(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1856-1857)
(Présidence de M. Delehaye.)
(page 197) M. Tack procède à l'appel nominal à deux heures et un quart.
M. Vermeire donne lecture du procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en est approuvée.
M. Tack présente l'analyse des pièces adressées à la Chambre.
« Le sieur Favresse demande qu'il soit pris.des mesures pour que les fabriques de briquettes à briller n'occasionnent aucun dommage aux produits agricoles. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Colson, directeur de l'agence de panification, ancien directeur de première classe aux manutentions militaires, présente des observations eu faveur de sa demande de pension. »
- Même renvoi.
« Plusieurs blessés et combattants de septembre, non pensionnés, demandent une récompense nationale. »
M. Rodenbach. - Je demanderai que cette requête soit renvoyée à la commission des pétitions avec invitation de faire un prompt rapport ; c'est ce qui a eu lieu pour d'autres requêtes de la même nature.
- Cette proposition est adoptée.
« Les membres du conseil communal de Jalhay demandent la révision de la loi sur le domicile de secours. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
Par dépêche en date du 3 décembre, M. le ministre de l'intérieur soumet à la Chambre quatre propositions de modifications au budget de son département, pour l'exercice 1857.
- Impression, distribution et renvoi à la section centrale du budget de l'intérieur.
Par dépêche en date du 2 décembre, M. le ministre de l'intérieur transmet à la Chambre 109 exemplaires d'un album des fêtes anniversaires de juillet, précédé d'une relation, publié par le libraire Géruzet.
- Dépôt à la bibliothèque et distribution aux membres de la Chambre.
Par dépêche en date du 3 décembre, M. le ministre de la guerre adresse à la Chambre 110 exemplaires d'une note qu'il a fait établir au sujet de la masse des recettes et dépenses extraordinaires et imprévues des corps de troupes.
- Dépôt à la bibliothèque et distribution aux membres de la Chambre.
M. le vicomte Vilain XIIII, retenu chez lui par une indisposition, s'excuse de ne pouvoir assister à la séance.
- Pris pour information.
M. le ministre de la justice (M. Nothomb) (pour une motion d'ordre). - Messieurs, je lis dans les Annales parlementaires que le chiffre du n°2 du chapitre I du budget de la justice a été fixé à 190,550 francs. Je crois que c'est une erreur, et que fa Chambre a voté le chiffre de 196,000 fr. que j'ai proposé, d'accord avec la section centrale.
Sous le n°10 du chapitre II, Tribunaux de première instance et de commerce, le Moniteur porte 1,022,095 fr. tandis que le chiffre sur lequel la section centrale et le gouvernement sont d'accord est de 1,047,311 fr.
M. Wasseige, rapporteur. - C'est bien le chiffre de 1,047,311 francs que la section centrale a proposé.
M. Vermeire. - Voici le procès verbal. Il porfe que la Chambre a adopté les chiffres de 196.000 francs et de 1,047,311 francs.
M. le président. - La rectification faite par M. le ministre de la justice figurera aux Annales parlementaires.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Decker) présente un projet de loi ayant pour objet de modifier l'article 22 de la loi sur les brevets, qui est relatif au payement de la taxe.
- La Chambre ordonne l'impression et la distribution de ce projet et le renvoi à l'examen de la section centrale qui a examiné le projet de loi sur les brevets d'invention.
M. Lelièvre. - Je ne sais si tous les membres de l'ancienne section centrale siègent encore dans cette enceinte. En cas de négative, je propose d'autoriser le bureau de pourvoir au remplacement de ceux qui auraient cessé de faire partie de la Chambre.
- Cette proposition est adoptée.
La Chambre est arrivée au chapitre VI.
« Art. 19. Impression du Recueil des lois, du Moniteur et des Annales parlementaires, pour laquelle il pourra être traité de gré à gré : fr. 116,000.3
- Adopté.
« Art 20. Abonnement au Bulletin des arrêts de la cour de cassation : fr. 3,000. »
- Adopté.
« Art. 21. Publication d'un recueil des anciennes lois des Pays-Bas autrichiens, de la principauté de Liège et d'autres pays, dont le territoire est compris dans le royaume de Belgique ; publication d'un recueil d'instructions-circulaires émanées du département de la justice, depuis la réunion de la Belgique à la France, en 1795 ; impression d'avant-projets de lois et autres documents législatifs : fr. 15,300. »
- Adopté.
« Art. 22. Traitement d'employés attachés à la commission royale de publication des anciennes lois, nommés par le gouvernement : fr. 2,700. »
- Adopté.
M. le président. - La discussion générale est ouverte sur le chapitre VII.
M. Lelièvre. - A l'occasion de l'article « pensions », je pense qu'il y aurait quelque chose à faire relativement aux pensions qui sont accordées aux magistrats de l'ordre judiciaire. On pourrait, en élevant dans certaine mesure le taux de ces pensions, autoriser les magistrats parvenus à certain âge à demander leur mise à la retraite. De cette manière on ferait cesser l'inconvénient assez grave de voir des magistrats très âgés continuer des fonctions qu'ils ne peuvent plus remplir convenablement.
Plusieurs les conservent uniquement à raison de la modicité de la pension qui leur est réservée et qui n'est pas en harmonie avec les nécessités de l'époque.
C'est là un point assez important que je recommande à l'examen du gouvernement. Il me semble qu'on devrait faciliter aux magistrats le moyen d'obtenir leur mise à la retraite, parce que lorsqu'ils ont atteint certain âge l'intérêt de la justice exige souvent qu'ils cessent leurs fonctions.
M. le ministre de la justice (M. Nothomb). - Messieurs, les observations de l'honorable préopinant, si je les ai bien saisies, tendent à faire accorder aux magistrats ce qu'on appelle l'éméritat. Il y a certainement beaucoup de considérations à faire valoir en faveur de cette idée ; mais je pense que l'examen s'en présentera naturellement lors de la discussion du projet d'organisation générale.
M. F. de Mérode. - Messieurs, j'appuie l'idée émise par l'honorable M. Lelièvre ; je l'appuie d'autant plus, qu'en Belgique, contrairement à ce qui a été fait en France, on n'a pas fixé d'âge pour la mise à la retraite des magistrats. Il me paraît donc désirable qu'on facilite aux magistrats le moyen de prendre leur retraite volontaire. Il arrive un âge où les membres de l'ordre judiciaire ne sont plus à même par leur état physique, de remplir leurs fonctions comme ils le voudraient.
- Personne ne demandant plus la parole dans la discussion générale du chapitre VII, on passe aux articles.
(page 198) « Art. 23. Pensions civiles : fr. 10,000. »
- Adopté.
« Art. 24 Secours à des magistrats et à des employés près des cours et tribunaux, ou à leurs veuves et enfants mineurs qui, sans avoir droit à une pension, ont des titres à un secours, par suite d'une position malheureuse : fr. 11,500. »
- Adopté.
« Art. 25. Secours à des employés ou veuves et enfants mineurs d'employés de l'administration centrale du ministère de la justice, ou à des établissements y ressortissant, qui se trouvent dans le même cas que ci-dessus : fr. 2,000. »
- Adopté.
« Art. 26. Secours à des employés ou veuves et enfants mineurs d'employés des prisons, se trouvant dans le même cas que ci-dessus : fr. 3,000. »
- Adopté.
« Art. 27. Clergé supérieur du culte catholique, personnel enseignant et dirigeant des grands séminaires, à l'exception de celui de Liège : fr. 313,100. »
M. Thiéfry. - Messieurs, je viens combattre l'augmentation de 5,400 fr. réclamée pour frais de tournée et du secrétariat parce qu'elle ne me paraît nullement justifiée.
Monseigneur l'archevêque de Malines touche un traitement de 21,000 francs, et en outre 4,000 fr. pour frais de tournée et de secrétariat. M. le ministre trouve que cette dernière somme est insuffisante en raison de la grandeur du diocèse et de l'augmentation de la population ; il propose de la fixer à 8,000 fr.
La circonscription du diocèse n'a pas changé depuis 25 ans, et l'augmentation de la population ne me semble pas un motif pour majorer les frais de tournée ; la population s'est également accrue dans les autres diocèses, on ne réclame rien pour ceux-ci, il faut donc en conclure que cette augmentation de population n'occasionne pas un supplément de frais bien considérable. Personne, d'ailleurs, n'ignore que si depuis plusieurs années on a établi quelques églises de plus, la visite de ces temples n'est guère onéreuse, attendu qu'il y a aujourd'hui des moyens de communication plus faciles et moins coûteux.
M. le ministre dit que la somme de 4,000 francs est insuffisante. Je voudrais bien savoir comment il en a acquis la conviction ; car l'archevêque reçoit cette somme par abonnement sans fournir la preuve qu'une partie est payée à des secrétaires, et que le reste couvre des frais de voyage ; on ne donne à ce sujet aucun détail.
Depuis 1849, époque à laquelle le traitement de l'archevêque, ainsi que les frais de tournée et de secrétaires, ont été fixés, rien, à mon avis, n'a surgi pour motiver une majoration.
L'exécution des lois sur l'enseignement primaire et l'enseignement moyen accroît, dit-on, la correspondance, et il est indispensable d'augmenter le nombre des secrétaires.
La loi sur l'instruction primaire date de près de seize ans et jamais elle n'a soulevé les réclamations qu'on fait entendre aujourd’hui.
Quant à l'enseignement moyen, le nombre d’établissement où le clergé donne l'instruction est si peu élevé que bien certainement il ne nécessite pas un employé de plus ; j'oserais bien assurer que cette besogne n'équivaut pas au quart de celle que M. le ministre de la justice impose aux administrations pour des travaux de statistique de toute espèce, sans que cependant les employés reçoivent une majoration de traitement.
L'exception qu'on propose indique suffisamment qu'on se sert d'un prétexte pour accorder une faveur. Un traitement de 21,000 fr. ne suffit pas, on n'ose pas le majorer, car il est aussi élevé que celui d'un ministre. Il faut dès lors un moyen détourné pour atteindre le même but. On veut établir indirectement le traitement de l'archevêque à 25,000 fr., taux.que M. le ministre de l'intérieur proposait par un amendement dans la.séance du 10 janvier 1840, amendement qui a été repoussé par 58 voix contre 24 ; ce qui prouve que c'est bien là la pensée du gouvernement, c'est qu'on ne propose aucun changement pour les frais de tournée des évêques, on les laisse à 4,200 fr., tandis que pour l'archevêque on veut élever la somme de 4,600 à 8,000 fr. Si la demande d'augmentation eût été formulée par un autre ministre,sans être plus juste, elle eût au moins été excusable ; mais présentée par le ministre de la justice elle étonne et fait peine. Lui qui a dans ses attributions l'immense avantage de pouvoir soulager la classe indigente, lui qui a la preuve que bien des communes font d'énormes sacrifices pour l'entretien de leurs pauvres dans les dépôts de mendicité, il devrait proposer un meilleur emploi des crédits de son budget.
Il y a dans le rapport de la section centrale un motif non allégué par M. le ministre. Voici ce passage :
« La haute dignité du cardinalat impose à l'éminent prélat qui en est revêtu, des dépenses obligatoires et toutes spéciales, dont il est parfaitement juste de lui en tenir compte. »
Ainsi donc la section centrale trouve que la position de monseigneur l'oblige à une certaine représentation, et c'est là une des raisons pour lesquelles elle propose le crédit !
Cette opinion est pour moi le motif principal qui m'a engagé à prendre la parole, Je la considère comme contraire à nos institutions. Tous les fonctionnaires ont un traitement en rapport avec les emplois qu'ils occupent, il est fixé de manière que chacun puisse vivre honorablement et selon sa position. Les ministres, les gouverneurs, et d'autres hauts fonctionnaires encore sont astreints à une représentation en raison de leur fonction, et ils n'ont point de frais de représentation. Cependant si on trouve qu'il est juste de tenir compte à l'archevêque de certaines dépenses obligées, on doit également y avoir égard pour les ministres, les gouverneurs, les premiers présidents, etc.
M. F. de Mérode. - Les observations qui ont été présentées relativement à la position du cardinal-archevêque de Malines sont très justes, car la dignité de cardinal est distincte de celle d'archevêque.
Quand le diocèse de Malines n'aura qu'un archevêque, cet archevêque sera traité en raison de cette qualité pure et simple ; maintenant vous avez un cardinal, et les fonctions du cardinalat sont partout considérées comme une cause de dépenses spéciales, de dépenses extérieures ; cependant on a enlevé un beau jour au cardinal-archevêque de Malines le traitement qui lui avait été assuré par un arrangement fait avec le gouvernement pontifical ; et chose extraordinaire ! on a supprimé en entier, sans autre forme de procès, un traitement qui avait été assuré par convention.
Or, pourquoi en Belgique ne plus reconnaître la dignité de cardinal comme elle l'est partout ? Dans tous les pays où la généralité des habitants est catholique, où il se trouve des cardinaux, nommés d'après les désirs exprimés par les gouvernements, partout s'ajoute une somme particulière, comme supplément nécessaire de traitement et motivée par les dépenses qu'entraîne le cardinalat.
Ainsi le cardinal de Malines a dû se transporter à Rome deux ou trois fois. On paye son voyage, me dit-on, soit ; mais on ne paye pas les frais divers et continuels qui dérivent de la dignité de cardinal, c'est une position hors ligne qui est d'ordre extérieur et universel et non d'ordre intérieur seulement comme les fondions d'archevêque.
Je ne comprends pas qu'on ne veuille pas rentrer quelque peu dans les considérations qui avaient antérieurement prévalu lorsque fut votée, en 1838, l'augmentation convenue par un accord entre le gouvernement belge et le saint-siège pour l'archevêque-cardinal.
Ainsi, non seulement je crois que le gouvernement a bien fait de demander une augmentation, mais je trouve qu'il a demandé trop peu, parce qu'il y a une injustice à réparer envers le cardinal-archevêque de Malines. Car je le dis hardiment, une injustice a été commise à son égard.
M. Wasseige, rapporteur. Messieurs, lorsque la section centrale a adopté le crédit de 3,400 fr. sollicité par le gouvernement, elle a eu deux motifs pour le faire. Le premier, c'est la position exceptionnelle de l'archevêque de Malines dont le diocèse comprend en étendue plus de territoire que les trois évêchés réunis de Gand, de Tournai et de Bruges et une population beaucoup plus forte. Or, il est impossible d'admettre que lorsqu'un diocèse a une population et une étendue plus que doubles de celles des autres évêchés, on ne soit pas astreint à des dépenses de secrétariat et à des frais de tournée plus considérables.
Ce n'est pas parce qu'on n'aurait pas jusqu'ici reconnu cette anomalie dans les sommes allouées pour cet objet, qu'alors qu'elle est indiquée, on ne devrait pas reconnaître la justesse de l'observation. C'est ce qu'a pensé la section centrale, et c'est le premier motif qui l'a engagée à se rallier au crédit demandé par le gouvernement.
D’autre part, la section centrale, et elle n'a pas cherché de prétexte pour le faire, elle l'a fait ouvertement, catégoriquement, le rapport en est la preuve...
M. Thiéfry. - C'est au gouvernement que cela s'adresse.
M. Wasseige. - Le gouvernement l’a fait aussi catégoriquement que la section centrale, puisque dans la réponse qui a été donnée par M. le ministre et qui est consignée dans le rapport que j'ai eu l'honneur de présenter, le gouvernement dit : qu'il est juste d'avoir égard aux dépenses extraordinaires, aux frais de tournée et aux voyages qu'en sa double qualité d'archevêque et de cardinal, monseigneur de Malines est obligé de faire, non seulement dans son diocèse, mais encore dans ceux des suffragants et même parfois en pays étranger.
Ces explications sont les explications du gouvernement et il ne me paraît pas qu'elles cherchent à se déguiser sous un prétexte ; elles sont parfaitement catégoriques. Celles de la section centrale ne le sont pas moins. La section centrale ou au moins la majorité de la section centrale a pensé qu'il était parfaitement juste de tenir compte à l'archevêque de Malines des frais extraordinaires qui lui étaient imposés par sa qualité de cardinal.
Ce principe d'ailleurs a toujours été reconnu, chaque fois qu'il a été mis en discussion devant les Chambres, et en 1849 lorsque le traitement du cardinal a été réduit de 9,000 francs, c'est-à-dire alors que la somme de 9,000 francs qui lui avait été allouée comme cardinal lui a été retirée, ce principe a été proclamé bien haut à la Chambre et au (page 199) sénat et par l'honorable M. de Haussy, alors ministre de la justice et par l'honorable M. Orts, rapporteur de la section centrale, qui a reconnu positivement que le cardinalat astreignait le prélat qui était revêtu de cette dignité à des dépenses spéciales, que ces dépenses spéciales pouvaient être faites dans l'intérêt de la Belgique et qu'il était juste qu'il lui en fût tenu compte.
L'honorable M. Orts admettait même le principe qu'une différence de traitement entre un archevêque et un archevêque qui possédait en même temps la qualité de cardinal, était juste et convenable. Seulement l'honorable M. Orts disait : Alors qu'on réduit à 21,000 fr. le traitement de 30,000 fr., il ne m'est pas démontré que cette réduction porte plutôt sur ce que vous attribuez comme traitement au cardinal que sur ce que j'attribue, moi, comme traitement à l'archevêque. Ainsi, il reconnaissait non seulement qu'il était juste de tenir compte des dépenses que le cardinalat imposait, mais il admettait même qu'en principe un cardinal devait avoir un traitement plus élevé qu'un archevêque. Et, en effet, il n'y a pas de doute que le cardinalat impose des dépenses spéciales pour des voyages à Rome, des frais de tournée extraordinaires, des frais de correspondance pour des intérêts religieux qui ont une importance spéciale pour la Belgique.
Or, est-il convenable que chaque fois qu'une dépense de ce genre incombe à l'archevêque de Malines, il vienne présenter un état de frais, pour savoir si vous l'homologuerez et le rembourserez. Quant à la section centrale, elle a pensé qu'il était plus convenable d'élever quelque peu, et d'une façon normale, les frais de tournée et de secrétariat.
M. Orts. - Messieurs, en 1849 j'étais, comme on vient de le dire, rapporteur de la section centrale du budget de la justice. A cette époque l'esprit d'économie qui animait l'unanimité de la Chambre a fait scrupuleusement rechercher si les frais de tournée et autres pour lesquels on réclame aujourd'hui une augmentation devaient être maintenus au taux précédemment établi, tant pour le cardinal archevêque de Malines que pour MM. les évêques. A la même époque, la question même du traitement a été soulevée et une réduction a été proposée sur l'initiative de la section centrale et votée d'accord avec le gouvernement, sur le traitement du cardinal. De même qu'on avait diminué le traitement du cardinal, de même on avait tenté de diminuer les frais de tournée, etc., qui lui sont attribués comme aux autres prélats. Une réduction de moitié fut même votée par la majorité de la section centrale ; le chiffre qui a figuré jusqu'aujourd'hui dans le budget fut maintenu et je dois dire que j'en ai moi-même demandé le maintien à la Chambre. J'avais fait sous ce rapport partie de la minorité de la section centrale.
Pour quelle raison la Chambre a-t-elle voté, contrairement à la proposition de la majorité de la section centrale, le maintien du chiffre qu'on veut aujourd'hui augmenter ? Pour quelle raison ai-je combattu, d'accord avec le gouvernement, la proposition de réduction ? Précisément pour les raisons qu'on fait valoir aujourd'hui de la part du gouvernement et de la part de la section centrale, pour obtenir une augmentation de 3,400 fr., c'est-à-dire une augmentation qui, si elle est votée, double à peu près les frais alloués. De 4,000 fr. le chiffre serait porté à 8,000. Donc, toutes les raisons qu'on fait valoir aujourd'hui pour une augmentation ont déjà été appréciées par la Chambre eu 1849 et l'ont décidée à maintenir le statu quo. Si vous reproduisez aujourd'hui ces mêmes raisons, vous voulez défaire ce qui a été dans l'intention des Chambres en 1849. Les raisons n'ont pas changé. Elles existent aujourd'hui comme elles existaient en 1849. L'étendue du diocèse de Malines n'a pas augmenté. Ce qui a augmenté, au contraire, ce sont les facilités de communication, ce sont les facilités de voyage ; les facilités de correspondance. Il n'y a, sous ce rapport, aucun motif légitime qui milite en faveur de la proposition d'augmentation.
On vous disait tout à l'heure que l'étendue de l’archevêché de Malines est plus considérable que l'étendue d'autres évêchés. C'est pour cela qu'en 1849 comme antérieurement on a accordé au cardinal archevêque de Malines, des frais de tournée, des frais de correspondance plus considérables que ceux qu'ont les autres évêques. Remarquez qu'il y a une différence de 400 francs en sa faveur.
D'autre part, ne l'oublions pas, il a toujours été reconnu que pour les frais de cette nature il fallait, autant que possible, placer les différents diocèses sur le pied d'égalité. Le principe que les indemnités de ce genre doivent être proportionnées à l'étendue du territoire formant la circonscription ecclésiastique a été repoussé par une autorité qui ne vous sera pas suspecte, dans une matière pleine d'analogie avec celle-ci.
Lorsqu'il s'est agi de voter pour la première fois les frais de l'inspection ecclésiastique de l'enseignement primaire, l'honorable rapporteur de la section centrale du budget de l'intérieur pour 1843, l'honorable M. Dedecker, s'opposait formellement à ce que les frais de cette nature fussent proportionnés pour chaque diocèse à l'étendue du territoire, au nombre des écoles, au chiffre de la population ; il voulait qu'il y eût égalité entre ces frais de même qu'il y a égalité de rang entre tous les évêques.
J'ajouterai, messieurs, qu'en définitive la population n'est pas une base bien utile à consulter, car la population considérable de l'archevêché de Malines est beaucoup plus agglomérée que celle des autres diocèses et par conséquent les frais de tournée et de correspondance doivent être bien plus considérables dans les autres diocèses que dans celui de Malines. Ainsi le diocèse de Namur comprend deux provinces où les paroisses sont très éloignées les unes des autres, où les populations sont extrêmement disséminées et où les communications sont fort difficiles ; il me semble que les frais dont il s'agit doivent s'élever plus haut là que dans le diocèse de Malines. Il n'y a donc, ce me semble, aucune raison légitime d'augmenter le crédit en discussion, si ce n'est celle qui a été donnée par l'honorable comte de Mérode (raison légitime à son point de vue).
Elle consiste à dire que l'archevêque de Malines est cardinal, que par conséquent il est revêtu d'une dignité ecclésiastique supérieure à celle d'un simple archevêque ; mais cette raison, messieurs, a été repoussée en 1849, lorsqu'elle s'est produite. On n'a pas entendu alors, faire à l'archevêque de Malines, considéré uniquement comme archevêque, c'est-à-dire comme administrant un diocèse, une position supérieure en vue de sa dignité de cardinal ; c'est ce qui a déterminé, en grande partie la réduction opérée sur son traitement à cette époque, réduction qui a été votée par beaucoup d'honorables membres appartenant à la majorité actuelle, entre autres par l'honorable M. Dumortier.
Le cardinal, dit-on, a des voyages à faire.
S'agit-il de voyages dans son diocèse ? Il n'en fait pas un de plus parce qu'il est cardinal. Je ne pense pas que les voyages d'un chef diocésain deviennent plus fréquents à mesure qu'il s'élève en dignité.
M. Osy. - A l'étranger.
M. Orts. - A l'étranger ? Vous avez reconnu vous-même, a-t-on dit, que sous ce rapport il pouvait y avoir des dépenses particulières. Oui, messieurs, et dans quels termes ? J'ai dit que si le cardinal-archevêque de Malines était appelé un jour à faire un voyage à l'étranger, dans un intérêt belge et politique, à apprécier par le gouvernement, il serait de toute justice de lui tenir compte de ses frais de voyage.
En même temps j'ai cité comme exemple unique l'appel qui serait fait au cardinal de se rendre à Rome à l'occasion de l'élection d'un pape, parce que je conviens qu'il serait non seulement désirable, mais même utile que la Belgique pût se prononcer dans une question de cette importance. Voilà, messieurs, dans quelle mesure j'ai justifié des frais de voyage extraordinaires pour le cardinal archevêque de Malines. Je n'ai pas dit un mot de plus, je n'ai pas voulu aller plus loin ; maintenant sommes-nous à la veille d'un événement de ce genre ? J'espère que non ; d'après toutes les probabilités résultant de l'ordre naturel un pareil événement est encore loin de nous ; et lorsque le cas se présentera un jour le gouvernement usera de son initiative et demandera un crédit.
Oh ! mais la question de dignité ! Il n'est pas digne d'un évêque de venir solliciter une mesure de ce genre ? Soyez tranquilles, messieurs ; il n'est pas de ministre qui ne fût trop intelligent, trop soucieux de la dignité de l'autorité religieuse, pour ne pas aller au-devant d'un pareil besoin, et certes le cardinal n'aura jamais à venir frapper à la porte du ministre de la justice.
J'ai reconnu, messieurs, ajoute-t-on, en 1849, que l'archevêque de Malines, par cela qu'il est cardinal, devait avoir une position supérieure à celle d'un archevêque qui ne serait point cardinal. Cela est encore vrai, mais quelle est la conséquence que j'ai alors tirée de ce principe ? Que si nous avions un archevêque qui ne fût pas cardinal, il ne faudrait pas lui donner 21,000 francs. Il faudrait lui donner plus de 15,000 fr., traitement d'un évêque, mais non pas 21,000, traitement du cardinal.
Voici, messieurs, les paroles que j'ai prononcées à cet égard, le 10 janvier 1849 :
« La seule conséquence que l'on puisse tirer de l'argument que nous avons entendu produire, c'est que si un autre évêque était nommé à la dignité d'archevêque, on ne pourrait lui donner 21,000 francs ; sous ce rapport, je suis d'accord avec ceux qui font l'objection. »
Quant à l'opinion que je rappelais tout à l’heure, voici encore mes paroles textuelles :
« Le cardinal archevêque de Malines, parce qu'il est cardinal, a-t-il des dépenses spéciales à faire dans un intérêt belge ? Oui, nous le savons et nous le savons d'autant mieux que lorsque ces dépenses spéciales ont été faites dans l'intérêt de la Belgique, la Belgique en a supporté les frais. Je vous citerai l'exemple des frais d'installation, des 45,000 francs. »
J'ai cité alors l'exemple de l'élection d'un pape, et j'ai ajouté que si les mêmes circonstances se représentaient « en supposant la dépense extraordinaire reconnue par le gouvernement être dans l'intérêt de la Belgique » on ferait encore ce qui fut fait alors. Je suis persuadé que nous sommes tous d'accord à cet égard aujourd'hui comme nous l'étions en 1849.
Mais, messieurs, en présence d'un pareil précèdent et alors que la nécessité dont il s'agit, la seule reconnue, ne s'est pas représentée depuis 1849, le crédit que l'on propose ne se justifie que par une seule considération.
Il faut faire en 1856 le contraire de ce qu’on a fait en 1849. On n’a pas voulu en 1849 créer une position privilégiée pour le cardinal archevêque de Malines ; on voudrait le faire aujourd'hui.
J'oubliais un dernier prétexte. On nous a affirmé, messieurs, que le cardinal-archevêque de Malines avait des dépenses plus considérables à. supporter que jadis par suite du concours donné à l'exécution des lois sur l'enseignement primaire et sur l'enseignement moyen. Quant à l'enseignement primaire, il a été répondu en 1849 que l'enseignement primaire se trouvait organisé depuis 1842 et que les rapports du gouvernement avec le clergé n'avaient pas changé. Mais je suppose qu'il faille tenir compte de l'intervention du clergé dans l'enseignement, qu'en (page 200) résulterait-il ? Qu'il faudrait demander une augmentation de crédit au budget du ministère de l'intérieur, là où il s'agit de l'enseignement primaire et de l'enseignement moyen.
Ce n'est pas au budget de la justice que de semblables dépenses doivent être portées. Si on les y portait, comme elles figurent déjà au budget de l'intérieur, il y aurait double emploi ; le même service serait rémunéré sur deux budgets différents.
Je crois, messieurs, que ces considérations doivent suffire pour vous déterminer à maintenir le chiffre qui a été voté intact en 1849 précisément par les raisons qu'on présente pour le faire majorer.
M. le ministre de la justice (M. Nothomb). - Messieurs, je pourrais me borner à me rallier aux observations qui vous ont été présentées par l'honorable rapporteur, et aux considérations que j'ai fait moi-même valoir, en soumettant l'allocation à la section centrale. Cependant une observation de l'honorable M. Orts me détermine à prendre la parole en ce moment.
L'honorable représentant de Bruxelles conteste que la population soit une base sérieuse d'appréciation pour savoir si les frais de tournées et de secrétariat du cardinal archevêque sont suffisants. Il me paraît au contraire évident que c'est sur la population seule qu'on peut s'appuyer pour décider si ces frais sont ou ne sont pas suffisants. Or, il est incontestable que la différence entre la population de l'archevêché de Malines et celle de l'évêché qui s'en rapproche le plus, savoir de l'évêché de Gand est de 400,000 à 500,000 âmes au moins. Il me paraît donc certain qu'une population de 1,200,000 âmes entraîne nécessairement pour la correspondance que l'ordinaire diocésain doit entretenir avec son clergé, une dépense plus grande que s'il avait à traiter des affaires, seulement pour une population de 700,000 à 800,000 âmes.
D'un autre côté, les édifices consacrés au culte étant plus nombreux, il me paraît certain également que l'ordinaire est forcé à des tournées plus longues et plus fréquentes ; et il y a là une source de dépenses nouvelles dont il est juste de tenir compte.
Ce n'est pas d'aujourd'hui seulement, messieurs, que les frais du genre de ceux dont nous nous occupons sont signalés comme insuffisants. Déjà en 1849 comme l'a rappelé l'honorable rapporteur, lorsqu'on a fixé le chiffre actuel, le ministre de la justice de cette époque disait que les sommes qu'on demandait à ce titre étaient loin d'être exagérées ; il constatait que dès cette époque les ordinaires diocésains se plaignaient de l'insuffisance de ces frais ; le ministre ajoutait que si les plaintes continuaient, le gouvernement aurait à aviser.
Lorsque je me suis occupé de l'allocation dont il s'agit, j'ai naturellement examiné le dossier et j'ai trouvé que les évêques avaient constamment signalé au gouvernement l'insuffisance des frais de tournées et de bureau. Quant à moi, personnellement, aucun évêque, je dois le dire, ne m'a signalé cette insuffisance ; aucun d'eux ne m'a demandé d'augmentation. Je tiens d'autant plus à faire cette déclaration, que l'honorable M. Thiéfry a paru croire que le gouvernement posait un acte de faveur ; or, un acte de faveur est d'habitude un acte qu'on sollicite.
Mais voyant les plaintes nombreuses qui existaient depuis six ans, je me suis demandé s'il n'y avait pas là une inégalité à réparer. J'ai écrit à M. l'archevêque à l’effet de savoir si l'insuffisance dont lui et ses collègues s'étaient plaints existait encore ; la réponse de l'archevêque a été que la situation était la même ; qu'elle était même empirée ; et j'ai cru faire un acte de justice en proposant l'augmentation. (Interruption.)
Je suis loin de reconnaître que les frais de tournée des évêques soient suffisants ; mais j’ai cru convenable de proposer d'abord une allocation pour celui des ordinaires diocésains dont les frais sont nécessairement les plus considérables. Voilà ce que j'ai fait, et je pense que tout autre ministre à ma place aurait agi de même.
L'honorable M. Thiéfry me demandait tout à l'heure comment j'avais acquis la conviction que les frais étaient en dessous des besoins ; je l'ai acquise par l'examen du dossier, je l'ai acquise, je dois le dire, par la déclaration que moi-même j'ai provoquée de M. le cardinal-archevêque ; le cardinal me signalant ces frais comme insuffisants, et me donnant des motifs, je n'ai pas cru avoir besoin d'autres preuves pour proposer à la Chambre l’allocation qu'elle discute en ce moment.
M. de Theux. - Messieurs, il ne s'agit pas de mettre la Chambre de 1856 en opposition avec celle de 1849. Mais prenons les faits en eux-mêmes. Il est confiant que dans tous les pays, et plus particulièrement en France, les cardinaux ont une position exceptionnelle ; ils ont une augmentation de 10,000 francs, indépendamment du traitement alloué à leurs fonctions épiscopales.
Dans la plupart des pays catholiques, on cherche à étendre la nomination des cardinaux. En effet, il est important que chaque pays catholique soit représenté dans le sacré collège et dans les conseils du saint-père. C'est une chose qui n'a pas besoin d'être démontrée ; tous les princes catholiques ont toujours attaché le plus grand intérêt à obtenir des nominations de cardinaux.
Sous l'ancien régime, des prélats belges avaient été souvent honorés du cardinalat, il semble que dès 1830 la Belgique eût intérêt à perpétuer le souvenir du cette dignité ; on aurait pu établir une comparaison désavantageuse pour la Belgique, si la Belgique n'avait pas obtenu un chapeau de cardinal, comme d'autres Etats catholiques. Ceux qui croient que la cour de Rome est hostile à notre Constitution auraient invoqué alors cet argument ; c'est de la part du saint père un témoignage de sympathie dont nous devons nous montrer reconnaissants.
Il est inutile d'ajouter que la dignité de cardinal n'a été en aucune manière recherchée par M. l'archevêque de Malines ; mais lorsqu'il a été question de la collation de cette dignité, l'internonce du saint-siège s'est enquis auprès du ministre des affaires étrangères (j'occupais alors ces fonctions) de la position que le cardinal pourrait avoir ; il a demandé si l'archevêque aurait une position conforme à la dignité qu'il s'agissait de lui conférer. J'ai alors examiné la question, et j'ai trouvé un décret qui accorde aux cardinaux un traitement spécial de 30,000 fr., avec cumul du traitement de la fonction épiscopale dans le pays (décret de l'empire).
Je n'ai pas voulu aller jusque-là ; la constitution belge avait aboli le cumul ; mais il m'a semblé que le décret relatif au cardinalat pouvait être observé en ce sens que le traitement le plus élevé, celui de trente mille francs, pouvait lui être alloué. Voilà l'origine de cette affaire. Plus tard, ce traitement a été réduit. Comme je l'ai fait remarquer, quand on a voté la suppression de neuf mille francs, que le cardinal avait des frais spéciaux dont il ne pourrait pas venir rendre compte à la législature, qu'il n'était pas décent qu'à chaque voyage à Rome il vînt demander qu'on lui en payât les frais, qu'il valait mieux lui allouer un chiffre global affecté aux dépenses du cardinalat, par ce double motif et véritablement par un motif de convenance, il ne peut pas y avoir de convention proprement dite, sans cela elle eût été soumise à l'approbation des Chambres, mais il y a eu des pourparlers sérieux qu'on peut considérer comme un engagement moral ; avant la nomination, l'internonce s'est assuré près du gouvernement si le cardinal aurait une position conforme à sa dignité. Le gouvernement a répondu, se fondant sur le décret qui était encore en vigueur. Je crois que nous pouvons sans scrupule, même par esprit de convenance, accorder une majoration de l'indemnité pour les frais de tournée en général, soit à l'administration du diocèse, soit au titre de cardinal ; pris dans leur ensemble il y a des motifs suffisants pour allouer la faible majoration que le gouvernement réclame. Je la voterai et je ne croirai pas manquer à mes devoirs de parcimonie des deniers publics.
M. Orts. - Ce n'est pas une question de chiffre restreinte dans des limites très étroites qui m'engage à demander une deuxième fois la parole. Il ne s'agit pas seulement ici d'un mesquin intérêt d'argent, mais plus d'un intérêt moral et politique. Evidemment l'augmentation qu'on propose a pour but de revenir sur la portée du vote de 1849. Qu'a-t-on fait en 1849 ? On a voulu par respect pour l'autorité civile que dans notre pays un dignitaire ecclésiastique si élevé qu'il puisse être n'ait jamais une position financière supérieure à celle que fait la loi du budget à la plus haute autorité civile, aux ministres.
Je défie qu'on me trouve un ministre qui sous rapport des frais de tournée sera l'égal du cardinal, si le vote qu'on demande de la Chambre était obtenu.
Une réaction manifeste s'opère contre les idées qui ont déterminé la Chambre, en 1849, à fixer le traitement de l'archevêque et les frais de tournée formant l'accessoire de ce traitement. Un dignitaire ecclésiastique occupant une position plus élevée que celle que vous faites au représentant suprême de l'autorité civile ! Voilà le résultat qu'on veut atteindre ; voilà la signification comprise de tous, du vote qu'on demande.
Remarquez-le d'ailleurs, d'après les explications du ministre ce qu'on vous propose, ce n'est pas de voter un chiffre qui n'aura aucune conséquence dans l'avenir ; on annonce l'intention d'entrer dans une voie et d'avancer jusqu'au bout ; ce qu'on est allé proposer au cardinal sans qu'il l'eût demandé, on l'avoue, et ce qu'il a accepté (il aurait eu grandement tort de ne pas le faire), le ministre annonce qu'on le fera pour les autres chefs diocésains ; dans les budgets à venir vous aurez donc aux frais de tournées des évêques l'augmentation qu'on vous propose de voter aujourd'hui pour le cardinal.
Vous réagissez contre la pensée que la dignité de cardinal n'est pas plus élevée au point de vue de ses rapports avec l'autorité civile que la dignité des représentants suprêmes de cette autorité. Vous réagissez contre une pensée éminemment vraie, car chez nous ce qu'il y a vis-à-vis de l'autorité civile, ce sont des évêques et un archevêque. Le cardinalat est une dignité étrangère qui peut flatter l'amour-propre de la Belgique, mais qui au point de vue du pouvoir civil n'est rien de plus que si le prélat que Rome revêt de la pourpre recevait le grand-cordon d'un ordre étranger quelconque.
M. F. de Mérode. - Je vais donner à la Chambre communication d'une pièce qui vient à l'appui de ce que je disais il y a quelques moments, c'est une lettre du cardinal Fornari, ancien nonce du saint-siège en Belgique-, à S. Em. l'archevêque de Malines :
« Les circonstances qui accompagnèrent l'arrangement intervenu entre le saint-siège et le gouvernement belge, relativement au traitement de cardinal, sont encore bien présentes à ma mémoire, et je puis, sans crainte de me tromper, satisfaire le désir de Votre Eminence, en les exposant par écrit.
« Lorsque en 1838, le pape Grégoire XVI eut formé le projet d'élever Votre Emmenée, au cardinalat, je fus chargé, de la part de Sa Sainteté, de demander au gouvernement belge, s'il serait disposé à donner un traitement convenable au nouveau cardinal. Le saint-père faisait dépendre de cette condition l'exécution de son projet.
« Je m'adressai au ministre des affaires étrangères, qui était en même temps ministre de l'intérieur, et je lui dis que le pape avait l'intention, de créer l'archevêque de Malines cardinal. Le ministre en témoigna une (page 201) vive satisfaction comme d'un événement qui, à part son importance religieuse, contribuerait à consolider l'indépendance de la Belgique, et à augmenter sa considération aux yeux de l'étranger. »
Je dois dire ici qu'à l'époque où le cardinal fut promu à cette dignité, la Belgique n'était pas encore reconnue par toutes les puissances de l'Europe ; nous étions charmés de voir alors l'autorité morale du saint-siège venir à notre aide. C’était là notre sentiment, et il était parfaitement juste.
« Je lui déclarai ensuite que Sa Sainteté ne pouvait procéder à cette nomination, qu'à la condition que le cardinal fût mis à même de soutenir honorablement la dignité de son rang éminent et je demandai si le gouvernement belge serait disposé à lui accorder un traitement annuel convenable. J'ajoutai qu'il me semblait qu'il ne pouvait pas y avoir de difficulté à ce sujet, vu qu'il existait un décret du 7 ventôse an XI, accordant aux cardinaux une indemnité annuelle de 30,000 fr., indépendamment de tout autre traitement. Le ministre trouva le principe du traitement juste, et convint de la force légale du décret, qui n'avait jamais été révoqué en Belgique. Cependant il crut que l'article de la Constitution, qui défend le cumul, s'opposait à ce que Votre Eminence jouît en même temps du traitement de cardinal et de celui d'archevêque. Enfin, il fut convenu que le traitement d'archevêque de 21,000 fr. serait abandonné et remplacé par celui de cardinal de 30,000 fr., et qu'ainsi Votre Eminence aurait en réalité, comme cardinal, une indemnité annuelle de 0,000 fr. Le saint père agréa cet arrangement, et ce ne fut qu'après que Sa Sainteté en eut eu connaissance, que la promotion de Votre Eminence fût définitivement décidée.
« Voilà, Eminence, les circonstances principales de cette affaire. Le simple exposé que je viens de faire prouve clairement qu'il y eut engagement de la part du gouvernement, et qu'en acceptant l'honneur et les avantages qu'apportait à la Belgique la nomination d'un cardinal, il a aussi accepté les charges et les conditions qui en étaient inséparables. S'il n'y eut pas d'engagement écrit, c'est qu'il ne vint alors à l'esprit à personne, que cette indemnité annuelle pût jamais être refusée.
« Ce qu'on n'avait pas lieu de prévoir, est cependant arrivé. J'en ai été douloureusement affecté ; mais la haute estime qu'un long séjour dans le pays m'a fait concevoir du peuple belge me donne la confiance qu'un nouvel examen de la question éclairera ceux dont la conscience a été surprise, car il me semble impossible que la Belgique veuille démentir à la fois sa loyauté, son patriotisme et sa vénération filiale pour le souverain pontife, ces vertus qui ont toujours fait le fond de son caractère national.
« Agréez, Eminence, l'expression de mon respect et de mon affectueux dévouement.
« Rome, le 9 février 1852.
«. Le très dévoué et très humble serviteur,
« (Signé) R. cardinal Fornari. »
On vient de parler de réaction. D'où vient la réaction ? En 1838, les ministres ont demandé à la Chambre de porter le traitement de l'archevêque, devenu cardinal, à 30,000 fr., ce qui a été accordé à une grande majorité. Pourquoi, en 1849, êtes-vous venus changer ce qui avait été adopté dix ans auparavant, presque de commun accord ? C'est là qu'est la réaction.
Maintenant on dit ; vous réagissez si vous revenez sur ce qui a été décidé alors. C'est un jeu de mots. Il n'y a pas de réaction. Il y a retour aux vrais principes qui ont été violés par la violation d'un traité. (Interruption). Ce n'était pas un traité écrit, je le sais bien. Mais quand un ministre qui vous représente à l'étranger fait une convention avec une puissance quelconque, vous êtes obliges d'avoir égard à ce qu'il a fait et que vous avez approuvé si vous voulez être honnêtes.
Je dis qu'il a été humiliant pour nous de changer après dix ans des conventions alors acceptées, et c'est une injustice d'autant plus grande, que l'archevêque de Malines n'a pas demandé à être cardinal. Il ne s'est chargé de cette dignité que parce qu'où l'a convaincu que c'était utile au pays.
Après lui avoir imposé une charge, on ne maintient pas le traitement promis et consenti. Si vous ne le rétablissez pas, ne chicanez pas du moins pour une somme de 3,400 fr. destinées à compenser des frais de tournée et de correspondance, dans un diocèse qui a un demi-million d'habitants de plus que les autres.
Qu'on ne parle pas des facilités qu'offrent aujourd'hui les moyens de circulation. C'est l'obligation de s'arrêter qui fait la dépense des visites épiscopales. Quand dans un voyage vers Gand par exemple, il faut s'arrêter à Malines, à Termonde, à Gand, puis à Alost, au retour on se met en frais plus grands que si l'on n'a qu’à se présenter seulement à Gand. Vous le savez aussi bien que moi. La population nombreuse qui occupe l'espace à parcourir est l'élément principal pour fixer le chiffre des frais de route.
Un cardinal devrait avoir en Belgique le même traitement qu'en France ; car nous sommes, sous la plupart des rapports, régis par les mêmes lois, par les mêmes règlements. J'ai déjà présente ces considérations ici, messieurs, pour les militaires.
- Un membre. - Et les ministres.
M. F. de Mérode. - Les ministres ne peuvent avoir le même traitement que ceux des grands Etats, parée que la population diffère.
Si le traitement des ministres était fixé abstraction faite de la population, les ministres du grand-duché de Luxembourg (pays auquel on vient par parenthèse d'enlever sa constitution ; ce qui démontre la supériorité libérale des gouvernements protestants) devraient donc jouir du même traitement que les ministres belges, si ces derniers peuvent être mis sur la même ligne que les ministres français.
Mais un cardinal-archevêque belge, qui occupe une position identique à celle d'un cardinal-archevêque français, n'est-il pas en droit comparatif exact avec lui, quant au traitement, de même qu'il n'y a aucun motif pour traiter autrement que les officiers français de même grade, un colonel, un général de brigade, un général de division belge, lorsqu'ils commandent un régiment, une brigade, une division, bien que le ministre de la guerre de Belgique ne puisse être assimilé au ministre de la guerre de la France pour le traitement à cause de la différence respective des armées.
Mais dans les positions que je signale il y a égalité et si l'on ne la reconnaît pas aujourd'hui en ce qui regarde le cardinal, peut-être le fera-t-on dans un autre temps quand on sera plus éclairé.
Mais quoiqu'il arrive accordez du moins au cardinal-archevêque des frais de tournée en rapport avec la population de son diocèse si considérable.
M. Wasseige, rapporteur. - Quant à moi, je prends la position à dater de 1849. Je ne fais pas d'histoire rétrospective ; et lorsque je prends cette position, je m'étonne de l'opposition que le crédit porté au budget paraît rencontrer dans une partie de cette Chambre, alors qu'il s'agit simplement de régler un principe reconnu par tous les orateurs de la gauche. J'ai relu la discussion de 1849. Presque tous les orateurs, M. de Haussy, ministre de la justice, M. Orts, rapporteur, ont tous déclaré que s'ils supprimaient les 9,000 fr. accordés à titre de traitement au cardinal-archevêque, ils étaient tout prêts à voter des dépenses spéciales que la charge de cardinal pouvait faire incomber à monseigneur de Malines ; mais à la manière dont on accueille la demande de crédit maintenant faite à la Chambre, on serait tenté de croire que l'on avait simplement voulu dorer la pilule pour faire passer plus facilement la réduction de 9,000 francs qui était proposée par la section centrale de cette époque.
L'honorable M. Orts, en relisant une partie de son discours, a dit qu'il reconnaissait qu'il fallait tenir compte au cardinal-archevêque des frais spéciaux qu'il avait à supporter pour des voyages faits à Rome dans un intérêt politique ; mais il avait ajouté : ou religieux, ce qu'il a omis.de dire aujourd'hui. Il ne s'agit donc pas seulement de voyages faits dans un intérêt politique, tels qu'un voyage pour ll'élection d'un pape ; cela est évident.
Mais lorsque Mgr de Malines fait un voyage à Rome dans un intérêt politique ou religieux, il ne serait pas convenable qu'il fût astreint à présenter son état de frais de route pour en obtenir le payement. C'est ce qui a été dit à cette époque par l'honorable comte de Theux ; c'est ce qu'on répète aujourd'hui. On a dit alors, on a répété aujourd'hui : Nous comprenons parfaitement cette question de convenance, et si le cardinal-archevêque fait un voyage à Rome, les ministres quels qu'ils soient prendront l'initiative pour lui offrir le remboursement des frais. - Eh bien non, depuis lors Mgr. de Malines a fait plusieurs voyages à Rome, et aucune initiative ministérielle n'est venue lui demander ce que lui avaient coûté ces voyages.
Vous voyez donc, messieurs, qu'il n'est pas exact de dire qu'on ne mettra pas à l'épreuve, la susceptibilité de Mgr de Malines, qu'on ira au-devant de lui et qu'on lui accordera, toujours spontanément, ces frais de voyage. C'est pour éviter cette position quelque peu délicate, que la Section centrale a pensé qu'il était rationnel d'augmenter les frais de secrétariat et de tournée, de manière qu'il n'y ait jamais lieu à ces sortes de conflits entre le gouvernement et l'archevêque pour les frais de ce genre.
Voilà pour ce qui concerne la partie afférente aux frais spéciaux de cardinalat.
Quant à la dépense relative à la dignité d'archevêque, il est positif, il est évident que ces frais doivent être plus élevés que dans les autres évêchés.
On a parlé de la population. La population doit exercer une certaine influence sur les frais de secrétariat et de tournée. Je ne dis pas qu'elle soit excessive, mais elle existe. Mais ce qui exerce une plus grande influence encore, c'est le nombre des églises, c'est le nombre des fabriques avec lesquelles le cardinal doit correspondre pour l'examen des budgets, etc. Or, le nombre des églises et des fabriques est beaucoup plus considérable dans l'archevêché de Malines que dans les autres évêchés. Il s'élève au chiffre de 700 églises et 600 conseils de fabrique.
On a dit que si l'exécution de la loi sur l’enseignement moyen nécessitait des frais nouveaux pour le cardinal, c'était au budget de l'intérieur qu'il fallait réclamer une augmentation. C'est une erreur ; s'il s'agissait de réclamer une somme pour payer les inspecteurs, je comprendrais que c'est du budget de l'intérieur qu'il faudrait la porter. Mais les frais qui entraîne la correspondance entre l'archevêque et les inspecteurs, les frais de secrétariat et de tournée ne doivent pas être supportés par le budget de l’intérieur. Or il est évident que depuis l'exécution de la loi sur l'enseignement moyen dans les provinces d'Anvers et de Brabant qui composent la circonscription du diocèse de Malines, les frais de secrétariat ont augmenté.
(page 202) Enfin on vous a dit que la dignité du cardinalat n'avait pas plus d'importance que la nomination de grand cordon dans un ordre quelconque. Je pense que cette raison n'est nullement exacte. La dignité de grand cordon est entièrement personnelle à celui qui en est revêtu, et ne peut procurer au pays que le dignitaire habite aucune espèce d'avantage. Il n'en est pas ainsi de la dignité du cardinalat. Si c'est une dignité honorable pour la personne qui en est revêtue, elle lui procure aussi un certain pouvoir qui peut tourner à l'avantage du pays.
Je crois avoir rencontré la plupart des observations présentées par l'honorable M. Orts, et je volerai pour le chiffre proposé par le gouvernement.
M. Lebeau. - Messieurs, je ne crois pas être suspect de parti pris dans cette question, non plus que de dispositions hostiles envers le haut titulaire dont les intérêts sont en ce moment débattus par la Chambre, en venant ajouter quelques observations à celles de mes honorables amis. Si mes souvenirs sont fidèles (je n'ai pas eu le temps de vérifier le fait), je suis du nombre de ceux qui ont voté un traitement de 30,000fr. au cardinal archevêque de Malines. En me reportant aux circonstances où j'aurais émis ce vote, je l'émettrais encore ; mais il était en quelque sorte conditionnel. Je ne trouvais pas le chiffre exagéré eu égard aux hautes fonctions dont l'archevêque de Malines venait d'être investi.
Cependant, messieurs, ce chiffre était déjà très élevé, si vous le comparez à la situation qui est faite dans un Etat beaucoup plus considérable que le nôtre, et tout aussi catholique que la Belgique. Ainsi en France nous voyons qu'en général le traitement des évêques est de 10,000 fr.
M. de Theux. - Je crois que les départements votent quelque chose.
M. Frère-Orban. - Ce n'est pas obligatoire.
M. Lebeau. - La plupart des archevêques ont en France 15,000 fr. En Belgique d'après l'ancien budget, tel qu'il existait avant l'élévation de l'archevêque de Malines au cardinalat, le traitement de ce prélat était de 21,000 fr.
Mais, messieurs, la condition formellement exprimée, à laquelle je subordonnais le vote des 30,000 fr., c'est que le traitement des ministres, dans la période la plus rapprochée possible, serait également porté au chiffre de 30,000 fr.
La Chambre voit tout de suite que ce ne sont pas des considérations d'économie, peu à leur place, selon moi, dans une semblable circonstance, qui ont présidé au vote que plusieurs de mes honorables amis et moi avons émis alors. C'est peut-être par des considérations de ce genre que d'honorables membres dont les dispositions ne peuvent vous paraître suspectes, ont volé contre le chiffre de 30,000 fr. Je pourrais nommer l'honorable M. Dumortier, l'honorable M. T’Kint de Naeyer, et même jusqu'à un certain point M. le ministre de l'intérieur, qui, si je ne me trompe, a proposé une réduction de 5,000 fr. sur le traitement de 30,000 fr. proposé par le gouvernement.
Il y avait donc pour moi une condition à régler dans l'avenir et qui ne s'est pas réalisée, et je ne serai pas suspect, lorsque ce sont mes adversaires politiques qui sont au pouvoir et lorsque plusieurs reprises j'ai eu occasion de prouver que je n'avais pas un très vif empressement à me rasseoir au banc ministériel, en disant que je subordonne mon adhésion au chiffre de 30,000 francs comme traitement du cardinal de Malines, à la fixation au même chiffre de 30,000 pour le traitement des ministres.
C'est sans doute, messieurs, en obéissant à cette même idée de convenance politique, qu'un ancien ministre, dont personne ne suspectera les sentiments de haute impartialité et même de bienveillance à l'égard du clergé, que M. de Sauvage, en présence du Congrès où les sentiments de respect envers le haut clergé étaient si profonds, a, par un arrêté, réduit le traitement de l'archevêque de Malines au chiffre de 21,000 fr., égal au traitement du ministre, et le traitement des évoques au chiffre du traitement des gouverneurs de province.
Vous savez comment le Congrès national était composé, quel nombre d'honorables ecclésiastiques y siégeaient. Or, pas une observation, pas une seule, je le dis à l'honneur du haut clergé et de ses défenseurs, pas une seule réclamation ne s'est élevée ni de la part du clergé ni de la part de ceux qui se croyaient le plus autorisés à-parler en son nom, à défendre ses prérogatives et ses intérêts.
En France, dit-on, messieurs, le traitement du haut clergé a été augmenté après la révolution de 1830.
Mais avant d'aller plus loin, je ne dois pas oublier de vous faire remarquer qu'on n'apporte pas de toutes parts la franchise, ou au moins l'accord désirable dans ce débat ! Si vous entendez M. le rapporteur de la section centrale, si vous entendez M. le ministre de la justice, comment explique-t-on la demande d'augmentation ? Par la nécessité de couvrir des frais de voyage de plus en plus considérables. Voilà, messieurs, le principal motif sur lequel s'appuient M. le ministre de la justice et M. le rapporteur de la section centrale. - Eh bien ! si vous entendez d'autre part M. de Mérode, la somme nouvelle est demandée pour accomplir un engagement formel, qui nous obligeait à porter à 30,000 francs le traitement du cardinal archevêque de Malines.
C'est l'exécution d'un engagement, d'un traité, mais d'une sorte de traité qui probablement ne doit pas être soumis aux Chambres, car on ne nous en a jamais parlé.
En France sous le gouvernement de juillet et je crois sous le nouveau gouvernement impérial, la position du haut clergé a été améliorée, mais savez-vous, messieurs, quelle différence il y a encore en France entre les traitements les plus élevés des dignitaires ecclésiastiques et les traitements les plus élevés des hauts dignitaires politiques ? Une différence de plus de 50 p. c.
Les traitements les plus élevés des dignitaires ecclésiastiques sont de 50,000 francs, tandis que les ministres touchent 100,000 francs et que le ministre des affaires étrangères a un traitement encore plus élevé.
- Un membre. - 150,000 francs.
M. Lebeau. - On me dit 150,000 francs.
Voilà, messieurs, quant aux traitements.
Si nous acceptons la deuxième hypothèse, celle des frais de voyage à rembourser, je rappellerai d'abord ce qui a été dit sur la facilité et la rapidité des moyens de communication, qui n'existait pas en Belgique à l'époque où le traitement de Mgr l'archevêque de Malines a été fixé à 21,000 francs.
Je ferai remarquer de plus que si c'était la distance et le nombre des communes qu'il fallût prendre en considération, ce ne serait pas les frais de voyage de l'archevêque de Malines qu'il faudrait augmenter, ce serait ceux de plusieurs de nos évêques, et notamment de l'évêque de Namur qui, lui, administre deux provinces dont l'une n'est pas accessible par les voies rapides et économiques qui existent dans tout le diocèse de Malines. Sous ce rapport, il n'y a aucune analogie entre la situation de l'évêque de Namur, qui ne réclame rien et celle de l'archevêque de Malines.
Je répète, messieurs, que pour moi toute la question est une question de dignité pour le pouvoir civil. Je ne comprends pas qu'il y ait en Belgique des fonctionnaires, à quelque catégorie qu'ils appartiennent, qui soient dans une situation supérieure à celle des hommes qui représentent ici devant nous la royauté.
C'est par ces considérations et uniquement pour cela que je voterai contre la proposition qui nous est faite, déclarant que je suis prêt à élever le traitement du cardinal-archevêque de Malines si on élève au même chiffre le traitement des hommes qui représentent la royauté, et en cela je croirai être juste envers tout le monde et sauvegarder la dignité de tout le monde.
M. Dumortier. - L'honorable M. Lebeau vient d'exposer bien clairement devant la Chambre les faits qui se sont passés. Effectivement la pensée de ceux qui ont voté le chiffre de 21,000 francs pour le traitement du cardinal archevêque de Malines, a été de mettre ce traitement au niveau de celui des ministres, et il est incontestable que si, en Belgique, le traitement des ministres était élevé, le traitement du cardinal serait également élevé.
Voilà, messieurs, la pensée que l'on a eue, et, quant à moi, je le déclare, quelque respect que j'aie pour le cardinal, je ne comprendrais jamais que dans un gouvernement constitutionnel le traitement d'un fonctionnaire, quel qu'il fût, dépassât le traitement des ministres.
Ceci posé, messieurs, lorsqu'il fut question de ramener le traitement du cardinal à la somme de 21,000 fr., il a cependant été fait des réserves qui ont été comprises par tout le monde. On s'est dit : la Belgique a intérêt, comme nation catholique, à avoir chez elle un prince de l’Eglise, un cardinal qui contribue à ll'élection du souverain pontife.
En effet, messieurs, c'est une chose très importante pour la Belgique de pouvoir concourir à ll'élection du chef de la chrétienté.
Il est évident, cependant, que le cardinal dont nous avons réduit le traitement au chiffre du traitement des ministres, ne pourrait pas se charger des frais de voyage nécessaires en pareil cas.
M. Lebeau. - Nous sommes d'accord à cet égard.
M. Dumortier. - Nous voilà donc d'accord sur le principe. Eh bien, ce que l'on demande aujourd'hui, c'est de faire face à cette éventualité, c'est une espèce d'abonnement fait avec le titulaire pour des frais de voyage éventuels, et pour mon compte, je regarde cette espèce d'abonnement comme indispensable.
En effet, messieurs, que demain le pape vienne à mourir, il n'y a point de crédit au budget pour le voyage du cardinal.
Il en résulte donc que ll'élection du chef de la chrétienté, à laquelle nous désirons tous que le cardinal participe, il en résulte que cette élection devra se faire sans qu'il puisse y prendre part. Il est évident que la proposition a pour but d'éviter cet inconvénient regrettable, qu'on ne peut repousser la proposition sans aller à rencontre du but que tout le monde veut atteindre.
Ce n'est pas tout, messieurs, vous n'ignorez pas qu'il n'est point de diocèse où les frais de voyages soient plus considérables que le diocèse de Malines. L'honorable membre vient de parler du diocèse de Namur, mais il faut bien reconnaître qu'il en coûte infiniment moins pour voyager dans le Luxembourg que dans le brabant.
- Plusieurs membres. - C'est une erreur.
M. Dumortier. - J'ai voyagé dans le Luxembourg et je suis à même de savoir ce qu'on y dépense.
Quant à la correspondance, le nombre des dépêches à écrire est en raison du nombre des habitants, Plus vous avez d’habitants, plus vous avez de lettres à écrire.
La demande de M. le ministre de la justice est donc complètement (page 203) justifiée au double point de vue d'une nécessité intérieure réelle, et d'une autre nécessité qui peut se présenter j'entends parler de la nécessité de voyages du cardinal à Rome, soit qu'il s'agisse de nos intérêts religieux, soit qu'il s'agisse de l'élection d'un pape.
Je pense que ceux qui ont voté en 1849 la réduction du traitement du cardinal à 21,000 francs doivent, précisément à raison de ce vote, adopter plus spécialement et avant tous les autres, le crédit qui est aujourd'hui demandé.
M. Lelièvre. - En 1849, j'ai voté la réduction du traitement du cardinal-archevêque de Malines, et je persiste dans l'opinion que j'ai émise à cette époque. Le motif de mon vote était le même que celui déduit alors par l'honorable M. Dumortier. Le cardinal-archevêque ne peut avoir une position privilégiée dans l'Etat, une position plus élevée que le haut fonctionnaire qui représente l'autorité royale. Son traitement ne peut donc excéder celui attribué aux ministres du roi. Dans un pays constitutionnel où tous les pouvoirs émanent de la nation, il n'est pas possible que le chef de l'Eglise belge s'élève au-dessus du fonctionnaire le plus éminent dans l'ordre civil. Ce sont ces considérations qui ont engagé la Chambre, en 1849, à réduire le traitement accordé à l'archevêque.
Or, soyons francs, messieurs, il s'agit réellement, comme vient de le dire l'honorable comte de Mérode, de faire revenir les chambres législatives de la décision prise en 1849.
L'on veut en réalité réparer la prétendue injustice qui aurait été commise et attribuer un supplément de traitement au cardinal-archevêque de Malines. Je dis que tel est le but réel de la section centrale, car les autres motifs allégués par son rapporteur sont tellement futiles, que bien certainement ils ne peuvent être considérés comme sérieux. Peut-on, en effet, prétendre avec sincérité qu'il y ait réellement augmentation des frais de tournée ? Mais il est impossible de citer le moindre fait produit depuis 1849 qui ait modifié la situation alors existante. Au contraire, il est notoire que les communications sont devenues plus faciles. Divers chemins de fer ont été pratiqués, et bien certainement les frais de voyage ont subi une réduction sensible. Dans tous les cas, il suffit, pour rejeter l'allocation, de considérer qu'il ne s'est produit aucun fait postérieur propre à la justifier.
Messieurs, si du chef des frais de tournée l'on devait accorder une augmentation d'indemnité à l'un de nos prélats, ce serait bien certainement au digue évêque de Namur dans la juridiction duquel se trouve compris le diocèse du Luxembourg, pays où l'on ne se rend qu'avec une excessive difficulté, tandis que le diocèse de Malines est sillonné de voies ferrées. Or, l'illustre prélat de notre diocèse n'élève aucune réclamation.
Le motif allégué par la section centrale est donc dénué de tout fondement ; c'est ce qui m'engage à dire qu'en réalité il s'agit bien d'attribuer à l'archevêque une position privilégiée. En effet la quotité du traitement caractérise le rang du fonctionnaire et il est bien évident qu'on n'attribue le traitement le plus élevé qu'à celui qui effectivement occupe la première place dans l'Etat.
Or, il nous paraît impossible d'accepter un semblable principe sous notre régime politique. Assimilons le vénérable archevêque aux ministres du Roi. Voilà tout ce qu'il est possible d'admettre, mais ne lui donnons pas une prééminence repoussée par nos institutions.
Mais, dit-on, il s'agit d'attribuer au cardinal une somme pour les frais des voyages que nécessiteront, à l'avenir, les hautes fonctions ecclésiastiques dont il est revêtu. Messieurs, nous n'avons pas, pour le moment, à nous préoccuper de faits éventuels qui ne se sont pas encore réalisés depuis 1849 et qui, dès lors, ne peuvent justifier l'allocation immédiate qui est réclamée. Si le cardinal-archevêque est obligé de faire ultérieurement des voyages à Rome ou ailleurs, la justice du gouvernement ne lui fera pas défaut et jamais les Chambres législatives ne refuseront de ratifier l'allocation que le pouvoir exécutif aura jugé convenable d'accorder. Mais bien certainement cette cause d'indemnité éventuelle ne peut justifier, dès maintenant, une indemnité annuelle, fondée sur des faits qui ne se sont pas encore produits et qui, nous l'espérons, avant longtemps ne se réaliseront pas.
Rien donc à mon avis ne justifie la proposition ministérielle ; je la repousse avec d'autant plus d'énergie que notre résolution de 1849 a produit de bons fruits au point de vue religieux. C'est à partir de cette époque que les invectives de certaine presse ont cessé d'être dirigées contre le vénérable archevêque. Son traitement de trente mille francs lui valait des injures de tout genre. Or je préfère voir les membres de la religion estimés et vénérés, dans une position où ils n'usent que du droit commun, que de les voir peu respectés dans une position privilégiée. Ce sont ces considérations qui ne nie permettent pas d'adhérer à la proposition du gouvernement.
M. le ministre de la justice (M. Nothomb). - Messieurs, je dois déclarer que dans l'intention formelle du gouvernement, comme dans les termes dont il s'est servi, les frais dont il s'agit sont des frais de tournée et de secrétariat, des frais de bureau. Il ne s'agit nullement d'une augmentation directe ou indirecte du traitement dont il est question, et sous ce rapport, le gouvernement est pleinement d'accord avec les honorables membres qui ont parlé.
M. Osy. - Messieurs, en 1849, je n'ai pas voté la réduction du traitement de M. le cardinal-archevêque ; je considérais le traitement de 30,000 fr. comme un engagement pris par le gouvernement, lorsque le saint-père a jugé convenable de donner à la Belgique un prince de l'Eglise. Je crois qu'il est avantageux pour la Belgique de pouvoir être représentée, lorsqu'il y a un choix à faire à Rome.
L'honorable M. Orts nous dit que lorsqu'il y aura un acte politique à poser à Rome, l'Etat payera les frais du voyage du cardinal ; je vais plus loin ; je dis que quand il y a un acte religieux à poser, nous devons payer les frais du voyage, car ce sont surtout ces actes-là que vous devez prendre en considération. Lorsque le saint-père actuel a été nommé, le cardinal-archevêque a été au conclave, et le gouvernement lui a payé les frais de voyage.
Mais après les événements qui, en 1848 et en 1849 se sont passés en Italie, le saint-père a voulu s'entourer de tous les princes de l'Eglise, et vous savez que presque tous les cardinaux du monde se sont rendus à Rome ; notre cardinal-archevêque s'y est également rendu, mais à ses frais personnels ; et cette dépense a dû être considérable.
On dit que l'évêché de Namur est plus étendu que celui de Malines. J'avoue qu'il y a une très grande distance depuis Namur jusqu'aux extrémités du Luxembourg ; mais il y en a une très grande aussi depuis la frontière du Hainaut jusqu'à l'extrémité de la Campine. Si nous en avions le temps, nous rechercherions combien il y a de communes dans l'évêché de Malines et combien il y en a dans l'évêché de Namur ; là, vous verriez une grande différence.
Tous les deux ans, les évêques, les archevêques et même les cardinaux se rendent dans les communes de leurs diocèses respectifs pour la confirmation ; eh bien, les prélats ne peuvent pas se rendre dans toutes les communes par le chemin de fer ; ils sont obligés de voyager par les routes ordinaires et dans leur propre équipage et ils sont nécessairement amenés par là même à faire des dépenses plus considérables que s'ils pouvaient voyager par le chemin de fer. Comme il y a beaucoup plus de communes dans l'évêché de Malines que dans celui de Namur, les voyages y sont plus fréquents et prennent beaucoup plus de temps.
L’honorable M. Thiéfry, qui a présenté un amendement, parle de frais de représentation.
Il est certain que les évêques n'ont pas une représentation de luxe ; mais ceux qui savent ce qui se passe dans les évêchés diront que les évêques s'imposent des frais d'hospitalité très considérables. Il n'y a pas un curé qui, allant voir son évêque, ne passe la journée avec lui. Cela se répète tous les jours.
La majoration que le gouvernement propose n'est pas, comme on l’a dit, une augmentation de traitement déguisée ; car il est certain que pour l'archevêché de Malines, la somme que nous avons allouée jusqu'à présent pour frais de tournée et de secrétariat est très insuffisante. Je le répète, il ne s'agit pas, par l'augmentation proposée, de rétablir en partie la réduction de traitement qui a été opérée en 1849 ; pour moi, je regrette le vote qui a eu lieu alors ; mais aujourd’hui il s'agit uniquement de pourvoir à un besoin constaté et qui n'a rien de commun avec le traitement. La somme qu'on nous demande est nullement exagérée et je voterai pour la proposition du gouvernement.
- Personne ne demandant plus la parole, la discussion est close.
M. le président. - Je mets aux voix l'amendement de M. Thiéfry qui propose une réduction de 3,400 fr. sur les frais de tournée et de secrétariat.
- Plusieurs voix. - L'appel nominal ! l'appel nominal !
- Il est procédé à cette opération, dont voici le résultat :
64 membres prennent part au vote.
32 membres répondent oui.
32 membres répondent non.
En conséquence la proposition n'est pas adoptée.
Ont répondu oui : MM. de Moor, de Naeyer, de Paul, de Perceval, de Renesse, de Steenhault, Devaux, Frère-Orban, Goblet, Grofils, Jacques, Laubry, Lebeau,Lelièvre,Lesoinne,Loos,Mascart, Moreau,Orts,Rogier, Sinave, Tesch, Thiéfry, Thienpont, Vandenpeereboom, Van Iseghem, Verhaegen, Anspach, Coppieters, 't Wallant, David, de Baillet-Latour et Delexhy.
Ont répondu non : MM. F. de Mérode, de Pitteurs Hiegaerts, de Portemont, de Ruddere, Desmaisières, Desmet, de Theux, de T'Serclaes, Dumon, Dumortier, Lambin, Mercier, Moucheur, Osy, Rodenbach, Tack, Vanden Branden de Reeth, Vander Donckt, Van Goethem, Van Overloop, Vermeire, Wasseige, Wautelet, Boulez, Brixhe, Coomans, Crombez, Dedecker, de Haerne, de Kerchove, de Liedekerke et Delehaye.
M. le président. - Je vais mettre aux voix le chiffre du gouvernement proposé par la section centrale et qui est de 315,100 francs.
- Plusieurs voix. - L'appel nominal !
M. le président. - Il va y être procédé.
M. Dumortier. - Il faut cependant s'entendre sur le vote qu'on va émettre ; il est évident que le chiffre proposé par le gouvernement doit être admis par tout le monde. (Interruption.)
Je puis me tromper, mais si on rejetait ce chiffre, il ne resterait plus rien.
M. le président. - Je dois mettre aux voix cet article et le règlement autorise la demande de l'appel nominal. Il est demandé.
- Il va être procédé à cette opération.
(page 204) En voici le résultat :
65 membres répondent à l'appel.
34 membres répondent oui.
31 membres répondent non.
En conséquence, l'article est adopté. (A demain ! à demain !)
Ont répondu oui : MM. F. de Mérode, de Pitteurs-Hiegaerts, de Portemont, de Ruddere, Desmaisières, Desmet, de Theux, de T'Serclaes, Dumon, Dumortier, Lambin, le Bailly de Tilleghem, Mercier, Moncheur, Osy, Rodenbach, Tack, Thienpont, Vanden Branden de Reeth, Vander Donckt, Van Goethem, Van Overloop, Vermeire, Wasseige, Wautelet, Boulez, Brixhe, Coomans, Crombez, Dedecker, de Haerne, de Kerchove, de Liedekerke et Delehaye.
Ont répondu non : MM. de Moor, de Naeyer, de Paul, de Perceval, de Renesse, de Steenhauft, Devaux, Frère-Orban, Goblet, Gros fils, Jacques, Laubry, Lebeau, Lelièvre, Lesoinne, Loos, Mascart, Moreau, Orts, Rogier, Sinave, Tesch, Thiéfry, Vandenpeereboom, Van Iseghem, Verhaegen, Anspach, Coppieters 't Wallant, David, de Baillet-Latour et Delexhy.
M. le président. - Vous avez chargé le bureau de compléter la commission à laquelle vous avez renvoyé l'examen du projet de loi relatif aux brevets d'invention.
Le bureau a remplacé M. Le Hon qui ne fait plus partie de la Chambre par M. Wautelet.
M. le ministre de la guerre vient d'adresser à la Chambre 110 exemplaires d'une note relative à la masse des recettes et dépenses extraordinaires et imprévues des corps de troupes.
- Distribution aux membres et dépôt à la bibliothèque.
La séance est levée à 4 heures 3/4.