(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1854-1855)
(Présidence de M. Delfosse.)
(page 509) M. Ansiau procède à l'appel nominal à deux heures et un quart.
M. Maertens donne lecture du procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est approuvée.
M. Ansiau présente l'analyse des pièces adressées à la Chambre.
« Le sieur Dewespolaere prie la Chambre de modifier la législation quant faux débiteurs insolvables. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Verbeke-Janssens, secrétaire du parquet à Courtrai, demande que le traitement des secrétaires des parquets soit égal à celui des commis-greffiers. »
- Même renvoi.
« Le conseil communal de Scheldewindeke prie la Chambre d'accorder aux sieurs Moucheron et Delaveleye la concession d'un chemin de fzr de Saint-Ghisiain vers Gand, Eecloo et Terneuzen. »
« Même demande du conseil communal de Bottelaere. »
- Même renvoi.
« Plusieurs habitants de Meerhout déclarent adhérer à la pétition du comité Central flamand, relative au projet de loi sur l'enseignement agricole. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet.
« Des membres de la société dite « de Leeuw van Vlaenderen » demandent qu'il y ait autant d'écoles vétérinaires d'agriculture et d'horticulture dans les provinces flamandes que dans les provinces wallonnes , que l’enseignement y soit donné dans la langue maternelle et que si, pour l'une ou l'autre branche de l'enseignement on n'établissait qu'une seule école pour tout le pays, les élèves reçoivent les leçons dans la langue parlée dans leurs provinces. »
- Même décision.
« M. le ministre de l'intérieur présente un rapport complémentaire sur l'exécution des lois du 24 septembre 1845 et du 20 décembre 1846, quant aux subsides distribues aux communes sous forme de prêts ou d'avances remboursables. »
- Impression, distribution et renvoi à la commission des finances.
M. le président. - M. le ministre de l'intérieur a présenté un amendement à l'article 84. Cet amendement sera imprimé et distribué. Je propose de le renvoyer à l'examen de la section centrale.
- Cette proposition est adoptée.
« Art. 37. Traitement des commissaires d'arrondissement : fr. 166,800. »
- Adopté.
« Art. 38. Emoluments pour frais de bureau : fr. 81,200. »
- Adopté.
« Art. 39. Frais de route et de tournée : fr. 26,000. »
- Adopté.
« Art. 40. Frais d'exploits relatifs aux appels interjetés d'office, en vertu de l'article 7 de la loi du 1er avril 1845 : fr. 500. »
- Adopté.
« Art. 41. Indemnités des membres des conseils de milice (qu'ils résident du non au lieu où siège le conseil) et des secrétaires de ces conseils. Frais d'impression et de voyage pour la levée de la milice. Vacations des officiers de santé en matière de milice.Primes pour arrestation de réfractaires : fr. 65,000$ (chiffre à vérifier). »
- Adopté.
« Art. 42. Frais d'impression des listes alphabétiques et des registres d'inscription. Frais de recours en cassation en matière de milice (loi du 18 juin 1849) : fr. 2,100. »
- Adopté.
« Art. 43. Inspecteur général et commandants supérieurs de la garde civique. Frais de tournée : fr. 6,885. »
- Adopté.
« Art. 44. Achat, entretien et réparation des armes et objets d'équipement ; magasin central : fr. 10,000. »
- Adopté.
« Art. 45. Personnel du magasin central : fr. 3,115. »
- Adopté.
« Art. 46. Frais de célébration des fêtes nationales : fr. 40,000. »
- Adopté.
« Art. 47. Médailles ou récompenses pécuniaires pour actes de dévouement, de courage et d'humanité ; impression et calligraphie des diplômes, frais de distribution, etc. : fr. 8,000. »
- Adopté.
« Art. 48. Pensions de 250 francs en faveur des légionnaires et des décorés de la croix de Fer peu favorisés de la fortune ; subsides à leurs veuves et orphelins : fr. 155,000. »
- Adopté.
(page 510) « Art. 49. Subside au fonds spécial des blessés de septembre et à leurs familles : fr. 22,000. »
- Adopté.
M. le président. - La discussion générale est ouverte sur le chapitre XI (Agriculture).,
M. de Moor a déposé l'amendement suivant à l'article 61 (59) :
« Art. 61 (59). Mesures relatives au défrichement des terrains incultes et distribution de la chaux à prix réduit, fr. 95,000. »
M. de Renesse. - Messieurs, l'année dernière, lors de la discussion du chapitre de l'agriculture, j'ai cru devoir attirer l'attention de la Chambre, et plus spécialement celle de M. le ministre de l'intérieur, sur l'utile invention due à l'intelligence de M. le docteur Willems, de Hasselt, de l'inoculation de la plcuropneumonie ersudative du gros bétail ; j'avais engagé alors l'honorable ministre de l'intérieur à vouloir ordonner de nouvelles expériences contradictoires, réclamées à plusieurs reprises par M. le docteur Willems, afin de pouvoir constater l'efficacité de ce moyen prophylactique contre cette cruelle maladie contagieuse de la race bovine, qui porte un si grand préjudice aux intérêts agricoles.
D'après la pétition adressée à la Chambre, par M. Willems, dans le courant du mois de décembre, il paraît que la commission nommée par arrêté ministériel du 3 avril 1852, chargée de constater les effets de cette méthode préservatrice, n'a plus renouvelé aucune expérience, malgré les diverses communications et propositions que M. Willems a cru devoir lui faire ; à moins que ces expériences n'aient été tenues tellement secrètes, que rien n'ait transpiré dans le public. Il est vraiment étonnant que dans le pays, où cette inoculation a été découverte, le gouvernement et la commission ad hoc ne semblent pas prendre un plus grand intérêt à une invention aussi importante et qui touche très directement à l'industrie agricole ; il paraît que l'on veut laisser à d'autres gouvernements le soin de faire connaître et apprécier cette découverte de l'inoculation de la pleuropneumonie exsudative du gros bétail, et en Belgique, M. le docteur Willems ne rencontre que peu de sympathie et de concours de la part des agents du gouvernement ; on cherche, au contraire, par tous les moyens, à jeter de la défaveur sur sa méthode préservative ; c'est vraiment le cas de dire que personne n'est prophète dans son propre pays.
Cependant, si l'on consulte les rapports des commissions, chargées dans plusieurs autres pays de l'étude de l'inoculation, l'on peut se convaincre qu'elles se sont montrées, en général, favorables à cette méthode.
Le rapport de la commission française, présenté en 1851 au ministre de l'agriculture, par M. Bouley, professeur très distingué de l'école impériale d'Alfort, constate qu'il ressort incontestablement des relevés statistiques des inoculations essayées jusqu'à aujourd'hui dans la pratique comme mesures préventives contre la contagion de la péripneumonie, que la décroissance dans l'intensité de cette maladie, le nombre des animaux qu'elle attaque et conséquemment la mortalité qu'elle entraîne, a coïncidé constamment avec la pratique de l'inoculation dans les troupeaux ravagés actuellement ou menacés par l'épizootie.
« En rapprochant les résultats donnés par ses expériences directes sur l'inoculation préventive, des résultats semblables obtenus par les expériences de même nature faites à l'école vétérinaire d'Utrecht, en comparant le chiffre si affaibli de la mortalité dans les troupeaux inoculés aux chiffres si considérables des accidents mortels dans les troupeaux ravagés par l'épizootie suivant sa marche naturelle, la commission française s'est crue autorisée à formuler la proposition suivante, comme la conclusion définitive de ses recherches sur l'inoculation préventive de la péripneumonie épizootique du gros bétail :
« L'inoculation du liquide extrait du poumon d'un animal malade de la péripneumonie, possède une vertu préservative ; elle investit l'organisme du plus grand nombre des animaux auxquels on la pratique d'une immunité qui les protège contre la contagion de cette maladie pendant un temps encore indéterminé.
« De nouvelles expériences restent à faire, pour rechercher si cette immunité constatée reste acquise pour toute la vie de l'animal, ou si elle ne l'est que pour un temps limité ; etc. »
En Hollande, plusieurs rapports de la commission, qui s'y occupe très activement de l'inoculation, sont favorables au système de M. Willems. Le gouvernement néerlandais vient encore de renvoyer en Belgique le président de cette commission pour s'enquérir des résultats que l'on y obtient de la pratique de l'inoculation.
En outre, d'après l'ordre de ce gouvernement, l'inoculation est pratiquée et enseignée par le professeur Jennes, membre de la commission hollandaise, dans la province de Frise, où la pleuropneunionie a fait de si grands ravages, et la pratique de l'inoculation y attire tout particulièrement l'attention du gouvernement néerlandais.
Le rapport de la commission instituée en Prusse, rédigé par le savant docteur Ulrich, et publié le 16 mai 1834, paraît être aussi favorable à ce moyen prophylactique, ainsi que les différents rapports faits en Italie, à la chambre de commerce de Pavie, et au comité médical de Lomelline, etc.
Il n'y a qu'en Belgique, où le gouvernement, retranché derrière sa commission, paraît rester dans l'inaction, puisque, malgré les vives réclamations de M. le docteur Willems, et les observations déjà présentées à cet égard à la Chambre, il ne parvient pas à ce que de nouvelles expériences contradictoires soient ordonnées.
Il est néanmoins certain que beaucoup d'éleveurs, d'engraisseurs et de distillateurs font pratiquer l'inoculation et la recommandent ; aussi à Hasselt, dans les étables des distillateurs où se trouvent à l'engrais plusieurs centaines de bêtes bovines, la pleuropneumonie a disparu partout où l'on inocule. Elle n'existe que là où l'inoculation n'a pas été mise en usage, et où le procédé a été mal appliqué. Une question d'un si grand intérêt pour l'industrie agricole me semble, cependant, mériter une plus sérieuse attention de la part du gouvernement, surtout lorsque l'on voit qu'à l'étranger on s'empresse de faire des expériences et des recherches continues pour constater l'efficacité de ce moyen préservatif ; on doit donc s'étonner de l'indifférence du gouvernement d'un pays où cette belle découverte a pris naissance, et certes, la réponse faite par l'honorable ministre de l'intérieur, à la section centrale, ne jette aucune nouvelle lumière sur la question de l'inoculation des bêtes bovines. Cette réponse ne se distingue que par son laconisme, et ne donne aucun renseignement à la Chambre sur les nouvelles expériences qui auraient été faites par la commission depuis la présentation de son rapport du 6 février 1853. Voilà donc près de deux années que ce rapport a été présenté au département de l'intérieur, et depuis, nous ne recevons plus aucune donnée officielle sur les nouveaux essais de l'inoculation. Si cependant le gouvernement a cru devoir nommer une commission pour s'enquérir des résultats de l'inoculation de la pleuropneumonie, cette commission devrait donner signe de vie, et M. le ministre aurait dû nous communiquer les observations contradictoires qu'elle aurait faites depuis son dernier rapport ; mais il paraît que le gouvernement ignore ce qui se passe à cet égard en Belgique, et qu'il ne suit pas avec un grand intérêt les expériences faites à l'étranger.
Je crois, de nouveau, devoir réclamer, dans l'intérêt de l'agriculture, que l'onsorte de cette inaction peu explicative, que l’on nous fournisse des renseignements sur les faits et les recherches de la commission depuis environ deux ans, que l'on ordonne de nouvelles expériences contradictoires et, si la première commission croit avoir rempli sa tâche en présentant au gouvernement son rapport du 6 février 1853, que l'on en nomme une autre, composée d'hommes expérimentés, et surtout de grande impartialité, et qui, jusqu'ici, n'ont pris aucune part à la polémique qui a surgi à propos de l'invention de M. le docteur Willems ; de cette manière on parviendra, je l'espère, comme dans d'autres pays, à connaître les faits exacts produits par l'inoculation de la pleuropneumonie exsudative de la race bovine.
(page 527) M. Lambin. - Messieurs, dans sa dernière session, la Chambre a cru devoir rejeter une proposition ayant pour objet l'allocation, au budget de l'intérieur, d'un crédit de 75,000 francs destiné à délivrer la chaux à prix réduit.
Cette décision de la Chambre, on doit bien le dire, messieurs, a soulevé dans la province de Luxembourg un mécontentement général ; elle y a répandu un profond découragement. La province de Luxembourg, peu favorisée de la nature, il est vrai, mais par cela même ayant besoin d'être secourue, protégée tout particulièrement par ses sœurs mieux partagées, la prorince de Luxembourg s'est plainte amèrement de l'accueil qu'a reçu la proposition dont il s'agit ; elle a cru reconnaître, dans cette décision si regrettable, un acte qui, à son point de vue, lui paraît peu compatible avec les règles d'une bonne justice distributive ; et cette appréciation a-t-elle rien qui doive vous étonner ? n'est-elle point fondée ? Quoi ! messieurs, pour refuser à une province la modique somme de 75,000 fr., on se retranche derrière l'insuffisance des ressources du trésor, alors que dans d'autres provinces on sème à pleine main des centaines de mille francs, si pas des millions !
Cette province de Luxembourg ne réclame qu'un secours momentané et comparativement fort minime, et elle se voit comme repoussée par une fin de non-recevoir ! Et elle devrait croire que tout est pour le mieux ! elle serait satisfaite, elle n'aurait point le droit de se plaindre, cette province, elle, qui se trouve réduite à une seule industrie, à l'agriculture ; elle qui ne possède ni les avantages d'un sol fertile, ni les établissements commerciaux ou industriels, ni les rivières navigables, ni les rivières canalisées, ni les canaux, ni les routes se croisant en tout sens ni l'admirable réseau de chemin de fer, dont les autres provinces sont si largement dotées, même, en partie du moins, avec les deniers de cette province, à laquelle j'appartiens.
Oui, messieurs, le rejet de la proposition que j'ai rappelée est considéré dans le Luxembourg comme une vraie calamité, comme un pas rétrograde dans la voie du défrichement, comme un pas de plus vers l'abandon auquel le Luxembourg semble être condamné.
Telles, sont, messieurs, les tristes réflexions qu'a fait naître dans l'esprit des Luxembourgeois la décision dont j'ai parlé.
Loin de moi, messieurs, la pensée d'incriminer les intentions de qui que ce suit ; pour mpn compte, je ne puis admettre toutes les conséquences que l'on déduit de ce vote déplorable, au moins pour le Luxembourg ; toutefois messieurs, je dois l'avouer, en présence de ce fâcheux précédent, en présence du silence significatif du budget qui est soumis à vos délibérations, je n'ai point le courage de demander encore cette année, pour l'agriculture, l'aumône qui lui a été refusée l'année dernière.
Je ne formule donc aucune proposition, et partant, inutile d'insister sur l'influence que l'emploi de la chaux exerce sur l'amendement des terres, sur le défrichement jadis encouragé ; inutile de vous dire, messieurs, que sans chaux, pas de défrichement possible, que les Ardennes sont privées de ce premier agent du défrichement, qu'elles doivent se le procurer souvent à des distances telles que le transport de la chaux exige jusqu'à trois et quatre jours de marche.
Je ne vous parlerai point du désir qui anime les Ardennes d'arriver à un défrichement progressif. Aidées qu'elles étaient par le gouvernement, elles ont donné des preuves de leur bonne volonté, de leurs efforts ; l'élan était général ; le défrichement faisait de rapides progrès ; il promettait au cultivateur et au propriétaire foncier une récolte plus abondante, une valeur intrinsèque et vénale plus élevée de terres restées jusque-là pour ainsi dire improductives, il promettait au trésor public une nouvelle source de revenu.
Hélas ! messieurs, le vote de 1851 ne va-t-il pas faire évanouir ces belles espérances ?
Les Ardennes ne vont-elles pas retomber pour longtemps encore dans leur impuissance ? Déjà, messieurs, l'emploi de la chaux s'est vu considérablement réduit en 1854.
Je passe donc sous silence un état de choses que tout le monde connaît.
Et que l'on ne dise point, messieurs, que mes paroles sont empreintes d'exagération ; le conseil provincial du Luxembourg, dans sa dernière session n'a-t-il point partagé l'alarme des habitants de la province ? Voyez plutôt, lisez le bulletin des séances de cette assemblée, et notamment le compte rendu de la séance du 11 juillet dernier, pages 112 et suivantes, et vous resterez convaincu que je ne me rends que l'écho fidèle des sentiments éprouvés dans cette province, de la vive préoccupation qu'y a suscitée le vote émis par la Chambre, l'année dernière.
Je me borne donc pour le moment, messieurs, à prier M. le ministre de l'intérieur de bien vouloir faire connaître à la Chambre si et comment le gouvernement a répondu à la prière que lui a adressée le conseil provincial du Luxembourg, d'intervenir auprès des Chambres, afin que le crédit de 75,000 fr., pour distribution de chaux à prix réduit, soit rétabli au budget de l'intérieur.
(page 510) M. de Moor. - Messieurs, quoiqu'un amendement ayant le même objet que celui que j'ai présenté, ait été écarté l'année dernière, je crois devoir demander que la Chambre vote une allocation destinée à continuer aux parties ardennaiscs des provinces de Namur, Liège et Luxembourg, la distribution de la chaux à prix réduit, et vous présenter quelques considérations en faveur de la mesure que je réclame. J'appellerai d'abord votre attention, messieurs, sur les réclamations unanimes des comices agricoles et sur le vœu si formel que le conseil provincial du Luxembourg a de nouveau émis dans sa dernière session.
Les réclamations ne partent pas seulement des personnes que vous pourriez croire intéressées : la moitié de la province n'a jamais profité de ce subside, mais toutes ces autorités ont pu apprécier l'utilité et l'importance de ce faible encouragement et se sont associées aux instances qui partent plus spécialement des Ardennes, pour le faire maintenir. Il est, du reste, assez inexplicable que l'on accorde des subsides, des primes à d'autres localités et que l'on se montre économe jusqu'à l'injustice vis-à-vis du Luxembourg.
L'on a refusé le crédit l'année dernière parce que. disait-on, l'expérience était complète, parce que les avantages de l'emploi de la chaux étaient suffisamment appréciés par les cultivateurs de l'Ardenne et que l'Etat pouvait, dès lors, retirer son intervention. Sans doute personne aujourd'hui ni dans le Luxembourg, ni dans les autres provinces, ne méconnaît l'efficacité de ce puissant amendement ; mais une chose dont on n'a pas assez tenu de compte, c'est que les ressources de nos petits cultivateurs sont très restreinlcs et qu'avec la meilleure volonté du monde, il ne leur est pas possible d'employer, autant qu'il le faudrait, une matière que le transport par axe, à de grandes distances, fait monter à des prix exorbitants. Que les grands propriétaires puissent le faire, cela est incontestable, et ils le font malgré le retrait du subside.
Ce n'est pas pour eux que je demande le moindre encouragement, c'est pour les petits cultivateurs seuls, qui, dans l'Ardenne, possèdent la presque totalité du sol cultivé.
Depuis un an, la distribution de la chaux à prix réduit a cessé, et voici ce qui en est résulté : c'est qu'à la fin de 1854, les fours à chaux de Tellin, Beauraing, des Limites,Warreille, et en général tous ceux où nos cultivateurs ont l’habitude de s'approvisionner, ont débité un bon tiers en moins : les grands et riches propriétaires, je viens de le dire, n'ont pas restreint leurs acquisitions de chaux ; pour les petits cultivateurs, l'emploi de cet amendement a donc considérablement diminué, et pourtant, messieurs, on ne saurait prétendre que les besoins aient diminué dans une telle proportion.
C'est une chose assurément regrettable que de voir s'arrêter si brusquement l'essor imprimé à l'agriculture ardennaise depuis quelques années, regrettable surtout dans un moment où les populations belges ont tant à souffrir de l'insuffisance des récoltes. Elle ne l'est pas moins au point de vue des perturbations qu'elle jettera dans les intérêts (page 511) privés et ici, messieurs, se présente une question de bonne foi à laquelle je vous prie d'accorder votre attention. Quand le premier crédit pour distribuer la chaux à prix réduit a été alloué, il a été le corollaire de la loi sur le défrichement.
Vous avez voulu, messieurs, rendre les moyens de défricher accessibles à nos cultivateurs les moins aisés.
C'est grâce à cette mesure que le gouvernement est parvenu à décider la plupart de nos communes à partager, à titre onéreux, des étendues considérables de terres incultes et, c'est grâce à la sorte de prime qui leur était promise que partout les habitants ont accepté l'obligation de défricher, dans un délai fixé, leur portion de bruyère ; obligation sanctionnée par une clause pénale qui, dans presque tous les cahiers des charges, outre la déchéance et la perte des sommes payées, stipulent des dommages et intérêts.
En souscrivant cette obligation, chacun a compté que les encouragements du gouvernement seraient continués au moins jusqu'à l'expiration du délai endéans lequel le défrichement devrait être opéré, ou jusqu'à l'époque où le chemin de fer, diminuant le prix de transport, remplacerait le sacrifice que s'impose le gouvernement.
Pour le plus grand nombre, le moment approche où il faudra justifier de la mise en culture des terrains reçus en partage. Il est certain qu'en suite du retrait du subside de la chaux à prix réduit, bien des déchéances devront être prononcées, parce qu'on n'aura pas pu remplir des engagements contractés en vue du maintien de ce subside.
Il me semble, messieurs, que le gouvernement et la législature doivent éviter aux populations de semblables mécomptes, alors surtout que cela peut être fait en s'imposant de si minimes sacrifices. Persister dans la voie où l'on est entré l'année dernière, c'est rendre désormais impossible le défrichement des bruyères par les habitants et les livrer, plus que jamais, à la spéculation et à l'agiotage, dont, au point de vue du bien-être et de la tranquillité de nos populations rurales, on n'a déjà que trop abusé. Tout ne se réduit donc pas à une question de prime, mais à une question de justice que l'on ne saurait méconnaître.
Avant de terminer, permettez-moi, messieurs, de faire un rapprochement. Dans la Campine, comme pour l'Ardenne, vous avez reconnu la nécessité de venir au secours de l'agriculture. Voyons quelles sommes ont été dépensées, dans ce but, ici et là, et quels résultats ont été obtenus.
Les irrigations dans la Campine avaient occasionné jusqu'en 1854, une dépense de 642,416 fr.73. A déduire les sommes remboursées s'étevant à 118,056 fr. 08. Dépense réelle 524,380 fr. 65 c.
L'étendue totale des bruyères converties en prairies, moyennant cette dépense, est de 1,713 hectares.
La distribution de la chaux à prix réduit dans les provinces de Luxembourg, de Liège et de Namur a occasionné une dépense de 278,309 fr. 25. Dans la province de Luxembourg seule, au 31 décembre 1853, on avait autorisé le partage, la location, la vente ou le reboisement d'environ 9,500 hectares ; à cette date on avait mis en culture savoir :
En terres arables 5,519 hect. 51 ares 76 cent.
En prairies 95 hect. 59 ares 22 cent.
En bâtisses 4 hect. 25 ares 74 cent.
En bois 1,735 hect. 12 ares 98 cent.
Soit au total 5,174 hect. 47 ares et 70 cent.
C'est-à-dire, messieurs, que l'Etat a dépensé plus de 500,000 fr. pour obtenir la mise en valeur de 1,713 hectares de terres incultes en Campine, tandis qu'avec une dépense de moins de moitié on a obtenu, dans le Luxembourg, la mise en culture de 5,174 hectares ! le triple ! Et quand on veut continuer les encouragements, ici on les retirerait !
Vous serez plus logiques, messieurs, et plus équitables ; vous vous rappellerez d'ailleurs que le crédit que je sollicite grèvera pour peu de temps le budget de l'Etat : l'achèvement du chemin de fer devant le faire disparaître définitivement.
M. Vander Donckt. - Messieurs, j'ai demandé la parole pour répondre quelques mots à l'honorable M. de Renesse au sujet de l'inoculation de la plcuropneumonie exsudative.
L'inventeur de ce moyen prophylactique se monte bien pressé de jouir des avantages de son invention ; c'est rationnel ; mais rien jusqu'ici n'en a prouvé l'efficacité. Je ne veux pas contester l'utilité de ce moyen, réellement il est efficace, mais, messieurs, vous comprendrez que toute discussion à cet égard serait en ce moment prématurée et qu'il faut laisser au gouvernement le temps de faire faire des expériences. Ce n'est que quand ces expériences auront donné de bons résultats, quand elles auront donné l'assurance que le moyen peut être employé avec efficacité ; c'est alors seulement que le gouvernement pourra intervenir. Il y a eu à ce sujet une discussion à l'Académie de médecine, qui renferme les hommes les plus compétents, sous le rapport de l'art vétérinaire comme sous le rapport de l'art médical.
Eh bien, messieurs, voici ce qui a été dit :
(L'orateur donne lecture de ce passage.)
Ainsi, messieurs, les hommes de l'art ne sont pas d'accord sur l'efficacité du remède. C'est un essai à faire et plaise à Dieu qu'il réussisse. Mais jusqu'à ce qu'il ait réussi, il faut laisser au gouvernement le temps de mûrir la question, de faire faire des expériences. C'est seulement lorsque la commission instituée aura fait un rapport favorable ou défavorable sur cet objet, lorsque l'Académie de médecine qui renferme, je le répète, l'élite des hommes de l'art vétérinaire, aura statué, c'est alors seulement que la Chambre pourra s'occuper de cette question.
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Messieurs, je désire ajouter quelques mots aux observations qui viennent d'être présentées par l'honorable M. Vander Donckt ; dans l'intention de répondre surtout au reproche que l'honorable M. de Renesse a adressé au gouvernement. Le gouvernement ne mérite pas ce reproche ; ni lui, ni ses agents ne sont hostiles aux progrès de la découverte de M. le docteur Willems, ni indifférents à la constatation des faits qu'il s'agit de vérifier. Indépendamment de l'Académie royale de médecine dont on vient de vous faire connaître l'opinion, le gouvernement a institué une commission spéciale à l'effet de recueillir les faits propres à établir l'efficacité du procédé de M. Willems. Ce n'est pas à la légère qu'on peut se prononcer sur la valeur d'une découvcrle aussi importante ; il faut qu'une longue expérience vienne confirmer les faits isolés, et, à cet égard, les essais ne sont pas encore complets. La commission spéciale n'est pas restée inactive : au mois de février 1853, elle a adressé au gouvernement deux rapports, se terminant l'un et l'autre par cette conclusion : que beaucoup de faits favorables avaient été observés, que d'autres faits étaient contraires au résultat annoncé, et qu'une expérience beaucoup plus longue était nécessaire pour qu'elle pût se prononcer en parfaite connaissance de cause.
Depuis le mois de février, la commission, invitée à poursuivre ses travaux avec toute la maturité et toute la rapidité désirables, a continué ses essais. Mais heureusement pour le pays, la maladie qu'il s'agit d'observer sévit moins depuis un certain temps ; la commission a dès lors été forcément obligée de ralentir ses travaux. Cependant elle a continué à observer tous les faits qui ont été signalés, et dans un rapport qu'elle vient d'adresser au gouvernement et qui sera livré à l'impression, la commission rend compte de ce qu'elle a fait depuis le mois de février 1853 ; voici les conclusions de ce rapport :
« 1° Que si l'inoculation semble, dans certains cas, avoir imprimé l'immunité, il en est d'autres où elle a été impuissante à prévenir le développement de la pleuropneumonie exsudative. Ces contrastes, et ils ne sont pas peu nombreux, observés tant à l'étranger qu'en Belgique, ne sauraient jusqu'à présent convaincre la commission, que l'inoculation prémunit la bête bovine contre la maladie pneumonique, d'une manière absolue ou temporaire.
« 2° Que le liquide extrait d'un poumon malade, inoculé à un animal de l'espèce bovine, ne se distingue, dans ses effets consécutifs, par aucun caractère spécifique, de ceux que produisent d'autres matières organiques placées dans les mêmes conditions. »
Voilà, messieurs, quelle est la double conclusion à laquelle la commission s'arrête ; quant aux faits qu'elle a observés et aux conséquences qu'elle en tire, la Chambre pourra les apprécier dans le rapport, quand il sera imprimé.
La commission n'est donc pas restée au-dessous de si tâche ; le gouvernement n'est pas indifférent aux résultats de la découverte du docteur Willems, mais il attend, avant de se prononcer, que les résultats espérés de la découverte de M. le docteur Willems soient confirmes par une expérience irrécusable.
Quant aux réclamations qui avaient été adressées au gouvernement par le docteur Willems, celui-ci a été informé de la marche suivie par la commission, des résultats obtenus et de l'époque probable où un nouveau rapport viendrait apprendre ce qu'il faut conclure des faits observés jusqu'à présent. Le gouvernement hâtera autant que possible l'achèvement des expériences, et il doit se borner à faire des vœus pour que le succès vienne couronner les efforts de M. le docteur Willems. Il stimulera, du reste, autant que possible, le zèle de la commission spéciale.
M. Coomans. - Je regrette d'avoir à relever une grosse erreur, dans le discours de l'honorable M. de Moor, je le regrette parce qu'elle se trouve mêlée à des considérations auxquelles j'adhère. Faisant un parallèle entre la Campine et les Ardennes, l'honorable M. de Moor a dit que le gouvernement avait dépensé 500 mille francs pour défricher 1,700 hectares dans la Campine, taudis qu'il n'avait dépensé que 250 mille francs environ pour défricher ou aider à défricher cinq mille hectares dans les Ardennes.
C'est bien là, d'après le signe d'assentiment que me fait l'honorable membre, ce qu'il a dit à la Chambre. Je lui répondrai en disant que l'Etat n'a pas dépensé un centime pour défricher les 1,700 hectares de la Campine, pas un centime, dis-je, ce qui est fort loin de 500 mille francs.
Est-il besoin de rappeler comment les choses se sont passées en Campine ? L'Etat a acquis des bruyères, les a défrichées pour son compte (page 512) et les a revendues sans perte aucune. Il a porté au compte des acquéreurs nouveaux toutes les dépenses faites qui lui ont été restituées à titre d'avance.
J'affirme que les choses se sont passées ainsi. (Interruption.)
L'honorable membre dit qu'il a puisé ses renseignements dans les documents parlementaires. Ceux que je viens de communiquer à la Chambre s'y trouvent également.
Je ne suis pas hostile au système de la distribution de ia chaux à prix réduit dans le Luxembourg. J'ai voté l'allocation pour cet objet une fois ou deux, mais je pense que le moment est venu de nous arrêter dans la voie des subsides, dans le système d'intervention directe de l'Etat en matière de progrès agricole, industriel et commercial. Je suis prêt à commencer la réforme par l'arrondissement que je représcnte ; dès lors j'ai le droit ne ne pas voter pour l'amendement qu'a déposé l'honorable M. de Moor et qu'a appuyé l'honorable M. Lambin.
M. de Theux. - Je viens appuyer les observations présentées par l'honorable M. de Renesse au sujet du procédé du docteur Willems. Il y a déjà un grand nombre d'années que ce procédé a été inventé au siège principal de la maladie, c'est-à-dire dans la ville de Hasselt, là où la distillation se pratique sur une grande échelle et où l'engraissage des boeufs est aussi le plus commun.
Pendant plusieurs années, cette ville avait éprouvé des pertes énormes par la plcuropneumonie. Eh bien, depuis l'invention de ce procédé, ces pertes ont diminué dans une progression étonnante ; et ce qui prouve la confiance des distillateurs, c'est que presque tous continuent à pratiquer le procédé du docteur Willems. C'est là un témoignage d'une très haute valeur.
Ce procédé a encore été appliqué dans beaucoup d'autres endroits de la Belgique. Il est aussi mis à l'essai dans la plupart des pays où cette maladie règne et partout se manifestent des opinions favorables à ce procédé.
Toutefois, messieurs, il ne nous appartient pas de décider une question scientifique médicale. Mais le peu d'observations que je présente à la Chambre ont pour but de détruire l'effet fâcheux qui pourrait résulter du silence de la Chambre sur ce procédé curatif, alors que l'on voit des résultats aussi considérables que ceux qui ont été obtenus à Hasselt et qui ont été constatés dans un ouvrage très important publié par un médecin qui est aujourd'hui directeur de l'école vétérinaire et qui jouit de la confiance du gouvernement ; pour moi, j'engage M. le ministre de l'intérieur à compléter la commission et à y faire entrer de nouveaux éléments pour qu'il y ait une discussion plus contradictoire et que l'on arrive finalement à connaître la vérité sur ce procédé.
Nous savons tous, messieurs, que les inventions nouvelles ont toujours beaucoup de peine à se faire jour, et il en est surtout ainsi dans les découvertes qui concernent l'art médical.
M. de Renesse. - Messieurs, je n'ai demandé la parole que pour répondre quelques mots à l'honorable M. Vander Donckt, qui a prétendu que l'efficacité du procédé de M. Willems est encore loin d'être prouvée. Si l'honorable collègue avait pris connaissance comme moi de l'intéressant rapport de la commission française, il aurait pu voir que cette commission s'exprime ainsi :
« L'inoculation du liquide extrait des poumons d'un animal malade de la pleuropneumonie, possède une vertu préservative ; elle investit l'organisme du plus grand nombre des animaux auxquels on la pratique d'une immunité qui les protège contre la contagion de cette maladie pendant un temps encore indéterminé. »
Ce qui reste à déterminer, c'est de rechercher si cette immunité constatée reste acquise pour toute la vie de l'animal ou si elle ne l'est que pour un temps limité. Si cette immunité n'était acquise même que pour quelques mois, il y aurait déjà un grand intérêt pour l'industrie agricole, surtout pour le bétail à l'engrais, car nous savons tous qu'il faut cinq à six mois pour l'engraissement des bêtes à cornes ; après elles sont livrées à la consommation et leur vie se termine par le tranchant du couteau.
Je crois aussi devoir répondre à l'honorable ministre de l'intérieur que si la commission a fait de nouveaux essais depuis son rapport de février 1853, ces essais ont été si secrets que l'on n'en a rien appris ; ce n'est pas ainsi que l'on a agi dans d'autres pays, entre autres en Hollande, où le gouvernement suit avec soin les essais de l'inoculation de la pleuropneumonie, à un tel point qu'il vient d'envoyer en Frise, où cette maladie a fait de si grands ravages, un professeur vétérinaire, pour y enseigner la méthode de M. le docteur Willems.
Puisque l'on a contesté l'efficacité de l'inoculation, je citerai à la Chambre une partie d'un article qui vient de paraître dans un journal de la ville de Hasselt, où autrefois la pleuropneumonie a fait subir de si grandes pertes, avant que l'honorable docteur Willems y ait fait les essais de son procédé ; cet article est ainsi conçu :
« A nous aussi, il appartient de fournir quelques renseignements précieux à MM. les commissaires et au public agricole, concernant l'inoculation préventive et de lui annoncer avec une certaine satisfaction que depuis 1851 jusqu'à ce jour plus de 8,000 bêtes bovines ont reçu l'application du virus pneumonique dans la seule ville de Hasselt, que l'industrie principale de cette ville a pris un immense accroissement depuis la disparition presque complète de la pleuropneumonie des étables de MM. les distillateurs, et que ceux-là mêmes qui dans le principe étaient le plus opposés à la nouvelle méthode, comme MM. Smeets, frères, etc., en sont devenus aujourd'hui des partisans chaleureux. Voici encore un fait tout récent qui prouvera aux plus aveuglés l'efficacité incontestable de l'inoculation comme moyen prophylactique. L'un des distillateurs les plus éminents de la ville, M. L. Vanvinckeroye, avait fait placer à dessein 15 bêtes bovines non inoculées dans des diables renfermant en même temps 150 sujets qui avaient subi l'inoculation ; ces derniers animaux sont restés parfaitement sains, tandis que, depuis le 3 jusqu'au 16 janvier dernier, quatre des 15 premiers ont été atteints de la pleuropneumonie ; deux d'entre eux ont été autopsiés en présence des vétérinaires du gouvernement. »
Avant de terminer, je crois de nouveau devoir témoigner mes regrets de ce que le gouvernement ait montré si peu d'activité pour faire constater l'efficacité de ce moyen prophylactique, et que l'on n'ait pas donné suite à plusieurs demandes de M. Willems, de faire des essais contradictoires ; il avait le plus grand intérêt à voir par lui-même si l’on suivait ses indications, à les vérifier.
Il est du plus haut intérêt pour l'agriculture que l'on parvienne ; le plus tôt à constater l'efficacité de ce moyen de préserver les bêtes bovines de la cruelle épizootie qui, chaque année, a porté une si forte atteinte à la fortune des cultivateurs, distillateurs et éleveurs ; même le trésor de l'Etat y est aussi intéressé directement, puisque chaque année des sommes assez importantes sont payées pour les indemnités des bestiaux abattus ; c'est donc au gouvernement à suivre l'exemple que lui donnent ceux d'autres pays, et à employer les moyens les plus actifs pour parfaire l'enquête ; et comme il paraît que le président de cette commission a donné sa démission, il faudrait le remplacer ou nommer une autre commission.
M. Vander Donckt. - J'ai demandé la parole pour rectifier un fait.
L'honorable comte de Renesse dit, que de mon autorité j'ai prétendu que rien ne prouvait encore l'efficacité de ce remède. J'aurais peut-être pu parler de mon autorité, mais n'appartenant pas à l'art vétérinaire, je me suis borné à vous désigner l'autorité de l'Académie de médecine qui, comme j'ai eu l'honneur de vous le dire, renferme les hommes d'élite, les hommes les plus compétents dans l'art vétérinaire, et c'est de cette autorité que j'ai conclu.
M. Visart. - Elle n'a pas eu de mission.
M. Vander Donckt. - Les paroles suivantes ont été prononcées dans le sein de l'Académie : « Il n'est pas prouvé jusqu'ici que la matière fournie par les poumons des animaux atteints de la pleuropneumonie dite exsudative, est pourvue d'une propriété spécifique, en vertu de laquelle son inoculation aux animaux sains les met à l'abri des attaques de cette maladie. »
Voilà ce que j'ai dit et ce que je soutiens. Je le soutiens d'autant plus, que sur les principes généraux de médecine et de médecine vétérinaire, cette assertion est plus que probable et que jusqu'ici rien ne prouve l'efficacité de ce moyen prophylactique. Il faut tout attendre du temps et de l'expérience et, pour ma part, je suis parfaitement d'accord avec le gouvernement. Je dis que le ministre a procédé avec une sage lenteur, avec une sage réserve, qu'il doit continuer à y aller avec prudence et ne pas précipiter les avis, qu'il ne faut encore une fois pas accorder des faveurs sur des éventualités. Il faut avant tout que l'expérience soit venue donner aux hommes compétents, aux hommes de l'art, la conviction que ce moyen prophylactique est efficace ; c'est alors seulement que l'Etat pourra intervenir.
M. Visart. - Messieurs, l'honorable M. Vander Donckt argumente comme s'il n'y avait pas de précédents. Il semble oublier que d'autres gouvernements qui, naturellement, n'eussent pas dû nous devancer, ont déjà fait faire des épreuves dont les résultats ont été proclamés favorables ; c'est ce qui a eu lieu en Hollande, en Prusse, en France, en Italie ; les rapports officiels faits à ces gouvernements constatent que la maladie a fléchi ou disparu, quand on a employé avec intelligence l'inoculation appliquée primitivement par le docteur Willems.
En présence de ces faits considérables, il me semble que l'opinion de l'Académie de médecine s'amoindrit, non pas que je ne reconnaisse, avec l'opinion générale, la science de ce corps, mais parce qu'il n'a reçu aucune mission spéciale, et que, dès lors, en face d'une question encore controversée, il a dû facilement adopter une de ces mesures qui équivalent à une récusation.
En effet, messieurs, je ne vois dans la citation répétée par l'honorable M. Vander Donckt, qu'une simple décision de l'Académie concernant la proposition de l'un de ses membres ; décision dont le but, tel qu'il m'apparaît, a été surtout de se soustraire à la solution d'une question compliquée et dont elle n'était point saisie officiellement.
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Messieurs, on aurait tort de croire que la question est beaucoup plus avancée à l’étranger qu'elle ne l'est en Belgique. J'ai fait recueillir des renseignements sur les opinions exprimées par les corps officiels étrangers qui ont été consultés, et voici en quels termes ces opinions ont été résumées :
« Dans tous les autres pays où l'on s'est occupé de l'inoculation, la conclusion des essais a été que pour connaître la valeur réelle et certaine de l'inoculation, il faut un plus grand nombre de faits que ceux qu'on a observés jusqu'ici ... »
Voilà, messieurs, à côté de beaucoup d'opinions individuelles favorables, quel a été le résultat des enquêtes qui ont été faites dans les pays voisins sur les avantages de la méthode indiquée par le docteur Willems.
(page 513) Ainsi, vous voyez qu'à l'étranger, comme chez nous, on est obligé d'attendre que des expériences plus complètes soient venues apporter leur valeur aux essais qui ont été faits jusqu'à présent. Il ne s'ensuit nullement que le procédé Willems ne soit pas appelé à produire d'excellents résultats. Nous espérons qu'il répondra à l'attente de son auteur, mais avant de recommander ce procédé au public, il faut que des faits certains en aient constaté l'efficacité.
M. Rousselle, rapporteur. - Les honorables MM. Lambin et de Moor viennent de reproduire une proposition que la Chambre a rejetée l'année dernière après une double épreuve. Je trouve assez extraordinaire que, lorsque la Chambre a décidé l'année dernière que s'il y avait lieu de discuter de nouveau la question de la distribution de la chaux à prix réduit, cela devait faire l'objet d'une loi spéciale, on vienne présenter maintenant un amendement à introduire dans le budget annal.
Je ne me propose pas de combattre maintenant la proposition, mais je demande qu'elle soit renvoyée à la section centrale du budget de l'intérieur, qui pourra examiner les nouveaux faits produits à l'appui de la mesure.
Il y a dans les allégations de M. de Moor quelques points qui m'ont touché. Ainsi j'ai cru entendre qu'il y aurait des conventions fondées sur cette distribution. S'il y a des conventions, quant à moi, je désire qu'elles soient respectées, mais il faut examiner si ces conventions existent réellement, et quelle en est la portée.
Je demande donc le renvoi de la proposition à la section centrale.
- La Chambre décide qu'elle s'occupera d'abord de la proposition de M.de Moor.
Le renvoi à la section centrale proposé par M. Rousselle est mis aux voix ; il n'est pas adopté.
La proposition de M. de Moor est ensuite mise aux voix ; elle n'est pas adoptée.
« Art. 50. Indemnités pour bestiaux abattus : fr. 150,000. »
- Adopté.
« Art. 51. Service vétérinaire : fr. 50,000. »
- Adopté.
« Art. 52. Traitement et indemnités du personnel du haras ; fr. 36,000. »
- Adopté.
« Art. 53. Traitements de disponibilité : fr. 2,500. »
- Adopté.
« Art. 54. Matériel du haras de l'Etat et achat d'étalons : fr. 102,000. »
- Adopté.
« Art. 55. Amélioration de la race chevaline indigène ; primes aux étalons de gros trait ; exécution des règlements provinciaux sur la matière ; exécution des règlements provinciaux pour l'amélioration de la race bovine ; amélioration des espèces bovine, ovine et porcine : fr. 105,500. »
M. Osy. - Messieurs, je ne m'oppose pas aux dépenses proposées par le gouvernement pour ces quatre objets ; mais, messieurs, la section centrtale nous apprend qu'un marché a été conclu pour un local destiné au haras et elle a fait à cet égard une réserve sur laquelle je prierai M. le ministre de vouloir s'expliquer.
La section centrale a demandé qu'on ne remboursât aucune dépense que le propriétaire pourrait faire, à moins que la Chambre n'ait donné son assentiment, sans cela, messieurs, on pourrait nous entraîner à des dépenses considérables. Je demande que M. le ministre prenne à cet égard rengagement dont a parlé la section centrale.
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Messieurs, je me proposais précisément de soumettre à la Chambre une observation relative à cet objet. Le gouvernement a dû faire un arrangement avec le propriétaire de l'ancienne abbaye de Gembloux pour y transporter le haras. La Chambre sait parfaitement par suite de quelles circonstances cette translation est devenue indispensable.
D'après cet arrangement, le gouvernement aura des changements à faire aux constructions, et à compléter les bâtiments destinés à renfermer le matériel du haras ; il s'est réservé la faculté de faire exécuter ces constructions pour le compte de l'Etat, ou bien par le propriétaire en remboursant à celui-ci par annuités les fonds qu'il devrait y consacrer. Le bail est fait pour 27 ans, mais le gouvernement pourrait se retirer après 6, 12 ou 18 ans, et renoncer même entièrement à la convention, si les Chambres venaient à refuser les fonds demandés pour l'entretien du haras.
Le gouvernement a cru qu'il était préférable de faire exécuter les constructions pour le compte de l'Etat, parce qu'il peut faire face à cette dépense sans grever le budget d'une nouvelle charge. D'après les réformes introduites dans le haras, l'article qui figure au budget de 1854 pour le matériel, laissera un excédant de 50,000 fr. environ. A la rigueur, le gouvernement aurait pu disposer de ces fonds pour faire exécuter les constructions dont il s'agit ; mais pour prévenir les critiques qui se sont fait jour à l'occasion des constructions de l'école vétérinaire, ii m'a paru préférable d'obtenir l'assentiment de la Chambre à l'emploi des fonds que je viens d'indiquer.
D'abord, il ne s'agit pas d'imposer à l'Etat une charge nouvelle ; en second lieu, quand le gouvernement viendra, après les 27 ans ou à une époque plus rapprochée, à quitter le local, il s'est réservé le droit de se faire rembourser la valeur des matériaux qui auraient été employés aux constructions dont il s'agit. La mesure proposée aura enfin cet avantage, que les constructions pourront être exécutées dans un temps rapproché. Il suffirait, si la Chambre partageait cette manière de voir, d'inscrire dans le budget de 1855, colonne des observations, en regard de l'article 52, la mention suivante :
« Le gouvernement est autorisé à imputer sur l'article 52 du budget du département de l'intérieur, pour l'exercice 1854, et jusqu'à concurrence d'une somme de 50,000 francs les dépenses nécessaires à l'appropriation des nouveaux locaux du haras. »
J'ai l'honneur de proposer cet amendement à la Chambre. Il y a de nombreux précédents de semblables mesures, notamment dans le budget du département des travaux publics.
M. Rousselle, rapporteur. - Messieurs, je pense que la proposition que vient de déposer l'honorable ministre de l'intérieur est diamétralement contraire aux bonnes règles de la comptabilité. D'après la loi sur la comptabilité, il n'est plus possible de prendre aucun engagement sur le budget de 1854. Autant que je me souvienne des délibérations de la section centrale, la proposition que l'honorable ministre fait de prendre à la charge de l'Etat l'exécution des constructions, et non d'en charger le bailleur sauf remboursement, est conforme aux opinions qui ont été manifestées dans le sein de la section centrale ; mais je crois que M. le ministre, pour respecter la loi et les bonnes règles de la comptabilité, doit proposer un projet de loi spécial ; de cette manière, les vrais principes seront observés, on verra le montant total de la dépense, et la Chambre votera, s'il y a lieu, les crédits nécessaires. Quant à la somme qui est disponible sur l'exercice 1854, elle tombe en boni dans le trésor.
M. Osy. - Messieurs, je partage entièrement l'opinion de l'honorable rapporteur ; la marche qu'indique M. le ministre de l'intérieur est irrégulière ; nous votons le budget de 1855, et on propose d'y stipuler que des sommes disponibles au budget de 1854 pourront être employées pour tel objet ! Cela ne peut pas se faire.
Que M. le ministre nous propose une loi spéciale pour demander le transfert ; à cette occasion, on examinera à fond le traité qui a été fait avec le propriétaire de Gembloux ; tous les membres de la Chambre pourront ainsi s'assurer si ce traité est réellement avantageux.
J'engage donc M. le ministre de l'intérieur à retirer son amendement et à nous proposer une loi spéciale.
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Messieurs, il est assez indifférent au gouvernement que les fonds soient obtenus en une forme ou en une autre. S'il n'a pas proposé de loi spéciale dès à présent, c'est que ces fonds existent ; à la rigueur, il aurait pu consacrer aux constructions dont il s'agit la partie du crédit encore disponible à l'article concernant le matériel du haras dans le budget de 1854 ; s'il a recours, à la législature, pour qu'elle consacre l'affectalion des fonds aux constructions projetées, c'est pour éviter le retour des discussions provoquées par les constructions de l'école vétérinaire.
Si la Chambre croit que le mode proposé est contraire en quoi que ce soit aux règles de la comptabilité, rien de plus simple que de présenter un projet de loi sur lequel on s'entendra facilement, mais il y aura un peu de retard.
M. de Naeyer, rapporteur. - J'avais demandé la parole, mars M. le ministre ne persistant pas dans sa proposition, il devient inutile d'insister.
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - D'après les observations qui ont été présentées, je retire ma proposition.
- L'article 55 est mis aux voix et adopté.
« Art. 56 nouveau (54 ancien). Conseil supérieur et commissions provinciales d'agriculture ; concours et expositions ; subsides et encouragements aux sociétés et aux comices agricoles : achats de graines et d'instruments aratoires nouveaux à distribuer par l'entremise des commissions d'agriculture et des comices agricoles ; bibliothèques rurales ; industrie séricicole ; dépenses diverses : fr. 79,700. »
M. le président. - Je fais remarquer que la section centrale propose un changement de rédaction au libellé, indépendamment d'une réduction de 28,300 francs.
Si M. le ministre n'admettait pas ces changements, il devrait présenter un amendement, la discussion ayant été ouverte sur le projet de la section centrale.
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Je demande le maintien de la rédaction primitive.
La section centrale est dans l'erreur quand elle pense que la distribution par les comices serait préférable. Les comices ne sont pas en rapport direct avec le gouvernement. Ce sont les commissions provinciales d'agriculture qui ont des relations régulières avec le gouvernement et avec lesquelles le gouvernement s'entend pour la distribution des graines.
M. Rousselle, rapporteur. - Le libellé porte : « achat de graines et d'instruments aratoires nouveaux à distribuer par l'entremise des commissions d'agriculture et des comices agricoles » ; le gouvernement se mettrait en rapport avec les commissions d'agriculture qui, elles-mêmes, communiqueraient avec les comices agricoles.
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Il est inutile de dire par l'entremise de fini ces distributions se font, c'est une mesure (page 514) administrative, je ne vois pas pourquoi on multiplierait les écritures en chargeant le gouvernement d'entrer en relations avec les comices agricoles au lieu de centraliser ses rapports avec les commissions d'agriculture.
Je demande la suppression des mots « et des comices agricoles » ; je trouve leur intervention inutile. ; elle s'écarte du but que le gouvernement cherche à atteindre et qui est de simplifier le travail.
M. Mercier. - Je ne puis pas appuyer l'amendement de la section centrale ; il donnerait lieu, selon moi, à des complications et à des difficultés ; il faudrait que les comices et les commissions d'agriculture s'assemblassent pour délibérer sur les distributions à faire, ce serait une assemblée très nombreuse ; sous ce rapport, l'amendement présenterait une grande difficulté d'exéculiou. Je voterai pour la proposition de M. le ministre de l'intérieur.
M. Rousselle, rapporteur. - J’ai demandé la parole pour rectifier ce que vient de dire l'honorable préopinant. Il pense qu'il faut, pour appliquer l'amendement de la section centrale, réunir en assemblée générale, les commissions d'agriculture. Il n'en est rien ; les commissions d'agriculture ne doivent s'assembler que très rarement et pour les grandes affaires. Il y a un bureau qui est chargé de l'expédition des affaires de peu d'importance et de celles qui exigent de la célérité.
M. Dumortier. - Je partage l'avis de l'honorable M. Mercier, qu'il faut admettre le système de M. le ministre de l'intérieur. Si vous autorisez la distribution des instruments agricoles par deux administrations, il pourra arriver que le même cultivateur reçoive des deux mains : d'un côté, la commission d'agriculture, et de l'autre, du comice agricole.
Les comices ne sont pas une institution légale, tandis que les commissions d'agriculture sont instituées par la loi.
M. Orts. - Je demanderai à M. le ministre de l’intérieur un renseignement dont j’ai besoin pour le fixer sur le vote que j’émettrai sur l’amendement proposé par la section centrale. Je demande s’il existe dans toutes les parties du paus des comices agricoles organisés, car s’il n’en existe pas partout, l’adoption de l’amndement de la section centrale aurait pour résultat de priver une partie du pays de l’avantage de recevoir des encouragements pour l’agriculture.
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Il n'y a pas partout des comices agricoles parfaitement organisés avec lesquels le gouvernement puisse entretenir des relations officielles.
Le gouvernement n'indiquait aucun corps par l'intermédiaire duquel la distribution doit se faire, et cela par une bonne raison : c'est que le gouvernement reçoit des demandes d'instrumenls non seulement par les commissions d'agriculture, mais aussi par les sociétés agricoles. Quand une demande lui est adressée par une société, le gouvernement prend l'avis de la commission d'agriculture. Ce qu'il y a de plus sage, c'est de ne mentionner aucun collège par l'intermédiaire duquel la distribution doive se faire et de laisser au gouvernement la faculté de faire les distributions comme il le trouve utile.
Dans la pratique du reste, le gouvernement prend toujours l'avis des commissions d'agriculture. Ainsi, sous ce rapport, aucun abus n'est possible. Les commissions d'agriculture reçoivent-elles une demande des comices ; elles la font parvenir au gouvernement qui statue. Il est donc inutile d'indiquer les corps par l'entremise desquels doit se faire la distribution des graines. Ce qu'il y a de plus simple c'est de conserver le libellé qui n'a donné lieu à aucun abus ; rien ne justifie donc la proposition de la section centrale.
M. Coomans. - Le plus simple serait de supprimer la dépense. Je ne vois pas de néecessité sociale à ce que le gouvernement distribue des graines et des plantes.
Comme l'a dit un honorable membre, puisque, le gouvernement refuse de distribuer de la chaux à prix réduit à ceux qui en ont absolument besoin, pourquoi s'arrogerait-il le droit de distribuer des graines !
L'honorable M. Dumortier se préoccupe du cas où un cultivateur recevrait double ration. Moi, je me préoccupe des cas infiniment plus nombreux où le cultivateur ne reçoit rien du tout.
Ensuite, on ne nous dit pas à quelle somme le gouvernement évalue la dépense d'achat de graines et d'instruments aratoires. Nous ne savons pas quelles conditions doit remplir le cultivateur pour recevoir ces graines.
M. Orts. - Ni quelle espèce de graines il peut recevoir.
M. Coomans. - Ni quelle espèce de graines, comme dit fort bien l'honorable membre qui m interrompt.
Vraiment, l'incident qui vient d'être soulevé démontre assurément les inconvénients de cette intervention par trop minutieuse de l'Etat dans les diverses applications du travail national.
Voyant la Chambre disposée à voter lestement toutes les dépenses portées au projet de budget, je me suis abstenu de présenter des amendements, convaincu qu'ils ne recevraient pas l'accueil que je désirais. Mais je tiens à déclarer, une fois pour toutes, que je n'approuve pas toutes ces sommes votées sans opposition, comme le dit de temps à autre notre honorable président.
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - L'utilité de ces distributions de graines n'a jamais été révoquée en doute...
M. Coomans. - Par ceux qui en reçoivent.
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Elle n'a jamais été révoquée en doute par ceux qui en reçoivent, dit-on. Mais toute personne qui peut en faire un emploi utile et qui en demande, en reçoit, après un examen très bienveillant auquel se livre la commission d'agriculture ou le gouvernement.
Je ne conçois donc pas qu'on puisse révoquer en doute le bienfait de cette mesure que la Chambre a toujours approuvée et que je ne devais pas m'attendre à voir contester puisque personne ne l'a critiquée dans les sections. La graine de lin, des graines fourragères envoyées d'Amérique procurent à l'agriculture des avantages incontestables dont il ne convient pas de la priver.
Si la Chambre veut des renseignements plus complets sur l'emploi de ces graines, sur les sommes qui y sont affectées, je pourrais les lui fournir demain. Mais d'après ce qui s'est passé, je le répète, je ne m'attendais pas à voir contester l'utilité d'une mesure que la Chambre a reconnue à toutes les époques comme l'une des plus utiles à l'agriculture.
M. Rousselle, rapporteur. - La section centrale n'a pas contesté dans son rapport l'utilité de la distribution de graines et d'instruments aratoires. Elle admet le chiffre pétitionné par M. le ministre de l'intérieur. Par le nouveau libellé qu'elle propose, elle a voulu éviter l'instruction complète à laquelle ces demandes donnent lieu aujourd'hui au département de l'intérieur, diminuer la besogne et hâter la réception par ceux qui en ont besoin.
L'addition des mots « comices agricoles » ne paraît pas trouver de crédit dans la Chambre.
Mais l'intention de la section centrale avait été que le ministre de l’intérieur fît la distribution générale des graines et des instruments aratoires aux commissions d'agriculture qui les répartiraient entre les comices agricoles, chargés eux-mêmes d'en faire la distribution entre les particuliers.
Tel a été le but de la section centrale. Comme je m'aperçois qu'il n'a pas été bien compris par la Chambre, j'ai cru devoir donner cette explication.
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Cela ne donne aucun embarras au gouvernement. Il envoie les graines et les instruments aratoires aux commissions d'agriculture. Il est rare que des particuliers s'adressent dans ce but au gouvernement.
Lorsque cela arrive il satisfait à ces demandes, après avoir pris les renseignements nécessaires.
M. de Steenhault. - La cinquième section avait appelé l'attention du gouvernement sur la qualité des graines distribuées par le gouvernement. Dans une note que le gouvernement a produite, il dit : « Cette observation faite ainsi en termes généraux peut difficilement être discutée. » Mais on ne peut présenter en cette matière que des observations en termes généraux ; car on ne veut pas citer des faits particuliers.
Je puis dire, pour en avoir la connaissance personnelle, qu'en a beaucoup à se plaindre des graines qui ont été distribuées. Je pourrais citer des faits pour le peu de graines que j'ai eu l'occasion de demander au gouvernement. Je conçois qu'on distribue des espèce sde graines qui ne sont pas connues ; mais je trouve absurde que l'on distribue des espèces de graines connues dans le pays, que l'on peut se procurer chez les marchands grenetiers.
M. Visart. - Il paraît, messieurs, qu'il s'introduit un peu de confusion dans le débat ; il me semble avoir compris, par exemple, que l'honorable M. Coomans a parlé de la distribution des graines comme si elle constituait une faveur. Il n'en est rien, ce ne sont que des échantillons, que des types, si l'on veut, d'espèces ou de variétés nouvelles ; celui qui les reçoit trouve bien rarement là une source de lucre ; le plus souvent les soins minutieux que ces essais exigent occasionnent des frais relativement considérables, qui les mènent à une solution plus curieuse qu'ulile.
Mais de temps en temps, une essence ou une variété nouvelle se trouve bonne et convient au sol et au climat. Eh bien, si elle remplaçait une espèce inférieure seulement une fois sur cinquante épreuves, cela suffirait pour justifier le libellé du gouvernement : en compensant amplement l'insuccès des graines détériorées, ou mal essuyées, ou de mauvaises espèces.
J'ai vu de mes voisins introduire ainsi dans leurs assolements des essences nouvelles, ou des variétés meilleures que celles qu'ils possédaient, et de voisins à autres cette amélioration se propageait dans le pays : c'est là, selon moi, une source qui donne plus en amélioration que la somme modique qu'elle coûte.
J'ai essayé des graines que j'avais demandées ; j'en ai plus souvent essayé que l'on m'envoyait spontanément, et j'ai été entraîné par là à quelque pérte de temps et à quelques frais sans résultats proportionnels... Cela doit être ainsi, en général, parce que l'on commet des fautes et que les différentes compositions du sol contrarient les végétations qui ne leur sont point appropriées. Mais j'ai aussi obtenu des succès et mes voisins et moi nous avons encore des légumes et des blés ayant cette origine ; ces plantes légumineuses et ces céréales sont souvent d'origine anglaise et se conservent quelquefois bien des années avant de dégénérer.
Je dis donc qu'il y a là, en ce moment, un intérêt agricole et, par conséquent, un intérêt social qui n'est pas sans importance ayant sa (page 515) base dans une émission de numéraire qui doit être très restreinte : il n'y a point là de faveur exceptionnelle par la raison, comme je l'ai dit en commençant, que l'on ne fournit point la graine nécessaire à une surface de quelque importance, mais seulement des échantillons : il m'est arrivé de recevoir des sachets ne contenant que 50 graines ; en quoi cette distribution diffère de celle qui n'a point été continuée concernant la chaux.
M. de Theux. - La somme de 31,000 francs n'est pas exclusivement destinée à l'achat de graines, elle sert aussi à l'achat d'instruments, à la bibliothèque rurale, à l'industrie séricicole et à des dépenses diverses. Je crois que la somme pour l'ensemble de ces encouragements n'est pas excessive.
En ce qui concerne la distribution des graines, comme l'a dit très bien l'honorable préopinant, il ne s'agit que de distribuer quelques graines à titre d'essai. Naturellement, M. le ministre de l'intérieur doit veiller sur l'achat de ces graines qui, la plupart du temps, comme vous l'a dit l'honorable M. de Steenhault, ne sont pas des meilleures. Les personnes qui les essayent n'en obtiennent aucun bon résultat. Mais, comme on l'a encore fait remarquer, il suffit que, parmi cinquante espèces de graines, une ou deux produisent de bons résultats pour qu'il y ait là une source de grands bienfaits pour le pays. On a vu ainsi introduire en Belgique de très bonnes espèces qui s'y sont multipliées et qui donnent aujourd'hui d'excellents résultats.
M. Orts. - Je ne sais pourquoi l'honorable M. Coomans ne persiste pas jusqu'au bout dans l'opposition qu'il a faite au crédit demandé. Car en définitive, d'après tout ce que j'ai entendu, je serais excessivement disposé à ne pas le voter.
Je trouve d'abord que le crédit en lui-même est je ne dirai pas injuste, mais constitue un privilège en faveur d'une industrie. Vous donnez des graines aux cultivateurs, mais je demanderai ce que vous donnez aux industriels ; je demanderai si vous donnez des outils nouveaux aux mineurs qui brisent ceux qu'ils possèdent dans les mines et dans les carrières ; je vous demanderai si vous faites l'achat d'échantillons de produits nouveaux pour donner à nos industriels.
On réclame donc ici une faveur pour une industrie, et je ne vois pas un grand intérêt pour l'Etat à accorder cette faveur, qui peut être, paraît-il, très pernicieuse pour ceux à qui on la réserve.
Les graines distribuées laissent aussi beaucoup à désirer. D'un côté, des hommes spéciaux qui ont essayé des graines du gouvernement, viennent vous dire que les résultats ne sont pas satisfaisants. D'autres disent que l'on distribue, à titre d'échantillons, des graines destinées à reproduire des espèces parfaitement connues et exploitées dans le pays.
D'autres encore viennent vous dire que ces distributions se font d'une manière irrégulière.
La section centrale le comprend si bien qu'elle veut une garantie de plus que celle que l'on a dans la distribution actuelle.
On m'a rapporté un fait beaucoup plus grave, et je prie M. le ministre de l'intérieur, s'il obtient son crédit, de s'entourer de renseignements à cet égard.
On m'a dit que des personnes qui ont reçu du gouvernement des graines à titre d'échantillon, s'en sont servies pour les vendre, à un franc le paquet, aux amateurs de culfures nouvelles.
Si ces faits se passent, je crois que c'est la meilleure démonstration que l’honorable M. Coomans avait raison en disant qu'il ne voterait pas le crédit.
D'un autre côté, remarquez que tous ces crédits, sous forme de subsides, ne sont que des plaisanteries, car si l'on voulait faire quelque chose de sérieux, ce ne seraient pas des sommes aussi minimes, ce serait des sommes dix fois plus considérables qu'il faudrait dépenser. Alors on pourrait obtenir de bons résultats, mais il y aurait à tenir compte des sacrifices que le pays s'imposerait en adoptant ce genre d'encouragement.
Quant à moi, je rejetterai ce subside comme tous les autres de même nature.
M. de Naeyer, rapporteur. - Messieurs, il me paraît d'autant moins utile que le gouvernement continue à faire des distributions de graines ; que nous avons aujourd'hui dans le pays une foule de sociétés qui s'occupent des progrès agricoles et qui sont beaucoup mieux placées que le gouvernement pour savoir les nouvelles espèces de graines qu'il conviendrait d'introduire dans le pays.
Aujourd'hui tout le monde en convient, le gouvernement est souvent malheureux dans ses achats de graines et ce fait est fâcheux parce qu'il augmente la défiance des cultivateurs envers le gouvernement. Comme sur dix distributions qu'il fait, il y en a au moins neuf qui ne valent rien, on en conclut que toutes les mesures proposées par le gouvernement dans l'intérêt de l'agriculture n'ont aucun mérite, et je dis que cette opinion qui se développe dans l'esprit de nos cultivateurs est une chose fâcheuse. Si l'on supprimait du budget ce crédit pour distribution de graines, on porterait en partie remède à ce mal.
Je ferai aussi remarquer que toutes ces petites faveurs qui figurent au budget comme encouragementsà l'agriculture, sont portées en compte à cette industrie, qui en définitive n'en profite guère. Voilà ce qui est généralement reconnu par les personnes qui s'occupent spécialement des intérêts de l'agriculture. Je ne verrais donc aucune difficulté à ce qu'on supprimât tous ces prétendus encouragements, afin de renforcer le crédit pour l'amélioration de la voirie vicinale. Une pareille décision, j'en suis intimement convaincu, serait accueillie avec la plus grande faveur par la très grande majorité des cultivateurs et des amis de l'agriculture.
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Je crois que le moment n'est pas venu de retirer à l'agriculture les encouragements.
M. Coomans. - Elles ne les demande pas.
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Elle les demande, je vais vous le prouver. Je demande la permission de dire encore quelques mots.
L'honorable M. Coomans et l'honorable M. de Naeyer disent que l'agriculture ne demande pas ces encouragements. Je demande, à mon tour, quels sont les organes les plus compétents des intérêts de l'agriculture ? Ce sont évidemment les commissions provinciales qui s'occupent de l'agriculture ; c'est le conseil supérieur d'agriculture ; ce sont les comices agricoles dans lesquels on compte un immense nombre de personnes s'occupant uniquement des intérêts de l'agriculture. Eh bien, tous ces collèges, consultés par le gouvernement, ont émis l'avis que ces encouragements sont de la plus grande utilité.
Libre à vous, messieurs, ou à quelques-uns d'entre vous, de substituer leurs renseignements et leur opinion personnelle à celle d'hommes que je crois les plus compétents dans la matière. Mais il n'en est pas moins vrai que ceux qui s'occupent exclusivement des intérêts agricoles sont d'avis qu'il est utile de continuer ces encouragements, de distribuer, quand l'occasion s'en présente, des graines nouvelles ; et s'il arrive au gouvernement, comme cela arrive aux particuliers, de ne pas être toujours heureux dans les commandes de graines qu'il distribue, je répéterai après un honorable membre, que si, sur dix essais, un seul réussit, c'est déjà un grand bienfait réalisé dans l'intérêt de l'agriculture.
L'honorable M. Orts voit dans ces allocations du budget des privilèges accordés à l'agriculture ; et elle n'a, dit-il, pas plus besoin de privilèges que les mines, par exemple, que les carrières. Messieurs, il y a une très grande différence entre ces industries : les mines, les carrières n'ont pas besoin, que je sache, d'encouragements particuliers elles se suffisent à elles-mêmes ; l'agriculture, au contraire, a eu besoin de tout temps de certains encouragements. On l'encourage en tous pays, et la Belgique ne doit pas rester en arrière, car, plus que d'autres, elle a des motifs de chercher à augmenter sa production. Ainsi, à mon avis, il ne peut pas être question de supprimer quant à présent le subside dont il s'agit. Mais remarquez qu'il ne s'agit pas seulement de distribuer de la graine, il y a aussi des instruments aratoires ; d'autres industries sont encore protégées par le crédit. Vous ne voudrez pas, messieurs, abandonner tous ces intérêts extrêmement importants pour économiser une somme de 31,000 fr.
M. Coomans. - Messieurs, si je n'ai pas formulé tout d'abord un amendement dans le sens des observations que j'ai présentées, ce n'est pas que j'aie eu peur d'essuyer un échec ; n'eussé-je eu avec moi que l'honorable M. Orts, qui a bien voulu m'appuyer, je m'en consolerais aisément ; mais je me suis dit que cet amendement n'aurait pas de chances de succès, et je ne veux pas compliquer davantage la discussion en le présentant.
Maintenant, puisque je vois qu'on insiste, puisque je rencontre plusieurs honorables collègues qui témoignent de la sympathie pour l'amendement que j'ai indiqué, je n'hésite pas à le déposer sur le bureau.
Messieurs, je n'ai pas discuté l'utilité des bonnes graines, je n'ai pas même contesté l’utilité des graines distribuées par le gouvernement et qui ne paraissent pas, cependant, avoir été toujours bonnes ; mais j’ai dit que le gouvernement doit se borner aux services nécessaires, qu’il ne doit pas mettre la main partout où il peut se rendre utile, car alors il n’en finirait pas. Le gouvernement a à faire des choses bien plus utiles que de distribuer de la graine et des instruments aratoires, à moins qu’il ne puisse en distribuer à tous les Belges sans distinction. Mais si le gouvernement veut se rendre utile, qu’il distribue du pain : ce serait bien plus nécessaire que de distribuer de la graine.
Un honorable membre a dit qu'on ne distribue les graines qu'en très petites quantités, et M. le ministre a ajouté qu'on ne les distribue qu'après avoir pris des renseignements minutieux pour savoir si la graine tombera sur un sol fertile.
Eh bien, messieurs, peut-on faire descendre le gouvernement à des bagatelles de ce genre ? Un Belge vient demander quelques onces de graine, et voilà l'Etat qui se met à ouvrir toute une instruction pour savoir si ces quelques paquets de graine seront utilement employés. Messieurs, ceci est l'excès de la bureaucratie.
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Ce sont les commissions d'agriculture qui donnent ces graines.
M. Coomans. - Ce sont les commissions d'agriculture qui les donnent, et cependant M. le ministre ne veut pas distribuer d'avance une certaine somme d'argent aux commissions d'agriculture, ce qui serait encore plus simple.
Messieurs, des marchands de graines qui savent, par état, discerner les bonnes graines de la graine de niais et qui, dans tous les cas, se (page 516) connaissent mieux en graines que les ministres les plus savants de tous les pays del'univers, des marchands de graines, dis-je, m'ont déclaré qu'ils n'osaient pas introduire de bonnes, d'excellentes graines en Belgique, parce qu'ils ne pouvaient pas les vendre, attendu que le premier venu peut en recevoir gratuitement du gouvernement. Voilà donc le beau progrès réalisé !
Je ne blâme pas le gouvernement, s'il est trompé en fait d'achat de graines comme en fait de bien d'autres choses, mais les négociants qui en font leur affaire particulière ont infiniment plus de chances de ne pas être trompés ; laissons-leur ce soin, et les cultivateurs, intéressés à avoir de bonnes graines, sauront bien où ils pourront en trouver. Quant au gouvernement, il devrait s'abstenir de distribuer de la graine, comme il devrait s'abstenir de distribuer des subsides quels qu'ils soient.
A l'appui de ce que vient de dire mon honorable ami M.de Naeyer, je puis déclarer qu'à tort ou à raison, la graine gouvernementale est profondément discréditée. Je dis à tort ou à raison parce que je n'ai pas eu le temps de faire des expériences sur une grande échelle. J'en ai fait quelques-unes assez restreintes dans mon jardin, et je n'ai pas eu lieu de m'en louer.
Cependant, un honorable négociant d'Anvers qui avait fait venir quelques graines d'Amérique m'en avait donné un peu, que j'ai distribuées à des amis ; au bout de quelques mois, j'ai appris qu'ils n'en avaient pas fait usage, j'en ai demandé le motif et ils m'ont dit qu'ils avaient supposé que c'était de la graine du gouvernement, comme celle que je leur avais envoyée précédemment. (Interruption.)
J'ai les lettres à la disposition de mes honorables collègues. Messieurs, ce n'est pas seulement le budget qui souffre dans ce cas, c'est la dignité du gouvernement, et je prie la Chambre de donner le bon exemple de la suppression de ce crédit.
M. Osy. - Messieurs, comme j'ai eu l'honneur de le dire au commencement de la discussion du budget, je suis très opposéà l'intervention du gouvernement dans les choses que l'industrie privée peut faire. Je ne vois pas pourquoi le gouvernement devrait distribuer de la graine et des instruments aratoires quand il ne peut pas en distribuer à tout le monde. Si le gouvernement recevait d'outre-mer de la graine qui ne serait pas connue dans le pays, et que son consul ou un de ses agents diplomatiques lui aurait envoyée, je concevrais qu'il en fît la distribution ; mais distribuer de la graine que tout le monde connaît, et qu'on peut acheter chez le marchand, voilà ce que je ne conçois pas. Au moins, faudrait-il alors en distribuer à tous les cultivateurs, et c'est ce qu'on ne peut pas faire avec un crédit de 31,000 fr.
Dans le courant de l'année dernière on a importé des Etats-Unis du froment tellement beau que les agriculteurs viennent en demander pour le reproduire. Si le gouvernement distribuait de ce froment à quelques fermiers, ne ferait-il pas tort aux autres ? Il est donc bien plus naturel de laisser ces choses à l'industrie privée, à moins, je le répète, qu'il ne s'agisse de graines qui ne seraient pas connues dans le pays.
Quant aux instruments aratoires, nous avons des expositions ; lorsqu'il y a des instruments nouveaux, les fabricants ne manquent pas de les exposer, nos agriculteurs les achèteront.
Je crois avec l'honorable M. Orts qu'il est temps d'en finir avec toutes ces interventions du gouvernement qui ne peuvent satisfaire que quelques-uns.
J'appuierai l'amendement annoncé par l'honorable M. Coomans ; je voulais en proposer un moi-même.
M. le président. - Voici l'amendement de M. Coomans :
« Je propose de réduire de 12,000 francs le chiffre mentionné au littera C de l'article 56. »
M. Van Overloop. - Messieurs, je n'ai qu'un mot à dire. Je remercie M. le ministre de l'intérieur de la sympathie qu'il professe pour l'agriculture ; malheureusement je dois ajouter que cette sympathie ne provoque pas une profonde reconnaissance de la part de nos cultivateurs. Si le gouvernement veut faire une chose réellement utile à l'agriculture, il y a un moyen fort simple : ce serait de supprimer les dépenses facultatives et de tâcher de diminuer proportionnellement l'impôt foncier. D'un côté, vous avez demandé, il y a peu de semaines, le maintien d'un certain nombre de centimes additionnels sur l'impôt foncier ; de l'autre, vous voulez nous rendre cela sous forme de subsides qui ne produisent rien ou qui produisent peu de chose. Que le gouvernement en soit convaincu, si l'on diminuait l'impôt foncier, on rendrait un immense service à l'agriculture. L'agriculture connaît assez bien ses intérêts pour savoir comment elle doit travailler la terre ; si, d'autre part, le gouvernement diminuait la contribution foncière au lieu de lui demander continuellement de nouveaux sacrifices, le gouvernement ferait preuve envers l'agriculture d'une sympathie efiieace, et l'agriculture lui en serait infiniment reconnaissante.
M. T'Kint de Naeyer. - Je me rallie volontiers à l'amendement de l'honorable M. Coomans. Je suis d'avis qu'une augmentation de subside pour la voirie vicinale, est bien préférable à ces encouragements isolés qui ne produisent le plus souvent aucun résultat.
Je crois donc que la distribution de graines n'est pas un encouragment sérieux pour l'agriculture.
Mais je pense qu'il est nécessaire de supprimer dans le libellé les mots : « Achat et distribution de graines, d'instruments araloires nouveaux », de sorte que le crédit serait uniquement consacré à remplir les engagements pris par le département de l'intérieur en ce qui concerne la bibliothèque rurale et l'industrie séricicole.
M. Coomans. - Dans ma pensée, mon amendement, pour cette année-ci, ne s'applique qu'aux distributions de graines ; toutefois, si on présente un sous-amendement, pour comprendre dans la mesure les instruments aratoires, je le voterai très volontiers.
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Je demande que la Chambre veuille bien différer jusqu'à demain le vote sur l'amendement de l'honorable M. Coomans. Il est essentiel de vérifier dans quelle proportion chacun des articles, encouragés par les 12,000 fr., prend part au crédit ; je crois pouvoir dire, dès à présent, que la part des graines est très faible.
M. Osy. - Messieurs, je complète l'amendement de l'honorable M. Orts, en y ajoutant les instruments aratoires. Maintenant je crois, avec M. le ministre de l'intérieur, qu'il y a loin de remettre à demain le vote sur les chiffres.
M. de Steenhault. - Messieurs, je pense que ce qu'il y aurait de mieux à faire, ce serait de renvoyer l'amendement à la section centrale ; il est impossible de prendre une résolution en ce moment. Si tout le monde paraît être d'accord pour supprimer le crédit concernant la distribution des graines, ou du moins des graines non nouvelles, on n'est pas du tout d'accord, en ce qui concerne les instruments aratoires. Je ne pense pas du tout qu'il faille supprimer la distribution des instruments aratoires. Il y a une immense différence entre ces deux genres d'encouragements. Le gouvernement ne distribue des instruments aratoires que fort rarement ; les instruments dont il fait la distribution ne sont pas connus ; j'avais demandé qu'on continuât la distribution des graines nouvelles ; je fais la même demande, en ce qui concerne les instruments aratoires. Si vous supprimez cet encouragement, l'agriculture y perdra. Il y a une foule d'instruments qui ne sont pas connus. L'établissement de Haine-St-Pierre est là, dira-t-on, mais pour les chercher là, il faut les connaître.
Je demande donc qu'on veuille admettre l'amendement de l'honorable M. Coomans, tel qu'il avait été primitivement formulé, c'est-à-dire qu'on supprime la distribution des graines qui sont connues ; c'est un encouragement qui n'est pas sérieux ; mais tout le reste doit être conservé.
M. Verhaegen. - Messieurs, il me semble qu'on peut dès à présent voter sur le principe : « Votera-t-on une somme pour les graines et les instruments aratoires ? » Si on dit oui, le chiffre reste ; si on dit non, on réglera l'application du principe. La discussion nous a suffisamment éclairés ; moi qui repousse le crédit tant pour les graines que pour les instruments aratoires, je ne serai pas plus instruit sur la question demain que je ne le suis aujourd'hui.
M. Mercier. - Messieurs, la section centrale a approuvé le crédit sur lequel roule la discussion, et, par conséquent, le gouvernement n'a pas été mis à même de nous donner tous les renseignements qui peuvent nous éclairer.
Quant à moi, j'ai des doutes, je n'ai rien entendu de concluant dans les observations qui ont été faites.
M. le ministre de l'intérieur nous a dit qu'il ne s'attendait pas à une pareille discussion ; en effet, il ne devait pas s'y attendre. La section centrale n'a parlé que du libellé, elle n'a pas demandé de renseignements au gouvernement sur la manière dont s'applique le crédit. Demain, M. le ministre de l'intérieur pourra nous fournir des renseignements plus amples que ceux qu'il nous a donnés aujourd'hui ; j'appuie donc la proposition qu'il a faite, de remettre la suite de la discussion à demain ; ce sera pour la Chambre le moyen de se prononcer en connaissance de cause. On est d'ailleurs d'accord pour reconnaître qu’il serait impossible de voter le chiffre aujourd'hui.
M. Faignart. - Messieurs, j'appuie aussi la proposition de l'honorable ministre de l'intérieur. Cette question ne peut pas être tranchée sans un examen sérieux ; nous sommes en présence d'une disposition, qui, à mon avis, est très importante, notamment en ce qui concerne les instruments aratoires nouveaux que certainement on n'ira pas chercher dans les pays lointains.
Le gouvernement a pris une mesure qui me paraît très sage, en faisant introduire dans le pays des instruments aratoires perfectionnés, qui ne s'y trouvent pas. On en introduit un seul comme modèle, sur lequel on en fait fabriquer, que l'on distribue au prix de revient. Cette mesure a été très salutaire à l'agriculture. Si l'on ôtait au gouvernement les moyens de continuer ce système, on ferait grand tort au pays.
Quant aux graines que le gouvernement distribue, il a pu en recevoir qui n'étaient pas de première qualité ; cependant les distributions qu'il a faites ont produit des effets très satisfaisants. Si toutes n'ont pas réussi, ce n'est pas une raison pour renoncer aux distributions, il suffît que quelques-unes aient donné de bons résultats, et cela est incontestable, pour qu'on les continue.
Je prierai la Chambre, avant de prendre une décision, d'attendre jusqu'à demain les explications que le gouvernement pourra donner.
- La discussion est renvoyée à demain.
La séance est levée à 4 heures 3/4.