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Chambres des représentants de Belgique
Séance du lundi 7 avril 1856

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1855-1856)

(Présidence de M. de Naeyer, premier vice-président.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Maertens procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart ; il donne lecture du procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en est approuvée ; il communique l'analyse des pièces adressées à la Chambre.

Pièces adressées à la chambre

« Des habitants d'Hérinnes prient la Chambre d'accorder au sieur Tarte la concession du chemin de fer de Braine-le-Comte sur Courtrai par Enghien. »

« Même demande des membres du conseil communal et de négociants et industriels de Ronquières, Heuripont et Marcq. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la concession de plusieurs lignes de chemin de fer.


« L'administration communale de Wychmael déclare adhérer à la pétition de l'administration communale de Bourg-Léopold, relative au tracé du chemin de fer, dit Nord-Est belge, dont la concession est demandée par la sociélè Maertens-Thimister. »

- Même renvoi.


« Le sieur de Weirdt, chef comptable au chemin de fer de Dendre-et-Waes, ancien chasseur de Chasteler, demande que le projet de loi relatif à la pension d'officiers de volontaires, lui soit rendu applicable. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi.


« Le sieur Schoutteten, sous-lieutenant pensionné, ancien volontaire de la garde municipale de Gand, demande que le projet de loi relatif à la pension d'officiers de volontaires soit rendu applicable à cette garde. »

- Même décision.


« Le sieur Demazières, major au légiment de grenadiers, décoré de la croix de Fer, pour un fait qui s'est passé en 1831, demande que le projet de loi relatif à la pension d'officiers de volontaires contienne une disposition en sa faveur. »

- Même décision.


« Des habitants de Campenhout et de Haecht réclament contre une décision du département des travaux publics qui a pour objet le déplacement de la station de Haecht. »

M. de Steenhault. - Messieurs, de très grands intérêts se rattachent à cette pétition. Il s'agit non seulement, paraît-il, de transférera Wespelaer la station de Haecht où elle est depuis 20 ans, mais encore de construire un pavé de Haecht à Wespelaer pour obvier aux inconvénients de ce transfert.

Le gouvernement, afin d'éviter que cette dépense ne tombe en entiers à sa charge, demande que les communes intéressées inlerviennent dans les frais de construction de cette route ; je ne pense pas que les communes y consentent ; mais comme le gouvernement a réclamé d'elles une prompte délibération et que l'affaire est urgente, je demande que la pétition soit renvoyée à la conmiission des pétitions, avec prière de faire un prompt rapport.

M. de La Coste. - Messieurs, j'ignore si les craintes exprimées par les pétitionnaires sont fondées, et je ne prends pas, quant à présent, part dans la question ; mais je désire également que l'affaire soit examinée sérieusement et promptement, parce que, comme le dit l'honorable M. de Steenhault, de grands intérêts pour les communes limitrophes du chemin de fer y sont engagés.

- La proposition de M. de Steenhault est adoptée.


« Les membres du conseil communal de Keyem demandent la suppression d'une barrière établie sur un chemin qui a été construit aux frais de la commune. »

- Renvoi à la commission despélilions.


« La veuve Heuchenne demande que la décision qui sera prise au sujet de la réclamation des professeurs du conservatoire de Liège soit appliquée aux veuves et enfants des professeurs décédés depuis la création du conservatoire. »

- Même renvoi.


« Le sieur Ruelle réclame l'intervention de la Chambre pour que son fils soit libéré du service militaire. »

M. Lange. - Je demande que cette pétition soit renvoyée à la commission des pétitions avec prière de faire un prompt rapport.

- Adopté.


« Le conseil communal de Malines prie la Chambre de rejeter le projet de loi relatif à la concession du chemin de fer de Contich à Lierre. »

M. de Perceval. - Le document dont M. le secrétaire vient de présenter l'analyse mérite de fixer, à tous égards, l'attention la plus sérieuse de la Chambre.

Le conseil communal de Malines, par la requête qu'il vous adresse, messieurs, demande le rejet du projet de loi portant cession de la voie ferrée de Contich à Lierre, à la compagnie du chemin de fer de Lierre à Turnhout.

L'administration communale démontre que l'intérêt général ainsi que l'intérêt particulier de l'arrondissement de Malines s'opposent à l'abandon de la ligne ferrée de Contich à Lierre à une compagnie privée ; et que cet abandon serait préjudiciable au railway de l'Etat, et compromettant pour le trésor.

J'appuie les puissantes considérations que le conseil communal expose dans sa requête, et je demande le dépôt de cette pièce sur le bureau pendant la discussion du projet de loi auquel elle se rapporte.

M. Coomans. - Messieurs, il n'y a aucune opposition de ma part, mais je désire qu'on dépose également sur le bureau les pétitions, en sens opposé, qui nous ont été envoyées par d'autres communes de la province d'Anvers, notamment par celles de Turnhout et d'Herenthals.

M. le président. - Ces pétitions ont été renvoyées à la section centrale, et, comme celle-ci a terminé ses travaux, les pétitions sont déjà déposées sur le bureau.

- Le dépôt de la pétition du conseil communal de Malines, pendant la discussion du projet de loi relatif à ce chemin de fer, est mis aux voix et adopté.


« La société d'agriculture de Belgique adresse à la Chambre 120 exemplaires d'une brochure ayant pour titre : « l'Etat doit-il continuer d'intervenir dans le travail agricole ? » publiée par la société. »

- Distribution aux membres et dépôt à la bibliothèque.


« M. le ministre des travaux publics adresse à la Chambre 115 exemplaires du premier cahier du tome XIV des Annales des travaux publics. »

- Mêmes dispositions.


« M. Matthieu, retenu chez lui par des affaires urgentes, demande un congé de quelques jours. »

— Accordé.


« M. le ministre de la guerre adresse un amendement au projet de loi concernant le camp retranché d'Anvers. »

- Sur la proposition de M. le président, cet amendement sera imprimé et renvoyé à la section centrale chargée de l'examen du projet de loi.

Projet de loi portant le budget des recettes et dépenses pour ordre de l’exercice 1857

Rapport de la section centrale

M. Moreau. - J’ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale qui a été chargée d'examiner le budget des recettes et dépenses pour ordre pour l'exercice 1857.

- Ce rapport sera imprimé, distribué et mis à la suite de l'ordre du jour.

Projet de loi relatif à la concession ferroviaire de Luttre à Denderleeuw

Rapport de la section centrale

M. de Brouwer de Hogendorp. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale qui a été chargée d'examiner le projet de loi concernant la concession d'un chemin de fer de Luttre à Denderleeuw.

- Ce rapport sera imprimé et distribué ; la mise à l'ordre du jour sera ultérieurement fixée.

Projet de loi autorisant l’échange d’un terrain située à Anvers

Vote de l’article unique

M. le président. - La section centrale propose l'adoption du projet.

« Art. unique. Le gouvernement est autorisé à faire l'échange d'une parcelle de terrain appartenant à l'Etat, située dans la rue Saint-Roch à Anvers, et mesurant 464 mètres carrés, contre une autre parcelle d'une,superficie de 332 mètres, située dans la même ville, à côté de la prison cellulaire en construction et appartenant aux demoiselles Steenlet (Catherine-Marie), Vanden Broeck (Marie-Thérèse) et Dellen (Jeanne), toutes trois particulières demeurant et domiliées à Anvers. L'échange aura lieu aux conditions énumérées dans le projet d'acte approuvé sous la date du 19 janvier 1856. »

(page 1040) - Personne ne demandant la parole, il est procédé au vote par appel nominal.

Le projet de loi est adopté à l'unanimité des 58 membres qui ont répondu à l'appel.

Ont répondu à l'appel : MM. Dautrebande, David, de Baillet-Lalour, de Breyne, de Brouwer de Hogendorp, de Decker, de Haerne, de La Coste, Delfosse, F.de Mérode, de Perceval, de Renesse, de Ruddere de Te Lokeren, Desmaisières, de Theux, Dumon, Goblet, Janssens, Jouret, Julliot, Lambin, Landeloos, Lange, Laubry, le Bailly de Tilieghem, Lebeau, Lesoinne, Loos, Maertens, Magherman, Mascart, Mercier, Moncheur, Moreau, Osy, Rogier, Rousselle, Sinave, Tack, Thibaut, Thiéfry, Thienpont, T'Kint de Naeyer, Vanden Branden de Reeth, Vandenpeereboom, Vander Donckt, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Van Overloop, Van Renynghe, Vilain XIIII, Wasseige, Anspach, Brixhe, Coomans, Coppieters 't Wallant et de Naeyer.

Projet de loi portant le budget des non-valeurs et des remboursements de l’exercice 1857

Discussion du tableau des crédits

Personne ne demandant la parole dans la discussion générale, la Chambre passe à la délibération sur les articles.

Chapitre premier. Non-valeurs

Articles 1 à 7

« Art. 1er. Non-valeurs sur la contribution foncière : fr. 310,000. »

- Adopté.


« Art. 2. Non-valeurs sur la contribution personnelle : fr. 400,000. »

- Adopté.


« Art. 3. Non-valeurs sur le droit de patente : fr. 80,000. »

- Adopté.


« Art. 4. Non-valeurs sur les redevances des mines : fr. 3,000. »

- Adopté.


« Art. 5. Non-valeurs sur le droit de débit des boissons alcooliques : fr. 23,000. »

- Adopté.


« Art. 6. Non-valeurs sur le droit de débit des tabacs : fr. 5,000. »

- Adopté.


« Art. 7. Décharge ou remise du droit de patente pour inactivité de bateaux : fr. 10,000. »

- Adopté.


« (Les crédits portés au présent chapitre ne sont point limitatifs.) »

Chapitre II. Remboursements

Articles 8 à 10

« Contributions directes, douanes et accises »

« Art. 8. Restitution de droits perçus abusivement, et remboursement de prix d’instruments ainsi que de fonds reconnus appartenir à des tiers : fr. 35,000. »

- Adopté.


« Art. 9. Remboursement de la façon d'ouvrages brisés par les agents de la garantie : fr. 1,000. »

- Adopté.


« Art. 10. Remboursement du péage sur l'Escaut : fr. 900,000. »

- Adopté.

Articles 11 à 14

« Enregistrement, domaines et forêts »

« Art. 11. Restitution de droits perçus abusivement, d'amendes, de frais, etc., en matière d'enregistrement, de domaines, etc. Remboursement de fonds reconnus appartenir à des tiers : fr. 250,000. »

- Adopté.


« Art. 12. Trésor public. Remboursements divers : fr. 1,000. »

- Adopté.


« Art. 13. Postes. Remboursement des postes aux offices étrangers : fr. 120,000. »

- Adopté.


« Art. 14. Déficit des divers comptables de l'Etat : fr. 10,000. »

- Adopté.


« (Les crédits portés au présent chapitre ne sont point limitatifs.) ».

Vote de l’article unique et sur l’ensemble du projet

M. le président. - L'article unique du projet de loi est ainsi conçu :

« Le budget des non-valeurs et des remboursements est fixé, pour l’exercice 1857, à la somme de deux millions cent quarante-huit mille francs (2,148,000 fr.), conformément au tableau ci-annexé. »

- Cet article est adopté.


Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du budget. Il est adopté à l'unanimité des 59 membres présents.

Ce sont : MM. Dautrebande, David, de Baillet-Latour, de Breyne, de Brouwer de Hogendorp, de Decker, de Haerne, de La Coste, Delfosse, F. de Mérode, de Perceval, de Renesse, de Ruddere de Te Lokeren, Desmaisières, de Steenhault, de Theux, Dumon, Goblet, Janssens, Jouret, Julliot, Lambin, Landeloos, Lange, Laubry, le Bailly de Tilleghem, Lebeau, Lesoinne, Loos, Maertens, Magherman, Mascart, Mercier, Moncheur, Moreau, Osy, Rodenbach, Rogier, Rousselle, Sinave, Tack, Thibaut, Thiéfry, Thienpont, T'Kint de Naeyer, Vanden Branden de Reeth, Vandenpeereboom, Vander Donckt, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Van Overloop, Van Renynghe, Verhaegen, Vilain XIIII, Wasseige, Brixhe, Coomans, Coppieters 't Wallant et de Nàeyer.

Projets de loi de naturalisation

M. le président. - Le premier de ces projets de loi est ainsi conçu :

« Léopold, Roi des Belges,

« A tous présents et à venir, Salut.

« Vu la demande du sieur Nicolas Diesel, négociant à Arlon, né à Luxembourg le 15 juillet 1811, tendant à obtenir la naturalisation ordinaire ;

« Attendu que les formalités prescrites par les articles 7 et 8 de la loi du 27 septembre 1835 ont été observées ;

« Attendu que le pétitionnaire a justifié des conditions d'âge et de résidence exigées par l'article 5 de ladite loi ;

« Les Chambres ont adopté et Nous sanctionnons ce qui suit :

« Article unique. La naturalisation ordinaire est accordée audit sieur Nicolas Diesel. »

La formule qui précède est applicable à chacune des demandes des sieurs. :

Jacques Jabotte, cocher, né à Louvain, le 21 juillet 1815, domicilié à Bruxelles.

(page 1041) Joseph-Eloi Musin, garde particulier, né à Bavay (France), le 10 frimaire an XIV, domicilié à Thieusies (Hainaut).

Auguste Patte, négociant, né à Bruxelles, le 6 mai 1831, domicilié à Bruxelles.

Adolphe-Gédéon Justen, fabricant orfèvre, né à Venloo (duché de Limbourg), le 7 mars 1806, domicilié à Bruxelles.

Charles-Lucien Dromaux, instituteur communal, né à Landouzy-la-Ville (France), le 28 mars 1807, domicilié à Cul-des-Sarts (Namur).

Martin-Jean Schirmer, lieutenant en non-activité, né à Boxmeer (Pays-Bas), le 1er mars 1811, domicilié à Rœulx (Hainaut).

Mathieu Thomassen, agent de police à Mons, né à Gronsveld (partie cédée du Limbourg), le 16 vendémiaire an VIII.

Théodore Keuth, commissionnaire et négociant, né à Amsterdam (Pays-Bas), le 30 octobre 1796, domicilié à Anvers.

André-Phil.-Adolphe Rousseau, avocat, né à Saint-Hilaire (France), le 23 janvier 1818, domicilié à Arlon.

Jacques Bergmann, négociant, né à Gemarque (Prusse), le 26 juillet 1807, domicilié à Bruxelles.

Arnold-Paul Derryx, sergent au 1er régiment de ligne, né à Nimègue (Pays-Bas), le 19 juillet 1798.

Antoine-Louis Westhausen, musicien gagiste au 9ème régiment de ligne, né à Fredericia (Danemark), le 15 septembre 1801.

François Goossens, caporal au 7ème régiment de ligne, né à Lebbeke (Flandre orientale), le 17 novembre 1799.

Michel-Joseph Knapen, marchand, né à Nedenveert (duché de Limbourg), le 26 mai 1813, domicilié à Sinay (Flandre orientale).

Denis Arits, cultivateur et marchand de bestiaux, né à Roggel (duché de Limbourg), le 18 septembre 1795, domicilié à Bruges.

Edouard-Jean-François-Aimé Mullendorff, agent comptable et professeur au collège de Charleroi, né à Luxembourg (grand-duché), le 21 août 1821, domicilié à Lodelinsart (Hainaut).

Joseph-Bernard Muller, cordonnier, né à Ruremonde (duché de Limbourg), le 20 août 1815, domicilié à Liège.

Charles-Hubert-Henri Van Ermingen, professeur de musique, né à Maestricht (duché de Limbourg), le 13 avril 1820, domicilié à Hasselt.

Nicolas Heintz, fabricant de tabacs, né à Luxembourg (grand-duché), le 27 mai 1826, domicilié à Bastogne.

Auguste-Ferdinand Lucas, lieutenant en non-activité, né à Macornay (France), le 12 septembre 1807, domicilié à Louvain.

Jean-Frédéric Cartier, employé au service télégraphique du chemin de fer de l'Etat, né à Blexen (duché d'Oldenbourg), le 24 février 1812, domicilié à Bruxelles.

- Ces projets de loi sont successivement adoptés sans discussion, par assis et levé.


Il est procédé au vote, par appel nominal, sur l'ensemble de ces projets qui sont adoptés à l'unanimité des 55 membres présents.

Ce sont : MM. Dautrebande, David, de Baillet-Latour, de Breyne, de Decker, de Haerne, de La Coste, Delfosse, F. de Mérode, de Perceval, Dequesne, de Renesse, de Ruddere de Te Lokeren, Desmaisières, de Steenhault, de Theux, Dumon, Goblet, Janssens, Julliot, Lambin, Landeloos, Lange, Laubry, le Bailly de Tilleghem, Lebeau, Lesoinne, Loos, Maertens, Mascart, Mercier, Moreau, Osy, Rodenbach, Rogier, Rousselle, Tack, Thibaut, Thienpont, T'Kint de Naeyer, Vanden Branden de Reeth, Vandenpeereboom, Vander Donckt, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Van Overloop, Verhaegen, Vervoort, Vilain XIIII, Wasseige, Brixhe, Coomans, Coppieters 't Wallant et de Naeyer.

Rapport sur une demande en naturalisation

M. le président. - Le rapport de la commission, sur la demande en naturalisation du sieur Josph-François de Kinder, est ainsi conçu :

« Messieurs, le pétitionnaire est né à Flessingue, le 29 octobre 1815 ; il est aujourd'hui patron canotier de l'administration belge du pilotage des bouches de l'Escaut.

« Le père du sieur de Kinder était né le 15 septembre 1779, à Baesrode (Flandre orientale), i

« Le pétitionnaire, né d'un père belge, est donc Belge lui-même (article 10 du Code civil) ; il résulte en outre de l'instruction, qu'il n'a posé aucun acte de nature à perdre cette qualité.

« La commission des naturalisations est d'avis qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la requête du sieur de Kinder ; elle a donc l'honneur de vous proposer l'ordre du jour. »

- Ces conclusions sont adoptées.

Rapports sur des pétitions

M. de Ruddere de Te Lokeren, rapporteur. - Par pétition datée d'Arlon, le 13 février 1856, le sieur Belière, commis des accises, chef de service à Arlon, réclame sa part dans la répartition des crédits alloués en faveur des employés inférieurs de l’Etat.

Le pétitionnaire dit n'avoir pas été compris dans la répartition accordée aux employés dont le traitement ne dépasse pas quatorze cents francs, qu'il doit y avoir erreur à son égard et il demande qu'il soit rangé parmi ses nombreux collègues.

Votre commission a l'honneur de vous proposer le renvoi à M. le ministre des finances.

- Adopté.


M. de Ruddere de Te Lokeren, rapporteur. - Par pétition datée d'Anvers, le 11 février 1856, le sieur Alberts prie la Chambre de lui faire accorder une pension ou une place.

Le pétitionnaire s'est adressé à la Chambre le 20 décembre 1854, pour une demande de pension. Sur les conclusions de la commission, la Chambre a adopté, le 22 mai 1855, l'ordre du jour, motivé sur ce que sa demande était de la compétence de la ville d'Anvers, comme ancien commissionnaire au mont-de-piété de ladite ville. Aujourd'hui il renouvelle la même demande, ou prie de lui accorder une place.

Votre commission ne peut, dans ces circonstances, que vous proposer de nouveau l'ordre du jour.

- Adopté.


M. de Ruddere de Te Lokeren, rapporteur. - Par pétition datée de Bruxelles, le 16 février 1856, le sieur Louis, colonel honoraire pensionné, demande une augmentation de pension.

Le pétitionnaire allègue pour motifs de sa demande qu'il était pensionné comme capitaine sous le gouvernement hollandais, au moment où la révolution de 1830 éclata, qu'il a pris une part active au mouvement, et qu'il a été pensionné comme lieutenant-colonel à la somme de 2,500 francs, tout juste ce qu'il avait avant 1830 comme capitaine pensionné des Indes ; il prie la Chambre de porter le montant de sa pension de colonel honoraire au chiffre de celle de colonel titulaire, ce qui serait une augmentation de fr. 700 par an.

Votre commission a l’honneur de vous proposer le renvoi à M. le ministre de la guerre.

M. le ministre de la guerre (M. Greindl). - Le lieutenant-colonel Louis, signataire de la pétition sur laquelle il vient d'être fait rapport par l'honorable M. de Ruddere, a été pensionné comme capitaine dans l'armée des Pays-Bas. Il est rentré au service en 1830 ; en 1812, il a été pensionné comme lieutenant-colonel, et il a obtenu en cette qualité une pension de 2,500 francs.

Il avait dix années de grade, sa pension a donc été majorée d'un dixième, soit de 250 francs. Il jouit, en outre, d'une pension de 394 fr., du chef de ses services aux Indes. Cela lui constitue une pensiou non pas de 2,500 francs, mais de 3,144 francs.

L'objet de la demande du lieutenant-colonel Louis est d'être pensionné en qualité de colonel, attendu qu'il est colonel honoraire.

Mais cet officier supérieur n'ayant jamais servi que comme lieutenant-colonel, ce serait un acte extralégal que de lui accorder ce qu'il demande.

En conséquence, je prie la Chambre de ne pas adopter le renvoi à mon département, proposé par la commission : ce renvoi ne pourrait aboutir à rien.

M. Delfosse. - Ce serait une mesure extrêmement sévère. Le pétitionnaire est un vieux militaire qui a rendu de grands services. La Chambre doit lui montrer quelque bienveillance, et le renvoi à M. le ministre de la guerre n'aurait pas fait grand mal ; je demande en tout cas que l'on ne propose pas l'ordre du jour.

M. de Theux. - Je demande que, conformément à une décision prise par la Chambre dans une circonstance analogue, la pétition soit déposée au bureau des renseignements.

- Le dépôt au bureau des renseignements est adopté.


M. de Ruddere de Te Lokeren, rapporteur. - Par pétition datée de Bruxelles, le 15 février 1856, le sieur Filleul-Van Elstraete, ancien sous-officier, demande une gratification.

Par une deuxième pétition en date du 25 février, il signale qu'il a commis une erreur dans sa pétition du 16, par rapport à la gratification qu'il a demandée ; il dit aussi qu'il est porté dans les actes officiels du Moniteur comme sous officier, tandis qu'il est ancien officier volontaire promu en 1831, qu'il a conservé son grade de sous-Iieutenant jusqu'au mois de mars 1833 pour entrer dans le civil ; il cite comme fait d'armes qu'il s'est emparé d'une barque ennemie au village de Burgt sur l'Escaut, qui venait acheter des vivres pour la citadelle d'Anvers ; il demande que la loi pour les officiers volontaires lui soit applicable. Votre commission a l'honneur de vous proposer le renvoi à M. le ministre de la guerre.

- Adopté.


M. de Ruddere de Te Lokeren, rapporteur. - Par pétition datée de Bruxelles, le 12 février 1856, le sieur Yerna demande une indemnité pour la perte qu'il a faite en construisant l'un des forts du camp retranché sous Anvers, dont il était adjudicataire.

Le pétitionnaire joint à l'appui de sa demande 1° un certificat du lieutenant du génie adjoint au commandant du génie à Anvers, portant que les travaux du fort n°3 ont été bien exécutés et 2° un relevé des quantités constatées en plus de celles indiquées au devis estimatif, qui constituent une perte de fr, 30,763 27 c ; de plus il a encore subi des pertes par suite de l'augmentation des briques de Boom et par l'augmentation du nombre d'ouvriers à la demande du gouvernement pour achever les ouvrages avant l'époque fixée.

Le pétitionnaire s'est déjà adressé à M. le ministre de la guerre qui lui a répondu qu'aucune loi ne lui permettait d'allouer une indemnité ; qu’il devait se retrancher derrière la disposition de l'article 2 du règlement général concernant le service du matériel du génie militaire du 15 décembre 1848, ainsi conçu :

(page 1042) . « Les entrepreneurs sont prévenus que les quantités d'ouvrages des fournitures et les dépenses de toute nature portées au détail du devis estimatif ne sont pas garanties et ne sont fournies qu'à titre de renseignements. »

Aux termes d'une disposition aussi formelle, votre commission, ne pouvant plus vous proposer le renvoi à M. le ministre de la guerre, a l'honneur de vous proposer le dépôt au bureau des renseignements.

- Adopté.


M. de Ruddere de Te Lokeren, rapporteur. - Par pétition datée de Quiévrain, le 12 février 1856, le régent et instituteurs de l'école moyenne de Quiévrain demandent qu'ils soient assimilés aux autres professeurs des écoles moyennes dans la répartition des subsides votés en faveur des employés inférieurs de l'Etat.

Les pétitionnaires donnent pour motif les ressources minimes de la commune et la cherté extraordinaire des denrées alimeutaires.

Votre commission a l'honneur de vous proposer le renvoi à M. le ministre de l'intérieur.

- Adopté.


M. de Ruddere de Te Lokeren, rapporteur. - Par pétition sans date, le sieur Colson, ancien directeur de la manutention militaire à Liège, réclame l'intervention de la Chambre pour obtenir une pension.

Le pétitionnaire se plaint de ce qu'après avoir été privé de son emploi depuis 1853, il n'a pas été admis à la pension comme militaire ; il demande, s'il ne peut obtenir sa pension maintenant, qu'il soit placé à la suite des fonctionnaires militaires de sa catégorie jusqu'à ce qu'il ait atteint l'âge de 55 ans, pour ne pas lui faire perdre les fruits de près de 30 ans de service.

Votre commission a l'honneur de vous proposer le renvoi à M. le ministre de la guerre.

M. le ministre de la guerre (M. Greindl). - Messieurs, le pétitionnaire était, en effet, officier dans l'armée. Il a quitté cette position pour entrer dans le service administratif qui n'était pas alors incorporé dans l'armée ; ei il a été chargé de la direction de la boulangerie à Liège. Dans cette situation, il a été mis hors de service par arrêté royal, avec faculté de faire valoir ses droits à la pension, en qualité de fonctionnaire civil. Ses droits ont été examinés par la commission provinciale, et cette commission a reconnu que M. Colson n'avait aucun droit à la pension.

D'après ces considérations, le renvoi de la pétition au département de la guerre est inutile. Je demande que la Chambre ordonne le dépôt de cette pièce au bureau des renseignements.

M. Vander Donckt. - Messieurs, il est à remarquer que c'est la haute cour militaire qui a examiné l'affaire pour laquelle le sieur Colson a été congédié de sa place ; de ce chef, il se prétend réellement militaire ; c'est comme employé civil qu'il n'a pas droit à la pension ; mais si réellement il a été traduit devant une juridiction militaire, la loi elle-même le reconnaît comme militaire ; s'il en est ainsi, elle doit le reconnaître encore comme militaire, lorsqu'il s'agit de sa pension.

Voiîà pourquoi la commission a conclu au renvoi de la pétition à M. le ministre de la guerre ; je ne dis pas que le sieur Colson ait des droits à la pension ; mais je peuse que M. le ministre ferait bien d'accepter le renvoi et d'examiner l’affaire.

M. le ministre de la guerre (M. Greindl). - Messieurs, je ne m'opposerais pas au renvoi, si déjà un certain nombre de pétitions du même genre n'étaient arrivées au département de la guerre et si cette affaire n'avait pas été instruite à plusieurs reprises par mes honorables prédécesseurs ; elle a été, en dernier lieu, revue entièrement par moi et je me suis personnellement assuré qu'il était impossible de reconnaître à M. Colson aucune espèce de droit à la pension.

Je le répète, M. Colson a quitté sa position d'officier, pour entrer dans le service administratif ; il a été démissionné comme directeur de boulangerie militaire, avec faculté de faire valoir ses droits à la pension ; c'est la formule ordinaire ; or, ses droits ayant été reconnus nuls par la commission provinciale, je ne vois pas ce que de nouvelles études de la part du département de la guerre pourraient faire en faveur du pétitionnaire.

M. Vander Donckt. - Je demanderai à M. le ministre de la guerre si le sieur Colson n'a pas été poursuivi militairement, si son affaire n'a pas été examinée au point de vue militaire : il a été poursuivi du chef de farine qu'il a laissée se gâter dans les magasins confiés à ses soins.

Lorsque l'autorité militaire se reconnaît le pouvoir de condamner quelqu'un qui n'est pas militaire, je demande si ce fait n'accuse pas une anomalie dans la loi ; il y a une lacune dans la législation ; et comment est-il possible de se refuser à l'examen des droits du sieur Colson à une pension, s'il a été réellement congédié, comme directeur d'une boulangerie militaire.

Une semblable boulangerie est-elle un établissement civil ou militaire ? Si c'est un établissement civil, alors la haute Cour militaire n'avait pas le droit d'examiner le délit dont il était accusé ; si, au contraire, elle avait droit de connaître de cette affaire, il faut alors aussi que le sieur Colson soit considéré comme militaire, lorsqu'il s'agit de statuer sur sa demande, tendant à obtenir une pension comme militaire.

M. le ministre de la guerre (M. Greindl). - L'honorable M. Vander Donckt demande si la boulangerie est une institution militaire ou civile. Je répondrai qu'à l'époque où M. Colsou a été mis à la tête de la boulangerie de Liège, ce service était indépendant de l'armée ; ce n'est que depuis la formation des compagnies d'administration, que les employés de cette catégorie font partie de l'armée.

Antérieurement les administrateurs militaires, bien qu'appartenant à l'ordre civil, pouvaient tomber jusqu'à un certain point sous l'application des dispositions du règlement de 1832, qui assimilent aux fonctionnaires militaires, pour la juridiction, certaines catégories d'employés civils attachées aux armées ; mais cette assimilation ne donne à ces employés aucun droit à une pension militaire.

Par ces considérations, je persiste à demander le dépôt de la pétition au bureau des renseignements.

- La discussion est close.

Le renvoi à M. le ministre de la guerre est mis aux voix et n'est pas adopté.

Le dépôt au bureau des renseignements est ensuite mis aux voix et adopté.

La parole est continuée à M. de Ruddere de Te Lokeren.


M. de Ruddere de Te Lokeren, rapporteur. - Par pétition datée de Mont-Saint-Guibert, le 11 février 1856, les habitants de Mont-Saint-Guibert appellent l'attention de la Chambre sur l'émigration aux Etats-Unis d'Amérique qui se propage dans le pays.

Les pétitionnaires signalent à la Chambre que l'émigration aux Etats-Unis se propage d'une manière effrayante, que cette émigration ne diminue point le paupérisme, parce que ceux qui partent sont ceux qui ont quelques ressources et même des capitaux assez ronds ; les pétitionnaires demandent qu'on prenne des mesures à cet égard.

Un grand nombre de pétitions, ayant le même but, ont déjà été adressées à la Chambre qui a adopté le renvoi à M. le ministre de l'intérieur.

Votre commission a l'honneur de vous proposer également le renvoi à M. le ministre de l'intérieur.

M. Rodenbach. - Je ne m'oppose pas au renvoi de cette pétition à M. le ministre de l'intérieur, mais je ne crois pas que le gouvernement puisse empêcher les personnes qui désirent augmenter leur bien-être de se rendre en Amérique ou ailleurs. Tout ce qu'il pourrait faire serait de prendre des mesures pour mettre les émigrants à l'abri de l'exploitation dont ils sont souvent victimes.

D'ailleurs le nombre des personnes qui émigrent de notre pays n'est pas si considérable ; si je suis bien informé d'après les statistiques, il y en a 1,500 au plus qui ont quitté la Belgique.

On se plaint des capitaux que les émigrants emportent ; mais chacun est libre d'emporter ses capitaux où bon lui semble ; il n'y a pas de loi qui permette de saisir les capitaux de ceux qui veulent changer de pays. Au surplus les capitaux exportés sont peu importants, car ce sont des petits cultivateurs qui s'en vont quand ils ne trouvent pas une existence honorable dans leur patrie. La vie est tellement chère dans notre pays, que ces petits cultivateurs doivent consommer tout ce qu'ils produisent.

On ne peut pas leur faire un reproche de leur résolution, car en partant ils ne laissent à la charge des bureaux de bienfaisance ni leurs enfants ni leurs femmes, ils emmènent avec eux toute leur famille.

Nous avons un exemple en Irlande ; là où la population était exubérante comme en Belgique, le gouvernement a favorisé les émigrations. Je ne demande pas qu'on aille jusque-là, je désire seulement que la protection du gouvernement ne fasse pas défaut aux émigrants.

Depuis que l'émigration a été protégée, les workhouses de l'Irlande ont vu diminuer leur population ; la misère a également diminué. Nous avons aussi une exubérance de population dans les Flandres ; on compte 4,000 à 5,000 âmes par lieue carrée, en France on n'en compte que de 1,300 à 1,400 ; en Angleterre, pays très peuplé, il n'y en a que 1,800 à 1,900 ; chez nous, comme je viens de le dire, 4,000 à 5,000. Lorsqu'il y a une semblable exubérance, quand chacun ne trouve pas un morceau de terre qu'il puisse cultiver pouralimenler sa famille, je comprends qu'on aille en chercher ailleurs.

Ainsi, loin d'empêcher cette émigration, on n'en a pas le droit, le gouvernement doit les protéger. Je ne demande pas qu'on donne des subsides aux émigrants, mais seulement qu'on les protège contre toute exploitation. Cette émigration n'est pas, après tout, une calamité ; si la population diminue quelque peu et que le loyer des maisons s'abaisse, ceux qui resteront trouveront plus facilement à se loger. Ceux qui, s'en aller, vendent le coin de terre qu'ils possèdent, procurent au trésor des droits de mutation ; sons ce rapport, l'Etat tire avantage de l'émigration. Cette question est assez importante pour être examinée sérieusement.

J'appuie le renvoi au ministre de l'intérieur.

M. Julliot. - Je ne pense pas qu'on veuille interdire aux Belges d'émigrer vers l'Amérique. Les Belges qui quittent l'ancien monde pour le nouveau, vont y chercher ce qui leur manque dans leur pays ; c'est la terre. Plus il y en aura qui s'en iront, plus ceux qui resteront trouveront moyen de satisfaire à leurs besoins, parce que le sol natal pour eux s'élargira en proportion de l'émigration.

La commission des pétitions recommande cette pétition par un renvoi au ministre de l'intérieur. Cela a une signification quelconque ; je serais curieux de connaître les principes de la commission en cette matière. C'est une question très importante ; on pourrait d'abord se demander si c'est utile ou non à la société belge. Les uns sont d'avis qu'il faudrait engager le gouvernement à entraver, sinon empêcher (page 1043) les émigrations ; or, j'ai vu le gouvernement prendre des mesures pour les encourager ; je l'ai vu donner de l'argent.

Provisoirement je demande le dépôt de la pétition au bureau des renseignements. En attendant, la commission des pétitions m'en apprendra peut-être un peu plus que je n'en sais sur ses principes eu cette matière et j'attendrai.

M. Osy. - Aujourd'hui nous avons une pétition du pays wallon demandant que le gouvernement empêche les émigrations ; il y a peu de temps, nous avons eu une pétition dans le sens inverse ; on demandait que le gouvernement favorisât les émigrations ; à cette occasion j'ai appris qu'il y avait déjà au ministère des affaires étrangères les statuts d'une société qui veut se former dans le but de faciliter les émigrations. Vous voyez qu'on s'est adressé au gouvernement pour obtenir son action dans des sens inverses. Moi, je demande qu'on laisse chacun faire ce qu'il veut, qu'il veuille rester dans le pays ou le quitter, le gouvernement ne doit pas s'en mêler ; voilà mes principes à moi.

Rappelez-vous ce qu'a dit M. Brixhe qui a été en Amérique, il y a quelques années, et qui est allé visiter une colonie formée d'émigrés où il n'y avait personne, vous avez vu que cela nous a coûté beaucoup d'argent.

Je ne m'oppose pas à ce que le gouvernement examine la pétition, mais je lui conseille de ne se mêler de rien, c'est le meilleur rôle à jouer pour le gouvernement belge.

M. Vander Donckt. - Je crois que l'honorable M. Osy est parfaitement dans le droit, et qu'il faut laisser une liberté entière aux Belges qui entendent émigrer. Mais le but de la pétition, comme de la pétition précédente, est d'éveiller l'attention du gouvernement sur la protection à accorder aux Belges qui émigrent, parce que très souvent on les exploite, on les prive d'une partie du petit pécule qu'ils se sont procuré pour émigrer. Quoique Belges émigrés, ils sont toujours Belges. Il convient donc que le gouvernement use de tons les moyens dout il peut disposer pour empêcher qu'on ne les prive de leur pécule.

L'honorable M. Julliot a demandé quels sont les principes de la commission sur l'émigration. Je vais vous le dire en peu de mots.

En général la commission entend qu'il y ait une entière liberté.

Mais l'honorable M. Rodenbach a dit que ce serait un bien pour le pays que les populations exubérantes, surtout dans les Flandres, émigrassent en Amérique. C'est un principe que je conteste.

Je dis qu'il n'y a pas un Belge de trop en Flandre. Chacun a sa valeur, et la richesse du pays c'est la grande population. Il y a une différence énorme entre la population pauvre qui se trouve dans le cas de ne pas pouvoir pourvoir à son existence et la population valide. Chaque homme valide qui quitte le pays, c'est une perte pour le pays. Quant aux invalides, aux pauvres, chaque pays voudrait s'en défaire, si l'on pouvait le faire au moyen de l'émigration. Mais cette partie de la population n'émigre pas, ne veut pas émigrer, parce que, en Amérique, ou dans quelque pays du monde que ce soit, elle ne trouverait pas plus de moyens d'existence qu'en Belgique. Il y a, suivant les individus, une différence évidente. Ainsi l'émigration des hommes valides est une perte pour le pays. L'émigration des malheureux serait un avantage ; mais, je le répète, ils n'émigrent pas ; ils restent à la charge des communes.

C'est une lèpre que nous ne pouvons espérer de longtemps voir disparaître de nos parages. Dans tous les pays, et particulièrement dans ceux où la population est dense, il y a une classe pauvre ; c'est inévitable. Il n'y a pas à penser à s'en défaire. Le seul but du renvoi à M. le ministre de l'intérieur, c'est, comme je l'ai dit, d'obtenir que le gouvernement, dans la limite de son pouvoir, empêche que l'on n'exploite les émigrants.

Au reste, notre système c'est la liberté complète.

M. Julliot. - Très bien !

M. le ministre des affaires étrangères (M. Vilain XIIII). - Quoique je ne sois pas préparé à traiter cette question qui est plutôt dans les attributions de mon collègue de l'intérieur que dans les miennes, je crois devoir déclarer que le système du gouvernement est de laisser la liberté complète à l'émigration, de ne pas y pousser, de ne pas la protéger.

Aussi dernièrement une société s'élant formée en commandite dans le but unique de favoriser l'émigralion vers les Etats-Unis, et m'ayant demandé l'autorisation de se constituer en société anonyme, je la lui ai nettemeut refusée, afin que les Belges qui auraient l'intention d'émigrer ne pussent croire que le gouvernement donnait sa protection à cette société.

D'autre part, nous avons à New-York un consul belge qui est un modèle de consul. Je suis bien aise d'avoir l'occasion de lui donner ce témoignage de satisfaction. M. Mali est un véritable modèle de consul. Il s'occupe de tous les Belges qui arrivent à New-York (c'est là que débarquent ordinairement ceux qui se rendent vers un point ou l'autre des Etats-Unis).

Dès qu'ils ont des plaintes à formuler, c'est devant le consul belge qu'ils les formulent. Hier encore j'ai reçu, par son intermédiaire, les plaintes de dix ou onze Belges qui se plaignent d'avoir été horriblement attrapés par la personne qui les avait expatriés. M. Mali a recueilli tous les renseignements possibles, leur a fait signer des déclarations. Mon département tâchera d'éclaircir les faits, de voir s'ils sont exacts. S'ils sont exacts, il tâchera de faire rentrer ces malheureux dans l'argent qui leur a été extorqué.

Voilà donc le principe du gouvernement : liberté complète, entière. Nous ne pouvons retenir les Belges qui veulent émigrer. Mais quand nous avons des faits patents qui prouvent qu'un assez grand nombre de Belges ont été plus ou moins attrapés par les personnes qui ont servi d'intermédiaire à l'émigration, je me hâte de publier ces faits dans le Moniteur, et j'engage tous les journaux à les publier.

Voilà tout ce que je puis dire sur cette question que je n'étais pas préparé à traiter.

M. de Mérode. - Un honorable préopinant a dit : « Il n'y a pas un Belge de trop en Flandre. C'est une perte pour le pays que l'émigration des hommes valides. » Ce sont des faits que je me permets de contester. Sans doute, le travail est un élément de richesse, et la diminution du travail une perte réelle. Mais il y a une quantité d'hommes valides qui pendant une grande partie de l'année ne trouvent pas à occuper leurs forces. C'est ainsi que l'émigration, qui est pour eux un moyen de se procurer le travail et les ressources qui leur manquent dans le pays, assure leur bien-être sans nuire en aucune façon au pays. Aussi dans tous les pays où il y a une grande population, a-t-on tenté la colonisation.

Je conçois qu'il soit avantageux pour ceux qui exploitent une fabrique, d'avoir des ouvriers à volonté. Mais ce n'est pas la même chose pour l'ouvrier. Quand les ouvriers sont rares, c'est pour eux une bonne situation que j'apprécie beaucoup.

Bien que j'emploie des ouvriers, j'aime que les ouvriers soient rares, et qu'on soit obligé de les bien payer. Quand il y a un grand nombre d'ouvriers sans emploi, c'est un malheur, parce que les salaires baissent par suite de la concurrence. Peu m'importe qu'il y ait un nombre de gens très restreint qui fassent bien leurs affaires, de propriétaires qui vendent bien, leurs denrées et en tirent un excellent parti. Cela n'est pas à l'avantage des ouvriers.

Si nous avons une trop grande population dans notre pays nous devons désirer qu'une partie de cette population aille chercher fortune ailleurs. Nous ne devons pas être indifférents aux besoins de la population. On suppose que tous les hommes valides trouvent du travail et des ressources sur le sol belge. Mais malheureusement cela n'est pas vrai.

Nous avons au-dehors des agents diplomatiques qui sont chargés de protéger l'exportation des marchandises, de veiller aux intérêts des fabricants. Ces agents doivent aussi protéger les personnes qui croient devoir aller au-dehors chercher un sort meilleur que celui dont elles jouissent ici, et empêcher qu'elles ne soient trompées.

Il faut donc que le gouvernement empêche, autant que possible, les procédés nuisibles aux émigrants, qu'il fasse preuve de sollicitude pour ces derniers, qu'il veille à ce qu'ils ne soient pas mis injustement à contribution, soit au moment de l'embarquement, soit au moment du débarquement. C'est là une tâche qui incombe, me paraît-il, au gouvernement aussi bien que celle de protéger les intérêts commerciaux. Je comprendrais que le gouvernement ne s'occupât que de l'administration, mais du moment où il s'occupe des intérêts commerciaux, qu'il cherche à les favoriser de toutes les manières, en établissant des lignes de navigation et autrement, il doit aussi protéger ceux qui n'ont pas le moyen de faire de grandes entreprises et qui désirent trouver ailleurs, par leur travail, un sort meilleur.

Je prie donc M. le ministre des affaires étrangères et M. le ministre de l'intérieur de ne pas rester trop indifférents à la question de l'émigration, de s'en occuper et de chercher à être utiles à ceux de nos compatriotes qui désirent aller peupler d'autres pays.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Vilain XIIII). - J'ai un mot à répondre à l'honorable comte de Mérode.

Le gouvernement ne reste pas complètement étranger aux émigrants. Depuis très longtemps il a été institué à Anvers une commission qui s'occupe exclusivement des émigrants, qui intervient dans les conditions qu'ils font avec les capitaines de navire, qui examine les vivres destinés aux émigrants pendant leur traversée ; ces vivres ne peuvent partir sans que la commission ait donné son exeat. Il y a tout un règlement qui a été élaboré par mon prédécesseur et qui donne aux émigrants d'excellentes garanties pour leur passage.

Mais une fois arrivés aux Etats-Unis, les émigrants sont abandonnés à eux-mêmes. S'il y a à Anvers des personnes qui se chargent de les transporter plus loin que le port de New-York, par exemple, il est impossible que le gouvernement intervienne sur le sol des Etats-Unis. Si les émigrants ont des réclamations à faire, ils doivent s'adresser à nos consuls, les consuls transmettent ces réclamations au gouvernement et le gouvernement fait son possible pour faire rentrer dans leurs fonds les malheureux qui auraient été trompés.

Mais quant au départ d'Anvers et à la navigation vers les Etats-Unis, le gouvernement a pris toutes les mesures possibles pour assurer aux émigrants leur bonne arrivée dans le port que les émigrants désignent eux-mêmes.

J'ajoute un mot : c'est que quand des Belges se trouvent à l'étranger et sont devenus complètement malheureux, il est impossible de les rapatrier. Le département des affaires étrangères n'a pas de fonds pour (page 1044) faire revenir dans la mère patrie les Belges qui se trouvent malheureux à l'étranger.

M. de Haerne. - Messieurs, la question des émigrations est tellement importante que j'aurais voulu pouvoir me préparer à cette discussion, qui arrive, vous le reconnaîtrez, tout à fait à l'improviste.

Il s'agit d'une question sociale, d'une question immense qui préoccupe non seulement les Belges, mais je dirai toute l'Europe.

Les émigrations se dirigent tout naturellement vers les parties du monde les moins peuplées, à savoir vers l'Amériqne et l'Australie. Le mouvement du continent se fait surtout vers l'Amérique du Nord. Longtemps on a cru que l'Amérique du Nord offrait à tous les émigrants une espèce d'Eldorado. De là une espèce de fièvre qui s'est emparée de la population, dans beaucoup de parties de l'Europe, et particulièrement de l'Allemagne. Cette fièvre a gagné de proche en proche tous les pays et elle vient de manifester ses symptômes en Belgique.

Comment faut-il appiécier ces symptômes ? Nous avons été assez indifférents au premier mouvement qui s'est manifesté. Nous avons même quelquefois, dans cette enceinte, encouragé l'émigration, et je dois le dire, j'ai été du nombre de ceux qui ont poussé à l'émigration en tant qu'elle pût se faire d'une manière rationnelle.

Aujourd'hui il paraît que ce mouvement se manifeste avec excès dans dans certaines contrées de la Belgique. On commence à s'en plaindre. On craint que les populations ne se portent trop vers l'extérieur.

Il y a en cela, messieurs, un excès devant lequel il faut aussi s'arrêter. Il faut de la raison en tout. Je veux bien croire que les pétitionnaires qui s'adressent à nous ont été alarmés par les proportions qu'a prises l'émigration dans certaines localités et que c'est ce qui les engage à demander que l'on restreigne l'émigration d'une manière générale et par mesure administrative. Mais je crois avec l'honorable ministre qui vient de porter la parole qu'il y aurait de l'imprudence à prendre des mesures gouvernementales pour empêcher d'une manière générale l'émigration.

Cependant permettez-moi à cet égard quelques réflexions. Il faut dans ces questions beaucoup de prudence. Il peut y avoir de l'excès d'un côté, il peut y avoir de l'excès de l'autre.

Savez-vous, messieurs, où est l'excès, à mes yeux ; où peut être l'inconvénient des trop grandes émigrations ? C'est lorsque ces émigrations se font dans un but de spéculation de la part d'individus qui se trouvent en Amérique et qui appellent les populations dans certains endroits pour faire des bénéfices par la vente des terres ou dans un but semblable. Or, si je suis bien informé, il s'agit d'une spéculation de ce genre. C'est parce que, dans un endroit de l'Amérique, appelé Green-Bey, il y a des individus qui spéculent sur l'émigration, qui donnent aux émigrants des espérances très problématiques, que l'on s'est alarmé de divers côtés sur le sort des populations qui s'y transportent.

Voilà l'inconvénient contre lequel il faut se prémunir ; et je crois que le gouvernement n'est pas resté inactif à cet égard ; il a donné des instructions ; je crois en avoir vu quelque chose au Moniteur.

Il a fait comprendre aux populations qu'il ne fallait pas se décider légèrement à l'émigration, qu'il fallait savoir ce qu'on voulait faire, où l'on allait, quelles seraient les conditions d'existence à l'étranger ; si les terres qu'on représente comme bonnes offrent des voies de communication ; si des spéculateurs n'en exagèrent pas les avantages. Je crois, messieurs, que le gouvernement a rempli son devoir sous ce rapport, et je l'en félicite.

Mais quant à aller jusqu'à prendre une mesure générale contre l'émigration, ce serait à mes yeux une grande imprudence, d'autant plus qu'il y a, il faut bien le dire, dans l'émigration, un certain bien-être pour quelques populations,et comme l'a dit tout à l'heure l'honorable comte de Mérode, il ne faut pas empêcher que les populations de ia Belgique profitent du bien-être qui peut se présenter ailleurs, soit en Amérique, soit en Australie, soit dans une partie quelconque du monde ; nous devons vouloir avant tout le bien-être des populations belges.

Sous ce rapport, messieurs, je ne dis pas que le gouvernement belge soit engagé, je ne dis pas qu'il ait pris à l'égard des populations un engagement quelconque, qu'il ait poussé les populations à l'émigration ; mais il faut bien le reconnaître, les administrations précédentes, que je suis loin de blâmer à cet égard, ont donné une certaine impulsion, une impulsion morale à l'émigration.

Ainsi l'honorable M. Rogier, étant ministre de l'intérieur, m'a prié d'aller en Amérique, pour explorer des terrains et pour examiner s'ils convenaient à l'émigration. Il s'agissait de Sainte-Marie, en Pensylvanie. Je n'ai pas cru pouvoir accepter l'offre qui m'était faite, et je me hâte d'en donner les motifs.

A mes yeux les émigrations doivent se faire sous l'influence d'un principe de solidarité, et je croyais que le gouvernement ne pouvait pas d'avance m'assurer ce principe.

Voici, messieurs, comment j'entends ce principe de solidarité entre les émigrants : à mes yeux lorsqu'une population émigré, il faut qu'elle soit constituée d'avance en société religieuse et civile ; il faut qu'elle sache d'avance comment elle s'établira dans telle partie du monde, il faut qu'elle sache qu'elle aura ses lois religieuses et civiles, il faut qu'elle soit assurée de pouvoir exister à peu près de la même manière comme elle existe au pays natal.

Or, je n'avais pas toute garantie à cet égard. Je suis loin d'en imputer la faute au gouvernement d'alors, je ne dis pas, je le répète, que le gouvernement a eu tort ; j'ai pensé même que l'entreprise était une bonne œuvre, mais je n'avais pas tous mes apaisements, et j'ai cru qu'il fallait en laisser la responsabilité à ceux qui la proposaient ou qui l'exécutaient.

Cette tentative, messieurs, n'a pas été heureuse, mais il n'en résulte pas qu'il faille blâmer l'émigration en général, les émigrations, vous le savez, qui se sont faites dans d'autres pays, en Irlande, par exemple, et dans la plupart des contrées de l'Allemagne, sous l'influence du grand principe de solidarité religieuse et civile, presque toutes ces émigrations ont réussi et ont eu pour résultat de constituer en Amérique et en Australie des sociétés nouvelles qui sont prospères, et qui contribuent même par leurs relations avec le pays natal à développer le commerce et l'industrie.

Plus d'un million d'Irlandais ont émigré sous l'influence de ce principe et savez-vous, messieurs, quel en a été le résultat ? C'est que ces Irlandais qui ont quitté leur pays étant pauvres, ont fait, en Amérique, des bénéfices et par suite de ce grand esprit de famille qui fait la force de cette nation, ils ont fini par faire des économies suffisantes pour soutenir leurs parents pauvres qui se trouvent en Irlande.

Non seulement on a rendu par là un service aux émigrés, mais on a fait encore du bien à leurs familles qui sont restées en Irlande. La même chose est arrivée en Allemagne.

En parlant de l'Irlande, je ne veux pas me placer exclusivement au point de vue catholique ; je crois que ce sont les catholiques qui ont le mieux réussi ; mais antérieurement à l'émigration irlandaise il y a eu des émigrations d'Angleterre et d'Allemagne, qui se sont faites, non pas sous l'influence du catholicisme, mais sous une autre influence également religieuse. Je constate seulement que le noyau des grandes émigrations a été fondé sur le principe religieux ; ces noyaux se sont consolidés.

Les sociétés religieuses constituées à l'étranger y ont attiré des coreligionnaires de la mère patrie, se sont développées ainsi, et ont prospère par le principe social qui leur servait de base et par les ressources matérielles qu'elles trouvaient dans leur capital et dans le pays.

Il y a eu plus anciennement encore des expatriations d'Angleterre ; il y a eu, entre autres, l'émigration catholique du Baltimore qui a constitué le Maryland, il y a eu la grande émigration conduite par William Penn qui a constitue un grand Etat de l'Amérique, la Pensylvanie. Penn était un trembleur, un quaker.

Ainsi, au point de vue de la sociabililé requise pour le succès des émigrations, je ne fais pas de distinction entre les professions religieuses.

Mais je dis que lorsqu'une population émigre pour des endroits où elle n'a pas de noyau de société, il faut qu'il y ait solidarité, il faut que cette population soit constituée en société, il faut qu'elle sache d'avance ce qu'elle va devenir. La religion est le premier bien social, souvent le seul dans les vastes contrées de l'Amérique.

C'est à ces conditions, messieurs, que je comprends l'émigration.

Malheureusement l'émigration ne s'est pas faite ainsi dans notre pays et c'est là, selon moi, la véritable cause des plaintes que nous entendons aujourd'hui.

Aussi longtemps qu'on marchera dans la voie qui a été suivie jusqu'ici, aussi longtemps qu'on ne sera guidé, dans l'émigration, que par une idée de lucre, par le seul désir de s'enrichir, aussi longtemps qu'il n'y aura parmi les émigrants aucun lieu religieux ou civil qui puisse les unir à l'étranger, on ne rencontrera que des mécomptes et des échecs.

Ce que je viens de dire, messieurs, m'a été confirmé par M. de Ham lui-même, qui, revenu il y a quelque temps d'Amérique, m'a dit que s'il avait trouvé sur les lieux les prêtres sur lesquels il comptait, tout aurait réussi, mais ces prêtres étaient partis et tous les Flamands qu'il avait autour de lui se sont éparpillés, et par suite, il lui a été impossible de les contenir.

Voilà, messieurs, le véritable secret qui donne la solution de cette question. Du moment que vous n'avez pas de société spéciale dans un pays comme l'Amérique, vous ne pouvez pas espérer de contenir les populations.

Je conclus, messieurs, qu'il ne faut pas se prononcer d'une manière absolue contre l'émigration ; au contraire, lorsqu'elle se fait dans les conditions que je viens d'indiquer, je crois qu'elle est bonne et qu'alors le gouvernement peut l’encourager non pas directement, mais en lui donnant un appui moral. Lorsque au contraire les émigrations ne se font pas dans des conditions pareilles, le gouvernement fait très bien de suivre la ligne qu'il a suivie, il fait bien d'avertir les populations des dangers qu'elles peuvent courir dans une autre partie du imnde en émigrant sans savoir ce qu'elles font, ou ce qu'elles vont devenir.

M. Julliot. - J'ai demandé la parole pour répoudre quelques mots à une observation de M. le ministre des affaires étrangères. L'honorable ministre à dit qu'il s'opposait d'une manière formelle à toute société ayant pour objet d'organiser l'émigration.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Vilain XIIII). - Je laisse faire.

M. Julliot. - M. le ministre a dit qu'il refusait d'approuver une société anonyme ayant pour objet d'organiser l'émigration, parce que les émigrants croiraient que le gouvernement continuerait à s'occuper (page 1045) d'eux, lorsqu'ils seraient arrivés en Amérique. Messieurs, le public, en général, ne croit pas cela ; lorsque d'autres sociétés anonymes sont autorisées par le gouvernement, le public ne s'imagine pas que le gouvernement exerce sur ces sociétés un patronage. Toutefois si une semblable idée se répandait dans le public il serait facile de la détruire par quelques publications.

Selon moi, messieurs, pour que l'émigration puisse être avantageuse à ceux qui s'en vont et à ceux qui restent, l'association serait très utile, d'abord parce que le gouvernement pourrait la surveiller, avoir un commissaire près de la société.

Certainement cette société n'osera pas se permettre ce qu'osent se permettre des entrepreneurs individuels, lesquels attirent des émigrants aux Etats-Unis et les y mettent dans une position très fâcheuse.

Il y a une autre considération beaucoup plus importante pour moi : c'est que cette société aurait probablement un capital, qui en grande partie serait fourni par des participants étrangers. Cette opération diminuerait très peu le capital national et s'attacherait à recruter pour l'exportation des bras auxquels le capital fait défaut en Belgique.

Ainsi, les émigrants qui partiraient d'ici, n'ayant pour ressource que leurs bras, iraient vivre en Amérique où ils seraient beaucoup plus heureux qu'ils ne le sont ici, et y vivraient sur un capital étranger. Dans ce système, il y a amélioration pour ceux qui s'en vont et amélioration pour ceux qui restent.

Je désire donc voir une société se constituer ; d'abord les choses se passerait beaucoup plus régulièrement qu'elles ne se passent aujourd'hui ; ensuite la mesure sera réellement utile à la classe ouvrière.

M. Rodenbach. - Messieurs, je suis heureux de m'être rencontré, dans mon premier discours avec les principes que le gouvernement professe en cette matière, principes que M. le ministre des affaires étrangères vient d'exposer avec sa lucidité, sa franchise et sa loyauté ordinaires. A mon avis, le gouvernement est dans la bonne voie. Il borne son rôle à protéger ceux qu'on voudrait exploiter. A cette occasion M. le ministre a cité avec éloge les services que rend sous ce rapport notre consul à New-York. Le gouvernement ne doit ni encourager ni favoriser l'émigration : il n'a pas le droit de dire à un citoyen : « Vous ne sortirez pas du pays pour aller vous établir ailleurs, vous n'irez pas porter vos capitaux à l'étranger. » Nous sommes donc d'accord ; le gouvernement doit se borner à protéger, contre l'avidité de certains exploitants, ceux qui sortent du pays pour chercher un son meilleur sur une terre étrangère.

Je dois répondre un mot à l'honorable M. Vander Donckt.

Selon l'honorable membre, la classe ouvrière n'est pas trop nombreuse dans les Flandres. Je conviens avec lui que les ouvriers tisserands, les ouvriers valides qui vont en France, sont en fort grand nombre ; dans le département du Nord, il y eu a 10,000 à 15,000 ; je conviens que l'émigration de ces hommes-là est une perte pour ceux qui, par leur industrie dans les Flandres, doivent occuper un grand nombre d'ouvriers. Mais pourquoi ces ouvriers vont-ils dans le département du Nord ? Parce que le salaire y est supérieur d'un tiers et quelquefois de la moitié, au salaire qu'on leur donne dans notre pays. Or, depuis que ces émigrations vers le département du Nord ont lieu, les fabricants dans les Flandres sont forcés d'augmenter la main-d'œuvre. C'est un véritable bienfait pour notre classe ouvrière.

Dans mon premier discours, j'ai parlé de la classe pauvre. Il y a malheureusement aujourd'hui exubérance dans cette classe. Avant l'introduction de l'industrie du fil à la mécanique, les enfants dans les ménages gagnaient honnêtement leur vie à filer le lin, les étoupes et la laine ; je ne regrette pas l'invention de l'industrie du fil à la mécanique ; il faut bien suivre le torrent ; lorsque nos voisins fabriquent à l'aide de machines, il faut bien marcher dans la même voie, pour pouvoir continuer à lutter avec eux. Mais enfin depuis que la nouvelle industrie a pris son essor dans les Flandres, beaucoup de bras sont devenus inoccupés ; les enfants ont été privés du travail qui les faisait vivre ; et voilà pourquoi il y a exubérance dans la classe pauvre ; et cette exubérance est surtout visible par ce fait que, tandis qu'en France il y a 1,300 à 1,400 habitants par lieue carrée, 1,900 en Angleterre, il y en a 5,000 dans les Flandres.

Si maintenant quelques petits fermiers s'expatriaient avec de petits capitaux, la Belgique ne s'appauvrirait pas pour cela. Depuis que la mécanique a diminué en quelque sorte l'usage des bras des hommes, je dis que l'émigration est utile, surtout dans nos Flandres. Mais le gouvernement ne doit pas s'en occuper activement ; il ne doit donner ni primes, ni faveurs ; il doit, en un mot, se borner au rôle que M. le ministre des affaires étrangères a indiqué tout à l'heure : protéger les faibles et les malheureux contre l'avidité de ceux qui voudraient les exploiter d'une manière déloyale. C'est déjà là un beau rôle pour le gouvernement.

Ceux qui ne s'occupent que d'agriculture en Amérique, ceux qui sont actifs, zélés, patients, voient, tous, leur sort s'améliorer. Pourquoi n'en seraii-il pas ainsi des Belges qui iraient aux Etats-Unis dans le même but ?

Les Allemands sont là qui leur montrent la carrière ; ils sont déjà dans l'Amérique du Nord au nombre de plus de 4 millions ; si un sort malheureux devait attendre ceux qui s'y rendent, le mouvement de l'émigration allemande ne se ralentirait- il pas ?

Les Allemands sont habiles ; ils veulent du bien-être ; ce sont, dirai-je, des chercheurs de fortune. S'ils devaient être maleureux aux Etats-Unis, ils ne quitteraient pas leur pays pour s'y rendre.

M. le président. - M. Julliot persiste-t-il dans sa proposition tendante à déposer la pétition au bureau des renseignements ?

M. Julliot. - Je n'y tiens pas infiniment ; je la relire.

- Le renvoi de la pétition à M. le ministre de l'intérieur est mis aux voix et prononcé.

M. Rogier. - La question soulevée a une très grande importance et elle pourrait prendre de vastes proportions, si elle était à l'ordre du jour. Je me serais abstenu de prendre la parole si mon nom n'avait pas été cité par l'honorable M. de Haerne.

En 1848 et 1849, quand on recherchait tous les moyens de venir en aide aux Flandres, les avis se réunissaient pour indiquer l'émigration comme un des plus efficaces.

Avant de l'encourager, le gouvernement avait cru devoir faire procéder à une sorte d'enquête et faire reconnaître les lieux vers lesquels pourraient se diriger les émigrants.

Dans ce but, je m'étais adressé à un honorable membre de cette Chambre ne pensant pas que son caractère de prêtre fût un obstacle à ce qu'il remplît une mission tout évangélique. L'honorable membre n'ayant pas voulu accepter, une autre personne en fut chargée et une tentative d'émigration eut lieu, non pas, toutefois, avec la prétention de fonder une colonie ; c'était un simple essai d'émigration sur une petite échelle ; elle comprenait une centaine de personnes, au plus.

On peut le dire aujourd'hui : la personne pleine de zèle et d'énergie qui s'était chargée de la conduite de cette émigration ne fut pas secondée par les communes flamandes. Ce ne furent pas de petits cultivateurs ni même des artisans que l'on engageait à émigrer ; les communes cherchèrent à se débarrasser de ce qu'elles avaient de plus mauvais dans leur population : des pauvres et des gens maladifs ; les émigrations ont pu ainsi soulager certaines communes, mais elles ne remplissaient aucune des conditions nécessaires pour atteindre un but de colonisation.

Au reste, il ne s'agissait pas, je le répète, de fonder une colonie : on ne pouvait avoir cette prétention, on n'avait ni les capitaux ni l'expérience nécessaires.

Le commencement d'émigration, si imparfait qu'il ait été, a cependant ce résultat de soulager quelques communes et d'engager d'autres habitants des Flandres à suivre les premiers partis. L'essai n'a donc pas été sans exercer une influence sur la population des Flandres.

Si nous avions ici à débattre la question au fond, je dirais que je suis assez de l'avis de ceux qui pensent que ce n'est pas pour un pays un moyen de s'enrichir que de perdre sa population.

Un blanc a certes autant de valeur qu'un noir ; si un noir porte en lui-même une valeur qui le fait rechercher, j'estime qu'un blanc vaut autant et même plus.

Je tiens qu'un pays où tout serait bien réglé et bien administré, n'aurait pas à souffrir du trop de population ; ce qui manque c'est la bonne répartition, le bon emploi des bras ; si dans notre pays la population était mieux répartie, il y a assez d'espace pour tout le monde ; dans les Flandres même, il y a assez de place pour tous les Flamands. Disons, en passant, que depuis dix ans la population est demeurée stationnaire dans une des deux provinces et que dans l'autre elle ne s'est accrue que dans une très faible proportion.

J'espère que M. le ministre des affaires étrangères ne voudra pas mettre en pratique ce système de ne rien faire, de laisser les Belges émigrer sans leur venir en aide et les protéger, soit à leur départ, soit à leur arrivée.

Le moyen qu'il a indiqué serait très peu efficace pour les émigrés victimes des entrepreneurs d'émigration ; ce moyen consiste à faire publier les rapports de nos consuls pour prévenir les émigrants de ne pas se livrer à des entrepreneurs de mauvaise foi.

Dans tous les pays nous avons des agents politiques ou consulaires qui sont là exclusivement pour protéger les Belges, aussi bien ceux qui font le commerce que ceux qui émigrent. C'est surtout la protection des personnes que nous devons réclamer de nos agents.

J'ai appris avec plaisir que notre consul de New-York s'occupait avec sollicitude du sort de nos émigrants. J'engage le gouvernement à recommander à tous nos agents de protéger nos compatriotes qui émigrent ; ils auraient d'autant plus besoin de protection qu'ils auraient moins de lumières et de ressources. C'est donc surtout pour ceux-là qne nous devons réclamer une protection très efficace de la part de nos agents.

Quant à la pétition, en ce qu'elle aurait pour but d'engager le gouvernement à prendre des mesures pour empêcher les Belges de sortir de chez eux, je ne pense pas qu'il se trouve un seul membre qui élève la voix pour l'appuyer.

La liberté de locomotion n'existe pas seulement pour l'intérieur du pays ; il ne peut être question d'établir des prohibitions ni des restrictions à la sortie.

Ce qui vaut mieux, c'est de chercher à assurer aux Belges dans leur propre pays autant de bien-être que de liberté, afin qu'ils ne sentent pas le besoin de chercher ailleurs une autre existence.

- Les conclusions de la commission sont mises aux voix et adoptées.

La séance est levée à 4 heures 3/4.