(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1854-1855)
(Présidence de M. de Naeyer, vice-président.)
(page 1229) M. Maertens procède à l'appel nominal à une heures et un quart.
M. Calmeyn donne lecture du procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en est approuvée.
M. Maertens présente l'analyse des pétitions adressées à la Chambre.
M. Maertens présente l'analyse des pétitions adressées à la Chambre.
« Les membres du conseil communal de Hal prient la Chambre d'accorder aux sieurs Waring la concession d'un chemin de fer de Luttre à Denderleeuw par Nivelles et Hal. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« L'administration communale de Contich demande que la compagnie concessionnaire du chemin de fer de Contich à Lierre soit obligée d'établir au moins cinq convois de voyageurs par jour dans ces deux directions et en tout cas un convoi du soir et qu'elle soit tenue d'exécuter les bâtiments projetés par le gouvernement pour former la station de Contich. »
- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi relatif à cet objet.
« Le sieur Charles Greweldinger, sergent-major au régiment des grenadiers, né à Remich (grand-duché de Luxembourg,) demande la naturalisation ordinaire. »
- Renvoi au ministre de la justice.
« Les habitants de Leernes, Piéton et Mont-Ste-Aldegonde demandent une loi qui autorise les miliciens appelés au service à rester dans leurs foyers jusqu'au 1er septembre prochain. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« La veuve du sieur Witteveen, ancien capitaine au long cours, demande une pension pour elle et ses enfants. »
- Même renvoi.
« Le sieur Raiken Mullens demande que des experts nommés par le gouvernement soient chargés de faire à Brée la révision des propriétés bâties pour l'assiette des contributions. »
- Même renvoi.
« Des brasseurs, à Boom, demandent la prohibition à la sortie du houblon. »
- Renvoi à la commission d'industrie.
« Des brasseurs, dans l'arrondissement de Namur, demandent la prohibition temporaire à la sortie du houblon ou du moins l'établissement d'un droit élevé. »
« Même demande de brasseurs à Ostende et à Breedene. »
- Même renvoi.
« Par divers messages en date du 25 mai ;
« Le Sénat informe la Chambre qu'il a adopté les budgets des dotations, de la dette publique, du ministère des finances et des recettes et dépenses pour ordre de l'exercice 1856 ;
« Le projet de loi qui proroge les délais accordés pour la liquidation des dépenses à imputer sur le crédit d'un million alloué par la loi du 20 décembre 1851 pour construction et ameublements d'écoles ;
« Et le projet de loi qui ouvre des crédits supplémentaires aux budgets des dépenses du département des finances et des non-valeurs et remboursements pour l'exercice 1854. »
« M. le ministre de la justice adresse à la Chambre les pièces de l'instruction relative à la demande de naturalisation ordinaire du sieur Strauss. »
- Renvoi à la commission des naturalisations.
M. le secrétaire donne lecture d'une communication de M. le ministre de la guerre qui est conçue dans les termes suivants :
« Les discussions pendantes devant les Chambres pouvant donner un intérêt particulier à l'étude des objets que se rattachent aux constructions militaires, j'ai honneur d'informer la Chambre que j'ai donné des ordres à M. le lieutenant général, commandant l'école militaire, pour qu'il tienne à la disposition de MM. les membres de la Chambre tous les plans en relief de nature à élucider cette importante question, et dont l'établissement qu'il dirige possède une collection des plus complètes et des plus intéressantes. »
- Pris pour information.
M. Trémouroux. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale qui a examiné le projet de loi ayant pour objet de proroger les délais pour l'achèvement du chemin de fer du Luxembourg.
- Ce rapport sera imprimé, distribué et mis à la suite de l'ordre du jour.
M. Van Iseghem. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission d'industrie sur la pétition de la chambre de commerce d'Anvers, demandant l'abaissement du droit d'entrée sur les navires étrangers et la libre entrée de quelques matières servant à la construction des navires.
M. Osy. - Je demanderai à M. le rapporteur de vouloir bien nous faire connaître les conclusions du rapport ; le gouvernement, les lisant dans le Moniteur, pourrait à la prochaine séance nous faire connaître son opinion et nous dire s'il compte présenter un projet de loi dans la session actuelle.
M. Van Iseghem, rapporteur. - La majorité de la commission est d'avis qu'il y a lieu de prendre immédiatement en sérieuse considération la demande de la chambre de commerce d'Anvers, de réduire le droit d'entrée sur les navires étrangers à 5 fr., et d'affranchir de tout droit les ancres, les chaînes, le cuivre et les cabestans.
La commission propose le renvoi de la pétition à MM. les ministres des affaires étrangères et des finances.
- Ce rapport sera imprimé, distribué et mis à la suite de l'ordre du jour.
M. Osy. - J'engage le gouvernement à nous faire connaître son opinion et à nous dire s'il présentera un projet de loi dans la session actuelle.
M. Coomans. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale qui a été chargée d'examiner la demande d'un crédit extraordinaire de 9,000,000 fr. pour le département de la guerre.
Ce rapport n'est pas long, j'espère qu'il pourra être distribué dans le cours de la journée de demain.
- Ce rapport sera imprimé, distribué et mis à la suite de l’ordre du jour.
La Chambre consultée, décide que la prochaine séance aura lieu mardi à 2 heures.
M. le président. - La section centrale a modifié le projet du gouvernement. Le gouvernement se rallie-t-il au projet de la section centrale ?
M. le ministre de la guerre (M. Greindl). - Oui, M. le président.
M. le président. - Voici comment est conçu l'article unique proposé par la section centrale.
« Article unique. Le gouvernement est autorisé à contracter, soit de gré à gré, soit par adjudication publique, un nouveau bail pour la fourniture et l'entretien des lits nécessaires au coucher des troupes, aux prix maxima de seize francs cinquante centimes (fr. 16-50), par lit à une place, et vingt-trois francs soixante et quinze centimes (fr. 23-75) par lit à deux places.
« Néanmoins le gouvernement, s'il ne peut contracter à ces prix, pourra, pour compte de l'Etat, compléter et reprendre le matériel servant de couchage à la troupe.»
M. Osy. - Vous avex remarqué le vote qui a été émis hier, a l’occasion de l'établissement qu'on doit faire à Gembloux pour le haras. Je crois que c'est un avertissement donné au gouvernement que la majorité de la Chambre désire que le gouvernement s'occupe le moins possible des affaires que peut faire l'industrie privée. Il y a eu seulement une majorité de quatre voix ; et certainement la loi aurait été rejetée si la Chambre ne s'était pas considérée comme liée par le vote d'une allocation au budget de l'intérieur et par le vote de la loi qui a mis le château de Tervueren à la disposition de S. A. R. le Duc de Brabant.
J'ai vu avec grand plaisir que la section centrale, dans le même ordre d'idées, avait engagé le gouvernement à s'adresser à l'industrie privée pour le couchage des troupes.
Vous avez vu que l'on a obtenu des réductions considérables (4 fr. sur le lit à une placé ; 4 fr. 75 c. sur le lit à deux places). Cependant le fer, la laine et tous les objets nécessaires au coucher des troupes ont renchéri depuis l'époque du premier contrat, c'est-à-dire, depuis 20 ans.
Je donnerai donc mon adhésion au projet de la section centrale, tandis que je l'aurais refusée au projet primitif, pareequ'il aurait fallu toute uneadmiuislraiion pour soigner les lits militaires que nous aurions d4 jreprendre.
Certainement si les grandes communes avaient pu s'entendre avec le gouvernement pour le couchage des troupes, je ne m'y serais pas opposé.
Mais dans la situation obérée des communes c'était très difficile, d'autant plus qu'il y avait un capital à payer, puisqu'on aurait dû reprendre le matériel de la société Félix Legrand.
(page 1230) J'espère que le gouvernement pourra négocier avec la société au prix indiqué dans le projet de loi.
M. Lebeau. - Quelle que soit la divergence d'opinions qui se manifeste parfois dans celle Chambre, sur la manière de pourvoir aux dépenses du département de la guerre, sur la mesure des sacrifices que peut comporter ce grand intérêt, il est un point sur lequel nulle divergence d'opinions n'a jamais éclaté ici ; c'est sur le bien-être à assurer, dans la mesure du possible, à ceux qui sont appelés au service militaire, à la partie la plus pénible de ce service, je veux dire les simples soldats, ceux qui n'ont pas encore l'honneur de porter l'épaulette.
Sous ce rapport, quelque ami qu'on puisse être des économies, personne n'en voudra aux dépens du bien-être du soldat.
- Plusieurs membres. - Nous sommes d'accord.
M. Lebeau. - Oui en principe ; mais voyons l'application. Je demanderai s'il est dans l'intention de M. le ministre de la guerre de maintenir le système des lits à deux places.
M. le ministre de la guerre (M. Greindl). - Il est abandonné.
M. Lebeau. - Le rapport ne le dit pas et semble indiquer le contraire. Je n'aurais donc rien à dire. Mais d'après la lecture du rapport, je m'étais complètement trompé à cet égard.
Je suis bien aise d'avoir, par mon interpellation, fait connaître aux pères de famille que le système détestable des lits à deux est complètement abandonné.
Il va sans dire que ma sollicitude ne va pas jusqu'à séparer la femme du mari.
M. Rodenbach. - Lorsque j'ai demandé la parole, c'était en partie pour énoncer ce que vient de dire l'honorable préopinant sur les lits à deux personnes. Ainsi, il est entendu qu'il n'y aura qu'un seul lit pour un seul soldat ; il n'y aura que les personnes mariées qui auront un lit à deux places.
Je crois qu'en cette matière il faut laisser beaucoup de pouvoir au gouvernement, car les soldats, comme vient de le dire l'honorable préopinant, doivent être parfaitement couchés ; leur santé en dépend. Si le gouvernement était chargé de ce service, les soldats ne seraient plus exploités pour dégâts à leur literie, ce qui arrive très souvent. Pour ma part, j'aurais préféré par ce motif l'organisation du service en régie par les soins de l'Etat.
Comme vient de le dire l'honorable M. Osy, la loi relative au transfert du haras de l'Etat à Gembloux a été votée à 4 voix seulement de majorité. J'ai voté avec la majorité, parce que j'ai cru le haras nécessaire pour que l'armée puisse se procurer des chevaux.
Mais puisqu'il n'y a eu qu'une majorité de 4 voix, j'aime à croire que M. le ministre de l'intérieur ne fera pas la dépense de 50,000 francs, qu'il est autorisé à faire, et qu'on mettra les chevaux en pension, en attendant qu'on les vende.
M. Lesoinne. - J'ai demandé la parole pour adresser une interpellation à M. le ministre de la guerre. Cette interpellation n'a pas trait au projet en discussion. Mais comme il s'agit du bien-être et de la santé du soldat, je crois pouvoir la faire.
On m'a dit que le séjour du camp de Beverloo était devenu assez malsain, qu'il y avait des fièvres occasionnées par le mauvais état des baraques, et qui atteignaient 10 à 12 hommes sur 60. Après leur convalescence, ces hommes reviennent à la caserne du Petit-Château, à Bruxelles, qui est également malsaine, parce qu'elle a été récemment construite, et à cause du voisinage du dépôt des immondices. Aussi les convalescents y ont-ils bientôt repris la fièvre. Cependant ces hommes sont choisis parmi les plus robustes et les meilleurs marcheurs. Ce sont des chasseurs. Si la fièvre sévit dans de telles proportions sur ces hommes d'élite, que serait-ce si d'autres miliciens étaient envoyés au camp de Beverloo ?
Bien que je ne sois pas disposé à prodiguer inutilement l'argent pour le service de l'armée, comme il s'agit de la vie d'hommes que la loi oblige à servir souvent contre leur gré, nous ne devons rien négliger pour soigner leur santé autant que possible.
C'est pourquoi j'adresse cette interpellation à M. le ministre de la guerre, et je le prie d'avoir la complaisance d'y répondre.
M. le ministre de la guerre (M. Greindl). - J'aurai l'honneur de répondre à l'interpellation de l'honorable préopinant, qu'en effet, lorsque j'ai eu l'honneur de commander le camp, pendant la dernière période, nous avons remarqué une augmentation assez considérable dans le chiffre des maladies.
Quoique cela ne rentrât pas dans ma mission d'une manière absolue, je me suis enquis des causes de la recrudescence de cet état morbide. Nous en avons trouvé trois causes différentes.
1° Encombrement des troupes. J'ai eu l'honneur de dire qu'à l'avenir il sera envoyé moins de troupes au camp. Ainsi cet encombrement ne se représentera plus.
2° L'état atmosphérique modifié par les grands travaux d'agriculture faits à Beverloo. (On a défoncé les terrains, on les a remués et l'on a changé un peu les conditions hygiéniques. cette cause d'insalubrité ne tardera pas à disparaître.)
3° Le mauvais état des baraques où la troupe est logée. (Dans la demande de crédit de 2,453,000 francs dont la Chambre est saisie, je demande des fonds pour la construction de casernes.)
Du reste, je puis donner à la Chambre l'assurance que toutes les mesures propres à assurer le bien-être du soldat seront l'objet particulier de ma sollicitude.
M. de Mérode. - Et la caserne du Petit-Château ?
M. le ministre de la guerre (M. Greindl). - Cette caserne se trouve en effet dans le voisinage d'un établissement assez malsain. Mais il n'est pas en mon pouvoir de remédier à cet inconvénient. C'est une affaire locale.
Je ferai près de l'administration communale de Bruxelles les diligences nécessaires pour que le dépôt des immondices soit transféré dans un endroit où il ait moins d'influence sur les conditions hygiéniques de la caserne du Petit-Château.
M. Osy. - L'honorable M. Lebeau, en répondant aux quelques paroles que j'ai prononcées, a eu l'air de croire que je portais moins de sollicitude que lui à la santé du soldat.
M. Lebeau. - Ce n'a pas été mon intention.
M. Osy. - Il n'y a que deux systèmes ; administration par le gouvernement ou par une société. Nous qui ne voulons pas de l'intervention du gouvernement, et qui y préférons l'administration d'une société privée, je crois que nous faisons preuve d'autant de sollicitude pour la santé du soldat que ceux qui sont d'une opinion différente.
Après cela, je partage l'opinion de l'honorable membre que le gouvernement ne doit pas se servir de lits à deux places. Mais s'il avait lu le rapport, il aurait constaté qu'il n'y a que 1,200 lits à 2 places, pour les hommes mariés seulement. Nous avons donc la même sollicitude, la même moralité que l'honorable M. Lebeau.
Je pense donc que le soldat sera parfaitement soigné et que le trésor se trouvera bien de la continuation de ce service à la même société, surtout s'il obtient la réduction qu'il nous permet d'espérer..
M. Lebeau. - Messieurs, je ne sais sous quelle préoccupation d’esprit est placé l'honorable M. Osy, pour avoir vu que j'avais eu l'intention de le combattre, lorsque j'émettais des doutes sur la question de savoir si on admettait encore le système de couchage à deux. L'honorable membre et moi, nous sommes d'accord sur ce point, que ce système ne doit pas être continué. Sur quoi porte donc la divergence d'opinion entre l'honorable M. Osy et moi ? Est-ce sur l'intervention de l'Etat ou de l'industrie privée pour ce service ? Je n'en ai pas dit un mot. Il faut donc que l'honorable membre soit en proie à cette idée fixe, que nous sommes nécessairement, quoique siégeant sur le même banc, en dissidence si absolue d'opinion sur toute chose que je ne puis le nommer ou le désigner même indirectement sans qu'il me croie son adversaire politique.
M. le ministre de la guerre (M. Greindl). - Messieurs, voici quelle est la situation des choses.
Il y a vingt ans, une compagnie a traité avec le gouvernement pour le service du couchage militaire ; elle a traité sur la base de 29 fr.50 c. par lit à deux places, et de 20 fr. 50 c. par lit à une place. Ce contrat a paru onéreux. Il a suscité quelques-unes de ces réclamations vagues dont je n'admets pas, d'ailleurs, le fondement.
Le contrat expirant à la fin de l'année, le gouvernement a cru devoir faire examiner la question de savoir s'il n'y avait pas moyen d'arriver à un système plus favorable et surtout moins onéreux pour le trésor.
Pour atteindre ce but, on a cru devoir instituer une commission à laquelle ont bien voulu s'adjoindre quelques honorables membres de cette Chambre et du Sénat. Cette commission a fait un travail fort remarquable d'où il est résulté que le gouvernement pourrait administrer le couchage militaire par régie, en obtenant une réduction telle que les prix auraient été amenés à 15 francs par lit à une place.
C'est sous l'influence du travail de cette commsssion que le gouvernement a présenté le projet de loi qui est en ce moment soumis aux délibérations de la Chambre.
Pendant que la section centrale s'occupait de l'examen du projet, il est survenu une proposition de l'ancienne compagnie Félix Legrand qui réduisait le prix à fr. 23 75 par lit à deux places, et à fr. 16 50 par lit à une place. Je n'ai pas hésité à faire connaître à la section centrale cette modification qui se présentait dans la situation des choses relativement au projet de loi qu'elle était chargée d'examiner. La section centrale, après avoir pesé les avantages de l'administration par régie et ceux qu'il pouvait y avoir à laisser à l'industrie privée le soin de continuer le service, a cru devoir modifier le projet, tel qu'il est soumis en ce moment à la discussion.
Le gouvernement se déclare complètement désintéressé dans la question.
J'accepterai avec la même déférence l'une ou l'autre des solutions que la Chambre voudra adopter.
Je suis prêt à me charger de la régie ; je suis prêt aussi à confier à la compagnie Félix Legrand la continuation de l'administration.
Je vois de chaque côté des avantages égaux ; si nous obtenons une réduction de prix par régie, nous enlevons d'abord ce service à l'industrie privée et nous agissons ensuite sur des bases qui ne sont pas complètement connues, nous ne pouvons pas apprécier suffisamment les résultats d'une expérience qui doit durer 20 ans et qui, en définitive, pourrait nous être désavantageuse ; nous avons encore à subir les chances de sinistres éventuels, difficiles à prévoir, et dont le gouvernement devra supporter les effets, s'il se charge du service.
M. Vandenpeereboom. - Messieurs, j'avais demandé la parole pour répondre à l'honorable M. Lebeau en ce qui concerne les lits (page 1231) à deux places. Une phrase du rapport pouvait, en effet, faire naître quelque doute à cet égard ; il y est dit qu'un membre a fait observer que quelques lits à deux places sont encore occupés dans les casernes. Lors d'une visite assez récente, faite à Anvers par plusieurs membres de la Chambre, on a rencontré dans une des chambrées de la caserne de la citadelle quelques lits à deux places, peut-être chacun d'eux était-il occupé par un seul soldat, peut-être aussi y avait-il insuffisance momentanée de lits.
C'est ce motif qui a amené l'insertion du fait dans le rapport. S'il existe encore quelques lits à deux places il faut faire cesser cet abus. Peut-être aussi quelques communes n'ont-elles pas encore changé le système de casernement qui date de 1814, il est nécessaire de modifier ce système dans un intérêt d'hygiène et de morale.
Quant au projet, j'ai peu de chose à dire, personne ne l'attaque, tout le monde se constitue son défenseur ; cependant je dois faire connaître à la Chambre que si la section centrale est arrivée à un résullat, ce n'a pas été sans quelque peine.
Six membres ont pris part aux travaux de la section centrale ; trois, en présence des offres des compagnies, étaient partisans de la régie, les trois autres étaient d'opinion contraire ; de sorte que quand on mettait aux voix la proposition de faire le service du casernement en régie, cette proposition n'était pas admise par parité de voix, et quand on proposait de remettre le service à une société privée, on obtenait encore un rejet, car trois membres votaient pour et trois votaient contre ; la proposition était rejetée, il en résultait que nous n'avions que des conclusions négatives, et comme une négation ne peut suffire au coucher de l'armée, nous avons cherché à finir par une transaction, c'est-à-dire par nous entendre sur un projet de conciliation ; le résultat de cette transaction est le projet de loi en discussion.
Le sens du projet est facile à comprendre.
Le gouvernement peut traiter avec des compagnies, mais seulement dans certaines limites. Il est entendu que si les compagnies, s'appuyant sur les sympathies que le système de non-intervention rencontre dans cette enceinte, montraient des exigences telles, que le ministre ne pourrait pas consentir à leur adjuger le service du casernement, le parlement autoriserait, lors de sa rentrée au mois de novembre, le gouvernement à mettre ce service en régie. La loi est rédigée de façon à permettre au gouvernement de tirer le meilleur parti possible des pouvoirs que nous lui donnons.
Je n'en dirai pas davantage, le projet n'étant pas attaqué.
- La discussion est close.
Il est procédé au vote par appel nominal.
68 membres répondent à l'appel.
67 membres répondent oui.
1 (M. Jacques) s'abstient.
La Chambre adopte ; le projet de loi sera transmis au Sénat.
Ont répondu oui : MM. Van Grootven, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Van Overloop, Van Renynghe, Vermeire, Boulez, Brixhe, Calmeyn, Closset, Coomans, Coppieters 't Wallant, Dautrebande, de Baillet-Latour, de Bronckart, de Brouwer de Hogendorp, de Haerne, de La Coste, Delfosse, Deliége, de Man d'Attenrode, F. de Mérodc, de Mérode-Westerloo, de Moor, de Muelenaere, de Portemont, Dequesne, de Ruddere de Te Lokeren, de Sécus, Desmaisières, de Theux, de T’Serclaes, Devaux, Dubus, Dumont, Faignart, Frère-Orban, Goblet, Janssens, Jouret, Lambin, Landeloos, Lange, le Bailly de Tilleghem, Lebeau, Lejeune, Lesoinne, Loos, Maertens, Magherman, Manilius, Mascart, Matthieu, Moreau, Osy, Pirmez, Rodenbach, Rousselle, Sinave, Tack, Tesch, T'Kint de Naeyer, Tremouroux, Vandenpeereboom, Vander Donckt et de Naeyer.
M. le président. - M. Jacques, qui s'est abstenu, est invité à faire connaître les motifs de son abstention.
M. Jacques. - Le couchage de l'armée doit être assuré, mais je pense que, dans l'intérêt du trésor public, comme dans l'intérêt des soldats, le système de régie, tel qu'il avait été proposé par le gouvernement, eût été préférable.
M. le président. - La commission des finances conclut au renvoi de son rapport au gouvernement, en l'invitant à veillera la défense des intérêts de l'Etat.
M. Frère-Orban. - Je crois devoir appeler spécialement encore l'attention du gouvernement sur cette affaire. Je remarque que l'on suppose que la prétention que nous avons combattue dérive exclusivement de la concession du chemin de fer de Dendre-et-Waes, c'est une erreur.
La question est la même relativement à toutes les concessions faites en Belgique. Si la prétention de la compagnie de Dendre-et-Waes était fondée, la même prétention pourrait être élevée par d'autres compagnies au préjudice des droits formels du gouvernement. Si des remises ou des primes ou d'autres moyens analogues ne constituent pas des réductions de tarif, rien n'est plus facile que d'étuder les dispositions des lois de concessions, dictées par des motifs d'intérêt public. Ainsi la compagnie du chemin de fer de Tournai à Jurbise, qui a une concession reposant exactement sur les mêmes principes que la concession du chemin de fer de Drndre-et-Waes, et qui a droit à 50 p.c. de la recette brute pourrait, au moyen de primes, attirer des transports sur sa ligne au préjudice des intérêts de l'Etat, et même des intérêts des tiers.
Je prie le gouvernement de ne pas perdre de vue cette importante considération. Le droit du gouvernement qui est ici en question, pourra également être méconnu ou contesté par d'autres compagnies concessionnaires, et nous aurons moins de moyens de découvrir et de réprimer les fraudes.
Ainsi, par exemple, en ce qui concerne la compagnie de Tournai à Jurbise, on ne s'est point prémuni contre les manœuvres que nous signalons, parce que, sans doute, on les supposait impossibles tant elles répugnent à l'exécution loyale du contrat, tandis qu'à l'égard de la compagnie de Dendre-et-Waes, et par cela seul que l'esprit de critique avait signalé des fraudes éventuelles, les précautions les plus minutieuses ont été prises pour empêcher qu'elles ne fussent commises.
C'est ainsi, pour en citer quelques-unes, que le gouvernement impose à cette compagnie l'obligation de payer 15,000 fr. pour frais d'une surveillance générale.
C'est ainsi que le gouvernement s'est réservé le droit d'avoir près la compagnie un commissaire spécial chargé de tout inspecter, autorisé à se faire produire tous les livres, tous les comptes. C'est ainsi qu'il s'est réservé le droit de nommer le directeur et l'agent comptable, c'est-à-dire de surveiller, jour par jour, les opérations de la société, afin d'empêcher tout détournement au préjudice de l'Etat, toute violation du contrat.
J'ai cru qu'il était nécessaire d'appeler l'attention de la Chambre sur ce point, pour bien faire comprendre que la question qui est soulevée n'a pas trait seulement à la concession du chemin de fer de Dendre-et-Waes, et que la solution doit affecter les concessions faites à d'autres compagnies.
M. le ministre des travaux publics (M. Dumon). - L'honorable préopinant a bien voulu appeler l'attention du gouvernement et du ministre des travaux publies sur cette affaire. Je l'en remercie.
Toutefois, cela n'était pas nécessaire. Le gouvernement s'en est déjà occupé et il a l'intention de la poursuivre.
La Chambre s'étant saisie de la question, on avait cru devoir, par déférence pour elle, s'abstenir de tout acte. Mon honorable prédécesseur s'était fait un scrupule d'attendre ; mais la compagnie n'a pas été arrêtée par cette considération ; elle a pris l'initiative d'une action devant l'autorité judiciaire.
Le gouvernement l'a suivie sur ce terrain ; l'affaire est engagée. Eu égard à l'importance de l'affaire en elle-même et aux conséquences signalées par l'honorable préopinant, aucun moyen ne sera négligé pour faire prévaloir les intérêts de l'Etat, et obtenir gain de cause dans le procès qui vient d'être entamé.
M. Osy. - Comme membre de la commission des finances, j'ai donné mon adhésion à ses conclusions. Mais je ne suis point éclairé sur le point de savoir si la compagnie de Dendre-et-Waes a bien fait ou si elle n'a pas le droit de donner des primes. C'est une question que je ne veux pas trancher, et qui n'est pas tranchée, je pense, par le renvoi que propose la commission.
Il est bien permis d'avoir du doute lorsque nous avons vu l'honorable ministre des travaux publics partager, pendant 18 mois, l'opinion de la société qu'il ne s'était rien fait de frauduleux, de contraire à l'acte de concession. C'est ce qu'il a déclaré lors de la discussion soulevée par l'honorable M. Frère. Ce n'est que depuis, que M. le ministre des travaux publics a écrit à son collègue des finances qu'il avait changé d'opinion.
Ainsi tout en me ralliant aux conclusions du rapport de l'honorable M. Moreau, je crois que nous restons libres dans l'appréciation des faits. Le procès est commencé ; attendons-en le résultat. Les tribunaux jugeront définitivement ce qu'il y aura à faire.
M. Van Hoorebeke. - Le discours de l'honorable M. Osy repose sur une double erreur de fait.
L'honorable membre prétend à première vue que le département des travaux publics a toléré pendant dix-huit mois l'abus qui a été signalé par l’honorable M. Frère. C'est une erreur. Le département des travaux publics a appris, en juillet 1854, en quoi consistaient les opérations frauduleuses auxquelles se livrait la compagnie de Dendre-et-Waes. Il l'a appris, non pas parce qu'il a convenu à la compagnie d'en informer spontanément le gouvernement, mais parce que le ministre des travaux publics, éclairé par les bruits qui étaient arrivés jusqu'à lui, a cru devoir saisir l'administration des ponts et chaussées d'une enquête à la suite de laquelle il a recueilli des renseignements précis, émanant, cette fois, je le reconnais, de la compagnie concessionnaire.
Ce n'est pas dix-huit mois après, à la suite de la discusion qui a en lieu dans cette enceinte, mais deux ou trois mois avant cette discussion, que le gouvernement a été éclairé sur ce qui se faisait. Voilà une première erreur.
Il y en a une autre ; lorsque l'honorable M. Osy dit que j'ai eu des doutes, il ne dit que la moitié de la vérité.
J'ai eu un doute, mais sur un point tout spécial ; c'est-à-dire que lorsque la discussion s'est engagée dans cette enceinte d’une manière tout à fait inopinée, quand elle m'a pris complètement au dépourvu, j’ai dit que les remises ou réductions pouvaient se comprendre dans trois hypothèses déterminées.
Quand elles portent sur des transports originaires d'une station de l'Etat, et en destination réelle pour une autre station de l'Etat, elles constituent un fractionnement ou un détournement frauduleux formellement prévus par l'article 13.
Quand, au contraire, ces réductions se rapportent à des transports originaires d'une station de l'Etat, en destination pour une station concédée, ou vice versa, elles constituent encore, dans mon opinion exprimée dans le débat, une opération faite en fraude de la loi du contrat, et sous ce rapport, j'étais en désaccord avec la compagnie qui élevait des prétentions formelles à cet égard.
Sur ce point, messieurs, j'étais complètement de l'avis de l'honorable M. Frère-Orban, et je m'en rapporte aux discussions qui ont eu lieu. Mais il y avait une question spéciale sur laquelle j'avais un certain doute ; je me suis demandé jusqu'à quel point la compagnie de Dendre-et-Waes pouvait elle-même, sans recourir au gouvernement, opérer des remises sur les transports de charbons provenant du Borinage, du Couchant, et en destination spéciale d'Anvers. C'est dans ces conditions extrêmement limitées et restreintes que j'enfermais mon doute. Je disais : le chemin de fer de Dendre-et-Waes peut, dans l'intention des parties, se substituer au canal de Jemmapps à Alost, qui n'a pas été concédé ; le tarif actuellement existant, par le chemin de fer est 10 fr. du Couchant vers Anvers. En supposant le chemin de fer de Dendre-et-Waes achevé, dans ces conditions le transport du charbon ne pourra jamais avoir lieu, s'il n'y a pas de réduction de tarif ; sur cette question spéciale, j'avais, je le répète, un doute. Ce doute s'est dissipé à la suite d'un examen approfondi et portant sur l'ensemble de toutes les dispositions du contrat et pour pouvoir comprendre un acte de cette nature, il faut en combiner toutes les parties. Eh bien, j'ai acquis la conviction intime, que même pour ces transports-là, si une réduction doit avoir lieu, elle ne peut être accordée, que de commun accord avec le gouvernement. Le gouvernement est l'arbitre souverain des tarifs ; son droit à cet égard repose sur des stipulations formelles du contrat.
J'ai cru devoir donner ces explications pour que la Chambre ne restât point sous l'impression des paroles prononcées par l'honorable M. Osy.
M. Tesch. - Messieurs, je ne comptais point prendre part à cette discussion, mais les paroles qui viennent d'être échangées entre plusieurs de mes anciens collègues au ministère et l'honorable M. Osy, me forcent à donner quelques explications.
Dans une séance précédente, mon honorable collègue et ami M. Frère-Orban a fait, en quelque sorte, un appel à mon opinion et à mes souvenirs en ce qui concerne l'interprétation que nous avons donnée à la convention intervenue entre le gouvernement et la compagnie de Dendre-et-Waes. Je dois déclarer que mes souvenirs et ma manière de voir sont en tous point conformes à ceux de l'honorable M. Frère.
Dans la séance où l'honorable M. Van Hoorebeke a donné une explication qui n'était pas complètement d'accord avec notre opinion, l'honorable M. Frère et moi, spontanément, chacun de notre côté, sans nous être entendus, nous avons dit que ce n'était pas ainsi que la convention devait être entendue ; l'honorable M. Van Hoorebeke doit s'en souvenir.
Lorsque la convention a été discutée au sein du cabinet, lorsqu'elle a été arrêtée, il a toujours été entendu qu'en aucune façon, ni directement ni indirectement, aucune prime ne pourrait être donnée, que pas un centime ne pourrait être distrait des recettes pour être abandonné à ceux qui feraient usage du chemin de fer.
Cela a fait l'objet de très longues et très mûres délibérations, et c'est là un point sur lequel jamais aucun doute n'a surgi entre nous.
M. Frère-Orban. - Messieurs, l'honorable M. Osy nous a fait connaître dans la commission des finances dont il faisait partie, qu'il est actionnaire de la compagnie de Dendre-et-Waes. Je conçois qu'en cette qualité d'actionnaire, il ait un doute sur la question qui nous a été soumise, mais c'est déjà un grand argument en faveur des droits de l'Etat, qu'un intéressé se borne à réclamer le bénéfice d'un doute en faveur d'une prétention que l'on qualifie de fraude au nom de l'Etat. C'est déjà presque suffisant pour qu'un homme désintéressé soit convaincu que le doute n'existe pas.
Seulement l'honorable M. Osy a eu le tort de supposer que le doute, qu'il a comme actionnaire de Dendre et-Waes, doit être partagé par la Chambre et par ceux qui n'ont pas les mêmes raisons que lui d'hésiter. Nous sommes obligés de dire, nous, et je crois que tous ceux qui ne sont pas actionnaires auront exactement le même sentiment, nous sommes obligés de dire qu'il n'y a absolument aucun doute sur les droits de l'Etat.
M. Osy. - Messieurs, j'ai dit à la commission des finances que, étant actionnaire, je ne savais pas si je pouvais bien voter sur cette question. L'honorable M. Frère doit se rappeler que j'ai soulevé un doute à cet égard.
Maintenant je ne décide nullement le fond de la question et je suis très charmé qu'on propose le renvoi au gouvernement. Le gouvernement verra dans quel sens il doit exécuter le contrat. Le procès a commencé, les tribunaux statueront. Quant à moi, je ne me prononce pas, et si la question nous était soumise je m'abstiendrais comme actionnaire.
M. Coomans. - Messieurs, je n'admets pas l'explication donnée par l'honorable M. Frère, en ce qui concerne l'opinion de l'honorable M. Osy.
Il est vrai que l'honorable M. Osy est actionnaire du chemin de fer de Dendre-et-Waes, mais il est vrai aussi qu'il l'est seulement devenu après le vote de la loi et l'honorable M. Osy fait preuve d'une grande loyauté...
- Plusieurs membres. - Nous sommes d'accord là-dessus.
M. Coomans. - L'honorable baron Osy fait preuve d'une très grande loyauté en avouant qu'il y a des doutes sur la question, et je ne sais pas si tous les actionnaires de Dendre-et-Waes et d'autres compagnies feraient cette concession. (Interruption.) J'en parle fort à l'aise, messieurs, attendu que je ne suis actionnaire d'aucune entreprise quelle qu'elle soit, ce que je regrette beaucoup.
Mais, messieurs, en supposant que la qualité d'actionnaire puisse influer sur l'opinion qu'on a à émetlre, il faut reconnaître que la qualité d'auteur du projet de loi pourrait exercer une influence bien plus grande. Je suppose, en effet, que certains membres de cette assemblée, à qui nous devons cette loi désastreuse... (Interruption) ; cette loi désastreuse à mon sens, qui a constitué la société de Dendre-et-Waes, aperçoivent aujourd'hui les conséquences funestes pour le trésor public de cette entreprise ; ces honorables membres ne sont-ils pas très intéressés, un peu par amour-propre, un peu par esprit de parti, à faire intervenir une décision qui sauvegarde les finances de l'Etat ? Pour ma part, je joins très volontiers ma voix à celle de l'honorable M. Frère, pour recommander au gouvernement la stricte défense des intérêts du trésor, et je sais gré à cet honorable membre de chercher à réparer, en quelque sorte, une faute, peut-être involontaire, en donnant aujourd'hui une interprétation restrictive aux clauses de la convention conclue entre l'Etat et la compagnie.
Ceci soit dit uniquement pour montrer qu'il y a d'autres motifs que la qualité d'actionnaire dans la société de Dendre-et-Waes, qui peuvent faire impression sur l'esprit des membres de cette assemblée.
Du reste, messieurs, il me semble que ce débat est fort inutile. Nous n'avons pas le droit d'interpréter les lois et les contrats et c'est tout simplement une interprétation qu'on voudrait nous arracher. Je souhaite de très bon cœur que l'interprétation à intervenir et que nous n'avons pas le droit de porter, soit favorable aux intérêts du trésor qui me sont bien plus précieux que ceux de la compagnie de Dendre-et-Waes ; mais je dis que le débat est inutile parce qu'une interprétation ne peut avoir lieu que par les pouvoirs qui ont fait la loi ; nous ne pourrions jamais y concourir aujourd'hui que pour un tiers.
M. Vandenpeereboom. - Il me semble, messieurs, que la discussion est placée sur un terrain extrêmement délicat ; on semble se préoccuper de la question de savoir quels sont ceux d'entre nous qui sont actionnaires de la société de Dendre-et-Wacs, et quels sont ceux qui n'ont pas de ces actions.
Cependant, puisque la question a été soulevée et que l'opinion des actionnaires membres de la Chambre peut avoir quelque poids, je crois devoir déclarer, pour ma part, que je suis aussi actionnaire de Dendre-et-Waes, mais je m'empresse d'ajouter que, pour moi, la question en discussion n'en est pas une. Quand j'ai voté la loi, je n'ai pas cru que l'abus dont on se plaint fût possible, et j'avais cette conviction quand j'ai acheté, il y a peu de temps, des actions. A mes yeux, l'opinion de l'honorable M. Moreau est extrêmement fondée et la vérité se trouve dans les conclusions de ce rapport fort remarquable.
M. Frère-Orban. - L'honorable M. Coomans nous dit, messieurs, que si la qualité d'actionnaire explique le doute de l'honorable M. Osy, l'aniour-propre d'auteur pourrait bien exercer quelque influence sur le caractère si positif de nos affirmations.
Je fais remarquer, d'abord, à l'honorable M. Coomans que pour ce qui me regarde, je ne suis point auteur du projet ; je n'ai pas inventé ce système ; mais, appelé à l'examiner et comme membre du gouvernement et comme membre de cette Chambre, j'ai trouvé qu'il était d'une réalisation très facile, et que, loyalement appliqué, il ne pouvait présenter aucun inconvénient pour le pays.
Mon opinion n'a pas changé. Mais je n'ai point pensé que, malgré les déclarations les plus expresses, faites dans cette Chambre, malgré les explications les plus claires et les plus précises sur le sens et la portée de la concession, données par le gouvernement avant que la concession ne fût accordée, il se trouverait quelqu'un d'assez audacieux pour tenter, par des manoeuvres pratiquées dans l'ombre, sans bruit, sans éclat, sans publicité, de pervertir un contrat si solennellement discuté.
Voilà à quoi personne ne pouvait s'attendre.
La concession de Dendre-et-Waes n'est plus d'ailleurs l'œuvre de ceux qui l'ont soumise à la sanction des Chambres. Le projet a été transformé en loi et il y a une juste part de responsabilité pour ceux qui l'ont voté.
M. Coomans. - Ce n'est pas moi.
M. Frère-Orban. - Soit ; mais c'est l'immense majorité de la Chambre. Après une discussion approfondie, les deux tiers de la Chambre ont voté le projet, et ceux qui y ont été opposés, ont combattu les autres dispositions de la loi des travaux publics d’une manière systématique, à l’exception, bien entendu, des articles relatifs aux arrondissements qu’ils représentent dans cette enceinte.
(page 1233) Ils ne peuvent donc pas s'attribuer le mérite d'avoir prévu l'abus qui a soulevé le débat actuel, d'autant moins que nous l'avions d'avance expressément condamné.
Mais, messieurs, le contrat n'est pas isolé ; il est identique, dans son principe à celui qui concerne la ligne de Tournai à Jurbise, et qui n'a pas été fait par le cabinet dont vous parlez. Si les concessionnaires de Dendre-et-Waes ont le droit d'accorder des remises pour attirer les transports sur leur ligne et faire ainsi un trafic artificiel dans le but d'accroître leurs bénéfices, en imposant à l'Etat des charges qui n'étaient point dans les prévisions du contrat, s'ils ont ce droit, les concessionnaires de Tournai à Jurbise ont exactement le même droit.
Et dites-moi, vous et vos amis qui avez voté la concession de Tournai à Jurbise, dites-moi quelles précautions vous avez prises pour prévenir les abus ? (Interruption.)
C'est absolument le même principe. La concession de Tournai à Jurbise donne à la compagnie 50 p. c. de la recette brute ; la concession de Dendre-et-Waes donne à la compagnie trois quarts de la recette brute des stations nouvelles établies sur la ligne.
Ainsi d'un côté 50 p. c, de l'autre côté trois quarts des recettes, et dans les deux cas exploitation exclusive par l'Etat. C'est donc le même principe. Et quelles garanties avez-vous prises. Il n'en existe aucune, tandis que, en ce qui concerne la concession de Dendre-et-Waes, et afin de se prémunir contre toute fraude, d'empêcher tout prélèvement qui serait de nature à porter atteinte à l'exécution loyale du contrat, on a eu soin de stipuler des conditions de surveillance qui rendent évidentes la pensée des parties contractantes.
Les droits de l'Etat sont manifestes, et c'est, au surplus, ce qui est parfaitement établi dans le rapport de l'honorable M. Moreau.
- Les conclusions du rapport de la commission sont mises aux voix, par appel nominal et adoptées à l'unanimité des 65 membres qui ont répondu à l'appel.
Ce sont : MM. Van Grootven, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Van Overloop, Verhaegcn, Vermeire, Brixhe, Calmeyn, Closset, Coomans, Coppieters 't Wallant, Daurrebande, de Baillet-Latour, de Bronckart, de Brouwer de Hogendorp, de Haerne, de la Coste, Delfosse, Deliége, de Man d'Altenrode, F. de Mérode, de Mérode-Westerloo, de Moor, de Muelenaere, de Portemont, Dequesne, de Royer, de Ruddere de Te Lokeren, Desmaisières, de Theux, de T'Serclaes, Devaux, Dubus, Dumon, Faignart, Frère-Orban, Goblet, Jacques, Janssens, Jouret, Lambin, Landeloos, Lange, le Bailly de Tilleghem, Lebeau, Lejeune, Loos, Maertens, Magherman, Manilius, Mascart, Matthieu, Moreau, Osy, Pirmez, Rousselle, Sinave, Tack, Tesch, T'Kint de Naeyer, Tremouroux, Vanden Branden de Reeth, Vandenpeereboom, Vander Donckt et de Naeyer.
M. le président. - La section centrale propose l'adoption du projet de loi tel qu'il a été présenté par le gouvernement.
La discussion générale est ouverte. La parole est à M. Sinave.
M. Sinave. - Messieurs, lorsqu'on procède à l’exécution de travaux et surtout de travaux relatifs à de grandes voies navigables, je crois qu'il est nécessaire de combiner l'exécution de ces travaux, de manière à avoir un ensemble. Or, le gouvernement fait exactement le contraire.
Dans la séance d'avant-hier, j'ai interpellé l'honorable ministre des travaux publics sur l'adjudication qui venait d'être faite, par M. le gouverneur de la Flandre occidentale, de deux siphons sur le canal d Ostende. Il est indispensable de baisser les eaux de ce canal, tant que durera l'exécution de ces travaux.
Généralement, quand il s'agit de la baisse des eaux, on s'entend même avec le gouvernement français pour faire coïncider cette baisse dans les deux pays. Quaud il y a des travaux à faire, d'où vient qu'on en exécute sur une section du canal et qu'on n'en exécute pas sur l'autre section ? Ccst ce que M. le ministre des travaux publics pourra sans doute nous dire.
Messieurs, en 1851, lors du vote de la grande loi sur les travaux publics, des sommes ont été allouées pour l'exécution de travaux au canal de Gand à Ostende. Une première allocation avait été accordée pour la section de Gand à Bruges. Dans le projet qu'on nous présente, il n'y a plus d'allocation pour cet objet. Il y a, il est vrai, une économie sur l'adjudication de la première section ; mais elle est insignifiante pour recommencer les travaux de cette section.
Que résultera-t-il de ce système ? il faudra au moins 12 années pour exécuter les travaux à la section de Bruges à Gand ; ainsi, pendant 12 années, il faudra interrompre la navigation de Gand à Ostende.
Eh bien, Ostende est déjà assez maltraité par la situation de son port, pour qu'on ne prive pas encore cette ville du commerce qu'elle possède ; en effet son port lui donne le moyen de faire des voyages plus prompts pour le commerce du sel ; or, les trois quarts du sel qui arrive en destination de la Belgique passent par Ostende. Si maintenant pendant douze années vous allez interrompre cette navigation, c'est priver complètement Ostende du peu qui lui reste. La ville d'Ostende était en possession du commeree du guano ; eh bien, lorsqu'on s'est adressé an gouvernement du Pérou, qu'a-t-il répondu ? Il a dit ; Il m'est impossible de donner l'ordre à mon agent de faire des expéditions pour Ostende, parce qu'il y a insuffisance d'eau. Anvers en a profité.
Le gouvernement va encore aggraver cette position. C'est inadmissible.
L'ancien ministre des travaux publics, l'honorable M. Van Hoorebeke, n'a pas toujours été très bienveillant pour le littoral. Cependant, je dois lui rendre cette justice, qu'il a eu un heureux retour sur lui-même, et avant de quitter le pouvoir, il a demandé, afin qu'on travaillât en 1855, sur les deux sections, une somme de 600,000 francs, accolée à celle de 1,200,000 fr. proposée pour le canal de Schipdonck. Ces travaux doivent marcher de front par suite de la transaction qui a eu lieu ici entre les représentants des deux provinces.
Je ne vous dirai pas pour quels motifs on a arrêté ce noble élan qu'avait eu l'honorable M. Van Hoorebeke, et pourquoi on n'a pas porté une somme de 600,000 fr. dans le projet de loi en discussion.
Je le répète, l'honorable M. Van Hoorebeke n'a pas voulu quitter le ministère sans rendre au moins cette petite justice au littoral. Pourquoi le ministère n'a-t-il pas donné suite à cette intention ? C'est à raison de notre position financière. Mais comment paye-t-on le 1,200,000 fr. pour l'exécution des travaux au canal de Schipdonck ? Par des bons du trésor. Si vous accordez 1,200,000 fr. en bons du trésor pour la construction du canal de Schipdonck, pourquoi refuser 600,000 fr. pour le canal de Gand à Ostende, alors que le ministère précédent avait formellement résolu cette dépense ?
C'est la question financière seule qui a entravé, je le répète, l'élan du ministère.
L'honorable représentant d'Ostende a cru, lors de la discussion sur les bateaux à vapeur, quand j'ai dit que le port d'Ostende était dans un mauvais état, que je voulais nuire au port d'Ostende ; nullement ; mon but était d'engager le gouvernement à le mettre en bon état. Nous n'avons que ce seul port, car Anvers est et restera constamment bloqué ; nous devons payer annuellement un million à l'étranger pour droit de passage. J'ai toujours été un aussi chaud défenseur des intérêts du port d'Ostende que les Ostendais eux-mêmes ; l'honorable M. Van Iseghem sait que j'ai longtemps habité le port d'Ostende et que j'y ai fait le commerce. Je le prie d'avoir une autre opinion de moi.
J'ai maintenant à dire quelques mots sur les siphons en construction dans le canal d'Ostende.
Il faudrait m'étendre un peu pour faire bien comprendre la situation ; ce canal, quand on l'a construit, a eu les mêmes vices que les canaux qu'on construit aujourd'hui, c'est-à-dire d'avoir les eaux, sur une grande partie de son parcours, à deux ou trois mètres au-dessus du sol. Il en résulte des filtrations et des dégâts considérables ; nous avons 60,000 hectares de nos meilleures terres qui en souffrent.
Sous le gouvernement autrichien, il y a 70 ans que la construction des siphons dans un grand canal de navigation comme celui-là, à jeté le pays dans des alarmes continuelles ; pour y remédier on a commencé à cette époque à construire un petit canal latéral pour pouvoir supprimer ces siphons ; mais en 1789, sous l'empire et ensuite sous le gouvernement hollandais, qu'a-t-on répondu à nos constantes réclamations ? On a dit : Laissez les siphons autant qu'ils pourront rester, nous verrons ensuite. Les siphons sont en mauvais état depuis trente ans ; je les ai visités, il y avait des crevasses à cette époque ; malgré nos réclamations, on persiste dans ce mauvais système des siphons. La pente au nord du canal est tellement faible que les siphons ne feront presque pas d'effet.
Il y a quatre ans, dans cette enceinte, j'ai réclamé vivement ; malheureusement quand on parle de son arrondissement on n'est pas très favorablement écouté, parce que les réclamations sont nombreuses.
Les siphons sont rompus ; je devrais porter une accusation très grave contre le département des travaux publics. Je ne sais s'il faut attendre la discussion des crédits supplémentaires ou le faire maintenant.
L'exposé des motifs du crédit de 2 millions s'exprime ainsi à propos de cette rupture : Canal de Gand à Ostendc, insuffisance, 21,918 85.
« Le découvert, que présente cet article, provient de la dépense supplémentaire à laquelle ont donné lieu les travaux qu'il a fallu exécuter au siphon du Paddegat, par suite d'un accident qui, survenu dans la nuit du 12 au 13 octobre 1854, a exposé la contrée environnante à une inondation désastreuse.
« ... Des efforts prompts, actifs et bien entendus ont heureusement permis de conjurer le danger ; on est parvenu à prévenir la rupture des digues du canal et à soustraire les localités riveraines à l'irruption des eaux. »
Eh bien, autant de mots qu'il y a ici, autant de mensonges. Il y a plus de trois mille hectares de terres inondées par ce fait et on ose tromper la religion du ministre en lui présentant un rapport faux. Il n'y est pour rien, mais son devoir est de punir ceux qui le trompent ainsi ; j'espère qu'il n'y manquera pas.
Je demande à M. le ministre, puisque nous n'avons pas de fonds pour travailler dans la section de Gand à Bruges, s'il ne vaut pas mieux suspendre l'exécution des siphons et remettre à un an pour changer de système.
Si on construisait un canal latéral, les riverains seraient sauvés et la dépense ne serait pas considérable ; car vous allez avoir ici une économie de 80,000 à 90,000 fr. Si on doutait de ce que je dis, je n'aurais pas (page 1234) besoin de sortir de cette enceinte pour avoir des témoignages. L'honorable M. Dubus pourrait en dire quelque chose. Il a une cinquantaine d'hectares de terre sous l'eau, il en perd le revenu. Il pourrait sous un autre rapport donner des détails qu'il connaît mieux que moi sur ce qui s'est passé dans la dépense de 2 millions, il y a eu des choses vraiment inconvenantes, j'espère qu'il les révélera ici en séance, sinon je me chargerai de le faire. Je n'en dirai pas davantage pour le moment.
Je demanderai au ministre de suspendre les travaux sur le canal de Gand à Ostende ou de reprendre la proposition de M. Van Hoorebeke, et de porter le crédit de 600,000 fr. Il est vrai qu'il y a eu une grande division entre nous et les honorables députés de Gand ; mais nous avons oublié ce qui s'est passé et nous nous sommes donné la main.
Je suis complètement de l'avis de M. le ministre, et je voudrais pouvoir ajouter avec lui que le département des travaux publics, dans l'exécution des travaux décrétés, s'est toujours montré animé du désir le plus sincère de satisfaire aux légitimes intérêts que la loi a voulu sauvegarder.
Malheureusement, et à mon grand regret, les faits sur lesquels je dois appeler l'attention de la Chambre ne me permettent pas de décerner un pareil éloge au département des travaux publics.
La loi du 20 décembre 1851 a décrété en même temps que la continuation du canal de Deynze à la mer du Nord, l'approfondissement du canal de Gand à Bruges.
2,500,000 francs furent alloués pour le premier de ces travaux, 1,000,000 pour le second. C'était un premier à-compte sur la dépense totale.
Ces deux travaux, également importants, devaient marcher en quelque sorte simultanément et être exécutés, suivant la déclaration du gouvernement avec toute la célérité désirable.
Voici maintenant comment le gouvernement a maintenu l'égalité, la simultanéité d'exécution à l'égard de chacun de ces travaux. Pour le premier il a épuisé non seulement le crédit voté de deux millions et demi, mais il a pris des engagements qui dépassent considérablement ce crédit.
A la fin de 1854 il y avait, pour couvrir les engagements pris, une insuffisance de 1,215,159 fr., et au moment de la présentation du projet de loi qui nous occupe, c'est-à-dire dans l'intervalle de 4 à 5 mois, l'insuffisance s'est considérablement accrue, elle était alors, lisons-nous dans l'exposé des motifs, d'au moins 1,318,861-85. Tandis que le département des travaux publics se montrait si généreux, si empressé pour le canal de Deynze à la mer, que faisait-il pour l'approfondissement du canal de Gand à Bruges ? Les travaux d'approfondissement de la partie de ce canal comprise entre la grille de fer et la porte de Damme à Bruges furent adjugés le 8 avril 1853, une somme de 164,000 fr. restait disponible sur le crédit alloué et néanmoins jusqu'au jour ou a négligé de mettre en adjudication les travaux que la somme disponible permettait de faire exécuter. Cependant les plans sont au département des travaux publics depuis plusieurs mois.
Ainsi, pour les uns on dépasse considérablement et sans nécessité les crédits alloués par la législature, et pour les autres, on ne dépense pas même le crédit qui leur est affecté. Et on agit ainsi à l'égard d'une province dont les intérêts n'ont pas obtenu, ou pu obtenir (je ne veux pas recommencer d'anciennes discussions) la satisfaction qu'ils réclamaient.
Remarquez que ce sont précisément les travaux que la Flandre occidentale devait considérer comme une espèce de compensation aux sacrifices qu'on lui imposait, qui ne s'exécutent que partiellement et dont l'achèvement se trouve considérablement reculé.
Et c'est alors que l'on ne peut encore avoir oublié les vives réclamations que cette province a produites contre les décisions prises pour l'exécution du canal de Schipdonck, c'est alors que l'on ne peut avoir oublié l'irritation que ces décisions ont jetée dans les esprits, que l'on vient donner en quelque sorte de gaieté de cœur, à toute une province, de nouveaux et légitimes motifs de plaintes.
M. le ministre me répondra, sans doute, qu'une partie des faits que je viens de citer a été posée sous l'ancien cabinet, et qu'il ne peut en être responsable. Cela est vrai, je n'hésite pas à le reconnaître ; mais j'ajoute que je suis convaincu que le prédécesseur de M. le ministre aurait rétabli, autant qu'il était en lui, l'égalité entre les deux ouvrages dont il s'agit, et si je m'en rapporte à des renseignements que je crois très exacts, je puis ajouter que l'intention de l'honorable M. Van Hoorebeke était de comprendre dans les crédits à demander une somme de 600,000 francs pour la continuation des travaux d'approfondissement du canal de Gand à Bruges.
Le cabinet actuel a jugé convenable d'agir autrement. Il ne propose aucun crédit pour continuer les travaux d'approfondissement du canal de Gand à Bruges. Il pose ainsi, à l'égard de la Flandre occidentale, un acte d'une criante injustice, contre lequel il est de mon devoir de protester de toutes mes forces.
Que le cabinet ne s'y trompe point, une pareille conduite ne facilitera guère l'accomplissement de la mission de calmer les esprits, qu'il s'est donnée en entrant aux affaires.
Que l'on ne vienne pas m'objecter la situation du trésor. Une pareille excuse est inadmissible ; au moment où négligeant les travaux en voie d'exécution, le gouvernement nous en propose de nouveaux qui sont loin d'avoir le degré d'utilité générale que présentent les travaux décrétés. Aucuns prétendent même qu'ils n'ont de l'utilité qu'au point de vue de l'intérêt privé de quelques propriétaires.
Veuillez bien le remarquer, messieurs, je ne réclame pas seulement au nom d'une province, au nom d'un important centre de population à qui l'on doit satisfaction, satisfaction qu'on ne peut lui dénier qu'en méconnaissant les prescriptions d'une loi formelle ; ainsi que le disait, l'autre jour, l'honorable M. Lelièvre, dans une circonstance analogue ; c'est dans l'intérêt du pays tout entier, c'est dans l'intérêt du trésor que je réclame la continuation de travaux qui, aussi longtemps qu'ils ne sont pas complètement terminés, ne produisent aucune utilité et constituent une dépense totalement improductive.
Je termine, messieurs, en m'appuyant sur l'autorité de la section centrale pour déclarer que le projet de loi laisse beaucoup à désirer au point de vue de l'équité et de la justice distributive. Comme je ne veux pas sanctionner, par mon vote, une pareille loi, je déclare que j'émettrai un vote négatif.
Je désire que l'on ne se méprenne point sur la portée de mon vote, je désire surtout que mes honorables collègues de la Flandre orientale ne s'y méprennent point, quelle qu'ait été mon opinion, quelle qu'elle soit encore sur les travaux du canal de Deynze à la mer du Nord, je ne veux en rien entraver leur achèvement. Au contraire, je voterai avec plaisir tous les crédits qui nous seront demandés et qui seront reconnus nécessaires pour la prompte exécution de ces travaux, je n'y mets qu'une seule condition, c'est qu'on reste fidèle à l'esprit de la loi du 20 décembre 1851, en maintenant sur la même ligne les travaux d'approfondissement et d'élargissement du canal de Bruges à Gand.
M. Vandenpeereboom. - Mon tour de parole est arrive ; mais on me fait observer que la Chambre n'est plus en nombre, la discussion ne peut donc continuer, ainsi le veut le règlement, d'ailleurs il est bon qu'une discussion de cette importance ne soit pas scindée.
M. de Muelenaere. - La question qui a été soulevée est extrêmement importante pour une des plus grandes provinces du pays.
Du moment qu'il est constaté que la Chambre n'est pas en nombre, on ne peut pas contraindre un orateur à continuer la discussion. Il n'a plus l'espoir de pouvoir convaincre la majorité et de la ramener à son opinion.
Je demande donc que, par un appel nominal, on constate que la Chambre est encore ou n'est plus légalement constituée. (Adhésion.)
- Il est procédé au vote par appel nominal qui constate la présence de 53 membres.
La Chambre n'est plus en nombre.
M. le président. - M. Boulez a écrit au bureau pour obtenir un congé.
- Ce congé est accordé.
La séance est levée à 3 heures et demie.