(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1855-1856)
(Présidence de M. Delehaye.)
(page 1083) M. Ansiau procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.
M. Maertens lit le procès-verbal de la séance du 11 avril.
- La rédaction en est adoptée.
M. Ansiau présente l'analyse des pièces qui ont été adressées à la Chambre.
« Les sieurs Delobbet, Van Berchem et plusieurs autres habitants de Saint-Josse-ten-Noode réclament l'intervention de la Chambre pour obtenir la fermeture de la fabrique de sulfate de cuivre située rue Verte, faubourg de Cologne-lez-Druxelles. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
M. Thiéfry. - Comme cette pétition intéresse grandement la salubrité publique, je demanderai que la commission des pétitions veuille faire un prompt rapport.
- Cette proposition est adoptée.
« Le sieur de Dorlodot de Moriamé demande qu'il soit accordé une pension civique aux combattants de septembre qui par des revers de fortune ou par des infirmités ont besoin d'assistance. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Muraille demande la suppression du droit de timbre sur les catalogues de musique. »
- Même renvoi.
« Le sieur Ranwez, ancien commandant des volontaires ardennais, demande que ces fonctions soient assimilées au grade de capitaine ; que le projet de loi relatif à la pension d'officiers de volontaires lui soit rendu applicable et qu'il contienne une disposition en faveur des décorés de la croix de Fer qui sont rentrés dans la vie privée. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi.
« Des propriétaires, industriels, négociants et autres habitants du Rœulx prient la Chambre d'accorder à la société de Haussy-Rasquin la concession d'un chemin de fer de Marchienne-au-Pont à Jurbise ou Masnuy-St-Jean, par Rœulx. »
- Renvoi à la section centrale qui sera chargée d'examiner le projet de loi relatif à la concession de plusieurs lignes de chemin de fer.
« Des messagers à la cour de cassation demandent une augmentation de traitement. »
- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le budget du ministère de la justice.
« Le sieur Ch. Voigt, musicien-gagiste au 1er régiment de ligne, demande la naturalisation ordinaire. »
- Renvoi à la commission des naturalisations.
« Le sieur Adolphe Bourdon, garde-excentrique à la station de Charleroi, né à Bruille (France), demande la naturalisation ordinaire. »
- Renvoi à M. le ministre de la justice.
« Le sieur Lavin propose d'établir sur les liquides un droit uniforme et au poids, qu'ils soient en cercles ou en bouteilles et de déclarer libres à l'entrée les sacs et les tonneaux vides qui ont déjà servi. »
- Renvoi à la seelion centrale chargée d'examiner le projet de loi concernant le régime commercial.
« Le sieur Thisquenne, ancien sous-officier des volontaires, demande que le projet de loi relatif à la pension des officiers de volontaires contienne une disposition en sa faveur. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi.
« Le sieur Cans, ancien commandant de volontaires, membre du conseil communal d'Alost, demande que le projet de loi relatif à la pension d'officiers de volontaires lui soit rendu applicable. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi.
« Les sieurs Parent, Tiberghien et autres membres du comité permanent des combattants de septembre, demandent qu'il leur soit alloué, comme pension civique, l'équivalent de dix années de service accordées par le projet de loi relatif aux officiers de volontaires. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi.
« Le sieur Jobard demande la suppression de l'article 23 de la loi sur les brevets d'invention. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« M. Van Renynghe, obligé de s'absenter pour affaires administratives, demande un congé. »
- Ce congé est accordé.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Decker). - Messieurs, le Roi m'a chargé de soumettre aux délibérations de la Chambre un projet de loi relatif au recensement général du royaume.
Dans une séance précédente, l'honorable M. Rogier avait annonce l'intention d'adresser au gouvernement des interpellations concernant l'augmentation éventuelle du nombre des sénateurs et des représentants. Le gouvernement pense que l'examen de cette question importante ses rattachera naturellement à la discussion qui aura lieu à l'occasion du projet de loi sur le recensement de la population. Ce sera alors le moment de donner sur les intentions du gouvernement quelques explications qui pourront être suivies immédiatement de la discussion que désirait l'honorable M. Rogier.
- Il est donné acte à M. le ministre de l'intérieur de la présentation du projet de loi, qui sera imprimé et distribué.
La Chambre le renvoie à l'examen des sections.
M. le ministre des travaux publics (M. Dumon). - Messieurs, d'après les ordres du Roi, j'ai l'honneur de soumettre aux délibérations de la Chambre un projet de loi portant prorogation de la loi du 12 avril 1835 concernant les péages sur les chemios de fer.
- Il est donné acte à M. le ministre des travaux publics de la présentation de ce projet de loi qui sera imprimé et distribué.
La Chambre le renvoie à l'examen des sections.
M. de Man d'Attenrode. - Messieurs, j'ai l'honneur de présenter le rapport de la section centrale qui a été chargée d'examiner le budget des travaux publics pour l'exercice 1856.
- Le rapport sera imprimé et distribué. La Chambre le met à la suite de l'ordre du jour.
M. le président. - La Chambre est arrivée à l'article 19. Cet article est ainsi conçu :
« Art. 19. § 1er. Aucune déclaration n'est admise si elle ne comporte point l'emploi de deux cent mille kilog. de betteraves au moins, par période de trente jours de travail.
« § 2. Le receveur délivre une ampliation de la déclaration à l'effet d'autoriser les travaux, après que les employés ont constaté que la fabrique et les ustensiles se trouvent dans les conditions prescrites par la présente loi.
« § 3. Cette déclaration cesse d'être valable si, pour les soixante premiers jours d'activité de l'usine, les prises en charge à la défécation ne s'élèvent pas à vingt-quatre mille kilogrammes de sucre brut, représentant, d'après la base admise par l'article 30, l'emploi d'une quantité de quatre cent mille kilogrammes de betteraves. »
- Adopté.
« Art. 20 § 1er. Si le fabricant ne commence pas ses travaux le dixième jour au plus tard après le jour déclaré, il est tenu de payer, à titre d'impôt, une somme de quinze francs par vingt-quatre heures de retard, et les travaux ne pourront commencer qu'après ce payement.
« § 2. Lorsque le retard doit être attribué à des circonstances de force majeure le ministre peut accorder la remise totale ou partielle de l'impôt dont il s'agit. »
- Adopté.
« Art. 21. § 1. Si, durant le cours de sa déclaration, le fabricant veut augmenter ou diminuer le nombre des vaisseaux déclarés, changer les heures de travail, modifier le procédé d'extraction du jus, suspendre ou cesser les travaux de la fabrique, il doit en faire la déclaration trois jours d'avance.
« § 2. En cas de suspension ou de cessation des travaux de défécation, les râpes et les chaudières à déféquer sont mises sous scellés. »
- Adopté.
« Art. 22. Les chaudières à déféquer ne peuvent être employées pour clarifier les bas produits, avant l'achèvement des travaux de défécation de la campagne. »
- Adopté.
« Art. 23. § 1er. Dans chaque fabrique il est tenu un registre servant à constater, sans interruption ni lacune, toutes les défécations à mesure qu'elles ont lieu.
« § 2. Le fabricant y inscrit à l'instant même où le jus commence à couler dans la chaudière :
« a. Le numéro de la chaudière ;
« b. La date et l'heure du commencement de l'opération.
« § 3. A la fin de la défécation il y inscrit l'heure à laquelle elle a été complètement terminée.
« § 4. Avant qu'aucune partie de jus déféqué ne soit enlevée de la chaudière, un bulletin, contenant les mêmes indications que la déclaration, est détache du registre et jeté dans une boîte que fournit l'administration et dont les employés gardent la clef. Cette boîte est placée à demeure dans l'atelier de défécation.
(page 1084) « § 5. Les rectifications d'erreurs commises au registre sont nulles, si elles ne sont pas approuvées par une annotation signée du fabricant. »
- Adopté.
« Art. 24. § 1er. Les chaudières à déféquer doivent être chargées suivant le rang que leur assigne le numéro sous lequel elle figurent au procès-verbal de jaugeage.
« § 2. Si une chaudière ne peut fonctionner à son tour de rôle, le fabricant en indique le motif à la souche du registre des défécations et au bulletin ; il jette ensuite le bulletin dans la boite mentionnée à l'article 23.
« § 3. Les mêmes formalités doivent être remplies en cas d'interruption totale ou partielle des travaux de fabrication.
« § 4. Lorsque les employés enlèvent les bulletins de la boîte, ils en donnent reçu au fabricant. »
- Adopté.
« Art. 25. Aucune partie de jus non déféqué ne peut séjourner ailleurs que dans le récipient, le monte-jus ou les chaudières à déféquer, ni être mélangée dans un vaisseau quelconque avec des sirops, du jus déféqué, ou des écumes provenant de la défécation. »
- Adopté.
« Art. 26. Dans les fabriques où les travaux ne continuent pas sans interruption, dès qu'on les suspend, les employés apposent sur les râpes des scellés, qu'ils lèvent à la reprise des travaux. »
- Adopté.
« Art. 27. § 1er. Le fabricant doit tenir le registre des défécations conformément aux formules du modèle arrêté par le ministre, et le représenter aux employés aussitôt qu'ils en font la demande.
« § 2. Ce registre est déposé dans une boîte ou pupitre fourni par le fabricant et placé dans l'atelier de défécation. Dès qu'il est rempli ou que les travaux de défécation de la campagne sont terminés, le fabricant est tenu de le remettre aux employés.
« § 3. Les amplialions des déclarations de travail restent à l'appui de ce registre. »
- Adopté.
« Art. 28. Les employés, assistés du contrôleur, peuvent, en tout temps, vérifier par le jaugeage métrique la capacité des chaudières à déféquer. Si l'opération fait ressortir une différence supérieure à 2 p. c. de la capacité renseignée dans le dernier procès-verbal d'épalement, il sera procédé immédiatement au jaugeage par empotement. »
- Adopté.
« Art. 29. Pendant le cours de la déclaration faite conformément à l'article 18, l'entrée de la fabrique, donnant sur la voie publique et qui conduit directement à la partie de l'usine où se trouve l'atelier d'extraction, doit être constamment accessible aux employés. »
- Adopté.
« Art. 30. § 1er. Préalablement à tout travail et pour garantir le payement des droits d'accise éventuellement dus sur les prises en charge inscrites à son compte en vertu de l'article 31, le fabricant doit fournir un cautionnement dont le minimum ne peut être inférieur au montant de l'impôt calculé a raison de six kilogrammes de sucre brut, par cent kilogrammes de la quantité de bettraves qu'il a déclaré vouloir mettre mensuellement en fabrication.
« § 2. Si le fabricant veut employer une quantité de betteraves supérieure à la quantité déclarée par lui avant de commencer ses travaux, il est obligé d'en faire la déclaration et de fournir, s'il y à lieu, un supplément de cautionnement.
« § 3. Si, dans le courant d'un mois, il est reconnu que la quantité de sucre prise en charge depuis le commencement du même mois, dépasse de plus de 10 p. c. celle qui correspond à la quantité de betteraves que le fabricant a déclaré vouloir employer pendant ce mois, il lui est interdit d'enlever du sucre de sa fabrique jusqu'à ce qu'il ait complété son cautionnement. »
- Adopté.
« Art. 31. § 1er. Les employés tiennent, par fabrique, un compte du jus déféqué.
« § 2. Les charges en sucre brut sont calculées, pour chaque défécation, à raison de quatorze cents grammes par cent litres de jus et par degré du densimêtre au-dessus de cent degrés (densité de l'eau), reconnu avant la défécations à la température de 15 degrés centigrades.
« § 3. Les fractions au-dessous d'un dixième dé degré du densimètre, sont négligées. »
- Adopté,
« Art. 32. Le volume du jus servant à la prise en charge est représenté par les neuf dixièmes de la capacité brute des chaudières à déféquer, telle qu'elle a été établie en conformité de l’article 12. Il n'est accordé sur cette base aucune déduction, à moins qu'il ne soit constaté par les employés que le jus pris en charge a été gâté ou perdu avant la défécation. »
- Adopté.
« Art. 33. § 1er. Les chaudières à déféquer étant remplies jusqu'à la limite des neuf dixièmes de leur capacité, les employés, après avoir fait agiter convenablement le liquide, prennent le jus d’épreuve pour en déterminer la densité. Avant cette opération, il est interdit de porter la températurec du jus au-delà de quarante degrés centigrades.
« § 2. Les tuyaux mobiles servant, dans l'atelier de défécation, à conduire le jus dans les chaudières à déféquer, doivent être enlevés dès que ces vaisseaux sont chargés. »
- Adopté.
« Art. 34. § 1er. Le fabricant est tenu, le quinze de chaque mois au plus tard, de déclarer en consommation, soit au comptant, soit à termes de crédit ou destination d'un entrepôt fictif, le sucre brut inscrit à son compte pendant le mois précédent ; à défaut de semblable déclaration, le recouvrement de l'accise est immédiatement poursuivi et, jusqu'à ce qu'il soit opété, tout enlèvement de sucre de la fabrique est interdit.
« § 2. Le fabricant peut déclarer du sucre brut en consommation, soit au comptant, soit à termes de crédit ou sur entrepôt fictif, avant l'expiration du mois, mais seulement à concurrence des charges inscrites au compte du jus déféqué, à la date de la déclaration. »
- Adopté.
« Art. 35. § 1er. A moins d'autorisation spéciale du ministre, il est interdit :
« a. D'employer des agents chimiques quelconques pour traiter la pulpe, le jus ou le sirop de betterave ;
« b. D'employer, pour la fabrication du sucre de betterave, des appareils ou des procédés nouveaux ne comportant point l'application du régime de surveillance établi par la présente loi.
« § 2. Dans le cas prévu au littera b de cet article, le ministre détermine le régime de surveillance applicable. »
- Adopté.
« Art. 36. § 1er. En tout temps les agents de l'administration ont le droit de visiter les dépendances de la fabrique et de vérifier les liquides et les matières contenues dans les filtres, les chaudières à clarifier, à saturer, à concentrer, à cuire, ainsi que dans tous autres vaisseaux ou réservoirs.
« § 2. Tout empêchement à ces visites et à ces vérifications ; tout refus de fournir aux employés, soit de la lumière, soit l'eau froide nécessaire pour abaisser la température du jus d'épreuve ; toute accumulation de vapeur dans l'atelier de défécation ; enfin l'existence dans le passage conduisant aux différents ateliers de la fabrique, de tout objet ou matière qui l'obstrue, le rend difficile ou dangereux, sont considérés comme refus d'exercice.
« § 3. La température de l'atelier de défécation ne peut dépasser 25 degrés centigrades ; toutefois elle peut être portée à 10 degrés centigrades au-delà de la lempérature de l'air extérieur. »
- Adopté.
« Art. 37. § 1er. Pendant la durée des travaux, chaque fabrique de sucre de betterave est surveillée par un poste d'employés. Le fabricant est tenu de mettre à leur disposition, de chauffer, d'éclairer et d'entretenir à ses frais, un local convenable, de douze mètres carrés au moins de superficie, garni d'une table, de trois chaises et d'une armoire fermant à clef. Ce local doit être établi dans l'atelier de défécation ou y être contigu ; les employés en ont l'usage exclusif et en gardent la clef.
« § 2. Le non-accomplissement par le fabricant des obligations qui lui sont imposées par le paragraphe précédent, est puni comme refus d'exercice.
« § 3. Si le directeur des contributions, après avoir entendu le contrôleur et l'autorité communale, reconnaît, par une décision motivée, que les employés ne peuvent parvenir à se procurer une nourriture et un logement convenables dans la distance de trois kilomètres, au plus, de l'usine, la déclaration mentionnée à l'article 18 ne pourra sortir ses effets.
« § 4. Il pourra être fait appel de la décision du directeur devant la députation permanente du conseil provincial qui devra statuer dans les dix joursr sauf recours au Roi ; ce recours ne sera pas suspensif. »
- Adopté.
« Art. 38. Lés dispositions des articles 1, 13 et 16 sont applicables aux fabriques de glucose. Indépendamment des indications énoncées aux litteras a, b, c et d de l'article premier, la déclaration doit renseigner le nombre, le numéro et la capacité des cuves à saccharifier. »
- Adopté.
« Art. 39. Le fabricant est tenu :
« a. De faire peindre en caractères apparents les mots « Fabrique de glucose » à l'extérieur de toutes les issues de l'usine ;
« b. De placer une sonnette à l'entrée principale. »
- Adopté.
« Arts 40. Les cuves à saccharifier sont fixées à demeure sans inclinaison et porteront, peinte à l'huile, l'indication de leur numéro d'ordre et de leur contenance. »
- Adopté.
« Art. 41. Les employés vérifient par empotement la capacité des cuves à saccharifier. Ils rédigent procès-verbal de l'opération et en remettent copie l'intéressé. »
- Adopté.
« Art. 42. § 1er. Chaque fois que le fabricant veut se servir d'une cuvé de saccharification, il est tenu de le déclarer au receveur du ressort au moins quarante-huit heures d'avance.
« §2. Cette déclaration énonce :
« a. Le numéro et la capacité de la cuve ;
« b. Le jour et l'heure du commencement et de la fin du travail dans la cuve ;
« c. Le jour et l'heure de l'enlèvement du sirop et du magma de la cuve ;
« d. La quantité de fécule sèche ou de fécule verte qu'il entend employer.
« § 3. La déclaration ne sort ses effets qu'après que le recevsur en a délivré ampliation. »
- Adopté.
« Art. 43. § 1er. Le travail dans la cuve de sacchariscation doit commencer entre huit heures du matin et midi.
« § 2. Deux heures avant l'heure déclarée pour le commencement des travaux, la fécule, renfermée dans des sacs ou des paniers, doit se trouver à proximité de la cuve. Le fabricant fourmi aux employés le moyen d'en vérifier le poids.
« § 3. Les travaux de saccharificalion et de saturation ne peuvent durer plus de huit heures.
« § 4. Le sirop et le magma doivent être enlevés de la cuve endéans les dix heures qui suivent l'heure déclarée pour la fin des travaux de saccharification.
« § 5. Après la fin des travaux, les cuves de saccharification sont mises sous scellés. »
- Adopté.
« Art. 44. § 1er. L'accise est fixée à dix francs par cent kilogrammes de fécule sèche employée ; toutefois, elle ne peut être inférieure à trois francs par hectolitre de la capacité brute de la cuve de saccharification.
« § 2. Pour le calcul des droits, cent cinquante kilogrammes de fécule verte sont considérés comme équivalant à cent kilogrammes de fécule sèche. »
« § 3. Chaque quittance de payement de l'accise est frappée d'un timbre de vingt-cinq centimes. »
- Adopté.
« Art. 45. La déclaration de travail donne ouverture au droit ; néanmoins, le fabricant obtient crédit sous caution suffisante, et, dans ce cas, l'accise due pour les déclarations faites dans le cours d'un mois, est seulement exigible par tiers, échéant de trois en trois mois, à partir du dernier jour du mois pendant lequel expire la déclaration. »
- Adopté.
« Art. 46. Les articles 35 et 36 sont applicables aux fabricants de glucose. »
- Adopté.
« Art. 47. Est exemptée de tout droit d'accise, la fabrication des sirops de fruits ou de racines cuits. »
- Adopté.
« Art. 48. La fabrication, au moyen de jus extrait des betteraves crues, de sirops destinés à la production de l'alcool, est également affranchie de l'impôt, si elle a lieu dans un local situé dans l'enclos de la distillerie même où ces produits sont employés, et éloigné de plus de cinq cents mètres de toute fabrique ou raffinerie de sucre en activité. »
- Adopté.
« Art. 49. § ler. Dans les cas mentionnés aux deux articles qui précèdent, le fabricant est tenu, cinq jours avant de commencer les travaux, d'en faire la déclaration au receveur du ressort.
« §2. Cette déclaration, à laquelle les fabricants de sirops de fruits à pépins et a noyaux ne sont pas astreints, énonce :
« a. Le nom et la demeure du fabricant ou du distillateur, ainsi que la situation de la fabrique ;
« b. L'espèce de sirop qu'on entend fabriquer, avec mention si le jus sera extrait de substances cuites ou crues, et si le sirop est destiné à l'alimentation ou à la distillation ;
« c. Le nombre, le numéro, la capacité et la destination des vaisseaux dont on entend se servir ;
« d. L'espèce de fruits ou de racines dont on se propose de faire usage ;
«. Le jour du commencement et celui de la fin des travaux.
« § 3. Cette déclaration ne sort ses effets qu'en vertu de l'ampliation délivrée par le receveur. »
- Adopté.
« Art 50. § 1er. Les auteurs des faits détaillés ci-après encourent les pénalités suivantes :
« 1° Pour défaut de déclaration ou pour déclaration inexacte des locaux, ateliers, magasins et autres dépendances de la fabrique (articles premier et 38), une amende de cent francs ;
« 2° Pour l'absence de l'écriteau aux issues, ou de la sonnette à l'entrée principale de l'usine (articles 2 et 39), une amende de dix francs par jour, à partir du jour de la contravention inclusivement ;
« 3° Pour toute contravention à l'article 4, une amende de deux mille francs ;
« 4° Pour l'absence d'un robinet établi dans les conditions de l'article 5, une amende de vingt francs par jour ; pour avoir altéré eés cadenas apposés par l'administration dans les circonstances prévues par les articles 5, 7 et 8, une amende de vingt francs par cadenas à partir du jour de la contravention inclusivement ;
« 5° Pour avoir faussé ou tenté de fausser le résultat du jaugeage (articles 10 et 41), une amende de cinq cents francs ;
« 6° Pour emploi de toute chaudière à déféquer ne portant pas l'indication de son numéro d'ordre ou de sa contenance (article 11), une amende de vingt francs par chaudière ;
« 7° Pour avoir changé, par un moyen quelconque et sans déclaration préalable, la capacité imposable des chaudières à déféquer et des cuves à saccharifter (articles 12, 13 et 4l), une amende de mille francs par chaudière à déféquer ou par cuve à saccharifier ;
« 8° Pour enlèvement ou altération des scellés apposés sur les ustensiles pour vente, cession ou prêt des vaisseaux épalés ; pour établissement de nouveaux vaisseaux, même en remplacement de vaisseaux épalés, sans déclaration préalable ; enfin, pour ne pas avoir reproduit les ustensiles mis sous scellés (articles 13,17, 21, 26 et 43) : une amende de cinq cents francs ;
« 9° Pour toute communication intérieure des lieux déclarés avec des maisons ou autres bâtiments quelconques non occupés par le fabricant (article 14), une amende de cinq cents francs, et pour chaque jour de retard à condamner la communication, une amende de cent francs ;
« 10° Pour la préparation, dans l'enceinte de la fabrique et au moyen de betteraves ou de jus de betterave, de tout autre produit que le sucre (article 15), une amende de cinq cents francs ; pour la continuation de ce travail après la déclaration du procès-verbal, une amende de cent francs par jour ;
« 11° Pour la possession, sans déclaration préalable, d'ustensiles restés sans emploi, mais pouvant servir à la préparation du jus ou du sucre de betterave (articl 17), une amende de deux cents francs ;
« 12° Pour avoir interverti l'ordre de chargement des chaudières à déféquer, sans avoir rempli les formalités prescrites par le paragraphe 2 de l'article 24, une amende de cent francs ;
« 13° Pour dépôt ou addition de jus non déféqué dans un ou plusieurs vaisseaux déclarés, autres que ceux désignés à l'article 23 ; pour avoir introduis du jus dans les chaudières à déféquer après qu'elles étaient remplies à concurrence des neuf dixièmes, ou, pendant qu'elles étaient en déchargement ; une amende de deux mille francs. La même amende est encourue si l'on enlève du jus de l'atelier d’extraction autrement que par la pompe, le monte-jus ou les nochères, destinés à conduire le jus dans les chaudières à déféquer (article 4, paragraphe premier) ;
« 14° Pour dépôt de jus non déféqué dans un ou plusieurs vaisseaux établis clandestinement ; pour tout travail de défécation sans déclaration préalable, soit dans l'enceinte de la fabrique, soit dans ses dépendances : une amende de dix mille francs, outre le payement des droits calculés sur la capacité brute des vaisseaux et à raison d'une densité de cinq degrés et de dix défécations par jour d'activité, depuis le commencement des travaux de la campagne dans l'usine. Si les faits se sont passés dans une usine illégalement établie, indépendamment de l'amende de dix mille francs, tous les ustensiles et les produits fabriqués ou eh fabrication seront confisqués ;
« 15° Pour toute différence supérieure de 2 p. c. ou plus, reconnue lors de la vérification autorisée par l'article 28, entre la capacité d'une ou plusieurs chaudières, à déféquer ou cuves à saccharifier, d'une part, et la capacité renseignée dans le procès-verbal de jaugeage, d'autre part, le payement des droits sur la différence pour tous les travaux effectués dans ces vaisseaux depuis la date du dernier épalement, outre l'amende comminée par le n°7 ;
« 16° Pour infraction à la défense d'enlever des sucres de la fabrique, dans les cas prévus par les articles 30 et 34, la confiscation du sucre ainsi déplacé ;
« 17° Pour refus d'exercice (articles 36 et 37), une amende de cinq cents francs. Si le fabricant de sucre de betterave refuse eux employés, lorsqu'ils se trouvent dans l'usine, l'accès de l'une ou l'autre des parties ou dépendances de la fabrique, il encourt l'amende comminée par le n°14 ;
« 18° Pour avoir opéré des travaux de saccharificalion de fécule de pomme de terre sans la déclaration préalable (article 42), une amende du décuple droit calculée sur le vaisseau illégalement employé ;
« 19° Pour avoir anticipé de plus d'une heure sur le temps déclaré pour le travail dans la cuve de saccharification ; pour avoir prolongé ce travail au-delà d'une heure ; pour ne pas avoir enlevé les sirops et le magma de ce vaisseau dans le délai fixé par l'article 43 ; enfin, pour un excédant supérieur de 4 p. c. sur le poids de la quantité de fécule déclarée conformément à l'article 42 : une amende égale au quintuple des droits dus en.verlu de la déclaration eu cours d'exécution ;
« 20° Pour avoir enlevé du sirop de la distillerie (article 48), ou pour y avoir fabriqué du sucre, une amende de mille francs, indépendamment de la confiscation du sirop et des moyens de transport, dans le premier cas, et du (page 1086) sucre dans le second. S'il y a récidive dans le courant d'une même campagne, l'amende sera de deux mille francs, et toute fabrication ultérieure de sirop sera interdite dans l'usine ;
« 21° Pour défaut de déclaration ou pour déclaration inexacte dans le cas prévu par l'article 49. une amende de deux cents francs ;
« 22° Pour la fabrication dont il est parlé à l'article 51, sans autorisation préalable, une amende de deux mille francs ;
« 23° Pour toutes les contraventions à la présente loi non punies par les dispositions qui précèdent, une amende de mille francs.
« § 2. Indépendamment des amendes prononcées par le présent article, le payement des droits fraudés sera exigé. »
- Adopté.
« Art. 51. § 1er. La fabrication de sucre, de glucose ou de sirop, au moyen de substances saccharifères qui n'ont pas encore été employées industriellement, est interdite, à moins d'autorisation spéciale du gouvernement. En ce cas, un arrêté royal fixe le taux de l'impôt dont le nouveau produit est passible et il détermine le régime de surveillance, ainsi que les pénalités dans la limite de dix à mille francs.
« § 2. Cet arrêté est communiqué aux Chambres législatives dans le courant de la session, si elles sont réunies, sinon dans la session suivante. »
- Adopté.
« Art. 52. Sont rapportés :
« 1° Les articles 4 à 33, 56, 57, 58, 64, 66, 69, 70 et 71 de la loi du 4 avril 1843 (Bulletin officiel, n°154) ;
« 2° L'article premier et le premier alinéa de l'article 2 de la loi du 16 mai 1847 (Moniteur, n» 140) ;
« 3° La loi du 26 mai 1848 (Moniteur, n°151) ;
« 4° L'article 12 de la loi du 18 juin 1849 (Moniteur, n°171) ;
« 5° Les articles 1 et 2 de la loi du 12 avril 1852 (Moniteur, n°108). »
- Adopté.
« Art. 53. Disposition transitoire. Les produits en cours de fabrication dans les fabriques de glucose, au jour de la mise en vigueur de la présente loi, seront inventoriés et pris en charge sur le pied déterminé par les arrêtés royaux sous le régime desquels ils ont été préparés. »
- Adopté.
« -Art. 54. La présente loi sera obligatoire le 1er juillet 1856. »
- Adopté.
Il est procédé au vote, par appel nominal, sur l'ensemble du projet de loi.
Le projet est adopté à l'unanimiit des 70 membres qui ont pris part au vote.
Il sera transmis au Sénat.
Ont adopté : MM. Mascart, Matthieu, Mercier, Moncheur, Moreau, Osy, Rodenbach, Rogier, Rousselle, Sinave, Tack, Tesch, Thibaut, Thiéfry, T’ Kint de Naeyer, Tremouroux, Vanden Branden de Reeth, Vandenpeereboom, Vander Donckt, Van Grootven, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Van Overloop, Vermeire, Veydt, Vilain XIIII, Wasseige, Ansiau, Anspach, Brixhe, Closset, Coomans, Coppieters 't Wallant, de Baillet-Latour, de Brouwer de Hogendorp, Dechamps, de Decker, de Haerne, Della Faille, de Man d'Attenrode, F. de Mérode, de Mérode-Westerloo, de Moor, de Naeyer, de Perceval, de Pitteurs, de Portemont, de Renesse, de Ruddere de Te Lokeren, de Sécus, Desmaisières, de T'Serclaes, Dumon, Faignart, Goblet, Jacques, Janssens, Jouret, Julliot, Lambin, Landeloos, Lange, Laubry, le Bailly de Tilleghem, Lebeau, Lesoinne, Loos, Maertens et Delehaye.
Rapport annuel sur les caisses d’amortissement des dépôts et consignations
M. le ministre des finances (M. Mercier). - Messieurs, j’ai l’honneur de déposer sur le bureau le rapport annuel du gouvernement sur les caisses d’amortissement des dépôts et consignations, ainsi que les observations de la commission de surveillance.
- Ces pièces seront imprimées et distribuées.
M. le président. - Dans une séance précédente la Chambre a renvoyé à l'examen de la section centrale l'amendement présenté par M. de Perceval à l'article premier ; la section centrale propose de voter le projet, tel qu'il a été amendé par leSénat ; elle demande qu'après le vote de la loi, la Chambre renvoie au gouvernement, à fin d'explications ultérieures, toutes les pétitions qui ont été adressées à l'assemblée.
M. de Perceval. - Messieurs, je renouvelle en séance publique la déclaration que j'ai faite en section centrale : je n'insiste pas pour l'adoption immédiate de mon amendement. Si le gouvernement veut prendre l'engagement de déposer, à l'ouverture.de la prochaine session, un projet de loi qui rentrera dans une certaine mesure dont je lui abandonne l'appréciation ; qui rentrera, dis-je, jusqu'à un certain point dans l'ordre d'idées que mon amendement tend à consacrer, je consentirai volontiers à le retirer aujourd'hui, car je voudrais laisser au gouvernement l'honneur de cette patriotique initiative.
Je ne puis point lutter avec avantage contre le cabinet, qui repousse la catégorie de braves en faveur desquels je demande le bénéfice du projet de loi actuellement en discussion ; je ne puis pas lutter non plus avec plus d'espoir de succès contre la section centrale, qui rejette mon amendement. Je demanderai, en tout cas, si la Chambre juge convenable de l'écarter, qu'on fasse participer au bénéfice de la loi les fonctionnaires civils décorés de la croix de fer, combattants et blessés dans les combats de la révolution. J'attendrai la réponse du gouvernement pour poursuivre la discussion, s'il y a lieu.
M. le ministre des finances (M. Mercier). - Messieurs, la présentation même du projet qui est actuellement en discussion prouve toute la sympathie que le gouvernement porte à ceux qui ont combattu pour la cause nationale ou qui ont rendu en 1830 des services signalés ; nul doute donc que les pétitions qui seront renvoyées au gouvernement sur la proposition de la section centrale ne soient examinées avec une sympathique bienveillance.
Le gouvernement ira même plus loin dans cette circonstance ; il acceptera un amendemeut dans le sens des dernièies paroles prononcées par l'honorable préopinant, c'est-à-dire qu'il consent à insérer dans le projet de loi une disposition qui fasse jouir du bénéfice de la loi les blessés et ceux qui sont décorés de la croix de Fer ; il est bien entendu quant aux premiers, que des preuves certaines des blessures reçues dans les combats de 1830 devront être administrées par les intéressés.
M. de Perceval. - Messieurs, je remercie l'honorable ministre des finances de sa réponse ; je le remercie surtout de la déclaration qu'il vient de faire, que le gouvernement examinera avec bienveillance et sympathie toutes les requêtes qui émanent des citoyens patriotes auxquels nous devons notre indépendance et nos libertés.
J'aime à espérer que l'analyse consciencieuse de ces requêtes fera naître dans son esprit la conviction que la Chambre a encore quelque chose à faire ; qu'il importe de récompenser tous les dévouements, qu'il importe d'améliorer la position de ces hommes qui nous ont donné une patrie et qui nous ont rendus libres.
Messieurs, en acquit de ce que je considère comme un devoir, je dois cependant présenter, à l'appui de mon amendement, quelques nouvelles considérations qui devraient, me semble-t-il, faire quelque impression sur la Chambre.
Vous faites une loi de pension ; vous appliquez uniquement le bénéfice de la loi à l'élément militaire ; vous excluez donc bien gratuitement l'élément civil du bénéfice d'une loi de pension, quoique vous soyez tous d'accord pour déclarer que pendant les quatre derniers mois de 1830, l'élément civil aussi bien que l'élément militaire a rendu des services signalés à la patrie.
Pourquoi donc cette distinction ? Pourquoi récompenser les uns et laisser dans l'oubli les autres, alors que tous ont rendu les mêmes services ? Pourquoi la législature aurait-elle deux poids et deux mesures ? Les services étant les mêmes, pourquoi ne pas rémunérer de la même manière les citoyens qui se sont dévoués au même titre ?
Messieurs, on objecte aussi qu'il faudrait récompenser dans ce cas tous ceux qui ont combattu en 1830. Mais remarquez, messieurs, que vous faites une loi de pension qui doit par conséquent se rapporter uniquement et exclusivement à des fonctionnaires. Vous avez des fonctionnaires militaires que vous voulez récompenser par dix années de services ; je demande que vous fassiez jouir du même avantage les fonctionnaires civils. Cette extension doit être admise, parce qu’il reste maintenant en dehors de la loi, une catégorie de citoyens dont les titres à la gratitude du pays sont également incontestables.
Nous avons, il est vrai, d'autres combattants qui réclament, eux aussi, des pensions civiques.
Tout en ne niant pas les services qu'ils ont rendus au pays en 1830, il y a une différence essentielle à faire, c'est que ces derniers ont gardé leur liberté d'action ; ils ne se sont point, passez-moi le mot, rivés au gouvernement ; ils n'ont pas, comme ceux qui sont entrés dans l'armée ou dans l'administration civile, mis à la disposition de l'Etat leur fortune, leur santé, leur libre arbitre, leur intelligence ; ils ont pu disposer de leur liberté, comme ils le voulaient, comme ils l'entendaient.
Nous ne nous occupons pour le moment que des combattants de 1830 qui sont entrés au service de l'Etat ; il nous restera à examiner plus lard jusqu'à quel point nous devrons compléter l'acte de justice que nous posons aujourd'hui. Quant à moi, je n'hésite point ici à le dire en passant, je n'ai pas prononcé mon dernier mot en ce qui concerne les hommes de notre révolution, et je ne considère pas encore ma tâche comme terminée.
Messieurs, on s'étend longuement, trop complaisaminent peut-être, sur les conséquences financières de mon amendement. Permeitez-moi de réduire à leur juste valeur les arguments, d'un mérite incontestable, que mes honorables adversaires présentent à cet égard. M. le ministre de la guerre, interrogé en section centrale sur la porté financière de mon amendement, a déclaré que la question d'argent qu'il soulève n'est pas très importante, et qu'elle n'est nullement de nature à devoir provoquer le rejet de mon amendement.
Je suis persuadé que M. le ministre de la guerre voudra bien renouveler (page 1087) devant la Chambre cette déclaration qu'il a faite en section centrale. La question financière est donc, dans l'occurrence, essentiellement secondaire.
Il y a huit ans, pour un cas identique, la situation du trésor, des conséquences financières furent également invoquées dans une autre enceinte. Voici de quelle manière y répondit l'honorable M. Dumon-Dumortier. J'appelle votre attention sur les termes dans lesquels est conçue cette réponse, je reproduis ces termes et je les applique à la discussion actuelle :
« Vous êtes appelés à vous prononcer sur une question qui a pour objet un acte d'équité et de justice auquel on n'a, en réalité, rien à opposer, si ce n'est peut-être le montant des sommes dont, en résultat, le trésor serait grevé. Cette raison ne pourra l'emporter dans votre esprit contre la demande pleine d'équité qui vous est soumise. Lorsque nous sommes si larges pour élever des palais, si larges pour ordonner des constructions, si larges pour des embellissements de toute nature, nous ne nous montrerons pas parcimonieux à l'égard des hommes qui ont usé leur vie au service du pays. J'en appelle à vos cœurs, messieurs, non, il n'est pas possible que ce système d'égoïsme triomphe. »
Messieurs, dans la requête qui vous a été adressée par les citoyens qui ont combattu en 1830 pour notre indépendance, il est une considération qui me semble avoir été totalement perdue de vue dans le débat qui a surgi sur les conséquences financières de mon amendement, c'est que tous les ans le cercle des combattants se rétrécit et que le trésor en profite chaque année.
Ecoutez leur langage ; il doit vivement impressionner vos esprits :
« A notre âge, disent-ils, l'amortissement des annuités viagères s'accomplit avec une rapidité croissante ; encore quelques années, et la mort, qui a déjà bien éclairci nos rangs, aura, en achevant son œuvre, promptement dégrevé le trésor du subside momentané qu'il en coûterait pour nous pensionner dans les limites les plus favorables que le permet la loi, et pour accomplir un acte d'ordre moral qui intéresse au même degré l'équité et la justice, l'humanité et, nous le croyons aussi, messieurs, la dignité nationale, dont la Belgique s'est montrée en toute occasion si soucieuse et si jalouse. »
Je termine.
Vous avez, messieurs, décrété il y a trois ans l'érection d'une colonne en l'honneur du Congrès national. Il y a à peine six mois vous avez fêté le 25ème anniversaire de la fondation de notre indépendance, de notre nationalité, vous allez bientôt fêter le quart de siècle d'existence de notre monarchie constitutionnelle et de notre dynastie populaire, je vous demande aujourd'hui de poser un acte de patriotisme et de gratitude nationale en faveur de ces dignes citoyens qui ont amené, qui ont créé le régime sous lequel nous avons le bonheur de vivre.
M. Rodenbach. - J'appuie l'amendement présenté par mon honorable collègue M. de Perceval ; mais comme je prévois qu'il a peu de chance de succès pour le moment, je présenterai subsidiairement un amendement d'une portée plus restreinte. M. le ministre a répondu qu'on ne pouvait apprécier jusqu'à concurrence de quelle somme l'amendement de M.de Perceval pourrait engager le trésor. Dans cette situation je proposerai un amendement ayant pour objet d'étendre le bénéfice de la loi aux décorés de la croix de Fer et aux blessés de septembre. Je me plais à croire qu à la prochaine session les autres combattants qui ont réclamé et adressé des pétitions à la Chambre éprouveront les effets de la promesse qu'a faite M. le ministre d'examiner ce qu'il pourrait y avoir à faire en leur faveur.
M. le président. - La proposition de M. le ministre des finances est ainsi conçue :
« Il sera également compté dix années de service aux fonctionnaires civils qui ont été décorés de la croix de Fer ou qui ont été blessés dans les mêmes combats. »
M. Vandenpeereboom. - Une grande majorité adoptera probablement la proposition de M. le ministre des finances et le projet de loi ainsi amendé et nous sommes tous d'acord pour renvoyer au gouvernement, avec demande d'explications, les diverses pétitions qui ont été déposées sur le bureau de la Chambre ; mais à l'occasion de l'examen de ces requêtes, je crois devoir recommander à la bienveillante attention du gouvernement une catégorie de militaires qui sans avoir combattu en 1830, ont cependant rendu des services marquants à la révolution ; je veux parler des citoyens qui sont entrés dans l'armée pendant les quatre derniers mois de 1830, mais qui n'ont pas été appelés à combattre.
Je ne crois pas pouvoir déposer de proposition formelle qui n'aurait aucune chance de succès en ce moment ; je me borne à faire ressortir les services réels rendus par ces ofliciers. Déjà dans cette Chambre M. Thiéfry, et dans une autre enceinte d'honorables sénateurs ont appelé l’attention du gouvernement sur les volontaires qui sont entrés dans l'armée régulière avant le 1er janvier 1831.
A peine la révolution venait-elle d'éclater, que des hommes de cœur et de dévouement accoururent sous le drapeau national, et, par leur présence sous les armes, contribuèrent à maintenir l'ordre de choses que l’on fondait ; dès que les premiers bataillons furent formés, on les envoya à Maestricht, au camp ou dans la Flandre zélandaise ; là, ils se trouvèrent et manœuvrèrent en face de l'ennemi ; ils n'eurent, j'en conviens, pas l'occasion de se mesurer avec lui ; mais ce ne fut pas leur faute si l'ennemi se retirait chaque fois qu'ils montraient le drapeau belge.
Ces officiers ont honorablement et bravement fait leur devoir ; ils ont en tous points répondu à l'attente du pays.
A la même époque d'autres officiers de cette catégorie maintenaient l'ordre dans nos villes et dans le pays. La Chambre se rappellera qu'à cette époque le maintien de l'ordre contre les ennemis de l'intérieur éiait aussi nécessaire que les combats contre les ennemis du dehors. On se souviendra qu'il y avait dans le pays de nombreux partisans du régime déchu qui n'attendaient qu'une occasion favorable pour faire la contre-révolution.
Si le bénéfice de la loi est acquis aux hommes qui ont combattu en 1830 (et il est glorieux pour la Belgique d'oser rappeler avec orgueil leurs services en 1856), on ne peut oublier cependant les hommes dévoués aussi qui ont contribué à maintenir l'ordre public et à consolider la révolution.
Plusieurs des officiers qui sont entrés dans la carrière militaire, en 1850, avaient atteint déjà l'âge mûr, et ont abandonné alors des carrières honorables et lucratives. Les uns étaient professeurs, d'autres avocats ou industriels, presque tous, en un mot, exerçaient des professions qui leur promettaient un avenir certain. Eh bien, ces hommes, par dévouement au pays, n'ont pas hésité à quitter leur carrière et à s'engager sous les drapeaux de la révolution.
A cette époque, ces hommes ne s'inquiétaient pas de la question de savoir quel était le chiffre de la pension à laquelle ils pourraient un jour avoir droit ; ils répondaient à l'appel du pays, et pensaient que le pays ne les abandonnerait pas dans leur vieillesse.
Lorsque ces hommes s'engageaient dans la carrière militaire, en 1830, ils ne pouvaient prévoir d'ailleurs qu'une loi les mettrait à la retraite à un âge déterminé, à 55 ans ; la loi sur les pensions militaires est postérieure aux événements de 1830.
Ne perdons pas de vue non plus que la loi de 1838 est une loi générale, faite pour les circonstances normales, c'est-à-dire pour les militaires qui peuvent fournir une carrière complète, et que ceux dont je parle n'ont pu, par suite des circonstances, fournir qu'une carrière exceptionnelle. Ils sont obligés de se retirer à l'âge déterminé par la loi, et n'ont pu obtenir l'avancement qu'ils auraient pu espérer dans d'autres circonstances.
Je ne parlerai pas des officiers polonais ; ils se sont trouvés dans une situation toute particulière. Mais je rappellerai ici que, dans certains cas, on a cherché à récompenser des militaires étrangers, naturalisés depuis, pour services rendus à la révolution. C'est ainsi qu'à des officiers français venus en Belgique en 1830 et qui, à cette époque sont entrés au service du pays, on a compté pour la liquidation de leur pension, non seulement les services rendus à la Belgique depuis 1830, et à la France, pendant la réunion de nos provinces au premier empire, mais encore les services rendus à la France, pendant la Restauration, et même les années de campagne, par exemple, la campagne faite en 1823, eu Espagne, sous le drapeau blanc de la branche aînée des Bourbons.
Je ne critique pas cette manière de faire. Mais je demande qu'on songe à améliorer aussi, quand on le peut, la pension des officiers belges qui se sont engagés dans les quatre derniers mois de 1830.
Alors les hommes de cœur se sont dévoués à la défense du pays. En 1856, cependant, plusieurs d'entre eux n'ayant pu fournir qu'une carrière incomplète, ne jouissent que d'une pension minime de 700 à 1,200 fr. Plusieurs sont pères de famille et dans une position réellement fâcheuse.
Il en est qui sont venus me demander, messieurs, s'ils ne pourraient pas obtenir une place dans un bureau de commerce pour gagner 500 ou 600 fr. et être ainsi à même de donner de l'éducation à leurs enfants. Cette position-là n'est-elle pas déplorable ?
Je crois que le gouvernement, dans l'examen des requêtes que la Chambre lui renvoie, doit tenir compte de ces antécédents honorables de 1830 et de cette situation fâcheuse de 1836.
Je ne fais aucune proposition formelle. Je demande que le gouvernement examine la question avec bienveillance. Les conséquences financières de la mesure que je provoque ne seront pas, comme l'a dit mon honorable ami M. de Perceval, aussi lourdes qu'on pourrait le croire d'abord ; un grand nombre d'officiers de 1830 sont décédés aujourd'hui.
L'âge décime tous les jours ceux qui restent. D'autres sont entrés jeunes au service, la loi ne leur sera pas applicable, car ils pourront fournir une carrière normale.
Quelques-uns enfin n'ont besoin que de deux ou trois ans de service supplémentaire pour avoir une pension convenable.
D'après les calculs qu'a faits mon honorable ami, M. Thiéfry, l'accroissement de dépense résultant de l'augmentation de la pension des officiers déjà pensionnés ne serait que de 3,900 francs si l'amendement quia été présenté par lui avait été adopté. L'acte de justice que je réclame ne coûterait donc pas bien cher à la Belgique ! Ce chiffre n'est pas officiel, mon honorable ami affirme qu'il est exact, j'aime à le croire, du reste le gouvernement l'examinera à la session prochaine, le cabinet nous fera un rapport sur les diverses requêtes que nous lui renvoyons, il nous soumettra alors, je l'espère, un projet de loi étendant le bénéfice de la loi à tous les citoyens qui en prenant (page 1088) volontairement les armes à la fin de 1830 ont bien mérité de la patrie à l'époque la plus difficile de notre régénération nationale-
- La discussion est close.
La Chambre passe au vote des articles.
« Art. 1er. Par extension à l'article 35 de la loi du 24 mai 1838, il sera compté dix années de service aux officiers qui, en qualité de volontaires, ont été décorés de la croix de Fer ou ont pris part aux combats de la révolution dans les quatre derniers mois de 1830. »
M. de Perceval. - J'ai une explication à demander à M. le ministre de la guerre.
Aux termes de l'article premier, par extension à l'article 35 de la loi du 24 mai 1838, il sera compté dix années de service aux officiers, etc. Par officiers on entend ici sans doute également tous ceux qui étaient sous-officiers en 1830, et qui depuis ont reçu l'épaulette ; le bénéfice de la loi leur est acquis.
M. le ministre de la guerre (M. Greindl). - Il est bien entendu que tous ceux qui seront officiers au moment de leur mise à la pension jouiront du bénéfice de la loi, quel que soit le grade qu'ils avaient en 1830.
- L’article premier est adopté.
« Art. 2. Les dispositions des articles 14, 15 et 35 de la loi du 24 mai 1838 (Bulletin officiel, n°XXI) seront appliquées aux officiers de la même catégorie qui sont entrés dans l'administration civile. »
- Adopté.
« Art. 3. Le bénéfice des articles qui précèdent est acquis aux officiers y mentionnés qui, depuis le 11 février 1831, ont été admis à la pension. »
M. le président. - Par suite de la disposition ajoutée à l'article premier, la rédaction de cet article doit être modifiée.
M. le ministre des finances (M. Mercier). - Comme vient de le dire M. le président, il faut comprendre dans le libellé de cet article la nouvelle catégorie de personnes à laquelle s'applique la loi, et il y a lieu de remplacer le mot « officiers » par ceux « fonctionnaires civils et militaires. »
J'ai une autre observation à soumettre à la Chambre : d'après la rédaction de l'article on pourrait prétendre que la disposition qu'il consacre a un effet rétroactif, dans ce sens que les fonctionnaires civils et militaires auraient droit aux arrérages de leurs pensions liquidées sur le nouveau pied, depuis le jour où ils ont été admis à la retraite.
Or, telle n'a pas été l'intention. Il convient donc, pour éviter toute fausse interprétation, après le mot « acquis » ajouter : « à dater de la publication de la présente loi. »
M. de Perceval. - Comme sous-amendement à l'amendement de l'honorable ministre des finances, je propose de rédiger l'article 3 comme suit :
« Le bénéfice des articles qui précèdent prendra cours à partir du 1er janvier 1856. »
Je désire que le bénéfice de la loi soit acquis aux intéressés à dater de cette époque.
M. le ministre des finances (M. Mercier). - Ce n'est pas nécessaire.
M. de Perceval. - Ce n'est pas nécessaire, dites-vous. Vous avez inscrit cependant la date du 1er janvier dans une loi récente de dotation. Vous pouvez aussi, me paraît-il, l'insérer dans celle-ci.
M. le ministre des finances (M. Mercier). - Je dois faire remarquer à la Chambre qu'on ne peut adopter l'amendement de l'honorable membre, puisque parmi les personnes dont il s'agit à l'article 3, il peut y en avoir qui n'out été mises à la retraite qu'après le 1er janvier 1856 et dont, par conséquent, on ne peut faire remonter la pension à cette date.
M. de Perceval. - Je dois faire observer à M. le ministre des finances que ceux qui n'auront droit à la pension qu'à dater de ce jour ne tomberont évidemment pas sous l'application de ce sous-amendement. Ce ne sont que les pensionnés actuels que je désire faire profiter du bénéfice de la loi à dater du 1er janvier.
M. Rogier. - M. le président parle si vite et si bas que nous ne comprenons pas.
Est-il entendu que l'article 3 profitera aux fonctionnaires civils et militaires qui sont aujourd'hui pensionnés ? Reviendra-t-on sur leur pension, pour leur compter dix années de services supplémentaires ?
M. le ministre des finances (M. Mercier). - Oui, à dater de la publication de la présente loi.
M. de Perceval. - Je propose que ce soit à dater du 1er janvier 1856.
M. de Mérode, rapporteur. - Je crois qu'il faut agir pour cette loi comme pour toutes les autres et qu'il faut la rendre applicable à dater de sa publication. On nous présente sans cesse des propositions nouvelles. C'est sans doute une manière de se faire valoir auprès des volontaires de 1830. Mais ce n'est pas un motif pour changer le dispositif ordinaire des lois.
- Le sous-amendement de M. de Perceval est mis aux voix ; il n'est pas adopté.
L'article 3, amendé comme le propose M. le ministre des finances, est adopté.
La Chambre décide qu'elle passera immédiatement au vote définitif de la loi.
Les articles 1 et 3 sont définitivement adoptés.
Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet de loi :
66 membres sont présents.
2 s'abstiennent ;
64 votent l'adoption.
En conséquence le projet de loi est adopté. Il sera soumis au Sénat.
Les membres qui ont voté pour le projet de loi sont : MM. Mascart, Matthieu, Mercier, Moncheur, Moreau, Osy, Prévinaire, Rodenbach, Rogier, Rousselle, Tack, Tesch, Thiéfry, T'Kint de Naeyer, Trémouroux, Van Cromphaut, Vanden Branden de Reeth, Vandenpeereboom, Vander Donckt, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Van Overloop, Verhaegen, Vermeire, Veydt, Vilain XIIII, Wasseige, Ansiau, Anspach, Brixhe, Closset, Coomans, Coppieters 't Wallant, de Baillet-Latour, Dechamps, de Decker, de Haerne, de Liedekerke, Deliége, Della Faille, de Man d'Attenrode, F. de Mérode, de Mérode-Westerloo, de Moor, de Naeyer, de Perceval, de Portemont, Dequesne, de Ruddere de Te Lokeren, de Sécus, Desmaisières, Dumon, Faignart, Goblet, Jacques, Jouret, Lambin, Landeloos, Lange, Lebeau, Lesoinne, Loos, Maertens et Delehaye.
M. le président. - Les membres qui se sont abstenus sont invités à faire connaître les motifs de leur abstention.
M. de Renesse. - Je me suis abstenu sur le projet primitif. Je crois devoir aussi m'abstenir sur le projet amendé. J'ai dit alors les motifs de mon abstention.
M. de T'Serclaes. - J'ai cru devoir m'abstenir parce que cette loi pourrait être directement applicable à ma personne. Je suis blessé de septembre 1830 et j'ai été décoré de la croix de Fer de première classe.
M. le président. - Une proposition due à l'initiative d'un membre a été déposée sur le bureau. Les sections seront convoquées demain pour examiner s'il y a lieu d'en autoriser la lecture.
M. Brixhe (pour une motion d’ordre). - Messieurs, j'ai l'honneur de proposer à la Chambre de mettre à la suite de son ordre du jour le projet de loi relatif au chemin de fer de Lultre à Denderleeuw.
Ce projet a été déposé en novembre ; il a subi l'épreuve des sections, et le rapport de la section centrale a été distribué samedi deinier.
D'un autre côté, notre ordre du jour est peu chargé.
Telles sont, messieurs, les considérations qui motivent ma proposition.
M. Rousselle. - Il me semble que la Chambre devrait suspendre sa décision sur la mise à l'ordre du jour de ce projet. Pour établir une égalité de conditions entre les trois bassins houilliers du Hainaut, il convient que la Chambre soit saisie en même temps du rapport sur les chemins de fer à l'égard desquels un autre projet nous a été soumis par le gouvernement.
Il est étonnant que le gouvernement nous ait présent » un projet pour régler les conditions du transport vers les Flandres pour les bassins du Centre et de Charleroi et qu'il ait fait dépendre de plusieurs autres chemins de fer le projet de communication du Couchant de Mons vers les mêmes lieux de consommation.
On m'a dit que la section centrale avait été unanime pour voter le projet relatif au Couchant de Mons, mais qu'elle est arrêtée dans la rédaction de son rapport, parce qu'elle doit examiner en même temps d'autres projets qui n'ont aucune espèce de relation avec celui-là. Je demande donc que si la Chambre veut s'occuper bientôt du chemin de fer de Luttre à Denderleeuw, la section centrale fasse un rapport spécial sur les lignes qui concernent le Couchant de Mons et que l'on réunisse dans un même projet de loi les divers chemins qui intéressent les trois bassins houiliers du Hainaut.
M. de Perceval. - Je désire aussi que la Chambre ne mette pas immédiatement à l'ordre du jour le projet de loi concernant le chemin de fer de Lultre à Denderleeuw. Je regrette l'absence de notre honorable collègue M. Manilius, parce que, dans une de nos dernières séances il a déjà présenté d'importantes considérations tendant à faire comprendre à la Chambre qu'il importait d'avoir une discussion générale sur toutes les demandes en concession ; bien évidemment il les reproduirait en ce moment. Il ne doit y avoir de privilège pour aucune ligne, ni pour la ligne de Luttre à Denderleeuw, ni pour toute autre.
Je demande donc que la Chambre ne statue pas en ce moment sur la (page 1089) mise à l’ordre du jour immédiate sollicitée par l'honorable député de Charleroi.
M. le ministre des finances (M. Mercier). - Je pense que la Chambre doit avoir confiance en elle-même et qu'il n'est pas nécessaire que la discussion soit simultanée pour que tous les intérêts qui sont en cause soient traités avec la même égalité. Nous perdons un temps précieux. Pendant trois jours nous n'avons pu délibérer ; maintenant une affaire se trouve en état, on veut encore l'ajourner. J'ai lu le rapport de l'honorable M. de Brouwer, je puis attester qu'il expose les diverses questions relatives au projet dont il s'agit, avec tant de lucidité et d'une manière si complète, qu'il me paraît impossible qu'on persiste dans la demande d'ajournement quand on a pris connaissance de ce document.
Il comprend tous les renseignements désirables, non seulement sur la voie proposée par le gouvernement, mais encore sur tous les projets concurrents présentés par des particuliers.
L'honorable M. Rousselle craint que, la loi étant votée, on n'ajourne le vote d'autres projets de chemins de fer ; eh bien, je crains, moi, qu'en suivant le marche qu'il indique, nous n'arrivions précisément à un résultat tout à fait négatif, c'est-à-dire à l'ajournement de tous les projets. La discussion de celui dont il s'agit en ce moment prendra probablement plusieurs jours ; si nous devons discuter tous les projets simultanément, nous ne finirons rien pendant cette session.
M. Vander Donckt. - Il me semble que la Chambre ne risquerait rien à aborder la discussion. Dans un jour ou deux la section centrale chargée d'examiner l'autre projet va se réunir à l'effet de mettre la dernière main à son rapport et ce rapport sera présenté incessamment. Comme l'honorable ministre l'a très bien fait remarquer, si vous rattachez le chemin de fer de Luttre à Denderleew aux autres chemins de fer, vous n'en sortirez pas.
Il vaut mieux entamer maintenant la discussion du projet de Luttrc à Denderleeuw. Avant la fin de cette discussion, le rapport sur les autres lignes sera déposé. Vous pourriez même ajourner la décision définitive si vous le jugez convenable, mais n'ajournez pas la discussion qui sera probablement assez longue car il en résulterait une grande perte de temps.
Je voterai pour que le projet soit mis à l'ordre du jour.
M. de Brouwer de Hogendorp. - Il me semble, messieurs, que la discussion de ce projet ne peut présenter aucun inconvénient. Il faudra bien donner la priorité à l'un des projets.
Or, le rapport sur le chemin de fer de Luttre à Denderleeuw ayant été déposé, je ne vois pas pourquoi l'on ne commencerait pas par celui-là. La discussion, messieurs, peut être fort longue, car il se présentera des questions très controversées, et il est très probable qu'avant la fin de cette discussion, la section centrale aura déposé son rapport sur les autres chemins de fer.
Quel avantage peut-il y avoir, messieurs, à remettre la discussion jusqu'à la fin de cette session ou peut-être jusqu'à la session prochaine, Quant à moi, je n'y vois que des inconvénients. Je ne veux pas préjuger la décision de la Chambre, mais il est possible que la Chambre trouve le projet très utile ; or, si le projet n'était voté que dans la session prochaine, les travaux ne pourraient pas commencer avant l'hiver et nous nous intéressons assez à la classe ouvrière pour désirer que, si le projet est utile, il puisse être réalisé le plus tôt possible.
Je demande donc que le projet soit mis à la suite de l'ordre du jour.
M. Vandenpeereboom. - Je viens appuyer la proposition des honorables MM. Rousselle et de Perceval. Jusqu'à présent, lorsqu'il s'est agi de divers travaux publics, on a toujours soumis à la Chambre les projets simultanément. Quand il y a dans certaines parties du pays des intérêts généraux connexes ou opposés à satisfaire, c'est par l'examen des combinaisons d'ensemble et de tous les projets qu'on peut le mieux y parvenir.
Subsidiairement, messieurs, je ferai remarquer que si le projet était mis à la suite de l'ordre du jour il pourrait fort bien arriver demain. Or, le rapport a été distribué samedi soir, la plus grande partie des membres de la Chambre ne sont revenus que ce matin ; on aurait donc a peine quelques heures pour examiner un projet, le plus compliqué peut-être de tous ceux qui nous ont été soumis depuis que nous accordons des concessions. C'est un système entièrement nouveau.
Quant à moi, j'ai lu avec beaucoup d'attention le rapport de l'honorable M. de Brouwer. C'est une matière toute spéciale qui doit être étudiée à différentes reprises pour être bien comprise. Je n'ai pas quitté Bruxelles, et cependant je ne suis pas à même de discuter le projet de chemin de fer de Luttre à Denderleeuw ; ceux de mes honorables collègues qui ne sont rentrés que ce matin sont sans doute encore moins préparés que moi à la discussion.
Je pense qu'il faut ajourner cette question jusqu'au moment où nous serons saisis du rapport sur les autres chemins de fer. L'honorable M. Coomans, qui est chargé de faire ce rapport, pourra peut-être nous dire à quelle époque il compte pouvoir le déposer.
M. Rousselle. - Messieurs, je ne veux pas m'opposer à l'exécution du chemin de fer de Luttre à Denderleeuw ; mais ce que je ne puis admettre, ce qui, à mon avis, ne serait pas juste, c'est que l'on discutât ce projet de chemin de fer sans discuter en même temps ceux des autres projets sur lesquels la section centrale est unanime, et notamment les chemins de fer qui sont destinés à relier aux Flandres le bassin du Couchant de Mons.
Voici dans quelle position l'on se placerait : le capital pour le chemin de fer de Luttre à Denderleeuw est fait ; il en est de même, m'a-t-on assuré, du capital pour les chemins de fer partant du bassin du Couchant de Mons.
Si vous votez pendant cette session le chemin de fer de Luttre à Denderleeuw, les conditions d'exécution prompte seront bien assurées ; tandis que si les deux projets ne sont pas discutés en même temps dans cette session, le Couchant de Mons verra ajourner à l'année prochaine je vote sur ce qui l'intéresse, et le capital que l'on y destine sera-t-il maintenu ? Cela est fort à craindre, car les capitalistes ne laissent pas volontiers leurs capitaux inactifs pendant une année.
Ainsi, il est de toute évidence que si la motion de l'honorable député de Charleroi était adoptée, on court le risque de commettre une injustice envers le Couchant de Mons.
Vous déciderez, je l'espère, que les divers chemins de fer destinés à relier le bassin houillier du Couchant de Mons aux Flandres se discuteront en même temps que celui qui doit ouvrir ces provinces aux bassins houillers du Centre et de Charleroi.
M. Coomans. - Messieurs, on me demande quand je pourrai déposer le rapport sur le projet de loi relatif à divers chemins de fer ; il m'est difficile de répondre. Le dépôt du rapport dépendra des résolutions à prendre par la section centrale ; celle-ci a exprimé le désir de n'avoir pas à se prononcer sur les projets de concession pour lesquels il n'y aurait pas de convention arrêtée. Ce désir a été communiqué à M. le ministre des travaux publics, qui nous a affirmé qu'il était tout disposé à en finir aussitôt que faire se pourrait ; déjà M. le ministre nous a transmis quelques explications ; mais une résolution définitive n'est pas intervenue quant aux divers projets pour lesquels la section centrale avait demandé des renseignements. Du reste, M. le président de la section centrale vient de me dire que nous pourrions nous réunir jeudi.
Je donne à la Chambre l'assurance que, de ma part, il n'y aura point le moindre retard : je travaillerai jour et nuit pour en finir immédiatement.
M. de Mérode. - Messieurs, tantôt on nous dit que nous n'avons pas de rapports prêts, et on nous laisse ici sans aucune occupation ; d'autres fois, des travaux sont prêts, et on trouve toujours des raisons pour écarter les projets auxquels ces travaux se rapportent. On dit que la Chambre n'a pas eu de séance pendant trois jours, et que les membres ne sont revenus que ce matin ; que par conséquent ils n'ont pas pu étudier le rapport ; mais, messieurs, on n'est pas obligé de s'éloigner de Bruxelles ; d'ailleurs, on peut étudier les rapports chez soi, si l'on veut ; on n'est pas obligé d'être à Bruxelles pour les étudier ; on les étudie tout aussi bien à Gand, à Mons, à Alost.
Messieurs, avec cette manière de procéder nous ne faisons presque plus rien ; notre besogne se réduit en quelque sorte à voter les budgets, comme on doit les voter presque inévitablement. Il résulte de là que notre gouvernement est complètement entravé. Ce n'est pas ainsi que nous procédions autrefois ; avant la construction de tous les chemius de fer, nous n'avions pas à peu près trois jours de congé par semaine ; aussi, aujourd'hui, il ne se fait presque plus de besogne ; je regrette cette situation ; il me semble que les représentants de la nation devraient pouvoir occuper plus utilement leur temps.
M. Dechamps. - Messieurs, l'honorable M. Rousselle nous a déclaré que son intention n'était pas de faire ajourner la discussion du projet de chemin de fer de Luttre à Denderleeuw jusqu'à la session prochaine ; seulement il voudrait que ce chemin de fer fût discuté en même temps que celui qui est destiné à relier aux Flandres le bassin de Mons. Si cependant on demande que le rapport de l'honorable M. de Brouwer ne soit pas discuté avant la présentation du rapport de l'honorable M. Coomans sur tous les autres projets de chemins de fer, je crains bien que ce ne soit en effet un ajournement à la session prochaine. Nous avons à voter le budget des affaires étrangères, ainsi que le budget des travaux publics qui donne toujours lieu à de longs débats ; : nous sommes à peu près à la fin de la session, il faut bien le reconnaître ; il est donc à craindre que la motion d'ajourner la discussion jusqu'au dépôt du rapport sur l'ensemble des projets de chemin de fer ne soit en réalité un ajournement à la session prochaine.
Ce n'est pas là ce que veut l'honorable M. Rousselle.
Je comprendrais la motion de l'honorable membre, s'il demandait que la section centrale, dont l'honorable M. Coomans est rapporteur, fût chargée de présenter séparément un rapport sur le chemin de fer destiné à relier le bassin de Mons aux Flandres.
L'honorable M. Vandenpeereboom a dit tout à l'heure qu'il était dans nos usages de discuter, en cette matière, des projets d'ensemble. Mais je rappellerai que le reproche qu'on faisait autrefois au gouvernement, c'était de présenter des projets d'ensemble et de former ainsi des coalitions d'intérêts. Je ne dis pas que ce système soit toujours mauvais ; mais je trouve que nous ne devons pas négliger de discuter, à l'occasion, des projets qui ont un caractère spécial, comme celui de Luttre à Denderleeuw. J’ajoute que l'honorable M. Rousselle ferait mieux, à mon avis, de demander que l'honorable M. Coomans fût chargé de faire un rapport séparé sur le projet de chemin de fer de Saint-Ghislain à Gand ; de cette manière, on discuterait les deux projets simultanément ; et l'on n'ajournerait pas à la session prochaine la discussion de projets de (page 1090) loi aussi importants qui sont destinés à donner du travail à la classe laborieuse.
M. le ministre des travaux publics (M. Dumon). - Messieurs, je viens aussi insister auprès de la Chambre pour qu'elle veuille bien maintenir à son ordre du jour le seul objet qui soit en état.
Déjà on a développé devant vous les motifs principaux qui plaident en faveur de cette proposition. J'ajoute que ce projet-là ayant un caractère spécial à cause du mode de concession qui n'a pas été pratiqué jusqu'à présent, le gouvernement a cru dans l'intérêt de la discussion devoir en faire l'objet d'un projet séparé.
Les négociations avec les demandeurs en concession ayant commencé de bonne heure, il a été possible d'arriver à une solution à une époque peu avancée de la session et les capitaux des demandeurs restent immobilisés en quelque sorte dans les caisses de l'Etat ; n'y a-t-il pas lieu de craindre que si la Chambre décide la jonction de la discussion de ce projet avec celle des autres projets de concession, il n'en résulte de longs retards et que les demandeurs fatigués d'avoir leurs capitaux improductifs ne viennent retirer leur concours et qu'une voie si utile ne fasse en définitive défaut par suite du peu d'empressement qu'on aurait mis dans l'examen et la discussion du projet de loi ?
L'honorable M. Rousselle soumet un terme moyen pour arriver à une solution ; il propose que la section centrale chargée d'examiner le projet de loi relatif à diverses concessions de chemin de fer veuille bien disjoindre ceux qui sont en état d'être discutés pour en faire l'objet d'un rapport. J'ignore si ce moyen permettra d'atteindre le but que l'honorable membre a en vue ; car si le chemin de Lultre à Denderleeuw avait été compris dans le même projet que ceux sur lesquels on demande un rapport, la Chambre bien certainement en aurait demandé la disjonction, sinon dans la loi, du moins dans la discussion.
Un débat portant à la fois sur plusieurs chemins de fer est pénible et compliqué ; il est difficile de mettre de l'ordre dans la discussion, parce que les membres qui prennent la parole ne se plaçant pas tous au même point de vue, le ministre qui doit répondre ne peut pas le faire d'une manière aussi précise que quand il s'agit d'un seul objet. Je ne pense donc pas que la proposition de M. Rousselle atteigne le but qu'il se propose. Ce qu'il y a de mieux à faire selon moi ; c'est de fixer un jour pour aborder la discussion du rapport de M. de Brouwer.
M. de Naeyer, rapporteur. - La question dont il s'agit est celle de savoir si ce projet pourra être discuté utilement sans que nous soyons mis à même d'examiner aussi en pleine connaissance de cause les autres projets qui ont été présentés ; or cela me paraît impossible.
On nous dit que ce chemin n'a aucune connexité avec les autres ; cependant il y a des questions de principes qui devront dominer dans la discussion générale et qui s'appliquent au chemin de Luttre comme aux autres.
Le point le plus essentiel, c'est celui de savoir comment une jonction plus directe pourra être opérée de la manière la plus avantageuse entre les Flandres et les bassins houillers du Hainaut. Il est évident que cette difficulté sera réellement insoluble, si tous les projets ne se trouvent pas en présence et si par suite d'une instruction incomplète ils ne sont pas susceptibles d'être discutés simultanément.
Je demande qu'on attende le rapport sur toutes les propositions qui forment en ce moment l'objet de l'examen d'une section centrale ; cela ne peut pas entraîner de bien longs retards, la section centrale vient de recevoir les réponses du gouvernement aux questions qu'elle avait posées, elle se réunira dans un bref délai. Si elle ne peut pas se mettre d'accord sur toutes les propositions qui lui ont été soumises, au moins elle ne négligera rien pour vous apporter des conclusions accompagnées de renseignements capables d'éclairer vos débats.
De cette façon vous pourrez discuter plus utilement que si vous vous occupiez isolément de ce projet de Luttre qui au point de vue de la question de principes se trouve en pleine connexité avec les autres.
M. le ministre nous dit que les bailleurs de fonds pourraient faire défaut au gouvernement et retirer le cautionnement qu'ils ont versé. Messieurs, cette crainte-là est absolument chimérique. La part qui a été faite à ces bailleurs de fonds est trop belle pour qu'ils renoncent à leur opération à moins d'y être forcés par un vote de la Chambre rejetant la convention qui a été conclue.
Je demande donc que le projet de Lultre ne soit pas mis à l'ordre du jour avant que la section centrale, qui est encore chargée de l'examen de plusieurs projets de chemins de fer, nous ait présenté son rapport.
M. le ministre des finances (M. Mercier). - D'après les paroles de l'honorable membre qui préside la section centrale chargée d'examiner le projet de loi relatif à plusieurs concessions de chemins de fer, nous pouvons espérer qu'un rapport pourra très prochainement être déposé ; s'il en est ainsi, la question serait simplifiée, mais on n'est pas d'accord sur une question préjudicielle ; la section centrale se refuse à examiner les projets de chemins de fer pour lesquels il n'existe pas de convention ; j'espère que cela ne sera pas un obstacle à ce qu'un rapport soit fait. J'insiste pour qu'il soit présenté sans retard. S'il en est autrement la responsabilité d'un ajournement d'une année entière pèsera sur la section centrale.
M. Rousselle. - On paraît d'accord pour attendre le rapport de la section centrale, ce qui ne sera pas un long retard, pour fixer la discussion du projet dont il s'agit ; je renonce donc à la parole.
M. le ministre des finances (M. Mercier). - Le chemin de fer de Luttre à Denderleeuw devra donner lieu à une longue discussion à cause des nombreux projets qui se présentent en concurrence ; il faudra examiner les avantages et les inconvénients de chaque système ; sous ce point de vue, je regrette encore la moiios faite par l'honorable préopinant. Je voudrais qu'on pût discuter, sans prendre même de résolution définitive sur le projet, les questions diverses qui se rattachent an chemin de Luttre à Denderleeuw en attendant que le rapport pût être fait sur les autres chemins de fer.
- La motion est retirée.
La séance est levée à 4 heures et un quart.