(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1854-1855)
(Présidence de M. Delfosse.)
(page 183) M. Ansiau procède à l'appel nominal à 1 heure et un quart.
M. Vermeire donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier ; la rédaction en est approuvée.
M. Ansiau présente l'analyse des pièces adressées à la Chambre.
« Plusieurs habitants de Bruxelles, signataires de deux pétitions, prient la Chambre de décréter la libre entrée à perpétuité des denrées alimentaires énumérées dans le projet de loi du gouvernement, en y comprenant le riz ; de supprimer toute décharge à l'exportation des eaux-de-vie indigènes et d'examiner s'il n'y a pas lieu de prendre des mesures pour prohiber temporairement la sortie des grains, soit en nature, soit distillés. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi concernant les eaux-de-vie.
« Le sieur Declercq, imprimeur typographe, demande un secours pour l'indemniser de la perte que lui a fait subir la convention littéraire conclue avec la France. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Quelques électeurs à Erbisoeul réclament contre les élections qui ont eu lieu, dans cette commune, le 21 octobre dernier. »
- Même renvoi.
M. le président. - Le gouvernement se rallie-t-il au projet de la section centrale ?
M. le ministre des finances (M. Liedts). - M. le président, non seulement le gouvernement est d'accord avec la section centrale, mais le projet que celle-ci vous soumet peut être considéré comme l'œuvre du gouvernement, attendu qu'il l'a présenté à la section centrale le jour même où il a présenté à une autre section centrale la défense d'exporter le seigle. Il a considéré cette nouvelle rédaction comme une conséquence de la défense d'exporter le seigle.
M. le président. - La discussion est donc ouverte sur le projet que nous soumet la section centrale de concert avec le gouvernement.
M. le ministre des finances vient de faire parvenir un amendement au bureau. Il est ainsi conçu :
« Après le paragraphe premier de l'article 8, ajouter :
« Le troisième alinéa de l'article 37ter de la loi du 27 juin modifiée (Moniteur, n°227), est applicable aux mesures prises par le gouvernement en exécution de la présente loi. »
M. de Muelenaere. - Je désire adresser une demande à M. le ministre des finances ou à M. le rapporteur de la section centrale.
Messieurs, je vois que l'on est parti de cette base qu'il faut généralement 200 kilog. de céréales pour produire 100 litres de genièvre à 50 degrés G.-L.
Comme, par un vote récent, vous avez prohibé le seigle à la sortie, il était évident qu'on ne pouvait pas permettre l'exportation, sous forme d'alcool, du seigle, dont l'exportation directe était défendue ; c'est donc par suite de ce vote que d'après l'article premier l'exportation des eaux-de-vie indigènes est temporairement interdite. Mais il y a des exceptions.
Il y a une exception notamment pour les eaux-de-vie de grains dont la fabrication aura lieu avec des céréales étrangères ? A cet effet, il faudra que l'importation des céréales étrangères soit dûment justifiée, à raison de 200 kilog. par 100 litres d'eau-de-vie à 50 degrés, ces céréales étrangères devront être transportées à l'usine du distillateur et ce n'est que dans cette usine qu'il recevra la décharge des acquits d'entrée.
Mais, il résulte àu rapport, que dans certaines parties du pays la fabrication du genièvre se fait exclusivement avec du seigle. Dans d'autres parties du pays au contraire, la fabrication s'opère avec du seigle et d'autres céréales, mais d'autres céréales qui, d'après la loi, ne sont pas prohibées à la sortie. Or, il est évident qu'il importe peu que ces dernières céréales soient exportées directement ou soient exportées sous forme d'alcool, puisque l'exportation en est permise.
Or, d'après le rapport et assez généralement dans certaines contrées, la fabrication du genièvre se fait avec du seigle et de l'orge, et l'orge entre dans cette fabrication jusqu'à concurrence d'au moins 25 p. c. Il me semble qu'en obligeant tous les distillateurs du pays, sans aucune distinction, à justifier l'importation de 200 kil. de seigle exotique pour la fabrication de 100 litres de genièvre, on place certains distillateurs dans une position désavantageuse, car ceux qui distillent exclusivement avec du seigle ont besoin de la quantité de seigle étranger dont ils doivent justifier ; mais ceux qui distillent avec du seigle et de l'orge seront forcément constitués en marchands de grains, c'est-à-dire qu'ils seront obligés d'avoir en leur possession une quantité de céréales beaucoup plus considérable que celle dont ils ont besoin pour leur fabrication, et que le surplus, s'élevant au quart, devra être livré à la consommation intérieure aux risques et périls du distillateur.
Ainsi, par exemple, il faut posséder 200 kilogrammes de seigle exotique pour pouvoir fabriquer 100 litres de genièvre. Celui qui ne fait usage que de seigle absorbera entièrement les céréales étrangères, dont il doit justifier.
Mais ceux qui fabriquent du genièvre avec du seigle et de l'orge auront un excédant de 50 kilogrammes au moins sur 100 litres d'eau-de-vie, et cet excédant il sera obligé de le livrer au commerce et de se constituer ainsi marchand de grains.
Je pense, messieurs, que nécessairement il faudrait prendre cela en considération et que, dans les parties du pays où l'on fabrique du genièvre avec du seigle et de l'orge, on ne devrait obliger le distillateur qu'à posséder la quantité de seigle exotique qu'il emploie réellement à la fabrication du genièvre ; car, je le répète, puisque légalement on peut exporter l'orge, je ne vois pas pourquoi l'on ne pourrait pas l'exporter sous forme d'alcool.
Je désire que M. le rapporteur de la section centrale ou M. le ministre des finances veuille bien donner quelques explications sur la question que je viens de soulever.
(page 199) M. Delehaye. - Messieurs, pour bien comprendre l'observation de l'honorable M. de Muelenaere et en même temps l'esprit qui a présidé à la rédaction de la loi, il faut bien se rendre compte de ce qui concerne la consommation du genièvre à l'étranger et de ce qui concerne la consommation à l'intérieur.
Pour la consommation à l'intérieur, la loi n'introduit aucune modification ; elle permet de distiller les grains indigènes comme les grains étrangers.
Pour la consommation à l'étranger, la position devient différente et ici permettez-moi de le dire, le gouvernement a admirablement bien saisi la position du moment. Quand il s'agira de distiller pour l'étranger, on sera obligé d'employer des céréales étrangères. On estime que 200 kilogrammes de seigle produisent 100 litres de genièvre ; mais on n'emploie pas seulement du seigle, on emploie environ un quart, c'est-à-dire 50 kilogrammes, d'orge.
Le gouvernement, pour rester dans le vrai, aurait dû dire : On prescrira l'emploi de 150 kilogrammes de seigle et 50 kilogrammes d'orge ; mais, je le répète, il vaut mieux forcer le distillateur qui travaillera pour l'exportation, de contribuer à l'alimentation du peuple, c'est-à-dire que le distillateur qui exportera 100 litres de genièvre sera obligé d'acquérir, au profit de l'alimentation publique, 50 kilogrammes de seigle, chiffre excédant celui qu'il emploiera.
Je sais parfaitement que c'est imposer une certaine charge au distillateur ; il la supportera, d'abord dans l'intérêt général et aussi en considération des bénéfices que peuvent lui procurer ses exportations à l'étranger.
Pour bien apprécier les choses il faut distinguer le commerce étranger du commerce indigène. Pour le commerce indigène, aucune modification n'est introduite à la législation actuelle, comme je l'ai dit plus haut, par le projet de loi ; mais quand il s'agit de l'exportation du genièvre, force sera au distillateur d'introduire des seigles étrangers en quantité telle, qu'un quart de l'importation des seigles étrangers servira à l'alimentation du pays. C'est là le but que le gouvernement a voulu atteindre et j'applaudis pour ma part à ce but ; ainsi un quart du seigle étranger ou bien sera livré à là panification, ou le distillateur l'emploiera pour la consommation, en lieu et place du seigle indigène ; dans les deux cas il augmentera la masse alimentaire.
Plus le commerce extérieur sera étendu, plus grande sera la quantité des céréales étrangères acquise à la consommation du pays. (Interruption.)
Et la fraude ? me dit-on. Mais, messieurs, la loi est conçue de telle manière qu'en réalité la fraude n'est pas possible, car le distillateur sera obligé de constater par des documents officiels, incontestables, que la quantité de seigle exigée par la loi a été introduite par lui dans le pays.
Un autre avantage qui résulte du projet de loi pour le distillateur, et à ce point de vue surtout la loi mérite nos éloges, c'est que, contrairement à ce qui est constaté par la législation actuelle, le distillateur pourra employer toutes les matières saccharines, le sucre exotique comme le sucre indigène, il pourra les employer sur une grande échelle et faire faire dès lors des progrès à son industrie.
Il est une autre observation qui mérite l'attention de la Chambre ; c'est que le projet de loi présenté par le gouvernement doit atteindre le même but qu'a eu en vue la législation hollandaise ; le distillateur pourra travailler sous entrepôt, et par là vous ferez disparaître toutes les primes.
Pourquoi les droits sur les distilleries ont-ils toujours soulevé une vive opposition et n'avez-vous voté qu'avec une profonde répugnance les lois sur les distilleries et sur les sucreries ? C'est parce qu'il y avait une prime à l'exportation et par suite entrave à l'exercice de ces industries. Par le travail en entrepôt disparaît toute prime et en même temps toute entrave, le distillateur peut tirer des matières macérées la plus grande quantité possible d'alcool, en employant les matières qui peuvent lui paraître plus productives d'alcool, les procédés les plus perfectionnés et le temps qu'il juge nécessaire. Le système qui nous régit aujourd'hui rend une prime nécessaire, pourquoi ? parce que vous entravez le travail du distillateur ; vous l'obligez à commencer à une certaine heure et à terminer à une heure fixée, à faire emploi de certains ustensiles ; il ne peut donc pas exercer son industrie comme il l'entend.
Vous entrez maintenant dans le système hollandais, le seul qui permette la fabrication de la levure, objet d'une importance si grande. Vous placez donc l'industrie dans la position de pouvoir obtenir les avantages dont jouissent les distillateurs de la Hollande, avantages auxquels elle doit en partie cette grande prospérité agricole et commerciale ; si vous pouvez atteindre un pareil résultat, vous contribuerez à développer l'industrie et le commerce du pays.
Je suis heureux de voir le gouvernement présenter un projet de loi qui doit avoir les conséquences les plus heureuses.
(page 183) >M. le ministre des finances (M. Liedts). - Je crois devoir ajouter quelques mots à ce que vient de dire l'honorable rapporteur de la section centrale, en réponse aux observations de l'honorable M. de Muelenaere.
Le projet de loi part en effet de ce point que, pour produire un hectolitre d'alcool à 50 degrés Gay-Lussac, il faut 200 kilog. de matières farineuses, seigle ou orge. J'admets avec l'honorable membre que dans quelques parties du pays, je dirai même dans tout le pays, on emploie généralement pour la fabrication de l'alcool 3/4 de seigle et 1/4 d'orge.
Aussi, dans la rédaction de la section centrale qui est sous vos yeux, j'avais inscrit d'abord qu'il suffisait d'importer 150 kilogrammes de seigle pour exporter un hectolitre d'alcool à 50 degrés Gay-Lussac ; mais je me suis bien vite aperçu qu'il y avait là une Iacune ; on nous dit, il est vrai, et c'est l'honorable comte de Muelenaere qui parle, lorsqu'on a introduit 410 kilogrammes de seigle, cela doit suffire pour exporter un hectolitre d'alcool, puisque en y ajoutant 50 kilogrammes d'orge du pays, on obtient un hectolitre d'alcool exportable ; on en conclut qu'il suffit ainsi d'obliger le distillateur qui veut user de la faculté donnée par l'article 2, à importer 150 kilog. de seigle pour lui permettre d'exporter un hectolitre d'alcool.
Mais l'honorable membre ne remarque pas que si un distillateur parvenait à se passer d'orge, en exportant un hectolitre d'alcool par 150 kilog. de seigle importé, il exporterait en réalité 50 kilog. de seigle du pays par hectolitre d'alcool exporté, ce qui ferait les 200 kilogrammes dont il a besoin pour produire les 100 litres d'alcool.
La loi ainsi faite eût été imparfaite ; car en prohibant la sortie de l'alcool, on a voulu que le seigle, étant prohibé à la sortie, on n'en pût exporter aucune partie sous forme d'alcool.
Si vous n'obligez le distillateur qu'à importer 150 kil, de seigle pour exporter un hectolitre d'alcool, vous n'aurez pas la certitude qu'il n'exporte pas sous forme d'alcool une partie du seigle indigène, tandis qu'avec la rédaction nouvelle vous avez cette certitude. Celui qui prouve avoir importé 200 kil. De seigle et qui demande à exporter un hectolitre d'alcool à 50 degrés, celui-là seul fournil la preuve qu'il n'exporte pas sous forme d'alcool le seigle indigène. Mais, dit-on, celui qui exporte de l'alcool n'est pas obligé d'employer exclusivement le seigle à la production de l'alcool qu'il doit exporter ; s'il emploie 50 kilogrammes d'orge dont l'exportation n'est pas interdite, il sera forcé de se constituer marchand de grain pour se défaire des 50 kilogrammes de seigle qu'il a en trop par hectolitre d'alcool exporté. L'honorable membre se trompe encore sur ce point ; il ne peut pas ignorer que ce sont les plus grands distillateurs qui travaillent pour l'exportation et qu'il n'en est pas un seul qui ne travaille également pour la consommation.
J'ai importé 200 kil. de seigle, je n'emploie que 150 kil. pour produire un hectolitre d'alcool ; j'y ajoute un peu d'orge du pays ; il me reste donc environ 50 kilog de seigle. C'est très vrai. Mais comme je distille aussi de l'alcool pour l'intérieur, j'emploierai les 50 kilog. qui me restent, à produire ce dernier alcool. Je ne dois donc pas me constituer marchand de grains, comme a paru le croire un honorable orateur.
Je crois, messieurs, que la disposition adoptée par ia section centrale rentre tout à fait dans le système de prohibition adopté par la Chambre dans la question des denrées alimentaires, et que, vouloir réduire la quantité de seigle à importer par 100 litres d'eau-de-vie, à 150 kilog,. au lieu de 200, ce serait, je ne dis pas s'exposer à un grave danger, mais s'exposer à voir sortir du pays, sous forme d'alcool, tout au moins une partie du seigle indigène.
M. de Muelenaere. - Nous sommes parfaitement d'accord sur les faits et nous sommes aussi d'accord sur le sens qu'il faut attribuer aux diverses dispositions de la loi. Mais il n'en reste pas moins vrai que (page 184) celui qui fabrique du genièvre exclusivement avec du seigle, ne devra justifier que de la possession de la quantité de seigle étranger nécessaire pour sa fabrication, tandis que celui qui fabrique tout à la fois avec du seigle et de l'orge, devra justifier qu’il possède en seigle étranger 25 p.c. de plus que ce qui est requis pour sa fabrication.
L'honorable M. Delehaye nous dit que c'est un sacrifice qui, dans l'intérêt de l'alimentation publique, est imposé aux distillateurs, parce que cet excédant de seigle qu'il n'emploie pas à la fabrication du genièvre sera versé dans le commerce intérieur.
L'honorable ministre des finances me répond, de son côté, qu'il n'y a pas de distillateur dans le pays qui, travaillant pour l'exportation, ne travaille en même temps pour la consommation intérieure, et dès lors cet excédant de seigle servira à la consommation du pays.
Mais, messieurs, je vous prie de remarquer qu'aux termes même de la loi, pour fabriquer du genièvre destiné à la consommation intérieure, le distillateur n'est pas obligé d'employer du grain étranger. Les céréales du pays peuvent servir à la fabrication du genièvre, lorsque mon genièvre n'est pas destiné à l'exportation, lorsqu'il se consomme à l'intérieur.
Le distillateur aura donc à examiner, dans son propre intérêt, la question de savoir si les céréales étrangères ne coûtent pas plus cher que les céréales du pays ; et dans le cas où le prix de ces céréales étrangères serait plus élevé, évidemment le distillateur se trouverait lésé dans ses intérêts.
Je me suis demandé si, dans le système des honorables préopinants, il était juste d'imposer à une catégorie d'industriels des sacrifices dans l'intérêt de l'alimentation publique, et si, parmi les industriels de la même catégorie, on pouvait imposer ce sacrifice à quelques-uns d'entre eux, tandis qu'on ne l'imposait pas aux autres.
Toutefois je ne veux pas eu faire l'objet d'un amendement. J'ai demandé des explications au gouvernement. Si le gouvernement ne voit pas d'inconvénient à l'état de choses proposé, je mé résignerai. Mais je ne puis m'empêcher de constater qu'il y a là une injustice au moins apparente contre certains distillateurs du pays.
M. Delehaye. - Messieurs, l'injustice dont se plaint l'honorable membre n'est réellement qu'apparente.
On a voulu que, du moment où vous prononciez la prohibition à la sortie du seigle, on ne pût exporter cette céréale sous forme d'alcool. Pour atteindte ce but, qu'a-t-on dû faire ? On a dû exiger que l'on prît des céréales étrangères pour les convertir en alcool. Mais comme les distillateurs ont des procédés de fabrication différents, on a bien fait de prendre comme base la quantité la plus élevée. On a dit : Il est impossible que pour produire cent litres de genièvre, vous n'ayez pas au moins 200 kilog. de céréales. Vous devrez donc importer 200 kilog. de seigle par 100 litres d'eau-de-vie exportés.
On dit que le distillateur qui emploie l'orge sera lésé. Messieurs, si l'on veut bien y réfléchir, on verra qu'il n'y a d'injustice pour personne. C'est au distillateur à prendre les mesures qu'il croit les plus conformes à ses intérêts. Mais je crois que ce que nous proposons était le seul moyen d'empêcher l'exportation des céréales du pays sous forme d'alcool.
L'honorable comte de Muelenaere ne remarque d'ailleurs pas que l'un des buts de la loi est de restreindre l'intérêt individuel pour satisfaire à l’intérêt général. S'il s'agissait d'une mesure permanente, je ne pourrais pas non plus lui donner mon assentiment. Mais il s'agit d'une mesure provisoire, d'une mesure exceptionnelle. Quand les circonstances qui ont rendu cette mesure nécessaire disparaîtront, la mesure disparaîtra avec elles.
M. Dumortier. - Messieurs, j'ai été également frappé de la disposition contenue au paragraphe premier de l'article 2, et j'ai eu à cet égard des réclamations de plusieurs distillateurs, réclamations que je dois faire connaître à la Chambre.
En ordonnant la distillation en entrepôt pour l'exportation, notre but est bien simple. Nous ne voulons pas que les grains indigènes puissent être exportés du pays sous forme d'alcool, et c'est une mesure très sage et très utile.
Mais il me semble que la section centrale, en élaborant son projet, n'a pas tenu assez compte des faits. La distillation s'opère peut-être quelquefois au moyen du seigle exclusivement. J'ignore si cela se fait ainsi, on le dit dans le rapport. Mais les distillateurs auxquels j'ai parlé m'ont déclaré qu'il n'était pas à leur connaissance qu'on fît du genièvre ou de l'alcool de grain avec du seigle seul. Il est possible que dans les petites distilleries de village, dans les Ardennés ou ailleurs, on fabrique avec cette seule céréale, je n'en sais rien. Mais il est positif que tous nos distillateurs emploient 25 à 30 p. c. d'orge dans la fabrication. C'est là un fait bien connu.
Dès lors que fallait-il faire ? Dans mon opinion il fallait tenir compte du mode de fabrication. Or, est-ce en tenir compte que d'ordonner au distillateur d'introduire en entrepôt 200 kil. de seigle pour produire 100 litrès d'alcool,a lors qu'il ne lui en faut que 150, et de ne pas lui permettre de substituer à 50 kilog. de seigle les 50 kil. d'orge dont il a besoin pour faire sa distillation ?
Il est évident que, dans cet état de choses, vous forcez le distillateur à introduire en Belgique un quart de seigle de plus qu'il n'en a besoin, et que d'un autre côté vous le privez de la faculté d'exporter l'orge qui lui est nécessaire.
Il me semble que l'on éviterait fous les inconvénients si au lieu de : « les eaux de-vic de grains dont la fabrication avec les céréales étrangères est dûment justifiée, à raison de 200 kil. de seigle par hectolitre », on s'exprimait ainsi « à raison de 150 kilog. de seigle et de 50 kilog. d'orge. » Alors le distillateur ferait venir de l'étranger les céréales dont il a réellement besoin.
Voulez-vous autre chose : laissez l'alternative. Mettez que vous autorisez la fabrication de 100 litres d'eau-de-vie, lorsqu'on importe soit 200 kilos de seigle, soit 150 kil. de seigle et 50 kil. d'orge. Alors vous laissez toute liberté à l'industriel ; il emploie du seigle, il emploie de l'orge, s'il le désire, et les produits du pays ne s'en vont pas à l'étranger sous forme d'alcool.
J'ai entendu dire tout à l'heure qu'il n'y avait pas de mal à ce que l’on introduisît plus de seigle qu'il n'en faut pour la distillation, qu'une partie de ce seigle tournerait au profit de la consommation. Messieurs, je dis que c'est un mauvais moyen que de forcer les distillateurs à vendre 50 kil. de seigle à perte pour pouvoir fabriquer 100 litres d'eau-de-vie. Prohibez, si vous le voulez, mais n'employez pas un mauvais moyen.
Comme je ne pense pas qu'il soit question de prohiber la distillation des alcools lorsqu'elle se fait en entrepôt au moyen de grains étrangers, lorsque cela ne porte aucun préjudice à la consommation intérieure, je voudrais que la loi fût coordonnée de manière à satisfaire à toutes les nécessités de la fabrication, toujours sans nuire à notre consommation. Je soumets ces observations à M. le ministre des finances, et s'il n'y voit pas d'inconvénient, il serait facile de laisser l'alternative au fabricant en lui permettant de fabriquer en entrepôt, soit avec 200 kil. de seigle soit avec 150 kilogrammes de seigle et 50 kilogrammes d'orge.
M. Rodenbach. - Je crois, messieurs, que le projet de loi qui nous occupe est très acceptable.
D'abord, chaque fois que la Chambre est saisie d'un projet deloi relatif à une industrie quelconque, nous voyons arriver un grand nombre des intéressés qui s'entretiennent longuement avec les députés, non pas des intérêts du pays, mais de leur propre intérêt ; eh bien ! messieurs, cette fois il paraît qu'il n'en est presque pas arrivé. J'ai questionné plusieurs membres de cette Chambre, et ils m'ont assuré que les distillateurs ne réclament pas.
M. le ministre des finances et la section centrale trouvent que le projet de loi est bon, qu'il favorise considérablement l'entrée des sirops et du jus de betteraves ; c'est une nouvelle industrie que l'on veut créer et qui rapportera de nouvelles ressources au trésor.
Eh bien, j'en félicite M. le ministre et la section centrale. J'ai consulté des membres de la Chambre qui s'intéressent aux distilleries agricoles, j'ai consulté également des distillateurs agricoles, et tous m'ont dit que la loi ne concerne pas ces distilleries qui travaillent exclusivement pour l'intérieur. La section centrale et tous les industriels sont de cet avis.
L'important, messieurs, ce qu'il faut avoir en vue avant tout,c'est que le seigle indigène reste dans le pays, eh bien, la loi pourrait à ce besoin, et je crois dès lors qu'il faut l'adopter sans avoir égard aux observations de détail qui viennent d'être faites.
M. Osy. - J'admets un instant, messieurs, que, comme l'a dit l'honorable M. Dumortier, il faut pour obtenir un hectolitre d'alcool employer 150 kil. de seigle et 50 kil. d'orge ; mais tout en admettant ce système, je crois qu'il est inutile de changer la proposition de la section centrale, car le distillateur qui voudra travailler pour l'exportation importera 200 kil. de seigle par hectolitre de genièvre ; mais comme il emploiera 50 kilogrammes d'orge, il distillera pour la consommation intérieure les 50 kilogrammes de seigle qui lui resteront, car il est certain que les distillateurs travailleront en même temps pour l'exportation et pour la consommation intérieure. Eh bien, messieurs, la loi produira ainsi encore cet avantage que, tout en écartant l'exportation du seigle, elle fera entrer dans la consommation une certaine quantité de seigle étranger.
Je crois donc, messieurs, que nous pouvons très bien voter la loi telle qu'elle est présentée par la section centrale.
M. Faignart. - Messieurs, je comprends peu les honorables membres qui ont appuyé la prohibition à la sortie des céréales, lorsqu'ils viennent proposer de n'exiger des distillateurs que l'importation de 150 kil. de seigle au lieu de 200 pour produire un hectolitre de genièvre.
Selon moi, il est une chose évidente, c'est que si vous faites importer 200 kil. de farine de seigle et si l'on emploie 50 kil. de farine d'orge, il restera 50 kil. de farine de seigle dans le pays, soit pour la consommation alimentaire, soit pour la distillation d'alcool destiné à l'intérieur.
Je le répète, messieurs, je comprends peu que les personnes qui ont insisté pour la prohibition à la sortie viennent maintenant s'opposer à une mesure qui aura pour effet de faire entrer dans le pays une certaine quantité de seigle étranger.
Je crois que la Chambre comprendra facilement qne cette opposition va tout à fait à rencontre du but qu'on a voulu atteindre hier envolant la loi sur les denrées alimentaires.
Il est bien évident, messieurs, que par le vote d'hier vous avez voulu obtenir que les denrées alimentaires fussent à meilleur marché dans le pays qu'elles ne le sont aujourd'hui ; eh bien, il est du devoir de chacun de rechercher tous les moyens possibles d'arriver à ce résultat.
(page 185) Eh bien, messieurs, il y a des matières qui se prêtent parfaitement à la production de l'alcool et qui jusqu'à présent n'ont guère reçu cet emploi en Belgique ; je citerai en première ligne la betterave ; cette plante est cultivée sur une très grande échelle, et au prix où se vendent aujourd'hui les alcools, on pourrait avec grand avantage la transformer en esprit pour l'exportation.
Cela est facile pour certains distillateurs qui ont une fabrique de sucre à côté de leur distillerie, vu les avantages que le gouvernement pourrait leur accorder ; mais il y a d'autres établissements qui, étant éloignés des distilleries, ne peuvent user de cette faculté qu'en employant des moyens de concentration, pour conserver le jus et pour diminuer les frais de transport. Le gouvernement a vécu plusieurs demandes d'autorisation de faire ce qu'on appelle des sirops ; il a accordé ces autorisations, mais avec des restrictions telles, qu'il est impossible aux fabricants de sucre de concentrer leurs sirops pour les expédier aux distillateurs.
J'avais entendu dire au ministère des finances que les fabricants de sucre pouvaient concentrer leurs sirops sans défécation et sans ajouter aucune espèce d'agent chimique pour faciliter l’évaporation. C'est là une chose que j'ai toujours crue impossible, et différentes lettres de personnes qui ont fait des essais, m'autorisent à croire que j'étais dans le vrai.
Le gouvernement interdit l'introduction de toute espèce d'agent chimique pour l'évaporation du jus, c'est-à-dire qu'il défend d'user de l'autorisation qu'il concède.
Eh bien, messieurs, lorsque nous prenons des mesures extraordinaires pour que le grain soit à bon marché en Belgique, je pense que le gouvernement devrait aussi, tout en sauvegardant les intérêts du trésor, faire quelques sacrifices pour permettre aux fabricants de sucre de transformer leur jus de betteraves en sirop pour en faire de l'alcool.
Maintenant, messieurs, comme j'ai eu l'honneur de le dire tantôt, il est reconnu que l'autorisation du ministère des finances est tout à fait illusoire, et je prierai le gouvernement de prendre des mesures dans le genre de celles qui ont été prises précédemment pour le transport des mélasses.
On a permis de transporter les mélasses avec des documents ; les documents étaient visés au départ et visés à l'arrivée après que la marchandise avait été reconnue conforme. Pourquoi n'en serait-il pas de même pour les sirops ? Il y a des employés en permanence dans les fabriques de sucre ; ils peuvent constater au départ la qualité et la quantité de la marchandise expédiée, comme elles le seraient à l'arrivée. Le ministère pense qu'on pourrait faire du sucre avec ces sirops, mais, messieurs, personne ne voudrait faire cette opération puisqu'il y a plus d'avantage à faire de l'alcool qu'à faire du sucre avec les sirops dont il s'agit.
D'ailleurs, si on voulait en faire du sucre, on opérerait régulièrement et on ne s'exposerait pas à avoir des sucreries clandestines qui ne rapporteraient rien ou moins que rien.
J'insiste donc, messieurs, pour qu'il soit permis aux fabricants de sucre, moyennant toutes les précautious possibles pour éviter la fraude, de faire leurs sirops comme ils le jugent convenable, toujours sous la surveillance de l'administration. Il y aurait à cela un avantage, et un avantage incontestable pour le gouvernement, car le sucre exotique paye 8 fr. de droits de plus que le sucre indigène ; eh bien, pourquoi le gouvernement, dans l'intérêt du trésor, n'engage-t-il pas les fabricants à distiller le jus de betterave pour livrer à la consommation du sucre exotique qui donne 8 fr. de plus au trésor par 100 kil. ?
C'est encore là une considération qui devrait déterminer le gouvernement à donner aux fabricants de sucre toutes les facilités désirables pour transformer en alcool leur jus de betteraves.
Je bornerai là mes observations. Je pense être dans le vrai quand je réclame de M. le ministre des finances toutes les facilités possibles pour l'industrie qui ne demande pas mieux que de venir en aide, elle aussi, à la classe ouvrière.
M. de Haerne. - Messieurs, je ne viens pas combattre le projet de loi, je l'ai accepté en section centrale et je l'accepte encore ; mais j'y vois, avec plusieurs honorables préopinants, certains inconvénients. Toutefois le but général me paraît très utile, en ce que la loi tend, d'un côté, à favoriser l'alimentation publique, d'autre part à donner une impulsion nouvelle à faire faire un progrès à l'industrie de la fabrication des alcools.
Messieurs, la Chambre, par son vote d'hier a décidé que l'orge reste libre à la sortie ; lorsque j’envisage dans leur ensemble le projet de loi qui a été voté dans la séance précédente, et celui que nous discutons en ce moment, je trouve peu d’harmonie entre ces deux projets.
Cela est si vrai qu'hier on a voulu revenir sur le vote que la Chambre avait émis en premier lieu, quant à la libre sortie de l'orge ; on avait compris qu'il y avait contradiction sous ce rapport. En effet, on défend et avec raison la sortie du seigle, et on laisse sortir l'orge.
En présence de cette contradiction palpable, on avait fait la proposition de revenir sur le vote concernant l'orge ; j'avoue que c'eût été formellement contraire au règlement ; le Sénat peut seul y pourvoir ; il verra ce qu'il aura à faire.
Un inconvénient que présentent les mesures proposées, c'est qu'elles frapperont immédiatement la bière qui est la boisson du peuple par excellence ; tous les ingrédients qui entrent dans la bière sont d’un prix excessif aujourd'hui : l'orge, le blé comme le houblon ; en admettant la libre sortie et la distillation de l'orge, vous allez en faire hausser encore le prix et par conséquent faire augmenter le prix de la bière ; ce qui fera du tort à la classe ouvrière et nécessiteuse. Je déplore cet état de choses.
Il y a plus : vous allez restreindre la fabrication de la bière, et dès lors vous nuirez aux intérêts du trésor ; M. le ministre des finances soutient ces intérêts à chaque occasion ; j'aime à m'associer à ses efforts quand la chose est possible ; or, il me semble évident que le trésor va souffrir ici un dommage notable. J'avoue que dans le moment actuel on ne peut pas insérer dans la loi un amendement pour obvier à cet inconvénient ; mais le mal n'en est pas moins réel, et j'ai cru devoir le signaler à l’attention des diverses branches du pouvoir législatif.
M. Dumortier. - J'avais demandé la parole pour faire précisément les mêmes observations ; cependant je ferai une autre remarque : vous avez prohibé la sortie du seigle ; par l'effet de cette mesure, vous aurez assez de seigle dans le pays ; mais quant à l'orge, vous n'en aurez pas assez pour les brasseries, ei c'est surtout au point de vue des brasseries qu'il me semble indispensable de décréter dans la loi la faculté d'introduire en entrepôt le chiffre de 150 kilog. de seigle et de 50 kil. d'orge.
M. Coomans. - Messieurs, je me bornerai à quelques observations que m'inspirent les discours que vous venez d'entendre.
Dès qu'on s'écarte des règles de la justice et de la logique, on est amené à prendre des mesures contradictoires qui. s'excluent les unes et les autres et qui font de nos lois un arsenal informe, un labyrinthe où rééllement on se perd.
Messieurs, j'ai, moi aussi, demandé la faculté de distiller la betterave, ou plutôt les sirops, mais je l'ai demandée par d'autres motifs que ceux qui ont guidé plusieurs de mes honorables collègues ; je l'ai demandée pour favoriser la lutte de nos distillateurs contre leurs concurrents sur les marchés étrangers ; je l'ai demandée comme un progrès industriel. Tout progrès doit être adopté, si nous voulons rester au niveau de nos concurrents.
Mais je n'ai pas demandé cette distillation, pour diminuer la consommation et le prix du blé, car j'aurais demandé des choses très contradictoires.
Lorsque vous aurez favorisé énormément la distillation de la betterave, aurez-vous fait quelque chose pour les consommateurs du pain ? Evidemment non ; la betterave remplacera le seigle, et comme elle exige les meilleures terres, elle empiétera sur le froment ; cela est si vrai qu'elle envahit déjà nos meilleures terres ; je ne m'en plains pas, je veux laisser toute liberté à l'agriculture, la betterave ira se planter où elle se trouve le mieux, nous n'avons rien à y voir.
Mais présenter comme une mesure populaire, comme un moyen d'avilir le pain, la distillation de la betterave, ce n'est pas dire la vérité à la nation.
Voyez comme vous tombez dans l'injustice ! Il y a des arrondissements qui ne cultivent que le seigle : ce sont les plus pauvres, ce sont ceux-là surtout où nous devons favoriser le progrès de l'agriculture, et c'est à ceux-là que vous allez défendre d'employer le seigle pour la distillation.
D'autres arrondissements beaucoup plus riches, parce que les terres y sont meilleures, vont cultiver la betterave en masse ; cette plante et d'autres fruits industriels vont tôt ou tard expulser en quelque sorte le froment... (Interruption.) On dit non ! il faut cependant que la betterave se plante quelque part !
Eh bien, je trouve que ce sont là des mesures contradictoires au point de vue de l'alimentation publique.
Le projet de loi qui a été voté hier et celui que nous discutons ne me sourient guère. Je n'aurais pas voulu apporter toutes ces entraves directes à la distillation et ces entraves indirectes à l'agriculture et au commerce ; j'aurais voulu me borner, soit à diminuer le chiffre de la restitution, soit à supprimer le drawback tout entier, et après cela j'aurais laissé le commerce libre.
Je n'aurais pas été effrayé de l'exportation d'alcool qui aurait eu lieu, soit d'après le projet de loi de M. le ministre des finances, au chiffre de 15 francs, soit, d'après une proposition que j'avais faite dans une section, au chiffre de 50 centimes ; l'exportation de ces alcools, dis-je, ne m'aurait pas effrayé, parce qu'elle aurait laissé au trésor une certaine ressource dont je crois qu'il a très grandement besoin, après nos derniers votes.
M. Visart. - Messieurs, vous le savez, c'est une chose funeste en économie politique que les maximes erronées : elles peuvent égarer les meilleurs esprits, quand surtout elles sont professées par des hommes de la valeur de M. Coomans ; il vient de dire, cet honorable collègue, que la betterave serait cause qu'on cultiverait moins de froment. Moi, qui suis habitant de la campagne et cultivateur, j'ai été tous les jours à même de faire des expériences et des comparaisons.
Je vais, pour être clair, poser un exemple : deux fermiers de la même commune cultivent chacun, par exemple, vingt hectares de qualités identiques et y appliquent une intelligence et des capitaux sans différence. Ces deux fermiers ont à proximité des fabriques de sucre de betterave ; l'un adopte cette racine dans sa culture, l'autre n'en veut (page 186) pas. Je demande lequel des deux produit plus de grain ? Il est évident que c'est celui qui met de la betterave. Pourquoi ? Parce qu'il est reconnu qu'en général on ne peut mettre du blé sur une terre que deux fois sur neuf ans ; c'est le terme des baux dans ma contrée ; il est reconnu que si on en met plus de deux fois en neuf ans, qu'on en veut trois où quatre fois, par exemple, cette culture se trouve dans de très mauvaises conditions, elle produit peu et alors, par conséquent, est très nuisible au cultivateur. Pourquoi celui qui cultive la betterave peut-il mettre du blé sur la même terre plus de deux fois en neuf ans ? Parce que la betterave, par les résidus, les feuilles qu'elle laisse et l'engrais dont elle a nécessité l'emploi, rend la terre propre à recevoir le froment ; ensuite il ne faut pas méconnaître qu'il y a des sympathies et des antipathies entre les plantes comme entre les individus ; ainsi l'on sait que le trèfle est très ami du blé, c'est-à-dire que le blé qui succède au trèfle est dans de très bonnes conditions ; eh bien, le blé qui succède à la betterave est dans d'aussi bonnes conditions que celui qui succède au trèfle ; à ce point qu'on peut mettre du blé trois fois en neuf ans quand on cultive la betterave et deux fois seulement quand on ne la cultive pas. Le département du Nord qui cultive beaucoup la betterave et qui même, à mon avis, en fait abus, est indiqué dans les statistiques des forces productives de la France comme produisant le plus de blé, non pas seulement à cause de son sol, mais parce qu'on y cultive cette véritable racine d'abondance.
M. le ministre des finances (M. Liedts). - Je ne suivrai pas les honorables préopinants dans l'examen de la question de savoir si la culture de la betterave empiète sur la culture du grain ; cette discussion pourrait nous conduire trop loin et nous détourner du projet en discussion. Ce projet, messieurs, est très favorable aux distillateurs ; quand il a été question de prohiber la sortie du seigle à cette condition, ils auraient accepté le projet primitif avec reconnaissance ; aujourd'hui qu'ils sont certains de la prohibition de la sortie du seigle, ce projet, plus ou moins modifié à leur avantage, ne les satisfait plus. C'est contre ces prétentions que je dois m'élever.
L'honorable M. Dumortier, poursuivant le raisonnement de l'honorable M. de Muelenaere, trouve qu'il y a contradiction à exiger du distillateur l'introduction de 200 kil. de seigle pour exporter un hectolitre d'alcool à 50 degrés, quand on sait que pour produire cet hectolitre d'alcool, le distillateur emploie 150 kil. de seigle et 50 kil. d'orge ; selon lui, il faudrait exiger l'introduction de 150 kil. de seigle et de 50 kil. d'orge. Mais comment l'honorable membre ne s'aperçoit-il pas que ce serait précisément dans ce cas qu'il y aurait contradiction ? Deux mots suffiront pour la démontrer.
Je suppose un distillateur d'Anvers travaillant pour l'exportation, comme ils le font presque tous ; il ferait donc venir de l'entrepôt 150 kilogrammes de seigle et 50 kilog. d'orge, mais du moment où les 50 kil. d'orge seront dans son atelier, la loi permettant l'exportation de cette denrée, non seulement par 50 kilog., mais en quantité illimitée, il réexportera immédiatement les 50 kil. introduits et leur fera faire une véritable promenade de l'entrepôt à son usine et de son usine à l'entrepôt. Il ne le garderait que le temps nécessaire pour le décharger et il en pourrait faire sortir le double, le triple, autant qu'il voudrait, la loi qui nous régit permettant la sortie de l'orge. Vous le voyez donc ; cela ne serait pas logique. Nous ne voulons pas empêcher le distillateur qui emploie le seigle et l'orge d'exporter en alcool une partie de l'orge du pays, mais nous voulons qu'en échange des 50 kilogrammes d'orge ainsi exportés en alcool, il introduise 50 kilogrammes de seigle, afin de rétablir l'équilibre. Cela est plus conforme à l'esprit des dispositions adoptées dans les séances précédentes.
Il faudra donc, objecte-t-on, que le distillateur vende à perte les 50 kil. de seigle qu'il a en trop ? C'est une erreur ; je ne pense pas qu’il y ait un seul distillateur travaillant uniquement pour l'exportation. S'il a fait entrer un peu plus de seigle qu'il ne lui en faut pour produire l'alcool destiné à l'exportation, il se servira de l'excédant pour produire l'alcool destiné à la consommation. Si vous voulez empêcher l'exportation du seigle, il faut en empêcher l'exportation sous forme d'alcool. La Chambre a fait très sagement de ne pas ajouter l'orge aux grains dont elle prohibe l'exportation contre mon avis ; du reste, l'orge est une céréale qui se cultive peu dans le pays.
D'où nous vient l'orge ? Principalement de la Hollande. Sur 34 millions de kilogrammes importés l'année dernière, la Hollande nous en a fourni 15 millions, c'est-à-dire à peu près la moitié ; ne craignez donc pas que les distilleries de la Hollande nous enlèvent notre orge. Depuis le 1er août dernier, la Hollande nous a fourni 4,038,000 kil. d'orge, et nous en avons exporté 65,000. Vous voyez donc que les craintes ne sont pas fondées de ce côté.
Un honorable préopinant, M. Faignart a engagé le gouvernement à favoriser de tout son pouvoir la distillation des produits de la betterave pour l'exportation. cette recommandation n'avait pas besoin d'être faite. Je puis me rendre cette justice que, depuis que la cherté des vivres se fait sentir, j'ai favorisé de tout mon pouvoir, même quelquefois en faisant légèrement violence aux lois existantes, la distillation du jus de betterace.
Mais il y a un point sur lequel j'ai différé d'opinion avec quelques fabricants de sucre de betterave.
Il m'eût été impossible de transiger, sans compromettre l'industrie de la fabrication du sucre, et certes personne ne voudrait que je sacrifiasse cette immense industrie pour favoriser la distillation.
Voici la question : lorsque la betterave est mise sous presse, on a le jus de betterave qui contient, après la défécation, les parties saccharrines. Le gouvernement n'exerce aucune surveillance jusque-là. Il commence cette surveillance lorsque le jus de betterave est déféqué, mais alors il est imposé.
On constate sa densité au moyen d'un densimetre. On impose donc le fabricant de jus de betterave d'après le tarif qui est dans la loi. Une fois l'imposition des jus déféqués établie, toutes les opérations ultérieures échappent également à mon administration. Le fabricant est pris en charge, et il fait du jus déféqué tout ce que bon lui semble. S'il le jette par la fenêtre, il n'est pas moins imposé que s'il fait du sucre ; et s'il fait du sucre, il est imposé comme s'il n'est faisait pas.
Or, ce que l'on m'a demandé, c'est de déféquer du jus de betterave sans être imposé. J'ai répondu que c'était impossible sans violer ouvertement la loi sur les sucres et sans donner lieu à des abus.
M. Faignart. - Je demande la parole.
M. le ministre des finances (M. Liedts). - Ici il ne peut y avoir de question de personne. L'honorable M. Faignart ne ferait pas, j'en suis sûr, abus de cette permission. Mais à côté de lui il peut y avoir une personne moins honnête, et je ne puis exposer une question aussi importante pour une question de personne.
Avant que l'on connût la manière actuelle de déféquer le jus de betterave par l'addition de chaux, on n'employait que l'acide sulfurique. Aujourd'hui on me demande l'autorisation d'employer l'acide sulfurique prétendant qu'il ne sert pas à la défécation. Eh bien, l'acide sulfurique a les mêmes propriétés sur le jus de betterave que la chaux, c'est-à-dire qu'il sert à la défécation. Or, une fois la défécation faite, voici la fraude qui pourrait se faire.
On prétendra que l'on va transporter le jus déféqué à une usine située à une certaine distance, pour en faire de l'alcool. Mais au lieu de le porter à une distillerie, on le portera à une raffinerie où l'on en fera du sucre.
Le gouvernement n'a pas le droit de suivre les opérations. Une fois la défécation du jus faite, il n'a pas le droit de voir ce qu'on en fait.
L'honorable M. Faignart dira : nous consentons à ce qu'il y ait une garantie ; faites suivre le jus déféqué dans une distillerie. Mais une fois là, est-ce que dans la distillerie il y a une surveillance continuelle, perpétuelle ? Les distilleries ne sont visitées par les employés qu'une ou deux fois par jour. Il sera donc facile de se soustraire à cette surveillance et de transporter ce jus déféqué dans une usine à sucre.
En un mot, la fraude serait très faisable, très facile. Le gouvernement n'aurait aucune garantie.
Mais, dit l'honorable M. Faignart, il est impossible de concentrer le jus de betterave sans acide sulfurique. Par conséquent, vous voulez un fait, et vous n'en accordez pas les moyens. L'honorable membre se trompe, j'ai reçu d'une personne qu'il connaît fort bien une pétition qui se termine ainsi :
« Pour que la disposition de la loi ne soit pas illusoire, en ce qui concerne le sirop, vous jugerez certainement utile, M. le ministre, d'introduire dans la loi un article qui réglemente la concentration des jus de betterave dans les fabriques, pour être livrés comme sirops propres à la distillation de l'alcool. Au surplus, si l'administration n'était pas suffisamment convaincue que la concentration du jus est impossible, ainsi que j'eus l'honneur de vous le dire hier, sans le soumettre à une défécation au moyen d'agents chimiques, je vous prierais d'envoyer dans ma fabrique un employé superieur de l'administration pour être entièrement assuré de ce fait. »
De manière que, si je comprends bien le pétitionnaire, il veut une défécation faite pour travailler son jus de betterave. Mais, la défécation faite, il demande à n'être pas pris en charge. Or, toute personne qui obtient du jus de betterave doit savoir que c'est à la défécation seule que s'établit l'imposition pour le sucre de betterave.
Je le dis encore aux fabricants de jus de betterave ; ils trouveront dans l'administration une grande facilité pour tous les moyens propres à fabriquer de l'alcool, mais à la condition que l'administration conserve des garanties pour empêcher que ce jus destiné à faire de l'alcool ne soit pas affecté à la fabrication du sucre, en exemption des droits et en fraude de la loi.
M. Vander Donckt. - Je ne puis laisser passer inaperçues l'assertion de l'honorable M. Coomans, concernant le remplacement du froment par la culture de la betterave ; car, d'après l'opinion exprimée par l'honorable membre, il en résulterait que l'agriculteur peut, d'un jour à l'autre, changer la rotation, les assolements de sa métairie. Mais celui qui a les notions les plus élémentaires en agriculture doit savoir que l'agriculteur est assujetti à une rotation, à une culture réglée d'avance, dont il ne peut s'écarter sans danger et à son grand préjudice. Un cultivateur assez insensé pour se rejeter sur une culture dont il retirerait un bénéfice momentanément plus grand, se ruinerait, parce qu'en ne cultivant pas la quantité nécessaire de froment et de seigle il manquerait de paille, ce qui constitue la base de la nourriture de son bétail et la base principale de ses engrais. Il faut donc que le cultivateur suive la rotation, qu'il règle d'avance les assolements.
Comme l'a très bien dit l'honorable M. Visart, il y a un temps endéans lequel on ne peut cultiver deux fois les mêmes récoltes dans le même champ. La betterave peut être cultivée en plus grande quantité, (page 187) mais toujours dans la proportion des rotations. Un cultivateur ne peut disposer que du septième ou du huitième de ses terres qu'il peut employer à la culture de la betterave, du lin, du colza, de fourrages ou à toute autre culture.
Mais il ne peut pas, dans le but d'un lucre passager, déranger les assolements de sa métairie et interrompre les rotations pour s'adonner outre mesure à une culture spéciale en dehors de ses assolements ordinaires.
L'assertion de l'honorable M. Coomans, qui pourrait avoir fait impression sur l'esprit de quelques honorables membres, n'a, à mes yeux, aucune valeur ; et quelque soient les mesures que la Chambre adopterait, la production du froment sera la même ainsi que celle de la betterave dans la proportion des assolements.
M. Faignart. - Je prends acte des bienveillantes paroles que vient de prononcer M. le ministre des finances. Néanmoins je dois déclarer à la Chambre qu'elles ne sont aucunement de nature à me satisfaire.
M. le ministre des finances nous dit qu'il fera tout ce qu'il pourra pour faciliter la concentration du jus, de manière à pouvoir en extraire de l'alcool. Mais là s'arrête la facilité que veut accorder M. le ministre des finances. Je veux bien, dit-il, que vous fassiez tout ce que vous voulez, hormis ce qui doit être fait. Mais pour ce qu'il nous permet, je pense que nous n'avons pas besoin d'autorisation.
M. le ministre des finances sait parfaitement bien que lors même que le jus de betterave aurait été déféqué, on ne peut, lorsqu'il n'a pas été soumis à la filtration, en faire du sucre au moins avec avantage. Eh bien, quel inconvénient y aurait-il à ce que le gouvernement autorisât les fabricants de sucre à transformer leur jus en sirop au moyen d'acides.
On vous a parlé de défécation. L'opération de la défécation, faite avec du lait de chaux, consiste à séparer la matière impure du jus de betteraves, mais ce n'est pas du tout cela que nous demandons ; nous ne demandons pas de séparer les matières impures du jus ; nous demandons seulement de pouvoir le concentrer en sirop, c'est-à-dire qu'en y laissant toutes les matières qui rendent la fabrication du sucre pour ainsi dire impossible, nous puissions arriver à concentrer nos sirops à 27 ou 30° afin de pouvoir les conserver pendant le temps du trajet.
M. le ministre des finances, en consentant à ce que les fabricants de sucre concentrent leur jus sans acide, sans chaux, en un mot sans moyen chimique, ne consent à rien, parce que c'est une chose impossible, de l'aveu de tous les fabricants.
Je sais qu'il est des fabricants de sucre qui concentrent, à l'heure qu'il est, leurs sirops. Mais ils sont soumis à des procès-verbaux journaliers, parce qu'ils emploient de l'acide malgré la défense du gouvernement ; et c'est un exemple que je ne voudrais certainement pas suivre.
M. le ministre nous dit qu'il ne peut avoir une surveillance assez active pour suivre les sirops dans toutes les directions qu'il pourrait prendre, et qu'il pourrait arriver qu'on employât ces sirops à faire du sucre.
Comme je vous l'ai dit tantôt, on n'aurait aucun intérêt à en faire du sucre. Si l'on y avait intérêt, on ne demanderait pas à faire des sirops.
Lorsqu'on veut transporter des mélasses, ces mélasses sont accompagnées d'un document. Il n'y a pourtant plus là de sucre. Mais le gouvernement, pour sauvegarder ses intérêts, fait accompagner les mélasses d'un document qui est déchargé à l'arrivée. Qu'est-ce qui empêche le gouvernement d'en faire de même pour les sirops ? Qui l'empêche de s'assurer que les sirops qui sont livrés aux distilleries sont transformés en alcool ?
Nous n'avons pas à nous occuper en ce moment de la loi sur les sucres. Je sais qu'elle n'a pas été faite dans la prévision de la fabrication des sirops.
Dans un moment exceptionnel comme celui où nous nous trouvons, le gouvernement devrait se montrer conciliant, surtout lorsque ses intérêts ne sont nullement compromis, et ils ne pourraient l'être, s'il faisait accompagner les sirops d'un document, s'il faisait à l'arrivée constater l'identité et s'il s'assurait que ces sirops sont employés à la distillation de l'alcool. Je ne verrais même pas grand inconvénient à ce qu'il eût dans les distilleries des commis à demeure.
Messieurs, ce que nous demandons tend non seulement à nous faire profiter d'un avantage qui se présente à nous, mais aussi à nous faire intervenir pour notre quote-part dans les moyens de produire des aliments pour la classe ouvrière. Je voudrais, quant à moi, que toutes les betteraves pussent être transformées en alcool. Dût le fabricant n'y rien gagner de plus, on gagnerait beaucoup au point de vue des intérêts généraux.
J'insiste donc, et je prie l'honorable ministre des finances d'aviser aux moyens, tout en sauvegardant les intérêts du trésor, de faciliter, autrement que par des paroles, la distillation des jus de betterave par le sirop concentré.
Si toutes les fabriques de sucre étaient établies, comme il s'en trouve quelques-unes, à côté de distilleries, il n'y aurait aucune difficulté. On envoie le jus de la fabrique de sucre à la fabrique de genièvre et on le distille immédiatement. Mais il n'en est pas toujours ainsi. Il y a des fabriques de sucre distantes des distilleries de 10 à 15 lieues, et celles-là pourraient bien jouir des mêmes avantages que les fabriques voisines des distilleries. Je termine en appelant l'attention toute particulière du gouvernement sur cet objet.
J'ai dit.
M. Coomans. - Messieurs, si je croyais que l'honorable M. Vander Donckt dût faire absolument autorité en matière d'agriculture, je lui témoignerais ma reconnaissance de la leçon élémentaire, qu'il a bien voulu me donner ; mais je crois que la Chambre a mieux à faire que d'en entendre l'expression.
Je n'ai pas dit, je n'ai pas pensé à dire que l'on pouvait chaque année récolter du froment. L'honorable membre ne devrait pas m'attribuer de semblables erreurs. Je dirai seulement que j'ai beaucoup vécu avec les paysans, que j'ai même travaillé avec eux et que je crois avoir quelque droit à parler lorsqu'on s'occupe de leurs intérêts.
Messieurs, je ne sais si l'on m'a bien compris. Je ne m'oppose pas à la distillation de la betterave. Je m'y oppose si peu, que je crois avoir été un des premiers dans cette enceinte qui aient demandé l'application de ce progrès. L'honorable ministre des finances le sait bien, c'est moi qui, dans la section centrale des distilleries de l'an dernier, ai pris l'initiative de cette proposition. L'honorable M. Delehaye le sait également. La section centrale a prié l'honorable ministre des finances d'examiner s'il n'y aurait pas moyen de réaliser immédiatement ce progrès. L'honorable ministre des finances a répondu que c'était impossible.
Je le regrette beaucoup ; car nous n'en serions pas à discuter la chose aujourd'hui. Mais lorsque j'ai demandé la distillation de la betterave, j'entendais bien que la distillation du seigle ne fût pas défendue.
Je n'admets pas, et c'était le seul but de mon observation, qu'un gouvernement ait le droit de favoriser une culture au détriment d'une autre ; de défendre qu'on plante ceci et d'ordonner que l'on plante cela. Toutes ces questions sortent de ses attributions.
C'est tout ce que je voulais dire. Après cela je suis prêt à voter la distillation de la betterave comme mesure exceptionnelle en ce qui concerne la défense de distiller le seigle,
- La discussion générale est close. On procède à la discussion des articles.
« Art. 1er. L'exportation des eaux-de-vie indigènes est temporairement interdite. »
- Adopté.
« Art. 2. Néanmoins, pendant la durée de cette interdiction, sont admises à l'exportation, avec décharge du droit d'accise :
« A. Les eaux-de-vie de grains dont la fabrication avec des céréales étrangères est dûment justifiée, à raison de 200 kilogrammes de seigle par hectolitre d'eau-de-vie à 50 degrés Gay-Lussac, à la température de 15 degrés centigrades.
« Cette justification est faite au moyen d'acquits d'entrée n'ayant pas plus de 40 jours de date, levés après la mise en vigueur de la présente loi, par les distillateurs ou en leur nom, et déchargés à l'arrivée dans l'usine ;
« B. Les eaux-de-vie provenant de la distillation des mélasses, sirops, sucres ou jus de betteraves, jusqu'à concurrence du rendement légal en alcool sur les quantités déclarées à la fabrication ;
« C. Les eaux-de-vie fabriquées sous le régime de l'article 6 ci-après. »
M. le président. - M. le ministre des finances a proposé de supprimer le mot « néanmoins » qui commence l'article.
- L'article ainsi modifié est mis aux voix et adopté.
« Art. 3. Le droit d'accise établi par la loi du 27 juin 1842 modifiée (Moniteur de 1855, n°227) est porté à fr. 2 36 c. par hectolitre de contenance des vaisseanx imposables, dans lesquels il est fait usage de mélasses, sirops ou sucres. »
M. le président. - M. Visart a présenté l'amendement suivant :
« Je demande que le droit sur les alcools de grains reçoive une augmentation proportionnelle à celle que l'article 3 provoque pour l'alcool provenant des mélasses. »
M. Visart. - Messieurs, je ne puis m'expliquer la raison d'être de l'article 3, à moins qu'on ne le modifie dans le sens de l'esprit de mon amendement. Il faut, ce me semble, en toute justice distributive, augmenter l'impôt sur la distillation d'une denrée alimentaire, alors qu'on augmente l'impôt sur une matière qui n'est point propre à l'alimentation.
D'après la loi, un hectolitre de farine est censé produire 7 litres d'alcool, plus une fraction qu'on néglige ; et un hectolitre de mélasse est considéré comme donnant 10 litres d'alcool, plus aussi une fraction qu'on néglige ; mais aujourd'hui on vient supposer tout gratuitement qu'un hectolitre de mélasse donne 11 litres d'alcool.
Le grand intérêt qui nous émeut en ce moment, messieurs, c'est celui qui tend à assurer la subsistance à la classe qui ne peut se soumettre à des prix exorbitants ; eh bien ! alors nous devons voir avec plaisir employer les matières qui n'empiètent point sur les denrées alimentaires, et, par conséquent, nous ne devons pas, très inopportunément, selon moi, augmenter le droit sur l'emploi des mélasses, à moins d'augmenter, d'une manière proportionnelle, le droit sur l'alcool provenant du seigle. C'est là le but de mon amendement.
M. Delehaye, rapporteur. - Je pense qu'il suffira d'appeler l'attention de la Chambre sur ce qui s'est passé il y a quelques mois, pour démontrer que l'amendement de l'honorable M. Visart n'est pas acceptable.
Remarquez bien, messieurs, qu'on ne tire 7 litres d'alcool d'un hectolitre de grains qu'en employant tout ce qu'il y a de plus parfait en matière de procédés de distillation ; aussi ce chiffre de 7 litres a-t-il été (page 188) contesté par la plupart des distillateurs, et il est certain que généralement on ne l'obtient pas.
Pour la distillation des mélasses, au contraire, il a été prouvé par les expériences que le gouvernement a fait faire, que le rendement de 10 litres est infiniment au-dessous de la réalité, et on peut dire sans exagération que la plupart de ceux qui emploient le sucre et la mélasse, obtiennent jusqu'à 12 litres Eh bien, l'article 3 est basé sur un rendement de 11 litres seulement.
Ces faits, messieurs, sont tellement évidents qu'aucun des distillateurs qui emploient des matières saccharines n'a réclamé contre la loi, tous l'ont acceptée.
Evidemment si leur intérêt était compromis, ils se seraient empressés de la faire connaître à la Chambre.
M. Visart. - Messieurs, s'il est vrai, comme le pense l'honorable M. Delehaye, que l'hectolitre de mélasses peut donner jusqu'à 12 litres d'alcool, pourquoi ne fait-on pas une loi nouvelle ? Certes on ne doit laisser tarir aucune source de revenu pour le trésor, quand on reste dans le droit et dans l'application de la justice distributive.
Le gouvernement a fait faire des épreuves sur les deux catégories de distillations et ces épreuves ont fait connaître que le grain donne 7 litres et la mélasse 10 litres ; c'est sur cette double base que la loi existante a été établie, ce n'est donc pas accidentellement, à l'occasion d'une loi de circonstance, qu'on doit venir chercher à favoriser une catégorie au détriment de l'autre.
J'avais, par un premier amendement, messieurs, demandé que l'on rejetât l'article 3 ; ce que j'eusse préféré à l'augmentation que j'ai ensuite proposée, par la raison que notre honorable président m'a objecté que l'on ne pouvait pas proposer le rejet d'un article, ce qui équivaut à la négation qui est dans notre droit : cependant si l'honorable ministre des finances ne propose pas le retrait de l'article que je combats, parce qu'il est, selon moi, empreint d'un cachet d'injustice distributive, je maintiendrai mon amendement dont le but est de faire disparaître cette anomalie.
M. le ministre des finances (M. Liedts). - L'honorable membre demande pourquoi, si le rendement réel des matières sucrées est de onze litres par hectolitre de cuve-matière, le gouvernement n'a pas établi l'impôt sur cette base. Deux mots suffiront, messieurs, pour en expliquer les motifs.
Lorsque nous nous sommes occupé, au mois de juin de l'année dernière, de la loi sur les distilleries, nous connaissions par des expériences dont l'exactitude ne pouvait plus être révoquée en doute, que le rendement des grains était de 7 litres ; mais, quant aux matières saccharines, nous n'avions fait que des expériences incomplètes qui n'étaient pas entourées des mêmes précautions et, dans la discussion, nous avons indiqué approximativement le chiffre de 11 ; je crois même que nous avons cité le chiffre de 12. Or, ces chiffres ne furent pas admis, mais j'obtins que le gouvernement aurait la faculté de fixer le rendement par arrêté royal, après que des expériences contradictoires auraient été faites, sans, toutefois, porte la loi, que l'on puisse excéder le rendement de 10 litres.
En exécution de cette loi, des expériences ont eu lieu, expériences auxquelles tous les distillateurs ont été en quelque sorte invités à assister ; il a été constaté que le rendement n'était pas de 10, mais de 11 1/4 ; depuis cette époque des distillateurs m'ont avoué, dans des conversations particulières, que quelquefois on obtenait jusqu'à 12 ; mais enfin le rendement constaté officiellement est de 11 l/4 ; aussi, à la fin de la session dernière, avais-je présenté à la Chambre un projet de loi, ayant pour objet de consacrer définitivement le rendement de 11. Ce rendement a été examiné en section centrale ; vous savez, messieurs, combien l'intérêt personnel est facile à s'émouvoir ; eh bien, personne n'a protesté contre le rendement de 11 ; ce rendement a été adopté par la sectlion centrale ; par conséquent, bien que le projet n'ait pas été converti en loi, je puis admettre comme vrai le chiffre de 11. Si vous n'acceptiez pas ce chiffre, vous accorderiez une véritable prime à l'exportation ; or ce n'est pas le moment d'accorder des primes.
M. Visart. - Messieurs, si nous voulons accidentellement décider que les mélasses seront imposées à raison de 11 litres d'alcool par hectolitre, pourquoi ne déciderions-nous pas, en même temps, qu'on lui laissera, pour atteindre ce chiffre, un temps plus long pour subir sa transformation ; la farine fermente en vingt-quatre heures ; il en faut trente-six au moins pour la mélasse, qui absorbe plus de cette matière chèrement achetée qui hâte l'opération et voit encore ainsi s'élever son prix de revient.
M. Dumortier. - Messieurs, il n'est pas parlé, dans la loi, des alcools provenant des pommes de terre. Je demanderai au gouvernement quelles sont ses intentions à cet égard. On pourrait, je pense, au moyen du système de la loi, fabriquer des alcools de pommes de terre, les exporter ensuite et priver, par conséquent, le peuple de pommes de terre qui sont aujourd'hui sa principale nourriture.
M. le ministre des finances (M. Liedts). - Messieurs, il est évidemment permis de distiller la pomme de terre pour la consommation intérieure, mais je crois que pas un seul distillateur ne voudrait se hasarder à le faire, et pourquoi ? C'est que, pour chaque hectolitre de cuve-matière remplie de pommes de terre macérées, il devrait payer autant que pour chaque hectolitre de cuve-malière remplie de farine ; or la partie d'alcool qu'il pourrait extraire d'un hectolitre de cuve-matière remplie de pommes de terre, serait si peu de chose eu égard au prix de ces tubercules, que ce serait vouloir se ruiner que de se livrer à une pareille opération ; il lui serait plus avantageux de travailler avec les céréales les plus chères qu'avec des pommes de terre.
Messieurs, j'ai cru devoir ajouter les fruits secs à la nomenclature qui se trouve dans l'article 13. Par là, j'ai surtout en vue d'atteindre une nouvelle distillation qui tend à s'introduire et à laquelle, du reste, j'applaudis. Il s'agit de la distillation des raisins secs qui nous viennent des entrepôts d'Angleterre.
- La discussion est close.
L'amendement de M. Visart est mis aux voix et n'est pas adopté.
L'article 3, tel qu'il vient d'être modifié par M. le ministre des finances, est mis aux voix et adopté.
« Art. 4. Le taux de la décharge est fixé à fr. 21.50 c. »
- Adopté.
« Art. 5. Les sirops et mélasses de toute espèce sont soumis, à l'entrée, à un droit de douane de 75 francs par 100 kilogrammes. »
- Adopté.
« Art. 6. Le gouvernement est autorisé à accorder l'exemption des droits de douane et d'accise sur les produits ci-après, dont l'emploi dans la fabrication de l'alcool a été constaté.
« Sucres, sirops, mélasses et autres substances saccharines étrangères.
« Sucre de betterave indigène.
« Il détermine, dans ce cas, le rendement en alcool qui doit servir de base à la prise en charge de l'accise sur cette fabrication. »
M. Osy. - Messieurs, nous avons vu, par les journaux, que, la France commence à acheter dans le Hainaut les navets et les carottes, pour extraire le jus de ces deux produits agricoles ; dans la province d'Anvers, on commence à en acheter aussi pour faire de l'eau-de-vie. Je crois donc qu'on ferait bien d'ajouter au troisième paragraphe de l’article 6, les mots « navets et carottes ».
M. le ministre des finances (M. Liedts). - Messieurs, je crois que l'honorable membre ne s'est pas bien rendu compte de l'objet de l'article 6 ; les articles précédents s'occupaient de la distillation des denrées du pays ; l'article 6 ne parle que du travail sous le régime de l'entrepôt de certaines denrées étrangères ; on les prend en charge comme si elles devaient entrer en consommation, et, quand on les exporte converties en alcool, on obtient la décharge.
Je ne pense pas que les distillateurs aillent chercher au dehors des carottes et des navets pour les travailler en entrepôt et les faire sortir sous forme d'alcool. Je ne crois donc pas nécessaire de prévoir un cas qui ne se présentera pas.
On me dit que le sucre de betterave qui figure à l'article 6 est un produit du pays ; cela est vrai, mais il faut que l'industriel qui veut en faire usage pour la distillation commence par faire entrer ses sucres de betterave en entrepôt ; à leur entrée dans l'entrepôt, ils ont été pris en charge ; si on veut les utiliser ensuite pour faire de l'alcool, on obtient la décharge comme si c'était du sucre venant de l'étranger.
- L'article 6 est mis aux voix et adopté.
« Art. 7. Indépendamment de cette accise, un droit de dix centimes par hectolitre de contenance imposable est dû, à partir du 1er janvier 1855, sur les vaisseaux dans lesquels il est fait usage, sous le régime de l'article précédent, d'une ou de plusieurs des matières qui y sont énumérées.
« Ce droit est payable au comptant. »
M. Allard. - Messieurs, dans cet article il est dit qu'un droit de 10 centimes par hectolitre de contenance imposable est dû, à partir du 1er janvier 1855, sur les vaisseaux dans lesquels il est fait usage, sous le régime de l'article précédent, d'une ou de plusieurs des matières qui y sont énumérées. Il est entendu que le gouvernement n'usera pas de la faculté qui lui est accordée par l'article 6 avant le 1er janvier, puisque c'est à partir du 1er janvier seulement que le droit de 10 centimes par cuve de matière imposable sera dû.
Mais je demande si ce droit de 10 centimes compensera la dépense'qui résultera de l'augmentation que devra recevoir le personnel de l'administration pour surveiller les distilleries qui vont travailler, sous le régime de l'article 6 de la loi qui nous occupe ; je demanderai si on ne pourrait pas imposer à ces distilleries l'obligation de travailler au moins pendant un certain nombre de mois. Je suppose que 10 ou 15 distilleries fassent la déclaration, à l'effet d'être autorisées à travailler sous l'empire de l'article 6 et qu'elles ne travaillent que pendant 5 ou 6 jours, le gouvernement ne pourra pas supprimer instantanément le service qu'il a dû créer et renvoyer son personnel. Je voudrais que les industriels, autorisés à user du bénéfice de l'article 6, fussent obligés de continuer leurs opérations pendant 5 ou 6 mois.
M. le ministre des finances (M. Liedts). - Il est évident qu'en combinant l'article 6 avec les articles suivants, il en ressort que, pour l'exécution, le gouvernement a besoin d'un blanc-seing de la législature. Ce sont des dispositions de confiance et vous en comprendrez l’indispensable nécessité, quand vous considérerez que le gouvernement aura besoin de constater le rendement différentiel des différentes matières saccharines, du travail de raisin sec et de mélasse, de raisin et de sucre ou de sirop ; il faut donc que le gouvernement puisse constater le rendement (page 189) exact pour que personne n'échappe à l'impôt ou ne supporte un impôt onéreux.
Il devra exercer une surveillance permanente, faire des expériences ; mais à côté de cet article 7, il s'en trouve un autre qui autorise le gouvernement à régler l'exécution de la loi par arrêté royal.
C'est dans l'arrêté royal que seront consignées les mesures nécessaires pour que l'exécution ne devienne une charge onéreuse pour le trésor.
Le gouvernement fera ce qu'il a fait pour l'emploi du sel dans la fabrication des produits chimiques.
Nous avons eu le droit de faire supporter par les industriels les dépenses nécessaires pour la surveillance. On pourra fixer ici le minimum du temps de travail ou le minimum des quantités de matières à travailler. Le gouvernement avisera ; mais je ne puis immédiatement indiquer le mode que nous emploierons afin de couvrir le trésor de la dépense qu'il devra faire. Mais pourquoi, dit-on, le gouvernement ne demande-t-il que 10 centimes à partir du 1er janvier ? La raison en est simple ; à l'heure qu'il est, les distillateurs ne savent rien encore du rendement de ces denrées étrangères, et nous voulons leur donner le temps de se reconnaître. D'ailleurs, à cette époque de l'année, nous pouvons exercer la surveillance nouvelle sans trop de gêne, au moins momentanément ; les arbres sont dépouillés de leurs feuilles ; le cordon de la douane peut être légèrement affaibli ; un seul homme peut exercer autant de surveillance que deux ou trois en été ; on pourra donc distraire quelques employés de ce service pour les charger de l'exercice des usines ; d'ici au 1er janvier, toutes les expériences seront faites ; le rendement de chaque matière parfaitement connu, et la loi mise à exécution ; je ne suppose pas d'ailleurs que plus de 10 ou 12 distillateurs auront à supporter, en compensation des bénéfices que leur assure cet article, une redevance pour couvrir les dépenses du trésor.
- L'article 7 est mis aux voix et adopté.
« Art. 8. Le gouvernement règle les conditions de l'exemption mentionnée à l'article 6.
« Il peut, dans l'intervalle des sessions législatives, lever la prohibition de la sortie des eaux-de-vie.
« Les dispositions prises en vertu du présent article sont communiquées aux Chambres dans la session suivante. »
M. le président. - M. le ministre des finances a proposé à cet article un paragraphe addilonnel qui viendrait après le paragraphe premier ; il est ainsi conçu :
« Le troisième alinéa de l'article 37ter de la loi du 27 juin modifiée (Moniteur n°227), est applicable aux mesures prises par le gouvernement en exécution de la présente loi. »
M. le ministre des finances (M. Liedts). - Comme j'ai eu l'honneur de le dire tantôt, quand la loi sera votée, le gouvernement aura à prendre un arrêté d'exécution. Or, d'après les dispositions des lois existantes, cet arrêté serait sans sanction, et comme nous sommes en présence de grands industriels, les fraudes seraient considérables.
Il faut donc que l'arrêté d'exécution soit de nature à empêcher les abus. J'ai puisé la sanction dans la loi de 1853 que vous avez faite. Le gouvernement avait été chargé de prendre un arrêté, d'après lequel les contraventions étaient punies d'une amende de 800 fr.
Je demande que cette même disposition soit introduite comme sanction de la loi en discussion. J'espère que le gouvernement n'aura pas à l'appliquer.
- L'article 8 est adopté avec l'amendement proposé par M. le ministre des finances.
« Art. 9. La décharge de 21 fr. 50 c. est applicable aux quantités d'eau-de-vie comprises dans les permis d'exportation, de dépôt en entrepôt ou de transcription, qui seront soumises à la vérification des employés à partir de la mise en vigueur de la présente loi.
- Adopté.
« Art. 10. La présente loi sera obligatoire le lendemain de sa publication. »
M. Vandenpeereboom. - L'article premier de la loi porte : « L'exportation des eaux-de-vie indigènes est temporairement interdite. »
Ainsi la loi est temporaire ; elle a été nécessitée par des circonstances extraordinaires et temporaires. Je crois donc qu'il est nécessaire d'y assigner un terme. Je propose de rédiger l'article 10 comme suit : « La présente loi, dont les effets cesseront le 31 décembre 1855, sera obligatoire le lendemain de sa publication. »
M. le ministre des finances (M. Liedts). - C'est la prohibition à la sortie qui doit cesser ses effets le 31 décembre 1855. Mais il est utile de maintenir comme dispositions permanentes le rendement du sucre indigène et des matières saccharines, et de rédiger ainsi les articles 10 et 11.
« Art. 10. La prohibition des eaux-de-vie à la sortie cessera ses effets le 31 décembre 1855, si elle n'est pas levée avant cette époque. »
« Art. 11. La présente loi sera obligatoire le lendemain de sa publication. >
M. Vandenpeereboom. - Je me rallie à ces amendements.
- Les articles 10 et 11 sont adoptés avec la rédaction proposée par M. le ministre dos finances.
M. le président (pour une motion d’ordre). - Comme il reste peu de travaux à l'ordre du jour je propose de fixer les séances à 3 heures, afin qu'on puisse travailler en sections. J'engage instamment les membres de la Chambre à se trouver dans les sections à l'heure indiquée.
- La proposition de M. le président est adoptée.
La Chambre décide qu'il sera immédiatement procédé au vote définitif du projet.
Les amendements admis au premier vote sont définitivement adoptés.
Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet.
78 membres sont présents.
3 s'abstiennent.
73 votent l'adoption.
2 rejettent.
En conséquence, le projet de loi est adopté. Il sera transmis au Sénat.
Ont voté l'adoption : MM. F. de Mérode, de Mérode-Westerloo, de Moor, de Muelenaere, de Perceval, de Portemont, de Royer, de Ruddere de Te Lokeren, de Sécus, Desmaisières, de Steenhault, de Theux, de T'Serclaes, Devaux, de Wouters, Dumon, Dumortier, Faignart, Goblet, Janssens, Jouret, Julliot, Landeloos, Lange, Laubry, le Bailly de Tilleghem, Lebeau, Le Hon, Lejeune, Loos, Maertens, Manilius, Mascart, Matthieu, Osy, Pirmez, Rodenbach, Rousselle, Tack, Tesch, Thiéfry, Thîenpont, T'Kint de Naeyer, Tremouroux, Vanden Branden de Reeth, Vandenpeereboom, Vander Donckt, Van Grootven, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Van Overloop, Van Remoortere, Van Renynghe, Verhaegen, Vermeire, Vervoort, Vilain XIIII, Wasseige, Allard, Ansiau, Boulez, Brixhe, Calmeyn, Coomans, Coppieters 't Wallant, Dautrebande, de Breyne, de Decker, de Haerne, Delehaye, Deliége, Dellafaille et Delfosse.
Out voté le rejet : MM. Orts et Prévinaire.
Se sont abstenus : MM. Lesoinne, Visart et David.
M. le président. - Les membres qui se sont abstenus sont invités à faire connaître les motifs de leur abstention.
M. Lesoinne. - Je n'ai pas voté pour le projet, parce que je suis opposé à toute espèce de prohibition à la sortie. D'un autre côté je n'ai pas voulu voter contre, parce qu'il supprime les primes que l'on accorde aux distillateurs à la sortie et j'espère que cette suppression deviendra permanente.
M. Visart. - Je n'ai pas voulu voter contre la loi, parce qu'à mes yeux elle a sa raison d'être, puisée dans les circonstances exceptionnelles dans lesquelles nous sommes.
Mais d'une autre part je n'ai pas voulu consacrer par mon vote l'article 3 ni dans son texte, ni dans son esprit.
M. David. - La loi me convient parfaitement bien à partir de l'article 2, je n'ai donc pas voulu voter contre ; mais, messieurs, je n'ai pu voter pour parce que l'article premier consacrant la prohibition des alcools à la sortie, frappe non seulement les distilleries et les nombreux ouvriers y employés, mais encore l'agriculture, l'industrie des houilles et des machines, ainsi que la navigation. A mon sens cet article est irrationnel ; de plus il ne fera pas baisser les céréales d'un quart de centime.
M. Coomans (pour une motion d’ordre). - Messieurs, je crois qu'il est de mon devoir, comme rapporteur de la commission chargée de vérifier les pouvoirs du représentant élu à Bastogne, d'interpeller le gouvernement sur le retard qu'éprouve la communication des renseignements demandés au sujet de cette élection. Voilà 19 jours que l'arrondissement de Bastogne est privé d'un représentant. D'après les renseignements que j'ai reçus, il n'y a plus aucun motif pour différer l'admission de M. Lambin. (Interruption.) Je sais bien que c'est la Chambre qui aura à statuer sur ce point, mais je puis exprimer ma conviction qui repose sur des renseignements très complets.
M. le ministre des affaires étrangères (M. H. de Brouckere). - Messieurs, le gouvernement n'a pas mis le moindre retard à demander les renseignements dont il s'agit, et une lettre de rappel a été adressée, il y a peu de jours, aux autorités provinciales. La réponse arrivera très incessamment, et lorsqu'elle sera arrivée, nous saurons à qui le retard doit être imputé ; mais la Chambre entière comprendra qu'il ne dépend pas de nous de forcer les personnes qui doivent répondre, à le, faire dans tel ou tel délai.
M. de Mérode. - Le retard provient probablement de ce que c'est en pays étranger.
M. le ministre des affaires étrangères (M. H. de Brouckere). - Non, il s'agit des renseignements demandés dans le pays.
M. de Muelenaere. - Messieurs, je suis loin de vouloir accuser le gouvernement ; mais il me semble véritablement étrange que des renseignements qu'on a pu demander il y a huit jours dans la province de Luxembourg ne soient pas encore arrivés. Je fais des vœux très sincères pour qu'on mette un terme à un pareil état de choses, car on ne peut pas priver indéfiniment une localité de son représentant.
(page 190) M. Dumortier. - La Chambre a été saisie hier d'une pétition relative à cette affaire. Je ferai remarquer que, lorsque dans le temps nous avons fait une enquête sur l'élection de M. Corneli, cette enquête a amené un résultat au bout de dix jours. Eh bien, il y aura demain trois semaines que la décision relative à l'élection de Bastogne a été prise, et il n'est pas concevable qu'une demande sur deux ou trois individus exige un temps si considérable.
M. Coomans. - On m'a écrit depuis deux ou trois jours du Luxembourg que l'enquête est terminée. Je n'entends pas du tout mettre en doute les bonnes intentions de M. le ministre, je n'ai pas la moindre raison pour le faire, mais je trouve étrange qu'il faille, au gouvernement 19 jours pour obtenir des renseignements que j'ai reçus très complets le cinquième jour, moi qui n'ai ni gouverneurs ni commissaires d'arrondissement à ma disposition.
M. le ministre des affaires étrangères (M. H. de Brouckere). - C'est pour cela que les choses vont plus vite.
- La séance est levée à 4 heures.