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Chambres des représentants de Belgique
Séance du vendredi 11 mai 1855

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1854-1855)

(Présidence de M. Delehaye.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 1075) M. Maertens procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. Ansiau donne lecture du procès-verbal de la dernière aéance ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Maertens présente l'analyse des pétitions adressées à la Chambre.

« Plusieurs habitants de Branchon demandent qu'on examine s'il n'y a pas lieu de décider que les fabriques de produits chimiques suspendront annuellement leurs travaux du 1er avril au 1er octobre. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Lengelé, milicien de la levée de 1851, dont le remplaçant a été congédié pour infirmités contractées au service, réclame l'intervention de la Chambre pour que le département de la guerre lui permette d'entrer au régiment en place de son remplaçant et subsidiairement pour que la cour de cassation décide sur le pourvoi formé par son frère. »

- Même renvoi.


« Le conseil communal de Laroche prie la Chambre de rapporter ou de modifier quelques articles du Code forestier, en ce qui touche les bois des communes. »

- Même renvoi.


« Les membres du conseil communal de Limal demandent que le gouvernement autorise la compagnie du Luxembourg à exploiter la section du chemin de fer qui est achevée jusqu'à Gembloux. »

- Même renvoi.


« Les sieurs Gillard, Faessen Joiris et autres commissaires de l'association des bateliers de la Meuse présentent des observations en faveur du projet de loi sur les irrigations. »

- Dépôt sur le bureau pendant le vote définitif du projet de loi.

Projet de loi allouant des crédits supplémentaires au budget du département des finances et des non-valeurs et remboursements

Rapport de la section centrale

M. de Renesse. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale, sur le prejet de loi allouant des crédits supplémentaires au budget du département des finances et des non-valeurs et remboursements pour l'exercice 1854.

Projet de loi portant le budget de la dette publique de l’exercice 1856

Rapport de la section centrale

M. Rousselle dépose le rapport de la section centrale qui a examiné le budget de la dette publique pour l'exercice 1856.

Projet de loi relatif à la distillation des fruits secs, mélasses, etc.

Rapport de la section centrale

M. Deliége dépose le rapport de la section centrale qui a examiné le projet de loi sur la distillation des fruits secs, mélasses, etc.

Projet de loi prorogeant les lois sur l’entrée des machines

Rapport de la section centrale

M. Vermeire dépose le rapport de la section centrale qui a examiné le projet de loi portait prorogation des lois des 24 mai et 11 juin 1855, sur l’entrée des machines et des appareils nouveaux et perfectionnés.

Projet de loi accordant un crédit supplémentaire au budget du ministère de la justice

Rapport de la section centrale

M. Jacques dépose le rapport de la section centrale qui a examiné le projet de loi allouant au département de la justice un crédit de 150,000 fr.$ pour fabrication d'objets destinés à l'exportation.

- La Chambre ordonne l'impression et la distribution de ces rapports et les met à la suile des objets à l'ordre du jour.

Rapport sur des demandes en naturalisation

M. Wasseige, M. de Steenhault et M. Calmeyn déposent des rapports sur des demandes de naturalisation.

- La Chambre ordonne l'impression et la distribution de ces rapports.

Motion d’ordre

Demande en concession d'un chemin de fer de Saint-Ghislain à Gand

M. de Naeyer, rapporteur. - L'honorable M. Vander Donckt a présenté hier un rapport sur une pétition de la commune de Sotteghem qui appuie avec les plus vives instances la demande en concession du chemin de fer de Saint-Ghislain à Gand. J'ai regretté de n'avoir pu assister à la présentation de ce rapport ; j’aurais saisi cette occasion pour faire une interpellation que je désire adressera l'honorable ministre des travaux publics.

Je désirerais savoir si le gouvernement est enfin disposé à faire droit aux nombreuses réclamations que lui ont été adressées par l'intermédiaire de la Chambre et qui tendent à ce qu'on autorise l'industrie privée à construire l’importante voie de communication dont je viens de parler, et à doter ainsi le pays d'un nouvel instrument de prospérité sans dépenser un centime à charge du trésor public.

Messieurs, je n'abuserai pas des moments de la Chambre pour faire ressortir le grand caractère d'utilité générale qui s'attache à l'exécution de ce projet. Il suffit de faire remarquer qu'il s'agit de relier de la manière la plus directe possible, d'un côté une partie très importante du Hainaut, les riches charbonnages du Couchant de Mons, et de l'autre côté les provinces flamandes et notamment la métropole industrielle des Flandres.

Cette affaire, messieurs, est en instance depuis plusieurs années ; elle est complètement instruite. Prolonger encore l'instruction, cela est complètement inutile pour éclairer la question ; cela ne pourrait servir qu'à entraver l'exécution d'un projet éminemment utile, à éloigner presque certainement les capitaux qui se présentent et à embrouiller une question qui se réduit à des éléments excessivement simples. Je crois que tclies ne sont pas les intentions de M. le ministre des travaux publics et telles ne peuvent être les intentions de personne.

Nous savons tous que la situation actuelle de nos finances ne nous permet pas d'entreprendre aux frais de l'Etat de nouveaux ouvrages d'utilité publique. D'un autre côté la dette qui est inscrite dans la loi de 1851 est loin d'être acquittée.

Dans cette situation, si nous ne voulons pas empêcher l'exécution de travaux publics, qui est le moyen le plus efficace pour développer la richesse nationale, nous devons accepter avec bienveillance, je dirai avec empressement, le concours de l'industrie privée afin que les bienfaits de notre railway puissent s'étendre partout. Ces considérations me font espérer que l'honorable ministre des travaux publics pourra nous annoncer une solution conforme aux vœux, je dirai même aux droits des populations que nous avons l'honneur de représenter.

M. Magherman. - Messieurs, j'appuie les considérations que vient de faire valoir l'honorable M. de Naeyer pour demander que cette affaire pendante depuis si longtemps reçoive enfin une solution. Cependant, je ne les appuie pas dans le sens de la solution que l'honorable membre semble désirer. Une autre ligne qui doit également relier le bassin houiller du Couchant de Mons à la ville de Gand, par Renaix et Andenarde, est aussi appuyée par de nombreux pétitionnaires. Dans la séance d'hier une requête en ce sens, émanant de l'administration communale de Renaix, vous a été analysée. Cette question est vitale pour le populeux arrondissement d'Audenarde.

Je prie M. le ministre des travaux publics d'avoir égard à cette pétition et de vouloir bien faire en sorte que cette affaire puisse recevoir une prompte solution.

M. le ministre des travaux publics (M. Dumon). - Messieurs, les pétitions sur lesquelles il a été fait rapport hier ne sont pas les seules qui par ordre de la Chambre aient été renvoyées au département des-travaux publics. Ces pétitions sont d'une nature très différente ; toutes demandent la jonction du Couchant de Mons avec la ville de Gand, c'est-à-dire le moyen de rapprocher la production charbonnière du centre de la consommation, mais les moyens d'arriver au résultat sont très opposés, surtout quant au tracé proposé. C'est en présence de ces complications que le gouvernement s'est trouvé arrêté.

Il n'y aurait aucune raison pour refuser à l'industrie privée la concession immédiate d'un chemin de fer, si la question avait été aussi simple qu'elle le paraît au premier abord ; mais elle est mêlée de difficultés de toute nature ; des intérêts si divers et si légitimes sont engagés dans cette affaire qu'il n'est pas étonnant que le gouvernement ait cru devoir la soumettre à une enquête sérieuse. L'instruction dure, depuis un certain temps, il est vrai, mais je prie la Chambre de remarquer qu'on n'a jamais eu qu'un seul regret dans les questions de cette nature, c'est le regret d'avoir pris une résolution précipitée.

Je pense donc, messieurs, que mon prédécesseur a agi sagement en suspendant momentanément toute décision.

Il y avait lieu d'espérer que l'enquête à laquelle ces différentes affaires étaient soumises dans le Hainaut et dans les Flandres, serait terminée assez à temps pour que la Chambre pût être saisie de la question dans le courant de cette session ; il en eût été ainsi si la crise ministérielle, qui a duré quelque temps, n'avait fait penser à l'administration que son travail ne pourrait pas arriver en temps utile, et je crois que c'est pour cette raison qu'elle n'a pas accéléré davantage son travail.

Du reste, messieurs, l'enquête est terminée dans les provinces, la question est à l'étude au conseil des ponts et chaussées et je ne doute pas que dans l'intervalle des sessions elle n'aboutisse à un résultat qui permette de la soumettre à la Chambre dès le commencement de la session prochaine.

Quant au tracé, je le répète, le gouvernement croit devoir réserver son opinion.

M. T'Kint de Naeyer. - Messieurs, je viens appuyer les considérations présentées par l'honorable M. de Naeyer. Depuis longtemps je me suis intéressé au dénouement de cette affaire et j'ai acquis la conviction que si l'enquête qui a été ouverte n'a pas abouti plus tôt, cela n'a pas dépendu du prédécesseur de l'honorable ministre des travaux publics.

Mais, messieurs, si mes renseignements sont exacts, toutes les pièces (page 1076) relatives à l'enquête sont rentrées depuis le commencement de février ; l'administration se trouve donc en demeure de faire son rapport et il me semble que le gouvernement pourrait dans un bref délai nous faire connaître son opinion.

Vous remarquerez, messieurs, que la question n'est pas nouvelle, et que depuis plusieurs années la Chambre en a été saisie par d'innombrables pétitions.

Gand n'est relié au Borinage par aucune voie ferrée, à moins de faire un détour qui double la distance, par Bruxelles ou par Courtrai ; nous sommes dans le même isolement à l'égard de Charleroi et du Centre.

Or, pendant la saison rigoureuse, la navigation, déjà si lente, est complètement interrompue, et nos fabriques sont menacées d'un chômage général, faute de combustible. Vous n'avez pas oublié ce qui s'est passé pendant l'hiver si rigoureux de 1853.

La nécessité de relier les Flandres au Hainaut par un réseau de voies ferrées destinées à y faire arriver avec plus de rapidité et d'économie le combustible et toutes les matières pondéreuses n'est pas contestable,

Le gouvernement assumerait une grande responsabilité si de nouveaux délais venaient à compromettre le sort des concessions projetées.

M. Lebeau. - Messieurs, j'ai vu par un journal qui m'a été envoyé récemment d'Anvers, qu'une pétition, couverte d'un très grand nombre de signatures, avait été adressée, non pas à la Chambre, mais à une section centrale de la Chambre. Je n'incrimine pas le fait. Je suis convaincu qu'il n'est pas entré dans la pensée des pétitionnaires dont les noms, pour autant qu'ils me sont connus, sont une garantie ; je suis convaincu, dis-je, qu'il n'est pas entré dans la pensée des pétitionnaires de manquer aux usages de la Chambre.

Mais je crois que c'est là un précédent qui ne doit pas passer inaperçu. Je ne pense pas qu'une section centrale puisse être saisie du dehors, directement, sans que la Chambre en ait connaissance autrement que par les journaux, d'une pétition, quelque urgent qu'en soit l'objet.

Je demanderai à ce propos des explications au bureau, et, au besoin, à la section centrale qui est chargée de l'examen du projet de crédit de 9,400,000 francs au département de la guerre.

M. Coomans. - Messieurs, je puis donner immédiatement une explication sur le fait qui vient d'être signalé par l'honorable M. Lebeau. Hier, un des signataires de cette pétition est venu m'annoncer qu'on l'avait adressée à la section centrale. J'ai fait observer à l'instant que c'était une façon d'agir très irrégulière, et que la section centrale ne pouvait pas faire état de cette pièce ; que les sections centrales n'étaient saisies régulièrement que de pétitions qui leur étaient envoyées par la Chambre elle-même ; il a déclaré, conformément à l'opinion bienveillante que l'honorable M. Lebeu veut bien avoir des signataires anversois, que le fait s'était passé complètement sans arrière-pensée de leur part ; qu'ils ne connaissaient pas le règlement de la Chambre, et que lui allait retourner immédiatement à Anvers pour faire adresser directement la pétition à la Chambre.

M. Osy. - Messieurs, c'est à moi qu'on a envoyé la pétition dont l'honorable M. Lebeau vient de parler. J'ai fait la même observation que l'honorable M. Coomans ; j'ai remis la pétition à M. le président de la section centrale ; je comptais, lors de la réunion de la section centrale, déclarer que cette section ne pouvait pas tenir compte de la pétition, que cette pétition devait passer par la Chambre. Jusqu'à présent, la section centrale ne s'est pas réunie ; je me suis donc borné à remettre la pétition à M. le président de la section centrale.

M. Lebeau. - Messieurs, je me déclare complètement satisfait. Du reste, mes honorables collègues avaient déjà rendu justice aux intentions qui avaient dicté mon interpellation.

M. de Naeyer, rapporteur. - La pétition dont vient de parler l'honorable M. Lebeau m'a été remise comme président de la section centrale, chargée d'examiner les demandes de crédit pour le département de la guerre ; cette section centrale n'ayant pas été réunie depuis la réception de cette pièce, je n'ai pu la lui communiquer, mais je me réservais de la consulter pour savoir quelle suite il y avait lieu de donner à la pétition. Du reste, mon opinion était conforme à celle que vient d'exprimer l'honorable M. Lebeau ; j'ai pensé que cette pétition, pour suivre une marche régulière, aurait dû être adressée à la Chambre.

Projet de loi modifiant la législation sur les poids et mesures

Second vote des articles

Article 14

M. le président. - La discussion continue sur l'article 14.

M. Lebeau. - Messieurs, à propos d'un projet de loi purement administratif, je croirais abuser des moments de la Chambre en venant prolonger des débats qui déjà me semblent avoir eu une dimension démesurée.

Mais il n'échappera pas à l'attention de la Chambre, eu égard au caractère et au nombre des orateurs qui ont pris part à la discussion que sous les apparences d'un détail d'administration, se cache une question de principe très grave. C'est précisément parce que j'assigne ce caractère à l'incident qui nous occupe, que je prends la liberté de réclamer pendant quelques moments encore l'attention de la Chambre.

Mes honorables amis et moi, si disposés que nous ayons pu être dans telle ou telle circonstance à faire de l'opposition, nous n'avons jamais cherché les moyens d'en faire dans un esprit de chicane et de tracasserie, et à propos de lois ou de mesures d'un caractère purement administratif.

Je crois ne pas parler en mon nom seul, mais parler aussi dans le sens de beaucoup de mes honorables amis en disant que le concours de ce côté est en général acquis à tous les cabinets qui viennent présenter de bonnes lois administratives.

Mais alors même que mes amis politiques seraient assis au banc ministériel, dès qu'il s'agit d'une question de principe que je n'envisagerais pas comme eux, il me serait absolument impossible de garder le silence.

Or, je crois qu'une question de principe assez grave a été soulevée dès le début de cette discussion par M. le ministre de la justice.

Dans le débat qui a eu lieu hier, nous avons vu M. le ministre de l'intérieur, je dois le dire, à ma grande surprise, se rallier à un amendement qui, s'il est converti en texte législatif, aura ce résultat que, depuis plusieurs jours, la Chambre s'occupe à renouveler le travail de Pénélope ; nous aurons défait tout ce que nous avons laborieusement cherché à faire pendant huit jours. L'honorable ministre de l'intérieur a cru faire hier, je crois même qu'il a prononcé le mot, acte de conciliation et de transaction en acceptant l'amendement de l'honorable M. Lelièvre.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Decker). - Je n'en ai pas parlé.

M. Lebeau. - Vous n'en avez pas parlé ; alors je retire mon observation. Je n'ai pas la prétention de savoir mieux que vous ce que vous dites.

Quoi qu'il en soit, conciliation ou non, M. le ministre de l'intérieur a accepté hier l'amendement de l'honorable M. Lelièvre ; mais je demanderais volontiers à M. le ministre de l'intérieur, si en acceptant l'amendement de cet honorable député, il accepte aussi le commentaire dont l'honorable M. Lelièvre l'a accompagné. Si par hasard il avait échappé (comme j'ai quelque lieu de le croire) à l'attention de M. le ministre de l'intérieur, je croirais lui rendre service en plaçant ce commentaire sous ses yeux.

Mais rappelons, d'abord, en quels termes l'honorable M. Moreau s'est exprimé, à propos de l'opinion de M. le ministre de la justice sur l'intervention du juge de paix et de quelques autres officiers de police judiciaire ou administrative, telle que l'indique la loi actuelle.

Voyons d'abord ce que dit l'honorable M. Moreau.

« D'après l'opinion émise par M. le ministre de la justice, il paraît qu'aujourd'hui ce ne sont plus les règles du droit commun, telles qu'elles ont été appliquées en France, que le gouvernement veut suivre ; qu'ainsi il a changé de système, puisque maintenant il veut que les officiers de police puissent refuser leur concours aux employés.

« Je souhaite seulement qu'avec de semblables dispositions le ministère parvienne à faire exécuter la loi et que la sanction que nous donnons aux mesures que nous prescrivons, soit sérieuse.

« Je désire en outre que les fonctionnaires se prêtent toujours de bonne grâce à une mission aussi désagréable, lorsqu'ils auront la facult » de la refuser. »

M. le ministre de la justice répond à l'honorable M. Moreau. C'est probablement ce soir ou demain que nous connaîtrons sa réponse ; elle n'a pas paru dans les Annales parlementaires.

M. le ministre de la justice (M. Nothomb). - Elle a été envoyée avant minuit au Moniteur.

M. Lebeau. - L'honorable M. Lelièvre dit de son côté ;

« Messieurs, je partage entièrement l'avis que vient d'émettre l'honorable M. Moreau. Lorsque la loi investit certains agents du droit de constater certains délits et contraventions, mais n'autorise leur introduction dans certains lieux habités qu'en présence du juge de paix, du commissaire de police ou tout autre fonctionnaire, il est évident à mon avis que ceux-ci ne peuvent se refuser à accompagner l'agent qui requiert leur assistance. »

M. Lelièvre termine ainsi son discours : « A cet égard, puisque M. le ministre de la justice, chargé d'assurer l'exécution de la loi, croit pouvoir autoriser les fonctionnaires désignés au paragraphe 2 de l'article 14, à refuser d'obtempérer à la réquisition des employés, je ne vois pas pourquoi nous serions plus rigoureux que le pouvoir à qui appartient, sous sa responsabilité, l'exécution des lois. »

Et pour continuer dans un style un peu plus incisif l'espèce de persiflage par lequel l'honorable M. Lelièvre termine les développements de son amendement, l'honorable M. Orts s'exprime ainsi : « Si le gouvernement ne croit pas devoir réclamer les moyens qu'on met à sa disposition pour assurer l'exécution de la loi, libre à lui d'y renoncer. De mon côté, je ne me considère pas comme obligé à me montrer plus gouvernemental que le gouvernement, de même que pour faire mon salut, je ne me croirais pas forcé d'être plus catholique que le pape. »

Voilà, messieurs, à peu près dans quel style les différentes orateurs, qui se sont ralliés à l'amendement de l'honorable M. Lelièvre, en ont précisé le caractère et la portée. C'est donc avec une pleine connaissance de cause de l'esprit et du texte de l'amendement proposé par cet honorable orateur, que M. le ministre de l'intérieur s'y est rallié.

Messieurs, dans la séance d'hier, je dois avouer que j'ai été très (page 1077) surpris de la part qu'a prise M. le ministre de la justice à cette discussion. M. le ministre s'est montré plus préoccupé, ce me semble, du soin d'interpréter que de faire une loi. Plus fidèle encore à des habitudes judiciaires qu'à des habitudes parlementaires, il nous a dit surtout ce qu'à son avis il y avait dans l'article de la loi en discussion.

Il me semble que M. le ministre a un peu oublié qu'ici nous n'interprétons pas, nous n'expliquons pas les lois, que la Chambre n'est pas un corps judiciaire, que la Chambre fait des lois et que la question pour elle n'est pas de savoir si l'obligation pour les officiers de police, de prêter leur concours aux agents des poids et mesures est inscrite dans le texte du projet de loi, mais si elle doit y être inscrite. Voilà pourtant la seule question ; il n'y en a pas d'autre en discussion.

Eh bien, je n'hésite pas à dire avec l'honorable M. Orts, avec l'honorable M. Lelièvre, avec l'honorable M. Moreau, que, si la visite, telle qu'elle est indiquée dans le projet de loi, c'est-à-dire dans un lieu autre que celui que l'on pourrait appeler le comptoir, le magasin ; si elle ne peut avoir lieu que sous le bon plaisir du juge de paix, de l'échevin ou du commissaire de police, votre loi n'a plus de sanction, et nous faisons ici depuis huit jours, je le disais tout à l'heure, le travail de Pénélope.

Votre loi n'a pas de sanction. En effet, messieurs, il n'y a pas de distinction sérieuse en pratique à faire entre la visite dans le magasin ou la boutique, si l'on veut me permettre de me servir de l'expression technique, quelque triviale qu'elle soit, et la visite dans les lieux qui ne servent pas au débi. Il suffit d'une chambre voisine avec laquelle on communique par un simple guichet, pour qu'immédiatement après avoir fait usage des poids et mesures faux ou non autorisés, on les fasse disparaître, et que dès lors le droit de visite, à moins que les agents des poids et mesures n'arrivent furtivement par la fenêtre, j'ai presque dit par la cheminée, est absolument dérisoire.

Il faut donc, en règle générale, que les employés puissent se faire accompagner du fonctionnaire indiqué. L'envie de vexer les débitants, que les supérieurs auxquels on s'adresserait seraient les premiers à réprimer, ne doit pas se présumer. Il faut que toujours ces visites soient permises, sauf à signaler des écarts de zèle ou des tracasseries.

Si vous dites qu'il faut, comme le porte l'amendement de l'honorable M. Lelièvre, auquel le gouvernement s'est rallié, que les fonctionnaires, non pas seulement le juge de paix, mais l'échevin, mais le simple commissaire de police, autorisent par leur présence la visite des agents du gouvernement, je déclare que cette prescription sera complètement illusoire, et que la Chambre ne ferait pas chose sérieuse, ne ferait pas chose avouable en inscrivant cette disposition dans la loi.

Je comprends, et peut-être les scrupules de M. le ministre de la justice proviennent-ils en partie de là, je comprends sa répugnance à soumettre le juge de paix, qui est un magistrat inamovible, qui doit être environné d'une certaine autorité morale et d'une considération incontestée, à l'injonction en quelque sorte d'un employé subalterne des poids et mesures.

Aussi, si l'on sauvegardait le principe quant aux autres fonctionnaires dont on demande le concours et qu'on rayât de la loi le juge de paix, peut-être, quant à moi, pourrais-je me rallier à une proposition semblable.

Je dois considérer d'ailleurs qu'en pratique cette mission qu'on veut donner au juge de paix serait bien difficile à remplir, surtout s'il habite la campagne. Il pourrait être dans l'impossibilité matérielle, eût-il même un cheval à sa disposition, de déférer aux réquisitions qui pourraient se succéder ou même se présenter simultanément dans son canton.

Mais, quant à soumettre l'action du pouvoir exécutif, représenté aussi bien, remarquez-le, quoique moins immédiatement, par un fonctionnaire de l'extrémité inférieure de l'échelle que par les fonctionnaires de l'ordre le plus élevé, soumettre cette action, prescrite par le gouvernement, à l'autorisation préalable d'un échevin du plus mince village, d'un commissaire de police, ce n'est pas seulement, messieurs, la confusion des pouvoirs, c'est l'interversion de tous les pouvoirs ; c'est mettre au-dessus ce qui est et doit rester constamment au-dessous ; ce n'est pas la subordination, c'est l'anarchie qu'on organise dans le gouvernement.

Que si du principe nous passons à l'exécution, si nous passons de la théorie à la pratique, l'amendement proposé est la chose du monde la plus étrange, la plus inconcevable. Comment ! messieurs, vous voulez qu'un bourgmestre, un bourgmestre de village, qui doit peut-être l'appoint de la majorité qui l'a fait bourgmestre, à certains cabaretiers, à certains détaillants, vous voulez que cet homme soit autorisé, quand il peut les soustraire à une surveillance qui doit les importuner, les vexer ; vous voulez qu'il soit autorisé à empêcher les visites par son abstention ! Mais, messieurs, si vous n'ordonnez pas qu'il assiste à la visite, il est évident qu'il s'y refusera toujours. Et comment voulez-vous qu'il distingue entre l'un et l'autre ?

Quand il est obligé d'obéir, sa position est des plus faciles, il dit ; Je remplis mon devoir. Mais quand il est libre de choisir, son choix devient une injure ; au point de vue des questions électorales, son choix peut être considéré comme la récompense ou comme la punition d'un vote. Voilà, messieurs, ce qui est évident ; il ne faut pas avoir habité huit jours une commune rurale pour être convaincu que la loi ne recevra jamais d'exécution. J'en appelle à tout le monde, ce n'est pas ieî une question de parti, c'est une question de bon sens.

L'honorable M. de Decker, qui'se fait parfois si facilement illusion sur la nature humaine, qui nourrit à cet égard des pensées si naïves ! j'ai presque dit si virginales, qui semble parfois croire l'homme exempt de passions, grandes ou petites, l'honorable M. de Decker croit pourtant que l'inviolabilité du domicile est mise en question, si de pauvres et timides employés des poids et mesures peuvent se livrer à des visites domiciliaires sous l'œil d'un bourgmestre, d'un commissaire de police, sous le contrôle de leurs chefs et du public ! Etrange contradiction !

L'honorable M. de Decker croit que le domicile ne sera pas suffisamment sauvegardé si le commissaire de police, le juge de paix ou tout autre fonctionnaire désigné par la loi n'a pas le droit d'empêcher par son abstention la visite projetée. En vérité, messieurs, c'est supposer chez ces pauvres agents des poids et mesures, placés presque au dernier degré de l'échelle administrative, sous des chefs auxquels on peut, chaque jour, adresser des plaintes sur leur compte ; c'est leur supposer, dis-je, un bien grand appétit de violations de domicile. S'imagine-t-on qu'ils iront de gaieté de cœur s'exposer, sous les yeux d'un magistrat de l'ordre administratif ou d'un commissaire de police, à voir rendre compte de leur conduite vexatoire à leur chef, à se voir signaler comme tracassiers, s'exposer au châtiment de leur supérieur, vers lequel il est si facile de se pourvoir ? Ah ! messieurs, ce n'est pas contre l'audace des fonctionnaires, surtout des fonctionnaires inférieurs qu'il faut se garantir dans notre pays.

Les fonctionnaires, messieurs, dans un gouvernement comme le nôtre, en présence de la liberté de discussion qui existe chez nous, et souvent de la faculté de calomnier et de diffamer impunément les fonctionnaires, ont plutôt besoin d'être encouragés à faire virilement leur devoir que d'être refrénés par des craintes, des défiances, des intimidations comme celles que semble appeler sur eux l'honorable ministre de l'intérieur.

Messieurs, je me résume et je dis que si votre loi maintient une disposition semblable à celle qu'a proposée l'honorable M. Leiièvre, nous faisons l'œuvre la plus inutile qu'il soit possible d'imaginer.

Le pouvoir législatif, les Chambres ne peuvent pas faire impunément des choses inutiles ; ils ne peuvent pas faire une loi que le premier venu, le plus mince fonctionnaire dans l'échelle administrative puisse, en quelque sorte, braver et bafouer. Il n'y a pas, messieurs, de mesure plus propre à déconsidérer la législature et le gouvernement que de faire des lois de cette nature.

Si donc l'amendement proposé par M. Lelièvre et accepté par le gouvernement est adopté, dussé-je, à mon tour, passer pour plus catholique que le pape, je le repousserai, sachant qu'en agissant ainsi je serai plus gouvernemental que le gouvernement.

M. le président. - Voici un amendement de M. Orts :

« Les fonctionnaires dénommés ci-dessus ne peuvent se refuser à accompagner les employés de l'administration, lorsqu'ils en sont requis. »

M. le ministre de l'intérieur (M. de Decker). - Messieurs, je remercie à certains égards l'honorable membre qui vient de se rasseoir, de s'être tenu en dehors de la discussion théorique à laquelle nous assistons depuis plusieurs jours, quoique cette discussion, comme je le disais hier, ait été, sous beaucoup de rapports, très instructive et très intéressante.

Dans le peu d'observations que j'ai présentées hier, j'avais voulu, moi aussi, ramener le débat aux proportions dont il n'aurait pas dû sortir, c'est-à-dire celles de la loi spéciale que nous discutons. Aussi, messieurs, quand l'honorable membre me demande si j'accepte le commentaire donné par l'honorable M. Lelièvre à son amendement, je réponds que je n'ai pas à me prononcer à cet égard. Je ne veux et ne dois voir ici que l'application des principes discutés par cet honorable membre, à cette partie de la législation qui concerne les poids et mesures. Je ne me préoccupe pas du droit commun ; je n'ai qu'à examiner ce qu'il convient de faire dans l'intérêt de l'exécution de la loi sur les poids et mesures.

Messieurs, ce qui préoccupe l'honorable préopinant et ce qui, hier, semblait aussi préoccuper l'honorable M. Verhaegen, l’honorable M. Orts et tous ceux qui se sont montrés les adversaires de l'opinion du gouvernement en cette matière, c'est qu'en admettant l'amendement de l'honorable M. Lelièvre, on rendrait toute la loi inutile, c'est qu'avee cet amendement il n'y aurait plus aucune garantie de l'exécution de la loi.

C'est là, messieurs, un point de fait à examiner. Mais, tout d'abord, je me hâte de dire que les honorables membres ne tiennent plus compte de tous les intérêts qui sont ici en jeu. On ne voit aujourd'hui que les intérêts du gouvernement, quant à l'exécution de la loi.

Eh bien, j'ai dit hier et je tiens à revenir sur cette considération, il y a aussi un autre intérêt en jeu, un intérêt non moins respectable, l’inviolabilité du domicile des citoyens. Il faut revenir à ce point de départ parce que c'est là ce qui a donné lieu à toutes les observations faites depuis huit jours et à l'amendement qui est devenu l'article 14.

Vous devez vous rappeler, messieurs, que l'article 14 tel qu'il a été présenté d'abord par le gouvernement, stipulait tout simplement que les assujettis étaient tenus de se prêter aux visites des employés de l’adminislration des poids et mesures.

En présencede cet article, tel qu'il était formulé, la section centrale s'est émue, et pour sauvegarder l'inviolabilité du domicile, elle a jugé convenable d'ajouter à l’article 14 un paragraphe 2. Tous ceux qui ont pris part à la première discussion, les honorables MM. Coomans, Manilius (page 1078) et Verhaegen ont été uniquement dirigés dans leurs observations par la pensée de sauvegarder, mieux qu'on ne l'avait fait dans le projet de loi amendé par la section centrale, l'inviolabilité du domicile des citoyens. Qu'on ne l'oublie pas, ç'a été là le point de départ de toute la discussion.

Aujourd'hui, on ne se préoccupe plus que du gouvernement et de ses droits ; les citoyens disparaissent. Il y a huit jours, on ne prenait souci que des droits des citoyens, et le gouvernement était tenu entièrement à l'écart. Je ne sais pas si c'est agir loyalement, franchement. Pour ma part, j'en doute. (Interruption.)

Ce ne sont pas les intentions, mais la discussion que j'apprécie.

M. Frère-Orban. - Il ne faut pas couvrir une ineptie sous des injures ; ceux qui se font opposés à la doctrine inouïe de M. le ministre de la justice l'ont fait loyalement.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Decker). - Je n'ai fait que ce qu'on a toujours eu le droit de faire ; je caractérise la discussion.

Je le répète, je comprends difficilement que les honorables membres qui, il y a huit jours, ne tenaient aucun compte des droits et des devoirs du gouvernement, et ne se préoccupaient que du danger que courait l'inviolabilité du domicile des citoyens ; je comprends difficilement, dis-je, qu'aujourd'hui ces mêmes membres ne sont plus préoccupés de ce dernier danger ; qu'ils se préoccupent uniquement du gouvernement, qu'ils veulent être plus rigoureux, plus gouvernementaux que le gouvernement même. Je ne comprends pas cela, ce n'est pas logique.

La question à résoudre, la voici tout entière ; C'est de régler, dans la loi sur les poids et mesures, les convenances et les intérêts du gouvernement dans ses rapports avec le principe de l'inviolabilité du domicile des citoyens.

Ne perdons pas de vue ce double but à atteindre ; c'est d'exécuter la loi tout en protégeant le citoyen contre les vexations éventuelles dès agents du service des poids et mesures. Or, peut-on prendre trop de précautions à cette fin ? Vous avez, dites-vous, une garantie dans la présence du juge de paix, du bourgmestre ou du commissaire de police au moment où l'agent fait sa visite.

Il en sera encore de même dans notre système, car il n'est pas à supposer qu'il y ait un refus systématique de la part de tous ces fonctionnaires de se prêter à l'exécution de la loi. Vous avez donc cette garantie, et vous aurez une garantie de plus dans notre manière de voir ; c'est que ces mêmes magistrats peuvent, au besoin, déclarer qu'il n'y a pas lieu de faire une visite. Vous offrez une seule garantie, nous en offrons deux.

« Mais, dites-vous, si ces fonctionnaires ne sont pas tenus d'accompagner les agents dans leurs visites, vous sacrifiez les droits du gouvernement, vous rendez impossible l'exécution de la loi. » C'est la question, vous considérez comme décidé ce qui précisément est en question.

Messieurs, il me semble qu'on perd complètement de vue le paragraphe premier de l'article 14. Comment ! tout ce que nous faisons sera inutile, la loi sera dérisoire, si un juge de paix, un bourgmestre ou un commissaire peut se refuser, dans certains cas exceptionnels, à suivre dans une visite l'agent de l'administration !

Mais on ne tient donc aucun compte des visites dont parle le paragraphe premier de l'article 14. Sur 100 recherches qui se font, il y en a 95 peut-être qui se font dans les lieux ouverts au public dont parle le paragraphe premier.

Or, touche-t-on à cela ? La question qui nous divise se rapporte-t-elle à ces sortes de visites ? Non, en aucune façon, puisqu'elles se font par les agents tout seuls et sans l'assistance d'aucun fonctionnaire.

Maintenant de quelle espèce de lieux s'agit-il dans le paragraphe 2 de l'article 14 ? Ce sont des lieux non ouverts au public, mais où se font pourtant des transactions. Evidemment c'est tout à fait exceptionnellement que les agents de l'administration feront des visites dans ces lieux. Eh bien, pour ces cas rares, serait-ce un si grand mal qu'un juge de paix, un bourgmestre ou un commissaire de police se refusât parfois à accompagner l'agent de l'administration et rendît la recherche impossible ?

Vous oubliez donc que la véritable garantie pour l'exécution de la loi se trouve dans le premier paragraphe de l'article 14. Si, comme vous le supposez, le paragraphe 2, amendé par M. Lelièvre, doit être plus ou moins compromettant pour l'efficacité des visites dans les lieux que ce paragraphe détermine, ce serait, à tout prendre, pour des cas tout à fait exceptionnels. Mais le cas ordinaire, ce sera la visite dans les lieux ouverts au public, à toute heure ; et là, l'agent de l'administration ne devra pas être accompagné de l'un ou de l'autre des magistrats désignés dans la loi.

La liberté laissée aux magistrats d'examiner s'il y a lieu de faire les visites dont parle le paragraphe 2, est-elle de nature à entraver sérieusement le droit de visite ? Il est vraiment incroyable que l'on commence toujours par supposer que, dans tous les cas, le juge de paix, le bourgmestre et le commissaire de police se refuseront de gaieté de cœur, par caprice, à suivre les agents de l'administration. Je ne sais comment on peut concilier cette supposition avec l'opinion que nous devons tous avoir de fonctionnaires consciencienx et éclairés qui se prêtent, dans l'ordre de leur devoir, à l'exécution des lois.

Certainement je ne leur suppose pas des intentions virginales, je ne les suppose pas exempts de passions ; certainement il se peut que, dans tels cas donnés, ils rendent impossible la mission des agents du gouvernement ; mais encore une fois, où serait donc le mal ? Vraiment, ne dirait-on pas que tous les principes sont foulés aux pieds, que tous les intérêts du gouvernement sont compromis, parce que, dans des cas très rares, un employé des poids et mesures ne pourra pas aller vérifier dans une maison un poids non poinçonné, une balance qui n'a pas été marquée !

Il faut avouer que c'est donner à cette question des proportions ridicules. Eh ! dût-on empêcher par là 10, 20 recherches dans le cas dont il s'agit dans le paragraphe 2, mieux vaut sans doute ce léger inconvénient plutôt que de provoquer une seule violation du domicile des citoyens. Voilà ce qu'on disait, il y a huit jours ; voilà ce qu'on ne dit plus aujourd'hui.

On nous accuse de sacrifier ainsi l'autorité du gouvernement. Mais toute la considération du gouvernement est-elle par hasard résumée dans la personne d'un commis des accises ou d'un employé des poids et mesures ?

Nous croyons, nous, que si nous maintenons la dignité et la liberté des magistrats dont il est ici question, c'est-à-dire des fonctionnaires plus élevés que les agents des accises, nous comprenons aussi bien la défense des vrais intérêts gouvernementaux que ceux qui se posent nos adversaires.

Pour apprécier convenablement les effets pratiques de l'amendement de M. Lelièvre, il faut donc bien examiner quelle est, d'une part, la position que doit faire l'article 14 à l'administration, quelle est, d'autre part, la position que l'article 14 doit faire aux assujettis, aux citoyens belges. Dans ce moment on jette un voile sur cette deuxième partie de la question ; pour moi, ç'a été la question principale dès le début de la discussion.

Quelle sera la position du gouvernement ? Le gouvernement pourra envoyer ses agents en toute liberté, sans l'assistance du juge de paix, du commissaire de police ou du bourgmestre, dans les lieux où se font des transactions et qui sont ouverts au public.

C'est là que se constate ni la plupart des contraventions ; la loi sera donc appliquée ; elle trouvera sa sanction dans la recherche et les visites dont s'occupe le premier paragraphe. Quant au droit de recherche dans les lieux non ouverts au public, qu'on a voulu subordonner à certaines conditions pour protéger les citoyens contre les vexations et les violations de domicile, on aura encore pour garantie la loyauté des fonctionnaires, des magistrats qui se prêteront à l'exécution des lois ; car on ne peut pas les suspecter de vouloir s'opposer systématiquement et sans motif à l'exécution des lois.

A tout prendre, quand il pourrait arriver qu'un juge de paix, commissaire de police ou bourgmestre refusât à tort de se prêter à une visite, où serait le mal ?

Quelle sera la position des assujettis ? Pour les assujettis, ils trouveront des garanties dans la liberté laissée aux magistrats d'apprécier s'il est convenable de suivre l'agent de l'administration. C'est une première garantie que leur refus éventuel, d'où il est permis d'inférer que l'agent n'avait pas de motif suffisant pour opérer la recherche, pour faire la visite. cette première garantie n'existe pas dans le système de nos adversaires, et elle est des plus efficaces.

Il y a huit jours, on trouvait tellement important de se prémunir contre le danger de la violation du domicile, que M. Manilius avait proposé un amendement pour qu'aucune visite ne pût avoir lieu sans l'autorisation préalable du juge de paix.

M. Manilius. - Dans les lieux fermés.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Decker). - Pour ces cas vous vouliez l'autorisation préalable du juge de paix.

L'honorable M. Verhaegen s'élait plus ou moins rallié à cette proposition, car il l'a rappelée. L'honorable M. Verhaegen était tellement effrayé des dangers de l'article 14, même amendé par la section centrale, qu'il trouvait le tout très mauvais, ce sont ses expressions, et qu'il voulait supprimer l'article. C'est alors moi qui ai dit qu'en rejetant tout l'article 14, c'est-à-dire toute visite, on rendrait la loi inexécutable.

L'honorable membre pensait qu'il s'agissait de faire des recherches dans toutes les chambres, aussi bien que dans les boutiques. C'était à cent lieues de notre pensée. Il a toujours été entendu que les visites ne pourraient avoir lieu que dans les endroits où se font des transactions ; seulement on a distingué entre ceux qui sont ouverts au public et ceux qui ne le sont pas.

Ainsi les intérêts de l'administration sont sauvegardés ; en vertu de l'article 14, paragraphe premier, les visites des agents de l'administration peuvent se faire sans aucune assistance dans les lieux où se font des transactions, aussi longtemps qu'ils sont ouverts au public ; c'est là la véritable garantie de la loi, car c'est là qu'on devra rechercher et poursuivre les contraventions. L'application du paragraphe 2 sera une exception ; et, dans ce cas, on trouvera une garantie, d'une part, pour le domicile des citoyens, d'autre part, pour l'exécution de la loi, dans la conscience des magistrats appelés à accompagner les agents dans les visites domiciliaires.

M. de Theux. - La discussion de l'article 14 me paraît avoir pris des proportions exorbitantes.

A propos de cet article on a discuté tout l'ensemble de nos lois pour savoir dans quels cas les magistrats exerçant les fonctions d'offichrs de police judiciaire doivent obtempérer aux réquisitions des divers employés chargés de constater des délits ou contraventions en toute matière.

Je pense que cette discussion est sans utilité pratique.

(page 1079) En effet, quels que soient les discours prononcés dans cette enceinte d'une manière incidente sur les objets sur lesquels il n'a pas été délibéré d'une manière convenable, ils resteront sans autorité ; les lois resteront ce qu'elles sont, les discours ne pourront ni étendre leurs effets, ni les restreindre.

Renfermons-nous donc dans la matière en discussion. Convient-il que les officiers de police judiciaire soient toujours tenus d'assister à une visite domiciliaire, qu'ils soient tenus d'obtempérer à une demande des agents de l’administration qui veulent faire une visite domiciliaire qui ne peut pas avoir lieu sans leur présence, ou peuvent-ils s’abstenir d’obtempérer à la demande de ces agents ? Voilà la question.

Nous sommes en présence de deux amendements, l'un de M. Orts qui prescrit que dans tous les cas, aveuglément, les officiers de police judiciaire seront tenus d'assister les commis des accises et les vérificateurs qui les requerront pour faire une visite. Remarquez que cet amendement a une très grande portée, précisément à cause de l'objet en discussion.

Dans d'autres lois, les visites n'offriraient pas beaucoup d'inconvénients, elles s'appliqueraient à des cas très rares, par exemple, les délinquants en matière criminelle et correctionnelle sont peu nombreux ; c'est une matière de première importance dans l'ordre social. Les assujettis de chef des droits d'accises sont encore une spécialité.

La loi dont il s'agit s'adresse à la moitié de la nation ; il est peu d'habitants des villes qui n'exercent une profession pouvant donner lieu à une visite domiciliaire du chef de l'emploi des poids et mesures.

Songez que cette loi sera impopulaire dans les villes si elle est exécuté avec sévérité. Même dans une des dernières discussions, on a été jusqu'à prétendre que le domicile des cultivateurs ne serait pas inviolable, qu'il suffirait qu'ils vendissent habituellement des marchandises pour que leur domicile fut exposé à des visites.

La loi, expliquée dans ce sens, s'adresse aux trois quarts de la nation. Faut-il faciliter outre mesure les visites domiciliaires ? Dans quel intérêt ? Je n'en vois aucun.

Notez que, pour cette spécialité, la loi institue un grand nombre de personnes qui sont appelées à faire ou à requérir des visites domiciliaires. Ainsi, par exemple, tous les commis des accises indistinctement (et certes ils sont nombreux dans le pays) pourront, d'après l'amendement de l'honorable M. Orts, requérir les officiers de police judiciaire (juges de paix, commissaires de police, bourgmestres) de les accompagner partout où il leur plairait de s'introduire.

Les vérificateurs, vérificateurs-adjoints aussi ; leur nombre est moins grand, et je crains moins leur action que celle des simples commis des accises.

Quel est le but principal de la loi ? C'est d'introduire dans le pays l'uniformité des poids et mesures. Voilà quel est le but essentiel de la loi. Ce but est beaucoup plus essentiel que de sauvegarder les intérêts du consommateur. Je le prouverai tout à l'heure. Mais pour habituer le pays à l'usage de poids et mesures uniformes, est-il nécessaire de déployer tant de rigueur, de recourir à tant de visites domiciliaires ? Je ne le pense pas.

Voici d'abord l'article 3.

Il dispose :

« Les dénominations indiquées dans le tableau dont il est fait mention à l'article premier sont exclusivement employées dans les actes publics, ainsi que dans les affiches ou annonces.

« A partir du ler juin 1855, l'emploi exclusif en sera également obligatoire dans les actes sous seing privé, registres de commerce et autres écritures privées produits en justice. »

Et notez que toute cette partie de la loi reçoit son exécution, sans qu'il y ait matière à visite domiciliaire. En effet, la simple lecture d'une affiche qui ne se sert pas des termes de la loi, la production d'un acte public ou sous seing privé dans les bureaux de l'enregistrement, la production de livres de commerce en justice donneront lieu à des procès-verbaux. Voilà donc toute une partie de la loi et une partie importante, qui reçoit son exécution sans qu'il y ait matière à visite domiciliaire.

Qu'on ne le perde pas de vue, ce qui a nui jusqu'à présent à l'introduction du système métrique des poids et mesures, à une connaissance plus générale, plus pratique du système métrique, c'est que dans toutes les bourses de commerce, dans tous les journaux, nous voyons employer des dénominations autres que les dénominations métriques. L'emploi des dénominations métriques dans des documents qui tombent tous les jours sous les yeux de tout le monde, l'enseignement de ces dénominations dans toutes nos écoles, voilà le meilleur moyen pour répandre la connaissance du système.

Arrive maintenant l'article 4 ainsi conçu ;

« Il est défendu de posséder ou d'employer des poids et mesures autres que ceux établis par la loi. »

Cette défense s'applique partout où les poids et mesures sont employés aux transactions ou servent de base à des perceptions à charge des particuliers.

Voilà le premier article qui donnera lieu à des visites domiciliaires.

L'article 13 dispose :

« Les commis des accises, spécialement commissionnés à cet effet, constatent, concurremment avec les employés de l'enregistrement et les officiers de police judiciaire, les infractions à la loi et aux règlements sur les poids et mesures.

« Les vérificateurs et vérificateurs-adjoints ont qualité pour constater les mêmes infractions.

« Les vérificateurs et vérificateurs adjoints prêtent serment devant le président du tribunal de première instance de leur ressort.

« Les procès-verbaux font foi en justice jusqu'à preuve du contraire. »

Remarquons d'abord que, quant aux officiers de police judiciaire, ils peuvent, de leur propre mouvement, faire des visites domiciliaires. Si vous adoptez l'amendement de l'honorable M. Orts, les commis des accises, les vérificateurs, les vérificateurs-adjoints le pourront également ; car leur réquisition sera obligatoire pour tous les officiers de police judiciaire.

Si, au contraire, vous adoptez l'amendement de l'honorable M. Lelièvre, vous laisserez aux officiers de police judiciaire une certaine latitude d'appréciation. Mais ils auront une obligation morale à remplir, et les officiers de police judiciaire qui ont promis d'exécuter fidèlement les lois ne se refuseront pas à cette exécution, lorsqu'ils croiront qu'elle est praticable et qu'elle n'est pas vexatoire.

il ne faut pas croire que, parce que la loi aura dit que, dans tous les cas, les officiers de police judiciaire statueront sur les réquisitions des commis des accises, on pourra se refuser obstinément à obtempérer à la demande de ces derniers, lorsqu'il y aura des indices qui feront présumer que dans tel ou tel lieu, non ouvert au public, où se font habituellement des transactions, il existe des poids et mesures en contravention à la loi. Ainsi, qu'on ne dise pas que, lorsque nous adoptons l'amendement de l'honorable M. Lelièvre, nous faisons une loi qui reste sans valeur, sans exécution. Ce sont là des mots très graves, mais qui n'ont pas une très grande importance, quand on voit ce qu'ils valent en pratique.

Que dit le premier paragraphe de l'article 14 ?

« Les lieux où se font habituellement, soit des perceptions à charge des particuliers, soit des transactions pour lesquelles on emploie des poids et mesures, sont soumis à la visite des fonctionnaires, agents ou employés dénommés à l'article qui précède, pendant tout le temps qu'ils sont ouverts au public. »

Ainsi pendant tout le temps où ces lieux sont ouverts au public, les simples commis des accises peuvent s'y introduire sans le concours de qui que ce soit. Lorsque ces lieux ne sont plus ouverts au public, les commis des accises doivent s'adresser aux officiers de police judiciaire. Notez que, même dans le cas où l'officier de police judiciaire serait tenu d'obtempérer à leur réquisition dans tous les cas, vous n'arriveriez pas même à une exécution complète de la loi, car il y aura toujours des dépendances de la maison où l'on pourra tenir des poids illégaux que personne n'aura le droit de rechercher, pas même les officiers de police judiciaire.

Si vous voulez exécuter la loi avec cette rigueur, n'exceptez aucun lieu de la visite ; dites que tous les bâtiments quelconques, appartenant aux débitants, aux agriculteurs vendant des denrées, produit de leur sol, seront en tout temps ouverts aux perquisitions des employés. Assurément ce ne serait pas là ce qu'on pourrait appeler une loi libérale.

Aujourd'hui, il y aura trois catégories ; les lieux qui seront complètement interdits à l'accès de qui que ce soit, même du juge de paix, du commissaire de police et du bourgmestre, les lieux qui sont accessibles en tout temps, depuis le lever jusqu'au coucher du soleil à tous les employés chargés de l'exécution de la loi, enfin, d'autres lieux qui peuvent être visités sous certaines réserves. Voilà la position que la loi fait aux assujettis. Il me semble que cela suffit.

Je disais tantôt qu'il fallait, avant tout, populariser la connaissance des poids et mesures métriques. C'est précisément l'ignorance du système métrique des poids et mesures de la correspondance du système métrique avec certains poids et mesures, auxquels on est habitué dès son enfance, qui fait qu'il existe une certaine répugnance de la part de l'acheteur à se servir de ces dénominations et qui oblige le détaillant à accéder au vœu des acheteurs.

Le fait s'explique de cette manière ; l'acheteur veut se rendre compte du prix de la chose qu'il achète. Or, dès son enfance, il a été habitué à savoir ce que vaut une livre, ce que vaut une aune, ce que vaut tel ou tel poids, telle ou telle mesure. Mais quand le marchand lui présente une marchandise en poids ou en mesures métriques, il ne se rend pas bien compte de sa valeur. Il ne doutera pas de la probité du marchand, il ne croira pas que le marchand livre un faux poids, mais il croira que le marchand vend le plus cher possible, et c'est pour cela qu'il veut acheter en poids et mesures à lui mieux connus, qu'il veut qu'on lui livre une marchandise dont il apprécie plus facilement la valeur, parce que c'est ainsi qu'il l'a toujours appréciée.

Je disais, messieurs, que les poids et les mesures ne sont réellement que des circonstances accessoires dans le commerce. La plupart du temps c'est la valeur intrinsèque de la marchandise qui contribue au prix loyal du commerce. Ainsi, par exemple, achetez 100 kilog. de guano, on vous offrira le poids ; mais si en réalité le guano est mélangé, vous n'en aurez peut-être que 50 à 60 kilog. Il en est ainsi d'une foule d'autres denrées, et c'est pour cela que depuis si longtemps on a sollicité du gouvernement, dans l'intérêt du consommateur, des mesures que le gouvernement ne s'est pas encore cru autorisé à présenter à cause des difficultés qu'elles soulèvent.

(page 1080) Messieurs, je n'ai cité qu'un article, maïs on peut en citer mille, et tous les jours nous voyous signaler des plaintes au sujet de la falsification de ce qui fait l'objet du commerce des choses les plus importantes, dépendant, sur ce point aucune mesure répressive n'existe. S'il y avait des moyens certains d'obliger les fournisseurs à livrer la marchandise sincèrement, avec intégrité, le commerce serait beaucoup plus étendu, beaucoup de personnes s'abstiennent de faire un emploi quelconque, notamment des engrais, dans la crainte d'être trompées, et cela nuit singulièrement à la prospérité de l'agriculture.

Messieurs, voyez jusqu'où l'on va aujourd'hui. On avait cru autrefois que c'était une mesure sacrée qui jamais ne pourrait être abrogée sans compromettre les plus graves intérêts du peuple, de déterminer le poids et la qualité du pain.

Eh bien, la capitale a donné la première l'exemple, elle a aboli les mesures de police qu'elle a crues inutiles pour les consommateurs et comme étant en réalité même nuisibles. Elle a proclamé la liberté de la boulangerie.

Pourquoi donc, messieurs, nous inquiéter autant de ce qu'il pourrait exister dans un lieu obscur d'une maison quelques poids ou quelques mesures dont le peuple aime, dans certaines eirconstances, que le marchand fasse usage ?

Mais je vais plus loin ; faites telle loi que vous voudrez, vous n'en obtiendrez pas l'application complète, aussi longtemps que l'acheteur ne sera pas familiarisé avec le système métrique.

En effet, sur cent magasins, je pose en fait que vous en trouverez quatre-vingt-dix qui vous livreront à la livre et à l’aune. Mais il y a entre les poids métriques et les poids anciens des points de comparaison qui sont bien connus des marchands et des acheteurs. Il existe également des points de comparaison entre l'aune et le mètre. La plupart du temps, messieurs, ces comparaisons sont établies sur le comptoir, sur le mètre même.

Quand à moi, je n'attache pas une grande importance à ce que la Chambre adopte l'un ou l'autre des amendements qui lui sont présentés. Si elle adopte l'amendement de l'honorable M. Orts, quoiqu'il soit si menaçant pour tout le commerce et pour un grand nombre de citoyens, j'ai confiance dans le bon sens des employés et j'aime à croire qu'ils ne se livreront pas avec une extrême rigueur à des visites domiciliaires.

Si vous adoptez l'amendement de l'honorable M. Lelièvre, votre loi recevra une exécution raisonnable.

Mais on ne laissera pas trop de place an vague et à l'arbitraire de simples employés. Car enfin les employés des poids et mesures ne sont pas des employés d'une condition très relevée et à l'arbitraire desquels ou doit exposer le domicile des citoyens les plus respectés.

Quant à moi personnellement, je voterai pour l'amendement de l'honorable M. Lelièvre. Mais si cet amendement était rejeté et celui de l'honorable M. Orts adopté, je n'y verrais pas un malheur pour le pays, mais je dirais que cet amendement est moins libéral, moins approprié à nos mœurs que celui de l’honorable M. Lelièvre.

M. de Muelenaere. - Messieurs, malgré toute la déférence que j'ai pour les lumières de quelques-uns de mes collègues, je dois cependant déclarer que je ne puis me ranger d'une manière absolue à leur avis.

On a donné à cette discussion, me semble-t-il, une importance qu'elle n’en a pas par elle-même, surtout si l'on veut bien la considérer dans ses rapports avec la loi qui nous occupe, avec la loi sur les poids et mesures.

Tout le débat a roulé jusqu'à présent sur une véritable question de doctrine, sur une de ces questions sur lesquelles on parvient rarement à s'entendre, parce qu'elles ne sont décidées par aucun texte de loi positif.

Mais ce qu'il y a de remarquable, ce qu'il y a de véritablement étrange, comme vient de le dire M. le ministre de l'intérieur, c'est que dans la discussion d'une loi dont le gouvernement veut et doit assurer la bonne exécution, le ministère seul semble se préoccuper de donner aux citoyens des garanties contre la violation du domicile.

On l'a fait observer avec beaucoup de raison, messieurs, dans la première discussion, c'était là une question qui dominait complètement le débat. On trouvait la loi sévère, exorbitante, dangereuse ; on était d'avis qu'elle ne prémunissait pas suffisamment le citoyen contre les vexations des agents de l'autorité.

Par une transaction honorable, par une de ces transactions dont je le félicite, le ministère s'est efforcé de donner au public des garanties contre l'arbitraire ; et voilà qu'on lui en fait, en quelque sorte, un crime.

Les mesures proposées par le gouvernement, pour déférer au vœu presque unanime de la Chambre, on les signale comme des mesures antigouvernementales.

Je demanderai si l'on croit, par hasard, qu'il est dans l'intérêt bien entendu du gouvernement, dans l'intérêt d'une bonne administration, de multiplier outre mesure les visites domiciliaires.

Qui de vous, messieurs, ne se rappelle pas la violente répulsion que, sous un autre gouvernement et à une autre époque, les visites domiciliaires ont provoquée dans tout le pays ? Qui de vous oserait nier que ces visites domiciliaires ont été une des causes principales de la désaffection du peuple pour le gouvernement de ce temps ?

Eh bien, messieurs, veut-on renouveler mal à propos ces visites ? L'inviolabililé du domicile a été toujours considérée comme un privilège auquel le peuple belge attachait la plus haute importance.

Fidèle à ces traditions de nos pères, le congrès constituant a voulu que cette inviolabilité du foyer domestique fût placée sous la sauvegarde d'une disposition expresse de notre pacte fondamental.

Je sais, messieurs, que la Constitution permet une exception à ce principe, mais prenons garde que l'exception ne finisse par renverser la règle.

Au surplus, l'exception ne doit avoir lieu que pour des causes graves, impérieuses.

Or, je vous demanderai si, dans l'espèce, ces causes impérieuses et graves existent. Je comprends parfaitement, messieurs, que lorsqu'il s'agit de faire au profit du trésor le recouvrement de certaines taxes, qu'on ne peut recouvrer qu'à l'aide d'une surveillance excessivement active, à l'aide d'une surveillance en quelque sorte incessante, je comprends qu'alors il est jusqu'à un certain point indispensable de faire une dérogation au principe ; c'est une triste nécessité, mais alors cette exception est justifiée par la gravité des intérêts qui sont engagés dans le débat.

Est-ce que telle est aussi l'espèce devant laquelle nous nous trouvons aujourd'hui ? Je vous le demande. Examinons.

L'article 14 parle des visites domiciliaires. Le but de la loi, ne le perdons pas de vue, c'est de parvenir à l'introduction du système des poids et mesures, de le faire pénétrer dans les mœurs et dans les habitudes du pays. Mais ne nous faisons point illusion, l'adoption générale de ce système ne sera que lente et progressive. Ce n'est pas à l'aide de mesures de police que vous arriverez à ce résultat très dèsirable.

La meilleure méthode à suivre, selon moi, c'est de populariser le système par l'instruction, par l'enseignement que vous donnerez à la génération naissante dans les écoles primaires.

Quand il sera bien compris, connu et apprécié, il sera accepté non seulement sans aucune espèce de répugnance mais comme un véritable bienfait.

Examinons à présent le sens et la portée de l'articl 14 ; cet article se compose de deux paragraphes.

D'après le premier paragraphe, les agents dénommés à l’article 13, c'est-à-dire les commis des accises, les vérificateurs et les vérificateurs-adjoints pourront s'introduire à toute heure du jour dans tous les lieux ouverts au public, où il se fait des transactions pour lesquelles on a besoin de poids ou mesures. A toute heure du jour les employés pourront constater les contraventions et dresser des procès-verbaux, sans aucune limitation quelconque.

Les procès-verbaux dressés par les employés à charge des patentés feront foi jusqu'à preuve contraire.

Je me trompe en disant, que ces agents pourront s'introduire dans ces lieux, à toute heure du jour, ils pourront aussi le faire à toute heure de la soirée et de la nuit, aussi longtemps que ces lieux sont ouverts au public et qu'on y fait des transactions quelconques.

Eh bien, messieurs, dans ces visites autorisées sans limite aucune, partout où l'on pratique un commerce en gros ou en détail, n'avez-vous pas déjà tout ce qu'on peut raisonnablement exiger pour assurer l'exécution de la loi et l'introduction régulière du système des poids et mesures.

Dans tous les lieux ouverts au public où l'on fait des transactions quelconques, les commis peuvent entrer librement à toute heure, ils peuvent constater les contraventions, ils peuvent dresser des procès-verbaux et ces procès-verbaux font foi en justice jusqu'à preuve contraire. Mais en réalité devrait-on exiger quelque chose au-delà d'une semblable autorisation accordée aux employés chargés de l'exécution de la loi ?

De quoi traite le paragraphe 2 ? Le paragraphe 2 autorise les employés à pénétrer, non plus dans les lieux ouverts, mais dans des lieux dont l'accès n'est pas libre au public. Remarquez d'abord, messieurs, que de pareils mots sont toujours plus ou moins élastiques. Qui nous dit que les employés, eu interprétant la loi à leur manière ne se croiront pas autorisés au besoin à pénétrer dans tous les appartements d'une maison sous prétexte que dans toutes les parties de cette maison on se livre plus ou moins à des transactions. Quoiqu'il en soit, je pense qu'ici surtout après la faculté donnée aux agents du fisc par le paragraphe premier, il convient de prendre des mesures pour que ces agents n'abusent pas d'un droit entièrement exorbitant.

El quelles sont ces mesures ? Elles consistent en la présence à la visite soit du juge de paix, soit du bourgmestre, soit du commissaire de police, qui pourront refuser d'accompagner l'agent du fisc, si celui-ci ne semble alléguer aucune présomption, aucun soupçon de.contravention. Mais, dit-on, exiger la présence et l'acquiescement à la visite du juge de paix, du bourgmestre ou du commissaire de police, c'est déclarer virtuellement d'avance l'inexécution de la loi. Je vous demanderai, messieurs, ce qui vous autorise à mettre ainsi en suspicion légitime tous les magistrats de l'ordre administratif ou judiciaire ? Qui vous autorise à supposer que ces fonctionnaires refuseront de remplir leurs devoirs, qu'ils se rendront en quelque sorte coupables d'un déni de justice, qu'aucun d'eux ne voudra obéir à la réquisition qui leur sera faite lorsque la réquisition paraîtra plus ou moins fondée ?

Mais, messieurs, ne savons-nous pas qu'un de nos honorable collègues, qu'un bourgmestre qui siège sur nos bancs, est arrivé par la seule persuasion à faire appliquer dans sa commune le système des poids et mesures, de la manière la plus satisfaisante, alors que la loi était (permettez-moi le mot) audacieusement violée dans toutes les grandes villes (page 1081) du royaume, sous les yeux du gouvernement et de tous les employés supérieurs de l'administration.

Et après cela, vous prétendrez que les bourgmestres refuseront de prêter leur ministère lorsqu'il sera légalement requis avec une apparence de fondement.

Je crois, au contraire, que lorsqu'un de ces magistrats sera invité à assister à une visite domiciliaire et qu'il aura la conviction que l'individu chez qui l'on doit opérer la visite est soupçonné de se livrer à des contraventions, il n'éprouvera aucune espèce de répugnance à accompagner l'agent des accises.

Il s'y refusera, messieurs, lorsqu'il ne verra dans la visite qu'un acte de rancune personnelle, de vengeance ou de vexation, et il aura parfaitement raison. Mais par quelle raison auriez-vous donc plus de confiance dans un simple commis des accises que dans un bourgmestre, et même dans un juge de paix ?

Vous me direz que le commis des accises aura plus de zèle, que son zèle est stimulé par la loi ; qu'il recevra la moitié de toutes les amendes qui seront prononcées en matière de contraventions. Mais ne craignez-vous pas que ces employés, stimulés par l'appât d'un bénéfice, n'aient beaucoup trop de zèle et que cet excès de zèle ne devienne très nuisible aux patentés, au public ? C'est parce que ce zèle, excité par un désir de lucre, peut devenir dangereux et compromettant, que vous devez savoir le renfermer dans de justes limites.

C'est donc une raison de plus pour laisser au magistrat qui devra accompagner l'agent, le soin d'apprécier si réellement l'agent est plus ou moins fondé dans ses soupçons, si ces soupçons ne sont pas trop vagues, trop indéterminés, si ce n'est par d'autres raisons que le bien du service qu'il veut faire ces visites.

Mais si le magistrat de l'ordre administratif ou judiciaire était obligé de déférer aveuglement à tous les réquisitoires qui lui sont adressés, je dirais que dans ce cas-là la présence de ce magistral n'aurait qu'un seul effet ; ce serait de donner plus de retentissemenl, plus d'éclat à la visite qu'on va faire, et de compromettre ainsi davantage le patenté chez qui la visite s'opère.

M. Orts. - Alors, supprimez cette disposition en matière de douane.

M. de Muelenaere. - En matière de douanes, nous l'avons dit, la question est complètement différente ; les intérêts engagés en matière d'accises ou de douanes sont des intérêts bien autrement graves, et là, malheureusemeut, des mesures plus sévères sont peut-être inévitables. Pour ma part, je le regrette, car je désire ardemment qu'on puisse garantir l'inviolabilité du domicile de la manière la plus large. Mais mon opinion n'est pas si absolue, que je ne consente jamais, même en cas de nécessité, d'admettre une dérogation à cette opinion.

Mais ici, je le répète, il n'existe aucun motif déterminant pour cela ; il s'agit uniquement de l'introduction du système des poids et mesures, introduction désirable dans l'intérêt public, j'en conviens, mais qui ne peut se faire que d'une manière lente et progressive.

Ce qu'on paraît perdre de vue, c'est que la loi va s'appliquer pour ainsi dire à l'immense majorité des citoyens de nos villes. Parcourez, par exemple, la rue de la Madeleine et la plupart des autres rues les plus populeuses de Bruxelles et vous n'y verrez presque pas de maison qui ne soit dans le cas d'être constamment visitée par les agents de l'administration. Eh bien, voulez-vous que ces visites puissent se faire, sans être entourées de certaines garanties, alors qu'on ne restera plus dans le magasin ouvert au public, mais que sous prétexte qu'on se livre à des transactions ailleurs, on voudra entrer dans toutes les parties de la maison, et peut-être dans cette partie qui sert d'habitation au patenté ou à des membres de sa famille ?

Voilà la question dans toute sa nudité. Pour moi, je ne le veux pas ; je ne veux pas qu'il y ait des vexations d'aucune espèce ; je désire qu'on fasse exécuter la loi, mais qu'on la fasse exécuter d'une manière raisonnable, avec les ménagements nécessaires et sans que cette exécution donne lieu à des tracasseries inutiles, à des vexations ou à des plaintes fondées.

Messieurs, je crois en avoir dit assez pour justifier les scrupules qu'avait conçus M. le ministre de la justice, relativement à l'application de la loi, comme elle semblait d'abord comprise. Ces scrupules étaient honorables. L'honorable M. Lebeau vient de déclarer, et je suis, sur ce point, de son avis, qu'à son point de vue le juge de paix n'aurait pas dû figurer dans la loi parmi les fonctionnaires désignés à l'article 14.

Si un amendement est proposé dans ce sens, je me sens très disposé à le voter. Mais je n'admettrai pas l'amendement de l'honorable M.Orts, car, d'après cet amendement, les citoyens me sembleraient privés d'une garantie essentielle à laquelle ils ont droit.

M. Orts. - Messieurs, mon intention n'est pas, en développant mon amendement déjà attaqué par deux honorables préopinanls, de maintenir à la discussion le ton qu'a jugé convenable de lui donner M. le ministre de l'intérieur. Je ne relèverai même pas ces reproches de tactique déloyale, ces accusations de soutenir des prétentions ridictdes, que M. le ministre de l'intérieur envoyait tout à l'heure à ses adversaires. J'attribue ces intempérances de langage à un moment de mauvaise humeur, que je comprends assez difficilement, mais que je pardonne très volontiers. Je le comprends difficilement de la part de M. le ministre de l'intérieur surtout qui a fait si longtemps de l'opposition, qui en a fait à ses adversaires, voire même à ses amis et qui par conséquent devrait un peu d'indulgence aux contradictions qu'il rencontre.

L'amendement que je propose est d'abord, qu'on ne le perde pas de vue, le maintien pur et simple de ce qui existe aujourd'hui pour la matière dont nous nous occupons, le maintien de ce qui existe depuis cinquante ans, c'est-à-dire depuis qu'on a songé à instituer une policés spéciale pour l'exécution des lois sur les poids et mesures.

Je n'ai jamais appris qu'en France, en Belgique et même sous le régime français qu'on rappelait tout à l'heure, la surveillance des poids et mesures dont je demande le maintien, ait donné lieu à des vexations, à des tracasseries. D'autres surveillances, purement fiscales, instituées, pour sauvegarder ces intérêts qu'on vous représentait à l'instant comme si supérieurs à l'intérêt se rattachant à la loi sur les poids et mesures, ont soulevé des réclamations, j'en conviens au contraire et je dirai bientôt la raison de cette différence.

Ce qui existe dans les pays qui nous entourent, en France, en Hollande, etc., partout où l'on tient à avoir un bon système métrique, vous l'avez, c'est ce que je désire voir conserver ; c'est ce que M. le ministre de l'intérieur ne veut pas maintenir.

La question que soulève mon amendement est donc purement et simplement, je le répète, celle-ci ; le gouvernement qui avoue, à chaque pas de la discussion, l'impuissance où l'on s'est trouvé jusqu'aujourd'hui de faire observer strictement les lois sur les poids et mesures en ce pays, espère-t-il une situation meilleure, lorsque, comme je le disais hier, il devra, sans armes, lutter contre les préjugés et la mauvaise, foi ? Impuissant pendant cinquante ans à triompher, malgré l'arme dont il disposait, il veut la briser dans ses mains !

Mais, dit-on, voyez à quels principes constitutionnels, à quelles vieilles et respectables traditions nationales vous allez vous heurter. Vous allez vous heurter à l'inviolabilité du domicile, à ce qu'il y a de plus saint et de plus précieux au monde pour le citoyen en général et pour le citoyen belges en particulier.

Mais, messieurs, l'inviolabilité du domicile n'est nullement en cause, à moins qu'on ne prétende que le domicile du marchand soit sa boutique ou son arrière-boutique ; mais on n'a pas été jusque-là ; la question de l'inviolabilité du domicile n'est pas le moins du monde engagée dans le débat ; c'est M. le ministre de l'intérieur qui l'y a introduite pour la commodité de sa cause, comme nous disons au palais ; c'est, après lui l'honorable M. de Muelenaere qui l'a évoquée comme une espèce d'épouvantail, de fantasmagorie

Et, messieurs, ce n'est pas moi qui le dis, je ne fais que répéter, c'est le gouvernement qui vous l'a dit dans le rapport de la section centrale, à la page 15, quand on objectait là au gouvernement ce que le gouvernement m'objecte aujourd'hui, quand on objectait ;

« Mais il s'agit de visites domiciliaires, il faut protéger l'inviolabilité du domicile des citoyens. » Voici la réponse du département de l'intérieur ; « Il ne s'agit pas du droit de faire des visites domiciliaires, mais simplement de la visite des lieux où s'effectuent des transactions commerciales conformément à l'article 4 du projet de loi. »

Si le ministre de l'intérieur d'aujourd'hui répudie cet avis, je ne lui en fais pas un crime ; le gouvernement tout entier a changé dans l'intervalle, et M. le ministre a accepté la succession de ses prédécesseurs sous bénéfice d'inventaire ; il a pris le soin de nous en avertir dans son programme pour d'autres lois autrement importantes encore que lesr poids et mesures.

Mais s'il a changé, qu'il le dise, ou je prends son silence pour un acquiescement.

Ainsi, de l'aveu du gouvernement, l'inviolabilité du domicile n'est pas en cause ; il s'agit tout simplement de pénétrer là où le public pénètre toujours ou accidentellement, par tolérance, là où l'on fait des transations commerciales, cela n'a rien de commun avec les secrets de la famille, avec l'intimité du foyer domestique.

L'honorable ministre de l'iniérieur, avec ces formes aimables que je rappelais tout à l'heure, a voulu nous mettre en contradiction avec nous-même, pour justifier ses accusations de déloyauté. J'ai tort de dire « nous », car pour ma part je n'avais point encore parlé, je veux dire mes honorables collègues soutenant que l'amendement de M. Lelièvre, que l'interprétation donnée par le gouvernement au texte primitif, rendaient la loi inexécutable.

C'est à l'honorable M. Verhaegen en particulier que le compliment s'adressait, lorsque M. le ministre lui répondait : « Vous avez prétendu que l'inviolabilité du domicile du citoyen était méconnue, vous avez ajouté : Je veux des garanties, je veux quelque chose de plus que ce qui existe, les sections avaient proclamé la même chose, la section centrale l'avait répété.

« Aujourd'hui que nous avons donné ces garanties, que nous vous en donnons deux pour une, vous venez vous récrier et prétendre que les droits du gouvernement sont sacrifiés, que la loi de police est inexécutable. »

M. le ministre s'est trompé ici sur les précédents de la discussion, comme il s'est trompé sur l'intérêt qu'avait, en la circonstance, l'inviolabilité du domicile. Voici ce qui s'est passé dans la discussion, on me permettra de le rappeler, car l'accusation est grave ; il s'agit de tactique déloyale.

Comment s'est présentée la question ?

Il y avait dans le projet primitif un article 15, d'après lequel les assujettis étaient tenus de se prêter aux visites des agents, et employés dénommés à l'article 14.

(page 1082) On ne sonnait mot comment ces visites devraient se faire, si les agents seraient accompagnés par les officiers de police, s'ils pourraient exercer leurs fonctions de jour et de nuit ou de jour seulement, s'ils pourraient pénétrer dans le refuge le plus intime de la famille, aussi bien que dans la boutique. Le projet n'excluant rien, permettait tout, il parlait de visite sans plus. La chose semblait quelque peu exorbitante. Je suis de l'avis de ceux qui s'en formaient cette opinion.

Autoriser l'exercice du droit de visite de jour et de nuit, sans distinguer le foyer domestique du comptoir ou du magasin, sans garantie aucune, à bon droit cela paraissait violent. La première section, je vois cela à la page 5 du rapport de votre section centrale, demande tout d’abord, qu’on introduisît dans la loi des dispositions analogues à celles qui ont été adoptées en France pour garantir en matière de poids et mesures l’inviolabilité du domicile.

Je prie la Chambre de faire attention à cette observation ; elle a été la source des dispositions nouvelles introduites dans la loi. On voulait donc des garanties semblables à celles qui existent en matière de visites se rapportant à la police des poids et mesures dans la législation française.

En section centrale on ajouta - je lis le texte - : « Aujourd'hui les employés des accises sont obligés de se faire accompagner par les officiers de police judiciaire compétents pour se rendre dans les boutiques et autres endroits où l'on fait usage de poids et mesures, et y constater les infractions ; » on ne supposait pas là bien évidemment, que ces officiers de police judiciaire pourraient refuser de se rendre à l'invitation.

Je poursuis ma citation.

« L'article 15 ne dit pas de quelle manière les visites domiciliaires auront lieu.

« On a donc demandé au gouvernement si, aux termes des articles 196 à 200 de la loi générale du 26 août 1822, les employés devront encore être accompagnés d'un membre de l'administration communale, ou d'un employé public à ce commis par le président de ladite administration pour exercer leurs attributions. »

Ainsi la section, malgré les termes que M. le ministre de l'intérieur employait dans les aménités de parole adressées à mes honorables amis et que je viens de rappeler, voulait qu'il fût bien entendu que les employés de l'administration ne pussent opérer des visites domiciliaires qu'accompagnés de membres de l'administration communale dans la forme voulue parles articles 196 à 200 de la loi générale sur la douane et les accises. Or, d'après la loi générale de 1822, notez-le, les membres de l'administration communale invités à accompagner les employés del'adminisiration ont-ils le droit de refuser leur assistance ? Non, ce point est hors de contestation, il est écrit dans la loi même.

Les membres de l'administration communale requis n'ont pas le droit de refuser leur concours. Sans doute, le juge de paix a un droit de refs pour certaines visites exceptionnelles, hors du rayon, par exemple. Mas en section centrale, nul n’a songé à ce cas. Aux termes des dispositions de la loi de 1822, les membres de l’administration communale ou leurs délégués ne peuvent refuser leur concours, ils doivent venir quand ils sont requis.

La section centrale a voulu ce que j'entends aujourd'hui conserver, c'est-à-dire le maintien de l'état de choses actuel pour les visites exigeant la présence d'un magistrat communal. Cela est parfaitement clair, il n'y a pas à équivoquer.

D'autres membres voulaient, comme garantie, je l'ai rappelé déjà, la reproduction de la loi française ; ou l'implorait du gouvernement, parce qu'on trouvait la disposition primitive conçue en termes trop vagues.

Le rapport de la section centrale le constate.

Or, savez-vous ce que c'est que la garantie de la loi française ? Une ordonnance du 17 avril 1839 contient un article 39 qui est le père de l'article en discussion. Vous allez reconnaître l'air de famille à sa lecture. Le voici :

« Art. 39. Dans le cas de refus d'exercice, et toutes les fois que les vérificateurs procèdent chez les débitants, avant le lever et après le coucher du soleil, aux visites autorisées par l'article 26, ils ne peuvent s'introduire dans les maisons, bâtiments ou magasins qu'en présence, soit du juge de paix ou de son suppléant, soit du maire, de l'adjoint ou du commissaire de police. »

Voilà bien à la file toutes les autorités que le gouvernement a mentionnées dans le dernier alinéa de l'article 14. Mais qu'elle est l'interprétation que l'on donne, en France, à la présence de ces autorités ? Suppose-t-on qu'il serait possible à ces fonctionnaires de refuser d'assister à ces visites domiciliaires, de refuser l'invitation qui leur est adressée par les agents de l'administration ? Et ceux qui en sections réclamaient la garantie de la législation française, ont-ils pu jamais réclamer par là cette faculté d'abstention ?

On ne peut supposer, en France, l'existence de pareille faculté, parce que les termes précis de la loi l'excluent. Ces termes précis, M. le ministre qui a copié l'article 39, lorsque, par un amendement, il a voulu nous octroyer les garanties réclamées, M. le ministre a oublié de les reproduire en ne copiant pas l'article 40 de l'ordonnance.

L'article 40 de la loi française porte ;

« Les fonctionnaires dénommes en l'article précédent ne peuvent se refuser à accompagner sur-le-champ les vérificateurs, lorsqu'ils en sont requis par eux, et les procès-verbaux qui sont dressés, s'il y a lieu, sont signés par l'officier en présence duquel ils ont été faits, sauf aux vérificateurs, en cas de refus, d'en faire mention auxdits procès-verbaux. »

Donc la loi française, que chacun appelait de ses vœux, contient précisément quoi ? Les termes de mon amendement. On réclamait les garanties de la loi française, en section centrale, on les a réclamées en séance publique ; je vous les offre et vous les combattez !

M. Coomans. - Merci ! merci !

M. Orts. - Je comprends cette réponse très nette de la part de l'honorable M. Coomans, qui ne reculait pas tout à l'heure devant une invitation que je lui adressais et qui, interrompant l'honorable M. de Muelenaere, s'écriait : « Alors, plutôt plus de visites domiciliaires ! » Soit, abolissez-les, je ne recule pas davantage. Mais, logique et juste, je demande à l'honorable M. Coomans, s'il abolirait avec moi les visites domiciliaires en matière de douane et d'accises.

M. Coomans. - Pas pour les douanes, mais pour les poids et mesures.

M. Orts. - Je répondrai à l'interruption et à l'observation raisonnée de l'honorable M. de Muelenaere, qui faisait la même distinction et se fondait sur la différence entre les intérêts engagés.

En matière de douane et d'accise, objectait cet honorable membre, il y a des raisons graves pour prescrire des visites domiciliaires, elles disparaissent en matière de police des poids et mesures.. Qu'est-ce que la police des poids et mesures, pour laquelle on réclame le droit de fouiller les maisons ? Il s'agit là d'exiger que l'on se serve d'un mètre plutôt que d'une aune, d'exiger qu'on abandonne quelque ancienne mesure dont le nom varie selon les habitudes du consommateur èt selon les localités.

En matière de douane, l'intérêt du fisc et les garanties des intérêts à protéger justifient l'exception au principe du respect de l'inviolabilité du domicile.

Les poids et mesures, misère ! La douane, l'impôt, c'est autre chose'. Pour moi, messieurs, l'exception est mieux justifiée mille fois, quand' il s'agit de la police des poids et mesures que quand il s'agit du fisc ou de la protection. Quoi ! Vous trouvez juste que l'on visite et de jour et de nuit le domicile d'un pauvre diable habitant le rayon des douanes ; que l’on s'assure aussi s'il a payé les droits sur un misérable morceau de viande, sur quelques gouttes de genièvre, sur le vêtement qu'il a eu intérêt à acheter de l'autre côté de la frontière, pourquoi ? Parce que là on n'a pas la sottise de protéger l'industrie nationale de manière à doubler le prix des objets de première nécessité pour le pauvre ! Voilà ce que vous trouvez juste, voilà ce que vous ne voulez pas abolir. Et vous ne le voulez plus pour la loi en discussion.

En matière de poids et mesures, de quoi s'agît-il après tout ? Est-ce par hasard, comme on semble le penser, uniquement de savoir si l'on se sert du litre ou de la chopine, de l'aune ou du mètre ? Là n'est pas la question.

Les visites domiciliaires ont pour premier but de constater si l'on donne le poids loyal et la mesure exacte, de vérifier si le boulanger, par exemple, ne triche pas sur le poids de ce pain, si cher aujourd'hui, et que l'ouvrier a tant de peine à gagner. Pareille question touche à d'autres intérêts que la question des douanes, et ces masses dont on évoquait les vieilles répugnances le comprendront bien.

Ah ! n'en doutez pas, si l'on mettait aux voix du suffrage universel la question de savoir si les visites domiciliaires doivent se faire pour assurer la perception rigoureuse des droits de douane, plutôt que pour vérifier si le pain du pauvre se vendra au juste poids, la houille à sa bonne mesure, n'en doutez pas, la majorité des voix serait en faveur des intérêts au nom desquels je réclame, et la douane et l'accise perdraient leur procès.

N'amoindrissez pas, s'il vous plaît, l'importance qu'a la surveillance des poids et mesures ; l'intérêt du débat est un intérêt social d’une haute portée.

Les visites domiciliaires trop fréquentes poussent le peuple vers la désaffection. On a rappelé les droits réunis.

Maintenant, croyez-vous encore que les visites domiciliaires, dont j'ai rappelé le véritable but seront considérées comme vexatoires par l'opinion publique, qu'elles désaffectionnent les populations, quand l'opinion saura que le but du gouvernement dont les agents visitent est de veiller à ce que le marchand ne trompe pas l’acheteur sur le poids de choses dont il ne peut se passer, de veiller à ce que le pain, vendu au pauvre, soit pesé d'une main loyale et juste ? Ces visites domiciliaires seront mieux accueillies mille fois qu'en matière de douane et d'accise où vous n'hésitez pas à les conserver. Ceux qui réclameront seront les voleurs et ceux-là, j'aime à le croire pour l'honneur de mon pays, ne forment pas le grand nombre.

D'autre part, ne croyez pas que les visites domiciliaires faites dans l'intérêt du service de la douane ne vexent pas aussi un grand nombre de citoyens. La population du rayon douanier est une population importante dans un pays où l'étendue des frontières est considérable eu égard à sa superficie.

Quant au régime de l'accise, toute la population industrielle et commerçante du pays, à peu de chose près, y est soumise.

(page 1083) M. de Mérode. - Vous voulez étendre encore les visites domiciliaires.

M. Orts. - Nullement, puisque je demande de maintenir ce qui existe, et rien de plus.

Je le répète encore, si vous voulez supprimer le droit de visite domiciliaire, en matière de douane et d'accise, je suis tout prêt à l'admettre ; cela ne m'arrête pas. Nous verrons après s'il y a les mêmes raisons pour les supprimer en matière de poids et mesures, ou si la mesure ne profiterait pas au marchand, mais aux dépens de l'acheteur.

M. Coomans. - Ce qui importe le plus, c'est la qualité des objets vendus.

M. Orts. - Je ne vois pas en quoi la qualité se trouve ici en question. Je prie l'honorable M. Coomans de dire comment la douane et l'accise assurent la bonne qualité de la marchandise.

Messieurs, vous le voyez, en définitive ce que je demande est digne d'intérêt, et je prie la Chambre de me pardonner si les interruptions m'ont entraîné quelque peu hors de la voie que je suivais d'abord. Je vais y rentrer et je reprends l'historique de la discussion qu'on nous reproche très injustement de dénaturer.

Vous le savez, le droit de visite domiciliaire, au début, était illimité aussi quant au temps et quant au lieu. On le restreignit par amendement aux lieux ouverts au public, à l'exclusion des arrière-boutiques et des magasins ; mais le gouvernement réclama vivement pour ces derniers emplacements et dit avec raison, selon moi, que si l'on ne pouvait pénétrer dans les arrière-boutiques et les magasins, quoique fermés, la loi serait complètement inefficace.

M. Frère-Orban. - Illusoire.

M. Orts. - Illusoire, le terme est plus exact. Je demande maintenant comment la faculté d'entrer d'une manière sérieuse dans l'arrière-boutique d'un commerçant existera, si vous faites dépendre cette faculté du caprice de fonctionnaires, tels qu'un bourgmestre, qu'un membre d'une administration communale ou qu'un commissaire de police.

Quant au juge de paix, l'honorable M. Lebeau vous a dit une chose parfaitement sensée, parfaitement pratique. Dans la plupart des cas, il sera bien difficile de recourir au juge de paix, à raison des distances, à raison des difficultés locales. Ce sera donc d'ordinaire aux administrations communales et à la police locale que l'employé des poids et mesures s'adressera. C'est ce fonctionnaire infime dans le degré de la hiérarchie sociale qui tiendra en main la faculté sans l’exercice complet de laquelle M. le ministre déclare la loi illusoire.

Un bourgmestre, un conseiller communal, un commissaire de police, auront le droit d'empêcher que l'administration centrale ne pénètre là où elle doit pénétrer ; ils pourront rendre son action complètement illusoire.

Est-ce là de la logique ? Est-ce là un système compatible avec une idée quelconque de bonne administration ? Je ne le pense pas. Outre une confusion de pouvoirs que l'honorable M. Lebeau et d'autres orateurs ont signalée et sur laquelle par conséquent je ne reviens pas, je dis qu'il y a là des difficultés diamétralement hostiles à une bonne et régulière administration.

L'honorable M. de Theux m'opposait à son tour un argument, et me disait : Je vois, entre l'amendement de l'honorable M. Orts et l'amendement de l'honorable M. Lelièvre, une seule différence ; l'un se défie des employés de l'administration, l'autre se défie des agents locaux inférieurs sans le concours desquels l'administration ne peut fonctionner. « Ils ont tort tous les deux », ajoutait l'honorable membre ; « ils sont trop défiants. Pourquoi l'honorable M. Orts se défie-t-il plus des agents inférieurs des administrations locales que des employés de l'Etat ? Pourquoi l'honorable M. Lelièvre se défie-t-il plus des employés de l'administration financière et accepte-t-il d'une manière aussi libérale, aussi généreuse l'intervention omnipotente des agents inférieurs des administrations locales et de la police ? »

Messieurs, je me défie, parce que j'ai pour moi l’enseignement des faits, parce que j'ai pour moi l'enseignement de la pratique ; la défiance de l’honorable M. Lelièvre, que l'honorable M. de Theux paraissait trouver mieux fondée que la mienne, ne trouve rien pour la légitimer, ni dans les faits ni dans la pratique ; il y a moyen de corriger les inconvénients que redoute l'honorable M. Lelièvre, il n'y en a pas pour corriger les abus que je vois dans son système accepté par le gouvernement.

Dans le système préconisé par l'honorable député de Namur, vous confiez l'exécution de la loi à un membre de l'administration locale ou à la police, c'est-à-dire au président de cette administration, chef de la police locale dans tout village. Or, c'est précisément dans les petites localités que l'action de la loi doit être forte pour qu'elle soit utile. Eh bien, l'action de ces agents vis-à-vis de leurs concitoyens, de leurs administrés, de leurs électeurs, ne me paraît pas présenter des garanties suffisantes d'indépendance et de fermeté.

Je le dis très nettemeut et très franchement, et je ferai volontiers, pour étayer mon opinion, un appel à M. le ministre des finances. Je lui demanderai s'il croit qu'il y aurait beaucoup de visites permises aux employés des accises, si les membres des administrations locales étaieut libres de les accompagner ou de ne pas les accompagner à leur gré. Je lui demanderai si dans le rayon de la douane, chez les populations qui vivent à quelques minutes des frontières, il y aurait beaucoup de visites domiciliaires auxquelles assisteraient les membres de l'administration locale, s'ils avaient la faculté de s'y soustraire lorsqu'ils en sont requis par l'administration de la douane ? M. le ministre des finances, répondra, j'en suis persuadé, qu'il ne partage pas la confiance de l'honorable M. Lelièvre dans les membres des administrations communales au point de vue de la douane et de l'accise. Moi, je n'ai pas plus de confiance en eux en matière de poids et mesures qu'en matière de douanes ou d'accises. Voilà tout ce qui nous sépare.

Je rencontre maintenant le reproche qui m'a été adressé : « Pour quoi ne pas vous défier des excès de zèle des agents de l'administration ? S'il n'existe pas de contre-poids pour les arrêter, ils vont faire des visites domiciliaires partout. Ils sont intéressés à agir ainsi ; car ils ont une part dans le produit des amendes. »

Messieurs, ce dernier obstacle je consens à le lever. Je n'ai jamais été partisan de ce système, qui consiste à rémunérer à l'aide des amendes les employés qui ont constaté des contraventions. Si donc on veut faire disparaître de la loi la disposition accordant aux employés des poids et mesures une part des amendes, je ne m'y oppose pas.

Mais voici mes garanties contre les excès de zèle ; l'honorable M. Lebeau vous en a déjà indiqué une qui a sa valeur, surtout dans notre pays ; le contrôle de l'opinion publique, la facilité avec laquelle on accueille toute espèce de résistance à l'action abusive de l'autorité. Mais autre garantie plus importante, plus précieuse, plus énergique encore, c'est l'action du gouvernement lui-même sur ses agents ; sur le bourgmestre, qui pour complaire à ses électeurs, pour complaire à ses concitoyens, refusera de marcher ; sur le commissaire de police, qui dépend de ce bourgmestre, car le bourgmestre est le chef de la police municipale. Quelle sera l'action du gouvernement, s'il rencontre de la mollesse dans l'exécution de la loi ?

Que fera-t-il ? Ira-t-il destituer le bourgmestre, en nommer un en dehors du conseil pour des conflits aussi minimes, et soulèvera-t-il des querelles de localité bien autrement graves que tous les abus chimériques que l'on prévoit ?

M. Frère-Orban. - Il y a la garantie de leur conscience !

M. Orts. - Leur conscience est une garantie commune avec les employés de l'administration.

Messieurs, à l'inverse des fonctionnaires dont je viens de parler, les employés de l'administration peuvent, sans doute, pécher par excès de zèle. Mais le gouvernement est parfaitement en mesure de modérer l'excès de zèle de ses agents.

Je comprends très bien que le contribuable puisse difficilement modérer l'excès de zèle d'un employé en matière fiscale. Si tel était l'inconvénient que l'on craint, la question changerait de face.

Mais on semble craindre au contraire que le gouvernement ne puisse tenir la bride assez haute pour modérer ses employés. Cette crainte n'est pas admissible. Si le gouvernement est convaincu qu'un employé pèche par excès de zèle en matière de visites domiciliaires, il s'en débarrassera bientôt et les abus ne se reproduiront pas. Ils ne pourraient se perpétuer qu'avec la complicité morale du gouvernement, et celle-là on ne la craint pas, ni moi non plus.

Messieurs, lorsque à d'autres époques l'administration supérieure stimulait à chaque instant ses agents pour obtenir tous les jours d'eux des procès-verbaux, alors les excès de zèle étaient à redouter, et ces excès de zèle amenaient à juste titre les récriminations et l'impopularité dont a parlé l’honorable comte de Muelenaere. Mais par la faute de qui ? Par la faute du gouvernement. Si le gouvernement s'était abstenu, si le gouvernement avait agi avec modération, jamais impopularité ni récriminations n'auraient surgi.

Il n'y a donc aucun sujet de redouter que l'administration n'abuse à l'avenir d'une autorité reposant, je le répète, dans les mains de ses agents depuis que le système métrique a pénétré dans notre pays ; confiée aux mains des mêmes agents dans des pays voisins pas plus tolérants que nous en matière d'excès de zèle de l'administration ; dans les Pays-Bas, dans la Prusse rhénane, dans le grand-duché de Luxembourg, en France, dans aucun de ces pays, pas plus qu'en Belgique, je n'ai entendu accuser la police des poids et mesures, d'abus commis à l'aide de la prérogative que je convie la Chambre de lui conserver.

Messieurs, ces observations suffisent, je pense, pour démontrer qu'il n'y a rien de grave, rien de dangereux dans l'amendement inoffensif que j'ai présenté pour obtenir uniquement le maintien de ce qui existe depuis plus d'un demi-siècle.

M. le président. - Voici un amendement de M. de Renesse :

« Je propose de supprimer les mots ; « soit du juge de paix. »

Cet amendement sera imprimé et distribué.

- La séance est levée à 4 heures trois quarts.