Séance du 7 février 1855
(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1854-1855)
(Présidence de M. Delfosse.)
(page 671) M. Dumon procède à l'appel nominal à 3 heures.
M. Maertens donne lecture du procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est approuvée.
M. Dumon présente l'analyse des pétitions adressées à la Chambre.
« Les sieurs Vanden Haute et Peeters, président et secrétaire de la chambre de rhétorique dite de Gilde, établie à Anvers, demandent que l'enseignement agricole, dans les contrées flamandes, soit donné en flamand. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi sur l'enseignement agricole.
« Le sieur Michel présente des observations sur le mode de répartition dn crédit extraordinaire de 400,000 francs. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Devos réclame l'intervention de la Chambre pour que le gouvernement accorde au bureau de bienfaisance de Wervicq, l'autorisation d'accepter le legs qui a été fait à cet établissement par la dame Carpentier. »
- Même renvoi.
« Le sieur Van Slagmolen, garde champêtre de la commune de Steynockerzeel, demande une gratification. »
- Même renvoi.
« Par trois pétitions, des fermiers, cultivateurs et marchands de bestiaux à Dudzeele, Bixschole, Pollinchove, Boesinghe, Langemarck, Zuydschote, Renynghe et Noordschote demandent que les artistes vétérinaires non diplômés soient admis à continuer l'exercice de leurs fonctions. »
- Même renvoi.
« Par trois pétitions, les conseils communaux d'Oombergen, Leeuwergem et Velsique prient la Chambre d'accorder aux sieurs Moucheron et Delaveleye la concession d'un chemin de fer de St-Ghislain à Gand. »
- Même renvoi.
M. de Portemont. - Les membres de l'administration communale, les négociants et d'autres habitants de la ville d'Enghien prient la Chambre d'accorder à la compagnie Houdin-Lambert la concession d'un chemin de fer destiné à relier la ville de Gand à celle de Charleroi par Sottegem, Grammont, Enghien, Soignies, Roeulx, La Louvière, Carrières, Morlanwclz, Fontaine-l'Evêque et Marchienncs avec embranchement sur Lobbes.
Même demande de la part d'un grand nombre d'habitants du Rœulx.
Même demande de la part de plusieurs habitants de Horrues.
Les pétitionnaires exposent que le commerce et l'industrie de leurs localités respectives languissent à défaut de moyens de communication. Ils font ressortir les avantages que le chemin de fer, dont la concession est demandée par les sieurs Houdin-Lambert et comp., procurerait aux Flandres et au Hainaut, et ils nourrissent l'espoir que l'enquête ouverte par M. le ministre des travaux publics démontrera à l'évidence l'utilité de cette voie ferrée.
Votre commission, messieurs, en présence de l'enquête ouverte et de l'opposition faite au projet en question par les concessionnaires du chemin de fer d'Erquclinnes à Managc, a l'honneur de vous proposer le renvoi de ces requêtes à M. le ministre des travaux publics.
- Ces conclusions sont adoptées.
M. Thienpont, rapporteur. - « Par pétition datée de Bruxelles le 11 février 1834, le sieur Bucquoy, ex-sous-officier, décoré de la croix de Fer, prie la Chambre de lui faire obtenir une place, et par une pétition nouvelle datée du 21 mars 1834, le pétitionnaire prie la Chambre de statuer sur sa demande ».
La triste position dans laquelle se trouve sa femme, malade depuis 22 ans et l'état de misère profonde où il est réduit, sont les considérations que le pétitionnaire fait valoir à l'appui de sa demande.
Votre commission, messieurs, malgré le vif intérêt qu'elle porte aux fondateurs de notre nationalité, pense que la Chambre ne peut pas intervenir pour faire obtenir un emploi à ce malheureux. C'est pourquoi, messieurs, elle est dans la nécessité de vous proposer l'ordre du jour. D'ailleurs votre commission a l'honneur de vous faire remarquer que, comme blessé de septembre et décoré de la croix de Fer, le pétitionnaire jouit d'une pension de 250 fr.
- Ces conclusions sont adoptées.
M. Thienpont, rapporteur. - « Par pétition datée de Liège le 14 mars 1854, le sieur Grégoire, blessé de septembre, demande une augmentation de secours qui lui est annuellement accordé. Ce secours, messieurs, s'élève à la somme de 40 francs. »
Le pétitionnaire nous apprend que, pendant les mémorables journées de septembre, il a reçu sept blessures, et qu'en 1832, servant comme garde civique dans le premier ban mobilisé, il reçut une nouvelle blessure qui a nécessité l'amputation de l'index de la main droite. Cette mutilation lui rend d'autant plus difficile le moyen de pourvoir à ses besoins et à ceux de sa famille. Un certificat délivré par son ancien capitaine, M. l'avocat Lamaye, de Liège, constate ces derniers faits.
Votre commission, messieurs, vous propose l'envoi de cette pétition à M. le miuistre de l'intérieur.
- Ces conclusions sont adoptées.
M. Thienpont, rapporteur. - « Par pétition datée de Gand, le 24 mars 1854, le sieur Vandercruyssen réclame l'intervention de la Chambre pour obtenir un secours et un emploi à l'administration du chemin de fer de l'Etat. »
Votre commission, messieurs, vous propose l'ordre du jour.
- Ces conclusions sont adoptées.
M. Thienpont, rapporteur. - « Par pétition datée de Molenbeek-Saint-Jean, le 9 avril 1854, le sieur Lhanson, mécanicien à Molenbeek-Saint-Jean, demande une indemnité pour exploiter le brevet d'invention qu'il a obtenu en 1852. »
Cette demande n'ayant aucun fondement, votre commission vous propose l'ordre du jour.
- Ces conclusions sont adoptées.
M. Thienpont, rapporteur. - « Par pétition datée de Louvain, le 23 avril 1854, le sieur Beekers, ancien commissionnaire juré du mont-de-piété de Louvain, demande un subside ou un emploi. »
Un certificat joint à la requête et délivré par le sieur Bovie, directeur du mont-de-piété de Louvain, constate la probité, le zèle et l'exactitude du pétitionnaire ; mais votre commission, messieurs, a trouvé la demande non fondée ; en conséquence elle vous propose l'ordre du jour.
- Ces conclusions sont adoptées.
M. Thienpont, rapporteur. - « Par pétition datée de Romerée, le 13 avril 1854, le sieur Hospel, milicien de la classe de 1849, appartenant à la réserve, demande l'autorisation de solliciter un emploi. »
Le sieur Auguste-Joseph Hospel nous apprend d'abord que, quant à sa position sociale actuelle, il vit en congé illimité dans la commune de Romerée, arrondissement de Philippeville, province de Namur. Il dit qu'un arrêté tout récent le faisant passer dans la réserve avec autorisation de se marier, il a l'honneur de venir vous supplier très respectueusement de vouloir bien aussi l'autoriser à solliciter un emploi civil. Le sieur Rospel ajoute qu'il est tout disposé à y coopérer.
Cette autorisation étant inutile au pétitionnaire qui a le droit incontestable de solliciter un emploi quelconque, votre commission, messieurs, a l'honneur de vous proposer l'ordre du jour.
- Ces conclusions sont adoptées.
M. Thienpont, rapporteur. - « Par pétition datée de Bruxelles, le 25 avril 1854, le sieur Lehn, aucien commis des douanes, demande une augmentation de pension. »
Le pétitionnaire, jouit maintenant d'une pension de fr. 170 et avant son admission comme douanier, il jouissait déjà d'une pension de fr. 100 pour ses campagnes sous le régime français.
Il prétend, sans justifier son assertion, que cette pension a toujours été retenue de son traitement.
Votre commission, messieurs, n'a pu admettre ce motif et elle vous propose l'ordre du jour.
- Ces conclusions sont adoptées.
M. Thienpont, rapporteur. - « Par pétition datée de Mons, le 1er mai 1854, le sieur Restiaux, caporal réformé du 3ème régiment de ligne, réclame l'intervention de la Chambre pour obtenir la continuation de la pension provisoire qui lui a été accordée à raison de l'ophthalmie dont il est affligé. »
Une première pétition adressée à la Chambre le 22 janvier dernier, fut envoyée à l'examen de M. le ministre de la guerre, qui fit connaître au pétitionnaire que les médecins militaires, qui l'avaient visité en dernier lieu ne l'ayant pas trouvé hors d'état de pourvoir à sa subsistance, il n'y avait pas lieu de prendre sa demande en considération. Le pétitionnaire, tout en respectant cette décision, croit pouvoir vous faire observer que la commission médicale a pu se tromper dans l'appréciation de l'infirmité dont il est atteint et ne pas apporter dans cet examen la rigoureuse attention qu'il exigeait. Cette allégation, messieurs, est difficile à admettre. Toutefois, le pétitionnaire ne demandant qu'à subir une nouvelle visite de la part des médecins militaires, votre commission croit devoir vous proposer l'envoi de cette pétition à M. le ministre de la guerre.
- Ces conclusions sont adoptées.
M. Thienpont, rapporteur. - « Par pétition datée de Bruxelles, la dame Dierikx, veuve du sieur Debez, blessé de septembre, demande une pension. »
C'est par erreur, messieurs, que le feuilleton des pétitions porte l'ordre du jour.
La pétitionnaire se dit dans le plus impérieux besoin. Elle est veuve d'un décoré de la croix de Fer et, à ce titre, M.l e ministre de l'intérieur pourra peut-être lui accorder un secours. C'est pourquoi, messieurs, votre commission vous propose l'envoi de cette pétition à ce haut fonctionnaire.
- Ces conclusions sont adoptées.
M. Thienpont, rapporteur. - « Par pétition datée de Bruxelles, le 1er mai 1854, le sieur Buysers, ancien douanier, demande une augmentation de pension. »
(page 672) Aucune considération ne venant à l'appui de cette demande, votre commission vous propose l'ordre du jour.
- Ces conclusions sont adoptées.
M. Thienpont, rapporteur. - « Par pétition datée d'Ixelles, le 12 mai 1854, le sieur Fleisner, maréchal des logis honoraire de la gendarmerie, demande une augmentation de pension. »
Le pétitionnaire fait valoir, à l'appui de sa demande, sa longue carrière militaire, ses nombreuses campagnes, ses infirmités et son âge avancé.
Malgré ces titres nombreux et puissants, votre commission, considérant que le pétitionnaire jouit d'une pension de 482 francs, a l'honneur de vous proposer l'ordre du jour.
- Ces conclusions sont adoptées.
« Par pétition datée de Paliseul, le 11 mai 1854, le sieur Kuhn, ancien brigadier du régiment des cuirassiers, réclame l'intervention de la Chambre pour obtenir une pension. »
Le pétitionnaire, messieurs, prétend avoir contracté au service militaire des infirmités qui ne lui permettent pas de travailler. A ce titre, il demande une pension, ou tout au moins, dans le cas où le gouvernement le reconnaîtrait capable de pourvoir à sa subsistance, une place qui le mette à l'abri de la misère, place qu'il laisse au choix du gouvernement, soit dans l'administration du chemin de fer soit dans toute autre administration.
La commission médicale n'ayant pas reconnu le pétitionnaire hors d'état de pourvoir à sa subsistance, votre commission, messieurs, ne peut que vous proposer l'ordre du jour.
M. Jacques. - Je pense que la commission ne s'est pas trompée lorsquelle a déclaré que le pétitionnaire n'avait pas droit à une pension. Notre loi sur les pensions militaires est faite de telle sorte que ceux qui n'ont pas le grade d'officier, lors même qu'ils doivent quitter le service par suite d'infirmités n'obtiennent pas de pension, s'il n'est pas reconnu avant qu'ils aient quitté le corps, que ces infirmités les mettent hors d'état de travailler.
Le pétitionnaire, le sieur Kuhn, ancien volontaire, qui a servi treize ans et qui lorsqu'il a quitté le service, pour cause d'infirmité, était brigadier au régiment de cuirassiers, n'a pas été reconnu, lorsqu'il a quitté son corps, incapable de gagner sa vie par le travail. Il n'avait donc aucun droit à la pension. Mais il me semble que lorsqu'un sous-officier est arrivé, après treize ans de service, à contracter des infirmités qui le mettent hors d'état de servir, il a droit sinon à une pension, au moins à un secours ; et comme il y a au budget de la guerre un crédit pour secours à ceux qui n'ont pas droit à la pension, je demande que la Chambre veuille bien renvoyer la pétition à M. le ministre de la guerre.
M. Thienpont, rapporteur. - Messieurs, je regrette d'être en désaccord d'opinion avec l'honorable M. Jacques.
Les pétitions envoyées à la Chambre sont toutes examinées avec beaucoup de soin et, pour mon compte, je ne puis eu admettre l'envoi à un ministre quelconque que pour autant qu'il y ait de bonnes raisons, des motifs vrais, réels, qui rendent cet envoi utile.
Ici, messieurs, de quoi s’agit-il ? d'un ancien militaire ayant treize années de service et qui a fait auprès du gouvernement de vains efforts pour obtenir une pension.
Le gouvernement se basant sur l'examen et le rapport de la commission médicale, qui prétend que le pétitionnaire n'est pas hors d'état de pourvoir à sa subsistance, a dû prendre et maintenir une décision qui n'est pas favorable au pétitionnaire.
En votant la motion de l'honorable M. Jacques, nous allons provoquer de la part de M. le ministre de la guerre un nouvel examen qui aboutira nécessairement à un nouveau refus, toujours basé sur l'examen de la commission médicale, qui, comme le dit lui-même le pétitionnaire, n'a pas reconnu qu'il était hors d'état de pourvoir à sa subsistance.
Il est vrai que deux médecins de Marche ont délivré un certificat constatant que le pétitionnaire est atteint d'emphysème pulmonaire.
Ces certificats peuvent avoir une certaine valeur que je suis loin de vouloir amoindrir ; mais les décisions de la commission médicale ont bien aussi la leur, personne ne le contestera.
Eh bien, messieurs, dans ces conditions, je dis que la commission des pétitions ne pouvait vous proposer autre chose que l'ordre du jour, et je maintiens ces conclusions, en vous priant, messieurs, de vouloir les ratifier.
M. Jacques. - Je crois que dans la situation où se présente cette affaire, on ne peut pas admettre l'ordre du jour. Toujours est-il que les certificats qui sont joints à la demande du pétitionnaire constatent que celui-ci est dans l'impossibilité absolue de pouvoir se procurer par le travail des moyens d'existence. A la vérité, cette position n'a pas été reconnue lorsqu'il a quitté le régiment et dès lors, il n'avait pas droit à une pension ; mais je crois qu'il a droit à un secours et c'est dans ce sens que je demande le renvoi à M. le ministre de la guerre.
M. îe ministre aura connaissance par les Annales parlementaires des motifs pour lesquels je demande le renvoi de la pétition à son département. Il pourra examiner la requête à ce point de vue, et non comme demande de pension.
M. le ministre des affaires étrangères (M. H. de Brouckere). - Dans les termes qui viennent d'être posés par l'honorable M. Jacques, je ne vois aucun inconvénient au simple renvoi. Mais il est bien entendu que ce renvoi ne préjuge rien non seulement sur la question de pension, mais même sur la question de secours.
- L'ordre du jour proposé par la commission est mis aux voix et prononcé.
M. Vander Donckt (pour une motion d’ordre). - Messieurs, avant d'aborder le feuilleton des pétitions, qu'il me soit permis de rappeler à l'honorable ministre de la justice l'interpellation que j'ai eu l'honneur de lui faire, à propos du discours du Trône sur les réformes à apporter à la loi sur les dépôts de mendicité et au sujet desquelles le discours du Trône dit : « On s'en occupe sans relâche » ; aujourd'hui je suis chargé de présenter à la Chambre les rapports sur une nombreuse série de pétitions classées par groupes de 20 et 40 à la fois, émanées non pas des Flandres seulement, mais de différentes localités des provinces les plus importantes du royaume, du Hainaut, du Brabant et de la province de Liège, et notamment de l'arrondissement de Verviers.
J'ose espérer que l'honorable ministre voudra bien nous donner les explications si vivement attendues non pas par moi personnellement, mais par les nombreuses localités d'où les pétitions sont émanées.
M. le ministre de la justice (M. Faider). - Messieurs, l'interpellation que vient de renouveler l'honorable M. Vander Donckt, m'a déjà été adressée dans la session dernière. J'ai répondu à cette époque que je ne croyais pas pouvoir soumettre, dans les circonstances qui se présentaient alors, un projet de loi de réforme sur les dépôts de mendicité, dans le sens qui avait été formulé par la commission spéciale que le Roi avait instituée. Je me fondais sur la situation du trésor à cette époque, pour dire que le moment n'était pas opportun de faire discuter un système qui tendait à grever d'une manière considérable le trésor public. Cette position est exactement la même aujourd'hui, c'est-à dire que, d'après les indications que vous a fournies dans la séance d'avant hier mon honorable ami, M. le ministre des finances, vous pouvez être convaincus que nous ne pouvons pas engager l'Etat dans des dépenses considérables et dont les résultats seraient incertains dans tous les cas.
Nous avons fait un sacrifice considérable en déclarant libres à l'entrée toutes les denrées alimentaires ; nous avons à ajouter au budget des sommes pour l'alimentation de l'armée et pour celles des détenus ; nous avons ensuite, ainsi que vous le savez, contracté l'obligation de distribuer une somme considérable pour les petits employés et de vous proposer ultérieurement des augmentations définitives de traitements. Voilà ce qui est urgent dans la circonstance.
Maintenant, des communes se trouvent obérées ; elles ont des dettes vis-à-vis des dépôts de mendicité et elles ne peuvent pas les payer ou les payent lentement et péniblement. Est-ce une raison pour se lancer dans une réforme qui peut avoir les conséquences que j'indique ? Je ne le crois pas. L'honorable M. Vander Donckt me paraît se montrer extrêmement sévère envers le gouvernement, en attribuant à l'incurie du gouvernement, la situation où se trouvent les communes obérées par les circonstances où elles se sont trouvées depuis plusieurs années.
En effet, pendant la discussion du budget de l'intérieur, à propos des chemins vicinaux, l'honorable M. Vander Donckt s'est exprimé de la manière suivante :
« Il est vrai qu'en section centrale quelques honorables membres ont combattu cette augmentation, sous prétexte que les communes étaient obérées ; cette observation ne s'applique pas à toutes les communes, toutes ne se trouvent pas dans ce triste état obéré. Il est vrai, et je suis le premier à le reconnaître, qu'un grand nombre de communes des Flandres se trouvent obérées, mais à qui la faute ? En grande partie, à l'incurie du gouvernement ; c'est le retard apporté par le gouvernement à nous proposer la réforme de la loi sur les dépôts de mendicité, loi qui grève tous les ans d'une manière extraordinaire les budgets des communes. »
C'est à cette interpellation que j'ai l'honneur de répondre ; mais je n'accepte pas du tout les commentaires qu'y a ajoutés l'honorable M. Vander Donckt. Il me paraît qu'il n'y a pas d'incurie de la part du gouvernement, lorsqu'il vous dit les raisons pour lesquelles il ne vous présente pas tel ou tel projet de loi ; ces raisons ont été approuvées par la Chambre l'année dernière, puisqu'on n'a pas insisté sur la présentalion du projet.
Je crois que les mêmes circonstances existant à un degré plus prononcé encore cette année, la même raison sera accueillie par la même Chambre.
Je veux bien admettre qu'il y a un certain nombre de communes obérées qui ont été affectées par le paupérisme qui a régné d'une manière plus intense depuis plusieurs années ; mais cette situation s'est améliorée dans ses termes généraux.
Il y a quelques jours, l'honorable M. Vander Donckt reconnaissait que les mesures qui out été prises pour tirer les Flandres de la détresse où elles se trouvaient, avaient eu de bons résultats.
Par conséquent la situation actuelle ne peut pas nécessiter la présentation immédiate du projet de loi en question qui a pour objet de reporter sur le trésor public une bonne partie des charges qui pèsent sur les communes. Il s'agit d'étendre le système des écoles de réforme, (page 673) telles que celles qui existent à Ruysselede et à Beernhem, mais vous savez qu'il y a un article de la loi du 3 avril 1848 relatif aux dépôts de mendicité qui alloue au gouvernement 600,000 fr. pour acheter les bâtiments et les terrains nécessaires à l'établissement de ces écoles.
Voilà une somme considérable qui a été utilement, employée. Je ne dis pas que, dans un avenir prochain, des sommes plus fortes ne puissent être employées avec utilité dans le but indiqué.
Aujourd'hui, je répète avec une entière conviction qu'il faut se trouver dans des circonstances normales et commodes, permettez-moi l'expression, pour arriver à la réforme d'une loi récente qu'il ne faut réformer qu'à bon escient, avec la certitude de ne pas se jeter dans des embarras plus grands que ceux dont on se plaint,
M. Rodenbach. - Les modifications que nos communes des Flandres demandent qu'on apporte à la loi sur les dépôts de mendicité n'ont pas pour objet d'augmenter les dépenses à la charge de l'Etat, comme vient de le dire M. le ministre.
Ce qu'on voudrait, c'est que les mendiants et les vagabonds ne fussent pas admis aussi facilement dans les dépôts de mendicité ; c'est la facilité avec laquelle se font les admissions de mendiants et l'excessive cherté du prix d'entretien des détenus dans les dépôts qui font que les communes s'endettent d'année en année.
Cette administration coûte beaucoup trop cher. Quand les pauvres sont entretenus dans leur propre commune, la dépense est infiniment moindre ; il suffit de 16, 20, 25, 30 centimes an plus par jour, tandis qu'on paye le double dans les dépôts de mendicité. De plus, jamais les communes ne voient les comptes du produit du travail des détenus dont on leur réclame les frais d'entretien.
Je sais que la question est difficile, grave, mais je le répète, on ne demande pas une augmentation de dépenses pour l'Etat, mais une amélioration dans les mesures d'exécution ; parce que déjà on a introduit quelques améliorations, ce n'est pas une raison pour craindre d'en introduire de nouvelles.
M. le ministre vient de parler du système des colonies agricoles, appliqué aux jeunes délinquants. Ce système pourrait très utilement être appliqué aux vagabonds d'un âge mûr ; on pourrait, ce me semble, trouver un moyen d'entretenir les mendiants et les vagabonds de façon à ne pas grever les communes comme on le fait aujourd'hui. Il en est dont les dettes s'élèvent à 5 et 6 mille francs et s'augmente d'année en année. Les dépôts ont besoin d'une modification.
L'honorable M. de Meulenaere a cité 8 ou 10 articles qui pourront être modifiés. Il ne faut pas bouleverser la loi, elle peut être utilement améliorée.
J'attire donc l'attention de M. le ministre sur ce point. Il ne s'agit nullement d'entraîner le gouvernement dans des dépenses considérables.,
M. Vander Donckt, rapporteur. - Sur la présentation d'un très grand nombre de pétitions demandant les réformes à apporter à la loi des dépôts de mendicité, le gouvernement a été si bien convaincu qu'il y avait quelque chose à faire, qu'il a institué une commission pour arriver à la réforme de cette loi. Cette commission a longuement avisé aux réformes utiles et salutaires qu'il y aurait lieu d'apporter à la loi. Elle a terminé son travail ; et jusqu'ici rien ne nous a été communiqué de ce chef.
Ce que nous désirons, ce que désirent toutes les communes demanderesses, c'est de connaître au moins le résultat du travail de la commission.
Messieurs, l'honorable ministre de la justice, en me répondant, semble ne faire attention qu'aux communes des Flandres qui réclameraient, mais cinq autres des plus importantes provinces du pays demandent la réforme de cette loi ; ce ne sont pas seulement les deux Flandres qui réclament, c'est une grande partie de la province de Hainaut, de la province de Brabant, de la province de Liège. De toutes ces localités il nous est arrivé des pétitions nombreuses demandant avec instance la révision de la loi sur les dépôts de mendicité.
L'honorable ministre nous dit qu'il recule devant la dépense. Mais ce que nous demandons, ce n'est pas une aggravation de dépenses pour le trésor public, c'est la réforme des dispositions qui aggravent la situation des finances des petites communes. Comme l'honorable M. Rodenbach vous l’a déjà parfaitement fait observer, ce qu'on désire, c'est que l'on donne aux communes et aux bureaux de bienfaisance une action plus directe sur leurs pauvres, pour que les pauvres récalcitrants ne puissent plus se rendre, malgré les administrations communales et les bureaux de bienfaisance, aux dépôts de mendicité, où ils sont reçus avec une facilité très blâmable.
C'est à ce sujet que nous demandons, avec beaucoup d'insistance, la réforme de la loi sur les dépôts de mendicité. Il faut que les pauvres ne puissent plus se jouer des bureaux de bienfaisance et des autorités constituées, en se portant en masse sur les dépôts de mendicité, et n'aggravent ainsi, la situation financière des communes contre le gré des administrateurs, et cela dans une proportion telle que cette situation n'est plus tenable.
L'honorable ministre a dit que j'avais sévèrement qualifié la conduite du cabinet en disant qu'il y avait incurie de sa part. Mais, messieurs, pourquoi, après les plus vives instances pendant plusieurs années consécutives, qui lui ont été faites, pourquoi le gouvernement ne nous donne-t-il pas au moins quelque satisfaction ? Pourquoi n'obvie-t-il pas aux inconvénients qu'on lui signale et ne propose-t-il pas des réformes qui ne doivent pas lui coûter un denier, qui ne doivent imposer aucune charge au trésor ; mais qui accorderaient au moins aux communes une action plus grande sur les pauvres qu'ils ont à administrer. Car aujourd'hui il est impossible aux bureaux de bienfaisance de faire la répartition du peu de ressources qui leur restent, sans qu'incontinent les plus récalcitrants ne se soustrayent aux ordres de la commune, aux ordres du bureau de bienfaisance, pour se diriger directement sur le dépôt de mendicité.
C'est sur ces abus, sur ces abus très graves, auxquels il est urgent de remédier, que nous avons l'honneur d'appeler l'attention du gouvernement. Si le trésor ne peut faire de nouveaux sacrifices, au moins il est possible et il est très facile au gouvernement de corriger les dispositions vicieuses de la loi actuelle, et de pourvoir aux abus qui sont constamment signalés par les pétitionnaires au sujet des relations entre les administrations communales et les pauvres.
M. Visart. - J'ai eu l'honneur de faire partie de la commission dont on vient de parler.
La commission a remarqué que les dépôts de mendicité ne pouvaient pas, à beaucoup près, subvenir aux énormes dépenses qui leur étaient occasionnées par la quantité de pauvres qui se faisaient arrêter. Elle a pensé qu'autant que cela pouvait dépendre du gouvernement et des autorités locales, il valait mieux que ces pauvres fassent retenus dans leurs communes, que cet état de choses serait plus avantageux pour les bureaux de bienfaisance et pour le gouvernement ; que cependant, quoi qu'on fît, il y aurait toujours une partie des pauvres qui continueraient à se faire arrêter et à peser sur les dépôts de mendicité au-delà des ressources de ces établissements, qui souffraient tout en pesant sur les communes.
La commission a remarqué aussi que dans la plupart des dépôts de mendicité, les ressources pour le travail n'étaient pas suffisantes. Dès lors elle a conseillé au gouvernement de transporter les détenus valides, dans d'autres établissements où ils seraient employés soit à des travaux mécaniques, soit à des travaux agricoles. Elle a désigné au gouvernement un vaste terrain qui aurait pû être acquis pour occuper chaque individu dans sa spécialité, mais surtout à la culture et à l'amélioration des champs.
Voilà, en peu de mots, quel a été le résume des travaux de la commission.
M. le ministre a objecté que l'application des idées de la commission entraînerait à des dépenses considérables. Elle ne s'est point dissimulé ce côté désavantageux de son système, et elle en a prévenu le gouvernement ; un capital considérable serait nécessaire pour l'achat de l'établissement de Merxplas qui avait été disposé dans un but de travail agricole en même temps que pour des travaux mécaniques. Il est certain que si ce plan pouvait s'exécuter, il viendrait puissamment au secours des dépôts de mendicité, et, comme conséquence, au secours des communes. Cependant la commission a reconnu que ce qu'il fallait surtout, c'était que les communes satisfissent, autant que possible, aux besoins des individus qui ne peuvent pas se sustenter eux-mêmes, parce que les communes pouvaient, à meilleur marché que les dépôts, subvenir à ces besoins. Mais il y a, parmi les pauvres, des gens indisciplinés qui ne veulent pas se soumettre, qui se font arrêter à chaque instant et c'est spécialement pour cette catégorie de pauvres que la commission avait conseillé au gouvernement de fonder un établissement particulier.
La commission a compris toute la gravité des questions qui lui ont été posées ; elle s'est vue en face du problême le plus triste et le plus difficile de ce siècle, et elle a pensé que la mesure la plus productive à la fois et la plus moralisatrice, c'était le travail et surtout le travail agricole qui, lui, n'éveille point les rivalités.
M. le ministre de la justice (M. Faider). - Je suppose que l'honorable comte Visart est persuadé que je rends hommage au travail de la commission et aux mesures qu'elle a formulées pour arriver à la réforme des dépôts de mendicité. Je suis le premier à reconnaître qu'il y a dans ses propositions des mesures excellentes, très moralisatrices, et je me déclare partisan de l'extension du travail agricole aux dépôts de mendicité.
Les seuls dépôts de mendicité qui ont actuellement quelque prospérité, ce sont les dépôts agricoles. Mais, veuillez remarquer que la commission a présenté des mesures d'ensemble, et que ces mesures d'ensemble me paraissent devoir être maintenues dans le système suivi par la commission spéciale. L'honorable comte Visart reconnaît avec moi que ces mesures, comme point de départ, sont de nature à entraîner le trésor public dans du fortes dépenses, c'est ce qui est reconnu.
Voilà donc, messieurs, la raison que j'avais donnée l'an dernier et qui avait été accueillie favorablement, parce que l'on comptait sur une modification dans la situation de nos finances.
Lorsque, messieurs, j'ai proposé au Roi de nommer une commission composée de l'élite des membres des deux Chambres, pour examiner ces questions, j'ai déclaré avoir reconnu la nécessité d'améliorer le régime actuel des dépôts de mendicité et d'alléger les charges des communes du chef de l'entretien de leurs indigents et de leurs mendiants. J'avais remarqué, en effet, que la dette des dépôts de mendicité à la charge des communes est énorme, comme elle est énorme aussi vis-à-vis de administrations des hospices dans certaines grandes villes.
(page 674) Il y a donc évidemment quelque chose à faire, mais ce quelque chose est-il tellement urgent que l'on doive renoncer à un ensemble de mesures qui ont une nature spéciale et qui seront, d'après moi, très efficaces ; doit-on compromettre une réforme d'ensemble, une réforme logique en prenant quelques mesures partielles dont le résultat serait, à coup sûr, incertain ?
Dans l'état actuel des choses, messieurs, les dépôts de mendicité ne renferment que des individus qui y sont transportés à la suite de condamnations ou qui s'y présentent avee l’autorisation des gouverneurs ; ensuite, aux termes de l'article 2 de la loi du 3 avril 1848, les administrations communales peuvent en tout temps retirer les reclus en s'engageant à leur procurer du travail ou des secours.
Depuis quelque temps, messieurs, le travail, dans la plupart des communes des Flandres, a été réorganisé sur un pied qui paraît assez convenable, et de ce chef, il me semble qu'il y a, pour les communes, une facilité qui allège leurs charges, si elles ont la bonne volonté de jouir du bénéfice que la loi de 1848 leur accorde.
Je demanderai ensuite si les communes qui ont été évidemment obérées, dans certaines parties du pays, par suite de plusieurs années calamiteuses, ne pourraient pas se créer des ressources, s'assurer des revenus en prenant quelques mesures intérieures comme, par exemple, en procédant à l'aliénation de certaines parcelles de terrain de petite étendue qui ne donnent que des revenus mesquins, tandis que les capitaux qu'elles en retireraient pourraient être appliqués en partie à l'extinction de leur dette et en partie à l'acquisition de fonds publics qui leur donneraient un revenu supérieur à celui qu'elles retirent de ces petites parcelles dépourvues réellement de valeur locative.
Je me borne, messieurs, à indiquer ces aperçus, qui m'ont été récemment communiqués par un honorable membre de cette assemblée parfaitement au courant de la situation des Flandres.
Quoi qu'il en soit, messieurs, je déclare que, me trouvant en présence d'un projet de loi élaboré avec soin par des hommes très distingués et qui forme un ensemble, je n'ai pas cru, jusqu'ici, devoir prendre sur moi de rompre cet ensemble et de ne point maintenir dans ses termes généraux le système de la commission. Il y a dans le projet des dispositions que je n'accepterai pas sans modification ; mais, dans l'ensemble, les idées sont rationnelles, logiques, elles tiennent les unes aux autres et dans une réforme de cette importance, quelques mois, je dirai même quelques années de retard ne sont rien en comparaison des grands résultats qu'il s'agit d'obtenir.
Au surplus, la loi actuelle date de sept années, et, en définitive, avec les moyens de surveillance et de libération attribués aux communes par la loi de 1848, elles peuvent arriver à diminuer leurs charges, que peut-être un peu d'incurie ou d'insouciance a considérablement augmentée dans certaines communes.
M. Lelièvre. - Messieurs, lorsque la situation financière le permettra, je pense qu'il y aura lieu à s'occuper non seulement d'un projet concernant les dépôts de mendicité, mais également de la révision de la loi sur le domicile de secours. Je recommande donc également ce point à la sollicitude du gouvernement. Il est évident que la législation actuelle concernant le domicile de secours réclame d'importantes modifications.
M. Van Iseghem. - Comme M. le ministre de la justice vient de le dire, il y a dans la Flandre plusieurs bureaux de bienfaisance qui possèdent beaucoup de ces parcelles, ne rapportant que 1 ou 1/4 p. c. Je connais une commune, celle de Steene, qui a de ces petites propriétés, peut être 25 enclaves, ensemble d'une contenance de 4 hectares 22 ares 16 centiares, dont elle ne retire annuellement que 175 fr., tandis qu'en vendant ces parcelles, elle obtiendrait au moins 14,000 fr., qui, placés en fonds publics, lui procureraient environ 700 francs.
En outre, ces enclaves donnent lieu à beaucoup de désagréments pour les administrations publiques ; je sais que plusieurs de ces parcelles se trouvent au milieu de fermes et qu'elles rapportent 5 fr. et 10 fr. par an, tandis que le droit de passage, si un autre que le fermier louait, irait au double.
Souvent, sî on augmente les revenus du bureau de bienfaisance, on peut diminuer le rôle d'abonnement.
Je prie le gouvernement d'appeler sérieusement l'attention des communes et des bureaux de bienfaisance sur les inconvénients d'un pareil état de choses, et de leur démontrer qu'en vendant ces petites parcelles, ils peuvent sensiblement augmenter leurs revenus.
Il est du devoir des agents du gouvernement dans les provinces, d'engager les administrations communales et charitables, de ne pas laisser improductifs des capitaux et, à mon point de vue, de provoquer à ce que les bureaux de bienfaisance obtiennent 5 p. c. au lieu de 1 p. c.
M. Vander Donckt, rapporteur. - « Par pétition datée d'Arlon, le sieur de Kersmaker, officier pensionné, réclame l'intervention de la Chambre pour obtenir la restitution d'une retenue qui lui a été faite au département de la guerre, par suite de permission. »
Conclusions : Ordre du jour.
- Adopté.
M. Vander Donckt, rapporteur. - « Par pétition datée de Courtrai, le 8 décembre 1854, le sieur Wallays, chef de bureau à l'administration communale de Courtrai, demande une indemnité du chef du service des logements, et transport de militaires dont il est chargé. »
Conclusions : Ordre du jour.
- Adopté.
M. Vander Donckt, rapporteur. - « Par pétition datée de Fontaine-l'Evêque, le 9 décembre 1854, le sieur Finet, pensionné pour cause d'ophllialmie militaire, demande que ses compagnons d'infortune et lui soient exemptés de la contribution personnelle. »
Conclusions : Ordre du jour.
- Adopté.
M. Vander Donckt, rapporteur. - « Par pétition sans date, le sieur Hanin-Bresmal appelle l'attention de la Chambre sur des articles concernant l'élection de Marche, qui se trouvent dans deux numéros du journal « l’Agriculteur ». »
Conclusions : Ordre du jour.
- Adopté.
M. Vander Donckt, rapporteur. - « Par pétition datée de Bruges, le 25 novembre 1854, le- sieur Deveslel, entrepreneur à Bruges, se plaint de ce que M. le ministre de la justice ait donné la préférence à une soumission plus élevée que la sienne, pour l'exécution des travaux à exécuter à la prison de cette ville. »
Conclusions : Renvoi à M. le ministre de la justice.
M. Rodenbach. - Messieurs, si j'ai bien compris l'analyse de cette pétition, il s'agit de quelqu'un qui n'a pas obtenu la préférence, dans une adjudication. Mais il me semble que, par le cahier des charges, le gouvernement s'était réservé le droit d'accepter comme adjudicataire celui qu'il jugerait offrir le plus de garanties sous le rapport de la moralité et de la capacilé et, quant à moi, j'approuve beaucoup cette réserve, car, vous le savez, messieurs, ce qui vient d'arriver à Bruxelles, à la place du Congrès : il paraît que l'entreprise avait été adjugée à un fabricant de parapluies, qui s'était improvisé architecte-entrepreneur. Je le répète, il faut qu'on puisse adjuger les entreprises à ceux qui ont le plus de capacité et de moralité, alors même qu'il y aurait des soumissions de quelques centaines de francs moins élevées, présentées par des gens qui ne connaîtraient pas leur métier. Je trouve donc, messieurs, que la réclamation du pétitionnaire n'est pas fondée. J'ai cité un fait, mais on pourrait en citer beaucoup d'autres.
- Les conclusions de la commission sont mises aux voix et adoptées.
M. Vander Donckt, rapporteur. - « Par pétition sans date, quelques électeurs à Erbisoeul réclament contre les élections qui ont eu lieu dans cette commune, le 31 octobre dernier. »
Conclusions : Ordre du jour.
- Adopté.
M. Vander Donckt, rapporteur. - « Par pétition datée de Bruxelles, le 17 novembre 1854, la dame Van Elstraete réclame l'intervention de la Chambre pour rentrer dans la possession de ses biens. »
Conclusions : Ordre du jour.
- Adopté.
M. Vander Donckt, rapporteur. - « Par pétition datée de Bruxelles, le 29 novembre 1854, le sieur Filleul-Van Elstracte se plaint d'avoir été condamné par les tribunaux, sans preuve ni défense possible, et demande qu'un acte notarié du 27 décembre 1850 soit concilié avec un arrêt de condamnation du 28 février 1851. »
Conclusions : Ordre du jour.
- Adopté.
M. Vander Donckt, rapporteur. - « Par pétition datée d'Uylbergen, le 7 avril 1854, le sieur Steeman, négociant à Uylbergen, demande une indemnité pour l'aider à soutenir l'école dentellière qu'il a établie dans cette commune. »
Conclusions : Renvoi à M. le ministre de l'intérieur.
- Adopté.
M. Vander Donckt, rapporteur. - « Par pétition datée d'Anvers, le 19 avril 1854, le sieur Mertens-Bauduin demande qu'on démolisse les baraques qui ont été construites dans le polder d'Ordam, lors de l'inondation du polder de Lillo, et qu'il soit donné à leurs habitants des demeures sur la pièce de terre achetée par le gouvernement. »
Conclusions : Renvoi à MM. les ministres de la guerre et des finances.
- Adopté.
M. Vander Donckt, rapporteur. - « Par pétition datée de Lobbes, le 14 novembre 1853, le sieur Dumortier, garde forestier pensionné, réclame l'intervention de la Chambre pour obtenir une augmentation de pension. »
Conclusions : Ordre du jour.
- Adopté.
M. Vander Donckt, rapporteur. - « Par pétition datée de Bruxelles, le 5 février 1854, le sieur Roulot prie la Chambre de rejeter ou d'ajourner le projet de loi relatif à la réunion des faubourgs à la capitale, jusqu'à ce que l'octroi soit remplacé par un impôt de capitation, et que les lois sur la contribution personnelle et sur les patentes aient été revisées. »
Conclusions : Dépôt au bureau des renseignements.
- Adopté.
M. Vander Donckt, rapporteur. - « Par pétition datée d'Arlon, le 13 décembre 1854, le sieur de Kersmaker, lieutenant pensionné, prie la Chambre de statuer sur sa demande tendant à obtenir une augmentation de pension. »
Conclusion : Dépôt au bureau des renseignements.
- Adopté.
M. Vander Donckt, rapporteur. - « Par pétition datée de Bruxelles, le 26 décembre 1852, le sieur Lagasse, notaire à Bruxelles, propose des mesures pour faciliter l'accomplissement de l'obligation de l'article 9 des dispositions transitoires de la loi sur les hypothèques. »
Conclusion : Renvoi à M. le ministre de la justice.
M. Lelièvre. - Je me bornerai à faire observer sur la pétition dont nous nous occupons, qu'il ne peut être question de toucher pour le moment à la loi de réforme hypothécaire. Il faut la laisser fonctionner pendant quelques années, et si l'expérience démontre qu'elle renferme quelques dispositions nécessitant des modifications, on pourra s'occuper à l'avenir de leur révision. Mais, je le répète, il est essentiel (page 675) de maintenir intacte la législation introduite en 1851 et de laisser au temps le soin d'en constater le mérite. Ce n'est que sous ces réserves que je me rallie aux conclusions de la commission.
- Les conclusions de la commission sont mises aux voix et adoptées.
« Conclusions du rapport de la commission d’industrie sur une pétition ayant pour objet une demande d’exemption du droit sur le sel employé dans la fabrication des tabacs. »
La commission conclut au renvoi à M. le ministre des finances.
- Adopté.
« Conclusions du rapport de la commission d’industrie sur une pétition tendant à l’augmentation du droit d’entrée sur les tuiles. »
La commission propose l'ordre du jour.
- Adopté.
« Rapport de la commission d’industrie sur une pétition par laquelle on demande que la bâches en toile soient soumises au même droit d’entrée que les bâches écrues non confectionnées. »
La commission propose le dépôt au bureau des renseignements.
M. de Haerne. - Messieurs, la commission permanente d'industrie propose le dépôt au bureau des renseignements d'une pétition par laquelle on réclame une augmentation de droit d'entrée sur les bâches. Le système soutenu par les pétitionnaires n'est pas exécutable à mes yeux et je crois qu'à cet égard la commission permanente d'industrie a parfaitement raison. Les pétitionnaires argumentent des droits établis sur les toiles écrues et ils en tirent la conclusion qu'il faudrait frapper les bâches de droits équivalents, d'autant plus, disent-ils, que les bâches ont subi une nouvelle manipulation et qu'elles ne sont pas une matière première, au même degré, du moins, que les toiles. Ce raisonnement serait parfaitement exact si on ne connaissait pas le motif pour lequel les toiles sont grevées d'un droit assez élevé à l'entrée. Vous savez tous, messieurs, que ce motif résulte du traité conclu avec la France, traité qui nous a obligés d'établir le tarif français sur nos autres frontières.
Messieurs, si sous ce rapport, je dois abonder dans le sens de la commission d'industrie, je crois cependant qu'elle a été un peu sévère en demandant le dépôt au bureau des renseignements à l'exclusion du renvoi à M. le ministre des finances. Je demande, quant à moi, formellement ce renvoi ; il ne peut y avoir à cela aucun inconvénient.
Vous savez d'ailleurs que quand on renvoie une pétition au bureau des renseignements, cela veut en quelque sorte dire qu'on ne s'en occupe plus ; c'est la renvoyer au dépôt des friperies.
Quel est donc le motif que j'allègue pour que la pétition soit renvoyée à M. le ministre des finances ? Quoique je n'adopte pas le système des pétitionnaires, je ne soutiendrai pas non plus qu'il n'y ait pas lieu d'adopter une certaine élévation de droits sur ce produit, dont la matière première, qui est la toile, se fabrique en Flandre. Il est vrai qu'aujourd'hui le vent est au libre échange, et que la Chambre, comme tous les pouvoirs constitués, est plus ou moins antipathique à des augmentations de droits de douane. A cet égard, je vous déclare franchement, et je crois que mon opinion, sur ce point, est assez connue, que je ne nage pas dans les eaux du libre échange. Cependant, j'admets le libre échange, lorsqu'il me paraît justifié.
Je ne suis pas systématique, j'admets la liberté commerciale, lorsque je la crois bonne, je ne l'adopte pas lorsque je la crois contraire à l'intérêt du pays.
On dit : Les droits frappent le consommateur. Cela n'est pas toujours vrai. Ainsi, la France avec son système protecteur, progresse considérablement en matière d'industrie, et aujourd'hui elle a le fil de lin à meilleur compte que les filatures belges ne peuvent le fournir.
Après tout, messieurs, qu'entend-on par libre échange, les mots supposent une réciprocité d'échanges, c'est-à-dire que l'on donne comme on reçoit, que l'on exporte comme on importe, aux mêmes conditions. Mais il ne dépend pas de nous d'établir toujours ces conditions vis-à-vis de tiers, surtout lorsque nous n'avons pas de traité de commerce avec eux, et c'est précisément le cas dont il s'agit.
De quoi se plaignent les pétitionnaires ? Ils se plaignent de ne pouvoir soutenir en cette matière la concurrence contre l'Angleterre. Croyez-vous, messieurs, que ce pays n'établit pas de droit sur les bâches ? Eh bien, j'ai l'honneur de vous déclarer que le tarif anglais est plus élevé sur ce produit que le tarif belge. En Belgique le droit est de 6 à 7 p. c., en Angleterre il est de 10 p. c.
On se fait souvent illusion sur les théories anglaises. On suppose que l'Angleterre ne tient qu'à la théorie du free trade. Mais il n'en est rien, l'Angleterre est un pays trop positif pour s'attacher ainsi à la théorie. Elle fait de tout cela une question d'intérêt. Elle accorde la libre entrée sur les grands produits, parce que c'est son intérêt ; mais, chaque fois que son intérêt le réclame, elle maintient à l'entrée des droits élevés et même des droits différentiels. Oui, il y a de véritables droits différentiels en Angleterre.
Beaucoup de produits de ses colonies sont favorisés par un droit différentiel qui souvent n'est que la moitié du droit général. Ainsi les livres venant des colonies anglaises payent 12 p. c, tandis que les livres de tous les autres pays avec lesquels l'Angleterre n'a pas de convention littéraire, payent 25 p. c.
Sur les toiles l'Angleterre n'établit aucun droit. Cela se conçoit ; aucun pays au monde ne peut lui faire concurrence sur ce point. Mais en est-il de même pour un produit qui se fabrique à peu près comme la toile, pour la batiste ? En aucune manière. La batiste paye 10 p. c. de droit à l'entrée en Angleterre, parce que l'Angleterre redoute pour ce produit la concurrence de la France et de la Belgique.
Il en est de même d'autres articles.
Les mouchoirs de baliste, qui sont tant soit peu brodés, payent en Angleterre 2 1/2 schellings par pièce, ce qui constitue un droit, qui peut aller de 20 à 50 p. c. de la valeur. Voilà les droits tels qu'ils sont établis en Angleterre.
Sur les bâches, je l'ai déjà dit, la Grande-Bretagne perçoit un droit de 10 p. c.
Et après cela, on viendra argumenter d'une théorie générale pour dire : « Nous n'élèverons pas les droits sur cet article, parce que la théorie s'y oppose. » Messieurs, ne raisonnons pas ainsi, ne soyons pas plus engoués du libre échange que ceux qui l'ont inventé ; ne soyons pas plus Anglais que les Anglais eux-mêmes.
Je demande donc que la pétition soit renvoyée à M. le ministre des finances ; il peut arriver que ce haut fonctionnaire reconnaîtra tôt ou tard qu'il y a lieu d'élever au moins le droit à la hauteur du droit anglais.
Je ne préjuge rien ; mais je pense que d'après les usages de la Chambre, en pareille matière, il convient de voter le renvoi au ministre, le simple dépôt au bureau des renseignements ayant à peu près la signification d'un renvoi aux calendes grecques. Le gouvernement fait des sacrifices très louables pour développer le travail dans les Flandres. Il ne faut donc pas dire d'avance qu'il ne pourra faire par mesure douanière ce qu'il fait au moyen de subsides. Tel serait néanmoins le sens du simple dépôt au bureau des renseignements.
M. Lesoinne. - Messieurs, la commission d'industrie n'a pas cru devoir proposer le renvoi de la pétition à M. le ministre des finances, parce qu'elle n'a pas trouvé que ce renvoi fût utile. Les pétitionnaires demandaient qu'on établît une impossibilité, c'est-à-dire qu'on imposât les toiles servant à la fabrication des bâches, au même droit que les toiles écrues. Le droit est de 30 p. c ; nous n'avons pas pensé que le chemin de fer de l'Etat, ayant besoin de bâches pour le service du transport des marchandises, il fallut le forcer à payer ces objets beaucoup plus cher ; nous l'avons d'autant moins pensé que de l'aveu des pétitionnaires, ils étaient en concurrence avec l'étranger pour soumissionner avec avantage.
Voilà le motif pour lequel la commission d'industrie n'a pas proposé le renvoi de la pétition à M. le ministre des finances ; mais nous en avons demandé le dépôt au bureau des renseignements, parce qu'elle signale une anomalie.
Quant au droit à établir à l'entrée des bâches, droit que l'honorable M. de Haerne voudrait voir passer au laux où il est fixé en Angleterre, je ne vois pas pourquoi nous copierions ce pays dans ce qu'il a d'élevé dans son tarif.
L'Angleterre peut avoir eu pour but d'établir un droit fiscal sur certains objets, droit qui, chez nous, ne ferait que compliquer le tarif sans aucun bénéfice. L'Angleterre a adopté son système dans son propre intérêt ; nous avons aussi à régler notre tarif dans notre propre inférêt, et c'est ce que nous devons conseiller au gouvernement de faire. Nous n'avons pas cru devoir proposer d'élever le droit sur les bâches, d'autant plus que cet objet ne peut fournir une recette considérable au trésor.
D'un autre côté, le dépôt de la pétition au bureau des renseignements n'est pas une chose inutile, car lorsqu'on aura besoin de consulter la pétition, on pourra recourir au bureau des renseignements qui fournira encore d'autres éléments, lors de la révision du tarif des douanes.
M. Osy. - J'appuie le renvoi pur et simple de la pétition à M. le ministre des finances ; cela ne préjuge rien, le gouvernement nous a annoncé qu'il nous présenterait dans la session prochaine un projet de loi pour régler des droits d'entrée sur tous les objets d'industrie ; sî, M. le ministre des finances a la pétition, il pourra examiner s'il convient de maintenir le droit actuel ou s'il y a un changement à faire.
M. de Haerne. - Messieurs, je n'ai pas tranché la question ; j'ai dit qu'il ne pouvait pas y avoir d'inconvénient à renvoyer la pétition à M. le ministre des finances, afin qu'il examinât s'il n'y avait pas lieu à proposer une augmentation quelconque ; je ne décide pas la question ; mais il n'y a rien d'absurde à augmenter un peu le droit. C'est une question à examiner par le ministère.
Je sais qu'on dit que les bâches coûteront par là plus cher et que l'administration du chemin de fer aura à en souffrir. C'est l'objection qu'on fait toujours contre la protection douanière. Mais pour être conséquent, on devrait abolir tout droit sur cet article. Il faudrait aussi supprimer les droits sur les draps, les calicots, etc., afin de pouvoir habiller à meilleur compte nos soldats, nos prisonniers. Mais tout le monde sait que le droit n'augmente pas toujours le prix. Le système proyecteur multiplie les fabriques et remplace la concurrence étrangère par la concurrence à l'intérieur, au profit du travail national. Cette dernière concurrence nivèle souvent les prix avec ceux de l'étranger.
D'ailleurs, les Anglais sont dans le même cas pour bien des produits, et cependant ils conservent les droits lorsqu'ils sont nécessaires. Ils les conservent sur l'article en question.
Encore une fois, je ne décide rien, mais je pense qu'il faut renvoyer (page 676) la pétition à M. le ministre pour qu'il examine s'il n'y a pas lieu d'établir pour les bâches un droit protecteur qui soit au moins équivalent à celui dont ce produit est grevé en Angleterre.
M. le ministre des finances (M. Liedts). - Messieurs, du moment que le renvoi au département des finances se fait purement et simplement, je n'y vois pas de grands inconvénients. Je n'eusse pas même pris la parole si cette demande de renvoi n'eût pas été accompagnée de certains commentaires par le premier orateur qui a pris le premier la parole. Il est évident que l'adoption de la mesure reviendrait à ceci, que le chemin de fer qui coûte déjà passablement cher pour son exploitation, coûtera encore un peu plus cher dans l'avenir. Il y a dans le pays, si je ne me trompe, un seul établissement qui fasse des toiles imperméables pour les bâches, c'est le chemin de fer de l'Etat qui use le plus de ces objets ; or, si les bâches coûtaient par pièce 5 fr. de plus au chemin de fer de l'Etat, ou si vous donniez ces 5 francs comme pension à l'industriel intéressé, le résultat serait financièrement le même. Si vous voulez, messieurs, que le chemin de fer de l'Etat coûte le moins et rapporte le plus possible, on ne doit pas obliger le gouvernement à subir les exigences des industriels. Je ne vois pas même pourquoi, quand il s'agit de locomotives, le chemin de fer de l'Etat ne pourrait pas, dans certains cas, faire ce que font des compagnies concessionnaires : c'est-à-dire pourquoi, quand il se trouve en présence de prétentions exagérées des industriels indigènes, il ne pourrait pas commander des locomotives à l'étranger.
- La discussion est close.
Le renvoi pur et simple de la pétition à M. le ministre des finances est mis aux voix ; il n'est pas adopté.
Le dépôt au bureau des renseignements est ensuite mis aux voix et adopté.
Proposition tendant à renvoyer à M. le ministre des travaux publics, avec demande d'explications, des pétitions relatives à la reprise des travaux du chemin de fer du Luxembourg
M. le président. - Deux rapports ont été faits au nom de la commission des pétitions :
1° par M. Vander Donckt, dans la séance du 17 janvier, p. 489, sur les pétitions des conseils communaux d'Aye, de St-Hubert et de Marche ; il a conclu au renvoi de ces pétitions au ministre des travaux publics ;
2° Par M. de Moor, dans la séance du 5 février, sur les pétitions des conseils communaux de Bure, d'Arville et de Hatrival ; il a proposé le renvoi au ministre des travaux publics avec demande d'explications.
M. Tesch a demandé que ces dernières conclusions soient appliquées aux pétitions sur lesquelles M. Vander Donckt a fait rapport.
La discussion est ouverte sur ces diverses propositions.
M. Dumortier. - Messieurs, la question de la reprise des travaux du chemin de fer du Luxembourg se rattache entièrement, selon moi, à celle dont il a été question hier. Il a été déclaré à Londres que deux millions et demi de francs ont été distribués en Belgique pour services secrets. Il faut absolument que nous nous montrions sévères envers la Compagnie du chemin de fer du Luxembourg, jusqu'à ce que nous ayons pu voir clair dans cette ténébreuse affaire.
Je demande donc la disjonction des rapports et l'ajournement sur celui relatif au chemin de fer du Luxembourg.
M. Tesch. - Messieurs, je ne pense pas qu'il y ait lieu d'ajourner le renvoi avec demande d'explications, le moment de se montrer sévère viendra quand la compagnie demandera à être relevé de la déchéance. En ce moment, il s'agit de statuer sur la pétition des habitants du Luxembourg, qui demandent que les travaux du chemin de fer soient repris le plus tôt possible et que le contrat soit exécuté.
Je le répète, s'il y a lieu de se montrer sévère, ce sera quand la compagnie viendra demander à être relevée de la déchéance.
M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Comme vient de le faire remarquer l'honorable M. Tesch, la Chambre sera régulièrement saisie quand le gouvernement viendra proposer le projet de loi ayant pour objet de remettre la société du Luxembourg en possession d'un nouveau délai. La compagnie s'appuyant sur ce qu'elle appelle des circonstances exceptionnelles, indépendantes, à l'en croire, de sa volonté, a sollicité un nouveau délai. Le gouvernement a répondu qu'il ne soumettrait à la législature un projet de loi qu'à la condition d'une nouvelle convention à intervenir entre la compagnie et le gouvernement ; de façon que tous les droits seront sauvegardés ; d'ailleurs la Chambre sera appelée à en connaître, elle pourra éclairer le gouvernement s'il y a lieu.
M. Dumortier. - J'insiste pour que ma proposition d'ajournement soit adoptée. Il est impossible de renvoyer au gouvernement une pétition demandant la continuation des travaux, de lui donner l'appui du parlement, quand demain nous devrons peut-être repousser la demande de prorogation de la loi. L'honnêteté du pays est accusée par la société du chemin de fer du Luxembourg, et cette accusation se trouve répandue par toute l'Europe.
On a dit que c'était au moyen d'une distribution de 2 millions et demi de francs qu'on avait obtenu de l'Etat la garantie d'un minimum d'intérêt de 4 p. c. Ces faits se trouvent consignés dans le rapport de M. Charles Lyall, que j'ai eu entre mes mains. L'honorable directeur, après avoir dévoilé cette turpitude, ajoute qu'il s'est retiré parce qu'il n'a pas voulu donner sa sanction à cette dépense, qu'il n'a jamais vu figurer un pareil item (c'est ainsi qu'on appelle un article, dans un compte) ; il est d'autant plus étonné qu'il a appris que les chemins de West-Flandre et d'Entre-Sambre-et-Meuse avaient obtenu la garantie d'intérêt sans débourser un centime. Mais il déclare que 2 1/2 millions sont dépensés, qu'ils n'existent plus. Voilà une accusation que tous les journaux anglais ont répétée et qui fait le tour du monde. Pour l'honneur du pays, nous ne pouvons pas laisser une pareille accusation sans réponse, sans examen.
Il faut que la lumière se fasse jour. A quoi servirait d'examiner demain cette question si aujourd'hui nous engagions le gouvernement à presser la continuation des travaux.
Demandez aux commissaires qui ont signalé les faits, ils ne répondront pas, mais le pays les tient, la Chambre les tient, parce qu'ils sont en défaut vis-à-vis de la loi et du pays ; ils ont besoin d'une prorogation de délai ; car, si nous exécutions la loi dans sa rigueur, nous refuserions la prorogation et les travaux exécutés seraient acquis à l'Etat.
Nous devons donc conserver la position entière et ce serait l'affaiblir, l'amoindrir que de prononcer le renvoi.
Je demande l'ajournement de la décision jusqu'à ce que les pièces produites aient été imprimées. L'appui du parlement à la demande des habitants du Luxembourg amènerait ce résultat d'empêcher de voir clair dans cette affaire, d'éclairer le pays et de venger l'honneur des fonctionnaires publics ; car j'aime à croire qu'ils sont restés honorables. La question est trop grave, trop importante, elle a eu trop d'éclat pour la laisser passer sous silence.
M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - L'honorable M. Dumortier a raison dans les considérations qu'il vient de présenter ; tout le monde veut poursuivre le même but, nous voulons tous que la vérité jaillisse de cette affaire.
L'honorable M. Dumortier pense qu'en renvoyant la pétition, on échappe à l'information qu'il poursuit. C'est sur ce point que je ne suis pas d'accord avec l'honorable membre qui, ainsi que les autres, aura toute occasion de poursuivre ses investigations aussi loin qu'il le voudra. Si le gouvernement soumet à la Chambre, comme il y serait obligé, une demande de prorogation de délais en faveur de la compagnie, on pourra tout voir, discuter toutes les questions.
La discussion doit donc toujours avoir lieu ; mais ne convient-il pas d'attendre que l'assemblée générale des actionnaires ait eu lieu ? Il s'agit sans doute d'une affaire qui intéresse à un haut point la moralité du pays, mais elle intéresse avant tout les actionnaires. Une nouvelle réunion doit avoir lieu le 13, les actionnaires vont être instruits de ce qui aura été dit dans le parlement, des paroles prononcées par mon organe au nom du gouvernement ; ils auront à demander un compte sévère aux administrateurs ; il est à désirer que le débat soit porté d'abord là devant les actionnaires, il viendra ensuite devant la Chambre qui aura éventuellement, s'il le faut, à prendre une décision.
M. Dumortier. - C'est ici d'abord que la décision doit être prise.
M. Lelièvre. - A l'occasion de la pétition dont nous nous occupons, je désire connaître si M. le ministre des travaux publics ne peut nous indiquer l'époque à laquelle le chemin de fer direct de Namur à Bruxelles pourra être mis en activité. Cette interpellation se rattache à la pétition qui est en ce moment l'objet de la discussion. Elle intéresse notre arrondissement au plus haut degré ; j'espère que M. le ministre pourra nous donner des explications catégoriques sur le point dont il s'agit.
M. Tesch. - Je demande le renvoi de la pétition afin d'atteindre le plus tôt le but que nous poursuivons tous.
Que demandent les pétitionnaires, que la compagnie du Luxembourg soit tenue d'exécuter son contrat, ou qu'on prononce contre elle la déchéance.
Ils ne demandent pas qu'on accorde à la compagnie un délai nouveau, mais que la position dans laquelle on se trouve cesse. La compagnie est en possession de sa concession et on ne travaille pas du tout, au moins ou ne travaille pas d'une manière sérieuse.
Je crois qu'il faut que le ministre s'explique ; que fera-t-on si la compagnie ne vient pas, d'ici à deux ou trois mois, demander un délai, si la Chambre n'est pas saisie d'une proposition du ministre, parce que la compagnie ne lui aura pas adressé de demande ? Il faudra nécessairement sortir de cette position passive, il faudra que l'on prenne l'initiative pour faire prononcer la déchéance.
Ainsi nous arriverons d'autant plus tôt au but que nous nous proposons tous qui est d'éclairer les faits qui ont eu du retentissement en Angleterre et ici.
M. Dumortier. - Je dois répéter ce que je disais tout à l'heure : il est impossible que nous demeurions dans cette position, d'une part, de devoir forcer la société à suspendre ses travaux, d'autre part de renvoyer au ministre une pétition qui en demande la continuation. Evidemment ce serait nous mettre en contradiction avec nous-mêmes, et nous ôter le moyen de nous éclairer sur la grave accusation développée dans l'assemblée de cette compagnie lors de sa dernière réunion à Londres.
Tout bien considéré, il n'y a qu'un seul moyen de connaître la vérité : c'est de forcer la compagnie à nous la dire, et je n'admets pas avec (page 677) M. le ministre des travaux publics, qu'il lui soit loisible de présenter ou de ne pas présenter un projet de loi.
La Chambre est saisie de cette affaire. C'est à elle et à elle seule à la tirer au clair.
Je ne doute pas qu'elle ne remplisse son devoir jusqu'au bout, afin que cette accusation grave, si elle est une calomnie, soit dévoilée et si elle est méritée, soit punie. L'honneur du pays l'exige impérieusement.
Cette affaire est d'une extrême gravité, car la Belgique est en ce moment, en Angleterre, en butte à une double accusation : on l'accuse de vénalité ; on prétend que l'on a distribué en Belgique deux millions et demi de francs pour obtenir la garantie d'un minimum d'intérêt, alors que d'autres sociétés n'ont rien donné pour l'obtenir, et en même temps dans le parlement anglais, un membre, qui a été, pendant longtemps, à la tête du cabinet, conteste la bravoure de notre armée et s'est permis contre elle, des accusations inouïes au sujet de la conduite des soldats belges, durant la campagne de 1815.
Je dois protester de toutes les forces de mon âme contre l'accusation injuste et offensante lancée par ce membre du parlement. Je trouve fort étrange que ces accusations viennent précisément de l'Angleterre, où tout le monde devrait savoir que sans la bravoure d'un corps, composé de sept mille Belges et de Brunswickois qui, aux Quatre-Bras, a empêché le corps d'armée que commandait le maréchal Ney de prendre position dans la forêt de Soignes, les Anglais n'arrivaient pas à temps sur le champ de bataille de Waterloo, et peut-être alors n'auraient-ils pas à se glorifier de cette victoire. La conduite de nos soldats aux Quatre-Bras et la bravoure éclatante dont ils ont fait preuve en arrêtant le corps d'armée du maréchal Ney a permis aux troupes anglaises de prendre position, et c'est peut-être à cette circonstance qu'elles doivent leur succès.
Je trouve fort étrange après cela qu'un membre du parlement, un ancien chef du cabinet se permette des accusations offensantes contre notre armée et éiève des doutes sur sa bravoure, alors que tous ici sur les lieux du combat, nous aurions beaucoup à dire. Nous ne pouvons passer sous silence des accusations aussi injustes, aussi imméritées. Nous avons notre dignité à venger. J'ai dû protester contre les graves erreurs commises par un ancien chef du cabinet anglais.
Quant à la question des services secrets, nous devons la laisser entière, c'est le devoir et le droit de la Chambre. Je demande que notre droit reste entier. Nous ne pouvons que l'affaiblir en renvoyant la pétition à M. le ministre des travaux publics.
Je demande que la discussion sur la pétition soit suspendue jusqu'au moment où nous nous occuperons des griefs dont nous nous plaignons.
M. Tesch. - Personne ne veut ni ne peut désirer que le droit de la Chambre ne reste pas entier, et qu'elle ne poursuive pas jusqu'au bout l'examen des faits. Mais je demanderai à l'honorable M. Dumortier ce qui arrivera si la compagnie ne demande pas la prorogation de la concession.
M. Coomans. - Nous confisquerons le chemin de fer.
M. Tesch. - C'est précisément ce que demandent les pétitionnaires pour le cas où la compagnie ne demanderait pas la prorogation. De toute manière, il faut qu'il y ait une décision.
- La proposition de M. Dumortier (ajournement de la discussion sur la pétition pour être jointe à la discussion sur les pièces déposées hier par M. le ministre des travaux publics) est mise aux voix et adoptée.
La séance est levée à 4 heures trois quarts.