité.
M. Rodenbach. - Il faut faire table rase.
M. de Smedt, rapporteur. - C'est cela.
Cependant il faut faire quelque chose contre la mendicité. Mon opinion est depuis longtemps qu'en Belgique il ne devrait pas y avoir de mendiants. Il faudrait, comme l'a dit l'honorable M. Dumortier, présenter un petit bout de loi, afin d'obtenir que les communes entretinssent leurs pauvres, et tous ceux qui seraient trouvés mendiant hors de leur commune seraient détenus aux frais de l'Etat.
Aujourd'hui les dépôts de mendicité sont une lèpre pour la caisse communale.
C'est aussi illégal qu'injuste de mettre cette charge aux communes. Comment une commune serait-elle responsable de ce que quelques hommes valides mendient hors de son territoire ? C'est injuste ; car elle n'a pas la police hors de son territoire. C'est donc illégalement que l'on met à la charge des communes l'entretien des hommes valides que l'on arrête mendiant hors du territoire de ces communes.
Le Code pénal suffirait si vous supprimiez les dépôts de mendicité. Vous puniriez tous ceux qui mendieraient hors de la commune. Si vous appliquiez les dispositions du Code pénal, vous auriez bientôt le moyen de supprimer les dépôts de mendicité. Il va de soi que les communes seraient obligées de pourvoir à l'entretien des vieillards et des infirmes indigents et, je le répète, c'est un moyen que je vois pour très exécutable et l'unique moyen à réussir d'extirper la mendicité, qui cependant est une nécessité pour la Belgique.
L'honorable M. Vander Donckt a cité ce qui s'est fait dans les communes de Flobecq et d'Ellezelles. Cela se fait encore dans d'autres endroits, où des pauvres malveillants, pour contrarier leurs administrations et charger leurs communes des frais d'entretien aux dépôts de mendicité, se sont fait arrêter. C'est encore un motif pour supprimer ces dépôts. Je répète que le seul moyen d'extirper la mendicité et de prévenir la malveillance des mendiants, c'est de prendre des mesures contre ceux qui mendieraient hors de leur commune, et que chaque commune serait obligée d'entretenir ses propres indigents.
On objectera peut-être que des communes seront dans l'impossibilité de pourvoir à cet entretien, je dirai que l'exception sera bien rare ; avec un peu de soin et de zèle, les administrations communales peuvent y parvenir.
Je vous citerai une commune de l'arrondissement d'Audenarde, celle d'Opbrakel. Eh bien, cette commune a très longtemps été envisagée comme la plus pauvre de l'arrondissement, de la province même ; depuis qu'elle a une administration qui s'attache aux soins des pauvres et qu'elle est aidée par des personnes charitables, elle n'est plus dans la gêne pour subvenir aux besoins de ses indigents, qui cependant sont très nombreux. Il est vrai cependant que quelquefois des subsides du gouvernement seront nécessaires, mais ce sera dans des cas rares.
Je dis donc que les dépôts de mendicité ne produisent rien d'utile à l'indigence ni à la correction des mendiants, et qu'on pourrait dans le moment même les supprimer sans risquer le plus petit inconvénient.
Je me rallie donc aux honorables membres qui en demandent la suppression.
M. Lelièvre. - Je pense, contrairement à l'avis de l'honorable M. T'Kint de Naeyer, que nous n'avons pas à nous occuper préalablement des dispositions du Code pénal sur la mendicité. Dans la loi annoncée par M. le ministre de la justice, on pourra, soit abroger les prescriptions du Code pénal de 1810, soit les modifier d'après la nature des dispositions que renfermera le nouveau projet. Il est évident que l'abrogation totale ou partielle des articles dont on parle sera la conséquence de la loi nouvelle dans laquelle on pourra énoncer au besoin toutes dispositions formelles qui seront jugées convenables.
M. le ministre de la justice (M. Nothomb). - La base essentielle du projet de loi que le gouvernement compte présenter prochainement se trouve précisément dans une modification apportée, à l'article 271 du code pénal ; c'est-à-dire qu'on punirait d'une manière plus sévère la mendicité exercée d'habitude par les mendiants adultes, tout en accordant une certaine tolérance aux mendiants infirmes ou atteints de maladie. A cette mesure essentielle viendra s'ajouter la séparation des invalides d'avec les valides dans les établissements qui seront conservés.
Tels sont les points principaux du projet du loi que j'ai envoyé, il y a déjà quatre mois, à l'avis des députations permanentes. J'ai voulu consulter ces autorités dans une matière qui se complique non seulement d'un intérêt répressif, mais surtout d'un intérêt administratif. Ces rapports me sont rentrés depuis quelque temps et je m'occupe à préparer le travail et le projet à présenter à la Chambre.
M. Tesch. - Je suis d'avis qu'il ne faut pas se faire illusion sur les effets de la suppression des dépôts de mendicité. Aussi longtemps que tout le monde n'aura pas des rentes ou l'amour du travail, il y aura des mendiants, et tant qu'il y aura des mendiants il faudra des moyens de sévir contre les individus chez lesquels la mendicité est passée à l'état chronique, et qui préfèrent tendre la main plutôt que de travailler.
Ce que je désire donc, c'est que ces discussions qui précèdent la loi sur la mendicité ne soient pas un acheminement vers ce système de faire supporter par l’Etat des dépenses auxquelles l'entretien des mendiants donne lieu. Je crains que beaucoup de personnes ne tendent au but de faire de la charge des communes une charge de l'Etat.
- Plusieurs membres. - Non ! non !
M. Tesch. - Je ne demande pas mieux que ces frais de répression restent une charge communale. Mais je dis qu'il est dans l'intention de bien des personnes d'arriver à faire d'une charge communale une charge de l'Etat. Eh bien, si c'est là le but qu'on veut atteindre, je dis que ce serait un but funeste parce que la mendicité, loin d'être diminuée, serait triplée et quadruplée. C'est là, messieurs, ce qu'il faut éviter.
- La discussion est close.
« Art. 37. Frais d'entretien et de transport de mendiants et d'insensés dont le domicile de secours est inconnu : fr. 100,000. »
- Adopté.
« Art. 38. Subsides : 1° à accorder extraordinairement-à des établissements de bienfaisance et à des hospices d'aliénés ; 2° aux communes, pour l'entretien et l'instruction des aveugles et sourds-muets indigents, dans le cas de l'article 131, n" 17, de la loi communale ; 3° pour secours aux victimes de l'ophtalmie militaire, qui n'ont pas droit à une pension ou à un secours à la charge du département de la guerre : fr. 148,000. »
- Adopté.
« Art. 39. Frais de route et de séjour des membres des commissions spéciales pour les établissements de charité et de bienfaisance ; des médecins chargés de rechercher et de traiter les indigents atteints de maladies d'yeux, suite de l'ophtalmie militaire ; des membres et secrétaires de la commission permanente et de surveillance générale des établissements pour aliénés, ainsi que des comités d'inspection des établissements d'aliénés. Traitement du secrétaire de la commission permanente d'inspection ; traitement du secrétaire de la commission d'inspection de rétablissement de Gheel, ainsi que de l'employé adjoint à ce secrétaire : fr. 10,000. »
- Adopté.
« Art. 40. Impressions et achat d’ouvrages spéciaux concernant les établissements de bienfaisance et frais divers : fr. 2,000. »
- Adopté.
« Art. 41. Subsides pour les enfants trouvés et abandonnés, sans préjudice du concours des communes et des provinces : fr. 145,000. »
- Adopté.
« Art. 42. Subsides pour le patronage des condamnés libérés : fr. 20,000. »
- Adopté.
« Art. 43. Etablissement des écoles de réforme pour mendiants et vagabonds âgés de moins de 18 ans : fr. 220,000. »
- Adopté.
M. de Naeyer. - La discussion générale sur ce chapitre est ouverte.
M. Tesch. - Messieurs, j'ai lu dans plusieurs journaux, et le fait m'a été affirmé par des personnes parfaitement à même de le savoir, que dans le ressort de la cour d'appel de Bruxelles, les détentions préventives en matière criminelle se prolongeaient d'une manière démesurée et tout à fait illégale.
Cela tiendrait principalement à ce que les affaires ne seraient pas mises en état en temps utile ; à ce que les rapports à la chambre de mises en accusation ne seraient pas faits dans les délais voulus, à ce que, après cela, les actes d'accusation ne seraient pas dressés en temps utile pour pouvoir être transmis aux autorités qui doivent connaître de l'affaire.
Ainsi, des individus qui devraient être jugés dans la première session de l'année, par exemple, ne seraient jugés que dans la deuxième ou la troisième session.
Je demande à M. le ministre de la justice, si ces faits sont à sa connaissance et, dans l'affirmative, s'il compte prendre des mesures pour que de semblables abus, contraires à la liberté individuelle, contraires à la bonne administration de la justice, contraires enfin aux intérêts du trésor, ne se renouvellent plus.
M. le ministre de la justice (M. Nothomb). - Sans, doute, messieurs, il serait à désirer qu'aussitôt qu'un crime a été commis, ses auteurs pussent être déférés aux tribunaux chargés de les punir. Mais l’honorable M. Tesch sait aussi bien que moi combien il y a de difficultés et même d'obstacles à ce qu'il en soit ainsi. Il y a des obstacles de droit dans les (page 212) lois qui exigent certains devoirs préliminaires, la décision préalable de la chambre du conseil, un arrêt de renvoi prononcé par la chambre des mises en accusation ; la rédaction d'un acte d'accusation, la signification de ces pièces, etc.
Il y a en outre des difficultés de fait, variables suivant les circonstances de chaque affaire : la vérification plus ou moins facile des allégations de l'inculpé, la simplicité ou la complication des faits constituant le crime qui lui est imputé ; le nombre plus ou moins considérable d'affaires qui doivent être mises en état et le délai qui doit s'écouler avant l'ouverture de la session.
Il peut donc arriver que les magistrats ne peuvent pas déférer, aussi vite qu'ils le voudraient, les faits à la connaissance des tribunaux. Mais je ne pense pas, et la magistrature proteste par son caractère contre une pareille pensée, que nulle part les magistrats ne fassent pas tous leurs efforts pour éviter d'aussi regrettables situations. Je ne connais nulle part un fait du genre de celui auquel l'honorable membre vient de faire allusion, qui serait le résultat d'une négligence systématique.
Il arrive parfois que des détentions préventives trop prolongées me sont signalées. (Tout à l'heure l'honorable M. Orts m'en a signalé une sur laquelle j'aurai à m'expliquer demain.) Je prescris immédiatement les mesures nécessaires pour constater l'abus et au besoin pour le faire cesser ; des avertissements sont donnés à ceux des magistrats qui me paraissent avoir commis quelque négligence. Mais je dois dire que les cas où de pareilles mesures deviennent nécessaires sont excessivement rares, un fait de ce genre m'a été signalé, et c'est probablement à celui-là que l'honorable M. Tesch a fait allusion : il s'agissait de la détention d'un individu resté en prison à Bruxelles, et qui aurait dû être jugé par la cour d'assises de Mons. Je me suis enquis des causes du retard, j'ai vérifié les faits et j'ai acquis la conviction que le délai apporté à la comparution devant la cour d'assises ne pouvait pas être imputé au magistrat auquel il était reproché.
M. Tesch. - Il ne s'agit pas seulement du fait dont vient de parler M. le ministre de la justice. Il s'agit d'un assez grand nombre de faits et qui tous, je le répète, se sont passés dans le ressort de la cour d'appel de Bruxelles.
J'en ai vu signaler plusieurs dans les journaux, entre autres celui d'un individu qui est resté en prison pendant quatre ou cinq mois, et vis-à-vis duquel l'organe du ministère public a lui-même conclu à une ordonnance de non-lieu.
Il s'agit de faits nombreux, mais puisque M. le ministre me déclare qu'il ne les connaît pas, je le prierai de prendre des informations à ce sujet.
M. Van Overloop. - Messieurs, le chapitre des prisons tend d'année en année à augmenter, et cependant les résultats produits par notre système d'emprisonnement ne sont pas très avantageux. Nous pouvons voir, par les renseignements statistiques, que le nombre des récidives est loin de diminuer.
Si je fais cette observation, c'est pour engager le gouvernement à faire étudier les nouvelles réformes qui ont été introduites depuis deux ou trois années en Angleterre, et pour lui soumettre entre autres une idée qui a été mise à exécution dans ce pays et qui consiste à ne libérer que conditionnellement les individus graciés.
Je crois que si le système de libération conditionnelle était mis en pratique en Belgique, on obtiendrait de très grands résultats et que le nombre des récidives diminuerait.
Ce système, du reste, que l'Angleterre, d'après les journaux français, semble avoir conçu, revient (c'est un honneur pour nous) à la Belgique. J'ai découvert un arrêté du 1er juillet 1831, signé par M. Surlet de Chokier, en sa qualité de régent, et qui porte :
« La bonne conduite des prisonniers pourra donner lieu à réduire la durée de leur détention.
« Art. 8. Les réductions de peine ne seront accordées que conditionnellement et de manière à ce que les détenus qui n'auraient pas continué à se bien conduire, puissent être privés en tout ou partie du bénéfice des réductions accordées précédemment. »
Il est vrai que cette disposition ne s'applique qu'à l'intérieur des prisons ; mais, puisque le droit de remettre des peines est une des prérogatives constitutionnelles du Roi, je crois que, en vertu du principe : « qui peut le plus peut le moins, » le système de l'arrêté du 13 juillet 1831 pourrait être également appliqué au-dehors des prisons, c'est-à-dire, que les condamnés se conduisant bien pourraient être libérés conditionnellement.
Aujourd'hui les condamnés, surtout les grands criminels (c'est un fait qui m'a été attesté) se conduisent très bien aussi longtemps qu'ils se trouvent en prison. Leur but est d'obtenir successivement des réductions de peine. On conclut de leur bonne conduite qu'ils se sont amendés ; mais à peine sont-ils libérés qu'on s'aperçoit qu'il n'en est rien.
Eh bien ! si au lieu de diminuer successivement la durée de la peine pendant que les individus sont en prison, on les graciait, lorsqu'on le trouverait juste, sous condition qu'ils se conduiraient bien, c'est-à-dire en se réservant la faculté de les réintégrer en prison pour cause d'inconduite simple, la crainte d'être remis en prison les engagerait à se bien conduire, et l'on préviendrait les cas de récidive.
C'est une idée que je soumets au gouvernement. Je ne sais jusqu'à quel point il est possible de l'appliquer, mais elle a été adoptée en Angleterre et l'on s'en trouve très bien.
D'un autre côté, on a introduit dans le régime des prisons d'Angleterre de grandes modifications qui, dit-on, produisent également de bons résultats. On y donne une grande importance à l'influence religieuse. C'est ce qui se fait aussi en Belgique. On a raison, mais cela ne suffit pas, à ce qu'il paraît. Qu'a-t-on fait en Angleterre ? La peine n'y est plus appliquée d'une manière uniforme. On adoucit le sort de ceux qui se conduisent bien, on leur donne des marques de distinction.
Je n'entrerai pas dans de plus grands détails, mais, je le répète, je crois utile d'appeler l'attention de la Chambre et du gouvernement sur ce qui se passe chez nos voisins depuis 1853.
J'ai encore une observation à faire relativement au cahier des charges des adjudications dans les prisons. Il paraît que le cahier des charges stipule que le froment, par exemple, doit avoir un poids de 78 à 80 kil. à l'hectolitre.
Si les renseignements que m'a donnés tantôt l'honorable M. Osy sont exacts, et je n'en doute pas, lorsque dans le commerce on fait un marché à raison de 80 kilog. par hectolitre et qu'on ne livre que le poids de 78 kilog., on paye la différence. (Interruption.) J'ai peut-être mal compris, l'honorable M. Osy pourra s'en expliquer.
Or, dans les prisons lorsque le poids de 80 kilog. a été stipulé et que l'hectolitre pèse moins, on refuse.
M. Tesch. - Et on fait bien.
M. Van Overloop. - On a raison, sans doute, parce qu'il faut exécuter les stipulations du cahier des charges, mais je demande si en laissant une certaine tolérance on n'obtiendrait pas des adjudications à plus bas prix.
Je ne prétends pas être juge compétent de ces choses-là, mais je fais l'observation parce qu'elle me semble importante au point de vue de l'économie. Je me borne à la soumettre à la Chambre.
Je ne juge pas non plus le système anglais, je. me borne également à le soumettre à la Chambre.
Dans tous les cas, je crois devoir appeler sur ces points l'attention sérieuse de la Chambre et du gouvernement.
M. le ministre de la justice (M. Nothomb). - L'honorable membre qui vient de se rasseoir appelle l'attention du gouvernement sur la question de la libération conditionnelle ; il désire que cette question fasse l'objet des études du gouvernement.
Je puis lui donner l'assurance que déjà son but est atteint : une commission chargée d'élaborer un projet de loi sur la réorganisation du système pénitentiaire s'est occupée de la question de la libération conditionnelle.
L'honorable membre a cité l'exemple de l'Angleterre.
Je sais qu'en Angleterre on pratique le système de la mise en liberté avec licence, comme on l'appelle dans ce pays ; mais on cite souvent l'exemple de l'Angleterre, sans tenir compte des conditions bien différentes qui existent chez nous et chez nos voisins, surtout en matière de justice répressive.
Ce ne peut donc être qu'avec la plus grande réserve que l'on peut proposer d'introduire chez nous des mesures qui pourraient n'être guère compatibles avec notre système de législation.
L'honorable membre revendique pour la Belgique le système de la libération conditionnelle et il cite un arrêté du régent de 1831.
Je vois bien dans cet arrêté une libération subordonnée à la bonne conduite dans la prison, mais je n'y vois guère le système de la mise en liberté conditionnelle, telle que la propose l'honorable membre.
Quand la question sera mûrie,nous pourrons nous occuper ici beaucoup plus utilement qu'aujourd'hui, de cette grave matière sur laquelle on ne pourra rien improviser.
Mais, dès à présent je crois devoir signaler à l'honorable membre deux questions qui se rattachent au système dont il s'agit et qui me paraissent dominantes : Et d'abord sous quelle espèce de conditions la libération pourrait-elle être accordée ? Serait-ce sous une condition suspensive, c'est-à-dire que la liberté ne serait accordée que si l'individu se conduit bien pendant un temps indéterminé ? Ou bien sera-ce sous une condition résolutoire, c'est-à-dire que l'individu sera mis en liberté, sauf à le replacer sous les verrous s'il enfreint la condition qui lui a été imposée ?
Dans la première hypothèse, il n'y aurait qu'une libération plus ou moins retardée, une grâce offerte comme récompense d'une bonne conduite pendant la détention. C'est à peu près le régime actuel.
Dans la seconde espèce de grâce, l'individu rentrerait dans la société, mais il resterait sous le coup d'une sorte de surveillance de la police, infiniment plus dure que celle qui résultait du Code pénal de 1810. S'il commettait un crime ou un délit, les tribunaux lui infligeraient la peine réservée par la loi à ce crime ou à ce délit ; si sa conduite était simplement irrégulière, le gouvernement se bornerait à déclarer qu'il y a infraction aux conditions stipulées, et l'individu rentrerait en prison.
Vous voyez, messieurs, combien la question est grave et combien il importe qu'elle soit étudiée avec soin.
M. Osy. - Messieurs, à la bourse d'Anvers, on vend les céréales sur échantillon ; si l'échantillon est agréé, on fixe le prix, par exemple pour 80 kilogrammes de froment et pour 70 kilog. de seigle ; si la marchandise pèse plus ou moins, on paye la différence.
Je crois que le gouvernement devrait se conformer à cette marche et (page 213) modifier en conséquence le cahier des charges, dans l'intérêt même du trésor. Il est très difficile de trouver une grande quantité de céréales ayant exactement le poids fixé par le cahier des charges.
M. Vermeire. - Je ne voulais faire qu'une seule observation : c'est que dans les adjudications de grains, par exemple, il importe de faire attention à ce fait, que la qualité diminue dans une proportion beaucoup plus forte que le poids, et que si l'on veut obtenir du bon grain, il importe de stipuler un poids pour une quantité déterminée. Ainsi, par exemple, le froment de 80 kilog. est relativement meilleur que celui de 75 kilog. Or, si on ne défalquait que la différence de5 kilog. il y aurait avantage pour le fournisseur à livrer au dernier poids de 75 kilog.
M. Vandenpeereboom. - Je voulais faire exactement la même observation que l'honorable M. Vermeire, j'engage le gouvernement à bien peser les considérations qu'on a fait valoir, avant de modifier le système actuel qui n'a sans doute été adopté qu'après de sérieuses réflexions.
Quand on exige qu'il y ait rapport entre la quantité et le poids, c'est tout autre chose que quand on achète simplement le froment au poids.
On a trouvé en général que le grain le plus cher est en définitive celui qui coûte le meilleur marché.
M. de Smedt, rapporteur. - Messieurs, je crois qu'il faut observer les cahiers des charges pour les livraisons des grains aux prisons, tels qu'ils sont faits, et j'engage même M. le ministre de la justice à recommander qu'on s'y conforme très ponctuellement.
Ainsi que l'a dit l'honorable M. Vermeire, comment peut-on juger de la qualité des céréales ? C'est par le poids ; c'est-à-dire le poids combiné avec la mesure ; quand dans la même mesure le poids est plus élevé, c'est une indication que la qualité du grain est meilleure, car aujourd'hui on achète rarement sur échantillon, on achète d'après le poids que contient un même volume.
On a dit qu'il fallait accorder quelque tolérance sur le poids quand les entrepreneurs faisaient des livraisons aux prisons ; je suis d'un avis tout contraire ; il faut sévèrement faire observer les cahiers des charges et tout particulièrement ce qui concerne le poids des grains qu'on livre, car quand vous accordez une tolérance, par exemple de deux kilog. à l'hectolitre, les livranciers en exigeront quatre et six et à la fin les employés dans les prisons n'auront plus de règle à suivre avec les livranciers. J'engage donc M. le ministre à recommander une sévère exécution des cahiers des charges et à ne pas accorder la moindre tolérance sur le poids convenu.
- La discussion générale sur le chap. X est close. On passe aux articles.
« Art. 44. Frais d'entretien, d'habillement, de couchage et de nourriture des détenus : fr. 1,300.000.
« Charge extraordinaire : fr. 300,000. »
- Adopté.
« Art. 45. Gratifications aux détenus employés au service domestique : fr. 34,000. »
- Adopté.
« Art. 46. Frais d'habillement et de couchage des gardiens et des surveillants : fr. 20,000. »
- Adopté.
« Art. 47. Frais de voyage des membres des commissions administratives des prisons, ainsi que des fonctionnaires et employés des mêmes établissements : fr. 11,000. »
- Adopté.
« Art. 48. Traitement des employés attachés au service domestique : fr. 479,000. »
La section centrale propose sur ce chiffre une réduction de 5,300 francs.
M. le ministre de la justice (M. Nothomb). - Messieurs, je dois maintenir le chiffre tel que je l'ai proposé, parce que la somme de 5,400 fr. est nécessaire à l'administration pour l'exécution d’une loi.
La loi du 15 mai 1846, sur la comptabilité, dans son article 52 porte que le gouvernement doit renseigner à la cour des comptes les quantités et valeurs qui sont en magasin, les entrées et les sorties, les mises en consommafion et en vente, et les parties anéanties ; le gouvernement est donc obligé d'établir une comptabilité spéciale dans les prisons, pour faire en quelque sorte le compte courant du ménage purement domestique. Or, depuis 1846 jusqu'à ce jour, cette prescription de la loi n'a pas pu être exécutée, faute de fonds ou plutôt, faute de personnel par suite du manque de fonds.
Aujourd'hui la cour des comptes insiste, avec raison selon moi, pour que cette disposition législative soit exécutée, et le gouvernement a bien dû se décider à demander à la Chambre les fonds nécessaires.
La section centrale dit, dans son rapport, que le personnel actuel est suffisant. C'est là une erreur ; si l'administration des prisons avait un personnel suffisant, je. n'aurais pas demandé une allocation à la Chambre, j'aurais continué à marcher avec les instruments que l'administration possède.
Mais dans les prisons comme dans toutes les administrations, les écritures prennent de plus en plus d'importance, cela a même été l'objet de la critique de quelques honorables membres. La statistique exige une plus grande attention, des soins tout particuliers ; en face de cette situation, l'administration des prisons est dans l'impossibilité de remplir les vœux de la loi de comptabilité.
Si la Chambre ne croyait pas devoir accorder les 8,400 fr. qui font l'objet de mon désaccord avec la section centrale, l'administration serait dans l'impossibilité d'accomplir les prescriptions de la loi de comptabilité, car avec son personnel actuel elle ne pourrait s'acquitter de ce surcroît de besogne. J'espère que la Chambre ne me refusera pas ces 5,400 fr. dont je crois avoir démontré l'absolue nécessité.
M. Wasseige, rapporteur. - La section centrale n'a pas cru pouvoir adhérer entièrement à l'augmentation demandée par M. le ministre de la justice. Cette augmentation était de 38 mille francs et avait pour objet la création de nouvelles places dans les prisons cellulaires et non cellulaires et l'augmentation du traitement de certains employés.
A propos d'un autre article, la section centrale avait déjà manifesté le désir de voir simplifier les écritures dans les prisons où, à son avis, elles sont trop multipliées et où la bureaucratie a pris trop d'extension comme, au reste, dans toutes les administrations.
Elle a pensé qu'en simplifiant les écritures, les commis actuels trouveraient facilement le temps de remplir les prescriptions de la loi de 1846 sur la comptabilité. Rien de ce que vient de dire M. le ministre ne m'a fait changer d'avis. Je maintiens donc l'amendement de la section centrale.
Je ferai remarquer que dans la somme de 34 mille, francs que nous accordons, une grande partie, la plus grande partie même, est déjà destinée aux commis attachés aux prisons, pour leur accorder une augmentation de traitement.
La section centrale a pensé que dans l'administration des prisons comme dans toutes les autres, en accordant un traitement plus élevé aux employés on pouvait d'ailleurs leur demander un travail plus considérable que celui qu'ils accomplissent actuellement ; elle a pensé que ce moyen était le plus convenable. Le gouvernement a d'ailleurs manifesté à la section centrale l'intention de chercher à diminuer le nombre des écritures, il a même annoncé qu'il était déjà entré dans cette voie, on peut espérer qu'il y persévérera ; la section centrale a donc pu penser que les écritures étant simplifiées et les commis mieux rétribués, le personnel actuel suffirait pour la mise à exécution des prescriptions de la loi de comptabilité qui, chose assez extraordinaire, paraissent être restées jusqu'à présent inexécutées.
Ces raisons me font persister dans la réduction de 5,400 francs, proposée par la section centrale, persuadé qu'avec un peu plus de bonne volonté et d'activité de la part des commis dont la position va être améliorée, le gouvernement trouvera dans la somme mise à sa disposition le moyen de satisfaire à tous les besoins du service.
M. le ministre de la justice (M. Nothomb). - Je demande la parole.
- Plusieurs voix. - A demain ! à demain !
- La suite de la discussion est renvoyée à demain.
La séance est levée à 4 heures trois quarts.