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Chambres des représentants de Belgique
Séance du samedi 19 janvier 1856

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1855-1856)

(Présidence de M. de Naeyer, vice-président.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 363) M. Ansiau procède à l'appel nominal à une heure et un quart.

M. Maertens lit le procès-verbal de la séance d'hier.

- La rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la Chambre

M. Ansiau présente l'analyse des pièces qui ont été adressées à la Chambre.

« Les membres du conseil communal de Saint-Pierre demandent le rétablissement du crédit pour distribution de chaux à prix réduit. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Des secrétaires communaux du canton de Maeseyck déclarent adhérer à la pétition de plusieurs secrétaires communaux, en date du 21 décembre. »

« Même déclaration des secrétaires communaux du canton de Hasselt. »

- Même renvoi.


« Le conseil communal de Dour demande une station d'étalons dans cette commune. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget de l'intérieur.


« Plusieurs habitants d'Oostcamp prient la chambre de voter le crédit nécessaire pour le rétablissement des stations d'étalons d'Oostcamp et de Courtrai. »

« Même demande de plusieurs habitants de Bruges. »

- Même décision.


« Des cultivateurs et éleveurs dans les cantons d'Ath, Lens et Chièvres demandent que le gouvernement augmente le nombre de stations d'étalons. »

- Même décision.


« Plusieurs cultivateurs dans les cantons de Leuze, Peruwelz, Antoing, Tournai, Celles et Frasnes demandent une seconde station d'étalons dans l'arrondissement de Tournai. »

- Même décision.


« Des fermiers de l'arrondissement de Thuin demandent |e maintien des allocations en faveur du haras. »

- Même décision.


« Le conseil communal de Nivelles présente des observations en faveur du projet de loi relatif à la concession d'un chemin de fer de Luttre à Denderleeuw et demande que cette ligne soit dirigée par Nivelles et Hal. »

M. Trémouroux. - Je demande le renvoi de toutes les pétitions relatives à cet objet, y compris celle de M. Delaveleye, à la section centrale qui sera chargée d'examiner le projet de loi.

- Cette proposition est adoptée.


« Les sieurs de Gronckel, Lindemans et Veydt, conseillers provinciaux, présentent des observations en faveur du chemin de fer de Luttre à Denderleeuw. »

- Même renvoi.


« L'administration communale de Tubise demande que le chemin de de fer Luttre à Denderleeuw, dont la concession est demandée par les sieurs Waring, passe par Nivelles et Tubise. »

« Même demande de plusieurs habitants de Tubise et de l'administration communale de Quenast. »

- Même renvoi.


« Plusieurs habitants de Lennick-Saint-Quentin prient la Chambre de rejeter le projet de loi relatif à la concession d'un chemin de fer de Luttre à Denderleeuw. »

- Même renvoi.

Motion d"ordre

Date de fermeture de la chasse

M. de Renesse (pour une interpellation). - J'ai demandé la parole, pour adresser une interpellation à ‘lhonorabre ministre de l'intérieur. Dans le Moniteur d'avant-hier, se trouve inséré l'arrêté royal, fixant la fermeture de la chasse au 31 du mois de janvier ; par le paragraphe 2 de cet arrêtés l'on permet la chasse au gibier d'eau et de passage, jusqu'au 1er mai, pour toutes les provinces, excepté pour les provinces de Limbourg et de Liège ; il me semble cependant que ces provinces peuvent invoquer la même faculté, elles sont traversées, non seulement par la Meuse, mais aussi par plusieurs autres rivières, il y a de nombreux marais ; j'ai donc l'honneur de demander à M. le ministre de l'intérieur, de vouloir nous informer pourquoi le Limbourg et la province de Liège ont été exceptés du bénéfice de la chasse au gibier d'eau et de passage ?

M. le ministre de l'intérieur (M. de Decker). - Messieurs, il est d'usage administratif que chaque année l'époque de la fermeture des diverses chasses soit réglée d'après les avis de MM. les gouverneurs de province. Cette année-ci, comme cela se pratique chaque année, l'administration centrale a consulté MM. les gouverneurs, et, si je ne me trompe, les avis de MM. les gouverneurs ont été suivis. L'arrêté royal, tel qu'il a paru au Moniteur, est le résultat des avis donnés par ces fonctionnaires.

M. de Renesse. - Jusqu'ici, je crois que dans les provinces de Liège et de Limbourg, l'on a toujours obtenu la faculté de pouvoir y continuer cette chasse jusqu'au 1er mai.

Je demande que M. le ministre veuille bien examiner si ces deux provinces ne se trouvent pas dans la même position que les autres.

Dans le Limbourg, la Meuse parcourt une grande partie de son territoire ; dans la Campine, il y a de nombreux marais, où l'on chasse les bécassines, le canard sauvage et les autres oiseaux de passage ; il en est, de même pour la province de Liège, surtout dans le Condroz, et dans une grande partie de l'arrondissement de Verviers. J'ose donc espérer que M. le ministre de l'intérieur voudra bien examiner ma juste réclamation eu faveur de ces deux provinces et y faire droit.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Decker). - J'examinerai de nouveau la question ; et s'il y a des rectifications à faire, je les ferai volontiers. Mais je persiste à croire qu'on a suivi les avis de MM. les gouverneurs.

Projet de loi accordant un crédit supplémentaire au budget du ministère des travaux publics

Discussion générale

M. le président. - La discussion générale continue.

M. Malou. - Messieurs, nous désirons tous, je le pense, conserver à l'Etat l'administration du chemin de fer. Le chemin de fer occupe une grande place dans notre situation financière, et en même temps dans notre situation industrielle. Dans le budget des voies et moyens, il est représenté par un revenu brut de 24 millions et par un revenu net de dix à onze millions.

Indiquer ces chiffres, c'est signaler quelle est l'importance réelle du débat engagé en ce moment. Si, en effet, par une meilleure administration du chemin de fer, nous pouvons en augmenter le revenu net, nous créons en même temps une grande ressource financière, nous pouvons éviter de recourir à des impôts nouveaux dont l'établissement est difficile et dont la perception est onéreuse.

Mais, messieurs, à quelles conditions, par quels moyens peut-on conserver l'exploitation du chemin de fer entre les mains de l'Etat ? Il ne suffit pas, messieurs, pour obtenir ce résultat, de signaler quels seraient les inconvénients d'une cession à l'industrie privée, mais il faut que l'exploitation du chemin de fer de l'Etat soit organisée de telle manière, que l'Etat fasse aussi bien, sinon mieux que les compagnies. Ce n'est qu'à cette condition, à cette condition seule que l'exploitation du chemin de fer de l'Etat pourra être conservée entre les mains du gouvernement.

En sommes-nous à ce point après vingt années d'exploitation ? Le gouvernement a-t-il fait pour conserver le chemin de fer ce qu'il était essentiel de faire ?

Il suffit, messieurs, d'invoquer les faits pour démontrer que le gouvernement n'a pas, jusqu'à présent, employé des moyens suffisants, des moyens efficaces pour éloigner, pour amoindrir l'idée de la cession aux compagnies.

Les comparaisons, pour quiconque a parcouru les chemins de fer étranger et le nôtre, les comparaisons, il faut bien l'avouer, sont toutes, sur tous les points, désavantageuses à l'exploitation belge. Elles sont désavantageuses à l'exploitation belge quant au matériel, quant aux voies, quant au service, sur tous les points, en un mot, dont se compose l'administraiion du chemin de fer de l'Etat, nous sommes encore aujourd'hui, après vingt années, dans un état réel d'infériorité vis-à-vis des bonnes compagnies, des compagnies bien organisées qui exploitent les chemins de fer étrangers.

Faut-il se hâter de conclure à l'incapacité radicale du gouvernement ? Faut-il au contraire, en ayant beaucoup d'indulgence, attribuer cette infériorité à des tâtonnements, à des incertitudes qui se sont prolongées pendant vingt années ?

Quelle que soit l'opinion qu'on adopte à cet égard, je dis que le temps des hésitations, des incertitudes, des tâtonnements doit être désormais passé.

On nous disait hier, et c'est une vérité acquise au débat : il y a eu autant d'organisations que de ministres qui se sont succédé aux affaires. Il y a encore un correctif à cela : il y a eu beaucoup d'organisations sur le papier ; il y a eu beaucoup de ministres réels, mais d'organisations réelles, fonctionnant dans l'administration, il y en a eu beaucoup moins, il y en a eu très peu.

Et, messieurs, les ministres des travaux publics se sont succédé même plus rapidement que d'autres.

Il n'y a guère que l'honorable M. Van Hoorebeke qui a joui d'une longévité exceptionnelle comme ministre des travaux publics. Et cependant nous trouvons aujourd'hui le débat sur le chemin de fer replacé sur le même terrain où il était avant l'institution des deux commissions, une grande commission, une commission consultative, permanente suivant les uns, transitoire suivant les autres, mais, enfin, le débat se trouve au même point où il se trouvait avant l'institution de ces deux commissions.

(page 364) On nous dit encore, et c'est l'honorable ministre des travaux publics : L'Etat n'a pas, à beaucoup près, le matériel nécessaire pour faire tous les transports qui doivent s'effectuer au prix du tarif sans réduction ; et dans un article du Moniteur, publié le 15 de ce mois, le ministre demande l'indulgence du public parce qu'il dispose de moyens trop restreints pour pouvoir satisfaire à ces besoins. Voilà, messieurs, l'état avoué, reconnu, de notre chemin de fer en 1856, à la vingtième année de son exploitation.

Quel est donc le problème ? Quel est le moyen de sortir de cette situation ? A mon avis, il n'en existe qu'un seul : il faut introduire dans l'administration du chemin de fer un principe nouveau : la fixité d'organisation. Il faut, en outre, donner les moyens financiers nécessaires pour que le chemin de fer produise ce qu'il peut produire, dans l'état actuel de la population et de l'industrie en Belgique.

La fixité d'organisation, comment peut-elle être obtenue ? Ne nous le dissimulons pas : la fixité d'organisation ne peut être obtenue qu'au moyen d'une loi organique du chemin de fer de l'Etat.

Le chemin dè fer de l'Etat, ainsi que je le disais tout à l'heure, pour pouvoir continuer à être exploité par le gouvernement, doit concilier les nécessités administratives avec le caractère spécial d'une entreprise privée, d'une entreprise commerciale.

Déjà, messieurs, pour l'un des services les plus importants du chemin de fer, la nécessité d'une loi organique spéciale a été reconnue dès 1846.

Vous vous rappellerez eu effet que lorsqu'on a discuté la loi générale sur la comptabilité de l'Etal, une exception a été admise en principe à l'égard du chemin de fer de l'Etat et il a été bien entendu que ce mot « comptabilité » comprenait tout le service financier du chemin de fer de l'Etat, les recettes comme les dépenses du chemin de fer.

Le gouvernement était obligé, en vertu de la loi de principe, à présenter une loi spéciale dans la session de 1846-1847. Cette loi a été présentée, elle a été ensuite retirée, et jusqu'à présent elle n'a pas été reproduite. Donc, il n'a pas été satisfait sur ce point au vœu de la loi générale sur la stabilité.

Cependant, messieurs, s'il est une vérité évidente, c'est qu'on ne peut, sans le plus grand dommage pour I'Etat et pour le chemin de fer, soumettre cette entreprise aux règles générales de la comptabilité de l'Etat.

Et en effet, pour ne citer qu'un ou deux faits hors de ces règles, c'est que tout objet qui est devenu inutile à l'entreprise, doit être remis aux agents du domaine et vendu au profit du ministre des finances. Que résulte-t-il de là ? Qu'on préfère dépenser, par exemple, vingt ou vingt-cinq mille francs, pour une vieille patraque de locomotive qui ne vaut que dix mille francs, plutôt que de verser dix mille francs dans la caisse du ministre des finances, en privant la caisse du chemin de fer d'une ressource utile de dix mille francs.

Un autre exemple : Si l'on devait exécuter la loi sur la comptabilité, les rails détériorés d'une manière quelconque doivent être vendus comme vieux fer, au profit du ministre des finances. Eh bien, il est reconnu aujourd'hui qu'en remaniant les vieux rails, on fait à peu de frais des rails nouveaux, qui sont meilleurs que les rails anciens.

Je dis que pour les recettes comme pour les dépenses du chemin de fer de l'Etat, il est absolument nécessaire qu'une loi organique, conformément au vœu de la loi sur la comptabilité, soit présentée à la Chambre.

Il résulte encore d'autres conséquences dommageables de cette application du droit commun, lorsque, dans une entreprise particulière, lorsque, par exemple, dans la plus grande entreprise de transports que nous ayons en Belgique, les messageries Van Gend, il survient quelque avarie, le dommage est payé à l'instant, sans qu'on doive suivre les lenteurs d'une instruction administrative, il y a une responsabilité organisée et une réparation immédiate.

Voyez, messieurs, ce qui se passe en Belgique et vous vous convaincrez que le jour où vous aurez donné sous ce rapport les mains à l'organisation spéciale du chemin de fer de l'Etat, vous aurez considérablement augmenté le produit net du chemin de fer.

On y aura plus de confiance, on y recourra plus souvent.

Lorsqu'il s'est agi de mettre à l'ordre du jour le projet de loi qui nous occupe, j'ai fait remarquer une autre conséquence de l'organisation actuelle, c'est que l'Etat, par suite de cette organisation, est le plus mauvais payeur, le plus mauvais débiteur qu'il y ait en Belgique. Comme il paye le plus mal, il en résulte cette conséquence forcée qu'il est le plus mal servi, et qu'il paye le plus cher pour être le plus mal servi.

Cette loi organique du chemin de fer ne devrait pas se borner au service de la comptabilité, il faudrait organiser complètement l'administration du chemin de fer de l'Eiat.

Une commission permanente doit-elle prendre place dans cette organisation définitive ? Faut-il surtout une commission dont les éléments soient parlementaires ? Eh bien, messieurs, sans méconnaître en aucune façon les services qui ont été rendus par la dernière commission que nous ne connaissons que d'une manière imparfaite puisque les proces-verbaux n'ont pas été publiés, je crois que dans une organisation définitive une pareille commission ne doit pas trouver place. Il faut opter entre les deux systèmes.

Comme toutes les administrations ont une organisation particulière, on ne peut pas greffer un service sur l'autre. On ne peut pas constituer le ministre des travaux publics à l'état de mineur, ayant non pas seulement un tuteur et un subrogé-tuteur, mais en ayant huit ou dix tuteurs qui enchaîneront d'autant plus la liberté d'action du gouvernement que ce seront des hommes plus considérables ayant plus de poids.

Je dis qu'un semblable système d'organisation est en dehors de ce qui s'est fait et doit être pour qu'une administration, dont l'action doit être constante, instantanée, puisse fonctionner.

On cite deux analogies ; on dit : Les grandes compagnies ont un comité permanent ; il y a une différence immense entre le comité permanent de la compagnie du Nord et la commission consultative établie pour le chemin de fer de l'Etat.

Quand une administration est nombreuse, on comprend la nécessité de constituer une sorte de comité permanent, de pouvoir exécutif ayant une action plus directe, plus instantanée. C'est ce qui s'est fait dans les compagnies.

On citait une autre analogie ; c'est ce qui existe au ministère des finances. En effet, il y a deux conseils au ministère des finances. Mais de quoi se composent ces conseils ? des chefs de service du département se réunissant pour des affaires essentielles sur lesquelles ils sont consultés par le ministre pour lui soumettre une proposition collective.

Y a-t-il ici rien de semblable dans la commission qui a existé. L'administration y est à peine représentée ; c'était sans elle et contre elle que le conseil devait fonctionner.

Sans méconnaître les services rendus par la commission, je ne pense pas qu'une pareille institution doive nrouver place d'une manière définitive, permanente, dans l’organisation du chemin de fer de l'Etat.

Maintenant l'on nous dit : Il y a une force d'inertie ; il y a des bureaux ; les bureaux sont la cause de tout le mal ; pour ma part, moi, qui me suis trouvé longtemps dans les bureaux ou à la tête de bureaux, je n'ai jamais vu d'administration qui n'eût pas de bureaux.

Il y a, messieurs, je ne dirai pas dans notre organisation, parce que je ne veux pas l'appeler une organisation, mais il y a dans l'état actuel des choses une autre cause qu'il faut se hâter de faire disparaître. Nous avons non pas un département des travaux publics, mais nous avons réellement à Bruxelles trois membres épars d'un département des travaux publics. Nous avons une partie du ministère à la Place Royale, nous en avons une autre partie rue Royale et une troisième partie à un bon kilomètre de là, à la station du Nord.

Il semble au premier abord que cela soit indifférent à la marche d'une bonne administration. Mais j'en appelle à tous ceux qui ont passé au banc ministériel : n'est-il pas évident que la facilité des affaires, que la prompte expédition des affaires dépend le plus souvent des relations directes et immédiates qui s'établissent entre le ministre et ses chefs de service ; et si une administration peut fonctionner à la rigueur lorsque ses membres sont épars, à des distances comme celle que j'ai indiquée, c'est évidemment au préjudice d'une bonne expéditioa et d'une prompte instruction des affaires.

Il faut donc non seulement poser les principes d'uue bonne organisation financière du chemin de fer, il faut admettre les améliorations inhérentes à une pareille entreprise, mais il faut faire comme on a fait pour beaucoup d'autres institutions au point de vue financier et ait point de vue politique, il faut déterminer par une loi les bases de l'administration, afin de la mettre à l'abri des tiraillements, des incertitudes, des vicissitudes ministérielles.

Il faut en troisième lieu qu'on centralise le ministère des travaux publics, qu'on en réunisse les diverses parties soit à la Place Royale, soit à la station du chemin de fer ; mais il faut qu'il n'y ait plus réellement qu'un seul département où les chefs puissent se réunir, et qui ne nécessite plus de correspondances entre le ministre et ses subordonnés, des relations excessivement lentes et pénibles. Si j'entrais dans les détails, il y a telle lettre adressée à M. le ministre des travaux publics qui, avant de recevoir une réponse, a parcouru plus de 10 kilomètres dans Bruxelles par suite de la dispersion des diverses parties de l’administration. Il est impossible, je le répète, que dans une pareille situation, les affaires marchent convenablement. Quel que soit le zèle, quelle que soit la bonne volonté des agents, quelque nombreux qu’on les fasse, pour satisfaire à de pareilles exigences, l’administration des affaires doit en souffrir, et chacun de nous sait qu’elle en soufre très réellement.

Une seconde condition est nécessaire, disais-je tout à l'heure, pour que le chemin de fer reste entre les mains de l'Etat et produise les bienfaits que le pays est en droit d'en attendre : c'est, messieurs, que l'on donne au chemin de fer de l'Etat les moyens financiers qui lui sont nécessaires, qui lui sont indispensables dans l'état actuel des choses. Messieurs, il ne faut pas se le dissimuler, le chemin de fer de l'Etat se trouve dans une infériorité réelle vis-à-vis des compagnies.

Dans une compagnie bien administrée, on ne prend pas en quelque sorte tous les bénéfices que donne l'entreprise. Une partie des bénéfices de l'entreprise, soit au moyen d'un fonds de réserve, soit au moyen d'un amortissement, tourne en définitive au profit de l'entreprise et l'améliore en quelque sorte par ses propres forces. Je pourrais, par exemple, citer en Belgique un chemin de fer exclusivement industriel, constitué au capital de trois millions et demi, contemporain du chemin de fer de l'Etat, créé en 1835 et qui déjà, sur un capital de 3,500,000 fr., (page 365) a dépense 11 à 12 cent mille francs en améliorations affectées à l'entreprise elle-même. Ainsi le tiers du capital pris sur le bénéfice même de l'entreprise a passé au développement de l'affaire et à ses progrès. Si la même proportion avait été appliquée au chemin de fer de l'Etat, le chemin de fer serait outillé aujourd'hui, il serait complet et son revenu net serait considérablement augmenté.

Nous disons, par exemple : on a reconnu en 1847 qu'il fallait 25 millions pour compléter le chemin de fer, et depuis lors, à certaine époque, nous avons voté 6 millions, à telle autre époque 9 millions. Nous avons presque voté les 25 millions qu'on reconnaissait alors nécessaires. Messieurs, il y a huit à neuf ans de cela, et pendant ces huit à neuf ans il aurait fallu également continuer l'amélioration du chemin de fer. Il fallait prendre sur son bénéfice, si je puis parler ainsi, quelque chose pour le consacrer au développement même de l'entreprise. Il est aujourd'hui reconnu, il suffit de consulter les compte rendus des compagnies, que ce ne sont pas les transports qui font défaut aux chemins de fer placés dans de bonnes conditions, dans des conditions analogues aux nôtres ; c'est presque toujours le matériel, ce sont les moyens d'action qui font défaut, et il est reconnu également que partout la recette est généralement proportionnelle aux sacrifiées qu'on fait pour le matériel, pour les moyens de traction.

Il est très facile de démontrer que la proportion que nous avons en Belgique est très inférieure à celle qui existe sur d'autres chemins de fer.

Il en est où l'on est arrivé à avoir une locomotive par trois kilomètres, et l'on trouve que ce n'est pas encore assez. En Belgique nous sommes bien loin de là, non pas pour les locomotives qui existent dans notre compte-rendu, mais pour des locomotives sérieuses, pour des locomotives utiles qui peuvent marcher plus de quinze jours sans aller à l'hôpital.

Nous avons à peine fait en Belgique ce qui était nécessaire pour maintenir le matériel dans un état tel quel. Nous n'avons pas fait des efforts non seulement proportionnés aux besoins, mats proportionnés à la seule extension matérielle de l'exploitation par l'Etat.

Ainsi on a concédé, en vertu de la loi de 1851, le chemin de fer de Dendre-et-Waes qui doit être exploité par l'Etat, qui a 108 kilomètres, c'est-à-dire à peu près le sixième de tout le chemin de fer de l'Etat.

Avez-vous en dehors de ce que vous deviez faire pour le réseau que vous exploitiez avant 1855, augmenté votre matériel d'un sixième ? Non, vous ne l'avez pas fait ; et aujourd’hui vous êtes obligé de reconnaître que le matériel que vous avez est très insuffisant sous tous les rapports et de présenter dans le Moniteur des excuses au public.

Ainsi il faut donner au chemin de fer les moyens de développer considérablement, d'améliorer le matériel. Il faut le faire par l'Etat ou il faut le laisser faire à des tiers au profit de l'Etat. Voyons, messieurs, quelle est la nature du placement que je provoque l'Etat à faire.

Admettons qu'un waggon pour le service des marchandises coûte en moyenne 2,000 fr. Supposons-le louer au taux que l'Etat impose, 180 jours par an. A 5 fr. par jour, c'est un produit brut de 900 francs. J'accorde à l'Etat 10 p. c. pour l'amortissement de ce matériel, et par un double emploi, je lui accorde 10 p. c, pour l'entretien de ce matériel, pour le conserver toujours à l'état de matériel neuf. Je déduis ces 20 p. c. ; il lui reste encore un produit de 500 fr. ou 25 p. c. du capital consacré à la construction du waggon. Si l'on trouve que 180 jours d'emploi est trop, qu'on ne puisse espérer une location de 5 fr. pendant 180 jours de l'année, qu'on en prenne la moitié. Il reste encore un placement fait à l'intérêt de 12 1 /2 p. c.

Je ne parle ici que de la question financière. Mais il y a un autre intérêt qu'il faut considérer : c'est une position intolérable pour le gouvernement que de devoir marchander chaque jour avec le public, lorsqu'il est le plus grand entrepreneur du pays, les moyens de faire les transports qu'on réclame de lui. Eh bien, dans l'état actuel des choses, lorsqu'un établissement industriel sollicite 20 à 25 waggons pour un temps assez long, quel est le plus grand succès qu'on puisse obtenir ? C'est d'avoir 2 ou 3 waggons pour quelques jours.

Je dis qu'aussi longtemps qu'un pareil état de choses subsistera, le chemin de fer risquera considérablement, quels que soient les discours, de passer aux mains de l'industrie privée. C'est là qu'il faut remédier et non ailleurs. On a des waggons, mais le matériel locomotives, d'après tout ce que nous voyons, d'après tout ce qui se passe chaque jour, esl insuffisant, est incomplet et en grande parlie détestable.

Quelle est la recette qu'une bonne locomotive peut faire par année et quel est le coût d'une bonne locomotive ? cette bonne locomotive peut faire par année une recette moyenne de 100,000 à 125,000 fr., et elle coûte de 75,000 à 80,000 fr. au maximum.

Je dis, messieurs, qu'en présence de ces faits, le gouvernement serait inexcusable s'il ne demandait pas à la Chambre des moyens suffisants, complets, pour que son matériel soit à la hauteur des besoins qui se sont révélés, qui croissent chaque jour, tandis que l'action du gouvernement n'est pas du tout proportionnelle à ces besoins.

Il y a deux moyens pour le gouvernement de faire les fonds nécessaires à l'exploitation du chemin de fer : l'un de ces moyens, que les circonstances, si elles s'améliorent, peuvent rendre facile, c'est l'emprunt direct ; l'autre, c'est un emprunt fait par le chemin de fer lui-même.

Messieurs, j'invoque encore ici l'analogie de ce qui se passe dans les compagnies bien organisées. Elles usent du crédit qu'elles ont et elles en usent de manière que les preneurs d'obligations y trouvent un grand avantage et que le revenu du matériel, créé par ce moyen, amortit en très peu de temps le capital emprunté. Et l'Etat qui a son crédit si bien établi, qui pourrait emprunter, soit de cette manière, soit d'une autre, l'Etat ne fait absolument rien.

Quel inconvénient y aurait-il à créer, par exemple, pour 8 ou 10 millions d'obligations dans les conditions usitées en France et qui ont même déjà pénétré en Belgique ? Ainsi on donne un intérêt assez bas et on y ajoute une certaine prime qui est répartie par la voie du sort ; on on émet, par exemple, à 300 francs des obligations à 3 p. c. qui se remboursent par 500 francs. Je suis convaincu que de semblables obligations trouveraient des preneurs en Belgique ; ce serait pour l'Etat une manière très peu onéreuse de se procurer du matériel, et il n'en peut résulter aucun inconvénient.

En effet, messieurs, il suffirait de faire sur le produit même que ce matériel aurait créé, une certaine réduction ; au lieu de produire pendant dix ans 15 ou 20 pour cent ; il produirait douze, le reste étant consacré à l'amortissement du prix de l'acquisition. Voilà en quoi consiste l'opération que d'autres font et que le gouvernement ne fait pas.

J'ai déjà, messieurs, proposé ce moyen et on m'a fait une objection ! On me dit : Ces obligations seraient des bons du trésor déguisés. Nou, messieurs, il y a une très grande différence.

Voici ce qui se passe pour les bons du trésor, et ce qui les a rendus justement impopulaires : lorsque pour le chemin de fer, pour le matériel, pour les voies, nous émettons des bons du trésor, à la première occasion qui se présente, on les consolide, ils passent dans la dette constituée, et chaque année nous portons au budget des voies et moyens tout le produit net du chemin de fer, sans en déduire l'intérêt des sommes empruntées. Ici, au contraire, nous éteindrions notre dette en très peu de temps ; nous effectuerions toutes les améliorations nécessaires au chemin de fer et nous éviterions d'augmenter, en quelque sorte d'une manière permanente, notre dette constituée.

Messieurs, je résume ces observations en quelques mois. Je demande que l'Etat, pour conserver le chemin de fer, lui donne une organisation stable, fondée sur les véritables principes et qui résulte d'une loi, parce que c'est le seul moyen de lui donner de la fixité. Je demande, en troisième lieu, que le gouvernement rende au pays le service de demander à la Chambre, pour le chemin de fer, tous les fonds qui sont nécessaires afin que le chemin de fer ne soit pas dans un état d'infériorité honteuse vis-à-vis des chemins de fer étrangers, afin que le chemin de fer de l'Etat rende au public, rende au commerce tous les services que nous avons le droit d'en attendre. Je le demande parce que, à mes yeux, c'est le seul moyen pour l’Etat, de conserver l'administration du chemin de fer.

Maintenant, messieurs, j'ajoute un mot sur la conclusion du débat qui est engagé en ce moment.

Je voterai le crédit qui est demandé. Je n'y ferai pas une réduction ni de 50 francs ni de 50 centimes. Voici pourquoi. Le crédit que nous discutons en ce moment s'applique à des faits accomplis, au passé ; il a pour objet de solder l'exercice 1855 ; si on faisait sur le crédit une déduction de 50 fr. ou de 50 cent., ou bien cela ne signifie rien ou bien cela signifie un blâme de ce qui s'est passé.

M. Frère-Orban. - J'ai fait connaître ma pensée.

M. Malou. - Vous dites que cela préjuge seulement la non-permanence de la commission. Eh bien, cela se décidera d'une manière équitable, utile, lorsque nous discuterons le crédit demandé pour 1856, et lorsqu'on aura fait droit à la demande de nos honorables collègues qui font partie du comité, lorsqu'on aura publié les procès-verbaux de leurs séances.

Jusqu'à ce que ces procès-verbaux aient été publiés et jusqu'à ce que vous discutiez un crédit qui préjuge, par la loi de budget, mais non après une loi de crédit supplémentaire, la permanence ou la non-permanence du comité, je voterai le crédit demandé en ce moment. Je le voterai encore avec plus de plaisir, je puis le dire, si M. le ministre veut bien avoir égard aux observations que je viens de présenter et soumettre à la Chambre (après quelques années, ce n'est pas trop demander) une loi qui règle enfin l'exécution de la loi de comptabilité générale et qui donnera au chemin de fer une organisation stable et les moyens de prospérer.

(page 371) M. Devaux - On a parlé, dans cette discussion, de l'éventualité de l'aliénation de nos chemins de fer ? J'ai déjà, dans plus d'une circonstance, énoncé mon avis sur les effets désastreux d'une pareille mesure ; je crois ne pas devoir y revenir aujourd'hui. Il me semble qu'en présence du bel intérêt que produit aujourd'hui notre chemin de fer, qu'en présence surtout de la progression non interrompue des recettes, progression qui est de plus d'un million par an, il n'y a aucune espèce de danger de voir désormais aliéner le chemin de fer. Ceux mêmes qui le convoitaient doivent être convaincus que le moment serait très mal choisi pour une pareille aliénation. Lorsque les produits du chemin de fer augmentent chaque année d'un million, sans qu'il soit possible de dire où s'arrêtera cette progression, il n'y a aucun danger que les Chambres puissent être amenées à en voter l'abandon.

Les Chambres et le gouvernement ne sont pas habitués, en Belgique, à faire des folies financières.

Je rentre donc dans la discussion qui nous occupe depuis plusieurs jours.

Je prierai avant tout les honorables membres qui foni partie de la commission, d'être bien convaincus que je rends justice à leurs intentions. Il n'entre nullement dans ma pensée de dire la moindre chose désobligeante pour eux, et je trouve leur zèle très louable. Mais il s'agit ici d'un rouage administratif qu'il faut juger en lui-même, abstraction faite des personnes.

Je n'ai pas non plus l'intention de dire ou de proposer quoi que ce soit qui puisse embarrasser le gouvernement ou qui puisse paraître un reproche pour les ministres présents ou passés. Je ne vois que le principe du conseil permanent et les conséquences qu'il peut avoir dans l'avenir, je ne m'occupe pas d'autre chose.

J'ai demandé la parole lorsque j'ai entendu dire qu'on s'étonnait de l'opposition que rencontrait cette mesure prise, en quelque sorte, du consentement de tous ; je dois rappeler qu'il y a eu en 1854 une assez longue discussion, que MM. E Vandenpeereboom, Frère ét moi, nous avons combattu cette mesure à l'avance. Le ministre d'alors a dit qu'il agirait sous sa responsabilité, qu'on pourrait examiner la mesure quand elle serait prise et il a même laissé entendre qu'il se conformerait à l'opinion que j'avais émise. J'examinerai tout à l'heure s'il s'y est conformé en effet.

Messieurs, s'il s'agissait d'une commission temporaire, nommée avec une mission précise et limitée, qu'une pareille commission fût composée de membres de la Chambre, de membres pris en dehors de la Chambre ou mi-partie des uns et des autres, je ne me serais pas levé pour la combattre.

Mais il s'agit d'un corps permanent, d'une véritable institution destinée à survivre à sa première composition et dont les vices, si elle en a, doivent à la longue engendrer toutes leurs conséquences.

Je ne suis pas opposé à toute espèce de commission permanente au ministère des travaux publics, mais je combats la commission avec les caractères qu'elle a aujourd'hui, je crois que l'existence d'un pareil corps est dangereuse.

Ce qui j'y blâme en premier lieu, ce que je crois dangereux au premier chef, c'est son caractère parlementaire. L'honorable M. Van Hoorebeke avait en quelque sorte promis, en 1854, d'ôter à la commission ce caractère ; hier il nous a fait remarquer que la première commission était tout entière ou à peu près tout entière composée de membres des Chambres, et que celle-ci ne l'est plus que pour la moitié.

Il est évident, messieurs, que la commission, bien qu'elle ne soit plus composée que par moitié des membres de la Chambre, a toujours le même caractère, il est évident que son élément le plus important, le plus influent, est l'élément parlementaire. Il est évident aussi que c'est à raison du rôle qu'y joue cet élément, qu'elle est formée, et je n'en veux d'autres preuves que les arguments de l'honorable M. Van Hoorebeke lui-même. Pour M. Van Hoorebeke, quel est le mérite de la commission, quelle est l'utilité qu'ily voit ? C'est son influence dans cette Chambre, c'est de faciliter les rapports entre les ministres et le parlement.

« Voyez, nous a-t-il dit, la facilité avec laquelle le gouvernement a pu subvenir aux besoins du chemin de fer, à l'aide de l'influence que la commission a exercée dans cette Chambre, à l'aide de la confiance qu'elle y a inspirée. »

C'est donc bien l'élément parlementaire qui domine dans la commission. C'est précisément ce caractère que je ne puis pas approuver.

Messieurs, quel en est le grand inconvénient ? C'est d'éteindre le contrôle parlementaire lui-même.

Il est évident que cette commission se composera toujours et précisément à raison du but parlementaire qu'on lui donne, des hommes qui exercent le plus d'influence dans les discussions relatives au chemin de fer ; or, ces hommes, faisant partie de la commission, y dépenseront leur activité, y exerceront leur influence ; et quand une mesure, sanctionnée par eux, sera présentée à la Chambre, qu'arrivera-t-il ? Il arrivera que dans les sections et dans la section centrale, ces membres se contrôleront eux-mêmes ; que, lors de la discussion publique, les débats seront sans importance, sans utilité, attendu que les membres les plus aptes à y prendre part l'auront sanctionnée d'avance.

L'honorable M. Van Hoorebeke en est pour ainsi dite convenu, le but de la commission était d'affaiblir le contrôle parlementaire. En effet, il vous a dit : « Voyez l'effet qu'a produit l'institution de la commission ; j'ai présenté à la Chambre une demande de crédit de 9 millions ; autrefois, on aurait eu une difficulté immense à obtenir une somme aussi considérable ; eh bien, non seuletncnt elle à été votée cette fois sans difficulté, mais elle a encore été votée in globo. »

L'honorable M. Van Hoorebeke n'a pas vu, préoccupé qu'il était de son ancienne position de ministre des travaux publics, n'a pas vu qu'en rappelant la facilité avec laquelle les 9 millions ont été votés, il signalait précisément le danger de sa commission.

La Chambre n'a jamais refusé au ministère des travaux publics ni à aucun ministère des sommes considérables, lorsque le besoin lui en a été démontré ; mais la Chambre exige que le gouvernement lui prouve l'existence réelle de ses besoins. Il faut que le gouvernement se donne cette peine. La Chambre se montre d'autant plus difficile que la dépense est plus grande, et elle se montre d'autant plus exigeante, que la dépense qu'on réclame est plus grande. Eh bien, je dis qu'il est bon qu'il en soit ainsi.

Ces difficultés que le gouvernement rencontre sont utiles. Il est bon que cette résistance aux grandes dépenses ne puisse être trop aisément franchie, et que le gouvernement soit obligé de faire de grands efforts pour convaincre la Chambre de leur utilité. Ce n'est pas assurément le département des travaux publics qui peut dire qu'en aucun temps la Chambre se soit montrée trop parcimonieuse à son égard ; et s'il y a quelque chose à craindre, ce n'est certainement pas qu'il soit trop difficile d'obtenir des Chambres l'argent que réclament les travaux publics.

Bien que j'admette qu'il y ait moyen de dépenser utilement au chemin de fer neuf millions et même davantage, je n'en reste pas moins convaincu qu'il eût été à désirer que le vote de neuf millions, dont parle M. Van Hoorebeke eût rencontré ici un contrôle un peu plus sévère et que dans le nombre des dépenses indiquées comme urgentes, il y en avait d'exagérées. Je crois que le vote in globo a été une autre mesure dangereuse, je n'en veux pour preuve que ce qui a été dit hier, par un membre de la commission ; ce membre est convenu qu'une certaine partie des neuf millions avait été distraite de la destination à laquelle ils étaient réservés.

Messieurs, vous l'avez entendu hier, la commission est venue vous faire connaître son impuissance ; eh bien, ce qui n'est pas impuissant, ce qui sera toujours plus puisssnt qu'une commission, c'est le contrôle parlementaire. Il ne faut donc pas l'affaiblir.

Oui, messieurs, par le contrôle parlementaire, malgré tous les défauts de l'administration du chemin de fer, nous arriverons à de bonnes règles administratives. Pourquoi n'y sommes-nous pas arrivés jusqu'à présent ? C'est qu'il s'agissait d'une chose nouvelle et sans exemple.

Si aujourd hui un département, comme le département de la guerre, par exemple, venait à surgir inopinément et sans précédents, voyez-vous qu'on trouvât en quelques mois, même en quelques années ton» les principes d'administration qui rendent aujourd'hui l'administration de ce département si régulière ?

Si, d'ailleurs, le contrôle parlementaire a été distrait de cet objet, cela tient à plusieurs causes, d'abord, les chemins de fer ont été sans cesse se complétant et s'étendant ; on ne pouvait donc faire que du provisoire pendant cette période de transition. Ensuite, pendant de longues années, la seule préoccupation de la Chambre a été la question des tarifs. Cette préoccupation n'est plus exclusive aujourd'hui, et le moment n'est pas loin où le contrôle parlementaire amènera une bonne organisation du chemin de fer.

Nous avons d'autres administrations qui sont fort compliquées, et partout nous sommes arrivés à de bonnes règles d'administration ; évidemment le contrôle parlementaire nous fera obtenir le même résultat pour le chemin de fer ; à ce point de vue, l'affaiblir serait la chose la plus fâcheuse que vous pussiez faire.

Sans doute, on peut s'impatienter des résistances qu'on rencontre dans la Chambre à obtenir quelques millions qui pourraient être utilement employés ; mais qu'on ne l'oublie pas, s'il est possible d'employer utilement un certain nombre de millions dans cet établissement, il serait possible aussi d'y gaspiller bien plus de millions encore ; et c'est pour cela qu'il faut que le contrôle des Chambres subsiste dans toute sa réalité.

Avec la commission, telle qu'on la conçoit, il est certain que le ministre n'a plus la responsabilité réelle des crédits qu'il vient demander ; c'est la commission qui l'en décharge.

Pourquoi, dès lors, le ministre s'attacherait-il à discuter et à réduire les crédits que les chefs de service lui demandent ? Et la commission qui n'a qu'une responsabilité collective, c'est-à-dire à peu près nulle, sûre qu'elle sera, d'ailleurs, de rencontrer beaucoup moins de résistance dans les Chambres, sera nécessairement à la longue plus facile que le ministre pour les crédits qu'on demande, et entraînera ainsi des dépenses exagérées.

Je viens, messieurs, de signaler un des inconvénients du conseil permanent ; mais il y en a bien d'autres encore.

Je demande dans quel état de hiérarchie serait, au bout de quelque temps le département des travaux publics, d'après l'exemple de ce que nous avons eu sous les yeux hier et avant-hier. Encore une fois je rends toute justice aux vues des honorables orateurs que nous avons entendus ; ils sont, j'en suis bien convaincu, animes des intentions les plus (page 372) gouvernementales, mais c'est la force des choses qui agit malgré eux. Or, messieurs, qu'avons-nous entendu ? Depuis deux jours de la part de deux membres de la commission, des plaintes continuelles contre l'inertie est le mauvais vouloir de l'administration qui ne veut pas suivre les conseils ou les ordres que la commission lui donne. Un des deux orateurs, à la vérité, a bien voulu excepter le ministre du reproche, et même le directeur général, mais en définitive pendant deux jours nous avons entendu deux membres d'une commission ministérielle venir, en leur qualité de membres de cette commission, mettre l'administration en cause devant le parlement et prouver tout au moins que le ministre ne sait pas se faire obéir.

Cela est-il de la hiérarchie administrative et de pareilles irrégularités ne doivent-elles pas finir par amener du désordre dans l'administration ?

On a été jusqu'à nous demander, à nous Chambre, de vouloir autoriser la publication des procès-verbaux, oubliant encore une fois qu'il s'agit d'une commission ministérielle et que ce n'est pas à nous mais au ministre qu'il fallait demander cette permission.

Ce qui est arrivé hier et avant-hier arrivera souvent et incessamment ; la commission essayera de se mettre au-dessus du ministre ; celui-ci ne sera que son pupille ou bien il aura l'air de se mettre en rébellion contre ses maîtres.

Je toucherai, en passant et en très peu de mots, une question qui a été soulevée dans le cours de cette discussion. Je veux parler des indemnités.

Je dirai, quant à moi, que l'esprit de nos lois actuelles me paraît interdire formellement aux membres de la représentation nationale de recevoir toute indemnité qui pût ressembler à un traitement. Or, il me paraît évident qu'une indemnité qui, à ce qu'on a dit, va jusqu'à 400 à 500 francs par trimestre ressemble singulièrement à un traitement, surtout lorsqu'on a égard au chiffre modique des traitements en Belgique ; scion moi, les membres de la législature qui font partie de commissions permanentes n'ont droit qu'au remboursement de leurs frais de déplacement et ils doivent s'interdire toute espèce d'indemnité pour leurs travaux.

Veuillez-le remarquer, messieurs, notre loi sur les incompatibilités a ses bons effets et ses inconvénients ; uu avantage incontestable, c'est d'écarter des membres de la législature tout soupçon d'influence d'argent de la part du gouvernement.

L'inconvénient, c'est d'éloigner de la Chambre beaucoup d'hommes éclairés qui se trouvent dans la magistrature et dans l'administration et de rétrécir le choix des électeurs. Si sans que la loi des incompatibilités fût changée, sans que l'accès dans cette enceinte fût ouvert aux hommes capables qu'elle en exclut ; il était permis aux membres de la Chambre de recevoir, sous forme d'indemnité ou de jetons de présence, ce que la loi ne leur permet pas de recevoir sous forme de traitements, il en résulterait que nous n'aurions pas l'effet utile de la loi des incompatibilités et que nous en aurions les inconvénients.

Messieurs, je ne sais pas si vous avez été frappés comme moi de cette espèce de refrain des discours des honorables membres de la commission que nous avons entendus et par lequel ils nous ont signalé à tant de reprises ce mauvais vouloir, cette inaction, cette force d'inertie qu'ils ont rencontrés de la part de l'administration,

Ces plaintes m'ont frappé ; mais je dois dire que je n'en suis pas étonné et que ce qui me surprend c'est que les membres de la commission n'aient pas vu que c'était là chose toute naturelle.

On oublie trop, messieurs, que le chemin de fer n'est pas une administration comme les autres ; dans la plupart des administrations que faut-il ? De la régularité c'est-à-dire l'exécution exacte des lois et pas autre chose.

Prenez par exemple l'administration des contributions ; que lui demande-t-on ? Qu'elle exécute les lois d'impôt, rien de plus. Il ne dépend pas des employés de cette administration d'augmenter le produit de ces lois, d'étendre le nombre des contribuables ou la matière imposable ; c'est la loi, ce sont des faits indépendants de leur volonté qui limitent le produit des impôts.

Quelques efforts qu'ils fissent, ils ne parviendraient pas à les reculer.

Le chemin de fèr est tout autre chose, c'est une entreprise commerciale.

Il ne suffit pas que les choses s'y fassent régulièrement suivant la loi, il faut qu'elles se fassent fructueusement ; ce n'est pas assez pour un commerçant que ses affaires soient régulières, et sa comptabilité bien tenue ; s'il se bornait là et si en même temps il ne consacrait pas son activité à étendre son commerce et à le rendre productif, il risquerait fort de mourir de faim. L'administration du chemin de fer a, outre ses devoirs de régularité, une autre mission à accomplir ; elle a à faire prospérer l'entreprise, à contribuer à l'extension de ses opérations et au développement de ses bénéfices.

Les employés de divers degrés peuvent à chaque instant et dans mille occasions diverses contribuer à ce résultat, par leur économie, leur zèle, leur prévoyance, leurs bons procédés envers le public et par une multitude d'actes de nature diverse qu'il est impossible de prévoir ou de prescrire, et dont l'absence ne saurait pas davantage être punie. Mais tous ces actes que vous ne pouvez attendre en quelque sorte que du zèle spontané des employés, pouvez-vous les espérer dans l'état ordinaire de l'administration ?

Pourquoi ces employés se donneraient-ils de leur propre mouvement tant de peine pour diminuer les dépenses et augmenter le revenu de l'établissement ? Mais augmenter les transports, c'est augmenter leur propre travail. Si vous doublez l'importance des transports, c'est double peine qui en résulte pour tout le monde, pour le directeur, les inspecteurs, les chefs de station et même pour les ouvriers ; tous sont intéressés, non pas à étendre les opérations comme l’intérêt de l'entreprise le commande, mais à les restreindre.

Pour ce qui concerne la dépense, plus on l'augmente, plus on peut rendre le service facile ; on peut employer six hommes au lieu de cinq on a plus de voitures, plus de matériel ; augmenter la dépense, c'est donc pour les employés se rendre service à soi-même, et l'on peut dire que chacun d'eux est intéressé à la fois à l’augmentation de la dépense et à la diminution du revenu. Sons ce double rapport leur intérêt est diamétralement contraire à celui de la prospérité de l'entreprise.

N'est-il pas naturel que la commission qui, elle, veut la prospérité croissante de cette entreprise, rencontre une force d'inertie, trouva des obstacles dans l'administration ? Comment en serait-il autrement, à moins que tous les employés du chemin de fer ne fussent des hommes exceptionnels, soustraits aux influences qui agissent sur la généralité des hommes ?

Ce qui me surprend, c'est que la commission pense, dans l'état actuel des choses, qu'il en puisse être autrement. Et comment la commission qui est si frappée du mal ne songe-t-elle pas que c'est là qu'il faut avant tout s'efforcer de porter un remède efficace ? La première chose à faire n'est-elle pas de changer cette position, cet intérêt des employés hostiles aux intérêts de l'entreprise ? Renversez cette situation ; faites que les employés, au lieu d'avoir réellement intérêt à ce que la prospérité de l'entreprise diminue, en aient à ce qu'elle s’étende ; et vous franchirez l'obstacle. Le mauvais vouloir que vous accusez se changera en coopération zélée, l'inertie en activité.

Tout sera dit. Les autres améliorations viendront d'elles-mêmes, car tout le monde se donnera la main pour les introduie, s'ingéniera même à les trouver. Donnez à votre administration le mobile de l'intérêt. Voilà ce que j'appelle organiser commercialement le chemin de fer.

Je n'appelle pas organisation commerciale l'emprunt qu'on fait aux compagnies de telle ou telle forme d'administration dont on dénature même l'esprit ; par exemple, l'emprunt qu'on leur fait, d'un conseil d'administration dont on change le caractère et le but, exclut autant tout intérêt dans les progrès de l'entreprise.

Ce qu'il faut emprunter aux compagnies et à l'industrie privée, c'est le mobile même qui les fait agir, c'est le mobile commercial : rattacher, par celui de l'intérêt commun à la prospérité de l’établissement les efforts de ceux qui peuvent lui être le plus utiles.

Pourquoi donc l'Etat ne pourrait-il faire ce que font les compagnies ? Les compagnies ont-elles à leurs services des êtres d'une nature particulière ? Non, mais ils obéissent à l'impulsion d'un autre mobile.

Donnez le même mobile aux employés de l'Etat, et des deux parts les résultats seront les mêmes. Si les compagnies font moins bien encore que les particuliers, c'est que chez les particuliers l'intérêt est plus grand encore et par conséquent plus actif, et plus vigilant. Messieurs, ceci n'est pas nouveau, je l'ai dit plusieurs fois, d'autres l'ont dit comme moi ; plusieurs ministres, en arrivant aux affaires, ont eu l'idée d'intéresser les employés à l'exploitation ; ils se sont arrêtés ; on a établi des primes pour les machinistes qui brûleraient le moins de combustible ; on en a obtenu de bons effets ; on n'a guère été plus loin.

Je crois que si on avait généralisé l'application du principe, si au moins on avait intéressé aux bénéfices de l'entreprise ceux qui peuvent exercer le plus d'influence sur leur accroissement, on aurait obtenu les meilleurs résultats et les autres améliorations seraient en quelque sorte venues d'elles-mêmes. Le ministre n'aurait eu eu que l'embarras du choix.

Plusieurs fois cependant on avait eu l'idée de généraliser la mesure, mais voici ce qui est arrivé ; on s'est adressé à des employés personnellement intéressés dans la mesure, on leur a dit de faire un projet par suite duquel toute l'administration serait intéressée dans les produits. Les auteurs de ces projets n'ont pas voulu qu'en aucun cas personne pût perdre quelque chose de sa position actuelle, et ils ont proposé de conserver les traitements actuels tout entiers en y ajoutant une part des bénéfices. Les ministres ont vu qu'il aurait fallu débuter par une grande dépense de plus, et ils ont recule devant la mesure. Cette dépense ne devait peut-être pas effrayer, mais, dans tous les cas, on pouvait l'éviter sans écarter pour cela le principe de la mesure.

Rien de plus facile que de faire qu'un certain nombre d'employés, de ceux qui peuvent avoir plus d'influence sur la recette et la dépense, aient une partie de leur traitement fixe et une autre variable suivant le produit net de l'exploitation, soit un tiers ou la moitié.

Si on ne veut pas débuter par une augmentation de dépense, il n'y a qu'à calculer le traitement variable de telle sorte qu'au moment de l'introduction de la mesure le traitement fixe et le traitement variable, pris ensemble, égalent le traitement actuel. Les employés objecteront que, s'il arrivait que les bénéfices diminuassent, leur position serait pire qu'aujourd'hui, et peut-être auront-ils quelque crainte sous ce rapport ; mais cette crainte sera d'un effet utile ; il est plus que probable (page 373) qu'elle ne se réalisera pas et que le produit du chemin de fer continuera d'être en progrès, mais il est bon qu'elle existe ; c'est un stimulant de plus aux efforts qu'ils feront pour accroître les bénéfices.

On a fait des objections de détail, on a dit : Comment donner un tantième du produit net aux employés ? qui arrêtera le produit net ? Ce sera la cour des comptes ; rien de plus simple que de déterminer de combien les recettes ont excédé les dépenses. Mais les exercices ne sont clos et arrêtés qu'au bout d'une certaine période, comment le traitement variable serait-il payé en attendant ?

Si vous décrétez la mesure en 1856, vous continuerez à payer les traitements actuels jusqu'à ce que l'exercice de 1856 soit clos. En 1859 le traitement variable sera introduit et il sera calculé cette année sur le produit net de l'exercice clos de 1856. En 1860 il sera calculé sur le produit net de 1857 ; en 1861 sur celui de 1858, et ainsi de suite. La fixation générale de ce traitement variable n'a rien de plus compliqué.

Je suppose que la mesure s'introduise en 1856, et que vous puissiez prévoir que le produit net de cette année ou de l'année précédente s'élèvera à 10 millions.

Prenons un employé à 6,000 fr. de traitement ; si on établit qu'en général la moitié de chaque traitement sera fixe et l'autre variable, il sera décidé qu'aux fonctions de cet employé seront attachés un traitement fixe de 3,000 fr. et un traitement variable de 300 millionièmes parties du produit net, ce qui, sur le pied de 10 millions, équivaut à 3,000 fr. ; si quelques années après la cour des comptes décide que d'après le produit net du dernier exercice clos, le millionième du produit net s'élève à 12 fr. et non plus à 10, le traitement variable de cet employé s'élèvera à 3,600 fr. et il en sera ainsi des autres employés dont chacun saura de combien de millionièmes du produit net se composera son traitement variable.

Messieurs, il est bien entendu que je donne ceci uniquement comme exemple et preuve de la facile application du principe que je voudrais voir introduit. Cette application peut se faire de beaucoup d'autres manières et je ne tiens qu'au principe lui-même.

Qu'on établisse peu à peu ce système et qu'on l'étende successivement. Dans l'industrie, aujourd'hui, partout où cela est possible, on s'attache à aiguillonner par l'intérêt le travail du moindre ouvrier. Partout on s'efforce de substituer le travail à la tâche au travail a la journée, c'est-à-dire d'intéresser l'ouvrier à sa propre activité.

Je crois, messieurs, que ce qui se fait par les compagnies peut se faire par le gouvernement, et que dans l'introduction du principe dont je parle, est le véritable nœud d'une bonne organisation du chemin de fer, d'une organisation à la fois profitable à l'Etat et utile au commerce et aux voyageurs.

Messieurs, je ne puis sanctionner par mon vote l'existence d'une commission que je crois impuissante et dangereuse. Mais je suis très indifférent sur le moyen d'émettre le vote.

Je prendrai très volontiers celui qui pourra le moins contrarier les membres de la commission et MM. les ministres. Comme l'honorable M. Frère, je n'attache aucune importance à la formule. Cependant, je dirai que remettre la décision de cette question au budget prochain, alors que nous avons mis quatre séances à la discuter, ce serait évidemment un double emploi. La question est mûre. Si l'on préfère une forme à l'autre, qu'on le dise. Mais je pense que sous une forme ou sous une autre, il faut nous prononcer définitivement.

(page 365) M. le président. - M. Frère a déposé l'amendement suivant :

« Je propose de réduire de 50 fr. le crédit de 12,000 fr. chapitre VII, article 91, dépenses imprévues non libellées au budget. »

M. Dumortier. - Messieurs, il y a quelque chose que je comprends difficilement dans ce débat.

Il y a quelques années, on se plaignait de toutes parts de la mauvaise organisation du chemin de fer, on se plaignait d'une foule de choses. Une grande partie de la Chambre désirait qu'une enquête fût faite pour examiner l'état du chemin de fer. Presque tout le monde était de cet avis lorsqu'on est venu faire des objections à la proposition d'enquête en demandant quoi ? La nomination d'une commission pour examiner les choses, pour donner des avis au ministre, pour tâcher d'opérer le redressement des abus.

Les choses allèrent à ce point, que la question de nomination d'une (page 366) enquête devint presque une question de cabinet. L'enquête fut écartée et M. le ministre des travaux publics prit l'engagement de nommer la commission. C'est sur cette déclaration du ministre que l'enquête fut écartée.

Le ministre, qui était alors l'honorable M. Van Hoorebeeke, si ma mémoire n'est pas infidèle, a exécuté sa promesse. Il a nommé une commission.

Messieurs, veuillez-le remarquer, le système d'avoir une commission auprès du chemin de fer de l'Etat n'était pas nouveau. Car en 1834 il avait déjà été proposé dans la discussion du projet de loi sur les chemins de fer. Déjà à cette époque il avait été question de nommer une commission prise dans le sein des Chambres pour surveiller l'exploitation du chemin de fer dans le cas où l'Etat l'eût exploité. Et pourquoi la commission n'avait elle pas été nommée à cette époque ? C'est parce qu'il n'entrait pas dans les intentions de faire exploiter le chemin de fer par l'Etat. Ce n'est que lors de la construction de l'embranchement de Bruxelles à Malines qu'à titre d'essai l'Etat se chargea de l'exploitation.

Ainsi, M. le ministre, revenant à l'idée primitive, à l'idée créatrice de la loi des chemins de fer, s'engageait, vis-à-vis de la Chambre, à nommer une commission. Cette nomination a donc eu lieu.

Maintenant je le demande, cette commission a-t-elle produit du bien ? A-t-elle produit du mal ? Si elle a produit du mal, vous avez parfaitement raison d'en demander la suppression. Si elle a produit du bien, vous faites au point de vue de l'Etat, au point de vue du trésor public, une très grosse faute en en demandant la suppression. Je crois qu'on ne peut pas placer la question sur un autre terrain.

La commission nommée en vertu de la volonté de la Chambre, a-t-elle produit du bien ? A-t-elle produit du mal ? Messieurs, j'ai fait partie de la première commission ; je n'appartiens pas à la commission actuelle. Mais je ne pense pas qu'il soit ici personne qui puisse contester un grand fait : c'est que les services de la commission et surtout des membres de la Chambre qui siégeaient dans la commission ont amené un résultat excessivement favorable et à l'entreprise et aux revenus au profit de l'Etat.

L'honorable M. Van Hoorebeke vous l'a fait remarquer dans une séance précédente, et l'on ne saurait trop le répéter, c'est aux travaux de la commission, à la transformation des tarifs qu'elle a opérée, qu'a été due principalement l'augmentation considérable des revenus. Comptez-vous cela pour rien ? Mais quand la commission n'aurait rendu que ce service, ne serait-ce pas déjà une chose considérable ?

Aussi, messieurs, tandis que jusqu'alors chaque année des discussions étaient élevées dans cette Chambre au sujet de la question des tarifs, vous voyez maintenant qu'il n'en est plus question.

A l'époque où il fut question de la commission, on allait jusqu'à demander la vente du chemin de fer à une société. D'autres demandaient l'exploitation du chemin de fer par une société. En un mot, il fallait quelque chose. Ce quelque chose, vous l'avez obtenu, et je demeure profondément convaincu que si, loin d'entraver la commission, on venait ici seconder ses louables efforts, ses fructueux efforts, des améliorations sans nombre seraient introduites dans l'exploitation du chemin de fer.

Les membres de la commission actuelle se sont transportés en Angleterre. Pensez-vous qu'ils aient été y faire un voyage d'agrément ? Mais ils ont fait ce voyage au mois de janvier, au milieu des rigueurs de l'hiver, au milieu des neiges, dans les circonstances les plus défavorables et ils en sont revenus, nous l'avons tous vu, harassés de fatigue. J'aime à rappeler ces faits ; j'aime à prendre la défense des membres de la commission dans cette enceinte, parce que je n'appartiens pas à la commission et que je dois rendre justice dans mon âme et conscience aux services qu'elle a rendus. Je regarde comme un devoir de conscience, moi qui ne partage pas l'opinion des orateurs qui attaquent la commission, de prendre sa défense.

Messieurs, comment les choses se sont-elles passées ? Pensez-vous que ce voyage si pénible qui, certes, n'a pas été un voyage d'amusement, a été fructueux pour l'Etat ?

Non, messieurs, et pourquoi ? Parce que ce voyage était fait avec des vues nouvelles, avec le désir d'améliorer et non point de rester dans l'ornière, parce que ce voyage était fait en vue de faire progresser le chemin de fer, de diminuer les dépenses et d'augmenter les revenus.

Il esi résulté de ce voyage une foule de renseignements utiles. Il en est résulté plus que des renseignements, il en est résulté je dirai une véritable révolution dans le système des locomotives. Lorsque les membres de la commission sont arrivés en Angleterre, nos ingénieurs ne voulaient entendre parler en aucune manière d'améliorer les locomotives ; on en était encore ici dans le système primitif des locomotives... (interruption) ou presque primitif. (Nouvelle interruption.)

Je prie l'honorable membre qui m'interrompt en termes très peu parlementaires, de remarquer que ce que j'avance est de la plus exacte vétité. Lorsque la commission est arrivée en Angleterre, elle n'a pu y trouver une seule locomotive du modèle de celles qui étaient employées en Belgique. Pourquoi n'en voulait-on plus ? Parce qu'elles ne valaient plus rien. Une lutte très violente eut lieu entre les membres de la commission et les ingénieurs ; ceux-ci prétenant que le système de locomotives belges était le meilleur et les membres de la commission soutenant, d’accord avec les ingénieurs anglais, que ce système était au rebut en Angleterre.

Il s'agissait de faire construire un grand nombre de locomotives et déjà les commandes étaient faites. Qu'a fait la commission ? Elle a acheté, en Angleterre, comme elle y était autorisée par le gouvernement, les locomotives les plus perfectionnées et elle a obtenu du ministre que les locomotives nouvelles seraient construites sur le modèle suivi en Angleterre.

D'où provient, messieurs, qu'il a fallu l'intervention de la commission pour amener une amélioration aussi importante ? Cela provient de ce qu'il y a, dans l'administration du chemin de fer, le plus déplorable esprit de routine, le plus déplorable esprit de fainéantise (Interruption), lar plus déplorable tendance à arrêter toute espèce d'amélioration.

M. de Moor. - Vous n'avez pas le droit de mettre ainsi au ban de l'opinion toute une administration publique, et cela sans articuler des faits.

M. Dumortier. - Je mets l'administration où elle doit être.

M. Lebeau. - C'est abuser de l'inviolabilité parlementaire.

M. Dumortier. - Je n'en abuse pas, j'en use et j'ai le droit d'en user. Et vous, M. Lebeau, qui êtes l'un des auteurs de la Constitution., vous devriez bien savoir que l'inviolabilité parlementaire a été créée pour qu'on puisse signaler les abus.

M. Frère-OrbanM. Frère-Orban. - Signalez les abus, mais ne vous renfermez pas dans des généralités.

M. Dumortier. - Je dis que l'administration est imprégnée d'un esprit de routine déplorable, que l'administration n'a aucune espèce d'intérêt à progresser, qu'elle reste toujours dans l'ornière, sans réaliser aucune espèce d'amélioration.

Ainsi combien de fois ne s'esl-il pas présenté en Belgique des hommes de génie qui avaient trouvé des perfectionnements de nature à améliorer la condition du chemin de fer ? Eh bien, chaque fois qu'un de ces hommes s'est présenté, il a été repoussé par les ingénieurs. Pourquoi ? Parce que les ingénieurs à diplôme, qui n'ont jamais rien inventé, ne veulent pas que d'autres inventent. Dernièrement encore un ingénieur qui, lui, n'est point diplômé, avait inventé un système dont le résultat presque certain était de faire économiser le tiers du combustible.

J'ai eu la preuve qu'en France on offrait d'acheter ce procédé, et j'ai dit à l'inventeur : Faites profiler le pays de votre découverte. J'en écrivis à Bruxelles, on reçut l’inventeur et on l'envoya chez un chef de service qui, en le voyant, lui dit : « Mais, mon ami, vous vous imaginez, d'inventer quelque chose ? C'est à nous, ingénieurs, de faire des inventions. » (Interruption.) Je répète textuellement ce qui a été dit. L'inventeur dit : « Mais, monsieur, vous n'avez pas encore vu mes plans. » « - C'est inutile, répondit le chef, je sais d'avance que votre invention ne vaut rien. » Eh bien, messieurs, aujourd'hui l'essai de ce procédé va se faire sur la ligue d'Orléans ; les ingénieurs français se sont immédiatement emparés de la chose.

Voilà, messieurs, l'esprit qui règne dans notre administration, et voilà ce que je condamne. Voilà ce qui me fait dire que l'administration du chemin de fer n'agit pas, qu'elle est impuissante à faire le bien.

Dans un pareil état de choses, que fallait-il ? Il fallait un ressort pour faire agir, et ce ressort on l'avait trouvé dans la commission, on l'avait trouvé spécialement dans les honorables membres qui ont bien voulu se dévouer à l'amélioration du chemin de fer.

Ainsi, messieurs, loin de chercher à supprimer cette commission, je désire, pour mon compte, qu'elle se fortifie, et elle le peut avec d'autant moins de danger que, suivant l'arrêté pris par l'honorable M. Van Hoorebeke, elle n'est que consultative, que dès lors elle ne peut en aucune manière empiéter sur l'action du gouvernement. Elle est là pour donner des conseils et rien que des conseils ; mais il y a cette différence entre le système de l'honorable M. Frère et celui que je défends, que dans ce dernier système le gouvernement peut consulter non seulement ses ingénieurs, mais encore la commission. Il y a là un double examen, éminemment propre à faire jaillir la lumière, ce qui ne peut que tourner à l'avantage de la chose publique.

Ainsi, messieurs, je déplore vivement, dans l'intérêt du chemin de fer, qu'on veuille supprimer une commission qui a rendu des services considérables à nos ressources et à l'exploitation, qu'on veuille la supprimer précisément au moment où elle est sur le point de rendre de nouveaux services.

On a souvent attribué le mauvais état de l'exploitation du chemin de fer à l'instabilité ministérielle. Sans doute l'instabilité ministérielle peut être pour quelque chose dans la difficulté de remédier aux abus ; mais si l'instabilité ministérielle est un mal, ayons au moins près du ministre une commission permanente dont l'existence sera un puissant remedu à ce mal.

Je sais bien, messieurs, qu'il y a un moyen, moyen indiqué tout à l'heure par l'honorable M. Devaux et que j’ai proposé moi-même il y a plus de 10 ans, c'est d'intéresser les employés du chemin de fer à la prospérité de l'entreprise. Quand j'ai fait cette proposition à la Chambre, j'ai beaucoup regretté de la voir repousser et je demeure profondément convaincu que c’est peut-être un des meilleurs moyens d'arriver aux améliorations de toute espèce. Quand je compare les revenus de notre chemin de fer aux revenus des chemins de fer étrangers, quand je vois tout ce que nous aurions à gagner sous ce rapport, je désire de tout mon cœur qu'on accepte ce système d'intéresser les agents du chemin (page 367) de fer aux résultais de l'exploitation. Je voudrais que ce système fût voté par la Chambre, je voudrais qu'une remise quelconque au-dessus de leur traitement fixe leur fût accordée, à mesure que les produits du chemin de fer donneraient un bénéfice net. Par là, vous auriez un résultat certain ; mais eussiez-vous même un pareil résultat, je dis que l'existence d'une commission, chargée de proposer des améliorations nécessaires, serait encore de la plus haute utilité.

Une pareille commission avait été réclamée en 1853 ; c'est à la demande expresse de la Chambre que l'honorable M. Van Hoorebeke a institué une commission de ce genre ; et cette commission, on veut la renverser aujourd'hui, alors qu'elle a rendu des services et qu'elle peut en rendre encore.

Quant à la question des indemnités, je n'ai qu'un mot à dire. Cette question est vieille dans cette Chambre. Il y a de bien longues années qu'elle y a été soulevée, et voici à quelle occasion, : M. H. de Brouckere, qui siégeait dans cette Chambre, avait été nommé membre d'une commission rétribuée. Nous nous sommes demandé si, en vertu de la Constitution, ce membre n'était pas sujet à réélection ; or, la Chambre a décidé, à une grande majorité, qu'il ne l'était pas.

M. de Perceval. - En quelle année cela s'est-il passé ?

M. Dumortier. - Il y a plus de vingt ans.

M. de Perceval. - La loi sur les incompatibilités n'existait pas alors.

M. Dumortier. - Il ne s'agit pas de loi sur les incompatibilités ! ; il s'agit de principe constitutionnel ; la loi sur les incompatibilités n'a rien de commun avec la position dont nous nous occupons.

Un cas semblable s'est présenté pour un honorable député de Verviers, M. Davignon ; la Chambre, encore une fois, a décidé qu'il n'y avait pas lieu à réélection. C'est donc une vieille question qui est tranchée dans cette Chambre par une foule de précédents.

Maintenant, lorsque des membres de cette assemblée veulent bien, en dehors des sessions, se rendre à Bruxelles, aller en Angleterre par les plus mauvais temps, dans un intérêt public, faut-il par hasard que les services qu'ils rendent, ils les payent encore de leurs propres deniers ? Cela est inadmissible.

Voulez-vous que les membres établissent un compte de clerc à maître ? Voulez-vous qu'ils viennent présenter leurs états de dépense que vous aurez le droit d'examiner et de discuter ? Es-ce là ce que vous voulez faire avec des membres du parlement qui proposent des améliorations dans le service de l'exploitation du chemin de fer ? Je dis que cela est pitoyable.

Dans toutes choses, il faut considérer la fin. La fin, c'est l'amélioration des recettes et la diminution des dépenses. Tout ce qui peut contribuer à améliorer les recettes et à diminuer les dépenses, aura mon assentiment, que ce résultat soit obtenu à l'aide d'une commission ou par tout autre moyen.

M. le ministre des travaux publics (M. Dumon). - Messieurs, je ne puis laisser sans réponse quelques observations de l'honorable M. Dumortier. Il est incroyable qu'un membre de la Chambre use de son inviolabilité parlementaire, pour venir, sans préciser aucun fait, jeter un blâme général sur tous les fonctionnaires d'une administration qui, jusqu'à présent, a rendu d'utiles services au pays. L'assertion de l'honorable préopinant est générale ; je lui réponds par une expression générale : c'est qu'en toute circonstance l'administration du chemin de fer s'est montrée digne de la confiance du gouvernement, et la Chambre lui a toujours rendu justice.

L'honorable M. Dumortier doit se rappeler que dans les moments les plus difficiles où s'est trouvé l'Etat belge, en 1848, aux époques de troubles, l'administration du chemin de fer a marché comme une armée en campagne.

Ce prétendu esprit de routine ne l'a pas empêchée alors de conduire ses trains d'une manière vraiment exemplaire et partout on l'a trouvée en mesure de satisfaire, avec un matériel et des moyens restreints, aux besoins les plus impérieux et les plus imprévus. Si c'est là de l'esprit de routine, je ne m'y connais plus.

Une autre observation m'est suggérée par un honorable voisin M. de Moor, c'est en Belgique où il arrive le moins d'accidents sur le chemin de fer. Quand arrive-t-il des accidents ? Le matériel ne répond-il pas aux besoins ? Le personnel n'est-il pas à son poste ? Nos locomotives ne font-elles pas arriver les convois en temps utile ? Je puis donc repousser d'une manière générale le blâme général que l'honorable M. Dumortier a voulu infliger à une administration.

L'honorable membre s'est servi des expressions esprit de routine, de fainéantise, d'administration encroûtée repoussant systématiquement tout progrès.

C'est là une accusation générale, elle est basée sur ce fait, qu'un inventeur ayant présenté son projet à un seul ingénieur, a été éconduit par lui. Or, messieurs, si l'administration pouvait mériter un blâme, ce serait, non pas de rejeter les idées nouvelles, mais de les accueillir trop facilement. Une preuve, c'est que nous n'avons pas deux locomotives du même système, deux voitures du même modèle.

Dans cette discussion, l'honorable M. Dumortier n'est pas le seul qui ait cru devoir attaquer l'administration ; des accusations moins graves ont été dirigées contre elles.

Un membre du comité a exprimé le regret qu'avant l'institutions de ce comité, on ait affecté une portion du crédit de 9 millions à une réparation importante effectuée aux machines fixes destinées à remorquer les convois sur les plans inclinés de Liège.

Il y a d'abord une erreur de fait à relever : c'est que la réparation ne doit pas coûter 250,000 fr. mais 125,000 seulement. De plus, cette dépense était utile. Le but principal n'a pas été de modifier le système de traction, mais de renouveler les chaudières qui étaient complètement usées ; il fallait les renouveler, parce qu'elles compromettaient les besoins du service. Maintenant que les changements sont terminés et que l'eau est revenue dans les puits de la station du Haut-Pré, l'administration se félicite de la décision qui a été prise à cette époque : les machines marchent plus vite et peuvent remorquer une plus grande charge.

Le service que l'administration a dû faire dans l'intervalle, au moyen de locomotives, l'a convaincu, plus que jamais qu'il était impossible d'organiser ainsi ce service d'une manière complète. Le service des plans inclinés est maintenant assuré au moyen d'une dépense de 150,000 francs.

Une autre exagération s'est fait jour dans le débat : c'est l'appréciation de l'économie produite par l'introduction d'un nouveau système de locomotive.

A en croire quelques membres, cette économie serait de 75 p. c. et infligerait à l'industrie belge en général le blâme le plus grand qui pût lui être infligé.

Une pareille assertion, émise dans le parlement belge sans réfutation, serait de nature à causer le plus grand tort à nos établissements industriels chargés de commandes pour l'étranger. Il est vrai que les machines du système Wilson, achetées en Angleterre, sont bonnes ; mais le prix en est bien plus élevé que celui des machines qu'on fournit dans le pays ; il n'est pas douteux qu'au prix que coûtent les machines anglaises, nous puissions nous procurer en Belgique des machines d'une même puissance.

L'administration du chemin de fer ne sait sur quels documents on s'est basé pour dire que l'économie de combustible était de 75 p. c. Ou ne peut arriver à ce résultat qu'en comparant la machine la plus neuve à nos deux plus vieilles machines.

Mais pour que la comparaison fut exacte, il fallait comparer les machines anglaises avec les machines belges de même dimension pour les cylindres et pour les chaudières ; dans ces conditions, les industriels belges ne craignent pas la comparaison. Si le renseignement produit était exact, s'il était vrai qu'il y eût une économie de 20 mille francs, comme nous avons 250 locomotives, la traction, au lieu de coûter quelque chose, finirait par rapporter.

L'industrie belge aurait tort de se préoccuper de cette espèce de blâme, après les derniers concours industriels où elle a remporté des palmes justement méritées ; si les assertions de quelques honorables membres lui sont défavorables, elle peut y opposer les succès que'lle a obtenus en Autriche où l'on avait établi un concours pour avoir les meilleures locomotives, capables de vaincre des difficultés qui ne s'étaient pas présentées jusque-là dans l'exploitation des chemins de fer. Le succès qu'elle a obtenu à l'exposition de Paris est un nouveau gage de celui qui l'attend dans les luttes qui pourront encore s'ouvrir.

On a reproché à l'administration sa résistance, sa force d'inertie opposée non seulement aux propositions du comité, mais aux intentions du ministre. Je ne crains pas d’être contredit en disant que je rencontre dans mon administration une obéissance complète à mes ordres, un concours empressé et le désir d'éclairer le ministre sur tous les points du service. Je ne puis partager avec MM. de Man et de Brouwer la solidarité de l'appréciation qu'ils ont faite, je dois revendiquer pour le personnel de mon administration le mérite du dévouement et de l'intelligence.

Quant au point spécial du débat résumé par l’amendement de l'honorable M. Frère, je dois déclarer qu'il m'est impossible de m'y rallier, le gouvernement croit qu'en tout temps il doit avoir le droit de nommer une commission fonctionnant à côté du ministre et l'éclairant sur les qusiions spéciales qui peuvent se présenter ; malgré les inconvénients qu'on a signalés, le comité consultatif a rendu assez de services pour que le gouvernement repousse dans cette circonstance l'amendement proposé.

Mais ce comité tel que nous l'entendons ne doit pas être administratif, les dangers ne sont rien à côté du bien qu'il peut produire en restant consultatif, avec des attributions réglées de telle manière que l'initiative de toutes les propositions appartienne au gouvernement, qu'il ne puisse se saisir, malgré le ministre, des affaires qui ne lui auraient pas été soumises. Je reconnais avec l'honorable A. Devaux le danger d'un comité composé d'éléments parlementaires, si les membres voulaient user de leur caractère parlementaire pour peser sur ce ministre et de leur qualité de membre du comité pour peser sur le parlement. Je reconnais l'immense danger d'un pareil système, mais je ne saurais voir, dans la présence de quelques membres des Chambres, dans un comité consultatif, les dangers auxquels on a fait allusion.

L'objection tirée du jeton de présence accordé aux membres du comité n'est pas plus fondée.

Il ne faut pas perdre de vue que le jeton de présence n'est pas une rémunération du temps passé dans le comité, mais de remboursement de frais et de dépenses occasionnées par les déplacements auxquels sont astreints les membres.

(page 368) - Un membre. - Pendant la session ?

M. le ministre des travaux publics (M. Dumon). - En dehors de la session.

Je dis que le jeton de présence est le remboursement de frais faits et n'a jamais été considéré comme un traitement on une indemnité.

Dans le cours de cette discussion d'honorables membres, tout en blâmant l'existence d'un comité, ont émis au sujet de l'organisation définitive de l'administration des chemins de fer, des idées dont la justesse ne saurait être méconnue. Le plus grand mal est l'instabilité, cela est vrai et la preuve en est dans l'exemple du département de la guerre qui par suite de l'existence des cadres obtient avec facilité toutes les allocations qui lui sont nécessaires ; la stabilité des différentes fonctions devra préoccuper le gouvernement quand il s'agira de créer une organisation nouvelle des chemins de fer. Si une organisation semblable pouvait obtenir l'assentiment de la Chambre, ce serait un gage certain de succès et d'amélioration continue.

L'honorable M. Malou a signalé une lacune, c'est que la loi de comptabilité ne comprend pas le contrôle des recettes et des dépenses à l'administration des chemins de fer. Mon attention ne s'était pas portée sur ce point jusqu'à présent, j'en prendrai bonne note pour proposer ou suivre les mesures nécessaires ou qui auraient déjà été préparées, afin de compléter les dispositions législatives en matière de comptabilité.

Je dois des remerciements à l'honorable M. Devaux pour m'avoïr signalé le défaut d'intérêt des employés à chercher à augmenter les transports et le moyen de remédier à cet inconvénient. Il a reconnu que cette idée avait été autant que possible mise en pratique. Jusqu'à présent certains agents sont intéressés à apporter des économies dans la dépense par les primes accordées pour le combustible qu'ils économisent dans le service des machines. Un système analogue a été introduit pour le service des petites marchandises ; en dernier lieu on s'est attaché à appliquer le système du travail à la tâche, moyen logique d'obtenir une bonne exécution et à bon marché des divers travaux qui sont confiés aux ouvriers de l'administration. Si ce moyen peut être étendu, je ne demande pas mieux que d'entrer dans la voie qui me sera signalée comme devant être avantageuse pour l'avenir de l'institution.

M. Dumortier. - Je demande la parole pour un fait personnel.

M. le ministre a dit qu'il avait lieu de s'étonner de ce que j'ai dit de son administration, mais j'ai beaucoup plus lieu de m'étonner de sa réponse. Il nous a fait une belle tirade sur la surveillance exercée sur nos chemins de fer et sur l'absence de catastrophes ; mais il n'a pas été question de cela, je n'ai pas dit un mot de la surveillance, je ne me suis occupé que des améliorations à introduire dans l'exploitation et sous ce rapport je maintiens tout ce que j'ai dit.

M. de Brouwer de Hogendorp. - M. le ministre a eu tort de voir dans ce qui a été dit concernant certaines machines achetées en Angleterre, un blâme jeté sur l’industrie belge. Je reconnais sa supériorité, je suis persuadé que si on lui avait demandé des machines du modèle de celles que nous avons achetées en Angleterre, notre industrie en aurait fourni d’aussi bonnes et d’aussi perfectionnées.

M. le président. - Il n'y a, dans loul cela, rien qui vous soit personuel.

M. de Brouwer de Hogendorp. - Je vous demande pardon, M. le président, M. Je ministre a voulu faire croire à la Chambre et au public que mon honorable ami M. de Man et moi, nous aurions calomnié l'industrie nationale au profit de l'industrie étrangère. Or, ce reproche n'a pas le moindre fondement, et c'est pour le repousser que j'ai dû prendre la parole. Je proteste contre l'insinuation du ministre. J'aurais à lui répondre sur un autre point ; mais je me réserve de le faire à une autre occasion.

M. de Mérode. - Je regrette qu’on ait fait hoer l’oraison funèbre du comité consultatif sur l’administration des chemins de fer, composé de membres de cette Chambre.

Avant les investigations de ce comité sur la conduite d'une vaste exploitation commerciale et industrielle dont les gouvernements ne se chargent dans aucun pays, nous ne pouvions rien connaître de la direction de l'immense manutention de diligences et de roulage confiée, au nom de l'Etat, à des hommes successivement improvisés ministres des travaux publics pour des convenances politiques plutôt que pour l'objet même dont ils ont à s'occuper.

Sans faire tort à aucun d'eux, sans manquer de respect, oa peut affirmer que les Caillard, les Briard, les Van Gend surpassent en intelligence, et surtout en expérience de l'exploitation des diligences et des fourgons, tous nos ex-ministres des travaux publics, et même tous nos ministres quelconques. Et la commission a eu cette grande utilité de nous démontrer, avec plus d'évidence, qu'un gouvernement, n'est pas bon conducteur en chef de voitures publiques, mais directeur gérant très coûteux de messageries, et roulier général fort incapable de commander une armée de berlines, de chars à bancs et de waggons.

La preuve qu'il est plus difficile de gouverner par l'intervention directe de l'Etat cet immense mécanisme roulant que de diriger les autres départements ministériels, c'est la longueur des débats que suscite chaque occasion d'en parler dans cette Chambre, et cependant la traction des marchandises et des voyageurs ou promeneurs ne devrait pas occuper tant de place dans le champ des discussions parlementaires, mais lorsque les résultats d'une administration mal entendue de cette nature ont coûté aux contribuables la création de nouveaux impôts et que les impôts nouveaux n'empêchent pas les déficits, il est tout simple qu’on se livre ici à des investigations longues et sérieuses sur une affaire industrielle et commerciale qui partout ailleurs qu'en Belgique n'est point affaire du gouvernement.

Le ministère de la guerre n'a pu parvenir à prouver à la Chambre la nécessité d'attribuer à l'armée une somme de plus de trente millions dans le budget, qu'après les longues recherches d'une commission où le parlementaire a joué son rôle, et malgré toutes les observations et expositions successives des ministres de la guerre, ils n'écartaient les économies destructives de l'armée, qu'en consentant à des réductions très nuisibles. Eh bien, grâce à cette intervention spéciale sur les besoins de la défense du pays, la conviction s'est formée.

Mais faut-il que la commission, objet de la discussion actuelle, soit permanente comme une cour des comptes ? Telle n'est, certes, pas ma pensée à son égard, je dis seulement que cette commission n'a pas encore rempli sa tâche.

Elle a commencé très utilement, car, je le déclare, pour ce qui me concerne, elle porte à mes yeux, moins clairvoyants que ceux de mes collègues qui en veulent la suppression, des lumières qui me manqueraient en son absence.

M. Van Hoorebeke vous a rappelé qu'on proposait de n'allouer provisoirement que 1,500,000 francs à des dépenses urgentes pour lesquelles il demandait 9 millions ; or, messieurs, les recherches de la commission nous rassurent complètement sur la nécessité de cette dépense, et comme d'autres sommes considérables seront encore demandées, il est juste que les représentants comme moi, qui trouvent dans l'institution de la commission des garanties, n'en soient pas privés trop tôt.

M. Julliot. - Messieurs, je puis parler à mon aise de ce comité permanent, dont on s'occupe, car j'ai voté contre sa création et j'ai prédit qu'il recueillerait tous les reproches de ce qui se ferait mal et ne recevrait aucun éloge pource qui se ferait bien ; je lui ai prédit son sort. Néanmoins, ce comité a rendu des services au pays, son travail a été une enquête et une enquête très utile, il a éclairci beaucoup de faits intéressants et il y aurait de l'ingratitude à ne pas reconnaître que si ce comité n'a pas fait plus, c'est qu'il n'a pu prendre la place du pouvoir exécutif.

Messieurs, il ne peut donc être question d'envisager la proposition de l'honorable M. Frère-Orban comme un blâme à l'adresse du comité permanent et l'honorable M. Frère ne trouvera pas d'inconvénient à le déclarer lui-même.

Ce que veut l'honorable membre, c'est la suppression de ce comité pour qu'une réorganisation administrative puisse se faire de suite. Suppression qui, à mes yeux, peut avoir lieu sans inconvénients et sans froisser qui que ce soit.

Je vois figurer dans cette commission mes honorables collègues MM. le baron de Man, Tesch, de Brouwer et Loos. Eh bien, je vote, pour ma part, des remerciements à ces hommes honorables, qui ont bien voulu se donner tant de peines dans l'intérêt du public, pour en recueillir si peu de gratitude.

Mais je pense qu'un comité sans action aucune à côté d'un pouvoir exécutif qui agit seul, ne doit pas avoir un caractère permanent.

En attachant ces diverses considérations à la proposition qui nous est faite, je ne vois aucun inconvénient à la voter ; il y a, pour moi, utilité et opportunité à le faire, et quand il est utile de poser un acte, je préfère le faire plutôt aujourd'hui que demain.

Je voterai donc la proposition de l'honorable M. Frère-Orban.

M. Frère-Orban. - Messieurs, je tiens à dire un mot encore avant qu'on ne passe au vote. Le seul but que je poursuis, c'est d'empêcher que l'état de choses que nous avons suffisamment constaté se perpétue au chemin de fer de l'Etat. Loin de moi l'intention de proposer le moindre blâme pour les membres de la commission ; on a tort de prononcer ce mot dans la discussion ; j'ai, au contraire, rendu hommage à leur zèle, à leur dévouement ; mais j'ai démontré, et je l'ai fait d'accord avec ces honorables membres, qu'ils ont été dans l'impuissance de réaliser leurs bonnes intentions.

Or, si la commission, du propre aveu de ceux de ses membres qui ont parlé, ne peut ni empêcher le mal, ni faire le bien ; si le conflit entre la commission et le ministre, qui existe dans l'administration et qui s'est encore révélé aujourd'hui, doit nécessairement se perpétuer, l'institution ne peut être maintenue qu'au détriment des intérêts publics.

M. leministre nous dit qu'il ne peut pas acquiescer à ma proposition, parce qu'il ne veut pas abandonner le droit du gouvernement de nommer des commissions quand il le trouve bon. Mais, messieurs, je ne veux pas contester au ministre la faculté de conserver ou de nommer une commission ; et c'est précisément pour ce motif que je n'ai pas voulu poser la question de principe : Y a-t-il lieu de maintenir le comité institué près du département des travaux publics ? Le ministre usera de son pouvoir et sous sa responsabilité ; de son côté, la Chambre, usant de son droit, manifestera l'intention de ne plus allouer de fonds à l'avenir pour des dépenses de cette nature.

Maintenant, pour laisser plus de liberté encore, pour rendre ma pensée plus claire encore, s'il est possible, pour lever tous les scrupules et (page 369) répondre aux susceptibilités de l'honorable M. Malou, je ne proposerai aucune réduction sur le chiffre, laissant intacts les faits accomplis, et je me bornerai à demander que l'on insère, après les mots : « Dépenses imprévues non libellées au budget », ceux-ci : « afin d'acquitter les engagements pris. » Si la Chambre adopte cet amendement, elle exprimera la volonté de ne plus voter de dépenses du genre de celles qui nous sont soumises.

- Plusieurs membres. - La clôture !

- La clôture est prononcée.

L'assemblée passe au vote sur les articles.

Discussion des articles

Article premier

« Art. 1er. Des dépenses se rapportant à des exercices clos (1854 et antéricers) pourront être imputées à charge du budget des travaux publics pour l'exercice 1855, jusqu'à concurrence de fr. 20,528-25 ; elles formeront audit budget un chapitre VIII additionnel, subdivisé de la manière suivante :

« Paragraphe premier. Ponts et chaussées

« Service des canaux et rivières

« Art. 94. Sambre canalisée. Exercice 1847, fr. 1,149 50 ; exercice 1854, fr. 875. Ensemble : fr. 2,024 50.

« Art. 95. Meuse, dans les provinces de Liége et de Namur. Exercice 1852 : fr. 719 63 ; exercice 1853 : fr. 160 ; exercice 1854 : fr. 8,534 03. Ensemble : fr. 9,413 66.

« Art. 96. Canal de Gand à Ostende. Exercice 1852 fr. 765 10 ; exercice 1854 fr. 560. Ensemble : fr. 625 10

« Art. 97. Canal latéral à la Meuse. Exercice 1852 : fr. 2,079 10.

« Art. 98. Bacs et bateaux de passage. Exercice 1852 : fr. 1,277 85.

« Paragraphe 2. Chemins de fer, postes et télégraphes.

« « Mouvement et trafic

« Art 99. Frais d'exploitation (exercice 1854) : fr. 2,100.

« Art. 100. Pertes et avaries (exercice 1854) : fr. 6,707,84.

« Service en général (chemins de fer et télégraphes)

« Art. 101. Traitements et indemnités des fonctionnaires et employés (exercice 1854) : fr. 250.

« Postes

« Art. 102. Matériel, fournitures de bureau, frais de loyer et de régie (exercice 1854) : fr. 2,050 20.

« Total : fr. 26,528 25. »

- Adopté.

Article 2

« Art. 2. Il est ouvert au département des travaux publics des crédits supplémentaires à concurrence de fr. 1.956,955-85 destinés à couvrir les insuffisances que présentent certaines allocations du budget des dépenses voté pour l'exercice 1855.

« Ces crédits sont répartis de la manière suivante et rattachés aux divers services indiqués ci-après :

« Chapitre II

« Ponts et chaussées

« Art. 16. Sambre canalisée : fr. 10,328 37

« Art. 17. Lys dans les deux Flandres : fr. 6,037 47

« Art. 18. Dendre: fr. 373 57

« Art. 32. Moervaert: fr. 3,416 44

« Art. 47. Personnel des ponts et chaussées : fr. 7,000. »

« Total : fr. 27,355 85

« Chapitre IV. Chemin de fer, postes, et télégraaphes

« Première section. Voies et travaux

« Art. 62. Salaire des agents payés à la journée : fr. 15,000.

« Art. 64. Travaux et fournitures : fr. 59,500.

« Total : fr. 74,500.

« Deuxième section. Traction et arsenal

« Art. 66. Salaire des agents payés à la journée : fr. 135,000.

« Art 67. Primes d'économie et de régularité : fr. 32,000.

« Art. 68. Combustibles et autres consommations pour la traction des convois : fr. 729,000.

« Art.69. Entretien, réparation et renouvellement du matériel : fr. 560,000.

« Troisième section. Mouvement et trafic

« Art. 72. Salaires des agents payés à la journée et des manœuvres : fr. 170,000

« Art. 73. Frais d'exploitation : fr. 65,000.

« Art. 74. Camionnage : fr. 46,000.

« Art. 75. Pertes et avaries : fr. 40,000.

« Quatrième section. Télégraphes

« Art. 77. Salaires des agents payés à la journée : fr. 3,500.

« Art. 78. Entretien : fr. 5,000.

« Total : fr. 8,500. »

« Cinquième section. Service en général

« Art. 79. Traitements et indemnités des fonctionnaires et employés : fr. 3,000.

« Art. 81. Matériel et fournitures de bureau : fr. 20,000.

« Total : fr. 23,000.

« Septième section. Postes.

« Art. 87. Transport des dépêches : fr. 12,000.

« Art. 88. Matériel, fournitures de bureau, frais de loyer et de régie : fr. 22,000.

« Total : fr. 34,000.

« Total : 1,907,000.

« Chapitre VII.

« Art. 91. Dépenses imprévues non libellées au budget : fr. 12,600

« Total général : fr. 1,956,955 85

M. le président. Deux amendements ont été proposés par le gouvernement à cet article, et adoptés par la section centrale. Ils se rattachent au chapitre II. Le premir consiste à ajouter la disposition qui prendrait place après la Sambre canalisée :

« Art. 17. Canal de Charleroi à Bruxelles : fr. 8,000. »

Le second consiste à porter à 10,788 fr. 42 c. le crédit demandé pour la Lys.

M. Frère propose d'ajouter au chapitre Vil, après les mots : « dépenses imprévues non libellées au budget, » ceux-ci : « afin d'acquitter les engagements pris. »

M. le ministre des finances (M. Mercier). - Mon honorable collègue M. le ministre des travaux publics, ayant déclaré que la commission avait rendu d'utiles services, s'est refusé à accepter le premier amendement proposé par l'honorable M. Frère.

On a parlé dans la discussion du caractère de permanence qu'aurait cette commission. A cet égard, le gouvernement ne s'est jamais prononcé. Il n'a pas reconnu que la commission dût être permanente, c'est-à-dire être maintenue indéfiniment. Mais appréciant les services qu'elle a rendus, il a pensé qu'elle pourrait en rendre encore, sans déterminer quelle devait être la durée de son mandat.

S'il en est ainsi et que l'on accepte cependant le dernier amendement de l'honorable M. Frère avec la portée qu'il lui a donnée, il y a tels services qu'on ne pourra plus désormais obtenir d'elle.

Par exemple, chacun reconnaît l'utilité des excursions faites par des membres de la commission en Angleterre et en Allemagne, soit pour étudier le système d'exploitation, soit pour préparer certains arrangements avec des compagnies étrangères. Or dans le sens absolu donné à l'amendement, il serait impossible désormais de confier une pareille mission à des membres de la commission. Car il serait entendu qu'ils ne seraient plus rétribués.

Nous ne pouvons accepter un amendement qui entraîne de telles conséquences. Il supprime non seulement les jetons de présence qui ont été accordés à d'autres commissions sans qu'on ait jamais fait d'observation, mais aussi les indemnités nécessaires pour couvrir les dépenses faites par des membres de la commission qui seraient chargés, d'une mission quelconque.

M. Frère-Orban. - Il est parfaitement inutile de déplacer la question. C'est la déplacer que de se préoccuper du point de savoir si le gouvernement pourrait charger telle ou telle personne, et même éventuellement tel ou tel membre de la Chambre, d'une mission pour laquelle il y aurait lieu à indemnité. Ce n'est pas la question. Il s'agit de décider si le système auquel se rattache l'institution de la commission permanente auprès du département des travaux publics doit être consacré par la Chambre.

J'ai donné mes raisons ; d'autres membres ont donné les leurs, soit pour, soit contre une pareille institution. C'est là seulement ce qui a été discuté ; c'est là seulement ce qui doit être résolu.

C'est contre le système qu'on a essayé de faire prévaloir que l'amendement est dirigé.

M. le ministre des finances (M. Mercier). - Quel système ?

(page 370) M. Frère-Orban. - Quel système ? L'établissement d'une commission telle qu'elle a été admise, telle qu'elle a été organisée et adjointe au département des travaux publics. Voilà ce qui a été combattu ; voilà ce que nous avons repoussé et ce que nous persistons à ne pas vouloir.

M. le ministre des finances (M. Mercier). - Eh bien, nous avons déclaré que, sans déterminer sa durée, notre opinion est qu'il est utile de conserver encore cette commission.

M. Malou. - Je ne dirai qu'un mot sur la position de la question.

Je crois que la permanence du comité n'est dans les vœux de personne dans la Chambre. Mais pour moi, je ne voterai pas l'amendement de l'honorable M. Frère, parce que, avant de supprimer le comité, je voudrais qu'il y eût une organisation. J'aime mieux ce qui existe avec le comité que l'espèce d'organisation actuelle sans comité. C'est pour cela que j'ai prié M. le ministre de nous présenter un projet, et que j'ai demandé la remise de la question au budget.

- L'amendement de M. Frère est mis aux voix par appel nominal.

72 membres répondent à l'appel nominal.

38 votent pour l'amendement.

30 votent contre.

4 s'abstiennent.

En conséquence, l'amendement est adopté.

Ont voté l'adoption : MM. Moreau, Oris, Pirmez, Prévinaire, Sinave, Thiéfry, Tremouroux, Vandenpeereboom, Vander Donckt, Verhaegen, Veydt, Allard, Ansiau, Anspach, Coppielers 't Wallant, Dautrebande, de Baillet-Latour, de Breyne, de Bronckart, Delfosse, Deliége, de Moor, de Perceval, de Pitteurs, de Renesse, de Steenhault, Devaux, Frère-Orban, Goblet, Jacques, Jouret, Julliot, Lange, Lebeau, Lejeune, Lesoinne, Mascart et de Naeyer.

Ont voté le rejet : MM. Rodenbach, Tack, Vanden Branden de Reeth, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Van Overloop, Van Renynghe, Vilain XIIII, Wasseige, Boulez, Brixhe, de Decker, de La Coste, F. de Mérode, de Mérode-Westerloo, de Portemont, de Ruddere de te Lokeren, de Sécus, de T'Serclaes, Dumon, Dumortier, Janssens, Lambin, Landeloos, le Bailly de Tilleghem, Le Hon, Magherman, Malou, Matthieu et Mercier.

Se sont abstenus : MM. Tesch, Coomans, de Brouwer de Hogendorp et de Man d'Attenrode.

M. Tesch. - Je n'ai pas voté contre l'amendement de l'honorable M. Frère parce que je reconnais que dans l'organisation actuelle de la commission et avec les attributions qui lui ont été données, elle ne peut pas rendre tous les services qu'on est en droit d'attendre d'une semblable institution.

D'un autre côté, je n'ai pas voté pour l'amendement, parce que, dans mon opinion, le gouvernement, tant qu'il conservera l'exploitation, aura toujours besoin d'une institution de cette nature, qu'on l'appelle conseil, comité ou commission, pour l'éclairer sur toutes les grandes, questions qui se rattachent au chemin de fer.

M. Coomans. - Messieurs, j'étais très disposé à voter pour l'amendement de l'honorable M. Frère, dans le sens qu'il y attache, mais je me suis abstenu pour ne pas jeter l'ombre d'un blâme sur les faits accomplis.

M. de Brouwer de Hogendorp et M. de Man d'Attenrode déclarent s'être abstenus pour les mêmes motifs que M. Tesch.

- L'ensemble de l'article est mis aux voix et adopté.

Article 3

« Art. 3. Ces crédits seront couverts au moyen de bons du trésor. »

- Adopté.

Le vote définitif est fixé à mardi prochain.

La séance est levée à 4 heures.