(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1855-1856)
(Présidence de M. Delehaye.)
(page 852) M. Ansiau procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.
M. Maertens donne lectupc du procès-verbal de la séance d'hier. La rédaction en est approuvée.
M. Ansiau présente l'analyse des pièces qui ont été adressées à la Chambre.
« L'administration communale de Philippeville demande que les terrains militaires de la place soient cédés à la ville purement et simplement. »
M. de Baillet-Latour. - Cette pétition est l'exposé fidèle de griefs trop fondés et trop bien constatés pour qu'il ne soit pas urgent de s'en occuper, et au gouvernement à la prendre en sérieuse consideration.
Je demande donc que cette pétition du conseil communal de Philippeville soit renvoyée immtdiaitment à la commission des pétitions avec demande d'un prompt rapport.
- Cette proposition est adoptée.
« Le sieur Schmitz demande une loi qui règle les honoraires des notaires. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Les bourgmestre, échevins et conseillers communaux de Blaton demandent que la section du chemin de fer projeté de St-Ghislain à Tournai, qui doit se diriger sur Leuze et Audenarde, ait son point de départ à Blaton. »
- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la concession de plusieurs lignes de chemin de fer.
« L'administration communale de Tisselt demande que le chemin de ferrejeté de Louvain au camp de Beverloo, passe par Aerschot. »
« Même demande de l'administration communale de Sichem. »
- Même renvoi.
« Le conseil communal de Scheffen demande que la compagnie concessionnaire du chemin de fer direct de Bruxelles à Louvain soit tenue de le prolonger jusqu'au camp de Beverloo par Winghe-Saint-Georges, Diest et Beeringen et subsidiairement qu'il soit accordé un minimum d'intérêt de 4 p. c. pour assurer l’établissement de cette ligne. »
« Même demande des conseils communaux de Peers, Waenrode et d'habitants de ces communes. »
- Même renvoi.
M. le ministre de la justice transmet à la Chambre avec les pièces à l'appui, la demande de naturalisation ordinaire du sieur François-Marie Bisso, ex-lieutenant au 2ème régiment de ligne.
- Renvoi à la commission des naturalisations.
M. le ministre des finances (M. Mercier). - Messieurs, le Roi m'a chargé de présenter à la Chambre un projet de loi qui a pour objet :
1° De déclarer définitivement libres à l'entrée un certain nombre de matières premières qui jusqu'ici ne sont admises sous ce régime qu'à titre provisoire ;
2° D'établir des droits uniformes sur les marchandises qui sont encore soumises à des droits différentiels ;
3° De poser de nouvelles bases à notre système commercial ;
4° De réduire les droits relatifs à la nationalisation des navires étrangers et de permettre la libre entrée des agrès et apparaux achetés pour l'usage des navires belges qui se trouvent à l'étranger.
De circonstances qui seront expliquées à la Chambre et qui se rattachent à nos conventions commerciales, ont nécessité de comprendre dans le projet de loi un article 4 ainsi conçu :
« La présente loi sera obligatoire le 1er janvier 1858, ou, à toute date antérieure qui pourra être déterminée par arrêté royal. »
Il se peut, messieurs, que dans un délai très rapproché la loi, si elle est votée par les Chambres, puisse être mise complètement à exécution ; cependant la prudence nous oblige de prévoir l'éventualité contraire. C'est pour ce motif que le Roi m'a chargé de vous présenter un second projet de loi qui renferme toutes les dispositions du premier (erratum, page 875) sauf ce qui concerne les droits différentuels et les nouvelles bases de notre régime commercial.
Il est donné acte à M. le ministre des finances de la présentation de ces projets de loi ; la Chambre en ordonne l'impression et la distribution et le renvoi à l'examen des sections.
M. le ministre des finances (M. Mercier). - Le Roi m'a chargé également de présenter un projet de loi tendant à accorder un crédit provisoire de 4 millions de fr. au département des travaux publics.
- Il est donné acte à M. le ministre de la présentation de ce projet de loi ; la Chambre en ordonne l’impression et la distribution et le renvoie à l'examen de la section centrale du budget des travaux publics.
M. Manilius. - Messieurs, après la déclaration faite hier par M. le ministre des finances, qu'il n'accepterait aucun amendement, et voyant que le gouvernement a pris une résolution sur les grandes questions commerciales par le projet qu'il vient de déposer, je déclare retirer mon amendement et je voterai pour le projet du gouvernement.
M. Lesoinne. - Je ne complais pas prendre la parole dans cette discussion. Mais après les proportions que lui a données l'honorable M. Dechamps, j'ai cru devoir ajouter quelques paroles à ce que l'honorable M. Moreau avait déjà dit dans les séances précédentes.
L'honorable M. Dechamps nous a représenté l'industrie métallurgique de notre pays comme étant assise sur des bases extrêmement fragiles.
Il suffirait, selon lui, de mettre les propriétaires de minerai de fer du pays dans le droit commun, c'est-à-dire de les laisser librement disposer de leur bien comme ils l'entendraient pour le mieux de leurs intérêts, pour compromettre l'existence d'une des principales industries de notre pays.
Il suffirait que l'on accordât la libre sortie du minerai de fer pour que cette mesure eût pour conséquence l'extinction de nos hauts fourneaux, la libre entrée des fontes et des fers étrangers et, si je ne me trompe, la révision de la loi de 1810.
Je pense, messieurs, que notre industrie sidérurgique est assise sur des bases plus solides. Elle jouit d'une santé plus robuste et elle à résisté à des chocs plus violents que celui auquel elle serait exposée par suite da l'adoption de la mesure proposée par la section centrale.
Toutes les fois que l'on propose un changement à notre législation douanière, les intérêts qui se croient compromis viennent nous adresser des réclamations ; ils représentent toujours leur industrie comme anéantie si les mesures proposées sont adoptées.
Messieurs, l'honorable M. Moreau vous a déjà fait voir dans les deux discours qu'il a prononcés, que les minerais de fer fort ne sont pas si rares dans le nord de la France que l'a prétendu l'honorable M. Dechamps.
Les sources auxquelles il a puisé ses renseignements, je les connais également ; elles sont aussi sûres, aussi certaines que celles où l'honorable M. Dechamps a pu prendre les siens. Nous avons parmi nous d’honorables collègues qui sont intéressés dans les forges françaises et qui sont parfaitement au corant des minerais qu'elles emploient et de leurs qualités. Ainsi l'honorable M. Moreau vous a dit qu'à Haumont la tonne de minerai de fer fort, rendant de 24 à 25 p. c., coûtait 9 fr. sur place.
M. Dechamps. - C'est une erreur.
M. Trémouroux. - Non, ce n'est pas une erreur ; c'est la vérité.
M. Lesoinne. - Avec des dénégations, on peut répondre à tout. Ces renseignements ne sont peut-être pas conformes à ceux que l'honorable M. Dechamps a obtenus ; mais je les tiens d une personne intéressée dans les hauts fourneaux en France et qui doit mieux savoir les faits que l'honorable M. Dechamps.
Il existe, si je ne me trompe, à la frontière française neuf à dix hauts fourneaux tout au plus. Il en existe dans le bassin de Charleroi, à ce que nous a dit l'honorable M. Dechamps, 50 à 60. Si ie minerai était libre à la sortie, naturellement les hauts fourneaux qui s'approvisionnent dans le pays et qui sont mieux placés pour se procurer les minerais que les hauts fourneaux du nord de la France, continueraient à les employer en les payant peut-être un peu plus cher dans le principe, pour le cas où les neuf ou dix hauts fourntaux viendraient à faire des offres de prix supérieur à celui auquel ce minerai se vend actuellement.
Mais si les prix venaient à hausser, il y a encore dans le pays des gisements qui ne sont pas exploités et qui le seraient très probablement si les quantités demandées venaient à s'augmenter et si leur extraction présentait un bénéfice à leurs propriélaires.
Il y avait à Pommerœul un haut fourneau qui employait du minerai des environs de Tournai. Ce haut fourneau n’était pas dans des conditions favorables de production : il a dû cesser ses travaux ; mais ce minerai, dans les environs de Tournai, reste aujourd’hui sans emploi. Il y a maintenant un seul haut fourneau, si je ne me trompe, qui emploie encore ce minerai ; toutes les offres qui ont été faites aux autres hauts fourneaux n'ont pas été accueillies.
Les propriétaires de ce minerai ne peuvent pas aujourd'hui s'en défaire. Si la libre sortie était décrétée, ils pourraient le vendre au bassin d'Anzin avec un certain bénéfice.
(page 853) Je pense donc que la libre sortie du minerai n'aurait pas les conséquences désastreuses que l'honorable Dechamps nous a exposées dans la séance d'hier.
L'acte de justice qu'on poserait envers les propriétaires des minières ne ferait pas grand tort, selon moi, à l'industrie de notre pays.
Les frais de transport pour un objet d'aussi peu de valeur et d'un poids aussi considérable, seront toujours un obstacle à ce qu'on puisse les transporter à de grandes distances. Il faudrait que ces minerais fussent d'une richesse telle, que le rendement pût compenser le sacrifice qu'on ferait pour les amener à pied d'œuvre.
Mais si, comme je l'ai dit tout à l'heure, les hauts fourneaux français possèdent du minerai de fer fort sur place, et si on pouvait leur fournir du minerai de for tendre, assez riche pour être mélangé avec le premier, ce serait principalement ce minerai qu'on exporterait, minerai que, d'après l'honorable M. Dechamps, nous possédons en quantité assez considérable pour pouvoir, au besoin, en livrer même à l'étranger. Je crois donc que c'est la minerai de fer tendre qui serait particulièrement exporté.
Le minerai de fer fort serait naturellement retenu par les maîtres de forges de notre pays qui entendent aussi bien leurs affaires que les maîtres de forges français ; en tout cas, ils jouiraient d'un avantage considérable, quant aux frais de transport, puisqu'ils ont le minerai à leur portée.
Des amendements ont été présentés au projet de loi ; M. le ministre des finances a déclaré ne pas pouvoir s'y rallier ; je l'en félicite, car non seulement tous ces amendements l'embarrasseraient beaucoup dans l'exécution, mais ils consacreraient encore une injustice, ils détruiraient l'égalité devant la loi, qui doit être respectée à l'égard de tous les citoyens, en accordant un privilège aux uns et en le refusant aux autres.
Je pense donc qu'on peut sans inconvénient accepter le projet de la section centrale ; quant aux amendements, je les repousse tous, et je voterai contre,
M. le ministre des finances (M. Mercier). - Messieurs, je n'ai pas pu présenter hier, à la fin de la séance, quelques observations que je désirais encore soumettre à la Chambre. L'assemblée était pressée de terminer la séance ; j'ai cru, dès lors, devoir restreindre les considérations que j'avais à faire valoir.
Messieurs, l'une d'elles concerne l'appréciation qui a été faite dans le cours de la discussion des avis des chambres de commerce. On a dit que trois de ces chambres sur les cinq qui ont été consultées, ont donné un avis favorable à l'amendement de la section centrale ; cette appréciation, messieurs, n’est pas juste. Les chambres de commerce de Charleroi et de Namur se sont formellement opposées à l'amendement, et ces chambres, pour le dire en passant, sont précisément celles des contrées qui sont vraiment intéressées dans la question et qui peuvent le mieux nous éclairer sur la portée des votes que nous allons émettre.
Quant à la chambre de commerce de Liège, quel a été son avis ? En principe elle est favorable à la libre sortie de toute espèce de marchandises, elle reproduit cette opinion et l’applique également au minerai de fer, mais elle a soin d'ajouter que la question ne lui paraît pas opportune parce qu'elle elle est isolée. Voici le texte à peu près de la réponse de cette chambre de commerce :
« Elle regrette de devoir traiter cette question isolément ; tout en adoptant la libre sortie, elle convient qu'une telle mesure adoptée partiellement laisse subsister dans l'économie de nos lois douanières des inégalités choquantes, contraires à la justice distributive. »
Ainsi ce n'est point sans réserve que la chambre de commerce de Liège se prononce pour la libre sortie du minerai, puisqu'elle trouve qu'on ne le fait pas avec opportunité.
- Un membre. - Elle veut davantage.
M. le ministre des finances (M. Mercier). - Il n'en est pas moins vrai qu'elle trouve que la mesure est inopportune. Mais aussi je ne me prononce pas à tout jamais contre la libre exportation. D'autres circonstances amènent à d’autres nécessités.
Je passe à l'avis de la chambre de commerce de Mons : son appréciation me paraît basée sur une erreur de fait que je me fais un devoir de signaler à la Chambre : le principal motif allégué par elle est que le droit sur les fontes, à l'entrée en France a subi une réduction ; or messieurs, ce droit, est, au contraire, augmenté par l’adjonction du centime de guerre. Ce droit est aujourd’hui de 48 fr. les 1,000 kil., c'est-à-dire de 45 p. c. de la valeur, ce qui assurément n'est pas un droit modéré ; l'avis de cette chambre n'est donc pas fondé sous ce rapport.
Elle a allégué en second lieu l'élévation des frais de transport du minerai vers les établissements étrangers. Mais, s'il est vrai que plusieurs gîtes, et les plus importants, sont à peu près aussi rapproches des usines françaises que des hauts fourneaux belges, cette raison vient encore à tomber.
Enfin elle ajoute que l'exportation ne sera que d'une très médiocre importance. Eh bien, messieius, s'il en est ainsi, pourquoi jeter le trouble dans une grande industrie nationale en vue d un résultat si infime ?
Quant à la chambre de commerce de Tournai, on l'a présentée également comme s'étant prononcée en faveur de l'amendement de la section centrale.
Or, messieurs, il n'en est rien ; la chambre de commerce de Tournai s'est déclarée incompétente pour résoudre la question à un point de vue général ; elle a simplement énoncé l'opinion que la libre sortie serait utile à l'arrondissement de Tournai, qui possède des minerais et n'a pas de hauts fourneaux à alimenter.
Ainsi, messieurs, c'est à tort que l'on a dit que trois chambres de commerce sur cinq se sont prononcées pour la libre sortie. En réalité il n'en est qu'une, celle de Mons, qui ait décidé sans réserve la question dans ce sens, et je crois avoir démontré qu'elle s'est basée sur une appréciation erronée.
Maintenant, messieurs, qu'il me soit permis de soumettre quelques réflexions aux honorables auteurs des amendements et à la Chambre.
Loin de moi la pensée de contester le droit absolu de chacun des membres de la Chambre de présenter des amendements aux projets de loi qui sont soumis par le gouvernement. Aucune limite, aucune règle n'a été tracée à cet égard. On conviendra cependant que l'on peut abuser de ce droit comme de tout autre, et qu'il convient de l'exercer avec mesure dans l'intérêt de la régularité de nos discussions et de la bonne marche des affaires.
La question dont nous nous occupons a été agitée et résolue par la Chambre il y a trois ans ; les deux Chambres ont voté la prohibition à la sortie du minerai de fer, sauf une exception qui a été jugée ne pouvoir nuire à notre industrie.
Votre commission d'industrie et ensuite le gouvernement restant dans le même ordre d'idées proposent une seconde exception ayant le même caractère et d'ailleurs une portée très restreinte ; c'est à l’occasion de ce projet tout à fait secondaire que l'on veut de nouveau embrasser la question tout entière et que l'on cherche à saper la loi par sa base.
Un essai de cette nature avait été fait lors de la discussion du projet de prorogation de la loi autorisant la libre entrée des houilles ; on se bornait alors à donner une faculté au gouvernement et cependant les honorables auteurs des amendements ont renoncé à ce qu'ils avaient d'extrême.
Aujourd'hui, messieurs, ce n'est même pas une faculté que la section centrale propose, mais une disposition impérative, d'une application immédiate.
N’est-il pas à craindre que si, à propos de la proposition la plus infime, les plus graves questions sont constamment soulevées, le gouvernement, dans l'intérêt de la marche active des affaires, ne soit forcé de s'abstenir de faire justice à des intérêts recommantables, mais secondaires ?
C'est là, messieurs, à mon avis la conséquence inévitable d'un pareil système de discussion.
Messieurs, je me permets de soumettre ces réflexions à la Chambre, sans contester le moins du monde, je le répète, son droit absolu de présenter des amendements.
Je pense, messieurs, que si on y avait égard nous épargnerions souvent un temps précieux et que nos discussions n'en seraient que plus fructueuses et plus régulières.
Je n'en dirai pas davantage, j'ai cru de mon devoir, comme député et comme ministre, de présenter ces observations que j'abandonne avec confiance à la sage appréciation de la Chambre.
M. Prévinaire. - L'honorable M. Dechamps a pris à cette discussion une part si grande, et il a donné à la question une portée si considérable qu'il est absolument nécessaire qu'on lui réponde.
L'honorable membre a fait un très beau discours, mais tous ceux qui connaissent le système industriel et commercial de l’honorable M. Dechamps, système commercial qui se trouve renforcé dans la thèse que cet honorable membre a soutenue à propos de la loi que nous discutons, ceux qui ont constaté où l'on en est arrivé connaissent la valeur que l'expérience a donnée à ce système.
L'honorable M. Dechamps appartient à l’école qui a fait prévaloir dans le temps le système des droits différentiels, qui ont, je crois, presque entièrement disparu et dont le peu qui reste disparaîtra bientôt. Par ces droits différentiels on voulait obtenir des traités nous garantissant des marchés privilégiés. Or quelles ont été les conséquences de ces traités ? Le traité différentiel avec le Zollverein n'existe plus ; il a été tué par le renouvellement du traité avec la France que nous avons voté plus ou moins contraints. Ce dernier traité avait en vue une position privilégiée pour les produits de notre industrie linière ; il n'a pas répondu à ce qu'on en attendait et nous avons vu nos exportations vers le marché français se restreindre progressivement.
Vous connaissez ces faits et pouvez apprécier la valeur et la position que de semblables traités font à la Belgique.
L'honorable M. Dechamps a reconnu lui-même combien les marchés privilégiés sont éphémères, en nous disant que le marché français avait échappé à notre fonte de moulage.
Le système qu'on soutenait alors, et qui a produit ces résultats, est toujours le même, il doit produire toujours les mêmes conséquences ; avec la position que vous prenez vis-à-vis de la France, vous arriverez, pour l'industrie sidérurgique, aux conséquences auxquelles vous êtes arrivés pour d'autres industries ; vous serez écartés du marché français, soit par le fait des droits actuels, soit par le fait de droits plus élevés, parce que vous prenez une position hostile vis-à-vis de cette puissance eu prohibant l'exportation d'une matière première, nécessaire à l’une de ses industries.
(page 854) En effet, la France n'a pas un intérêt purement industriel à développer l'industrie du fer ; c'est pour elle un immense intérêt politique, elle ne peut se dispenser d'avoir sur son sol une production de fer considérable. C'est là une nécessité politique pour toute puissance de premier ordre.
L'honorable M. Dechamps a reconnu que déjà la France avait dans ses rapports diplomatiques réclamé contre la prohibition de sortie du minerai, et l'on ne voit pas dans ce fait un indice de plus de la convenance de rentrer dans les véritables conditions économiques, en levant les barrières à l'exportation de cette matière première, exportation qui n'a rien de dangereux, selon moi, ainsi que j'espère le faire comprendre.
L'une des objections les plus fondées contre l'abaissement du tarif français sur les fontes, est puisée précisément dans la prohibition de sortie du minerai belge, qui prive la France des moyens de s'approvisionner de matières premières à sa convenance.
C'est un argument que les producteurs français font valoir non sans raison contre la réduction des droits sur la fonte à l'entrée en France. A la moindre velléité que manifeste le gouvernement de céder à la pression d'autres intérêts en décrétant une réduction du tarif, l'industrie sidérurgique s'empresse de représenter que la Belgique est dans des conditions de production plus favorables ; qu'elle possède le charbon, du minerai très riche, et qu'elle conserve ce minerai pour elle. Evidemment ces considérations exercent une influence sur les dispositions du gouvernement français, quel que soit son désir d'atténuer, dans l'intérêt général, l'importance des droits sur la fonte. Entrez, au contraire, dans une voie plus large en permettant à la France de s'approvisionner chez vous, et vous aurez affaibli considérablement les résistances que l'on oppose à une modification du tarif français.
A côté de l'intérêt de nos hauts fourneaux, qui a seul été invoqué dans cette discussion, il me semble qu'on doit prendre en considération les intérêts qui se rattachent à l'exploitation de nos richesses minérales.
Qu'est-ce que la fabrication de la fonte ? C'est tout bonnement la réduction du minerai de fer par la combustion de la houille mêlée à un fondant qu'on appelle castine, combustion activée par l'introduction d'un courant d'air. Des capitaux très peu considérables sont immobilisés dans cette industrie ; car un haut fourneau ne représente guère qu'une valeur de 200,000 fr. en moyenne.
M. Dechamps. - Il y en a qui valent 500,000 fr.
M. Prévinaire. - Oui, parce qu'on les fait plus grands.
Je disais donc que la fabrication du fer se réduit à un mélange de minerai, de houille et de castine. On lance cela dans une colonne de maçonnerie que l'on appelle un haut fourneau, et à laquelle on applique une machine soufllante.
C'est une accumulation de la valeur représentative du charbon et du minerai, plus le capital.
Je suppose que par suite de la libre sortie de nos minerais, on fasse de la fonte sur le territoire français. (Vous voyez que j'entre dans le vif de la question soulevée par l'honorable M. Dechamps. J'indique ce qu'il y a de plus terrible pour la Belgique). J'admets qu'on fabrique de la fonte sur le territoire français, quelle différence y aura-t-il pour la main-d'œuvre ? Vous aurez vendu vos charbons comme vous les vendez aujourd'hui ; vous aurez vendu vos minerais de fer comme vous les vendez aujourd'hui avec une égale application de main-d'œuvre. Vous les aurez même vendus plus chers. Au lieu de donner des éléments d'activité aux ouvriers spécialement appliqués à la fabrication de la fonte, vous en donnerez à ceux qui produisent le minerai. Vous aurez fait cesser aussi cet état d'injustice qui existe vis-à-vis des propriétaires du sol que vous privez de la faculté de tirer de leur propriété tout le parti qu'ils peuvent en tirer. C'est une injustice pour la propriété, et un privilège pour l'industrie.
On se met trop à l'aise vis-à-vis de la propriété foncière. L'industrie se fait une position facile. Elle dit : J'ai besoin de matière première ; vous travaillerez pour moi ; vous me vendrez quand cela me conviendra. C'est là un état d'ilotisme que vous devez redresser.
Je dis qu'en admettant que l'exportation du minerai en France augmentât, ce que je contesterai tout à l'heure, la liberté rendue à l'exportation aurait, même dans cette hypothèse, pour conséquence de produire une très grande activité du travail national.
Je vais plus loin, je dis que le développement qui en serait la conséquence mettrait l'industrie métallurgique dans de meilleures conditions que celles où elle se trouve aujourd'hui en développant considérablement ses moyens d'approvisionnements par la possibilité offerte aux propriétaires de minerais d'exporter leur trop-plein.
On a invoqué l'épuisement des gisements. Voici à cet égard les faits résultant des documents statistiques :
Pendant la période quinquennale finissant en 1846, l'extraction annuelle a été de 250,000 tonnes ; pendant la période subséquente de 490,000 tonnes, et enfin, pendant la dernière période quinquennale, de 700,000 tonnes.
D'après le discours que l'honorable M. Brixhe a prononcé au début de la discussion, ne pensez-vous pas que si les propriétaires du sol envisageaient la possibilité de tirer un plus grand parti de leur propriété, s'ils n'étaient pas renfermés, comme ils le sont maintenant, dans d'étroites limites, ils se livreraient avec plus de résolution à l'exploitation de lenrs minières, que celle-ci se ferait dans des conditions meilleures et de manière à mieux utiliser nos richesses ?
Ce n'est pas d'aujourd'hui qu'on allègue l'épuisement de nos gisements ; il y a plus de 25 ans que les mêmes préoccupations se faisaient jour et que le gouvernement faisait étudier la question de la concessibilité des minières du bassin de Morialmé, et cependant, messieurs, qu'était à cette époque la fabrication du fer, comparée à ce qu'elle est aujourd'hui ? C'est qu'alors comme aujourd'hui on s'effrayait à tort.
Le même intérêt qui se fait jour en cette occasion peut s'opposer à toute espèce d'amélioration d'intérêt général. C'est toujours cet égoïsme qui veut conserver dans le pays les richesses que les propriétaires de sol voudraient exploiter. C'est à la concessibilité que l'on arriverait.
J'ai dit que si vous entriez dans la voie où la section centrale veut vous conduire, vous élargiriez considérablement l'exploitation du minerai de fer, que vous créeriez dans le pays un marché de minerai de fer plus considérable, dont une partie pourrait même être exportée et que l'industrie métallurgique verra par cela même ses conditions de production s'améliorer, se consolider, et qu'en tout état de choses ayant toujours sur le producteur étranger une position plus favorable pour ses approvisionnements, l'exportation ne se produira pas dans une proportion alarmante.
Les frais de transport exercent en effet un influence considérable sur le prix des minerais rendus à pied d'oeuvre, de sorte que les minerais très riches sont les seuls susceptibles de supporter ces frais.
La France en donne la preuve, elle fait venir des minerais de l'Espagne et de l'Algérie. Pourquoi ? Parce qu'ils sont très riches, parce qu'ils peuvent par suite supporter des frais de transport considérables.
Je dis donc que si vous ne voulez pas permettre à la France de venir au besoin prendre sa matière première en Belgique, vous créerez en France une industrie qui restera complètement isolée de votre mouvement et qui un jour sera tellement assise, parce que c'est une nécessité pour la France, que vos fontes seront repoussées du marché français. Voilà la conséquence où vous arriverez.
Cette conséquence s'est produite pour tous les articles pour lesquels vous avez voulu avoir un marché privilégié en France.
Permettez-moi d'ajouter un mot en ce qui concerne la position que prennent MM. les ministres dans cette question.
Au banc des ministres figurent des hommes graves comprenant parfaitement les intérêts de l'Etat. Parmi eux il en est qui sont en communauté d'opinion, d'opinions économiques complète avec mot et la plupart de mes amis.
Sous ce rapport donc, je dois dire que l'attitude qu'ils prennent dans cette question ne s'explique pas. Il appartient aux hommes qui tiennent le timon des affaires non pas de résoudre les questions dans un intérêt restreint, dans un intérêt de localité, de voir les questions au petit point de vue. Il faut que le gouvernement envisage la question an point de vue sérieux, au point de vue élevé, au point de vue de l'intérêt général.
Comment, par exemple, puis-je faire concilier l'attitude de M. le ministre des finances avec le dépôt fait aujourd'hui même sur le bureau de la Chambre, d'un projet de loi qui aura pour effet de faire disparaître de notre législation certains droits prohibitifs à la sortie ?
Et d'où vient que dans cette catégorie, il n’ose pas faire figurer la matière dont nous nous occupons ? Quelle en est la raison ? Nous devons nous demander si jamais on osera toucher à la question des fers et à la question des houilles.
Nous avons bien le droit de nous faire cette question en présence de l'attitude que le cabinet a prise au début de cette session en retirant le projet de loi consacrant le seul système de révision praticable.
Messieurs, la question de révision du tarif des douanes, posée comme elle l'est aujourd’hui, est renvoyée aux calendes grecques ; jamais avec le système d'ensemble que l'on veut suivre vous n'obtiendrez cette révision ; vous ne l'obtiendrez que quand vous aurez démoli pièce à pièce ce vieil édifice, en ménageant toutefois la transition. Le système d'une révision de l'ensemble du tarif doit amener nécessairement la coalition des intérêts et nous n'obtiendrons rien, nous qui défendons l'intérêt des consommateurs.
Je dis donc que dans une question semblable qui n'est pas introduite d'aujourd'hui, qui est introduite par la section centrale après certains précédents, après qu'un ministre nous avait saisis d'un projet de loi qui devait avoir les mêmes conséquences que celles que réclame la section centrale, je suis étonné que le cabinet vienne combattre l'opinion exprimée par la section centrale et cela d'une manière aussi faible qu'on l'a fait.
Que nous dit-on en effet ? On nous parle de l'avis des chambres de commerce et l'on invoque l'avis de deux chambres de commerce qui sont intéressées dans la question.
On ne pouvait attendre de la chambre de commerce de Namur et de la chambre de commerce de Charleroi d'autres avis que ceux-là. Mais que l'on consulte les chambres de commerce de tout le pays sur cette question et nous verrons quelle sera leur réponse.
On nous dit encore que le moment n'est pas opportun. Mais comment le moment n'est-il pas opportun pour abolir cette prohibition, alors que le gouvernement nous propose un projet de loi pour abolir d'autres restrictions à la sortie ? Je suis encore à me demander quelle peut être la raison de cette lacune, si ce n'est un acte de complaisance pour certains intérêts, pour certaines individualités.
(page 855) Eh bien, je dis que ce n'est pas là la position que devrait prendre ïe gouvernement, qu'il devrait se placer plus haut, qu'il devrait se montrer plus énergique.
Nous avons vu naguère dans un autre pays, un grand ministre, sir Robert Peel, imposer à ses amis politiques des réformes dont d'abord ils ne voulaient pas.
Nous poursuivons un but sérieux, un but moral ; nous voulons faire disparaître de notre législation douanière une disposition qui viole virtuellement la Constitution, en grevant sans indemnité la propriété d'une servitude industrielle.
Dans ses explications M. le ministre des finances a dû reconnaître qu'il y avait dans ces droits prohibitifs quelque chose qui violait ce droit de propriété. L’honorable M. Dechamps l’a reconnu également. Un honorable ingénieur, dont les rapports ont été communiqués à la Chambre, l’a reconnu également.
Eh bien, il appartient à la Chambre de faire justice d'un abus semblable.
On parle d'opportunité : mais, messieurs, nous saisissons la première occasion qui se présente ; nous amendons un projet de loi soumis à la Chambre ; il n'entre pas dans nos vues de présenter un projet de révision générale.
Je me résume, messieurs, je suis convaincu que l'industrie métallurgique ne peut être lésée par la levée de la prohibition de sortie du minerai ; je suis convaincu, au contraire, que la libre sortie offrira un appui nouveau à l'extraction, et qu'il en résultera un avantage pour l'industrie métallurgique elle-même.
J'ajoute, messieurs, que la libre sortie, offrît-elle même quelque inconvénient, ne serait dans tous les cas qu'un acte de justice, et cet acte de justice ferait disparaître une des considérations que l'on opposera toujours en France à l'abaissement du droit sur les fontes. Une fois, messieurs, que la France aura créé chez elle une fabrication de fer suffisante, vous seriez exclus impitoyablement du marché français.
J'engage donc la Chambre à se rallier à l'amendement de la section centrale.
M. Trémouroux. - Messieurs, avant d'entrer dans les quelques explications que je désire donner à la Chambre, je veux lui faire connaître ma proposition tout exceptionnelle dans le débat. Je suis intéressé dans l’industrie métallurgique ; je suis administrateur de la Providence qui a des établissements en France et en Belgique. Je désire que nos adversaires aient la même franchise que moi. Voilà, messieurs, ma position. Voici mes principes.
Je suis partisan d'une sage liberté commerciale, j'ai voté la libre entrée des houilles, je voterai la libre entrée des fontes quand elle sera proposée, vous comprenez dès lors, messieurs, que je voterai la libre sortie des minerais.
J'ai pour principe de m'abstenir chaque fois que l'établissement que je représente est intéressé dans la question.
Aujourd'hui, des pétitions nous arrivent en grand nombre de l'arrondissement de Nivelles pour demander la libre sortie du minerai. Puis-je encore m'abstenir ? Ces pétitions m'embarrassent tout autant que l'honorable ministre des finances qui, la veille, combattait la motion d'ajournement qu'il acceptait le lendemain.
M. le ministre des finances (M. Mercier). - J'ai dit pourquoi : c'est à l'ajournement de tout le projet que je m'étais opposé et non à celui des amendements.
M. Trémouroux. - Je vous dis, messieurs, mon embarras. Dois-je me rasseoir ? dois-je parler ? J'aimerais mieux me rasseoir, car mon émotion est extrême, mais d'un autre côté je crois devoir dire quelques mots en faveur de la libre sortie.
Ce qui effraye le plus les protectionnistes, c'est la libre sortie du minerai de fer fort. A entendre l'honorable M. Dechamps, il ne sortira que du minerai de fer fort, il n'en sortira pas d'autre. Mon intention était de répondre à cette objection par un amendement que j'avais préparé hier ; on me dit qu'il serait d'une exécution très difficile.
Il consiste à donner au gouvernement l'autorisation de permettre la sortie de tous les minerais sauf un seul, le minerai de fer fort ; on a objecté qu'il serait difficile de reconnaître ce minerai, qu'il faudrait des certificats d'origine. Quant à moi, messieurs, je crois qu'il serait très praticabîe.
Si l'on permet la sortie du minerai violet, du minerai de fer tendre, les établissements français y trouveront quelque avantage sans doute, car ce qu’il leur faut ce n’est pas, comme l’a dit l’honorable M. Dechamps, le minerai de fer fort, c’est du minerai riche, quoique de fer tendre, car ils peuvent très bien avec leur minerai, tel qu’ils l’ont maintenant, faire du fer nerveux qui convient parfaitement à la France et qui est souvent, à Paris même, préféré au fer de Charleroi/
Messieurs, je terminerai là mes observations, la discussion a déjà été assez longue, la Chambre doit désirer de la clore.
M. de Haerne. - Messieurs, j'ai demandé la parole lorsque je me suis aperçu que la discussion prenait un caractère de généralité, et qu'elle embrassait les intérêts généraux du pays, chose à laquelle je ne m'étais pas attendu d'abord.
En effet, messieurs, tout à l'heure encore un honorable préopinant nous a cité, en matière d'intérêts commerciaux et industriels, l'exemple de l'Angleterre ; cet honorable membre s'est occupé de nos traités, et il a critiqué le traité conclu avec la France.
Hier, à propos de la question dont il s'agit, on a parlé d'injustice, de confiscation, de spoliation ; on a fait entendre ce qui avait été dit, il y a quelque temps, dans cette enceinte, que nous faisons du socialisme, probablement sans le savoir.
Messieurs, lorsqu'une discussion qui part d'un point de vue tout à fait restreint, d'un point de vue tout particulier, prend de semblables proportions et que l'on sent que les intérêts qu'on est spécialement chargé de défendre sont en jeu, pour ne pas dire mis en question, vous comprenez qu'on résiste difficilement au désir d'exprimer son opinion. C'est pourquoi je vous demande quelques moments d'indulgente attention. Je serai bref.
On citait tout à l'heure l'exemple de sir Robert Peel. Ce grand homme, messieurs, n'a pas procédé comme voudraient le faire les honorables membres qui s'opposent au projet du gouvernement, et qui introduisent une question de principe, une question très grave à propos d'une proposition incidentelle. Sir Robert Peel a proposé une réforme portant sur l'ensemble du tarif et en cela il a été rationnel, il a fait une chose sérieuse et qui était conçue tout à fait au point de vue des intérêts de l'Angleterre.
Ne croyez pas, messieurs, comme quelques honorables membres veulent le faire entendre dans cette enceinte, que ce grand homme d'Etat se soit attaché à une théorie ; non, il connaissait profondément les intérêts de l'Angleterre, et ce sont les seuls qu'il ait eus en vue lorsqu'il a formulé sa grande réforme commerciale.
Je vous prouverai, messieurs, par le rapprochement de quelques chiffres qu'en Angleterre la plupart des questions, et notamment celle qui nous occupe, ne se décident pas au point de vue de la théorie de la liberté commerciale, comprise d'une manière abstraite, mais se résolvant au point de vue des réalités pratiques.
Savez-vous, messieurs, quel est le droit protecteur, quelle est, pour me servir d'une expression qu'on semble vouloir accréditer dans cette enceinte, quelle est la mesure de la confiscation que l'Angleterre applique aux fers ?
Quand il s'agit de minerai, matière première, l'Angleterre n'en défend pas l'entrée, cela va sans dire, ce serait contraire à ses intérêts, aux principes économiques ; mais du moment qu'il s'agit des fers ouvrés, alors la protection se fait sentir dans la proportion plus ou moins forte de main-d'œuvre que la matière première a subie. Vous en jugerez, messieurs, par la seule comparaison que je me permettrai d'établir entre les droits perçus sur cette matière, en Belgique, et ceux qui la frappent en Angleterre.
Vous savez, messieurs, que les droits en Belgique, d'après le degré de manipulation que la matière première a subie, s'échelonnent de 5 fr. à 25 fr. par 100 kilogrammes.
En Angleterre, les droits sur le fer ouvré sont de 2 schellings 6 pence à 15 shellings les 100 livres anglaises ; réduction faite, cela revient de 6 fr. 93 c. à 40 francs les 100 kilog. C'est environ un tiers en plus relativement au droit belge, qu'on critique tant au nom du système anglais. Vous voyez que l'Angleterre sait faire de la protection quaud il faut en faire, et qu'il ne faut pas ravaler la Belgique sous ce rapport, relativement à la Grande-Bretagne.
Je prends ces chiffres dans le tarif imprimé à Londres en 1855.
On a dit aussi hier à propos de la même question, que ce que voulait le gouvernement était une confiscation d'autant plus odieuse qu'il établissait une différence entre les diverses parties du pays ; qu'il favorisait les uns et qu'il frappait les autres ; que cette injustice était d'autant plus criante, qu'elle formait des catégories différentielles dans le pays.
Mais, messieurs, c'est ce qui arrive à peu près partout. Dans tous les pays du monde, vous avez un système semblable qui varie plus ou moins selon les localités.
En Angleterre, il n'y a pas de zones intérieures du moins de la même espèce ; mais il y a ce qu'on peut appeler les droits différentiels de provenance coloniale ; ces droits différentiels, ces zones établies à l'égard de certaines parties de l'empire britannique, s'étendent même aux îles les plus rapprochées de l'Angleterre. Ces droits portent sur 15 articles, tandis que les droits différentiels belges sont réduits à 11 ariicles. Ainsi l'île de Man a un droit différentiel pour l'exportation des bières ; cette bière, importée en Angleterre, paye 7 sch. 11 1/4 pence par baril, tandis que les bières qui viennent des colonies ou des pays étrangers payent une liv. sterl. par baril.
Voilà bien un droit différentiel de provenance coloniale ou une zone différentielle d'une partie à d’autres parties de l'empire britannique. Au fond, c'est le même système que celui qui existe en France et chex nous ; c'est l'application seule qui est différente.
Vous voyez donc, messieurs, que ni la France, ni l'Angleterre, j'ajouterai ni aucun des autres pays, qui ont des traditions en matière d’industrie et de commerce, qui savent en un mot ce qu'ils font et où ils marchent, n'ont songé à proscrire le système de protection établi soit par zones, soit par droits différentiels, soit par mesures générales de douane.
Le radicalisme n'a jamais été admis par aucune nation ; on a fait toujours, non pas de la théorie, mais de la pratique.
A entendre les raisonnements de nos honorables adversaires, nous faisons du socialisme ; il ne manquerait plus qu'une chose, ce serait d'aller jusqu'à dire avec Proudhon : « La propriété, c'est le vol. »
En effet, pourquoi cet écrivain est-il tombe dans cette grossière absurdité ? Parce qu'il ne voyait que l'égalité absolue des travailleurs, et (page 856) qu’il voyait dans la transmission des fruits du travail un privilège pour l’héritier, une injustice semblable à celle dont on parle ici. Il voulait l’égalité absolue au point de vue social comme la voudraient nos adversaires au point de vue douanier. C’est un rêve dans l’un cas comme dans l’autre, c’est une utopie contraire à la réalité des choses, à la pratique constante des nations. Toujours les nations otn reconnu la propriété, toujours elles se sont attribué le droit de restreindre l’application du principe de la propriété dans un intérêt général ou social, qui en définitive est la source et la condition de l’intérêt, de la prospérité, du bonheur des individus.
Le droit de propriété consacre une inégalité dans un intérêt social, comme le système protecteur consacre une inégalité dans un intérêt national.
Ces inégalités ont leurs compensations en ce qu'elles stimulent l'énergie individuelle, et augmentent le bien-être général. Elles sont fondées sur la nature qui en a posé la base dans l'inégalité des talents, dans l'aristocratie de la capacité, source première des inégalités sociales et politiques. Suivons la pratique des nations, n'ayons pas la prétention d'être plus sages que tout le monde.
Ne répudions pas la protection admise partout en principe. N'est-il pas à craindre qu'à force de dire que nous faisons du socialisme, on ne finisse par faire croire au pays que le socialisme est une bonne chose, puisqu'il serait pratiqué par le gouvernement, par les Chambres.
Soyons plus prudents, plus justes, plus pratiques, ne repoussons pas l'expérience des untious, ne déchirons pas les traités sans de graves motifs.
Messieurs, à propos de traités, on a parlé de celui que nous avons conclu avec la France ; ou a dit que ce traité avait eu pour la Belgique de funestes conséquences, que l'on a vu diminuer l'importance des exportations depuis que le traité existe. Tout cela est inexact : les exportations ont diminué pour certaines matières, et augmenté pour certaines autres matières ; elles ont diminué à telle époque, et elles se sont relevées à telle autre époque. Et pour ne parler que d'un objet auquel l'honorable M. Prèvinaire a fait allusion, j'avoue qu'au commencement de l'année dernière, il y a eu une baisse dans l'exportation de nos produits liniers.
Mais la même diminution dans ces exportations s'est fait sentir en Angleterre par des causes qui ont également pesé sur l'industrie linière de tout le continent. Voila en réalité pourquoi nos exportations ont diminué vers la France qui est toujours notre premier marché, et vers les autres pays d'Europe.
Une semblable diminution n'a pas eu lieu dans nos exportations vers les pays transatlantiques ; pourquoi ? Parce que la crise alimentaire, première cause de cette diminution d'exportation, ne s'est pas fait sentir au-delà de l'Atlantique.
En ce qui concerne la question qui nous occupe, et qui, je l'avoue, n'a pas fait l'objet de ma part d'études spéciales, il me semble que l'honorable M. Prévinaire est tombé dans l'erreur, lorsqu'il a fait si peu de cas de la transplantation de l'industrie des hauts fourneaux ; il a fait entendre qu'il n'y aurait en cela aucune perte pour le pays.
Il me semble à moi que lorsqu'une industrie se transplante d'un pays dans un autre, il y a perte de main-d'œuvre pour le premier de ces pays.
Ce résultat serait infaillible, si tant est que le minerai ne fût pas au moins restreint par un droit suffisant dans l'exportation. Je sais qu'on prétend d'après le système du libre échange que le travail qui produit la matière première vaut autant que celui qui se rapporte aux matières manufacturées ; mais encore une fois, c'est là une théorie contraire à la pratique constante des nations, y compris l'Angleterre, qui protège les objets fabriqués qui doivent être protégés, notamment les fers ouvrés.
Pour faire comprendre l'importance de la queston envisagée à ce point de vue, je ferai remarquer que nous exportons en France 40,000 tonnes de fonte par an. Le droit sur ces fers est de 48 francs. Cela revient à 1,920,000 francs, soit deux millions, que l'on paye pour l'exportation vers la France. Si la libre sortie du minerai était décrétée, les propriétaires de nos hauts fourneaux iraient s'établir en France, économiseraient cette somme de deux millions, et au bout d'un an, ils seraient rentrés dans leurs fonds. Car il leur suffirait de cinq hauts fourneaux pour faire la fonte que nous exportons. Or, en prenant la dépense de l'établissement de chaque haut fourneau à 400,000 francs cela ferait deux millions. Ainsi, en un an on rentrerait dans l'avance des fonds.
Il est évident que l'industrie se transporterait en France, dans la proportion de nos exportations vers ce pays. Je ne comprends pas qu'on puisse soutenir qu'un pareil état de choses ne présente aucun danger.
Le seul déplacement du capital en constitue un très grand à mes jeux. Si on ne pouvait pas employer le minerai dans le pays, si notre industrie métallurgique n'était pas en progrès, je concevrais la thèse de nos adversaires, mais c'est le contraire qui est la vérité. En m'exprimant ainsi, messieurs, je ne tranche pas la question quant au droit à établir plus tard sur la sortie du minerai de fer. J'ai dit en commençant qu'on ne pouvait pas faire d'un question tout incidente, une question générale, une question de principe ; qu'on ne pouvait pas non plus résoudre la question sans l'avoir mûrement examinée ; or, cet examen ne peut pas se faire à propos d'une pétition telle que celle qui nous a été adressée ; il me semble que pour procéder avec toute la circonspection qu'exigent les circonstances, il faut s'en rapporter au jugement non seulement de quelques personnes, mais de toutes les personnes intéressées dans la question, il faut faire une espèce d'enquête que le gouvernement seul peut mener à bonne fin.
C'est pourquoi je me rallie au projet de M. le ministre des finances ainsi qu'à l'amendement proposé par l'honorable M. Brixhe.
- Un grand nombre de voix. - La clôture ! la clôture !
M. Allard. - Je demande ta parole contre la clôture. Je n'ai que quelques mots à dire, on n'a pas parlé de l'arrondissement de Tournai, des minerais qu'il possède et de l'intérêt qu’il a à pouvoir les exporter.
Je ne serai pas long.
- Plusieurs voix. - Parlez ! parlez !
M. le président. - M. Allard n'est pas le premier orateur inscrit.
M. Thibaut. - Je crois que je suis seul inscrit avant M. Allard ; si la Chambre veut l'entendre, je lui céderai mon tour de parole.
- La Chambre décide qu'elle entendra M. Allard.
M. Allard. - J'ai demandé la parole quand j'ai entendu l'honorable M. Lesoinne parler de l'importance du minerai de l'arrondissement de Tournai. Cette importance n'est pas connue de la Chambre, je demande la permission d'en dire quelques mots.
Il y a dans l'arrondissement de Tournai des gîtes considérables de minerais d'une puissance de 7, 8 et 9 mètres, c'est tellement important que 75 ares de terre ont donné jusqu'à 60 mille mètres cubes de minerai.
Le bureau de bienfaisance de Tournai, à qui appartient ce terrain, a reçu 60 centimes par mètre cube, par conséquent plus de 35,000 fr.
Un honorable membre disait tout à l'heure : Et la main-d'œuvre ! Savez-vous ce qu'on a payé de main-d'œuvre pour extraire ces 60,000 mètres cubes de minerai ? Les ouvriers ont reçu 1,20 par mètre cube, soit 72,000 fr. ; pour le voiturage du champ à l'Escaut, on a payé également 1 fr 20 c. par mètre cube, soit encore 72,000 fr. Le lavage du minerai, la mise en bateau et le déchargement à 1 fr. 50 c. par mètre cube, ont coûté 90,000 fr. ; pour le transport en bateau des rivages près de Tournai jusqu'aux hauts fourneaux de Pommerœul 1 fr. 40 c. par mètre cube, il a été payé 84,000 fr.
Ainsi, messieurs, voilà une somme de 354,000 fr. qu'ont rapportée les minières de 75 ares de terre, tant au propriétaire qu'aux ouvriers. Si on nous défend d'extraire et d'exporter ce minerai qui jusqu'ici a été livré aux hauts fourneaux de Pommerœul qui sont éteints, savez-vous ce qui arriverait ? C'est qu'il serait perdu pour tout le monde.
On ne peut pas ouvrir une carrière dans les environs de Tournai sans déplacer des couches de minerai de 7 à 8 mètres, il faut en faire quelque chose, on est donc obligé de les jeler dans les carrières abandonnées, où ils sont perdus, nous demandons à pouvoir les vendre.
L'honorable M. Dechamps nous disait hier : La France ne prend plus nos fontes de moulage. Laissez donc entrer notre minerai en France, les propriétaires de minières pourront les vendre aux maîtres de forges d'Anzin et de Denain qui emploient aujourd'hui le minerai du Boulonnais et du Pas-de-Calais ; le minerai du Boulonnais est de la même qualité que celui des Flandres, et. le minerai du Pas-de-Calais est le même que celui des environs de Tournai.
Ces minerais arrivent à Anzin au prix de 8 francs le tonneau, le nôtre ne reviendra qu'à 4 fr. Ainsi avec le minerai des environs de Tournai on fera les fontes de moulage que nous ne pouvons plus exporter et nos minerais iront remplacer ceux du Boulonnais et du Pas-de-Calais.
En permettant la sortie de nos minerais, on ne fait aucun tort aux hauts fourneaux de notre pays et ou fait un bien immense aux propriétaires des environs de Tournai. Nos minerais rendent de 27 à 30 p. c., nous les offrons à 12 fr. à Charleroi, on nous les refuse. Les minerais des Flandres ont été offerts aux établissements de Pommerœul, de Larivière et de Charleroi ; tous ont refusé de les prendre.
Cependant on disait hier que le minerai coûtait aux hauts fourneaux de Charleroi jusqu'à 13 et 15 francs. J'ai ici une lettre du directeur-gérant de Couillet, qui refuse de prendre nos minerais à 12 francs.
Vous les refusez et vous nous forcez de les engloutir dans des carrières exploitées ; laissez-les donc sortir, elles serviront à faire en France de la fonte de moulage que vous ne pouvez plus exporter, cette mesure ne fera de tort qu'aux propriétaires de minières du Boulonnais et du Pas-de-Calais, et aux hauts fourneaux anglais qui livrent dans ce pays la fonte de moulage, j'ai dit.
M. le ministre des finances (M. Mercier). - Je ferai observer que le projet de loi n'est pas exclusif de l'exportation de certains minerais de l'arrondissement de Tournai.
J'ajoute que je n'ai pas assez étudié la question à ce point de vue. Je ne pourrais pas prendre d'engagement à cet égard ; mais je déclare bien volontiers que la question sera étudiée à ce point de vue.
- La discussion est close.
Vote de l’article unique et des amendements
M. le président. - Je mets aux voix la proposition d'ajournement de M. Brixhe, qui est ainsi conçue :
« Je demande que la proposition de la section centrale soit ajournée pour être prise en considération lors de la révision des lois douanières. »
- L’appel nominal étant demandé il est procédé à cette opération.
(page 857) En voici le résultat :
79 membres répondent à l'appel.
43 membres répondent oui.
36 membres repondent non.
En conséquence la proposition est adoptée.
Ont répondu oui : MM. de Muelenaere, de Ruddere de Te Lokeren, de Theux, de T'Serclaes, de Wouters, Dumon, Dumortier, Faîgnart, Jacques, Lambin, Maertens, Magherman, Malou, Manilius, Matthieu, Mercier, Osy, Pirmez, Rodenbach, Tack, Thibaut, T'M. Rousselle, deuxième vice-président de Naeyer, Vanden Branden de Reeth, Vander Donckt, Van Iseghem, Van Overloop, Vilain XIIII, Visart, Wasseige, Ansiau, Anspach, Brixhe, de Baillet-Latour, de Brouwer de Hogendorp, Dechamps, de Decker, de Haerne, de La Coste, de Liedekerke, Dellafaille, de Man d'Attenrode, F. de Mérode et de Mérode-Westerloo.
Ont répondu non : MM. de Moor, de Naeyer, de Perceval, de Pitteurs, de Portemont, de Renesse, de Steenhault, Dubus, Frère-Orban, Goblet, Julliot, le Bailly de Tilleghem, Lebeau, Lejeune, Lesoinne, Loos, Mascart, Moreau, Prévinaire, Sinave, Tesch, Thiéfry, Vandenpeereboom, Van Hoorebeke, Verhaegen, Vervoort, Allard, Coomans, Coppieters 't Wallant, Dautrebande, de Breyne, de Bronckart, Rogier, Delfosse, Deliége et Delehaye.
M. le président. - Il reste à la Chambre à statuer sur l'amendement de M. Julliot, qui établit un droit d'un franc par mètre cube sur le minerai de fer à l’entrée comme à la sortie et sur l'amendement suivant, présenté par MM. Wasseige et Thibaut.
« Par dérogation au paragraphe premier de l'article 2 de la loi du 26 avril 1853, le gouvernement pourra autoriser la sortie, par toutes les frontières, des minerais violets (oligistes).
« Il pourra aussi autoriser la sortie de tous minerais de fer, par la frontière entre l'Escaut inclusivement et la mer. »
Auquel de ces deux amendements la Chambre veut-elle donner la priorité ?
M. de Theux. - L'amendement de M. Brixhe tendait à faire ajourner la libre sortie en général. Celui de MM. Wasseige et Thibaut n'admet la libre sortie que de certains minerais. Je pense qu'il faut d'abord statuer sur cet amendement. On verra ensuite si l'on veut établir un droit à la sortie.
M. Vandenpeereboom. - Je crois au contraire qu'il faut d'abord mettre aux voix l'amendement de l'honorable M. Julliot qui a un caractère général puisqu'il s'applique à tous les minerais.
Après quoi, la Chambre verra si elle veut admettre l'exception que proposent par leur amendement MM. Wasseige et Thibaut.
M. Julliot. - Si la Chambre ne considère pas mon amendement comme ajourné, je le maintiens parce que je le crois utile.
Je crois que l'on doit établir des droits à l'entrée et à la sortie, afin de faire de l'argent.
Si la Chambre admet l'observation de l'honorable préopinant, elle donnera la priorité à mon amendement.
M. Malou. - Ce que la Chambre a décidé, c'est l'ajournement de la question de principe, en ne réservant que les exceptions. Nous l'avons tous compris ainsi. La Chambre, en ajournant la proposition de la section centrale, a prononcé implicitement l'ajournement de l'amendement de M. Julliot, qui admettrait d'une manière générale la sortie du minerai de fer moyennant un droit minime. S'il n'en est pas ainsi, nous n'avons pas fait une chose sérieuse.
M. Tesch. - Si j'ai bien entendu tantôt, on a expressément déclaré que l'ajournement ne portait que sur la proposition de la section centrale.
M. Visart. - On s'est trompé.
M. Tesch. - Soit ! Mais le vote est acquis à ceux qu'on aurait trompés. C'est dans ces termes qu'on s'est expliqué. C'est en raison de ces termes que plusieurs ont voté l'ajournement.
On ne peut détruire un vote par l'observation qu'on se serait trompé. C'est en votant par appel nominal sur l'amendement de l'honorable M. Julliot que vous lèverez les doutes. Alors personne n'aura a se plaindre.
J'avais demandé la parole pour faire une observation qui se rattache à l'amendement de M. Julliot.
Il y a certaines parties du pays, comme le Luxembourg, qui jouissent de la libre sortie du minerai. Je pense que si l'amendement de M. Julliot était adopté, il ne s'appliquerait pas à cette partie du pays.
- Plusieurs membres. - A cette partie du pays comme au reste.
M. Tesch. - Comment ! sous prétexte de placer le pays sous un régime plus libéral, vous frapperiez le minerai de certaines provinces de droits qu'elle ne paye pas aujourd'hui !
S'il en est ainsi, je sous-amenderai l'amendement de M. Julliot au second vote, et je recommencerai la discussion.
M. le ministre des finances (M. Mercier). - Quoique le gouvernement combatte et l'amendement de M. Julliot et celui de MM. Wasseige et Thibaut, je dois déclarer qu'il avait été entendu que la proposition de la section centrale était seule ajournée. Toutes les autres propositions doivent être mises aux voix.
M. Wasseige. - Il me semble que mon amendement doit avoir la priorité ; car je demande la libre sortie pour une catégorie spéciale de minerai. Si l'amendement de M. Julliot était adopté, le mien ne pourrait plus être mis aux voix : car après avoir établi d'une manière générale un droit à la sortie, on ne peut admettre la libre sortie.
Il est donc indispensable que la Chambre se prononce avant tout sur notre amendement.
M. Vandenpeereboom. - Je persiste à penser que d'après tous les précédents de la Chambre l'amendement de M. Julliot doit avoir la priorité dans le vote, comme s'éloignant le plus de la proposition principale.
Ce qui n'est pas douteux, car le gouvernement propose de laisser sortir le minerai par certaines frontières.
MM. Wasseige et Thibaut proposent de laisser sortir certains minerais sans droits par certaines frontières, tandis que l'amendement de M. Julliot établit d'une manière générale un droit de sortie qui est un simple droit de balance.
Si l'amendement de M. Julliot est rejeté, on votera sur l'amendement de MM. Wasseige et Thibaut. Si au contraire l'amendement de M. Julliot est adopté, on pourra examiner au deuxième vote s'il n'y a pas lien d'exempter du droit de sortie les minerais exportés en vertu de cette disposition.
M. de Mérode. - Vous voyez, messieurs, quelle confusion résulte de toute cette accumulation d'amendements mis les uns sur les autres. Ainsi voilà qu'on propose un droit à la sortie et en même temps la libre sortie. Ce sont des dispositions inconciliables.
M. Thibaut. - La règle qui résulte de la loi actuelle, c'est la prohibition à la sortie. La section centrale demandait qu'on substituât à la prohibition, la liberté complète à la sortie. La Chambre a décidé l'ajournement de cette proposition. L'amendement que j'ai présenté avec l'honorable M. Wasseige propose seulement la libre sortie de certains minerais, libre sortie qui est en opposition avec la prohibition qui existe. On pourrait, dans mon opinion, voter sur cet amendement et voter ensuite sur l'amendement de l'honorable M. Julliot. Si la Chambre décide que les minerais violets sont libres, c'est-à-dire ne sont plus prohibés, elle pourra encore décider ensuite s'il y aura un droit de balance d'un franc par mètre cube.
Il est donc évident qu'on doit voter d'abord sur notre amendement.
M. de Theux. - La question est très simple Quand l'amendement de l'honorable M. Julliot est-il né ? C'est lorsqu'il s'est agi de donner une grande extension à la libre sortie du minerai. Evidemment cet amendement ne serait pas venu si l'on était resté dans le statu quo. L'honorable M. Julliot a voulu atteindre un grand résultat. Eh bien, commençons par décider s'il y aura libre sortie du minerai indiqué par les honorables députés de Namur. Si la Chambre se prononce pour l'affirmative, on mettra ensuite aux voix l'amendement de l’honorable M. Julliot.
M. Julliot. - On vient de présenter les observations que je voulais faire moi-même.
J'ai voulu éviter que d'une part il y eût prohibition à la sortie et d'autre part qu'il y eût liberté complète.
Lorsque j'ai fait ma proposition, mon intention était qu'elle s'appliquât à tout le monde. Il ne peut plus en être ainsi. Cependant, comme je crois le principe bon, je maintiens mon amendement. Mais je crois qu'il ne peut être mis le premier aux voix, car en cas d'adoption, celui de MM. Thibaut et Wasseige n'aurait plus de raison d'être.
M. Frère-Orban. - Il me semble qu'il est très facile de résoudre les deux questions. On pourrait d'abord voter, et c'est ce qui me paraît le plus logique, sur l'amendement de l'honorable M. Julliot, parce qu'il s'applique à tous les minerais indistinctement ; et il sera entendu que cela étant, si l'amendement des honorables MM. Wasseige et Thibaut était adopté, il ferait exception au principe général résultant de l'amendement de l'honorable M. Julliot. Ainsi les minerais seraient frappés d'un droit léger à la sortie, sauf les minerais violets ; et au second vote, l'honorable M. Tesch pourrait user du droit qu'il s'est réservé de présenter un sous-amendement quant aux minerais de la province de Luxembourg.
M. Dechamps. - J'avoue que je commence à ne plus rien comprendre à ce débat.
L'honorable M. Frère propose d'admettre le droit d'un franc à la sortie de tous les minerais, et après que la Chambre aurait décidé qu'un droit d'un franc par mètre cube frappe tous les minerais à la sortie, il serait entendu que l'on excepterait :
1° Au second vote, les minerais du Luxembourg ;
2° Les minerais oligistes ;
3* Les minerais des Flandres.
Car sans cela, vous rendriez la position du minerai des Flandres plus mauvaise que ne le propose le gouvernement.
Vous voyez dans quelle confusion vous allez vous trouver. Je crois que ce qu'il y a de plus simple, c'est de voter d'abord sur la proposition de l'honorable M. Wasseige qui est corrélative au projet de loi. Avec cet amendement nous restons dans les termes du projet de loi. Mais l'amendement de l'honorable M. Julliot est, au fond, le même que celui que vous venez de rejeter, et je dis que la Chambre pourrait même moins s'en rendre compte. Car de la libre sortie, je pouvais m'en rendre compte, et il n'en est pas de même du droit d'un franc.
(page 858) M. Frère-Orban - L'honorable M. Dechamps ne comprend pas la question telle que nous la posons, je dois dire que je la comprends encore moins telle qu'il la pose, lui. Il veut qu'on vote d'abord sur la proposition de M. Wasseige, ensuite sur la proposition du gouvernement et en troisième lieu sur la proposition de M. Julliot. Ainsi la Chambre aura décidé que le minerai de fer oligiste peut sortir, que le minerai des Flandres peut sortir ; ira-t-elle ensuite les frapper d'un droit de sortie ? Pour opérer ainsi il faut faire toutes les réserves dont on parlait tout à l'heure ; il faut qu'il soit expressément entendu que la Chambre pourra faire à son vote telles modifications qu'elle jugera convenables.
Eh bien, messieurs, pourquoi ne pas procéder logiquement, voter d'abord sur la proposition de M. Julliot, qui s'applique à tous les minerais, et se prononcer ensuite sur les exceptions ?
M. le ministre des finances (M. Mercier). - L'honorable M. Julliot a pris au sérieux le vote d'ajournement qui vient d'être émis par la Chambre ; il fait remarquer que son amendement ne peut plus s'appliquer qu'aux espèces de minerai dont la sortie serait autorisée, puisque la question générale a été ajournée. L'honorable membre est donc parfaitement logique en demandant qu'on vote d'abord sur les propositions partielles relatives à tels et tels minerais déterminés.
M. Wasseige. - Messieurs, si vous adoptiez la manière de procéder indiquée par l'honorable M. Frère, voici ce qui pourrait arriver : nous pourrions adopter d'abord l'amendement de l'honorable M. Julliot qui frappe d'un droit à la sortie tous les minerais, et voter ensuite toutes les exceptions proposées. Il en résulterait que les minerais du Luxembourg, les minerais oligistes et les minerais des Flandres sortiraient librement et que l'amendement de M. Julliot ne s'appliquerait plus qu'aux minerais prohibés.
M. Vandenpeereboom. - L'honorable M. Wasseige dit que si nous procédons de la manière indiquée par l'honorable M. Frère, il pourrait arriver que le droit ne s'appliquât plus qu'aux minerais prohibés. Je ferai remarquer à la Chambre que si l'amendement de l'honorable M. Julliot était adopté, il n'y aurait plus de minerais prohibés, puisque cet amendement a précisément pour objet de lever la prohibition d'une manière générale.
- La Chambre, consultée, décide qu'elle votera d'abord sur la proposition de M. Wasseige.
Cette proposition est mise aux voix par appel nominal et adoptée par 45 voix contre 28.
Sept membres se sont abstenus.
Ont voté l'adoption : MM. de Moor, de Muelenacre. de Naeyer, de Perceval, de Pitteurs, de Portemont, de Renesse, de Sécus, de Steenhault, de Theux, de T'Serclaes, de Wouters, du Bus, Frère-Orban, Lambin, le Bailly de Tilleghem, Lebeau, Lejeune, Loos, Maertens, Mascart, Moreau, Prévinaire, Rogier, Tack, Tesch, Thibaut, Thiéfry, Tremouroux, Vanden Branden de Reeth, Vandenpeereboom, Van Hoorebeke, Van Overloop, Verhaegen, Vervoort, Wasseige, Allard, Coppieters 't Wallant, Dautrebande, de Baillet-Latour, de Breyne, de Bronckart, de Brouwer de Hogendorp, de La Coste, Delfosse et Deliége.
Ont voté le rejet : MM. de Ruddere de Te Lokeren, Dumon, Dumortier, Faignart, Wagherman, Malou, Matthieu, Mercier, Osy, Pirmez, Rodenbach, Sinave, T'M. Rousselle, deuxième vice-président de Naeyer, Vander Donckt, Van Iseghem, Vilain XIIII, Visart, Ansiau, Anspach, Brixhe, Dechamps, de Decker, de Liedekerke, Della faille, de Man d'Attenrode, de Mérode-Westerloo et Delehaye.
Se sont abstenus : MM. Coomans, de Haerne, de Mérode (Félix), Jacques, Julliot, Lesoinne et Manilius.
M. Jacques. - Messieurs, notre tarif est déjà compliqué à l'excès ; je n'ai pas voulu admettre une proposition qui établit encore des différences entre les minerais de fer.
M. Julliot. - Je ne pouvais pas voter le maintien de la prohibition de certains minerais, puisque je veux qu'ils puissent sortir tous ; je ne pouvais pas voter la sortie en franchise de droits, puisque j'ai proposé l'établissement d'un droit fiscal.
M. Lesoinne. - Je n'ai pas voulu voter contre la liberté partielle de la sortie ; d'un autre côté, je ne pouvais pas admettre un amendement qui consacre un privilège, qui détruit l'égalité devant la loi, proclamée par la Constitution pour tous les citoyens.
M. Manilius. - J'ai fait connaître les motifs de mon abstention lorsque j'ai développé mon amendement.
M. Coomans. - Je suis pour le principe de la liberté, mais je n'ai pu admettre une disposition exceptionnelle.
M. de Haerne. - Je me suis abstenu parce que la question, comme j'ai eu l'honneur de le dire tout à l'heure, doit être mûrement examinée par le gouvernement.
M. de Mérode. - Je me suis abstenu par les mêmes motifs que l'honorable préopinant.
M. le président. - Je vais maintenant mettre aux voix la proposition de M. Julliot.
M. Frère-Orban. - Je demanderai quelle est là portée du vote que nous allons émettre ? Il a été entendu, je pense, que l'amendement ne s'appliquerait plus qu'aux minerais autres que le minerai violet et ceux qui sont déjà libres à la sortie.
M. Julliot. - Messieurs, mon intention était d'appliquer un droit à tous les minerais qui sortiraient du pays ; maintenant la Chambre vient d'ajourner la question de la levée de la prohibition en général ; pour ma part je ne voudrais pas procéder par surprise, revenir par un détour à une question jugée ; le droit que j'ai proposé s'appliquerait donc aux minerais du Luxembourg, aux minerais compris dans la proposition de M. Wasseige et aux minerais des Flandres si la proposition du gouvernement est adoptée.
M. Prévinaire. - Il résulte des explications de M. Julliot. qu'il entend appliquer sa proposition aux minerais pour lesquels la prohibition aura été levée, c'est-à-dire aux minerais des Ardennes, au minerai violet et aux minerais dont il s'agit dans le projet du gouvernement. Il importe de préciser la portée que donne l'honorable M. Julliot à son amendement.
M. le ministre des finances (M. Mercier). - Messieurs, des honorables membres semblent vouloir donner à l'amendement une signification qui soit favorable à l'opinion qu'ils ont exprimée sur le fond du débat ; mais l'honorable M. Julliot vient de définir la portée que son amendement doit avoir dans le sens que je l'avais moi-même expliqué tout à l'heure, c'est-à-dire qu'il s'appliquera uniquement aux minerais dont la sortie aura été autorisée par les différents votes de la Chambre.
M. Tesch. - Il est de toute évidence, messieurs, que dans le principe l'amendement de M. Julliot n'avait pas la signification que l'honorable membre vient de lui donner. L'amendement était un progrès dans la voie de la liberté commerciale. L'honorable M. Julliot voulait remplacer la prohibition à la sortie par un simple droit fiscal, son discours est là pour expliquer son amendement en ce sens. C'était donc, je le répète, un pas dans la voie de la liberie commerciale. Aujourd'hui que fait l'honorable M. Julliot ? La Chambre a décrété la libre sortie de certains minerais et M. Julliot fait un pas de recul et veut frapper d'un droit ces mêmes minerais déclarés libres à la sortie.
Aussi, messieurs, quelle est votre position en ce moment ? Ceux qui pensent qu'il faut laisser à chacun le droit de disposer de sa propriété, ceux qui pensent qu'il faut apporter à la sortie du minerai le moins d'entraves possible eussent été amenés, évidemment, après l'ajournement de la proposition de la section centrale, à voter la propostion de l'honorable M. Julliot, tandis que maintenant nous sommes mis dans la nécessité de voter contre cette proposition.
Dans le principe, l'amendement, moins radical que celui de la section centrale, pouvait avoir notre appui ; aujourd'hui nous devons voter contre.
Si l'honorable M. Julliot veut rester conséquent avec l'idée qu'il a exprimée dans son discours, s'il veut rester fidèle à ses opinions, son amendement doit avoir cette signification-ci : Le minerai des Flandres, le minerai oligiste et le minerai du Luxembourg, sortiront en franchise des droits ; les autres minerais ne sortiront que frappés d'un certain droit. Voilà quelle doit être la véritable signiiicalion de l'amendement de M. Julliot.
M. le ministre des finances (M. Mercier). - Messieurs, il ne faut pas qu'il y ait surprise. Avant le vote qui a eu lieu sur l'amendement des honorables MM. Thibaut et Wasseige, j'ai expliqué comment le gouvernement avait compris l'amendement de l'honorable M. Julliot avec l'assentiment de cet honorable membre ; la Chambre a fait chose sérieuse sans doute en ajournant l'examen de la question fondamentale ; l'honorable M. Julliot a d'ailleurs déclaré lui-même qu'il n'entendait pas que son amendement s'appliquât à d'autres minerais que ceux dont la sortie serait autorisée par les votes de la Chambre. Il n'est permis à personne d'expliquer l'amendement autremeut que l'auteur ne l'a entendu lui-même.
M. Julliot. - Messieurs, après le vote de la Chambre qui a ajourné la grande question, je me suis dit : Mon amendement ne se rattache plus maintenant qu'aux minerais qui peuvent déjà sortir du royaume et aux minerais nouveaux dont la Chambre autoriserait la sortie. Je ne suis pas partisan des exceptions ; mais je reconnais que je ne puis, par un chemin détourné, revenir à un point d'où j'ai été repoussé, en m'y dirigeant par la ligne droite.
M. Frère-Orban. — Messieurs, il est impossible d'admettre la» signification qu'on veut donner, maintenant à l'amendement de l'honorable M. Julliot. La discussion qui a précédé le premier vote le prouve à l'évidence. Pourquoi a-t-on demandé qu'on votât d'abord sur l'amendement des honorables MM. Thibaut et Wasseige ? Parce que cet amendement avait un caractère moins général que celui de l'honorable M. Julliot ; les honorables MM. Thibaut et Wasseige proposaient la sortie, par toutes les frontières, des minerais violets, ainsi que la sortie de tous minerais par les frontières entre l'Escaut inclusivement et la mer ; l'honorable M. Julliot demandait que tous les minerais sans distinction pussent sortir par toutes les frontières moyennant un droit d'un franc par mètre cube.
J'avais proposé à la Chambre de voter d'abord sur l'amendement de l'honorable M. Julliot, sauf à réserver les exceptions qu'on voulait faire.
(page 859) La Chambre n'a pas admis cet ordre de vote ; elle a accordé la priorité à l'amendement des honorables MM. Thibaut et Wasseige ; elle a donc décidé d'abord que tels minerais sortiraient librement.
Maintenant reste l'amendement de l'honorable M. Julliot, à savoir si tous les autres minerais sortiraient moyennant un droit.
Que l'honorable M. Julliot ait attaché un caractère général à sa proposition, cela résulte du discours qu'il a prononcé en la développant ; maintenant l'honorable M. Julliot ne peut pas venir prétendre que son amendement s'applique exclusivement aux minerais que la Chambre vient de déclarer libres à la sortie. Evidemment, ce n'est pas là sa pensée.
L'amendement de l'honorable M. Julliot étant maintenu, doit être mis aux voix avec sa véritable signification, à savoir si les minerais, autres que ceux qui sortiront librement d'après le vote de la Chambre, pourront également sortir moyennant le droit proposé par l'honorable membre.
M. Delfosse. - Je ne connais qu'un amendement de l'honorable M. Julliot, c'est celui qui a été déposé sur le bureau ; il doit être mis aux voix tel qu'il a été déposé, à moins que M. Julliot ne le retire.
L'amendement tel qu'il a été déposé s'applique à tous les minerais de fer ; si M. Julliot ne le croit pas compatible avec les votes que la Chambre vient d'émettre, il peut le retirer, mais il ne peut le modifier en ce moment, la discussion étant close.
M. de Theux. - Messieurs, la question me paraît très simple. Supposons que la motion d'ajournement, faite par l'honorable M. Brixhe, eût été écartée, alors l'amendement de l'honorable M. Julliot recevait l'application générale que l'honorable M. Frère veut lui donner ; mais maintenant que la Chambre a prononcé l'ajournement de la question de la libre sortie du minerai de fer fort, il est évident que l'amendement de l'honorable M. Julliot ne peut plus s'appliquer à ce minerai ; il ne peut s'appliquer qu'aux minerais qui peuvent sortir en vertu des votes de la Chambre.
M. Dechamps. - Messieurs, dans une question aussi grave que celle-ci, je crois que la Chambre ne peut pas vouloir un vote contradictoire ; elle ne peut pas vouloir que nous nous déjugions à quelques minutes d'intervalle.
Or, c'est ce que nous ferions en fait, en votant sur l'amendement de l'honorable M. Julliot, avec la signification que nos honorables contradicteurs veulent donner à cet amendement. L'honorable M. Julliot voulait un droit à la sortie, applicable à tous les minerais, et par toutes les frontières.
La Chambre a décidé tout à l'heure qu'elle ajournait la question de la libre sortie du minerai ; qu'elle demandait au gouvernement un nouvel examen et que la question serait résolue plus lard.
D'un autre côte,l\a Chambre, en 1853, a décrété la libre sortie du minerai de fer par la frontière du Luxembourg ; elle vient de décréter la libre sortie du minerai oligiste ; et si elle adopte le projet de loi du gouvernement, la libre sortie s'étendra au minerai des Flandres ; or nos honorables contradicteurs demandent maintenant qu'on applique un droit de balance à tous les autres minerais sortant par toutes les autres frontières ; c'est-à-dire qu'en réalité ce serait un enfantillage qu'on aurait fait.
M. Prévinaire. - Messieurs, un seul mot. Il est évident que la Chambre a été saisie de deux propositions d'application générale ; l'une, émanée de la section centrale, devait avoir pour effet de permettre la sortie, sans aucun droit, de tous les minerais ; l'autre, présentée par l'honorable M. Jullioit levait la prohibition, mais frappait la sortie d'un droit.
La Chambre s'est prononcée sur la proposition de la section centrale. La proposition de l'honorable M. Julliot reste à résoudre.
Or, la Chambre doit voter sur cette proposition dans les termes où' elle a été présentée, c'est-à-dire comme une atténuation de ce que la mesure de la libre sortie complète pouvait avoir de froissant pour certains intérêts. L'amendement de l'honorable M. Julliot devait avoir une application générale ; la Chambre avait à opter entre deux systèmes d'un caractère général, entre le système de la section centrale et celui de l'honorable M. Julliot.
M. Julliot. - Tout le monde veut interpréter ma pensée, cependant j'y suis pour quelque chose. J'ai attaché mon amendement à la proposition de la section centrale. Maintenant que cette proposition a été ajournée, c'est à la Chambre à statuer sur mon amendement, à décider s'il est entraîné dans l'ajournement qu'elle a adopté ou s'il est encore debout.
- Plusieurs voix. - Retirez-le !
M. Julliot. - En présence des difficultés qu'il soulève, je retire mon amendement.
M. le président. - A quel jour la Chambre veut-elle fixer le second vote de l'amendement de MM. Wasseige et Thibaut ?
- Un grand nombre de voix. - A samedi.
- Le second vote est renvoyé à samedi.
La séance est levée à 4 heures 3/4.