(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1854-1855)
(Présidence de M. Delfosse.)
(page 815) M. Janssens procède à l'appel nominal à deux heures et un quart.
M. Vermeire lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.
M. Ansiau présente l'analyse des pièces qui ont été adressées à la Chambre.
« Les membres du conseil communal de Melden demandent que les artistes vétérinaires non diplômés puissent continuer leur profession. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Goffin, maître de forges à Clabecq, demande la libre entrée des mitrailles de fer et de fonte. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi concernant le tarif des douanes.
« Quelques industriels demandent la libre entrée du sel de soude. »
- Même décision.
« Le sieur Van Mechelen-Kennis prie la Chambre de frapper les produits chimiques et les acides sulfurique et nitrique d'un droit d'entrée fixe de 15 à 25 fr., à l'exception de la couperose qui serait admise au droit de 3 fr. par 100 kil., sauf à baisser ou à faire disparaître ces droits en faveur des pays qui consentiraient à abaisser leurs tarifs et à admettre nos produits soit en franchise de droit, soit sous un droit moins élevé. »
- Même décision.
« Plusieurs fabricants de bleu d'azur présentent des observations contre la demande du sieur Brasseur, tendant à soumettre le bleu d'azur au droit d'entrée de 25 fr. par 100 kil., et prient la Chambre de décider la libre entrée de ce produit. »
- Même décision.
« Le sieur Van Loo, courtier de navires à Gand, réclame l'intervention de la Chambre pour qu'il soit pris une mesure qui restitue aux courtiers de navires les droits que le Code de commerce et les lois antérieures leur avaient assurés. »
M. T'Kint de Naeyer. - Les courtiers de navires d'Ostende, Gand et Termonde vous ont adressé une pétition analogue il y a deux ans.
Le gouvernement nomma à cette époque une commission qui devait lui signaler les mesures propres à concilier la légalité et les intérêts du commerce.
J'ignore si cette commission a terminé son travail. J'engage la commission des pétitions à s'en enquérir, et j'espère qu'elle sera bientôt à même de soumettre son rapport à la Chambre.
Je demande donc le renvoi de la pétition à la commission des pétitions, avec prière de faire un prompt rapport.
- Adopté.
« Les sieurs Scheepers, Somers et autres membres d'une société littéraire flamande, établie à Anvers, demandent que l'enseignement agricole dans les contrées flamandes soit donné en flamand, et que les habitants de ces contrées qui veulent obtenir un grade académique soient tenus de subir un examen sur la langue et la littérature flamandes. »
- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi sur les jurys d'examen, et à la commission des pétitions.
« M. le ministre de la guerre adresse à la Chambre un exemplaire du compte rendu des opérations de la commission instituée pour l'étalonnage des règles qui ont été employées à la mesure des bases géodésiques belges »
- Dépôt à la bibliothèque.
M. Calmeyn. - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale sur le projet de loi concernant les étrangers résidants en Belgique.
Ce projet a été accepté à l'unanimité des sections.
- Le rapport sera imprimé et distribué.
M. le ministre de la justice (M. Faider). - Messieurs, il paraît que la prorogation de la loi sur les étrangers ne doit pas rencontrer de difficulté ; il n'y aura probablement pas de discussion ; je demande donc que le projet de loi soit mis à l'ordre du jour de demain. L'objet est urgent. La loi actuelle expire au 1er mars.
M. de Perceval. - Messieurs, il me paraît qu'il convient que le rapport soit imprimé et distribué d'abord aux membres de la Chambre. L'honorable ministre de la justice ne peut pas, me semble-t-il, s'opposer à ce que le projet de loi figure en tête de l'ordre du jour d'après-demain ; nous pourrions ainsi prendre connaissance du rapport qui vient d'être déposé.
- La Chambre, consultée, met le projet de loi sur les étrangers à l'ordre du jour de mercredi prochain.
M. le président. - La discussion continue sur la disposition transitoire proposée par la section centrale ainsi que sur l'amendement proposé par M. Devaux.
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Messieurs, je me rallie à l'article additionnel qui a été proposé par l'honorable M. Devaux. On est généralement d'accord sur la nécessité de simplifier le programme des examens. Le conseil de perfectionnement qui a délibéré sur cet objet a émis le vœu que le programme de l'examen d'élève universitaire, déjà simplifié dans le projet de loi présenté par le gouvernement, le fût encore davantage. Il y a réellement sous ce rapport unanimité d'opinion.
Une objection a été faite par l'honorable M. de Haerne dans la dernière séance sur le danger qu'il pourrait y avoir à élaguer certaines matières du cadre de l'examen, notamment le discours latin.
L'honorable membre disait qu'on ne concevait pas qu'un objet aussi important cessât de faire partie du programme de l'examen. Je ferai remarquer que si le gouvernement était autorisé à diminuer les matières qui font partie du programme, il le fera avec une grande réserve et dans l'esprit qui a dicté les dispositions du projet de loi qui vous est soumis, c'est-à-dire que le discours latin ne sera pas supprimé. Le discours latin ou le thème latin fait partie des matières de l'examen d'élève universitaire. Certains qu'on pourra leur demander un discours latin ou un thème latin, qui aussi a son importance, les élèves ne seront pas portés à abandonner les études qui composent l'enseignement de la rhétorique.
Prévenus quelque temps avant, ils auront l'esprit plus libre et pourront s'occuper d'une manière plus exclusive des matières qu'ils sauront devoir faire partie de l'examen. Nous avons le projet d'en agir ainsi dans le but de soulager le programme de quelques-unes des matières dont les élèves sont surchargés. Il n'y a donc pas de suppression du discours latin ; mais l'examen portera facultativement, soit sur le discours, soit sur le thème latin.
M. Vander Donckt. - Messieurs, si l'on s'était borné à proposer la prorogation pure et simple de la loi actuelle, je serais disposé à l'accepter. Mais pour le cas où l'amendement de M. Devaux serait admis, je me verrais forcé de voler contre. L'on a dit que le programme de l'examen d'élève universitaire était trop surehargé et que généralement tout le monde était d'accord sur ce point. C'est ce que vient de nous répéter l'honorable ministre de l'intérieur. Je l'admets avec lui ; mais si je suis d'accord sur ce que le programme est surchargé, je ne le suis pas sur les moyens d'y remédier.
Il est impossible aux élèves qui se préparent aux examens d'élève universitaire de se préparer sur toutes les sciences principales et accessoires, exigées pour cet examen. D'où provient cet encombrement, cette surcharge des matières ? De ce qu'on veut trop accélérer, qu'on veut précipiter les études. L'on croit généralement, et beaucoup de personnes s'imaginent que quand on a terminé sa rhétorique on a terminé ses études humanitaires, c'est une erreur ; une grande erreur c'est d'astreindre les élèves au sortir de rhétorique à subir un examen d'élève universitaire avant d'avoir eu le temps d'étudier à fond les matières sur lesquelles ils doivent être interrogés.
Il faudrait supprimer l'examen d'élève universitaire, dédoubler la candidature en philosophie, exiger une année d'études de plus avant de se présenter à l’examen de candidat en sciences et en philosophie comme cela existait autrefois. Quand nous faisions nos études nous étions admis à l'université sans autre formalité que le simple droit d'inscription. Après deux années d'études en philosophie ou en sciences nous nous présentions au premier examen de candidat en sciences ou en philosophie quand on s'était prononcé pour l'une ou l'autre des branches scientifiques.
Je crois donc que c'est plutôt dans la précipitation que l'on met dans les études universitaires que gît le mal, que dans le grand nombre, l’encombrement en quelque sorte des matières sur lesquelles les élèves doivent être interrogés.
Autrefois, dans notre jeunesse et même avant nous, on devenait docteur en droit, docteur en médecine, à l'âge de 25 à 27 ans ; aujourd'hui on voit de jeunes avocats à 18 ans.
Tonl ceci est très bien pour les jeunes gens doués d'une mémoire et de facultés prodigieuses, de dispositions extraordinaires, mais c'est là l'exception. Pour les jeunes gens qui ne sont doués que de moyens ordinaires, et c'est le plus grand nombre, il faut plus de temps consacré aux études universitaires, si l'on veut qu'ils aient le temps d'acquérir les connaissances requises.
(page 816) C'est dans ce sens que je voudrais voir modifier le programme. Si l'on proposait un amendement par lequel les élèves pourraient continuer leurs études et se présenter aux examens après une première année d'études universitaires, je serais disposé à l'adopter. Ce serait le dédoublement du programme d'examen qui est aujourd'hui trop surchargé. C'est là que, selon moi, gît le nœud de cette affaire. En simplifiant le programme dans une proportion démesurée, c'est faire baisser le niveau des études, c'est retomber dans les errements vicieux de 1830 à 1838. J'ai dit.
M. de Decker. - Messieurs, la section centrale chargée de l'examen du projet de loi tendant à modifier la loi du 18 juillet 1849 vous a proposé la prorogation pure et simple de la loi existante. Les motifs que la section centrale a allégués sont fondés sur les circonstances. Elle a voulu prévenir une discussion prématurée et incomplète.
Il va certainement des modifications à introduire dans la législation sur le grade d'élève universitaire. Ces modifications sont reconnues indispensables par tout le monde. Mais la question est de savoir sur quoi elles doivent porter, et c'est là qu'un débat devrait nécessairement occuper la Chambre, si elle voulait opérer les réformes prématurées qu'on provoque dès aujourd'hui. C'est pour prévenir ces réformes prématurées et incomplètes que la section centrale vous avait proposé la prorogation pure et simple de la loi existante. Ce qui se passe en ce moment justifie complètement sa proposition.
En effet, messieurs, tout le monde, comme vient de le dire encore M. le ministre de l'intérieur, est d'accord sur la nécessité de simplifier l'examen pour l'obtention du grade d'élève universitaire. Mais il s'agit précisément de savoir ce qu'on entend par là, et le langage que vient de tenir M. le ministre de l'intérieur me prouve que, sinon dans la pensée de l'honorable auteur de l'amendement, au moins dans celle de M. le ministre de l'intérieur, il s'agirait, avant toute discussion et tout vote, de réaliser les modifications que le gouvernement a proposées dans son projet et sur lesquelles ni section centrale, ni Chambre n'ont encore eu occasion de se prononcer. Or, c'est là ce que, pour ma part, je ne voudrais pas permettre.
Il est bien entendu que la question de principe, celle de savoir s'il y a lieu de conserver ou de supprimer le grade même d'élève universitaire doit être entièrement réservée pour une discussion ultérieure.
En ce qui concerne les modifications proposées par le gouvernement dans son projet, je crois qu'une discussion un peu approfondie démontrerait que ces prétendues améliorations n'en sont pas. Ainsi, si l'adoption de l'amendement de l'honorable M. Devaux devait accorder au gouvernement la faculté de remplacer par exemple le discours latin par une traduction du latin, la faculté de supprimer la géographie, pour ma part je ne pourrais voir là une simplification utile. Au contraire, s'il y avait une discussion approfondie et sérieuse sur cette question, nous aurions l'occasion de démontrer que ce serait aller à l'encontre des intérêts des bonnes études.
Il est évident, si vous voulez aller au fond de la question, que le véritable moyen de simplifier l'examen pour l'obtention du grade d'élève universitaire, et de relever en même temps l'enseignement classique, ce qui est le but de l'établissement de ce grade, il faut non seulement simplifier les matières d'examen, en diminuer la quantité ; mais surtout diminuer l'importance exagérée que, d'après moi, on a accordée à certaines branches de l'examen.
Je parle sans réticence : je crois qu'il faut diminuer considérablement l'importance accordée aux mathématiques. Voilà le véritable classique de simplifier cet examen. Reconnaissons-le : pour les neuf dixièmes des élèves, la véritable difficulté de l'examen résulte de l'importance accordée aux mathématiques.
Les mathématiques entrent pour un tiers dans les points requis pour l'examen écrit ; de sorte que loin de relever les études classiques proprement dites, les études littéraires, ce qui était le but de la loi, on a, au contraire, retardé et empêché le développement de ces études par l'exagération accordée aux mathématiques. Les jeunes gens aujourd'hui, au lieu de pouvoir s'adonner davantage à l'étude des classiques, à l'étude des modèles de Rome et d'Athènes, doivent s'occuper avant tout de l'étude, ingrate et inutile pour les neuf dixièmes des carrières, des mathématiques.
Ce qu'il fallait surtout pour relever l'instruction moyenne, c'était de fortifier les études dans les dernières classes de cet enseignement.
Eh bien, de l'aveu de tout le monde, il n'y a plus aujourd'hui ni poésie ni rhétorique. Les deux dernières années sont complètement absorbées par des répétitions générales des études antérieures et par les mathématiques. Cela est tellement vrai, qu'on m'a cité comme positif ce fait d'élèves qui n'avaient fait ni poésie ni rhétorique et qui, après leur syntaxe, s'étant présentés devant le jury, étaient allés directement à l'université ; et cela parce que dans l'examen pour le grade d'élève universitaire, ou ne tient aucun eompte de la littérature proprement dite.
Si donc vous voulez reconstituer l'enseignement moyen sur ses bases essentielles, il faut diminuer l'importance accordée aux mathématiques. L'étude des mathématiques est certainement utile ; elle a sa place toute marquée dans un enseignement moyen bien organisé. Mais il ne faut pas l'exagérer ; il ne faut pas voir dans les mathématiques le seul moyen de développer le jugement des élèves. C'est un préjugé dont l'expérience a fait justice. Nous avons tous passé par cette expérience, et j'avoue que les neuf dixièmes des jeunes gens distingués que j'ai connus dans mes études, étaient pour ainsi dire étrangers à l'étude approfondie des mathématiques. Ce n'en étaient pas moins de hautes et belles intelligences, qui plus tard ont brillé dans toutes les carrières.
Voilà donc, selon moi, le véritable moyen de simplifier l'examen pour l'obtention du grade d'élève universitaire. Si telle était la pensée du gouvernement et de l'auteur de l'amendement, je ne verrais aucun inconvénient à adopter cet amendement. Car de l'aveu de tous, il faut simplifier. Mais s'il s'agit de remplacer le discours latin par une traduction du latin, s'il s'agit de supprimer la géographie, de diminuer l'importance de l'examen sur l'histoire nationale, de toute la force de mon âme je proteste contre ces prétendues améliorations.
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Les observations que vient de présenter l'honorable M. de Decker rentrent en grande partie dans le cadre des idées du gouvernement relativement à la simplification que j'ai annoncée. En effet si la Chambre laisse au gouvernement la latitude proposée par l'article additionnel de l'honorable M. Devaux, c'est en partie sur les mathématiques que porteront les simplifications. Une autre partie portera sur l'histoire.
La géométrie élémentaire fait partie des examens ; le gouvernement pense qu'il est possible de se borner à quelques livres de géométrie pour rendre cet examen plus accessible aux élèves. Voilà un premier point sur lequel les idées de l'honorable M. de Decker se rencontrent avec la pensée qui a inspiré l'amendement.
Quant au discours latin, messieurs, il est maintenu, mais d'une manière facultative. Par conséquent cette partie des examens continuera à avoir sa valeur,
En ce qui concerne la géographie, l'honorable M. de Decker se plaint de ce qu'on veut la supprimer, mais je pense que cette critique n'est pas fondée. En effet l'histoire doit, en toute hypothèse, faire partie des matières de l'examen ; eh bien, messieurs, dans l'enseignement de l'histoire, il est impossible de ne pas comprendre la géographie, et quoiqu'elle ne figure pas dans le projet du gouvernement, comme matière spéciale, il est évident qu'elle est, de fait, comprise dans l’enseignement des principaux faits de l'histoire.
Ainsi, messieurs, sous ces deux rapports il ne sera fait aucun préjudice aux études de la rhétorique, et quant aux mathématiques nous tendrons plutôt à les restreindre qu'à leur conserver le cadre actuel.
M. de Haerne. - Messieurs, dans la séance d'avant-hier, j"ai déjà eu l'honneur de faire connaître à la Chambre mon opinion sur la question qui s'agite devant vous. Il me semble que, d'après les explications qui viennent d'être données, je n'ai pas eu tort de demander un examen plus approfondi de la matière. Si j'ai bien compris l'honorable ministre de l'intérieur, il s'agirait de simplifier le programme, et à cet égard nous sommes, je crois, tous d'accord ; mais on ne maintiendrait le discours latin que comme facultatif.
Messieurs, si nous avions à prendre une résolution définitive, je croirais devoir traiter cette question à fond ; mais comme il s'agit d'une mesure purement transitoire, je me bornerai à quelques observations.
Je crois surtout devoir m'expliquer à cet égard parce que l'expérience nous a appris que le provisoire devient souvent du définitif.
Je dois dire, messieurs, que je trouve de grands inconvénients au système facultatif, alors même que le gouvernement n'en abuserait pas, et je n'ai pas la moindre intention de le soupçonner à cet égard. Le système facultatif établit des différences dans la marche des jurys, du moins d'année à année, et cela dérouterait les élèves ; en pareil cas, les uns se bercent de l'espoir d'être interrogés sur telle matière, les autres sur telle autre matière.
Les uns compteraient sur le discours latin, les autres s'en tiendraient au thème, et ceux-ci, pour le cas où le sort amènerait la composition en discours, se promettraient d'avance de doubler la rhétorique, résolution que l'amour-propre les empêcherait plus tard de réaliser. De là une perturbation dans les études.
Le discours latin doit être maintenu comme obligatoire en tout temps si l'on veut conserver le grade d'élève universitaire. Un autre inconvénient que je trouve dans le thème, c'est qu'il donne plus de prise à la fraude dont on s'est plaint souvent avec raison à propos d'examens devant le jury.
Si j'ai bien compris l'honorable ministre de l'intérieur, le système facultatif serait appliqué en ce sens qu'on annoncerait quelques mois d'avance quelles seraient les matières d'examen, comme cela s'est fait jusqu'ici pour l'histoire ; quelques mois avant la session du jury on ferait savoir aux récipiendaires que cette année-là ils auraient à faire un discours latin ou qu'ils pourraient se borner à faire une traduction latine. Le sort aveugle déciderait du degré des lumières requises dans la branche qui a toujours été considérée comme la plus importante des humanités.
Je trouve à cela un grand inconvénient ; c'est que c'est précisément pendant les derniers mois de l'année que les élèves doivent s'appliquer à la partie littéraire ; ce serait en quelque sorte décapiter la rhétorique. Je prie M. le ministre de l'intérieur de réfléchir à cette objection.
Quant à la géographie, M. le ministre de l'intérieur dit avec raison que l'enseignement de cette branche doit marcher parallèlement à celui de l'histoire ; c'est ce que j'ai avancé moi-même samedi ; il ajoute que puisque l'histoire est maintenue en partie dans l'examen, la géographie doit l'y être également.
S'il est question du projet de loi présenté par le gouvernement, je (page 817) dirai qu'on ne maintient dans le programme que l'histoire ancienne et l'histoire nationale.
Ainsi, dans ce système, on devrait se borner à la géographie ancienne et à celle de la Belgique. Or, c'est un système tout à fait incomplet. La géographie ancienne est utile et suffit pour l'intelligence des auteurs anciens ; mais comment l'enseigner sans donner d'abord, au moins d'une manière élémentaire, les notions générales de cette branche de l'instruction ? Quant à la géographie corrélative à l'histoire nationale, vous avouerez que le cadre en est tellement restreint, qu'on n'oserait pas eu faire mention au programme. Cela ne serait pas sérieux.
Je pense donc, ainsi que je l'ai dit dans la séance de samedi, qu'on devrait admettre la géographie élémentaire. Je crois que le jury en général comprend trop bien sa mission pour poser aux élèves des questions subtiles en cette matière, et que les élèves qui auront étudié un bon auteur de géographie élémentaire pourraient se tirer d'affaire. Sans cela, croyez-moi, la géographie ne serait plus étudiée dans les collèges, ce qui serait absurde.
L'honorable M. de Decker a dit avec raison que la partie essentielle de l'examen d'élève universitaire est la partie littéraire.
On se plaint généralement de ce que la littérature est trop négligée ; cela est vrai, non seulement pour les langues anciennes, mais même d'une manière générale. Ainsi, peut-on dire qu'on a subi un véritable examen sur les humanités, si on n'a pas été interrogé sur les beautés de Racine, de Bossuet et de certains autres grands écrivains français ? Or, on ne fait jamais la moindre question aux élèves ni sur Athalie, ni sur les oraisons funèbres, ni sur les autres chefs-d'œuvre de la langue française. Selon moi, l'examen devrait comprendre des questions relatives à ces grands modèles. Sans cela, au bout de quelque temps, ils seraient négligés, ce qui serait un grand mal pour les études.
Je partage aussi l'opinion qui a été émise par mon honorable ami, M. de Decker, au sujet de la nécessité de restreindre le cadre des mathématiques.
Il est un fait constaté par l'expérience : c'est que les intelligences ne sont pas toutes jetées dans une même moule ; les capacités ne sont pas les mêmes chez tous les bons sujets.
Les uns sont appelés par une espèce de vocaiion, par un goût décidé vers les branches scientifiques ; les autres, vers la partie littéraire. Voilà ce que l’on voit dans tous les établissements. C'est un fait reconnu de tous ceux qui ont fait leurs études, ces dispositions s'annoncent souvent dès les premières classes, de manière que les élèves se disent entre eux : Celui-ci a de la vocaiion pour la littérature, celui-là pour les mathématiques. Du reste, ainsi procède la nature. Les facultés ne sont pas toutes développées au même degré chez tous les hommes ; chez les uns, la raison remporte sur les autres facultés, d'autres sont mieux partagés sous le rapport de l'imagination et du sentiment.
Comme l'intelligence humaine est nécessairement bornée, il faut que les élèves prennent une carrière dans les études, comme on en prend une dans la vie en général. Les élèves qui embrassent l'ensemble avec succès sont des exceptions dont on n'a pas à s'occuper dans la loi du jury.
On reconnaît généralement qu'on a donné trop d'importance aux mathématiques ; ne croyez pas cependant, messieurs, qu'en parlant ainsi, je me déclare l'ennemi de l'enseignement des mathématiques ; je crois cet enseignement très utile et même tout à fait nécessaire. Lorsque dans ma carrière de professeur j'ai été appelé à diriger des études, je n'ai jamais restreint l’enseignement des mathématiques pour la généralité des élèves ; mais j'ai toujours fait une distinction ; j'ai cherché à développer cet enseignement pour ceux qui étaient destinés, par position, par goût et par des dispositions pariiculières à approfondir cette branche, tandis que je fortifiais le programme littéraire pour ceux qui étaient appelés aux études littéraires. Ces derniers forment la grande majorité des élèves dans les athénées et les collèges.
Messieurs, cette distinction essentielle sur laquelle j'ai l'honneur d'appeler votre attention, existe au fond dans les études, telles qu'elles ont été organisées par le gouvernement ; mais malheureusement le jury vient passer le niveau sur cette division établie par la nature des choses.
Ainsi, dans nos athénées, il y a deux spécialités ; à côté de l'enseignement littéraire, vous avez l'enseignement professionnel ; il y a donc là une bifurcation dans les études, si je puis m'exprimer ainsi.
Le même système existe en France ; il y a été introduit depuis quelques années à partir de la classe de troisième ; dans les lycées français, tous les élèves suivent le même enseignement depuis la septième jusqu'à la troisième ; lettres et mathématiques, c'est le même système d'enseignement pour tous ; mais lorsque les élèves sont arrivés en troisième, c'est-à-dire en syntaxe, comme on disait autrefois, alors on les sépare ; les uns sont dirigés vers la carrière purement littéraire, les autres vers la carrière scientifique. C'est, à mon avis, un bon système.
Il ne s'agit pas aujourd'hui de la question de savoir s'il faut l'adopter en Belgique, puisque nous ne faisons pas de loi définitive ; mais l'observation n'était pas inutile pour que je pusse arriver à une conclusion rationnelle dans ce débat.
Messieurs, on ne fait pas assez cette distinction entre les élèves sous le rapport de l'aptitude, de la capacité spéciales ; il faudrait, selon moi, deux jurys spéciaux d'élève universitaire, si tant est qu'on veuille maintenir cette institution.
Dans l'un, les mathématiques seraient considérées comme matière essentielle ; ce jury serait chargé d'examiner les élèves qui se destinent aux carrières scientifiques, dont les cours sont établis dans les universités ; les jeunes gens qui dirigent leurs études vers ce but doivent entrer fort avant dans l'étude des mathématiques ; quant aux élèves de cette catégorie, je voudrais que, non seulement on les interrogeât d'après le programme actuel d'élève universitaire, en ce qui concerne les mathématiques, mais même qu'on leur appliquât le programme du concours annuel institué pour les athénées et les collèges ; cela ne pourrait que fortifier les jeunes gens dans les études spéciales qu'ils sont appelés à suivre.
Pour ceux-là, les langues anciennes seraient purement accessoires ; ils en auraient une connaissance générale ; cela ouvre l'esprit, cela donne un certain relief dans la société ; cela relève l'éducation en général.
Maintenant je voudrais un second jury d'élève universitaire chargé d'examiner les étudiants qui se destinent soit au droit, soit à la médecine, soit à la littérature ou à l’enseignement, et dans cet examen, les mathématiques seraient l'accessoire.
J'adopterais le système français qui consiste à n'exiger de ces élèves que les mathématiques tout à fait élémentaires, comme on les enseigne jusqu'à la classe de troisième.
M. le ministre de l'intérieur vient de dire qu'on simplifiera le programme des mathématiques, il s'agirait de la géométrie, on retrancherait les quatre derniers livres de Legendre, qui est l'auteur le plus suivi. Je suis à cet égard d'accord avec l'honorable membre, mais il y aurait peut-être une autre méthode à suivre. Je crois devoir en dire un mot.
Il y a dans les mathématiques des parties qui sont en quelque sorte de fantaisie. Quel est le but qu'on se propose en enseignant les mathématiques au collège, veut on donner cette science pour elle-même ? En général non ; on l'enseigne parce qu'elle sert d'instrument aux sciences physiques et naturelles ; c'est la clef au moyen de laquelle on s'ouvrira la porte de l'édifice, car les mathématiques ne sont qu'un moyen pour les sciences physiques, comme les langues sont un instrument pour les sciences morales.
Il y a une différence essentielle dans la méthode à suivre pour acquérir l'usage de ces instruments. Je ne puis m'en occuper ici, mais toujours est-il que ce sont des instruments et que dans l'enseignement ils sont considérés comme tels.
Or, pour ce qui concerne les mathématiques, il est certain que tous les problèmes et tous les théorèmes d'algèbre, de géométrie et de trigonométrie ne sont pas nécessaires pour l'étude des sciences physiques et naturelles.
A côté des théorèmes indispensables pour cette étude, il en est qui sont plus curieux qu'utiles à ce point de vue.
Ainsi tel auteur renferme les mathématiques qu'on peut appeler nécessaires pour les études supérieures dans un cadre qui ne fait guère que le tiers de celui qui a été adopté par d'autres auteurs. Il s'agit de savoir quelles sont les matières nécessaires, et de spécifier ces matières en détail pour l'examen. Dans le cas même où l'on voudrait plus tard pousser ses études plus loin dans cette partie, on posséderait toujours un bon fond. On n'aurait qu'à l'étendre, à le développer.
On pourrait dresser un programme détaillé dans ce sens comme le gouvernement le fait pour le concours général.
C'est une indication que je donne à M. le ministre ; il pourrait, en la suivant, simplifier le programme d'élève universitaire, non seulement en retranchant les quatre derniers livres de la géométrie de Legendre, mais en se bornant en général au strict nécessaire.
En procédant ainsi, messieurs, je conserve aux mathématiques toute leur importance. Je les crois nécessaires, je le répète, aujourd'hui surtout que l'industrie a pris un si grand essor, que les sciences jouent un si grand rôle dans le monde.
Mais il faut que chacun puisse, selon ses dispositions, suivre sa vocation et donner tout le temps nécessaire à l'étude des matières pour lesquelles il se sent une prédilection naturelle.
Quant aux langues anciennes, elles sont utiles et nécessaires, non seulement parce qu'elles complètent l'éducation et forment l'homme, comme le mot « humanités » l'indique ; non seulement parce qu'elles ont parsemé de leurs débris lumineux nos langues usuelles, non seulement parce qu'elles sont le vestibule du temple de la théologie et de celui de la justice ; mais parce qu'elles inlroduissenl l'homme dans cette société générale, dans cette société savante répandue dans l'univers, qui s'éclaire au phare de l'antiquité, et qui va puiser, pour se former le goût, aux sources de l'antiquité profane et sacrée. Les grands auteurs français peuvent donner sans doute une bonne idée de la littérature : mais dans la civilisation générale, ces auteurs ne suffisent pas ; car d'abord ils se sont formés eux-mêmes sur les modèles de la Grèce et de Rome ; ensuite ils n'ont pas, aux yeux des autres nations, telles que l'Italie, l'Angleterre, l'Allemagne, la même importance qu'ils ont chez nous. Les auteurs anciens seuls forment, en matière de goût, le tribunal devant lequel s'inclinent tous les peuples civilisés.
Pour entrer dans la haute société littéraire qui dirige les destinées du monde, il faut que la jeunesse soit nourrie dans la connaissance de la littérature ancienne.
C'est à cette école qu'ont été élevés, dans tous les temps et chez tous les peuples, les hommes appelés à diriger la société par le talent, par la parole, par la science.
(page 818) Telle est, à mes yeux, l'importance des langues anciennes et en particulier de la langue latine, qui a, d'ailleurs, un caractère d'utilité pratique que tout le monde connaît et sur lequel je n'ai pas besoin d'insister.
Vous comprendrez après cela, messieurs, que tout en donnant aux mathématiques la place spéciale qu'elles doivent occuper dans l'enseignement, je ne pourrais consentir en aucune manière à l'amoindrissement de l'examen en ce qui concerne le discours latin.
M. Verhaegen. - Messieurs, je partage les appréhensions de l'honorable M. de Decker. C'est par cette raison que je voterai purement et simplement le projet provisoire proposé par la section centrale et que je devrai refuser mon vote à l'amendement de mon honorable ami, M. Devaux. Je crois que quand nous faisons du provisoire, il faut qu'il n'y ait de préjudice pour aucune opinion, et que tout droit soit sauf. L'amendement va à rencontre de ce but.
Messieurs, il me serait impossible de donner au gouvernement un blanc seing pour traiter d'une matière aussi délicate que le jury d'examen, car c'est la question la plus importante qui puisse se présenter à nos délibérations. (Interruption.)
Il est bien évident que ce serait là donner un blanc seing au gouvernement, n'importe pour quel temps, car le temps n'y fait rien, et n'oublions pas que le gouvernement, qui avait son opinion faite quand il a présenté son projet de loi, prendra indubitablement dans ce projet pour la partie dont il s'agit, les dispositions qui sont dues à son initiative et dont peut-être plusieurs de nous ne veulent pas ; et ce provisoire, comme l'a fait remarquer l'honorable M. de Haerne, pourrait bien devenir du définitif.
Il est plus difficile de faire que de de faire, et en outre on ne touche pas volontiers souvent à des matières aussi délicates. Je le dirai franchement, pour moi cet amendement présente un grand danger.
Moi je ne veux plus du grade d'élève universitaire, et si l'on veut discuter cette question à fond je suis tout prêt. Je trouve que dans l'intérêt de la science comme dans l'intérêt de la liberté, car l'intérêt de la science et l'intérêt de la liberté sont mes deux grands mobiles en fait d'enseignement, dans l'intérêt de la science et delà liberté, dis-je, il faut supprimer l'examen d'élève universitaire.
Il y a déjà trop d'examens ; ce qu'il faut simplifier, ce sont les nombreuses épreuves qui font qu'une grande partie du pays examine l'autre partie ; et la science ne souffrira pas de cette simplification, car quand le moment sera venu de faire preuve de connaissances, quand on se présentera pour obtenir le grade de candidat en philosophie et lettres ou le grade de candidat en sciences, le jury appréciera l'étendue des connaissances de l'élève et prononcera ; et c'est de cette manière que se fera la distinction qu'on semble désirer ; on n'aura plus cet inconvénient quant aux mathématiques pour lesquels on exige trop selon les uns, trop peu d'après les autres. La division se fera tout naturellement. Pour l'examen de candidature de philosophie et lettres, on fera, quant aux mathématiques, les simplifications que l'on jugera convenables ; pour l'examen de candidature en sciences, on exigera naturellement davantage.
Messieurs, je trouve un grand inconvénient dans l'intérêt de la science au grade d'élève universitaire. Les études d'humanités en souffrent nécessairement. Croyez-vous que l'élève arrivé à sa dernière année d'études étudie réellement sa rhétorique ? Non, messieurs, il s'occupe de son examen.
- Plusieurs membres. - C'est ce qui se fait.
M. Verhaegen. - C'est ce qui se fait et ce qui doit nécessairement être en présence de la loi qui nous régit. Car l'intérêt est la mesure des actions pour les élèves comme pour les hommes en général.
Eh bien, laissez aux études leur cours naturel ; que les cours d'humanité se fassent dans l'intérêt de la science tels qu'ils doivent se faire, qu'au sortir de la rhétorique l'élève commence ses études universitaires et alors la division des matières se fera tout naturellement ; il devra se présenter soit à l'examen pour la candidature en philosophie et lettres, soit à l'examen pour la candidature en sciences.
D'ailleurs, je trouve extraordinaire que des professeurs de l’enseignement moyen viennent interroger des élèves sur des objets qui en définitive intéressent le haut enseignement ; je crois que cela n'est pas de leur compétence.
En somme, messieurs, je ne veux pas entrer dans de longs détails sur ce point. Je crois que la question ne doit pas être discutée aujourd'hui. Je ne fais ces observations préliminaires que pour démontrer que l'amendement de l'honorable M. Devanx, qui aurait pu passer inaperçu, est d'une grande portée, qu'il peut porter préjudice non pas à une, mais à plusieurs opinions, car il y a plusieurs opinions en présence.
Quant à moi, je le déclare ouvertement, je suis d'avis qu'il ne faut plus d'examen pour le grade d'élève universitaire, et à tout événement, si l'on veut aller plus loin aujourd'hui que le projet de la section centrale, qui est un simple provisoire, comme je crains que l'adoption de l'amendement de l'honorable M. Devaux ne soit un précédent pour ceux qui prétendent qu'il faut abroger le grade d'élève universitaire, je propose de mon côté comme amendement, la disposition suivante :
« Le premier paragraphe de l'article 37 de la loi du 15 juillet 1849 est abrogé. »
M. de Theux. - Messieurs, ce qui se passe dans cette discussion prouve que la section centrale avait agi avec la plus grande prudence en vous proposant purement et simplement le maintien pour l'année courante de ce qui existe aujourd'hui.
J'avoue que j'avais d'abord été séduit par la proposition de l'honorable M. Devaux et par le mot « simplification » qui est aujourd'hui à l'ordre du jour. Mais en y réfléchissant de plus près, je me rappelle que d'autres simplifications ont été proposées dans le nouveau projet de loi et qu'elles ont été fortement contestées, fortement désapprouvées par des hommes également compétents : de sorte que c'est une matière que l'on doit considérer comme difficile à résoudre, et qui ne doit pas être traitée incidemment lorsqu'il s'agit d'une simple prorogation de la loi.
Il y a une autre considération : c'est que c'est pour la première fois qu'on introduit le régime administratif dans les matières d'examen, et nous devons craindre les précédents ; nous savons combien il est difficile de revenir sur les précédents administratifs.
Je pense donc que nous ferons bien de rejeter l'amendement de l'honorable M. Devaux.
Pas plus que l'honorable préopinant, je ne suis très partisan du grade d'élève universitaire, qui est en effet une nouvelle complication pour les jeunes gens déjà trop embarrassés dans leur carrière, et qui, d'autre part, peut être une atteinte grave portée à la liberté d'enseignement.
A ce propos, qu'il me soit permis de présenter à la Chambre quelques observations.
On admet généralement que la composition du jury combiné pour la collation des grades universitaires ne donne pas lieu à des accusations de partialité.
Mais je dois dire que l'opinion publique n'est pas également satisfaite de la composition de certains jurys d'examen pour la collation du grade d'élève universitaire. On ne trouve pas dans la composition de ces jurys les mêmes garanties d'impartialité.
D'autre part, on a remarqué qu'en général les présidents des jurys ont rempli leurs fonctions avec prudence et convenance. Cependant on désirerait une certaine garantie d'impartialité de leur part ; c'est que les présidents s'abstinssent, autant que possible, d'interroger et se renfermassent surtout dans la direction des examens. Car ceux qui sont appelés à accorder la parole, à examiner si les membres des jurys agissent conformément à la mission qu'ils ont à remplir, sortent, quand ils prennent une part trop active aux examens, de ce rôle de président qui leur convient. J'ai entendu formuler des plaintes très graves sur ce point.
Une troisième considération, c'est que les jurys d'élèves universitaires ne procèdent pas partout d'après les mêmes bases. Dans certaines localités, ils sont beaucoup plus faciles, dans d'autres, beaucoup plus difficiles. Ainsi l'on a vu de bons élèves sortir des établissements d'instruction renommés se présenter devant le jury d'examen pour le grade d'élève universitaire et y échouer à l'étonnement de leurs professeurs.
Je me bornerai à ces courtes observations. Je prie M. le ministre de l'intérieur de bien vouloir apporter le plus grand soin à la composition du jury que nous proposons de maintenir provisoirement, et je voterai, quant à moi, contre tout amendement qui sera proposé à la loi existante.
M. Devaux. - Messieurs, si l'on avait pris garde à la portée de mon amendement, je crois que la discussion aurait été beaucoup plus courte, car vous remarquerez que ce qu'on vient de discuter,,ce sont des questions qui concernent le fond de la loi définitive ou l'organisation même de l’enseignement moyen. Ce n'est assurément pas le moment de décider s'il faut supprimer l'examen d'élève universitaire ou tout autre, de décider si les mathématiques doivent occuper une part plus grande ou moindre dans l'enseignement. Mon amendement ne touche à aucune question de cette importance.
Mon intention n'a été et ne pouvait être, à l'occasion d'une loi aussi temporaire, de rien changer à l'état de l'enseignement moyen. Tout ce que j'ai voulu, c'est que dans l'examen même, un inconvénient reconnu par tout le monde sans exception, par tous les orateurs qui ont parlé dans cette discussion, un inconvénient qui a pour résultat de gâter la dernière année des études des jeunes gens, fût suspendu jusqu'à la loi nouvelle ; c'est-à-dire que vous permettiez aux jeunes gens qui finissent cette année leur rhétorique ou qui la finiront l'année prochaine de n'être pas victimes d'une erreur de la loi. Voilà tout ce que j'ai demandé.
Je n'ai demandé et je ne voudrais pour le moment aucun changement qui eût pour résultat de changer quelque chose à l'instruction. Que peut-on redouter de ce que je propose ? Mon amendement autorise le gouvernement à diminuer les matières de l'examen ; cela veut dire bien clairement, je pense, qu'il ne pourra pas les augmenter. Et il ne peut les diminuer que jusqu'à la législation nouvelle, qui interviendra au plus tard l'année prochaine. Eh bien, pour qui redoutez-vous l'usage que le gouvernement fera de ce droit ? Est-ce pour les collèges du gouvernement ? Mais le gouvernement a bien un autre pouvoir dans ses collèges. Est ce pour les élèves des établissements libres ? Ainsi, vous redouteriez pour les élèves des établissements libres qu'on leur dît : « Vous ne serez pas examinés sur telle matière » ! Mais c'est en quelque sorte une liberté de plus qu'on leur accorde. Il faut être extrêmenent ombrageux pour voir là le moindre danger. Je suppose que le gouvernement, qui ne peut pas ajouter un iota de plus au programme, en (page 819) retranche quelque chose de trop, quel inconvénient, dans une loi aussi temporaire, cela pourrait-il entraîner pour l'enseignement ? Aucun qui puisse être comparé à celui qui existe aujourd'hui. Partout où l'opportunité de la réduction qu'il s'agit d'opérer peut être contestée, le gouvernement s'abstiendra naturellement de réduire ; mais là où tout le monde est d'accord, il diminuera.
Ainsi, comme l'a dit l'honorable M. de Decker, dans la classe de rhétorique on est obligé aujourd'hui, à cause de l'examen, de consacrer beaucoup de temps à répéter ce qu'on a appris les années précédentes ; eh bien, on permettra aux élèves de n'être examinés que sur ce qu'ils ont appris en rhétorique et on ne les forcera plus à ce long travail de mémoire qui absorbe le temps qu'ils devraient consacrer à des travaux plus utiles.
Savez-vous, messieurs, en histoire, par exemple, sur quoi les élèves doivent répondre aujourd'hui ? Ils doivent répondre sur l'histoire de la Belgique, sur l'histoire moderne, sur l'histoire du moyen âge, sur l'histoire de Rome, sur l'histoire de la Grèce, sur l'histoire des empires orientaux. Quel danger y a-t-il à abréger cela dès cette année ? Je suppose que le gouvernement réduise cette partie de l'examen de moitié, je suppose même qu'il ne laisse subsister dans l'examen que l'histoire de la Belgique et que dans l'opinion de quelques-uns d'entre vous cette réduction soit excessive, quel danger dans tous les cas peut-elle avoir pour l'enseignement, puisque dans un si court espace de temps la loi que vous avez votée doit être suivie d'une autre ?
On ne changera pas l'organisation des études en vue d'une loi provisoire.
Quant aux mathématiques, encore une fois, le gouvernement ne pourra pas augmenter les matières d'examen ; il ne pourra que les diminuer. Il pourra dire : Les élèves seront interrogés sur tels livres de géométrie, sur les quatre derniers, par exemple, tandis qu'aujourd'hui on l'est sur huit livres ; on est interrogé aujourd'hui sur 200 théorèmes de géométrie, dont on doit avoir tous les détails présents à la mémoire. Eh bien, si le gouvernement disait : Au lieu de répondre sur 200 vous ne répondrez que sur 100, y aurait-il là un mal, surtout s'il prenait les 100 derniers qui présupposent une connaissance suffisante des autres ?
L'élève pourrait consacrer plus de temps à des études littéraires, étudier les grands écrivains et faire des lectures indispensables et pour lesquelles le temps lui manque aujourd'hui.
En définitive, messieurs, il s'agit de donner au gouvernement un pouvoir très limité, limité quant au temps, limité quant aux matières, limité du reste par le bon sens, car le gouvernement n'ira pas trancher les questions pendantes, incertaines ; il ne prendra des mesures que dans la limite de ce qui est généralement admis.
Je le répète, messieurs, les plaintes des professeurs de rhétorique sont générales. Elles ne viennent pas seulement des collèges du gouvernement, elles viennent également de l'enseignement libre.
Pourquoi ne pas réaliser dès cette année une amélioration que tout le monde réclame ? Quand on tomberait dans une légère exagération contraire, et c'est le seul danger que vous puissiez redouter, il est impossible qu'il en résulte dans un aussi court délai aucun inconvénient grave.
L'honorable M. Verhaegcn voit dans l'adoption de ma proposition un danger pour sa manière de voir, qui consiste à ne pas vouloir du grade d'élève universitaire.
Ma proposition ne préjuge absolument rien sous ce rapport ; la question du fond est entièrement réservée ; il s'agit d'une mesure purement temporaire et qui n'aura, je le répète, d'autre effet que de laisser une certaine liberté d'esprit aux élèves pour leurs études littéraires.
M. de Haerne. - Messieurs, comme vient de le dire l'honorable membre, il s'agit d'un système provisoire ; s'il était question d'un projet définitif, nous entrerions dans une discussion qui pourrait durer plusieurs jours.
Je tiens à déclarer que pour moi il ne s'agit nullement de distinguer entre les élèves des établissements libres et les élèves des établissements de l'Etat ; il s'agit de savoir si, en introduisant un changement quelconque dans la marche du jury, nous ne pouvons pas nuire aux établissements en général, je désire les maintenir dans les meilleures conditions possible.
L'honorable M. Devaux vient de dire que les changements dont il s'agit sont sollicités non seulement par les professeurs appartenant aux collèges de l'Etat, mais aussi par une foule de professeurs appartenant à l'enseignement libre. Cela est vrai ; je suis du nombre de ceux qui ont demandé depuis longtemps une réforme, une réduction des matières, qui sont trop nombreuses. Aussi, je partage tout à fait l'opinion de l'honorable M. Devaux et je ne fais aucune difficulté à souscrire à une diminution de ces matières dans le sens du projet du gouvernement.
Je crois que ce serait là une excellente réforme. Ainsi nous sommes d'accord à cet égard et je crois que nous sommes bien près de nous entendre sur l'ensemble de la question. Seulement j'ai cru devoir faire une observation sur l'idée émise par l'honorable ministre de l'intérieur, quant au discours latin. Je pense que le système dont il a parlé ferait tort aux études, dans le sens de l'honorable M. Devaux ; car cet honorable membre tient autant que moi, d'après ce que j'ai compris, à ce qu'on relève les études littéraires.
Si on apprend aux élèves, cinq ou six mois avant l'examen, qu'ils ne devront faire qu'un thème au lieu d'un discours, alors on rencontre l'inconvénient qui a été si bien signalé par l'honorable M. Devaux, à savoir que les jeunes gens, à partir de ce moment, se jetteront, dans le cas où le thème prévaut par le sort, sur toutes les matières qui se rapportent à la mémoire.
Je crois donc qu'il faut laisser subsister le discours latin, sans cela nous mutileriez la rhétorique, comme vous la supprimeriez, en retranchant cet exercice littéraire d'une manière absolue ; et vous savez aussi bien que moi, messieurs, que la rhétorique est le couronnement des études, que sans cette classe il n'y a pas d'humanités proprement dites. Réduire les matières qui dépendent de la mémoire, ainsi que les mathématiques, afin de fortifier la partie littéraire : voilà tout mon système.
M. Verhaegen. - Messieurs, je n'ai proposé mon amendement que parce qu'on a présenté, à l'occasion d'une loi provisoire, une disposition qui pourrait fort bien devenir définitive. En effet, si nous maintenons le grade d'élève universitaire en simplifiant le programme d'examen, on demandera des prorogations d'année en année et, ainsi que le disait l'honorable M.de Haerne, le provisoire deviendra définitif. Or, pour mon opinion, qui est contraire au maintien du grade d'élève universitaire, il y aurait là un véritable échec.
Je ne pourrais donc retirer mon amendement que si l'honorable M. Devaux retirait le sien.
M. Frère-Orban. - Messieurs, je suis très peu partisan du grade d'élève universitaire. J'ai cru, lorsque ce nouvel examen a été introduit dans la législation, qu'il produirait de bons effets, mais j'ai pu me convaincre par l'expérience que si l'on a obtenu en grande partie le résultat qu'on poursuivait, de maintenir les jeunes gens dans les classes de rhétorique, de les empêcher de franchir la rhétorique pour arriver à l'université, on a constaté un autre inconvénient, très grave, c'est que depuis lors les études ont été faites à peu près exclusivemeut en vue des examens.
Je serai donc favorable à la suppression de ce grade, moyennant certaines garanties ; mais je ne puis pas admettre que, immédiatement, aujourd'hui, sans une discussion aussi approfondie que le mérite un pareil sujet, on supprime sans précaution le grade d'élève universitaire.
J'avoue, d'un autre côté, que je ne puis concevoir la moindre inquiétude sur les résultats de l'adoption de l'amendement de l'honorable M. Devaux. Il y a des inconvénients graves, tout le monde en convient, résultant, en quelque sorte, comme le disait M. Devaux, d'une erreur législative. Le programme d'examen est beaucoup trop chargé.
Quelle opinion pourra être froissée du pouvoir donné au gouvernement de diminuer les matières d'examen ? En attendant une nouvelle législation, il pourra atténuer les effets fâcheux de la législation actuelle ? Je ne serai pas plus partisan du système tel qu'il existe, après que le gouvernement aura diminué quelques articles du programme, que je ne le suis dans l'état actuel des choses ; ce sera, je crois, l'opinion à peu près de tout le monde.
Je pense donc qu'on peut voter l'amendement de l'honorable M. Devaux.
M. Malou. - Messieurs, je ne sais vraiment quel vote émettre sur l'amendement. D'après les honorables MM. Devaux et Frère, il s'agirait purement et simplement de permettre au gouvernement de retrancher de l'examen, tel qu'il est réglé par la loi, quelques matières ; il semble, au contraire, d'après les premières explications de M. le ministre de l'intérieur, qu'il aurait le droit, tout en supprimant telle ou telle matière, de modifier la manière dont l'examen se fait. Pourrait-il, par exemple, changer l'ordre d'importance des matières, subordonner l'admission à l'examen à des épreuves préparatoires sur telle ou telle matière ?
Je suis effrayé de donner des pouvoirs au gouvernement quand je vois certaincs propositions qui nous font faites. Ainsi, pour ne parler que de l'examen d'élève universitaire, quelle est la condition à laquelle le gouvernement se propose de subordonner l'admission aux études universitaires ? C'est de savoir si l'on a subi une épreuve sur le flamand, le français, l'anglais ou l'allemand. Vous auriez fait les meilleures études humanitaires, les meilleures études classiques, le gouvernement, par son projet, vous exclut de l'université si vous ne savez pas assez d'allemand, pas assez d'anglais.
Lorsqu'on donne à l'action du gouvernement un pareil caractère, la proposition a réellement pour tout le monde quelque chose d'effrayant. Pour moi, j'aime beaucoup mieux maintenir un examen tout à fait réglé par la loi.
Si le gouvernement a une opinion, qu'il ait la bonté de nous la dire. Qu'il nous dise de quelle manière il simplifiera les examens. Peut-être alors pourrons-nous émettre un vote, mais jusqu'à présent le gouvernement n'a réellement pas d'opinion.
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - L'explication que j'ai donnée à la Chambre n'avait d'autre portée que de faire comprendre que si le gouvernement est autorisé à diminuer l'importance de l’examen, d'élève universitaire, il se déterminera en grande partie par les considérations qui ont prévalu dans le projet de loi soumis à la Chambre, c'est-à-dire qu'il supprimera certaines matières. Ainsi, quant aux mathématiques, il supprimera une partie de l'examen relatif à la (page 820) géométrie. Ainsi pour la géographie, au lieu de faire porter l'examen à la fois sur la géographie et sur l'histoire, on se bornera à le faire porter sur l'histoire, puisqu'il est impossible d'enseigner l'histoire sans s'occuper un même temps de la géographie.
M. Devaux. - Messieurs, j'ai eu soin de n'autoriser, par mon amendement, que la diminution du programme, et non pas, comme on semble le croire, toute espèce de modifications. Je n'ai pas même eu en vue une question sur laquelle, d'ailleurs, je réserve ici complètement mon opinion : celle de la substitution du thème au discours latin. Il me serait en effet difficile de dire si ce serait augmenter ou diminuer le programme, car il est des élèves qui trouvent le thème plus difficile.
Je n'ai en vue qu'une réduction de l'examen sur des matières où l'utilité du retranchement ne peut pas être contestée, et ayant uniquement pour but, non de changer l'enseignement, mais de diminuer le travail de mémoire et de répétition, auquel les élèves sont obligés de se livrer les derniers mots, en ce qui concerne l'histoire et les mathématiques. Mon amendement ne tend pas à autre chose. Je crois donc que son but est bien net et bien précis.
M. de Decker. - Messieurs, d'après les paroles que vous venez d'entendre de la part de l'honorable M. Devaux et de l'honorable ministre de l'intérieur, on n'est plus d'accord sur ce qu'il faut entendre par diminuer le programme de l'examen. Dans la pensée de M. le ministre, il s'agit d'arriver indirectement à essayer par anticipation les changements proposés dans le nouveau projet de loi sur l'enseignement supérieur, et de les réaliser avant que la Chambre se soit prononcée sur ces modifications. Voilà ce que M. le ministre appelle « diminuer » le programme de l'examen. L'honorable M. Devaux s'est maintenant expliqué d'une façon plus claire, plus catégorique ; pour lui, il s'agit de diminuer l'importance de l'examen sur les mathématiques et sur l'histoire.
L'interprétation de M. le ministre de l'intérieur a donc une plus grande portée : il s'agit pour lui de remplacer le discours latin par le thème latin et de modifier l'examen quant à l'histoire et à la géographie. On n'est donc pas d'accord. Dans cet état de choses, mieux vaut encore subir provisoirement la loi actuelle, avec les inconvénients qu'elle peut présenter.
M. Frère-Orban. - Messieurs, j'ai compris l'amendement de l'honorable M. Devaux tel qu'il a été expliqué, et il était impossible, à mes yeux, qu'il eût un autre sens, quoi qu'en puisse dire M. le ministre de l'intérieur.
L'honorable M. Devaux, en proposant d'accorder au gouvernement 4'auiorisation de diminuer le programme de l'examen d'élève universitaire, n'a évidemment pas voulu donner au gouvernement le pouvoir de changer les matières de l'examen ; c'est le maintien de l'état actuel des choses, sauf la réduction de quelques matières. Il n'est pas permis à M. le ministre de l'intérieur de substituer aux matières d'examen, telles qu'elles sont déterminées par la loi, d'autres matières, ou de les classer dans un autre ordre, par exemple, dans l'ordre indiqué par le nouveau projet de loi.
Si l'honorable M. Devaux pouvait préciser davantage les termes de sa proposition, il n'y aurait peut-être plus aucune difficulté dans la Chambre. On ne fait pas d'objections proprement dites contre la proposition, mais contre les opinions exprimées par M. le ministre de l'intérieur. Il s'agit uniquement d'autoriser le gouvernement à réduire certaines matières de l'examen, et c'est exclusivement dans ce sens que j'appuie la proposition.
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Messieurs, je suis parfaitement d'accord avec l'honorable M. Devaux ; le gouvernement ne cherche qu'à diminuer le nombre des matières de l'examen dans le sens indiqué par l'honorable membre. Il y a un moyen de mettre tout ie monde d'accord : c'est de préciser les matières que le gouvernement serait autorisé à réduire. L'on est d'accord, je pense, pour indiquer comme pouvant être l'objet d'une semblable mesure, l'histoire et la géométrie.
M. de Haerne. - Puisque M. le ministre de l'intérieur demande qu'on précise les pouvoirs à donner au gouvernement, je propose, comme sous-amendement, la disposition suivante :
« La réduction de l'examen ne portera que sur les mathématiques et l'histoire. »
- Le sous-amendement est appuyé.
M. Magherman. - Messieurs, cette discussion prouve qu'il nous importe de sortir le plus tôt possible du provisoire. En effet, on est loin d'être d'accord sur les modifications qu'il y a lieu d'introduire dans la loi.
Cette loi doit être l'objet d'un examen ultérieur et approfondi. Tout le monde reconnaît que le système actuel ne peut pas durer, qu'il est nuisible à la jeunesse. Ainsi, quoique d'honorables préopinants aient semblé insinuer que ce provisoire pourrait devenir définitif, j'espère bien qu'il n'en sera pas ainsi, que la section centrale continuera de s'occuper activement de l'examen du projet de loi et qu'elle soumettra son rapport à la Chambre dans un très bref délai, de manière que la loi puisse, s'il est possible, recevoir son exécution avant la prochaine session du jury.
M. le président. - Elle fera son rapport le plus tôt possible.
- La discussion est close.
M. le président. - La disposition transitoire proposée par la section centrale, et à laquelle le gouvernement s'est rallié, est ainsi conçue :
« Article unique. Le mode de formation des jurys chargés des examens, établi provisoirement par le paragraphe premier de l'article 40 de la loi du 15 juillet 1849 (Journal officiel, n°200), est maintenu pour l'année 1855. »
- Cet article est adopté.
M. le président. - M. Devaux a proposé la disposition additionnelle ci-après :
« § 2. Le gouvernement est autorisé à diminuer le programme de l'examen d'élève universitaire. »
M. de Haerne propose de sous-amender cette disposition additionnelle de la manière suivante :
« La réduction de l'examen ne portera que sur les mathématiques et l'histoire. »
M. Verhaegen a fait la proposition suivante :
« Le premier paragraphe de l’article 37 de la loi du 15 juillet 1849 est abrogé. »
- Cette proposition, impliquant la suppression du grade d'élève universitaire, a la priorité ; elle est mise aux voix.
Après une double épreuve par assis et levé, elle est adoptée.
Le second vote du projet de loi est fixé à après demain.
M. le président. - L'article unique du projet est ainsi conçu :
« Article unique. Il est ouvert au département de l'intérieur un crédit de quatre-vingt mille francs (fr. 80,000) applicable aux dépenses résultant de la participation des producteurs belges à l'exposition universelle de Paris.
« Ce crédit sera prélevé sur les ressources de l'exercice 1855 et formera l'article 73bis du chapitre XIII du budget du département de l'intérieur pour ledit exercice. »
La section centrale propose un article 2 conçu dans les termes suivants :
« Les industriels rembourseront les frais de transport faits par le gouvernement pour les objets dont ils trouveront le placement en France.
« Les sommes à rentrer de ce chef seront versées au trésor de l'Etat. »
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Le gouvernement ne se rallie pas au projet de la section centrale.
M. Osy. - Messieurs, je ne refuse pas de mettre à la disposition du gouvernement une somme pour que nos industriels puissent envoyer leurs produits à l'exposition de Paris, comme nous avons fait pour l'exposition de Londres. Mais nous devons nous rappeler ce qui s'est passé lors de l'exposition de Londres ; le gouvernement avait demandé comme aujourd'hui une allocation, elle était de 75,000 francs alors ; aujourd'hui elle est de 80,000, mais nous avons été obligés de voter un crédit supplémentaire de 100,000 fr., parce qu'on a fait des dépenses extraordinaires.
Je demande si cette fois les calculs ont été faits de telle manière qu'on puisse être sûr que la somme demandée sera suffisante et qu'on ne viendra pas, comme en 1851, nous demander des crédits supplémentaires.
J'appuie l'amendement de la section centrale ; je trouve juste que les industriels qui pourront placer à l'étranger les produits qu'ils auront exposés remboursent à l'Etat les frais de transport qu'il aura payés.
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Messieurs, la somme qui vous est demandée a été calculée d'après des appréciations aussi justes et aussi précises que possible. C'est pour éviter le retour de demandes de crédits supplémentaires que le gouvernement est outré dans des détails et a établi ses calculs de telle façon qu'il est certain, autant qu'on peut l'être humainement parlant, qu'il n'y aura pas lieu de demander des crédits supplémentaires.
Quant à l'article 2 proposé par la section centrale, je ne pense pas qu'il puisse être adopté ; il avait été inséré dans la loi de 1851, et il a été impossible de l'appliquer ; l'équité s'y opposait. Il faut remarquer que la plupart des objets envoyés à l'exposition perdent considérablement de leur valeur par le long séjour qu'ils y font.
D'aulre part, le fabricant qui laisse ses produits pendant six ou huit mois, perd l'intérêt de son capital ; c'est une raison d'équité qui a fait renoncer à appliquer le principe qu'on voudrait encore aujourd'hui insérer dans la loi. Exiger des fabricants la restitution des frais de transport, quand ils trouvent à placer à l'étranger le produit exposé, ne paraît pas équitable au gouvernement, eu égard aux frais de tout genre qui attendent les exposants. C'est d'ailleurs un objet de très minime importance pour l'Etat. En conséquence, il ne croit pas pouvoir adopkr l'amendement de la section centrale.
M. Rousselle. - Messieurs, l'honorable ministre s'oppose à ce qu'on inscrive dans la loi l'article 2 qui se trouvait dans la loi analogue que vous avez volée à l'occasion de l'exposition de Londres. Cet article a été proposé alors par la section centrale et admis par la Chambre, parce que le gouvernement lui-même avait annoncé qu'il mettrait pour condition du transport gratuit de leurs produits, que les exposants rembourseraient les frais de transport pour les objets exposés qui (page 821) trouveraient placement en Angleterre. C'est le motif pour lequel la Chambre avait donné un caractère légal à une condition que le gouvernement avait trouvée équitable.
Maintenant l'honorable ministre s'oppose à ce qu'on reproduise la même disposition dans la loi actuelle, parce qu'elle n'a pas pu être exécutée. Et pourquoi n'a-t-elle pu être exécutée ? La principale raison est que le temps pendant lequel dure l'exposition fait perdre à l'industriel l'intérêt de son capital.
Je pense qu'il n'est aucun industriel qui soit forcé d'envoyer ses produits à l'exposition ; c'est volontairement qu'il les y envoie ; et on peut bien lui demander le remboursement des frais de transport des objets qu'il parvient à vendre. Je ne comprends donc pas comment l'honorable ministre peut se refuser à la disposition proposée par la section centrale.
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Je raisonne d'après les faits qui se sont accomplis lors de l'exposition de Londres. J'ai l'honneur de répéter que malgré l'article ajouté au projet de loi on n'a pas pu faire l'application du principe qui l'avait dicté, parce que dans les conditions onéreuses de l'exposition pour la plupart des fabricants, il était peu équitable de faire payer les frais de transport par l'exposant, en cas de vente à l'étranger. On dit que la perte de l'intérêt du capital est purement volontaire, mais on doit tenir compte de l'intérêt national de l'exposition qui donne à l'exposant quelque droit à être ménagé dans ses propres intérêts. C'est ce que la législature a reconnu, puisqu'elle vote des fonds pour couvrir les frais auxquels peut donner lieu l'exposition.
Il ne faut pas oublier non plus qu'il y a une détérioration qui cause une perte considérable à l'exposant pour tous les objets de luxe ; ces considérations ont engagé le gouvernement à ne pas appliquer l'article 2 de la loi de 1851. Les mêmes circonstances se produiront en 1855. C'est pour ces motifs que j'engage la Chambre à ne pas inscrire une lettre morte dans la loi.
M. Osy. - Je suis étonné d'apprendre que la loi que nous avons faite pour l'exposition de Londres n'a pas été exécutée. La loi existant cependant, il était facile au gouvernement de dire qu'en vertu de la loi, tous ceux qui avaient vendu leurs produits à l'étranger ou ne les avaient pas fait revenir devaient restituer les frais de transport, comme c'était stipulé dans la disposition proposée par la section centrale à laquelle le gouvernement s'était rallié.
Aujourd'hui nous ferons très sagement de rétablir la même disposition dans la loi et d'engager le gouvernement à tenir la main à l'exécution des lois que nous volons.
Le gouvernement sait si les produits qu'il transporte pour l'exposition reviennent ou ne reviennent ; s'il en est qui ne reviennent pas, c'est qu'ils ont été vendus ; dans ce cas, on doit rembourser les frais de transport.
Je voterai l'amendement de la section centrale, en engageant le gouvernement à tenir la main à l'exécution des lois que nous votons.
M. Lesoinne. - Pour engager les industriels à prendre par là l'exposition de Paris, on leur accorde le transport gratuit de leurs produits aller et retour. On demande maintenant que l'industriel qui placera à l'étranger les produits qu'il aura exposés, soit tenu de rembourser à l'Etat les frais de transport.
Il faudra que le gouvernement tienne note de tous les objets envoyés à l'exposition pour savoir quels seront ceux qui ne reviendront pas, et c'est précisément pour les objets que le gouvernement sera dispensé de ramener gratuitement qu'on demande le remboursement des frais de transport, c'est-à-dire qu'on fera payer le transport pour les objets qui ne feront qu'un seul voyage.
Messieurs, je pense que la chose n'en vaut réellement pas la peine et qu'on évitera des complications inutiles en admettant purement et simplement le projet du gouvernement.
- La discussion générale est close.
M. le président. - L'article unique du projet du gouvernement est ainsi conçu :
« Il est ouvert au département de l'intérieur un crédit de quatre-vingt mille francs (fr. 80,000) applicable aux dépenses résultant de la participation des producteurs belges à l'exposition universelle de Paris.
« Ce crédit sera prélevé sur les ressources de l'exercice 1855 et formera l'article 73bis du chapitre XIII du budget du département de l'intérieur pour ledit exercice. »
- Cet article est adopté.
M. le président. - L'article 2 proposé par la section centrale est ainsi conçu :
« Les industriels rembourseront les frais de transport faits par le gouvernement pour les objets dont ils trouveront le placement en France.
« Les sommes à rentrer de ce chef seront versées au trésor de l'Etat. »
- Cet article est mis aux voix ; deux épreuves étant douteuses, il est procédé au vote par appel nominal.
En voici le résultat :
68 membres prennent part au vote.
34 votent pour cet article.
34 votent contre.
En conséquence l'article n'est pas adopté.
Ont voté l'adoption : MM. de Mérode-Westerloo, de Moor, de Naeyer, de Perceval, de Renesse, de Royer, de Ruddere de Te Lokeren, Desmaisières, de Steenhault, Dumortier, Jouret, Julliot, Lambin, Landeloos, le Bailly de Tilleghem, Malou, Mercier, Osy, Pierre, Rousselle, Tack, Tesch, Vanden Branden de Reeth, Vander Donckt, Van Iseghem, Verhaegen, Wasseige, Anspach, Boulez, Brixhe, Coppieters 't Wallant, de Brouwer de Hogendorp, de Haerne et Delfosse.
Ont voté le rejet : MM. de Liedekerke, F. de Mérode, de Portemont, Devaux, Frère-Orban, Goblet, Jacques, Janssens, Lange, Lebeau, Lesoinne, Loos, Magherman, Mascart, Moreau, Prévinaire, Rodenbach, Sinave, Thienpont, T'Kint de Nacyer, Vandenpeereboom, Van Overloop, Vermeire, Vervoort, Veydt, Allard, Ansiau, Calmeyn, Dautrebande, David, de Baillet-Latour, de Bronckart, de Decker et de La Coste.
Il est procédé au vote par appel nominal sur l'article unique du projet, qui est adopté par 59 voix contre 3. Un membre (M. Jacques) s'est abstenu.
Ont voté l'adoption : MM. F. de Merode, de Mérode-Westerloo, de Moor, de Naeyerv de Perceval, de Portemont, de Renesse, de Royer, Desmaisières, de Steenhault, Devaux, Dumortier, Frère-Orban, Goblet, Janssens, Jouret, Lambin, Landeloos, Lange, le Bailly de Tilleghem, Lebeau, Lesoinne, Loos, Magherman, Malou, Mascart, Moreau, Osy, Pierre, Prévinaire, Rodenbach, Rousselle, Sinave, Tack, Tesch, T'Kint de Naeyer, Vanden Branden de Reeth, Vandenpeereboom, Van Iseghem, Verhaegen, Vermeire, Vervoort, Veydt, Wasseige, Allard, Ansiau, Anspach, Boulez, Coppieters 't Wallant, Dautrebande, David, de Baillet-Latour, de Bronckart, de Decker, de Haerne, de La Coste et Delfosse.
Ont voté le rejet : MM. Julliot, Thienpont et Brixhe.
M. Jacques. - En principe, messieurs, je suis contraire aux dépenses de cette nature ; mais après ce qui a été fait pour l'exposition de Londres, j'ai cru qu'il fallait procéder de la même manière pour l'exposition de Paris. Je ne pouvais donc voter ni pour ni contre le projet.
- La séance est levée à quatre heures et demie.