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Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 15 février 1855

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1854-1855)

(Présidence de M. Delfosse.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 733) M. Ansiau procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. Vermeire donne lecture du procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Ansiau présente l'analyse des pétitions adressées à la Chambre.

« La dame Lehouque demande une modification à l'article 55 de la loi du 21 juillet 1844 sur les pensions. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Les chefs de bureau et les employés des commissariats d'arrondissement de Dinant, de Namur et de Philippeville demandent à être assimilés aux employés du gouvernement provincial. »

- Même renvoi.

M. Lelièvre. - La demande des pétitionnaires est fondée sur des motifs irréfragables. Déjà j'ai appelé l'attention du gouvernement sur le même objet, à l'occasion de la discussion du budget de l'intérieur. La pétition ayant un caractère d'urgence, puisque le gouvernement s'occupe d'un règlement concernant les employés des gouvernements provinciaux, je demande qu'elle soit renvoyée à la commission des pétitions qui sera invitée à faire un prompt rapport.

M. le comte de Baillet-Latour. - Je me joins à mon honorable collègue, M. Lelièvre pour appuyer la demande de renvoi de la pétition des fonctionnaires des commissariats d'arrondissement à la commission des pétitions avec prière d'un prompt rapport.

- La proposition est adoptée.


« Le sieur Antoine prie la Chambre de statuer sur sa demande qui a pour objet la suppression du droit d'entrée sur le cidre. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi concernant le tarif des douanes.


« L'administration communale de Gand présente des observations contre le projet de loi portant révision de l'article 23 de la loi du 23 septembre 1842. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi.


« Les fermiers, cultivateurs, engraisseurs et marchands de bestiaux à Vichte demandent que les artistes vétérinaires non diplômés puissent continuer leur profession. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Decaestecker et plusieurs cultivateurs d'Ypres demandent que les artistes vétérinaires non diplômés, en exercice pendant cinq années avant la loi du 11 juin 1850, soient admis à continuer leur profession. »

- Même renvoi.


« Les membres de l'administration communale et des fermiers et marchands de bestiaux de Neuville-sur-Mehaigne, demandent que les artistes vétérinaires non diplômés puissent continuer leur profession en attendant qu'ils aient subi un examen pratique. »

- Même renvoi.


« Le sieur Delslanche présente des observations sur la convention relative à l'établissement de l'école d'apprentissage à Haine-Saint-Pierre, pour la fabrication des instruments aratoires. »

- Même renvoi.


« Des élèves en médecine à l'université de Bruxelles présentent des observations sur le projet de loi relatif aux jurys d'examen et demandent que les examens se fassent par écrit et oralement, ou du moins que l'épreuve préparatoire ne soit pas une condition d'admission à l'examen du grade ; que la thérapeutique générale et la pharmaco-dynamique soient classées parmi les branches principales et la pathologie générale parmi les branches accessoires ; que l'anatomie pathologique spéciale continue à faire partie de l'examen ; que le deuxième et le troisième examen puissent être subis dans la même session et qu'il y ail une session de Pâques pour tous les examens. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi.


« Les sieurs Victorien Moucheron et Auguste Harmegnies font hommage à la Chambre de la grande carte charbonnière du bassin houiller de l'arrondissement de Charleroi. »

- Dépôt à la bibliothèque.

Projet de loi accordant des crédits supplémentaires au budget du ministère des travaux publics

Dépôt

M. le ministre des finances (M. Liedts). - D'après les ordres du Roi, j'ai l'honneur de déposer trois projets de loi :

1° Crédit de 17,000 francs aux travaux publics à l'effet de liquider la (page 734) part contributive de la Belgique dans les frais d'exécution des travaux à effectuer sur le territoire français, dans le but d'obvier aux inondations de la vallée de la Haine.

Projet de loi autorisant des transferts de crédits au sein du budget du ministère de la guerre

Dépôt

2° Demande de transferts, à concurrence d'une somme de 194,000 fr. à opérer entre divers articles du budget de la guerre pour l'exercice 1854, insuffisance résultant et prévue des articles pain et fourrages en nature.

Projet de loi autorisant des transferts de crédits au sein du budget du ministère de la guerre

Dépôt

3° A la justice :

A. Crédit de 532,000 francs, exercice 1854, pour insuffisance en ce qui concerne les frais d'entretien des détenus, les frais d'entretien et de secours aux indigents dont le domicile de secours est inconnu, et enfin le payement des termes échus des pensions avant l'inscription au département des finances ;

B. Crédit de 312,610 fr. 55 c, exercice 1855, pour remboursement à la prison de Vilvorde de frais de reliure ; du chef de produits de l'établissement de Ruysselede, consommés ou retenus pour le service de l'établissement de 1849 à 1853 inclusivement ; pour fournitures faites en 1853 par le service des travaux au service domestique des prisons, entretien des détenus, et pour fourniture d'habillements, de couchage, etc. ; pour matériaux, plomb, cuivre, etc. ; pour l'établissement des écoles de réforme, etc. ; pour les frais d'entretien d'indigents pendant 1853 ; enfin pour payer des comptes qui n'ont pu être arrêtés avant la clôture du budget de 1853.

- Il est donné acte à M. le ministre de la présentation de ces projets de loi.

Ils seront imprimés, distribués et renvoyés à l'examen des sections.

Motion d’ordre

Exécution de la loi sur les distilleries

M. T’Kint de Naeyer (pour une motion d’ordre). - Je profite de la présence de M. le ministre des finances pour demander quelques renseignements sur l'exécution de la loi du 30 novembre 1854, concernant les distilleries. Vous savez que l'article 6 permet la distillation du sucre exotique avec exemption des droits de douane et d'accise sur le sucre, à condition que les distillateurs se conforment aux prescriptions arrêtées par le département des finances.

Cette mesure a produit jusqu'ici peu d'effet ; cela tient, si mes renseignements sont exacts, à ce que le département des finances exigerait le renouvellement des matières par 24 heures, comme pour la distillation des céréales, ce qui ne permet pas d'utiliser les sucres exotiques. Avant de fixer définitivement le nombre d'heures pendant lequel le travail devra s'effectuer, le gouvernement devrait attendre que les expériences soient complètes.

M. le ministre voudra bien donner quelques explications sur la question que je viens de soulever.

M. le ministre des finances (M. Liedts). - La fabrication de l'alcool avec le sucre exotique est encore à l'état d'essai. Comme je suis convaincu qu'il est de l'intérêt du pays que cette fabrication soit favorisée et rendue facile, dans toutes les demandes d'autorisation qui m'ont été adressées, j'ai cherché par tous les moyens conciliables avec mes devoirs à faciliter celle fabrication.

Des essais ont été faits dans diverses provinces ; tous n'ont pas été également heureux. Dans le Brabant un distillateur est parvenu, en renouvellant la matière toutes les vingt-quatre heures, à obtenir un litre d'alcool par kilogramme de sucre, ce qui est un résultat qui dépasse toutes les espérances.

Ou m'assure que dans la province de Liège un autre distillateur est parvenu à obtenir 125 par kilogramme et qu'en ce moment même il monte une usine sur une grande échelle.

A côté de ces résultats très heureux, il vient, à la vérité, s'en placer d'autres qui ne le sont pas autant.

Ainsi, à Gand, un industriel, à qui j'avais accordé les mêmes facilités qu'à ceux dont je viens de parler, n'est parvenu qu'à obtenir une quantité beaucoup moindre. J'ai la conviction qu'avec de la persévérance, il obtiendrait le même produit que ses concurrents.

L'honorable M. T'Kint de Naeyer dit que l'on se plaint surtout de ce que le département des finances exige que la fabrication se fasse en 24 heures, comme s'il s'agissait des céréales. Mais pendant la période d'essai je n'ai prescrit aucun délai. Comme la fabrication se faisait sous l'inspection de commis qui étaient en permanence, j'ai laissé toute latitude. Cela n'a pas empêché que tous les distillateurs n'ont pas également réussi ; et chose étonnante, c'est que les essais qu'ils ont faits en 48 heures leur ont donné parfois un rendement moindre que les essais qu'ils ont faits en 24 heures. Quoiqu'il y ait ici peu de personnes familiarisées avec la distillation, deux mots suffiront cependant pour rendre le fait compréhensible.

Lorsqu'on veut distiller du grain, il faut faire une première opération dont on est dispensé lorsqu'on emploie le sucre. Cette première opération, c'est la production du sucre. Lorsque vous n'avez que de la farine, il faut, par une opération chimique, que cette farine se saccharifie au moyen de la macération.

Celte opération dure trois ou quatre heures. Or, lorsqu'on travaille avec le sucre, on est dispensé de cette opération préliminaire, puisque le sucre existe en nature, qu'il suffit de le délayer dans l'eau.

Une preuve d'ailleurs que le terme de 24 heures fixé par la loi générale, est suffisant, c'est que le premier distillateur dont j'ai parlé, M. Wittouck, fait très bien ses opérations en 24 heures et obtient des résultats magnifiques.

Je ne me dissimule pas, messieurs, les avantages que les distillateurs et le pays recueilleront de cette distillation.

Cependant il ne faut pas les exagérer. Cette opération perd un de ses principaux avantages pour le pays, c'est l'utilité agricole. La distillation du sucre n'a plus rien de commun avec la prospérité de l'agriculture. C'est une opération purement industrielle et rien de plus.

Cependant il n'en est pas moins vrai qu'au point de vue de l'alimentation, il serait très désirable que la distillation du sucre pût remplacer, dans une certaine mesure, la distillation des céréales.

Je continuerai à faciliter les essais que l'on me demande à faire, et lorsque ces essais seront complets un arrêté royal prescrira définitivement les conditions que l'on devra réunir pour jouir de la franchise des droits de douane et des droits d'accises sur le sucre exotique employé à la distillation.

M. T'Kint de Naeyer. - Je suis charmé d'apprendre que M. le ministre des finances est disposé à accorder des facilités pour la distillation du sucre sous le régime de l'entrepôt.

Il s'agit, en effet, d'une industrie nouvelle qui est loin d'avoir dit son dernier mot. Il se peut que certains essais aient mieux réussi que d'autres, mais, je le répète, les expériences sont loin d'être complètes. Les distillateurs de Gand, auxquels M. le ministre des finances vient de faire allusion, ne craignent aucune concurrence, mais il importe que leurs travaux ne soient pas entravés dès le début.

Je crois, messieurs, que dans l'intérêt général il faut encourager la distillation du sucre exotique et autres matières saccharines étrangères. En effet, la substitution, dans une certaine mesure, de sucre aux céréales pour la distillation intéresse à un haut degré l'alimentation, publique.

D'un autre côté l'importation du sucre sur une plus grande échelle et leur réexportation sous forme d'alcool, est destinée, me paraît-il, à donner une grande impulsion à notre commerce maritime. La distillation des céréales pour la consommation intérieure n'en pourra pas moins continuer, et les intérêts agricoles n'auront rien à y perdre.

M. Vilain XIIII. - J'ai vu hier dans les journaux que le gouvernement des Pays-Bas vient de présenter aux états généraux deux projets de loi : l'un sur les eaux-de-vie indigènes, l'autre sur les sucres. Je demanderai à M. le ministre des finances s'il ne croirait pas utile de faire faire immédiatement des démarches auprès du gouvernement des Pays-Bas pour parvenir, si c'est possible, à se mettre d'accord sur le raffinage du sucre dans les deux pays.

Vous savez, messieurs, que le seul motif qui légitime ou plutôt le seul prétexte qui excuse les deux millions de prime que nous payons par an au sucre, c'est la concurrence que pourraient nous faire les raffineurs hollandais sur les marchés étrangers, en Turquie, en Italie, etc. Je crois que le gouvernement des Pays-Bas paye aussi à ses raflineurs une prime de 12 à 15 cent mille francs par an. Il serait peut-être bien aise d'encaisser ces 12 à 15 cent mille francs, comme nous serions heureux de pouvoir encaisser les 2 millions que nous payons annuellement aux raffineurs de sucre.

Si le gouvernement belge pouvait se mettre d'accord avec le gouvernement des Pays-Bas, pour supprimer la prime des deux côtés, nos raffineurs n'auraient pas à se plaindre, puisqu'ils seraient sur le même rang que leurs concurrents, et que l'on y gagnerait des deux côtés.

M. le ministre des finances (M. Liedts). - J'ai déjà donné ordre d'écrire pour obtenir le projet de loi dont parle l'honorable comte Vilain XIIII. Mais quant à l'idée d'obtenir du gouvernement néerlandais qu'il veuille bien mettre sa loi des sucres en harmonie avec la nôtre, en se faisant de part et d'autre, si cela était nécessaire, quelques concessions, je crois que cette question est tout à fait désespérée. Plusieurs fois mes prédécesseurs ont fait des instances auprès du gouvernement néerlandais. Moi-même, lorsque j'étais en Hollande, à l'occasion du dernier traité de commerce, j'ai fait des instances nouvelles auprès des différents chefs de département et toujours cette question a été repoussée sans qu'on voulût même entrer dans l'examen des détails.

On se basait notamment, pour se refuser à toute idée de se concerter sur ce point, à l'absence totale en Hollande de la culture de la betterave, culture qui complique notre législation et qui est cause en partie des difficultés que nous rencontrons pour faire produire au sucre tout ce qu'il devrait produire. Du reste le temps n'est pas éloigné où nous aurons à examiner cette question.

L'année prochaine, d'après la loi sur les sucres, vous devez être saisis d'un projet de loi sur cette question, et je suis convaincu que la loi sur les sucres doit rendre et rendra plus qu'elle ne rend aujourd'hui. Ira-t-on jusqu'à demander un million, un demi-million de plus ? Je ne me prononce pas ; je dis seulement que la loi doit être révisée de manière à faire produire au sucre plus qu'il ne produit.

Mais je crois qu'il n'est pas au pouvoir du gouvernement et qu'il ne sera pas au pouvoir des gouvernements qui se succéderont, que le gouvernement néerlandais veuille calquer sa loi sur la nôtre.

M. Loos. - Messieurs, j'entends parler de primes sur le sucre, je crois que les honorables membres qui ont l'idée qu'il en existe encore sont complètement dans l'erreur ; il n'existe plus la moindre prime. Le droit est établi sur le sucre cristallisable, or ce droit est perçu intégralement.

(page 735) M. Mercier. - Je demande la parole.

- Plusieurs membres. - Cette question n'est pas à l'ordre du jour.

M. Loos. - Je n'ai pas l'intention de traiter la question au fond, mais je tiens à dire que la loi établit le droit sur le sucre cristallisâble, je crois que nous sommes tous d'accord sur ce point, que le droit est perçu intégralement aujourd'hui, personne ne le contestera encore puisque le rendement a été élevé à 81 et on ne prétendra pas qu'il soit possible d'obtenir davantage.

Maintenant si certaines parties de sucre ne payent pas l'impôt, c'est que la loi ne les atteint pas ; on peutl es atteindre sans doute si cela entre dans les intentions de la Chambre. Mais en ce qui concerne les parties de sucre qui sont imposées, il n'existe plus la moindre prime. C'est la seule chose que je tenais à constater ; on est même allé au-delà du rendement réel pour atteindre le chiffre d'impôt fixé par la loi, c'est-à-dire 3,600,000 francs.

M. Mercier. - Je prends la parole uniquement pour déclarer que je ne partage nullement l'opinion de l'honorable M. Loos lorsqu'il dit que l'impôt n'est établi que sur le sucre cristallisé. J'ai démontré le contraire dans d'autres circonstances.

Je n'en dirai pas davantage.

M. Vilain XIIII. - Je sais qu'autrefois il y a eu, en effet, des négociations avec le gouvernement néerlandais dans le but d'amener l'uniformité de législation en ce qui concerne les sucres. Il a même été fait des démarches en France, dans le même but. On désirait que les trois gouvernements se missent d'accord. Je sais aussi que le gouvernement hollandais à repoussé complètement les ouvertures faites à cet égard, mais il y a longtemps de cela. M. le ministre nous a parlé de l'époque ou il était à la Haye.

M. le ministre des finances (M. Liedts). - C'était en 1852.

M. Vilain XIIII. - Depuis lors le système financier est changé, le ministère est changé et les vues financières ont complètement changé depuis deux ans. Il me semble qu'une démarche diplomatique devrait toujours être tentée ; dans aucun cas il n'en peut résulter d'inconvénient.

M. le ministre des affaires étrangères (M. H. de Brouckere). - Nous attendrons la communication du projet.

Projet de loi sur l’enseignement agricole

Discussion générale

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Messieurs, parmi les discours que vous avez entendus dans les séances d'hier et d'avant-hier, il en est un qui a dû fixer particulièrement votre attention ; c'est celui de l'honorable M. de Naeyer. En effet, messieurs, cet honorable membre, par les études spéciales qu'il a faites, par l'expérience qu'il a acquise dans toutes les questions qui se rattachent à l'agriculture, devait exercer sur votre esprit une grande influence.

J'ajoute, messieurs, que si le gouvernement devait compter sur l'appui d'un membre de cette Chambre pour soutenir la nécessité d'un enseignement agricole approprié aux besoins du pays, cet appui il aurait cru devoir le rencontrer chez l'honorable M. de Naeyer. Cependant, messieurs, dans les deux discours que vous avez entendus, après s'être livré à une appréciation très intéressante sur l'encouragement qu'il faut donner à l'agriculture, l'honorable M. de Naeyer a fini par conclure que ces encouragements ne doivent pas venir du gouvernement ; que si, d'une part, l'instruction est indispensable à nos agriculteurs, si l'agriculture doit s'aider du concours des sciences naturelles, il faut laisser faire, tant sous le rapport de l'enseignement théorique sous celui de l'enseignement pratique ; que si l'enseignement théorique devait être donné quelque part, le siège en était naturellement dans nos universités ; qu'il fallait aussi laisser une grande part à l'initiative privée ; qu'enfin nos écoles normales primaires pouvaient être d'utiles auxiliaires pour toutes les questions où il s'agit de l'application des sciences naturelles à l'agriculture.

Après avoir écouté attentivement l'honorable membre, j'ai douté un instant de l'utilité du projet que le gouvernement vous présente ; et si je suis revenu à une conviction toujours complète sur la nécessité de l'enseignement agricole organisé par l'Etat, c'est qu'en fouillant dans les Annales parlementaires, j'ai reconnu que l'honorable M. de Naeyer avait lui-même, à une autre époque, recommandé au gouvernement de la manière la plus énergique un système d'encouragements dont le projet de loi en discussion n'est autre chose que la mise en pratique.

L'honorable M. de Naeyer demande d'abord pourquoi l'on s'occupe tant aujourd'hui de l'enseignement agricole. « Nos campagnes, dit-il, sont-elles déchues ? Notre agriculture s'est-elle arrêtée dans la voie du progrès ? »

Non, messieurs, nos campagnes ne sont pas déchues, notre agriculture ne s'est pas arrêtée ; mais ce qui est vrai, c'est qu'en agriculture, comme dans tous les arts industriels, il faut marcher en avant, sous peine de perdre sa supériorité. Celui qui n'avance pas recule ; et cela est vrai partout et en toutes choses. Or, ainsi que le disait en 1845 et en 1846 l'honorable M. de Naeyer avec beaucoup de ses collègues encore présents dans cette enceinte :,

« Il n'y a qu'un moyen de progresser d'une manière certaine, c'est de s'éclairer par l’instruction..»

Et vous allez voir que l'honorable M. de Naeyer s'est chargé de démontrer cette vérité de la manière la plus explicite.

Vous direz, après l'avoir entendu, à qui il faut croire dans un débat où les spécialités exercent nécessairement une grande influence ? Est-ce au député qui vous-parle en 1855 et qui, après avoir, pendant deux séances, fait l'éloge le plus pompeux de notre agriculture et appelé sur elle la sollicitude de la législature, a conclu que l'Etat ne devait pas intervenir pour instruire nos agriculteurs ail point de vue tant scientifique que pratique ? Ou bien, est-ce à l'honorable membre qui, en 1845, se faisait le champion éclairé d'un enseignement agricole organisé par l'Etat, qui proclamait alors hautement que l'agriculture était compromise si l'on ne venait pas à son aide par l'instruction ?

Messieurs, voici la conclusion l'honorable M. de Naeyer.en 1855 : « Pas d'enseignement de l'Etat, pas d'intervention du gouvernement. »

Or, veuillez écouter ce que disait l'honorable membre en 1845 de la nécessité de cette instruction agricole et de son organisation par l'Etat.

« J'ai demandé que le gouvernement créât plusieurs établissements, non pas des écoles proprement dites, mais des fermes-modèles. J'ai dit qu'il fallait en créer dans toutes les provinces et les mettre à la portée des agriculteurs, parce que ce n'est que de cette manière que la science agricole pourra se répandre dans les communes rurales.

« Ensuite j'ai soutenu la nécessité d'un établissement central largement organisé, parce que je veux un enseignement agricole de deux classes différentes : j'en veux un pour la classe des propriétaires, j'en ai expliqué ie motif : c'est pour attirer dans l'agriculture les capitaux nécessaires. L'intérêt agricole n'est pas compris, on ne conçoit pas assez l'emploi utile, lucratif, que les capitaux peuvent recevoir dans cette grande industrie, parce que la science agricole fait défaut.

« Il faut donc un établissement central organisé sur des bases larges, non pas pour les laboureurs proprement dits, mais pour les propriétaires. »

Je fais cet appel aux souvenirs d'une autre époque, sans aucune espèce d'intention de dire quoique ce soit de désobligeant pour l'honorable membre ; au contraire, il ne peut que gagner à être mis en présence des belles paroles qu'il proférait en 1845.

Ecoutez ce qu'il disait dans la séance du 31 janvier sur la nécessité d'un institut agricole et sur la nécessité non moins grande de créer à l’aide de fermes modèles un enseignement pratique à la portée des cultivateurs.

L'honorable membre demandait ce double enseignement scientifique et pratique par l'Etat, et il faisait avec raison un grief au gouvernement de n'avoir pas pris à cet égard l'initiative.

Voici en quels termes il s'exprimait :

« Il y a deux moyens principaux de venir au secours de l'agriculture et de la faire progresser, savoir la protection douanière, et surtout l'enseignement agricole.

« Pour l'enseignement agricole, le ministère est resté daus l'apathie la plus complète.

« Vous n'avons qu'une seule école où l'on s'occupe un peu d'enseignement, c'est l'école vétérinaire, mais l'enseignement pratique y est pour ainsi dire nul.

« Mais on ignore donc ce qui se passe autour de nous ?

« On perd complètement de vue ces fermes-modèles qui existent en grand nombre chez les peuples voisins et où l’enseignement pratique est organisé de manière à rendre la science agricole accessible à la fortune et à l'intelligence du laboureur. »

Plus loin dans cette même discussion l'honorable membre se demande pourquoi tant d'hommes abandonnent l'industrie agricole, pourquoi les capitaux se retirent de cette industrie ? Il nous l'apprend dam la séance du 12 février en ces termes :

« D'où cela provient-il, messieurs ? Est-ce parce que les capitaux ne pourraient trouver dans cette industrie un emploi utile et productif ? Non, c'est parce que la science agricole n'est pas là pour renouveler les ressources, les trésors inconnus que l'on peut encore tirer de la terre.

« Messieurs, je viens de vous indiquer le mal, je crois qu'il est très grave, et qu'il mérite d'attirer l'attention du gouvernement. Mais il ne suffit pas de signaler le mal ; le grand point, c'est de trouver le remède. Comment parviendra t-on, sans entraîner l'Etat dans des dépenses trop fortes, à organiser convenablement l'enseignement agricole en Belgique ? Comment parviendra-t-on à extirper de nos campagnes cet esprit de routine, ces préjugés, cette ignorance qui sont, suivant moi, les plus grands obstacles aux progrès de l'agriculiuré ? Comment parviendra-t-on surtout à faire pénétrer dans les classes fortunées de la société la science agricole, afin d'attirer vers l'agriculture les capitaux qui ne servent maintenant qu'à faire des oisifs heureux (si le bonheur peut se trouver dans l'oisiveté), mais inutiles pour la société ?

« Ces questions sont graves, messieurs, et je regrette, pour ma part, de ne pas avoir eu le temps nécessaire pour les envisager sous toutes leurs faces. Je le recommande à l'attention du gouvernement. »

Ainsi s'exprimait M. de Naeyer en 1845.

(page 736) Après avoir signalé le mal, l'honorable membre poursuit sa thèse et indique clairement où est le remède à la situation dont il se plaignait., Comment parviendra-t-on, dit-il, à organiser l'enseignement agricole en Belgique. Comment parviendra-t-on, dit-il, à faire pénétrer l'enseignement agricole chez les propriétaires ? Voici comment il a répondu à ces questions :

« Je crois qu'il faut examiner une autre question qui me paraît la plus importante. C'est celle de savoir si un seul établissement serait suffisant, et s'il ne conviendrait pas d'établir enfin chez nous ces fermes-modèles qui existent dans d'autres pays, et qui rendent de très grands services à l'agriculture.

« Quant à moi, messieurs, je crois qu’un établissement central est indispensable et qu’il faut l’organiser sur les bases les plus larges, afin d’atteindre ce premier but, et de faire pénétrer la science agricole dans les classes fortunées de la société, et de provoquer ainsi l'emploi des capitaux à l'agriculture.

« Mais tout cela serait encore insuffisant et ne pourrait servir à répandre la science agricole parmi les laboureurs proprement dits. Pour atteindre ce résultat qui est de la plus haute importance, il faut, avant tout, des fermes-modèles ; il en faut plusieurs ; il en faut autant que possible, daus toutes les provinces. C'est le seul moyen de rendre la science accessible à la fortune et à l'intelligence du laboureur, et si le gouvernement veut y mettre de la bonne volonté, j'ai la ferme conviction que le pays pourra être doté de ces utiles établissements sans beaucoup de dépense.....»

Je trouve dans ces paroles l'approbation la plus explicite de la proposition faite par le gouvernement.

Eh bien, messieurs, ce que l'honorable M. de Naeyer recommandait à la législature et au gouvernement, c'est-à-dire l'établissement d'un institut central et la création d'écoles secondaires dans les provinces, le projet de loi vient vous l'offrir, sauf que nous ne proposons que deux écoles secondaires là où l'honorable membre en proposait neuf ; une école supérieure et deux écoles pratiques, voilà tout le cadre du projet de loi.

Messieurs, en reproduisant cette intéressante discussion, mon but est de vous faire apprécier quel était alors l'esprit qui dominait dans cette chambre. Vous voyez quel a été le langage des hommes que nous aimons à consulter dans toutes les questions agricoles.

J'ajouterai que les paroles de l'honorable M. de Naeyer ont trouvé de l'écho dans cette enceinte et que la plupart des membres qui ont parlé, ont dit qu'il était plus que temps que le gouvernement intervînt pour doter l'agriculture d'un enseignement qui lui manquait jusque-là.

Cependant aujourd'hui l'honorable M. de Naeyer propose d'abandonner l'enseignement agricole théorique et pratique à l'initiative privée. « La liberté, dit-il, est assez féconde en grandes choses pour qu'elle enfante un enseignement approprié aux besoins de l'agriculture.»

Ce sont de très belles théories, des paroles pompeuses, quand on veut appeler sur une question l'attention du pays. Mais je ferai remarquer que l'initiative privée, réduite à elle-même, n'est pas toujours féconde en grands résultats. Cela dépend du genre d'affaires. Souvent elle ne réussit que lorsque le gouvernement lui donne la vie sous la forme de subsides.

Voilà bientôt vingt-cinq ans que nous avons la Constitution la plus libérale du monde, qui a consacré la liberté d'association. Je le demande, cet esprit d'association qu'a-t-il produit en agriculture, sous le rapport de renseignement ?

D'après l'honorable M. de Naeyer, les universités devraient être le siège de l'enseignement agricole. Mais ce n'est pas dans ces établissements qu'on fera faire des progrès considérables à l'agriculture, parce qu’il ne suffit pas à l’agriculture que l’on s’occupe de la solution des grands problèmes des science snaturelles. Il faut qu’on familiarise le cultivateur sur les lieux mêmes avec l’application de la théorie aux procédés pratiques.

Et cela ne peut se faire que dans un institut où la démonstration est à côté du précepte. Les écoles normales ! Je ne pense pas que ce soit leur destination. Dans cet enseignement, on a bien autre chose à faire que d'enseigner l'agriculture.

Je sais qu'on s'y occupe un peu d'agriculture ; mais ce sont des notions élémentaires et rien de plus.

En réalité, je ne puis expliquer l'opposition qu'il y a entre l'honorable membre de 1845 et son discours d'hier, que par cette considération que l’honorable M. de Naeyer repousse aujourd'hui tout ce qui est intervention de l'Etat.

Aujourd'hui, comme autrefois l'honorable membre veut l’enseignement agricole.

Seulement, il veut que l'industrie privée s’en charge. Laissez-la faite, dit-il. L'agriculture n'a besoin que de la publicité que nous possédons les universités découvriront les problèmes de la science, les journaux les porteront dans les campagnes, et quant à l’enseignement pratique, ne vous en inquiétez pas. Il n'y a pas d'enseignement pratique pour l'agriculture.

Tout agriculteur est un homme pratique, il naît praticien et par conséquent il n'a que faire de votre enseignement. Par là viennent à tomber dans l'opinion de l'honorable membre, les fermes-modèles à l’existence desquelles il attachait alors le salut de l'agriculture.

Messieurs, nous ne sommes pas aussi loin qu'on le croirait au premier abord de nous entendre avec l'honorable M. de Naeyer, du moins quant au but qu'il s'agit d'atteindre. En effet, il veut de l'instruction et nous aussi. Mais nous différons sur les moyens.

Il ne veut plus que l'Etat s'occupe de choses qui, selon lui, peuvent être abandonnées à l'initiative privée.

Messieurs, je fais sur ce terrain une concession à l'honorable membre. Je n'hésite pas à reconnaître, avec beaucoup de membres de cette Chambre, que l'Etat peut successivement retirer son intervention de beaucoup de choses dans lesquelles il avait dû se faire à la fois le promoteur de la pensée et l'agent d'exécuiion. Il y a, messieurs, des théories pour tous les temps. Il y a des époques où l'Etat, ne voyant autour de lui aucune espèce d'initiative pour former des établissements utiles, se croit obligé de montrer aux populations ce qu'on peut faire pour éclairer telle ou telle branche de la richesse publique. Eh bien ! cette situation existait à coup sûr en 1845, lorsqu'on provoquait l'Etat à encourager l'agriculture, et à créer lui-même les moyens d'instruction. Existe-t-elle encore aujourd'hui ?

Dans une certaine limite oui, mais sous certains rapports je n'hésite pas à dire non. Ainsi, par exemple, ce qui appartient à la science proprement dite, à l'enseignement en d'autres termes, cela ne peut être abandonné aux particuliers, d'une part parce que les particuliers n'organisent pas des instituts purement scientifiques qui offrent à l'Etat une garantie suffisante.

En second lieu, cela ne peut être abandonné à l'initiative privée, parce qu'un des premiers devoirs de l'Etat, et c'est un devoir constitutionnel, c'est d'organiser les établissements d'instruction publique qui sont utiles au pays.

Je le demande, que deviendrait l'enseignement proprement dit, s'il était abandonné à l'initiative privée ? Evidemment, un enseignement pareil serait livré à la merci de toutes les influences, de toutes les incertitudes inséparables d'une entreprise privée. Dans l'état actuel des choses en Belgique, il ne me paraît pas que l'on puisse espérer d'organiser des écoles proprement dites pour l'enseignement agricole par l'initiative privée.

Quant au mode d'exploitation à suivre pour rattacher l'enseignement pratique à nos écoles d'agriculture, quelque difficulté que cela présente, je crois que l'on peut essayer aujourd'hui d'établir l'enseignement pratique en traitant avec des particuliers ou avec une société.

Cette société traiterait avec l'Etat pour mettre son exploitation à la disposition de l'institut supérieur ou des écoles secondaires. L'Etat obtiendrait ainsi tous les moyens matériels d'exploitation dont il a besoin, et il simplifierait singulièrement son action administrative. Mais pour tout ce qui appartient au personnel enseignant, à la nomination de ce personnel, au traitement à lui faire, à l'administration de l'école proprement dite, l'Etat ne peut s'en rapporter à des mains tierces. Ce serait tout simplement remettre, au hasard, les fonds de l'Etat, pour les faire servir à un enseignement sur lequel le gouvernement n'aurait pas un contrôle suffisant. Un pareil système est incompatible avec les devoirs qui incombent au gouvernement en matière d'instruction publique.

Vous le voyez donc, il n'y a rien d'absolu dans la théorie du gouvernement. Moi aussi je désire, et je n'hésite pas à le déclarer, que l'intervention du gouvernement dans toutes ces choses accessibles à l'initiative privée, cesse le plus tôt possible, et je mettrai en pratique, aussi longtemps que ma position m'y appellera, les principes que je viens de poser, à savoir le retrait successif du gouvernement de toutes les choses dans lesquelles son intervention n'est pas commandée par des considérations d'intérêt public bien reconnu.

Mais, messieurs, nous avons des écoles. Parmi ces écoles il en est qui ont produit de bons résultats. Il en est une notamment où le système d'exploitation par l'Etat existe ; c'est Rollé.

Il existe encore d'autres écoles. Dans celle de Thourout, notamment, l’enseignement est bon ; c'est une école qui prospère et le gouvernement s'y trouve beaucoup plus libre ; il n'y est pas chargé d'une exploitation pour compte de l'Etat.

Elle est établie d'après le système dont je viens de faire mention comme pouvant servir de guide dans l'organisation de l'enseignement agricole. Ce système pourrait s'introduire immédiatement presque partout.

Quant à l'institut supérieur, nous sommes absolument libres.

Maintenant, messieurs, je termine en priant la Chambre de réfléchir mûrement sur le parti auquel il convient de s'arrêter. Si l'expérience compte pour quelque chose, rappelez-vous les discussions qui ont eu lieu dans cette enceinte. Rappelez-vous l'opinion de tous les hommes compétents, sur la nécessité d'accorder des encouragements à l'agriculture, ne perdez pas de vue que les meilleurs de tous les encouragement se rencontrent dans l'instruction.

Rappelez-vous qu'en 1846 on a soumis à la Chambre un projet de loi qui créait un institut central et des écoles d'agriculture, organisées sur le modèle du projet de l'honorable M. de Naeyer, un par province, des fermes-modèles. Rappelez-vous que ce projet avait été précédé d'une enquête, où les organes les plus accrédités de l'agriculture ont émis leur avis. Rappelez-vous que des essais ont été faits.

Eh bien, aujourd'hui les essais sont suffisants dans l’opinion du (page 737) gouvernement, et il vous propose, quoi ? La conservation de ce qui a été indiqué comme nécessaire à toutes les époques : un institut supérieur et deux écoles.

Messieurs, à propos des écoles qui existent, j'en ai entendu dire, depuis quelques jours, beaucoup de mal, et comme cela n'arrive que trop souvent pour toutes les affaires dans lesquelles le gouvernement intervient, on a cessé d'être juste, et on a trouvé que tout est mal, uniquement parce que cela contrarie les idées qui semblent prévaloir aujourd'hui.

Mais, sur quoi se fonde cette mauvaise réputation qu'on fait imprudemment à notre enseignement agricole ? Aucun fait précis n'a été articulé. Y a-t-il une école ou une ferme-modèle dans laquelle l'agriculture soit tellement arriérée que l'exploitation des terres ne pourrait pas supporter la comparaison avec les terres des cultivateurs voisins ?

Messieurs, Je me permets de dire à l'honorable membre qui a avancé ce fait sans l'établir, qu'il n'a pas été bien renseigné et je doute fort qu'il puisse m'indiquer la ferme-modèle dans laquelle l'agriculture se présenterait sous un aspect si peu encourageant.

Un autre membre a dit qu'une de nos écoles était tellement tombée en ruine, que personne ne se présentait pour la soutenir ; que professeurs et élèves la désertaient ! C'est encore là une appréciation erronée, résultat d'informations inexactes qui tendent à démolir à tout prix le système pratiqué par le gouvernement.

Non, messieurs, cela n'est pas exact. Nulle part nos écoles ne sont tombées dans cet état déplorable, et s'il en est une qui semble ne pas devoir jouir d'une longue existence, ce n'est pas à cause de l'enseignement pratique qui s'y donne ; la cause en est plutôt dépendante de la volonté du propriétaire avec lequel il a fallu traiter.

Quoi qu'il en soit, messieurs, le gouvernement, vous le voyez, vient lui-même au-devant des réformes raisonnables qu'on demande aujourd'hui dans la mise en pratique de l'enseignement agricole par l'intervention de l'Etat, intervention limitée à l'enseignement proprement dit.

Que reste-t-il donc à faire ? Conséquente avec ses actes antérieurs, qui éèmoignent tous d'une vive sollicitude pour les intérêts agricoles, la Chaihbre ne voudra pas détruire par un vote intempestif un ouvrage longuement préparé et qui commence à porter ses fruits. Reconnaissant les abus révélés par de nombreux essais, elle réformera ce qu'il y a de vicieux dans le système, d'excessif dans l'extension donnée à l'enseignement.

Le gouvernement vient au-devant de ces réformes. Il réduit le nombre d'écoles ; il modifie, en le simplifiant, le mode d'intervention de l'Etat. Il retire son action là où il le peut sans danger. Il conserve son influence sur l'instruction théorique qu'il ne peut abandonner sans danger. Dans ces limites l'agriculture peut être utilement encouragée ; vouloir davantage, ce serait anéantir l'enseignement lui-même. La Chambre ne voudra pas s'associer à une œuvre de destruction. Elle fera son devoir en conservant ce qui est bon. Le gouvernement fera le sien.

M. de Liedekerke. - Messieurs, je regrette d'avoir été absent hier lorsque mon tour de parole est venu ; mais une cause imprévue m'avait contraint à quitter la salle.

Malgré les développements assez longs dans lesquels je suis entré l'autre jour, la Chambre comprendra qu'ayant présenté un projet que je crois sérieux et d'une application supérieure à celle du projet du gouvernement, la Chambre comprendra que je tienne à répondre à quelques-unes des observations qui ont été présentées par d'honorables membres et à rencontrer les objections que M. le ministre de l'intérieur a opposées aux calculs que j'ai fournis à l'appui de mon système.

L'honorable M. de Naeyer nous a dit, messieurs, qu'autrefois l'on se contentait de rapporter les faits qui touchaient à l'agriculture et que les Géorgiques de Virgile, l'ouvrage de Columelle, et tous ceux qui ont été publiés jusque vers la moitié du siècle dernier, en étaient le vif, poétique et éloquent témoignage.

Mais aujourd'hui il n'en est plus de même, on interroge les faits, on les compare et les grands progrès accomplis dans les sciences physiques et chimiques servent à leur tour l'agriculture. Il existe donc, on le reconnaît, une science agricole qui n'est autre chose que la comparaison des faits et l'étude des grandes lois naturelles qui régissent et gouvernent les divers éléments de la production.

L'agriculture se trouve, elle aussi, sous ces lois d'observation et d'expérimentation comme toutes les autres sciences, comme toutes les autres choses de ce monde. Elle a le droit dès lors de savoir ce que c'est que le progrès, celui d'en jouir et de se soustraire au joug d'une servile routine.

Si l'agriculture s'est élevée à la hauteur d'une science, il me semble que la conséquence directe qu'il faut en déduire est qu'elle mérite d'être étudiée comme toutes les sciences. Mais pour être étudiée avec succès elle réclame évidemment un enseignement.

L'honorable M. de Naeyer a soutenu fort ingénieusement que les savants sont de mauvais praticiens et que les praticiens à leur tour sont de médiocres théoriciens et que chacun devrait rester dans sa sphère. Eh bien, je ne saurais partager l'opinion de l'honorable membre.

Je trouve, au contraire, qu'il faut associer leurs qualités, corriger les défauts, et chercher le trait d'union qui peut unir le théoricien et le praticien ; eh bien, ce trait d'union, où est-il ? Mais sûrement dans, cet enseignement agricole qui réunit ce que le théoricien a de bon et ce que le praticien a d'expérience ; cela nous mène droit à cet enseignement supérieur agricole que j'ai préconisé, et que mon honorable collègue dans son savant discours a su mettre admirablement en relief.

Messieurs, on invoque beaucoup l'Angleterre, et l'on a raison. C'est en Angleterre qu'on trouve les exemples les plus frappants, les plus remarquables de ce que la science, la pratique, le capital, peuvent faire de bon et de grand.

L'honorable député d'Alost avait l'air de trouver qu'en faisant un éloge si persistant de l'agriculture anglaise, on dénigrait l'agriculture dans notre pays. Pas du tout, ce n'est pas pour dénigrer, jeter dans l'ombre l'agriculture belge qu'on élève tant l'agriculture de l'Angleterre ; c'est, au contraire, pour stimuler davantage l'esprit, le goût, le désir du progrès.

Eh bien, disons-le sans détour, l'Angleterre est de tous les pays celui qui, sous le rapport de l'agriculture, comme sous bien d'autres encore, nous a donné les plus éclatants exemples de ce que peuvent le courage, l'énergie personnelle, ainsi que le génie de l'entreprise. Permettez-moi de vous citer quelques chiffres qui seront bien plus éloquents et plus convaincants que tous les arguments, que tous les raisonnements.

L'Angleterre, en 1760, possédait 17 millions de têtes de moutons, pour une étendue de 31 à 33 millions d'heclares ; eh bien, ce chiffre a été doublé, et chose étonnante ! l'Angleterre proprement dite, sur une étendue de 13 à 14 millons d'hectares, nourrit actuellement 29 millions de têtes de moutons.

Ces mêmes troupeaux qui autrefois ne pouvaient s'engraisser qu'au bout de quatre années (ce qui existe encore dans la plupart des pays et même en Belgique), ces troupeaux s'engraissent au bout de deux ans, de manière que le chiffre total de l'augmentation des moutons est non seulement doublé, mais qu'il se renouvelle deux fois plus vite qu'autrefois, puisque les troupeaux se reproduisent tous les deux ans ; c'est donc aussi le doublement du revenu. L'Angleterre, sur une contenance de 1,800,000 hectares, produit 45 millions d'hectolitres de froment, tandis que la France, avec 6 millions d'heclares consacrés à la culture du froment, ne produit que 70 millions d'hectolitres.

Dans certaines contrées de l'Ecosse, le duché de Sutherland, par exemple, où, il y a 25 ou 30 ans, on nourrissait péniblement sur une étendue de 250,000 à 300,000 hectares, 50,000 têtes de bétail, on en possède aujourd'hui 200,000. Je demande à la Chambre la permission de lui donner ici lecture du passage d'un ouvrage publié par M. de Lavergue sur l'économie rurale de l'Angleterre, de l'Ecosse et de l'Irlande ; ce passage est relatif à l'Ecosse ; il me paraît convenir parfaitement à notre pays ; il donnera la preuve de ce que peuvent l'énergie et le travail, l'association et l'emploi intelligent du capital et de la terre :

« L'Ecosse, dit M. de Lavergne dans son ouvrage intitulé : « Essai sur l'économie rurale de l'Angleterre, de l'Ecosse et de l'Irlande », est un des plus grands exemples qui existent au monde de la puissance de l'homme sur la nature. Je ne connais que la Hollande qui puisse rivaliser ; la Suisse elle-même n'offrait pas d'aussi grands exemples à l'industrie humaine. Ce qui ajoute encore à la merveille de ce développement de prospérité sur un sol si ingrat, c'est qu'il est tout récent. L'Ecosse n'a pas les mêmes précédents que l'Angleterre. Il y a seulement un siècle, c'était encore un des pays les plus pauvres et les plus barbares de l'Europe. Les derniers restes de l'antique pauvreté n'ont pas tout à fait disparu, mais ou peut affirmer que, dans l'ensemble, il n'y a pas aujourd'hui sous le ciel de région mieux ordonnée.

« La production totale a décuplé dans le cours de ce siècle. Les produits agricoles ont à eux seuls augmenté dans une propoition énorme. Au lieu des disettes périodiques qui le dévastaient autrefois, et dont l'une surtout, celle de 1693 à 1700, qui a duré sept ans entiers, a laissé le plus formidable souvenir, les denrées alimentaires s'y produisent avec une abondance qui permet tous les ans une immense exportation.

« L'agriculture écossaise est aujourd'hui supérieure à l'agriculture anglaise elle-même, au moins dans quelques parties ; c'est en Ecosse que les cultivateurs envoient surtout leurs enfants comme apprentis dans les fermes modèles ; les meilleurs livres d'agriculture qui aient paru dans ces derniers temps ont été publiés en Ecosse ; et quand les propriétaires anglais veulent avoir un bon régisseur, bailliff, c'est en Ecosse qu'ils vont le chercher. »

Et plus loin, messieurs, le même auteur nous parle du genre de culture, et ce qu'il en dit me paraît convenir à certaines parties de notre pays, dans lesquelles les exploitations rurales sont fort divisées.

«... La petite propriété, sans être tout à fait inconnue, est moins répandue que partout ailleurs, moins même qu'en Angleterre. En somme, l'exemple de l'Ecosse est favorable à la grande propriété.

« Pour la culture, c'est plutôt le contraire. On y compte environ 55,000 fermiers, dont chacun paye en moyenne 2,250 francs de loyer ; c'est, comme on voit, plutôt de la petite, ou au moins de la moyenne culture, que de la grande.

« L'Ecosse compte 7,600,000 hectares. Mais les trois quarts sont incultivables, il n'y a donc que 2,500,000 hectares de cultivables. »

(page 738) Vous l'entendez, messieurs, 55,000 fermiers correspondent à 2,500,000 hectares de terres cultivables. Comme on s'est beaucoup récrié l’autre jour à l'idée de créer des régisseurs ou des gens comprenant avec intelligence l'administration de domaines agricoles, à cause de cette même petite culture, il me semble que je vous fournis une assez bonne preuve, par le passage que je viens de vous citer au sujet de l'Ecosse, où les petits fermiers sont en grande majorité, que partout, dans toutes les circonstances, l'intelligence, la science, les connaissances, le développement de la théorie, associés à une saine pratique peuvent produire d'admirables résultats en agriculture.

Messieurs, l'honorable M. Mascart a semblé faire peu de cas de l'enseignement agricole, tel qu'il a été donné jusqu'à présent.

Je partage complètement son avis ; l'enseignement agricole, tel qu'il a été donné jusqu'à présent, j'espère le prouver mieux encore que je ne l'ai fait précédemment, est un enseignement plein de déceptions. Comme l'honorable membre, je suis convaincu que les fermes exploitées par le gouvernement ne peuvent produire de bons résultats ou du moins qu'elles ne peuvent en produire que dans des conditions tout à fait inacceptables. Mais l'honorable M. Mascart ne conteste pas l'utilité d’un enseignement agricole supérieure, il est trop éclaité pour ne pas admettre qu’un enseignement supérieur théorique appuyé sur une pratique intelligente ne soit de quelque utilité. Toutefois quand on parle d’enseignement, d eprogrès, on ne se fait jamais faute de représenter les classes agricoles inférieures, le paysan comme acceptant avec un sourire malicieux tout ce qui s’annonce sous le nom de progrès et d’amélioration. Je connais aussi, je connais beaucoup les classes agricoles inférieures, je passe au milieu des campages une grande partie de l’année ; eh bien, il est parfaitement vrai que le paysan sait rire et rit avec raison d’une méthode fautive ou dont les résultats ne sont pas en rapport avec les dépenses qu’elle occasionne ; mais j’ajouterai que le paysan est tout aussi rebelle à toute bonne méthode, à toute amélioration utile et éclairée.

Il répugne aux innovations, il professe une sorte de culte pour la routine, tout ce qui vient la changer, la dénaturer, lui paraît révolution hardie téméraire et dangereuse. Le discernement lui manque, ce que son isolement explique suffisamment, ainsi que le goût et le courage de l'innovation, il craint d'exposer quelque chose et s'effarouche des pertes sans calculer les bénéfices. D'ailleurs constatons-le, toutes les fois qu'il est question de progrès, d'amélioration, on rencontre presque toujours des adversaires, c'est en tout temps et partout le propre de la nature humaine, elle est défiante et frondeuse.

Il y a cent ans, cinquante ans même, il n'y avait pas de loi sur l'enseignement primaire qui obligeât toutes les communes à avoir une école primaire. Nous n'avions pas un vaste réseau de chemins de fer, de nombreux canaux, des voies fluviales améliorées et 1,500 lieues de chemins vicinaux ! Nous ne possédions pas je ne sais combien de lieues de grandes routes reliant entre elles toutes les parties du pays.

Nous n'offrions pas au monde le magique spectacle d'un développement manufacturier et industriel admirable. Eh bien, messieurs,qui sait si à cette époque ceux qui auraient prévu, prédit ou provoqué ces progrès, n'auraient pas, eux aussi, rencontré les critiques, les défiances, le blâme même de certain honorables membres de cette époque ?

Aujourd'hui je ne les supplie que d'une seule chose, c'est de ne pas nous opposer, en vertu de ces doutes et de ces sourires stationnaires, de ne pas nous opposer une fin de non-recevoir.

Ce que nous demandons, c'est que l'agriculiure ne soit pas tenue en dehors du progrès universel dont notre pays donne le merveilleux exemple ; nous ne voulons qu'une chose, c'est que là où le progrès existe, il soit encouragé et stimulé, et que là où il n'est pas né encore, on se hâte de réparer de si fâcheux retards.

Mais ce que je ne puis admettre, ce qui est inexplicable pour moi, c'est qu'on veuille persister dans la voie déplorable qu'on a suivie jusqu'à présent, c'est qu'on songe à maintenir ces malheureuses écoles inférieures d'enseignement agricole qui n'ont donné aucun résultat, qui n'ont produit aucun fruit, qui n'ont amené aucun bien, dont il est impossible de trouver, d'indiquer, de constater le plus mince résultat.Voilà qui est inouï !

Ne suis-je donc pas autorisé, en présence des preuves manifestes de l'insuffisance, de l'impuissance de ces écoles, preuves surabondantes, que le gouvernement nous a données dans les tableaux annexés à son projet de loi ; ne suis-je pas autorisé à en demander la suppression ? que m'importe qu'on nous propose de n'en conserver que deux ? Si ces écoles doivent être établies, et elles le seront, sur les mêmes bases, si elles doivent être gouvernées d'après les mêmes principes, nous arriverons à des résultats également funestes.

Elles ressembleront fatalement aux institutions qui les ont précédées ; leur impuissance sera la même, et nous verrons se dérouler devant nous les mêmes fautes, les mêmes erreurs. Mais vous aurez le regret en plus d'un passé qui n'aura pas même servi d'enseignement pour l'avenir.

Il est vrai que M. le ministre a contesté chacun des chiffres que j'ai produits, il est vrai qu'il m'a dit, avec une certaine malice, qu'il ignorait qui avait pu me fournir ces renseignements fautifs, ces calculs aventurés. Que l'honorable M. Piercot se rassure, je n'ai eu d'autre complice que mon travail.

Je n'ai à ma disposition ni chef de division, ni chef de bureau, ni employés officiels et officieux pour me fournir quoi que ce soit. J'ai consulté, sans doute ; mais le coupable, c'est l'exposé des motifs et les documents fournis à l'appui. Voilà le champ où j'ai glané mes renseignements.

L'honorable M. Picrcot m'a reproché de ne faire compte que de huit écoles et de m'être tu sur les quatre autres. Eh, sans doute, je ne me suis occupé que de l'agriculture, et non d'horticulture.

C'est une question distincte que j'ai omise à dessein, et qui n'a rien de commun avec l'intérêt agricole. Je n'ai donc pu faire allusion qu'aux seules écoles d'agriculture. Qu'ai-je fait ? J'ai pris dans les documents qui nous ont été distribués les crédits alloués pour ces seules écoles d'agriculture ; je les ai répartis, et j'ai comparé alors leur montant avec le nombre des diplômes qu'avaient obtenus les élèves ; c'est ainsi que je suis arrivé à ces calculs, à ces résultats, à ces chiffres, qui étaient en effet accablants pour cette organisation dont vous essayez de perpétuer par votre projet de loi d'informes débris.

A la vérité, quand j'ai parlé du coût du diplôme, M. le ministre m'a aussitôt répondu que j'attachais trop de prix aux diplômes, et que beaucoup d'élèves ne s'en souciaient guère et négligeaient d'en prendre ; qu'enfin, ce n'était pas là une base sérieuse d'appréciation. Pour moi j'avais cru que le diplôme était le plus grand témoignage de la science, des progrès, de l'intelligence de l'élève, qu'il constituait son honneur et celui de l'école. Je croyais qu'il n'y avait pas de meilleure pierre de touche que le diplôme. Il paraît que je me suis trompé et que pour être dans le vrai, il ne faut envisager, pour apprécier les bons résultats d'une école, que le nombre des élèves qui sont venus s'asseoir sur ses bancs en six ans.

Il y en a eu 1,400, dites-vous. Soit, mais beaucoup n'y ont passé que quelques semaines, quelques mois, et presque pas un n'a su y terminer un cours complet.

Mais à qui ferez-vous sérieusement croire que c'est au nombre d'élèves qu'il faut s'arrêter pour juger de la bonté, de l'efficacité de l'enseignement agricole ! Cela prouve quoi ? Cela prouve le nombre de ceux qui ont pénétré dans vos écoles, les uns plus ou moins contraints, les autres grâce aux bourses que vous avez libéralement distribuées,

Mais quant à la valeur des élèves qui sont sortis de ces établissements, quant aux bienfaisants résultats qu'ils ont produits, mais votre chiffre ne prouve, ne peut rien prouver.

M. le ministre veut-il être mieux édifié, veut-il d'irrécusables preuves. Les voici. J'ai dit que l'école de Chimai n'avait donne que deux élèves diplômés qui avaient coûté chacun 10 mille et des cents francs. Je trouve, dans le rapport de M. Bidault qui a été condamné à faire cette triste et laborieuse inspection des écoles d'agriculture, que le jury a pu délivrer des diplômes de capacité avec distinction aux élèves Buisset et Lavandier, qui ont obtenu plus des cinq huitièmes des points dans l'examen théorique et plus des quatre huitièmes dans l'examen pratique. L'élève Boulvin, qui avait subi son examen théorique d'une manière satisfaisante, s'est trouvé malade lors de l'examen pratique et n'a pu, pour cette cause, le passer convenablement. Le jury s'est vu dans la nécessité de l'ajourner.

Passons à l'école de Leuze. Les 19 élèves de l'école pratique n'ont pu prendre part au concours qui avait lieu sur des matières qui ne leur avaient point été enseignées.

Les trois élèves de la section supérieure, quoique ayant terminé leurs études avec un certain succès, ne se sont pas présentés à l'examen de sortie, parce qu'ils désirent doubler les cours.

Nous n'avons pas su s'ils les avaient doublés, ni quel avait été le résultat de leur zèle.

L'école d'agriculture de Verviers a envoyé à l'examen de sortie les deux élèves qui composaient la division supérieure, c'est-à-dire les sieurs Beaufays et Crahay.

On renvoie au tableau pour faire connaître le résultat de l'examen par suite duquel des diplômes de capacité ont été obtenus.

Maintenant pour plusieurs autres élèves, on nous renvoie à la fin du rapport de M. Bidault.

Tableau du résultat des examens de sortie des élèves des écoles moyennes d'agriculture en 1853.

Récapitulation.

Grande distinction, 2

Distinction, 12

Satisfaction, 1

Retiré, 1.

Total 16.

Il en reste seize.

Quant à l'école d'Oslin, deux élèves se sont présentés : l'un a été rejeté, l'autre a été reçu d'une manière satisfaisante.

Quant à l'école de Rollé, dont le gouvernement est fort satisfait, quatre élèves se sont présentés : deux ont été reçus avec distinction, un a été reçu d'une manièresatisfaisante, un quatrième a été ajourné. Et puisque l'honorable ministre de l'intérieur a fait un si grand éloge de l'école de Rollé, je me permettrai de lui citer un fait qui concerne cette école. Je ne veux pas l'affirmer d'une manière absolue ; mais il me vient de l'autorité la plus compétente, et qui m'inspire une entière confiance.

C'est que le directeur qui est en même temps professeur, double qualité qui exigerait sa présence continuelle, puisque comme directeur il a une surveillance de tous les moments et que comme professeur on peut supposer qu'il a un enseignement quotidien, il a néanmoins obtenu du gouvernement l'autorisation d'accepter les fonctions de membre de la chambre de la (page 739) députation permanente qui l'oblige tous les 8 ou 10 jours à s'absenter pour 2 ou 3 jours. J'appelle l'attention du gouvernement sur ce fait, je le crois vrai ; il m'a été dit par une autorité telle que je n'ai pas à douter à la vérité de l'assertion.

Voulez-vous me permettre de vous citer un autre détail sur l'école d'Ostin ? On aurait voulu obtenir un subside provincial pour cette école. Ayant de l'accorder, on a demandé au directeur de l'école, homme très distingué, savant, parfaitement à la hauteur de ses fonctions, de vouloir bien indiquer quels avaient été les résultats de l'enseignement agricole donné dans l'école.

On l'a prié de faire suivre aux membres de la députation permanente les traces de ses élèves, de désigner l'emploi agricole auquel quelques-uns d'entre eux s'étaient voués. Eh bien, ces renseignements, il n'a jamais su les donner. Et, sauf de rares exceptions, il lui a été impossible de retrouver les traces des élèves qui avaient quitté l'établissement dont il avait la direction.

J'ai été en rapports avec M. le directeur de l'école d'Ostin ; je lui ai demandé pour une ferme, non pas un directeur, mais un simple valet de ferme. Il n'a pu m'en indiquer qu'un seul, et il était employé dans le Luxembourg.

Il m'a fait espérer que peut-être à la fin de l'année, il trouverait parmi ses élèves un sujet qu'il pût me recommander en raison de son caractère, de ses dispositions, de sa capacité. Mais c'était une éventualité et non une certitude.

Voilà les résultats d'une école qui est une des plus anciennes, et qui existe depuis six ans.

M. le ministre de l'intérieur m'a accusé l'autre jour d'avoir fait une proposition inconstitutionnelle, en voulant soustraire à l'Etat la nomination du personnel enseignant, Je n'ai pas fait une telle proposition. Mais l'eussé-je fait, où serait l'inconstitutionnalité ? Je ne crois pas que je doive prendre au sérieux un pareil reproche. S'il y a quelque chose d'inconstitutionnel, s'il peut y avoir l'ombre d'inconstitutionnalité, j'adresserai plutôt le reproche à M. le ministre de l'intérieur, au gouvernement, puisque depuis six ans l'enseignement agricole se donne sans loi, puisque la Chambre est simplement appelée à donner des subsides. Mais quant à l'enseignement lui-même, il n'est pas organise. Et aujourd'hui, nous ne nous en apercevons que trop.

Mais faisons aboutir ce discours.

Nous sommes en présence de trois systèmes : le système de la section centrale, le système du gouvernement, et mon amendement, ma proposition à laquelle je ne ferai pas l'honneur, si vous voulez, de donner le nom de système.

Le gouvernement demande l’établissement d'une école supérieure, de deux écoles inférieures et une ou deux écoles d'horticulture, puis de l'école d'apprentissage pour la fabrication des instruments aratoires. Pour l'école supérieure d'agriculture le gouvernement demande : Pour frais approximatifs de premicréiablissement (mobilier) 17,200 fr. ; capital nécessaire à l'établissement d'une exploitation rurale de cent hectares annexée à l'école 34,700 fr. ; capital circulant 25,750 fr. Total 77,950 fr. Enfin les dépenses annuelles s'élèveraient à 60,500 fr.

Mais ce n'est pas tout, outre ces frais il y aura en ce qui concerne l'école supérieure d'agriculture seulement, ceux qui résulteront soit de la location des terres, et de l'appropriation ou de la construction des bâtiments nécessaires à l'école et à la ferme, soit dans le cas où l'on puisse y affecter un domaine de l’Etat, des frais d'appropriation ou de construction des locaux indispensables.

Quant aux deux écoles d'agriculture du degré inférieur, leurs dépenses annuelles s'élèveraient à fr. 28,800, soit 14,400 par école. Mais n'oublions pas qu'il faudrait pour chacune de ces écoles, afin de leur procurer le capital mobilier, le capital circulant, et le mobilier de l'école, une nouvelle somme de 50,300 francs.

Vous voyez que tous ces chiffres réunis constituent une dépense considérable.

Je suis intimement convaincu que si le gouvernement doit organiser une école supérieure et deux écoles inférieures, la dépense se balancera entre 400,000 et 500,000 fr. Car, il est évident que plusieurs de ses évaluations sont fautives et que ses chiffres pour certaines acquisitions, sont insuffisants. Cette preuve ne serait ni longue ni difficile à faire.

Quant à la section centrale, elle demande 15 mille francs par école.

Mais comprend-elle dans ce chiffre les frais d'appropriation, les frais de premier établissement, le chiffre des bourses à donner ? Cela me semble impossible.

Ensuite, il y a là une lacune : on dit au gouvernement de traiter avec les particuliers. Ce n'est pas tout ; il faudrait donner au gouvernement les moyens de traiter. Car il est évident qu'il n'y aura aucun stimulant dans un simple subside de 15,000 fr. accordé à un entrepreneur qui devra approprier des locaux et annexer une exploitation de cent hectares à un pensionnat.

L'entrepreneur se préoccupera beaucoup plus de la ferme, et négligera l'intérêt des élèves.

Vous ne pouvez attacher avec ce faible crédit un nombre suffisant de professeurs à vôtre école. Voulez-vous des professeurs distingués ? Evidemment il leur faudra un traitement élevé, soit de 4,000 à 4,500 fr. S'il y a un directeur et deux professeurs ainsi rétribués, que deviennent les 15,000 francs ? Ils seront absorbés. Vous n'aurez plus rien pour les autres dépenses. Il vous resterait, il est vrai, la ressource des crédits supplémentaires !

Vous le voyez, messieurs, nous nous heurtons, dans le système de la section centrale, dans celui du gouvernement, à de sérieux obstacles.

L'on nous présente des impossibilités ; l'autre vous expose à des dépenses exagérées, à un chiffre qui, à bon droit, effrayerait et ferait reculer la Chambre.

Quant à moi, dans ma proposition, je ne demande qu'un simple subside de 44,400 francs. Le gouvernement donnerait donc un subside fixe et limité.

Et encore, ainsi que j'ai eu l'honneur de le dire, ce chiffre n'est pas absolu. On peut le discuter, l'examiner, on parviendra peut-être à le réduire. L'Elat n'aurait pas à se préoccuper des frais d'installation et d'appropriation des locaux. Il serait affranchi de toute responsabilité onéreuse, et resterait étranger aux complications d'une administration agricole, d'une exploitation rurale.

Il examinerait d'avance et il discuterait les propositions que lui ferait une association ; il s'assurerait que l'emplacement, que la ferme réunit les conditions voulues.

Evidemment, celui qui s'engagera dans une telle entreprise voudra qu'elle prospère et qu'elle se développe. Pensez-vous qu'un entrepreneur ou qu'une association approprierait des bâtiments considérables, et ferait une dépense de 150 à 200 mille francs peut-être, pour s'exposer à voir périr en peu de temps une telle institution ? Mais il est évident qu'il serait le premier à en souffrir, que les plus grands sacrifices pèseraient sur lui.

Le personnel enseignant serait sérieux, serait suffisant, parce qu'il aurait des traitements élevés. Il présenterait, par son nombre, par son choix, et en raison du traitement affecté à chaque professeur, toutes les garanties désirables. Les profits que la société ou l'entrepreneur retirerait du grand nombre des élèves, stimuleraient ses efforts, parce que c'est là qu'il trouverait en partie une grande compensation à ses dépenses. La présence d'hommes instruits, éclairés, expérimentés, ne pourrait que faire prospérer son exploitation agricole. Il y aurait un échange constant de bons services, de services nécessaires.

Les semences, les essais, les races d'animaux dont on soignerait l'élève et la transformation fixeraient l'attention du pays entier et les cultivateurs afflueraient à cette exploitation pour s'y fournir d'instruments aratoires ou de semences dont les résultats seraient connus, pour voir les essais qui y seraient faits ou se procurer de beaux types d'animaux reproducteurs.

J'écarte tout inspecteur. Je me bornerais à un simple conseil de perfectionnement composé d'hommes qui, par leurs lumières, par leur indépendance, par le dévouement qu'ils apporteraient à l'accomplissement de ces fonctions si honorables, serait infiniment supérieur à tout inspecteur gouvernemental, et qui tiendrait à l'honneur de réaliser tous les progrès, d'apporter à l'administration de cette institution une surveillance éclairée et tous les soins possibles.

On me dira peut être : Mais où est votre association ? Messieurs, je répéterai que je ne suis pas un fondé de pouvoir. Mais ce que je puis affirmer, ce qui n'est pas douteux pour moi, ce sur quoi j'ai des assurances positives, c'est que dès le moment où ce principe serait adopté par le gouvernement, dès l'instant où l'on saurait que le gouvernement abonde dans ces vues, que loin de reculer devant l'intervention de l'industrie privée, il veut l'appeler à lui, qu'il y a confiance, qu'il espère pouvoir mettre à profit les bonnes dispositions, les dispositions généreuses des personnes qui s'intéressent à la prospérité, au développement de l'agriculture, on verrait accourir non seulement une personne, non seulement un entrepreneur, non seulement une association, mais plusieurs peut-être.

C'est pourquoi, messieurs, je vous supplie de ne pas repousser sans un mûr examen la proposition que j'ai eu l'honneur de vous faire. Je crois qu'elle offre de grandes chances, de grandes facilités d'exécution. Je crois qu'une pareille institution, organisée sur de telles bases, ayant le stimulant de l'intérêt privé et la haute surveillance, la surveillance morale du gouvernement, peut devenir la source d'un grand bien et exercer une salutaire influence sur les progrès agricoles, si désirables dans l'intérêt de notre pays.

Je crois, messieurs, que l'amendement que j'ai eu l'honneur de déposer et qui, comme on l'a dit, est presque un projet de loi, limite l'intervention du gouvernement dans des bornes raisonnables ; que c'est un premier pas, un pas souhaité par bien du monde dans une voie nouvelle, dont nous pouvons augurer un grand bien. Je crois que mon plan a l'immense avantage d'être économique, de ménager les deniers de l'Etat. Ce n'est pas la dernière ni la plus faible des considérations que j'invoque à son appui.

Il y a quelques jours, à l'occasion d'un projet de loi de 400,000 fr que présentait M. le ministre des finances pour augmenter le salaire des petits employés, il nous annonçait que d'ici à peu de temps il aurait à nous saisir d'un nouveau projet de loi de 1,000,000 fr. nécessité par le prix plus élevé des fourrages et des denrées alimentaires. Il vous prédisait que peut-être plus tard il aurait à vous proposer un projet pour mettre les salaires des employés de l'Etat en rapport avec le prix sans (page 740) cesse croissant des premières nécessités de l'existence. Eh bien, il est aussi de notre devoir, en présence de pareilles éventualités et d'une perspective qui peut se réaliser plutôt que vous ne le croyez, de ménager en toutes choses, d'économiser les deniers de l'Etat.

Il le faut pour les petites dépenses comme pour celles qui ont plus d'importance. Car, croyez-le, messieurs, au-dessus de toutes les choses humaines, il y a une grande loi morale dont on ne peut jamais dévier. Lorsqu'on l'oublie, lorsqu'on la méconnaît, cet oubli provoque bientôt une réaction puissante et irrésistible.

C'est là un spectacle auquel nous assistons depuis 60 ans dans le domaine politique, et soyez persuadés qu'ils ne tarderait pas à se produire également dans le domaine matériel, si l'on persistait à outrance, ce qu'à Dieu ne plaise dans l'abus de la centralisation, dans l'excès des gros budgets, qui tous deux ont pour inévitable et funeste conséquence l'accroissement progressif et indéfini des impôts.

M. Tesch, rapporteur. - Messieurs, le travail de la section centrale et son rapporteur ont été l'objet d'attaques diverses. S'il ne s'agissait que d'exécuter le rapporteur, je pourrais parfaitement y consentir, mais comme il s'agit du travail de la section centrale elle-même, de ses décisions, je crois qu'il est de mon devoir de les défendre.

L'honorable M. de Liedekerke a commencé dernièrement son discours en déplorant la facilité avec laquelle on vote certains subsides dont l'emploi n'est pas suffisamment déterminé, et, a-t-il ajouté, le grand argument du rapporteur c'est que la Chambre, par sa toute-puissance, peut toujours mettre fin aux subsides. Je tiens, messieurs, que l'honorable M. de Liedekerke m'a fait dire une chose que je n'ai pas dite.

Dans aucune partie de mon rapport je ne me suis occupé des votes en vertu desquels l'enseignement agricole a été organisé. Je n'ai pas eu, par conséquent, à discuter les inconvénients que cette manière de procéder pouvait offrir. Je n'ai parlé du contrôle des Chambres sur l'emploi des sommes votées qu'à propos d'une objection faite par un membre de la section centrale et qui consistait à dire que l'exploitation faite par l'Etat serait une chose ruineuse, une espèce d'industrie agricole -factice, offrant plutôt un mauvais exemple qu'un bon enseignement aux cultivateurs. Je me suis borné à répondre que si cet état de choses se présentait, la Chambre, qui a le droit de contrôle, ferait disparaître l'abus. Encore une fois, je ne me suis pas occupé de la question de savoir s'il y avait ou non des inconvénients ou des dangers à voter pour l'enseignement des fonds avant qu'il n'y ait une loi organique qui en règle l'application.

L'honorable M. de Steenhault a déclaré, très humblement, qu'au milieu des contradictions des décisions de la section centrale, il ne saisissait pas la pensée de la section centrale. Messieurs, l'humilité est, à mon avis, de trop, car il n'est pas donné à l'intelligence la plus déliée de comprendre ce qui est inintelligible et contradictoire. La faute n'est donc pas à M. de Steenhault, la faute est au rapporteur, et le rapporteur va tâcher d'expliquer d'une manière plus claire quelle a été cette pensée qui échappe à M. de Steenhault.

L'année dernière, messieurs, lorsque la section centrale a examiné le projet de loi, quelle était la véritable situation de l'enseignement agricole ? Il y avait 8 écoles. Le gouvernement était encore engagé quant à 4. Ces écoles avaient été fondées en 1849. Quels en avaient été les résultats ? Selon les uns, ces résultats étaient satisfaisants ; selon d'autres, ils étaient médiocres ; selon d'autres, ils étaient très mauvais. En général, pour être vrai, on ne les trouvait pas en rapport avec les dépenses. Mais, messieurs, quelle est la cause de ce que ces résultats n'ont pas été meilleurs ? C'est ce que la section centrale a cru devoir rechercher. La cause en est-elle dans dans le personnel enseignant et dans la direction ? En est-elle dans la manière dont les bourses ont été réparties, distribuées ? Ou bien la cause en est-elle dans l'indifférence, dans la répugnance, dans l'antipathie même des populations en ce qui concerne l'enseignement agricole ? Est-ce dans le système ?

Il y a là, messieurs, des causes diverses, je crois qu'elles ont influé toutes sur la marche des écoles.

Ainsi, messieurs, il ne faut pas se le dissimuler, lorsque l'enseignement agricole a été organisé, très peu de personnes s'étaient occupées de cette branche des connaissances humaines au point de vue scientifique, et l'on a dû en quelque sorte former des professeurs en même temps que l'on appelait les élèves.

D'un autre côté, il y a dans le pays certaines répugnances contre l’enseignement agricole. Il y a dans le pays cette idée qu'il suffit de l'observation et de la pratique pour devenir un agriculteur complet. Ces deux faits ont empêché beaucoup de cultivateurs d'envoyer, même moyennant des bourses, leurs enfants aux écoles d'agriculture.

Il en est résulté qu'on n'a pas même eu le choix des boursiers, que bien des élèves sont entrés dans ces écoles moins avec l'intention d'étudier la science agricole que pour acquérir une littérature suffisante pour devenier douanier ou garde forestier.

C'est dans ces conditions que vous avez expérimenté les écoles d'agriculture.

Eh bien, je dis que cette expérience n'est pas suffisante, et la section centrale a été de cet avis. Vous avez bien expérimenté, si vous le voulez, certaines écoles entourées de tous les obstacles qui résultent d'un premier établissement et de la défaveur qui s'attache bien souvent à ce que l'on regarde comme une nouveauté, mais vous n'ayez pas, en réalité, expérimenté l’enseignement agricole lui-même, et aujourd'hui vous ne savez pas encore ce que deviendra l'enseignement agricole en Belgique. Je suis convaincu que si l'on avait suivi un autre système, si l'on avait par exemple commencé par créer un institut supérieur tel que celui que propose l'honorable comte de Liedekerke, ou si l'on avait fondé des écoles régionales, comme il en existe en. France, je suis convaincu que dans les conditions qui existaient en 1849, et qui ont existé en grande partie depuis, l'on n'aurait pas obtenu des résultats meilleurs que ceux que l'on a obtenus.

Il y a donc encore une expérience à continuer. Il faut expérimenter l'enseignement agricole, mais il faut réformer ce qui n'est pas bon et remplir les lacunes. Il faut écarter les causes qui ont pu empêcher l'enseignement agricole de produire les effets qu'on est en droit d'en attendre. C'est là ce que la section centrale a voulu. Elle s'est dit : Trois causes ont pu influer sur le peu de succès des écoles d'agriculture : l'insuffisance du personnel, la répugnance des populations, puis la manière dont les bourses ont été distribuées ; que faut-il faire ?

Le gouvernement est encore lié pour plusieurs années envers quatre établissements. Il est lié pour 8, 9 ou 10 ans. Qu'il supprime dès maintenant les 4 ou 5 écoles qui n'ont pas donné de résultat satisfaisant et vis-à-vis desquelles il n'y a pas d'engagement. Qu'il prenne dans ces écoles les professeurs les plus aptes, les plus capables, et qu'il les emploie, par exemple, à Thourout, à Rollé ou à Ostin, établissements à l'égard desquels il existe encore des engagements. Qu'on apporte dans le choix des boursiers toute l'intelligence et le soin nécessaires.

C'est alors seulement qu'on expérimentera l'enseignement agricole ; et si malgré la bonne composition du personnel enseignant, malgré le choix convenable des boursiers, les résultats ne sont pas satisfaisants, alors que faudra-t-il dire ? Il faudra dire que les populations persistent à ne pas vouloir de l'enseignement agricole, qu'elles restent sourdes à l'appel qui leur est fait ; vous aurez à examiner si vous changerez radicalement de système, si vous établirez un institut supérieur, ou bien, s'il ne vaudrait pas mieux de porter au budget une somme de 30 à 40 mille franc, pour donner 10, 15 ou 20 bourses à des élèves qui iraient faire des études agricoles, soit en France, soit en Allemagne. De cette manière vous n'auriez pas l'intervention du gouvernement dans les écoles, vous auriez moins de dépenses et peut-être des résultats en plus.

On se met parfaitement à l'aise, messieurs, pour attaquer le système de la section centrale. On retranche toujours la moitié de ses propositions. Quand la section centrale dit au gouvernement : Nous vous proposons le statu quo, mais avec le droit de modifier, de changer, de supprimer, de fortifier, avec le droit de faire disparaître quelques écoles ; on lui fait dire qu'elle veut maintenir purement et simplement le statu quo tel qu'il existe. Or, cela n'est entré dans la pensée d'aucun membre de la section centrale.

Il faut faire disparaître les écoles de Chimai, de Tirlemont, de Verviers et autres, qui n'ont donné aucun résultat ; il faut prendre dans ces écoles les éléments qui sont bons et les introduire daus les écoles envers lesquelles il existe des engagements, engagements qu'il serait onéreux de résilier. De cette manière vous expérimenterez véritablement l'enseignement agricole ; voilà quel était le sentiment de la section centrale.

Ce qui prouve, messieurs, qu'aujourd'hui l'expérience n'existe pas encore, c'est qu'il n'est peut-être pas une question sur laquelle la Chambre soit aussi divisée que sur celle-là. Il n'y a probablement pas dix membres qui pensent de la même manière sur ce sujet.

Les uns veulent deux écoles, d'autres ne veulent qu'un institut supérieur, d'autres veulent un institut supérieur et deux écoles secondaires, d'autres ne veulent rien ; les uns veulent un institut sous la direction du gouvernement, d'autres veulent un institut sous la direction d'une association.

Je le répète, il n'y a pas dix membres qui aient la même pensée, et c'est la preuve que l'expérience n'est pas suffisante. Si nous avions une expérience suffisante, à quelque opinion politique que nous appartenions, nous nous rencontrerions sur cette question dans une bien plus grande communauté d'idées ; car il s'agit d'une chose peu politique et éminemment importante pour le pays.

Un autre point sur lequel l'expérience n'est pas faite, c'est la question de savoir s'il faut que l'exploitation agricole annexée aux écoles soit dirigée pour compte d'un particulier, d'une association, ou pour compte de l’Etat. Lorsque en 1846 l'honorable comte de Theux a présenté son projet, il regardait comme indispensable que l'exploitation annexée à l'institut supérieur fût dirigée pour compte de l'Etat.

Lorsque M. le ministre de l'intérieur a convoqué une commission pour élaborer le projet qui nous est soumis, quelle a été l'opinion de cette commission ?

Elle a décidé à l'unanimité qu'il fallait une exploitation agricole pour compte de l'Etat.

Lorsque M. le ministre a présenté son projet, c'est encore pour compte de l'Etat que l'exploitation agricole annexée à l'institut supérieur devait être dirigée.

Aujourd'hui M. le ministre n'est plus de cet avis ; eh bien, il y avait moyen, en prolongeant les expériences, d'être plus fixé sur ce point.

L'exploitation de Rollé existe, elle se fait au compte de l'Etat ; la grande crainte de ceux qui ne veulent pas d'une exploitation pour compte de l'Etat, c'est que cette exploitation ne devienne ruineuse pour (page 741) le pays ; ils disent qu'on fera dans l'établissement pratique de l'agriculture en artiste, que cette fantaisie coûtera beaucoup d'argent et que les élèves que formera l'établissement feront plus de mal que de bien à l'agriculture.

Si l'on avait maintenu le statu quo quant à cette école, vous auriez pu voir dans deux ou trois ans si réellement ces craintes sont fondées, si cette combinaison entraîne à sa suite les grands inconvénients que l'on redoute.

Cette expérience eût été très utile, car on ne peut méconnaître que ,uand l'exploitation annexée à une école se fait pour compte d'un particulier, ce régime présente d'énormes inconvénients ; ce particulier ne se livrera pas à toutes les expériences qui sont nécessaires pour que l'école soit réellement utile sous tous les rapports, il recherchera les résultats et les profits certains.

Messieurs, que s'est-il passé en France ? Dans ce pays, on a commencé à donner des subsides aux écoles d'agriculture en 1830, si je ne me trompe.

Ce système d'encouragement a été suivi jusqu'en 1848 ; après la révolution on proposa une organisation de l'enseignement agricole, à cette époque plusieurs membres ont encore demandé l'ajournement à l'assemblée constituante, parce que la question n'était pas suffisamment instruite ; il est vrai que des membres proposaient cet ajournement ; aussi parce que le projet, conçu sur une trop vaste échelle, affectait gravement les finances de l'Etat, mais un grand nombre de membres, cultivateurs, propriétaires, qui s'étaient beaucoup occupés de la question de l'enseignement agricole, demandaient l'ajournement parce que l'expérience n'était pas suffisante.

200 membres sur 600 se sont prononcés pour l'ajournement ; l'ajournement a donc été rejeté ; la question de l'enseignement agricole a été discutée, et l'on a organisé cet enseignement à trois degrés : l'institut supérieur, les écoles régionales et les fermes modèles. Il devait y avoir une ferme modèle par arrondissement ; puis venaient les écoles régionales en grand nombre et enfin l'institut supérieur de Versailles. Qu'est-il advenu de toute cette organisation ? D'abord, les fermes modètes ont été réduites à 70 ; par le budget de l'exercice suivant, quelques écoles régionales seulement, quatre ou cinq, ont été organisées ; l'institut de Versailles a été fondé ; à l'heure qu'il est, il n'existe plus.

En 1850. combien l'institut de Versailles comptait-il d'élèves ? Quarante-sept seulement. La dépense a été de 280,000 fr. Si je défalque de cette somme 34,000 fr. pour achat de bestiaux, 40,000 fr. pour bâtiments, j'arrive un chiffre.de 200,000 fr. au moins pour l'instruction de 47 élèves.

Si l'institut qu'on propose de créer en Belgique, et auquel, d'après l'honorable M. de Liedekerke, un subside de 44,000 fr. serait accordé sur le trésor public ; si cet institut, dis-je, venait à marcher de la même manière que l'institut de Versailles, et n'avait qu'un nombre proportionnel d'élèves, c'est-à-dire cinq ou six, chacun coûterait annuellement environ 8,000 fr. à l'Etat ; et comme le système d'études comprend 3 années, chaque docteur eu agriculture occasionnerait au trésor public une dépense de 24,000 francs...

- Un membre. - C'est trop.

M. Tesch, rapporteur. - Quand il s'agit d'enseignement, je n'ai pas l'habitude de compter de cette manière ; et si, même au prix de 24,000 francs, l'on pouvait faire d'excellents agriculteurs qui fissent faire de grands pas à cette industrie, je voterais ces fonds ; je croirais cet argent aussi bien employé que celui que nous consacrons à faire des avocats, des médecins et des hommes de lettres, quoique j'aie pour ces professions la plus grande estime ; mais ce que je viens de dire prouve que, dans le système proposé, les élèves pourront coûter à l'Etat autant, si pas plus, que dans le système actuel.

Vous voyez donc, messieurs, que les motifs qui ont déterminé la section centrale à proposer l'ajournement ne sont pas aussi dénués de raison que l'a prétendu l'honorable M. de Steenhault. L'ajournement, a mon avis, eût été une mesure très prudente ; elle ménageait parfaitement les intérêts du trésor public ; on pouvait continuer les engagements qui existaient, fortifier l'enseignement dans les écoles agricoles, et écarter d'elles toutes les causes qui pouvaient avoir amené les résultats peu satisfaisants de quelques-uns de ces établissements ; l'on pouvait, je le répète encore, faire une véritable expérience de l'enseignement agricole.

A entendre l'honorable M. de Steenhault, la section centrale est tombée dans une contradiction, en proposant, d'un côté, le maintien du statu quo, et de l'autre, en laissant l'exécution de la mesure au ministre de l'intérieur qui ne veut que trois écoles. Sans doute, il y aurait contradiction, si la proposition de la section centrale était telle que le dit l'honorable M. de Steenhault. En votant pour le statu quo, la section centrale n'a pas entendu que le gouvernement maintînt toutes les écoles ; si, en continuant l'essai, le ministre de l'intérieur était arrivé à n'avoir plus que deux bonnes écoles, à ne maintenir que l'école de Thourout et un autre des établissements existants, la section centrale n'eût pas vu de grands inconvénients à cette réduction. Et c'était précisément pour laisser le ministre de l'intérieur libre de diminuer le nombre des écoles que la section centrale a fait sa proposition.

L'Etat est lié à l'égard de Thourout, de Rollé, d'Ostin et de la Trapperie ; il y avait là de quoi faire une expérience à peu près complète. Thourout est une école située dans les Flandres, pays en général de petite culture, ou, si l'on veut, de culture moins développée, quant à l'importance des fermes, que dans le Brabant et dans une partie des provinces de Liège, de Namur et de Hainaut. L'école de Thourout pouvait donc parfaitement convenir aux Flandres ; l'école d'Ostin est située dans un pays de grande culture, Ostin pouvait donc être dirigé d'une autre façon que Thourout, et pouvait fournir, pour un pays de grande culture, l'école qui lui convenait.

Il y avait enfin Rollé ou la Trapcrie qui pouvait être principalement organisée en vue de la partie ardennaise des provinces de Liège, de Luxembourg et de Namur. Vous aviez donc là un système complet d'écoles régionales, sans entraîner l'Etat dans des dépenses nouvelles, dans des engagements nouveaux.

Le maintien du statu quo, a-t-on dit, est inconstitutionnel ; l'article 17 de la Constitution est un obstacle à ce que le système actuel soit maintenu même provisoirement.

Messieurs, je ne puis pas donner à l'article 17 de la Constitution le sens étroit, restreint, que lui donne l'honorable M. de Liedekerke.

Dans mon opinion, l'article 17 veut que le gouvernement ne puisse jamais créer des établissements d'instruction sans l'assentiment de la législature ; mais je ne pense pas qu'il faille entendre cet article en ce sens que le gouvernement, d'accord avec la législature, ne puisse pas faire faire certains essais ; je crois que du moment où la législature y donne son assentiment, le gouvernement peut, très régulièrement, sans commettre une institutionnalité, organiser tel ou tel établissement d'instruction à titre d'essai ; je le crois d'autant plus que l'interprétation contraire exposerait la législature à faire des choses peu refléchies, à prendre des mesures sur lesquelles elle ne serait pas suffisamment éclairé, à organiser sans que l'expérience ait encore prononcé.

Jamais du reste on n'a donné une portée aussi restrictive à cette disposition ; nous avons eu à diverses époques des institutions d'enseignement de divers genres qui ont existé assez longtemps avant que la loi soit venue les sanctionner définitivement.

Ainsi, je pense que l'école vétérinaire a fonctionné longtemps avant que la loi ait donné l'organisation actuelle. Il en a été de même de l'école militaire et des écoles industrielles. Vous voyez que les ministres qui se sont succédé n'ont pas cru se mettre en opposition avec la Constitution en instituant une école, avec l'assentiment de la législature, mais sans loi organique.

La section centrale s'est appuyée de l'avis de la commission qui a élaboré le projet de loi, pour proposer l'ajournement.

L'honorable M. de Steenhault nous a dit que la section centrale n'avait pas compris la résolution de la commission. Si nous n'avons pas compris la décision de la commission, la faute en est aux procès-verbaux de cette commission elle-même.

Il nous a parlé aussi de l'unanimité qui avait régné dans cette commission. Voici ce que constatent les procès-verbaux :

L'on a mis aux voix la question de savoir s'il fallait un institut agricole supérieure. Dix membres étaient présents, cinq se sont prononcés pour l'affirmative, trois pour la négative et deux se sont abstenus.

Voilà quel a été le vote sur l'existence de l'institut supérieur.

Quant aux écoles actuellement existantes, qu'a résolu la commission ? Elle a décidé que dans le cas où le gouvernement rencontrerait des difficultés à l'établissement d'une école centrale répondant aux besoins du pays, il pourrait utiliser les écoles actuellement existantes, qui ont donné de bons résultats, sauf à y introduire les modifications qu'il serait utile d’y introduire. Et la section centrale, après avoir rejeté l'institut supérieur, a proposé précisément la même chose.

Aujourd'hui, messieurs, la proposition de la section centrale ne peut plus être soutenue par elle. La seclion centrale, voyant son système repoussé par M. le ministre de l'intérieur, ne peut pas y persister ; elle ne peut pas imposer au ministre l'obligation de continuer des essais, des expériences ; ses conclusions principales viennent donc à tomber.

Et je dois dire quelques mots de ses conclusions subsidiaires. Elle conclut subsidiairement à l'établissement de deux écoles ; en cela elle est conséquente avec le principe de prudence qu'elle posait quand elle demandait l'ajournement, elle craint de nouveaux engagements tant que l'expérience n'est pas complète, et elle croit que deux écoles bien organisées peuvent suffire aux besoins du pays.

Après ce qu'ont dit M. de Liedekerke et M. le ministre de l'intérieur, je ne crois pas avoir besoin de défendre l'enseignement agricole en lui-même ; je crois, du reste, qu'il trouvera peu d'adversaires ici.

Mais ou l'a combattu parce que la création d'écoles constituerait une nouvelle intervention du gouvernement qui, dit-on, ne s'occupe que de trop de choses.

Quant à moi, sauf les questions de moralité, d'honorabilité, je ne pense pas que dans un gouvernement il y ait beaucoup de principes absolus, et la question de l'intervention du gouvernement est une de celles où l’on ne doit pas, où l'on ne peut pas avoir d'opinion absolue. Je crois que quand une chose se fait par les particuliers, le gouvernement fait bien de ne pas s'en occuper.

Mais quand une chose est d'utilité générale et que les particuliers ou une association ne s'en occupent pas, il est du devoir du gouvernement d'intervenir et de développer par son concours ce qui est réellement utile au pays.

M. Julliot disait hier qu'il n'y avait pas plus de raison pour le gouvernement de s'occuper de la question de l’enseignement agricole que de celle de la confection des vêtements. Quand la richesse du pays (page 742) et l'alimentation des populations dépendront de la coupe d'un habit, de la taille d'un gilet ou de l'élégance de la forme d'un pantalon, j'accepterai la comparaison.

Mais tant que les questions de mode seront indifférentes à la richesse nationale et au bien-être des populations, tant que l'industrie agricole restera la reine des industries, je repousserai cette comparaison. (Interruption.)

La nécessité de l'enseignement agricole est reconnue ; depuis longtemps la nécessité de faire faire des progrès à l'agriculture a été sentie dans les autres pays, pourquoi ne se ferait-elle pas sentir chez nous ? Depuis dix ans, ne parle-t-on pas constamment de la routine de l'agriculture ?

L'extrait du discours de M. de Naeyer que vous a cité M. le ministre de l'intérieur le prouve à l'évidence.

Vous n'avez pas vu les associations venir combler le vide dont on se plaignait à cet égard. Vous voyez donc qu'il y avait nécessité pour l'Etat d'intervenir à défaut de l'industrie privée. En Angleterre, l'industrie privée suffit presque à tout ; mais c'est là une question de mœurs et d initiative de fortune ; jamais en Belgique, au moins dans mon opinion, l'association ne suffira pour répandre l'enseignement agricole. L'esprit d'association est développé chez nous, mais pour faire des affaires qui rapportent des intérêts, qui donnent des bénéfices ; mais pour des affaires plutôt d'intérêt public que privé, pour des affaires qui ne rapportent rien ou peu de chose, qui exposent à des dépenses, l'esprit d'association n'est pas développé du tout ; dès qu'on en entend parler, on prend sa bourse et on en lie très solidement les cordons.

Quant à ce qu'a dit l'honorable M. de Naeyer de la note un peu longue qui se trouve dans le rapport pour indiquer les différents établissements qui existent à l'étranger, je lui demande bien pardon de l'avoir exposé à lire un travail si peu de son goût. Si j'avais pu croire que cela lui déplût, j'en aurais, avec beaucoup de plaisir, diminué l'étendue.

Mais l'honorable membre se trompe s'il croit que j'ai inséré cette note dans le rapport exclusivement pour prouver qu'il fallait, dans l'organisation de l'enseignement agricole, imiter ce qui se fait à l'étranger. Telle n'a pas été ma pensée. Je crois que le devoir du rapporteur est de réunir, de collectionner les documents qui peuvent éclairer la Chambre.

C'est à ce titre que je l'ai fait ; car si j'avais voulu imiter ce qui se fait à l'étranger, si ma pensée avait été que ce qui se pratique à l'étranger est un motif suffisant pour faire la même chose, je n'aurais pas voté l'ajournement, car en Allemagne il y a beaucoup d'écoles d'agriculture, et je dois croire qu'elles ont parfaitement réussis. La Prusse en a créé en 1806 ; elle a continué à en organiser en 1827, en 1830, en 1832, en 1847 ; et en 1848 elle était en voie de fonder encore trois nouveaux instituts, afin d'en avoir un par province.

Mais je ne crois pas qu'il suffise d'aller chercher des exemples à l'étranger. La raison en est très simple : c'est que l'organisation de la propriété, indépendamment des idées, des mœurs des populations, a sur ces questions une grande influence.

Dans les pays de grande propriété l'enseignement agricole réussira mieux que dans ceux où la propriété est très morcelée, parce que, dans les premiers, il faut nécessairement des régisseurs, qui sont presque impossibles dans les pays où le territoire est très divisé. C'est donc notre pays qu'il faut étudier avant tout, et si j'avais des exemples à chercher en cette matière, ce serait en France que j'irais les chercher, parce que la constitution de la propriété y est à peu près la même que chez nous.

Malheureusement, depuis 1851, l'on n'a pas publié en France le compte rendu de l'enseignement agricole, et j'ignore où en sont les divers établissements où se donne cette instruction.

Ce serait un renseignement très intéressant à posséder. Car si, en France, l'enseignement agricole ne parvenait pas à devenir sympathique, si je puis dire ainsi, aux populations rurales, je craindrais beaucoup qu'il n'en advînt de même en Belgique.

Quant à l'institution dont a parlé l'honorable M. de Liedekerke, je m'abstiendrai de m'en occuper en ce moment. L'honorable membre nous a dit qu'il n'avait pas mandat de traiter. Mais pour s'occuper d'une proposition semblable, il faudrait la connaître dans tous ses détails, savoir toutes les conditions auxquelles une association consentirait à traiter.

Je conçois une société qui prenne 44,000 fr. Mais quelle sera l'action du gouvernement sur cette institution ? Quelles seront les conditions qui lui seront faites ? Pour quel temps s'engagera-t-il ? Je crois avoir entendu qu'on ne voulait pas même d'inspection. On ne veut qu'un conseil supérieur. Quelle sera son action ? Voilà toutes choses qu'il faut connaître pour se prononcer.

Si j'admettais l'institution proposée par l'honorable M. de Liedekerke, ce serait en quelque sorte à titre de transaction, car si l'on ne transige pas, nous n'aboutirons probablement à rien.

Chacun de nous se place à un point de vue personnel, se préoccupe des circonstances qui l'entourent.

Ainsi, les députés des provinces où existe la grande propriété ne veulent qu'un seul institut. Ceux des provinces au contraire où la propriété est très morcelée ne comprennent pas l'utilité de ce grand établissement.

Si l'on ne se met pas d'accord, on arrivera à tout supprimer, et je crois que ce serait un mal.

J'attendrai, pour me prononcer sur la proposition de M. de Liedekerke, que le débat m'ait fourni de plus amples renseignements.

- La discussion est continuée à demain.

La séance est levée à 4 heures 3/4.