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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mercredi 10 mai 1854

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1853-1854)

(Présidence de M. Delfosse.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 1663) M. Dumon procède à l'appel nominal à midi et un quart.

M. Maertens donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Dumon présente l'analyse des pétitions adressées à la Chambre.

« Des médecins et chirurgiens à Pâturages, Wasmes et Frameries déclarent adhérer à la pétition du cercle pharmaceutique du Hainaut, relative au cumul de l'exercice de la médecine avec celui de la pharmacie. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Criquelion appelle l'attention de la Chambre sur la pétition qu'il a présentée avec plusieurs conseils communaux et qui est relative à l'organisation du paupérisme. »

- Même renvoi.


« Il est fait hommage à la Chambre, par la société des Sciences, des arts et des lettres du Hainaut, du tome premier de la deuxième série de ses mémoires et publications. »

- Dépôt à la bibliothèque.

Projet de loi modifiant le code disciplinaire et pénal de la marine marchande

Rapport de la section centrale

M. Van Iseghem. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale sur le projet de loi portant modification à l'article 62 de la loi du 29 juin 1849, concernant le Code disciplinaire et pénal de la marine marchande.

- La Chambre ordonne l'impression et la distribution de ce rapport et le met à la suite des objets à l'ordre du jour.

Motion d'ordre

Condition d'infirmités pour la mise à la pension des fonctionnaires

M. de Bronckart. - Messieurs, la loi du 21 juillet 1844 sur les pensions civiles et ecclésiastiques dispose :

« Art. 1er. Les magistrats, fonctionnaires et employés faisant partie de l'administration générale et rétribués par le trésor public pourront être admis à la pension à soixante-cinq ans d'âge et après trente années de service.

« Art. 3. Tout magistrat, fonctionnaire ou employé reconnu hors d'état de continuer ses fonctions par suite d'infirmités pourra être admis à la pension, quel que soit son âge, s'il compte au moins dix années de service. »

Tels sont les principes consacrés par la loi du 21 juillet 1844 sur les pensions.

Mais on ne tarda pas à s'apercevoir que la disposition de l'article 3 faisait naître trop de convoitises et alléchait trop d'appétits. Des abus se produisirent que l'on pourrait qualifier de scandaleux. Il fallut donc aviser aux moyens de mettre le trésor public à l'abri de l'avidité de certains hommes et de donner au gouvernement la force nécessaire pour résister aux obsessions pressantes dont il n'était que trop souvent l'objet. La loi du 17 février 1849 a rempli ce double but.

« Art. 3, § 1er. Aucune pension ne sera accordée pour cause de blessures, accidents ou infirmités, en dehors des conditions d âge et d'années de services déterminées parl a loi, si la réalité des blessures, accidents ou infirmités n'est constatée par une commission spéciale à la majorité de 4 voix.

« § 2. Il y a une commission par province, etc., etc. »

C'est là, messieurs, on ne peut en disconvenir, une puissante garantie pour le trésor, et pour le gouvernement un moyen efficace de mettre sa responsabilité à l'abri des critiques et des accusations dont il pourrait être l'objet. Le gouvernement et les contribuables ont donc un égal intérêt à l'application de cette disposition de la loi de 1849. Aussi, n'est-ce pas sans surprise que nous avons vu au Moniteur du 2 mai, l'arrêté royal suivant, pris le 26 avril dernier :

(L'orateur donne lecture de cet arrêté.)

Messieurs, placé en regard des principes sur la matière que je viens d'énumérer très brièvement, cet arrêté royal fait naître des doutes, je dirai presque des soupçons, que le gouvernement, dans son propre intérêt, doit se hâter de dissiper. Ces doutes peuvent se résumer en quatre points, sur lesquels je prie l'honorable ministre de l'intérieur de vouloir donner à la Chambre des explications claires et précises.

1° Pourquoi le gouvernement s'est-il soustrait aux prescriptions de la loi, en ne consultant pas, sur les prétendues infirmités du pensionnaire, la commission spéciale instituée ad hoc ?

2° Pourquoi le gouvernement s'est-il contenté d'un certificat délivré par deux médecins constatant les prétendues infirmités dont le pensionnaire aurait été atteint au 1er septembre 1847, et pourquoi la date de ce certificat n'est-elle pas visée à l'arrêté royal en même temps que le certificat lui-même ?

3° L'arrêté royal du 12 août 1847 qui admet l'honorable pensionnaire à faire valoir ses droits à la pension, a-t-il été pris sur la demande de l'honorable pensionnaire ?

4° Enfin subsidiairement s'est-on conformé aux prescriptions de l’arrêté royal du 7 avril 1845, qui détermine les formalités à remplir pour la justification des droits à la pension ?

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Messieurs, je crois ne pouvoir mieux faire, pour répondre à l'interpellation qui vient d'être produite par l'honorable député de Liège, que de raconter à la chambre les faits qui se rattachent à la pension de l'honorable M. de La Coste. Ces faits prouveront, je le crois avec confiance, qu'il a été fait une juste application des principes sur la matière.

M. de La Coste a occupé de hautes fonctions publiques sous divers gouvernements. Ses services ont été pendant quelque temps interrompus. Il fut, en 1846, nommé au poste de gouverneur de la province de Liège.

En 1847, par un arrêté du 12 août, M. de La Coste a été admis à faire valoir ses droits à la pension.

Immédiatement après avoir été mis à la retraite, M. de La Coste a adressé au gouvernement une demande de pension et il s'est fondé sur la loi de 1844, article 3, qui porte que tout magistrat, fonctionnaire ou employé, reconnu hors d'état de continuer ses fonctions par suite d'infirmités, pourra être admis à la pension, quel que soit son âge, s'il compte au moins dix années de services.

A l'appui de sa demande de pension, M. de La Coste a produit les pièces constatant ses anciens services. Indépendamment de ces pièces et pour obéir à une invitation qui lui avait été faite par le ministre de l'intérieur le 27 novembre, M. de La Coste a produit un certificat de deux médecins délivré en la forme prescrite par la loi de 1844, sous l'empire de laquelle les droits de M. de La Coste à la pension se sont ouverts.

Ces pièces, à ce qu'il paraît, ont été égarées au déparlement de l'intérieur et pendant longtemps la pension n'a pu être liquidée.

En 1853, M. de La Coste a présenté de nouveau une demande de liquidation, ou plutôt a rappelé sa demande primitive, et a invité le gouvernement à régler la question de sa pension.

Je me suis fait représenter le dossier et j'ai reconnu que les pièces primitives qui avaient été produites par M. de La Coste, c'est-à-dire, tous les anciens étals de service, y compris le certificat exigé par loi, ne s'y trouvaient plus. J'ai voulu m'assurer, officiellement, que ces pièces avaient été réellement produites et je me suis fait représenter les registres qui sont destinés à constater l'entrée et la sortie des pièces. Or, il a été reconnu par la production de ces documents officiels, que les pièces nécessaires à la justification des titres avaient été régulièrement fournies par M. de La Coste.

Je ferai connaître à la Chambre, si elle le trouve convenable, les termes dans lesquels cette constatation repose dans les archives du ministère de l'intérieur.

Quoi qu'il en soil, les pièces n'existaient plus.

J'ai informé M. de La Coste qu'il devait être possible de reproduire des pièces qui avaient eu un caractère officiel et dont, par conséquent, des traces officielles devaient exister dans des dépôts publics. Ainsi, tous les états de service invoqués par l'honorable, membre et qui se rattachent à des fonctions qu'il a remplies tant sous le gouvernement français que sous legouvernement des Pays-Bas, avaient naturellement leur source dans des documents officiels existant soit à Paris, soit à la Haye.

M. de La Coste a compris qu'il devait se conformer à cette demande du gouvernement. Il a réclamé de nouveau les documents justificatifs, et ces pièces ont été remises au département de l'intérieur. Elles sont en règle et constatent 21 années de service.

M. de La Coste a été invité aussi à produire de nouveau le certificat qui avait été délivré le 2 décembre 1847 par les médecins chargés par M. le ministre de l'intérieur d'examiner la personne et de délivrer une attestation sur le fait des infirmités alléguées.

(page 1164) Par un hasard très favorable à l'honorable membre, ces deux médecins existent encore ; c'est, d'une part, M. le baron Seutin, et d'autre part M. Verdeyen, médecins très honorablement connus à Bruxelles. Ils ont été invités à reproduire dans un nouveau certificat les faits attestés en 1847 en conformité de l’arrêté organique de 1845 destiné à assurer l'exécution de la loi de 1844.

Ces deux médecins se souvinrent parfaitement de ce qu'ils avaient vu et écrit à cette époque ; et ils délivrèrent le certificat exigé. Ce certificat existe, ainsi que toutes les autres pièces dont je viens de faire état.

En présence de ces documents et en présence de la certitude officielle que tous ces documents remontent à l'époque où les droits à la pension se sont ouverts, où M. de La Coste a formé sa demande dans les délais voulus par la loi, en présence de l'accomplissement de toutes les formalités exigées, que devait faire le gouvernement ? Il est évident que la justification d'une pension doit dépendre, quant à la forme, de la loi sous l'empire de laquelle les droits à la pension se sont ouverts.

Les droits à la pension de M. de La Coste se sont ouverts au mois de septembre 1847, quand il a été démissionné. A cette époque, il a produit sa demande ; il y a joint toutes les pièces justificatives, et si les pièces n'avaient pas été égarées, pas le moindre doute que le gouvernement de l'époque n'eût été amené à liquider immédiatement la pension de M. de La Coste ; et ce qui le prouve, c'est la correspondance du ministre qui invite M. de La Coste à compléter les documents qu'il devait produire, et de la production desquels seuls devait dépendre la liquidation de la pension.

Messieurs, il n'était pas possible à un gouvernement, quel qu'il fût, de se conduire d'après d'autres principes, à moins de laisser soupçonner qu'il y a deux poids et deux mesures suivant les circonstances. Or, cette supposition n'est pas admissible.

Voilà, messieurs, comment il se fait que la pension de M. de La Coste a été liquidée par un arrêté royal du 2 mai dernier.

On demande pourquoi la date du certificat des médecins ne se trouve pas énoncée dans l'arrêté royal. Eh bien, messieurs, c'est par la raison que je viens d'expliquer, c'est que ce certificat ne porte pas la date de 1847, puisque les médecins ne pouvaient pas délivrer en 1854 un cert ficat daté de 1847 ; il n'était pas possible dès lors de viser le certificat dans l'arrêté royal autrement que l'arrêté royal ne l'a fait.

Mais ce qui est certain, ce qui doit faire disparaître non seulement toute espèce de soupçon, mais le moindre douce sur l'existence primitive de la pièce dont il s'agit, c'est qu'indépendamment de ce que les médecins se réfèrent au certificat délivré en 1847, l'existence de ce certificat est constatée par les registres qui existent au ministère de l'intérieur. Voici en quels termes l'indicateur de la division note l'entrée des pièces :

« De La Coste, ex-gouverneur, 2 décembre 1847, MM. Seutin et Verdeyen adressent un certificat de son état de santé. »

Cela est constaté en outre par l'indicateur général du ministère. La certitude est donc acquise que le certificat primitif a existé à sa date réelle, elle est acquise par les pièces que je viens de citer et, d'autre part, elle est confirmée par le caractère honorable des hommes qui l'ont délivré.

Je dois ajouter, messieurs, que M. de La Coste a déclaré qu'il renonçait aux termes échus de sa pension.

J'espère, messieurs, que l'exposé de ces faits aura pour résultat de vous convaincre que l'application de la loi a été faite régulièrement et pour des justes motifs. Personne ne peut avoir le moindre doute ni sur les titres à la pension, ni sur la manière dont le gouvernement a procédé.

M. de Bronckart. - Messieurs, il semblerait résulter des explications données par l'honorable ministre de l'intérieur que l'honorable M. de La Coste, dont je me permets de citer le nom, imitant en cela le gouvernement, aurait eu des droits acquis parfaits, sous l'empire de la loi de 1844, et que si cette pension n'a pas été liquidée sous l'administration précédente, c'est un déni de justice dont cette administration s'est rendue coupable. Mais, messieurs, s'il en était ainsi, je ne comprends pas que l'honorable M. de La Coste et ses amis politiques n'aient pas adressé à l'honorable M. Rogier, qu'ils ont accusé de tant de choses et sans fondement, l'accusation beaucoup plus fondée de s'être rendu coupable d'un déni de justice. Quant au certificat si malheureusement perdu et si heureusement retrouvé, moins la date, je n'y attache pas grande importance. Mais je dois déclarer que les explications données par M. le ministre de l'intérieur ne me satisfont point, et, je le crains bien, ne satisferont personne.

Le gouvernement n'avait aucun motif, selon moi, de se soustraire aux prescriptions de la loi ; il en avait, au contraire, et de très puissants, pour s'y soumettre rigoureusement, et l'honorable ministre de l'intérieur, qui alors était bourgmestre de Liège, sait, comme tous ceux qui, en 1847, ont été en rapports administratifs avec l’honorable pensionnaire savent que la seule infirmité qui l'ait frappé à cette époque a été l'avènement de l'opinion libérale aux affaires. L'honorable pensionnaire se croyait même si peu hors d'état de continuer ses fonctions, malgré cet avènement, qu'il s'était cramponné, dans ce naufrage politique, à son gouvernement de Liège, et qu'il n'a fallu rien moins qu'une énergique démonstration du conseil provincial, non pas pour déterminer l’honorable pensionnaire à lâcher enfin prise, mais pour amener le cabinet à le démissionner.

En présence de ce fait dont je garantis l'exactitude, je demande quelle valeur peut avoir un certificat constatant que,19 jours après son renvoi, l’honorable pensionnnaire se trouvait, par suite d'infirmité, dans l'impossibilité de remplir ses fondions 19 jours auparavant ? Je demande comment M. le ministre de l'intérieur, qui connaissait ces faits, a pu céder aux obsessions qui l'ont sans doute entouré ; je demande enfin si l'on n'est pas fondé à dire que l'octroi de cette pension est un scandale de plus à ajouter à tous les autres scandales.

Je n'en dirai pas davantage, je n'ai voulu qu attirer l'attention de l'opinion publique sur ce fait. Mon but est atteint.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Messieurs, je dois relever une obsevation qui a été faite et qui se rattache à l'administration précédente. La liquidation de la pension de M. de La Coste ne contient directement ni indirectement un blâme quelconque pour l'ancien cabinet ; l'ancien cabinet s'est trouvé dans une situation à ne pouvoir liquider la pension, parce que les pièces, produites par M. de La Coste, avaient été égarées ; et ce qui prouve au surplus que le cabinet d'alors avait l'intention de liquider la pension, c'est qu'il a demandé à M. de La Coste de fournir la justification des droits qu'il croyait avoir à une pension ; de plus il a invité directement les médecins à produire la pièce dont l'arrêté royal faisait dépendre la liquidation de la pension. Le cabinet précédent n'est donc pas, ici en cause.

L'honorable M. de Bronckart a fait appel à un autre genre de considérations ; il a dit que le ministre de l'intérieur actuel, alors bourgmestre de Liège, savait très bien sous quelle influence la démission de M. de La Coste était intervenue. A cela je n'ai qu'une réponse à faire, c'est que quand j'étais bourgmeslre de Liège, je ne m'occupais point de choses qui ne me concernaient pas, je n'entrais pas dans l'appréciation des motifs qui engageaient le gouvernement à démissionner un gouverneur. Les faits se présentent aujourd'hui à la décision du gouvernement et je l'examine au point de vue de la loi, sans me préoccuper le moins du monde des considérations auxquelles la démission de M. de La Coste a été subordonnée,

M. le ministre de la justice (M. Faider). - Messieurs, l'honorable M. de Bronckart ne semble pas se rendre compte de la question de droit qu'il a soulevée ; il persiste à croire que M. le ministre de l'intérieur aurait dû suivre, pour la liquidation de la pension de M. de La Coste, les formes de la loi du 17 février 1849 qui a modifié la loi du 21 juillet 1844 sur les pensions. Or, c'est là une erreur, selon moi. La véritable question de droit est celle de savoir si, du jour où M. de La Coste a été admis à faire valoir ses droits à la pension, il y avait pour lui un droit acquis à faire valoir ces droits.

Je ne m'occupe pas de l'application de la loi, de la liquidation même ; je m'occupe de la question de forme. Elle se lie intimement au fond du droit. Le droit acquis à la pension comprend, par la force des choses et d'après les principes, la forme dans laquelle ce droit doit être produit et prouvé.

La forme en vigueur en 1844 était, non pas l'intervention d'une commission provinciale, qui n'a été créée qu'en 1849, mais l'attestation de deux médecins désignés par le département de l'intérieur.

Or, les deux médecins ont été désignés par l'honorable ministre de l'intérieur, en décembre 1847. Les deux médecins, opérant régulièrement, ont délivré leurs certificats, dans le temps où le droit de l’honorable M. de La Coste devait être examiné par le gouvernement.

Maintenant par une circonstance indépendante de la volonté de l'honorable M. de La Coste et de l'honorable ministre de l'intérieur, la liquidation a subi des retards. Les pièces ont été égarées. Sur de nouvelles réclamations, elles ont été reproduites. Le certificat de MM. Seutin et Verdeyen a notamment été reproduit sous une autre forme et dans des termes identiques, et l'honorable M. de La Coste s'est mis en règle : c'est à dire que les pièces et les documents relatifs à la liquidation de la pension ont été soumis à l'honorable ministre de l'intérieur.

En principe, il serait tout à fait impossible de soutenir que, pour liquider des droits à la pension qui se sont ouverts en 1847, il faille consulter la loi portée en 1849. Ce n'est pas ici une question de procédure, une question ordinatoirc. Cette question tient au fond du droit, c'est une question dérisoire. Le mode de preuve se lie au fond du droit même, et ne dépend pas du temps où l'on use de son droit.

C'est la loi en vigueur au moment où le droit s'ouvre qui règle le mode de preuve. Ce principe qui est élémentaire en droit, qui consacre à la fois les droits acquis et la non-rétroactivité des lois, est complètement applicable à l'honorable M. de La Coste, quant au mode de preuve des droits qu'il peut avoir à la pension.

J'ai été consulté sur cette question, au moment où l'on s'est occupé de l'affaire de l'honorable M. de La Coste. J'ai exprimé cette manière de voir ; elle a été adoptée par mes honorables collègues.

Elle ne peut être contestée par ceux qui sont au courant des notions du droit.

M. de Mérode. - Messieurs, selon M. de Bronckart, l'avénément du parti libéral aux affaires, était la seule maladie du gouverneur (page 1665) de Liège dont la pension a été critiquée par l'honorable préopinant ; Je reconnais volontiers que le choléra destitutionnel était alors dans toute eon intensité, c'est pourquoi je me félicite du changement qui s'est opéré dans notre état sanitaire politique. Car je ne pourrai jamais considérer comme vraiment libéral un gouvernement qui destitue à tort et à travers.

M. Manilius. - Je suis en quelque sorte satisfait de voir le soin, l'attention, la minutie qui président à la recherche des droits de ceux qui prétendent avoir droit à la pension.

Certainement, nous sommes tous témoins que, dans beaucoup de cas, ceux qui ont de ces droits à faire valoir souffrent, et souffrent très longtemps. Un grand nombre de ceux dont la question de droit décisoire n'a pas été aussi bien recherchée se sont adressés à la Chambre par des pétitions. Je me rappelle même que, dans le temps, nous avons demandé des renseignements sur les requêtes de personnes qui réclamaient non seulement contre un rejet formel de leurs droits à la pension, mais encore contre le rejet de leurs anciens droits, rejet motivé sur ce que souvent le droit décisoire n'avait pas été bien examiné.

Ainsi, loin de blâmer que l'on ait donné une pension à l'honorable ancien fonctionnaire dont on avait reconnu les droits, je recommande au gouvernement présent et au gouvernements futurs, de mettre toujours le même soin, la même activité, la même finesse de recherches pour établir les droits des fonctionnaires, surtout de ceux qui ne jouissent pas d'une grande aisance, et qui, par cette raison même, ne sont pas parvenus à faire reconnaître ce droit décisoire, et n'y parviennent toujours que difficilement, s'ils n'ont pas les moyens de se faire aider par d'habiles conseillers.

Je fais cette recommandation moins pour le ministère, pour qui je la crois superflue (car les faits prouvent de son désir de faire reconnaître les droits à la pension) que pour l'avenir.

Je désire que l'on recherche avec le plus grand soin la question de droit décisoire pour les pensions, notamment pour les personnes qui en ont notoirement besoin.

- La discussion est close.

Projet de loi portant le budget du ministère de la justice de l’exercice 1855

Discussion du tableau des crédits

La Chambre est parvenue au chapitre III : Justice militaire.

Chapitre III. Justice militaire

Articles 12 à 15

« Art. 12.Cour militaire. Personnel.

« Charge ordinaire : fr. 16,070.

« Charge extraordinaire : fr. 4,233. »

- Adopté.


« Art. 13. Cour militaire Matériel : fr. 2,000. »

- Adopté.


« Art. 14. Auditeurs militaires et prévôts.

« Charge ordinaire : fr. 29,819.

« Charge extraordinaire : fr. 212. »

- Adopté.


« Art. 15. Frais de bureau et indemnité pour feu et lumière : fr. 3,540. »

- Adopté.

Chapitre IV. Frais de justice

Article 16

« Art. 16. Frais de justice en matière criminelle, correctionnelle et de police : fr. 570,000. »

M. de Mérode. - Malgré le progrès en mieux vers lequel nous croyons ou voulons marcher, et dont je désirerais infiniment la réalité, les actes audacieux et barbares qui frappent les personnes inoffensives et leur infligent une mort violente et inattendue, continuent à être fréquents en Belgique.

Les mœurs sociales deviennent-elles plus cruelles et plus perverses ? ou l'action de la justice demeure-t-elle trop faible contre les inspirations du crime ? C'est un dilemme dont l'examen mérite l'attention spéciale du gouvernement du pays et de tous ceux qui prennent part à sa direction comme membres de la représentation nationale.

J'éprouve pour ma part un vif regret de voir si souvent l'innocent privé de la vie par des attentats commis dans nos villes et nos campagnes. Le vol, la vengeance ou d'autres passions honteuses ne s'y font pas faute de s'exercer par le meurtre prémédité, et je suis très porté à croire que les assassins ayant ici trois fois sur quatre la chance d'échapper à la mort que leur réserve le Code pénal, et qu'ils donnent à d'autres sans commisération, attendent pour eux-mêmes cette commisération de la puissance publique, s’ils tombent entre ses mains.

De là résulte que la crainte, seul sentiment capable de les contenir, n'agit plus suffisamment sur les cœurs endurcis, et les victimes de leurs brutalités succombent plus nombreuses.

La sensibilité est sans doute une très belle disposition de l'âme, mais les gouvernements trop flexibles pour les assassins sont trop peu propices à la sécurité des malheureux exposés à perdre la vie sous leurs coups. Je crois qu'en Belgique ce sentimentalisme philanthropique a été fatal à un grand nombre d'infortunés prématurément descendus au tombeau d'une manière affreuse ; car chacun doit comprendre la différence qui existe entre la mort naturelle, tranquille et la terrible surprise du meurtre pour celui qui la subit.

Aussi les peuples ont toujours considéré comme protecteurs bienfaisants les pouvoirs bons justiciers, et l’histoire leur accorde de justes éloges. Il faut en effet, à l’honnête homme, beaucoup d’empire sur ses impressions propres et du courage pour ne pas reculer devant la pénible obligation de punir les malfaiteurs les plus redoutables, selon la rigueur que leur appliquent nos lois pénales et qu’elles appliquent, non par sévérité cruelle, mais par déplorable nécessité.

Cette rigueur mise en action est d'un effet très douloureux sans doute. C'est pourquoi les dépositaires d'une autorité faible cherchent à l'écarter, que la méchanceté rassurée tue ensuite plus encore, ils ne font qu'apprendre par récit ses exécutions horribles, ils ne souffrent pas de leur mise en scène dans quelque lieu écarté, puisqu'elles sont accomplies, quand ils les connaissent ; et c'est parce que je me retrace vivement les angoisses des suppliciés par la férocité criminelle, que j'ose désirer la plus forte répression contre celle-ci.

Je ne conçois point les grâces appliquées de façon bénévole et sans principe fixe. Je remarque que, lorsqu'on vient de beaucoup assassiner en Belgique, le « tant pis » arrive pour les premiers coupables qui se présentent ; ils subissent alors la peine de leurs œuvres. Mais ceux qui les suivent ultérieurement ont généralement bonnes chances et dans l'ensemble trois sur quatre tuent sans autre châtiment que la prison. Ainsi se confondent aux yeux de la foule la culpabilité de l'acte privatif de la bourse et de l'acte privatif de la vie même avec méchante préméditation ; les cupidités infâmes, l'incendie, le viol avec la mort pour cortège, sont ménagés par ce régime, mais il leur livre une proie plus abondante d'êtres tristement destinés au trépas violent, pour satisfaire l’humanité conçue à rebours de la justice.

J'ai présenté ces observations d'une manière générale, m'exposant, je le sais, aux attaques de la presse déraisonnable et peu équitable ; mais je l'ai fait pour m'acquilter de mon devoir.

M. Lelièvre. - A l'occasion du chapitre en discussion, j'appelle l'attention de M. le ministre de la justice sur les abus signalés par la presse relativement à la détention préventive. Il paraît que, dans plusieurs localités, on continue d'employer ce moyen extrême sans une nécessité bien constatée, et l'on perd de vue les principes énoncés à la circulaire du prédécesseur de M. le ministre, savoir qu'en matière correctionnelle la liberté provisoire est la règle, et qu'il n'y a lieu à détention préventive que dans des cas graves et exceptionnels.

La presse a signalé des cas nombreux où les principes protecteurs de la liberté individuelle ont été méconnus. Des magistrats honorables m'ont attesté qu'il en était ainsi. Je prie M. le ministre de s'assurer de la réalité des griefs et de bien vouloir adresser aux officiers du parquet les instructions nécessaires.

Qu'il me soit aussi permis, à l'occasion des frais de justice, de recommander à M. le ministre la position des huissiers, position qui doit être améliorée si l'on veut que ces officiers ministériels conservent la dignité nécessaire pour s'acquitter convenablement de leurs fonctions.

Quant aux observations de l'honorable M. de Mérode, je les conçois en théorie, mais je dois à la vérité de déclarer qu'en Belgique on n'abuse pas du droit de grâce et qu'on n'en fait pas usage envers des individus qui sont indignes de cette faveur ; je dois sous ce rapport rendre pleinement hommage à M. le ministre de la justice qui, loin d'être trop indulgent, pourrait bien au contraire être taxé d'une sévérité excessive.

M. Coomans. - Je pense que les divers litteras de l'article sont en discussion ?

M. le président. - Oui, M. Coomans.

M. Coomans. - Assez longtemps on s'est appliqué à améliorer le sort des condamnés criminels. Les philanthropes se sont ingéniés pour assurer toutes sortes de douceurs aux assassins et aux voleurs ; je né blâme pas absolument cette conduite, pourvu qu'elle ait pour mobile principal la régénération morale des détenus ; cependant ce n'est pas sans peine que nous voyons de très honnêtes gens nourris et logés beaucoup plus mal que les individus dont la nation a dû se débarrasser provisoirement.

Messieurs, je fais cette remarque pour appeler par analogie l'attention du gouvernement sur une catégorie d'hommes en faute qui sont beaucoup plus mal traités que de véritables criminels ; je parle des miliciens qui se trouvent dans les compagnies de discipline. Je sais ce que réclame le maintien d'une discipline rigoureuse ; certes je ne voudrais pas refuser au gouvernement les moyens d'en assurer l'observation dans les rangs de l'armée.

Mais si on ne m'a pas exagéré certains faits, que je puis attribuer à une sorte de négligence ou d'indifférence plutôt qu'à du mauvais vouloir, on ferait usage dans les compagnies de discipline de peines véritablement afllictives qui semblent disproportionnées avec les fautes de discipline qu'on peut avoir à reprocher à ces malheureux. Nous ne devons pas perdre de vue que les miliciens n'ont pas embrassé volontairement cet état, que ce sont des soldats forcés, que par conséquent ils ont droit à toute l'indulgence compatible avec le maintien d'une bonne armée.

- L'article 16 est mis aux voix et adopté.

Article 17

(page 1666) « Art. 17. Traitement des exécuteurs des arrêts criminels et des préposés à la conduite des voitures cellulaires.

« Charge ordinaire : fr. 9,800.

« Charge extraordinaire : fr. 19,615. »

- Adopté.

Chapitre V. Palais de justice

Article 18

« Art. 18. Constructions, réparations et entretien de locaux. Subsides aux provinces et aux communes pour les aider à fournir les locaux convenables pour le service des tribunaux et des justices de paix.

« Charge ordinaire : fr. 35,000.

« Charge extraordinaire : fr. 40,000. »

Chapitre V. Publications officielles

Article 19

« Art. 19. Impression du Recueil des lois, du Moniteur et des Annales parlementaires, pour laquelle il pourra être traité de gré à gré : fr. 116,000. »

M. Lebeau. - Je demanderai quelques mots d'explication à MM. les ministres de la justice et des finances, à propos de l'allocation concernant le Moniteur.

Dans une loi récemment votée par la chambre, il a été décidé que chaque fois qu'il serait fait usage du Moniteur pour des intérêts privés, les frais d'insertion seraient supportés par eux. Je voudrais savoir si on procède de même à l'égard des publications qui intéressent les sociétés anonymes. Ces publications sont parfois tellement considérables, tellement volumineuses qu'elles doublent, triplent, quadruplent même quelquefois le Moniteur.

Il y a lieu de penser que les frais extraordinaires que comportent ces publications sont remboursés au trésor public. S'ils ne le sont pas, je ne sais jusqu'à quel point le gouvernement est tenu de faire une pareille libéralité aux sociétés anonymes.

Non seulement on publie les arrêtés d'autorisations, non seulement on publie les statuts, mais parfois même on publie une foule de pièces accessoires dont la publicité ne paraît prescrite ni par la loi, ni même par aucun intérêt public. Ce sont donc là des publications d'un intérêt exclusivement privé ; elles doivent augmenter extrêmement les frais du Moniteur. Je crois donc qu'elles devraient être à la charge des intéressés et figurer, non pas dans les comptes que l'éditeur du Moniteur doit régler avec le ministère de la justice, mais dans un article quelconque du budget des voies et moyens.

Il devrait en être de même pour le produit des annonces qui, dans les règles d'une bonne comptabilité, ne devrait pas non plus figurer dans les comptes que peut avoir l'éditeur du Moniteur avec le département de la justice, mais devrait être placé sous une rubrique quelconque du budget des voies et moyens.

Je voudrais donc avoir quelques explications à cet égard. Ce n'est pas que je me plaigne en général de l'élévation de la dépense du Moniteur en elle-même et eu égard à l'intérêt que présente cette publication. Je suis même bien aise de saisir cette occasion pour dire qu'à mes yeux le Moniteur, même étendu par des publications non-officielles, dues au zèle et à la sagacité de son directeur, ne me paraîtrait pas coûter trop à l'Etat.

Ces publications donnent à la partie non-officielle du Moniteur un caractère d'utilité incontestable. Le choix judicieux qui préside à l'insertion de beaucoup de documents politiques, économiques ou littéraires ne peut, selon moi, que rendre de plus en plus intéressante la lecture du Moniteur. C'est une assertion qui peut paraître plus ou moins paradoxale à propos d'un Moniteur, mais il est de fait que sous ce rapport ce recueil est souvent un document très utile à consulter.

Je dis ceci pour qu'on ne croie pas que mon intention est de jeter de la défaveur sur cette publication. Il s'agit d'une simple question d'économie et de comptabilité sur laquelle je demande quelques explications.

M. le ministre de la justice (M. Faider). - Je ne porte pas, je l'avoue, une attention bien suivie aux publications de statuts de sociétés anonymes ; c'est une affaire qui regarde un autre département que le mien. Mais ce que je puis répondre à l'honorable M. Lebeau, c'est que les arrêtés royaux qui autorisent la constitution des sociétés anonymes ne font qu'un avec les statuts que ces arrêtés approuvent et avec les documents plus ou moins volumineux auxquels l'honorable membre a fait allusion. Toujours est-il que la partie officielle du Moniteur doit nécessairement, me semble-t-il, renfermer, avec l'arrêté d'autorisation des sociétés, les actes notariés qui forment les statuts de ces sociétés, qui, en sont en quelque sorte la charte et qui forment les documents officiels qu'il faut faire connaître, publier et annexer à l'arrêté royal d'autorisation. L'arrêté royal d'autorisation sans les statuts et sans les procès-verbaux qui accompagnent ces statuts et qui en font partie iutégrante, serait une publication absolument inutile. Le Moniteur n'a pas pour objet de faire connaître que telle loi a été votée, que tel arrêté a été pris ; le Moniteur a pour objet de faire connaître le texte même des lois et des documents qui forcent en quelque sorte la substance des actes officiels qui sont publiés.

Je pense donc qu'en général les choses telles qu'elles se passent actuellement, doivent être maintenues. Dans tous les cas, on examinera avec soin quel peut être le fondement des observations de l'honorable M. Lebeau.

Il n'y a pas, messieurs, de ce chef de remboursement ou de payement à exiger de la part des sociétés anonymes elles-mêmes. Le Moniteur doit, aux termes de la loi, publier les actes officiels, lois ou arrêtés royaux, qui ont un intérêt général. Or, il est de l'intérêt général, de l'intérêt du crédit en Belgique, de faire connaître au dehors comme chez nous les statuts, les chartes des sociétés anonymes. C'est un devoir du gouvernement auquel il ne peut se soustraire. Il serait donc, me semble-t-il, non fondé à exiger, de la part des sociétés anonymes, le remboursement de ce peut coûter l'insertion des statuts dans la partie officielle-du Moniteur. Si ces insertions avaient lieu par complaisance dans la partie non officielle, je comprends que les sociétés anonymes pourraient être appelées à coopérer aux frais de cette publication. Mais les publications officielles doivent se faire nécessairement aux frais de l'Etat.

Pour ce qui concerne les annonces proprement dites, les frais en sont versés directement au trésor par la direction du Moniteur belge, et ce point de comptabilité, m'assure mon honorable collègue des finances, est régulièrement réglé.

Je crois que ces explications sont de nature à satisfaire l'honorable M. Lebeau.

M. Coomans. - Puisqu'il s'agit du Moniteur, je ferai une observation.

Nous devons tous désirer, moins dans l'intérêt du trésor que dans celui du public, que le Moniteur ait beaucoup d'abonnés, et soit par conséquent généralement répandu dans nos provinces. Or, je crois que le plus grand obstacle à ce que le Moniteur devienne populaire, c'est la petitesse et la complication de son format. Le format adopté par le Moniteur en rend la lecture assez difficile. Je ne parle pas de son aspect qui est disgracieux ; c'est un in-quarto dont il faut découper les feuilles et tout le monde n'a pas un plioir en main.

Je suis certain que c'est une cause du succès trop restreint du Moniteur. (Interruption.)

Je ferai remarquer aux honorables membres qui paraissent vouloir m'interrompre, qu'on s'est quelquefois occupé dans cette Chambre de sujets moins importants. Il s'agit de la popularité du Moniteur qui est notre journal à tous. Eh bien, j'ai cette opinion, (je ne demande pas mieux que d'en être dégagé), que le format adopté par le Moniteur est un obstacle à sa propagation et à sa popularité.

Du reste on ne me reprochera pas de faire ici de la réaction contre ce qu'on appelle la politique nouvelle ; car je reconnais que ce fait ne lui est pas imputable. Ce sont mes amis politiques qui l'ont posé. Mais ce n'est pas un motif pour que je ne dise pas ce que je crois fondé et utile.

M. Lebeau. - Je ne puis accepter complètement les explications données par M. le ministre de la justice. Je crois qu'ici le gouvernement fait une distinction qui n'est nullement fondée entre ce que nous avons statué, de commun accord avec le gouvernement, à l'égard des obtenteurs des brevets d'invention et ce qui se passe à l'égard des actionnaires des sociétés anonymes. L'intérêt public n'est pas plus engagé dans la connaissance des statuts des sociétés anonymes que dans la connaissance des droits et obligations des détenteurs de brevets. L'intérêt général peut certainement s'y rattacher, mais d'une manière indirecte. L'intérêt principalement engagé ici est celui des actionnaires des sociétés anonymes comme celui des détenteurs des brevets ou de leurs concurrents. Si donc vous soumettez les détenteurs des brevets d'invention aux frais de la publicité à donner aux documents qui attesient leurs droits, il n'y a pas de raison pour faire cadeau chaque jour à des sociétés anonymes des frais d'impression de documents avec lesquels on pourrait former souvent une forte brochure ; j'en ai en ma possession qui, certainement, ont dû coûter quatre ou cinq fois l'impression d'un simple exemplaire du Moniteur.

Je ne demande pas que M. le ministre prenne une décision immédiate ; je demande qu'il examine s'il n'y a pas lieu d'indemniser le trésor de charges qui, souvent, sont assez lourdes.

Quant à ce que vient de dire l'honorable M. Coomans, je verrais, je dois le dire, avec peine qu'on changeât le format du Moniteur. Le format actuel se place beaucoup mieux dans les bibliothèques ; il est beaucoup plus facile à manier, plus commode pour les recherches. Seulement j'émettrai ici le vœu que M. le ministre de la justice veuille bien presser un peu plus l'impression des tables, sans lesquelles le Moniteur est un véritable dédale.

M. Thiéfry. - J'avais demandé la parole pour présenter l'observation que l'honorable M. Lebeau a faite en dernier lieu. Il serait bien facile d'arriver à une publication beaucoup plus prompte des tables du Moniteur : un employé du ministère pourrait annoter jour par jour ce qui doit entrer dans les tables, et un mois ou six semaines après la clôture de la session, ces tables seraient imprimées. Leur distribution tardive nous oblige souvent à des recherches fort longues.

Quant au format, chaque fois que j'ai à consulter le Moniteur français, je me félicite de celui qui a été adopté pour le Moniteur belge ; il présente toutes les facilités désirables.

Mais je ferai une autre observation. Si je ne craignais l'augmentation de la dépense, je demanderais qu'on se servît d'un caractère un peu plus grand pour les Annales parlementaires. Je crois que cela (page 1667) diminuerait les dépenses pour les Documents en évitant les frais de composition.

M. Coomans. - Quant à l'observation relative à la publication des tables, je crois que nous sommes unanimes, mais je dirai encore un mot sur le format.

Il est plus commode, dit-on, pour les bibliothèques ! Mais qui donc place le Moniteur dans sa bibliothèque ? Je doute qu'il y ait dans cette assemblée un grand nombre de membres qui fassent collection du Moniteur. C'est là un intérêt secondaire. Le point de vue auquel je me suis placé est le point de vue du public, et il me paraît évident qu'un journal qu'il faut découper en plusieurs morceaux pour pouvoir le lire, est un journal qui n'est pas destiné à être populaire ; après cela on en fera ce qu'on voudra ; j'ai rempli mon devoir.

M. le ministre de la justice (M. Faider). - Je voulais simplement dire que j'examinerai avec soin, d'accord avec mon honorable collègue le ministre des finances, les observations que l'honorable M. Lebeau a faites. Quant au format, j'avoue que je ne suis nullement disposé à prêter les mains à une nouvelle modification après la modification qui a été introduite il y a un petit nombre d'années et qui a été mûrement examinée. Il est certain que le format in-folio offre, infiniment de difficultés pour les recherches.

Quant aux tables, je me suis déjà préoccupé de cette question ; il faut qu'elles soient publiées immédiatement après l'expiration de la période a laquelle elles s'appliquent.

M. de Mérode. - Il me semble qu'il faut distinguer le Moniteur des Annales parlementaires ; je ne crois pas qu'il soit nécessaire d'avoir le même format pour ces deux publications ; il est certain que, comme journal, le format du Moniteur est peu convenable ; aucun autre journal ne voudrait adopter ce format.

- L'article est mis aux voix et adopté.

Articles 20 à 22

« Art. 20. Abonnement au Bulletin des arrêts de la Cour de cassation : fr. 3,000. »

- Adopté.


« Art. 21. Publication d'un recueil des anciennes lois des Pays-Bas autrichiens, de la principauté de Liège et d'autres pays, dont le territoire est compris dans le royaume de Belgique ; publication d'un recueil d'instructions-circulaires émanées du département de la justice depuis la réunion de la Belgique à la France, en 1795 ; impression d'avant-projets de lois à envoyer à l'avis des cours et tribunaux et des facultés de droit des universités du royaume : fr. 15,300. »

- Adopté.


« Art. 22. Traitement d'employés attachés à la commission royale de publication des anciennes lois, nommés par le gouvernement : fr. 2,700. »

- Adopté.

Chapitre VII. Pensions et secours

Articles 23 à 26

« Art. 23. Pensions civiles : fr. 10,000. »

- Adopté.


« Art. 24. Secours à des magistrats ou à des veuves et enfants mineurs de magistrats qui, sans avoir droit à une pension, ont des titres à un secours, par suite d'une position malheureuse : fr. 12,000. »

- Adopté.


« Art. 25. Secours à des employés ou veuves et enfants mineurs d'employés de l'administration centrale du ministère de la justice, se trouvant dans le même cas que ci-dessus : fr. 1,500. »

- Adopté.


« Art. 26. Secours à des employés ou veuves et enfants mineurs d'employés des prisons : fr. 3,000. »

- Adopté.

Chapitre VIII. Cultes

Articles 27 et 28

« Art. 27. Clergé supérieur du culte catholique, personnel enseignant et dirigeant des grands séminaires, à l'exception de celui de Liège : fr. 311,700. »

- Adopté.


« Art. 28. Bourses et demi-bourses affectées aux grands séminaires, à l'exception de celles de Liège : fr. 62,010. »

- Adopté.

Article 29

« Art. 29. Clergé inférieur du culte catholique, déduction faile de 8,914 fr., pour revenus de cures : fr. 3,363,171. »

M. de Mérode-Westerloo. - Il existe, messieurs, dans l'arrondissement que j'ai l'honneur de représenter dans cette enceinte, sur les confins du Brabant, une population assex nombreuse, dont la position, au point de vue religieux et moral, est bien digne d'attirer l'attention de M. le ministre de la justice. Je veux parler de trois hameaux silués au milieu des bois sous la commune de Hersselt et habités par une population que l'on peut évaluer sans exagération de 700 à 800 âmes. Eloignés d'environ une lieue et demie du village dont ils dépendent par une circonscription paroissiale plus que vicieuse, ils sont, de plus, fort mal partagés sous le rapport de l'instruction, ne possédant qu'une école dont la position est loin d'être centrale.

Les dossiers du greffe du tribunal de première instance de Tur-hout et les renseignements fort tristes que pourrait fournir le procureur du roi, près du même siège, au département de la justice, vous diraient malheureusement beaucoup plus en détail que je ne suis à même de le faire, les tristes résultats moraux qu'a eus pour la population de ces hameaux la position que je viens de vous décrire. J'appelle donc, de tous mes vœux, une enquête sérieuse de la part de M. le ministre de la justice sur l'état d'abandon moral et religieux de 800 Belges, que leur misère de tout genre rend dignes de sa bienveillance. Je puis d'ailleurs assurer d'avance M. le ministre qu'il rencontrera un concours actif sur les lieux, dès qu'il s'agira de procurer aux habitants de ces localités, les facilités religieuses que tout citoyen est en droit d'attendre du budget et de la sollicitude du gouvernement.

M. le ministre de la justice (M. Faider). - Messieurs, j'examinerai avee la plus grande bienveillance l'affaire que vient de signaler l'honorable comte de Mérode, et dont j'entends parler pour la première fois. Je m'entourerai de tous les renseignements propres à établir les véritables besoins des populations dont il s'agil.

M. Coomans. - L'observation très juste présentée par l'honorable comte de Mérode, vient à l'appui de la remarque générale que j'ai eu l'honneur de soumettre l'autre jour à la Chambre. Il y a dans nos contrées les plus mal traitées par la nature, une foule de localités qui ne demandent pour s'étendre et prospérer que les moyens moraux dont le gouvernement dispose, c'est-à-dire une église ou une chapelle et une école.

M. le ministre de la justice (M. Faider). - Le gouvernement n'est pas seul.

M. Coomans. - Le gouvernement n'est pas seul, mais lorsqu'il montrera l'exemple les autres parties intéressées le suivront volontiers. Du reste je ne critique pas la conduite du gouvernement, j'appelle sont attention sur la convenance qu'il y a, au point de vue où la Chambre s'est unanimement placée hier (au point de vue des remèdes à opposer aux ravages du paupérisme) sur la convenance qu'il y a à favoriser le développement des hameaux. Lorsqu'un hameau s'est formé naturellement, c'est la preuve qu'il a en lui des éléments de vie. Mieux vaut favoriser le développement des hameaux naturellement formés que de chercher à créer des villages dont le sol n'ait pas été choisi par la population.

Or, il y a dans la Campine un grand nombre de hameaux de 300 à 500 âmes qui sont éloignés de deux lieues ou deux lieues et demie de l'église et de l'école communale ; pourquoi les familles ne vont-elles pas s'établir dans ces hameaux ? C'est parce qu'il n'est pas possible d'y vivre de la vie de la civilisation, parce qu'il y est très difficile d'aller à l'église et de faire instruire ses enfants. Chaque fois que vous rencontrez ainsi un centre de population à une certaine distance d'un village, placez-y un ecclésiastique et un maître d'école ; ils ne vous coûtent pas cher. Placez-les-y avec le concours des communes, bien entendu ; mais faites quelques sacrifices d'argent qui seront amplement compensés plus tard par une augmentation des contributions.

C'est au point de vue financier seul et non au point de vue clérical que j'envisage cette question, remarquez-le bien ; or au point de vue financier, je crois qu'il est de l'intérêt du gouvernement de consacrer quelques milliers de francs de plus à des chapelles et à des écoles dans les hameaux de la Campine et probablement aussi des Ardennes, quoique je ne parle pas de cette dernière contrée avec autant de compétence.

- L'article 29 est mis aux voix et adopté.

Articles 30 à 36

« Art. 30. Subsides aux provinces, aux communes et aux fabriques d'églises pour les édifices servant au culte catholique, y compris les tours mixtes et les frais du culte dans l'église du camp de Beverloo.

« Charge ordinaire : fr. 394,000. »

« Charge extraordinaire : fr. 26.,000. »

- Adopté.


« Art. 30 bis. Monument à ériger en commémoration de la Reine Louise-Marie (deuxième cinquième du crédit de 450,000 fr., alloué par la loi du 21 juin 1853) ; charge extraordinaire : fr. 90,000. »

- Adopté.


« Art. 31. Culte protestant et anglican (Personnel) : fr. 50,376. »

- Adopté.


« Art. 32. Subsides pour frais du culte et dépenses diverses : fr. 7,524. »

- Adopté.


« Art. 33. Culte israélite (Personnel) : fr. 8,600. »

- Adopté.


« Art. 34. Frais de bureau du consistoire central et dépenses imprévues : fr. 900. »

- Adopté.


(page 1668) « Art. 35. Pensions ecclésiastiques (payement des premiers termes) : fr. 6,000. »

- Adopté.


« Art. 36. Secours pour les ministres des cultes ; secours aux anciens religieux et religieuses : fr. 18,000. »

- Adopté.

Chapitre IX. Etablissements de bienfaisance

Article 37

« Art. 37. Frais d'entretien et de transport de mendiants et d'insensés dont le domicile de secours est inconnu : fr. 100,000. »

M. Lelièvre. - A l'occasion du chapitre en discussion, je signalerai à M. le ministre de la justice la nécessité de présenter un projet de loi révisant la législation en vigueur relativement au domicile de secours.

En cette matière, il s'élève entre plusieurs villes du royaume des contestations qu'il serait convenable de décider immédiatement.

C'est ainsi que les filles prostituées, atteintes de certaines maladies, sont, d'après les règlements locaux, placées dans des hôpitaux, et les villes où elles se trouvent sont obligées de payer les frais nécessaires pour réaliser la guérison. Ces filles sont indigentes et, à mon avis, les frais doivent incomber aux communes du domicile de secours.

La loi de 1845 ne fait aucune distinction. L'obligation imposée aux communes, où les indigents ont leur domicile de secours, est générale et n'est limitée en aucune manière. Les frais en question sont nécessaires, et dès lors les villes qui les déboursent peuvent en réclamer la restitution des localités qui doivent les secours à la personne qui en a été l'objet.

J'appelle l'attention de M. le ministre de la justice sur ce point important qui intéresse plusieurs villes du royaume.

M. le ministre de la justice (M. Faider). - Messieurs, je suis précisément à l'heure qu'il est, en correspondance avec mon collègue du département de lintérieur pour arrêter de commun accord une solution sur le point que vient de signaler l'honorable M. Lelièvre. Je tiendrai note des observations qu'il vient de soumettre à la Chambre.

- L'article 37 est mis aux voix et adopté.

Articles 38 à 43

« Art. 38. Subsides : 1° à accorder extraordinairement à des établissements de bienfaisance et à des hospices d'aliénés ; 2° aux communes, pour l'entretien et l'instruction des aveugles et sourds-muets indigents, dans le cas de l'article 131, n°17, de la loi communale ; 3° pour secours aux victimes de l'ophthalmie militaire, qui n'ont pas droit à une pension ou à un secours à la charge du département de la guerre : fr. 148,000. »

- Adopté.


« Art. 39. Frais de route et de séjour des membres des commissions spéciales pour les établissements de charité et de bienfaisance. Des médecins chargés de rechercher et de traiter les indigents ophthalmiques, etc., etc. Des membres et secrétaires de la commission permanente d'inspection des établissements d'aliénés. Traitement du secrétaire de la commission permanente et de celui de la commission spéciale de l'établissement de Gheel : fr 10,000. »

- Adopté.


« Art. 40. Impressions et achat d'ouvrages spéciaux concernant les établissements de bienfaisance et frais divers : fr. 2,000. »

- Adopté.


« Art. 41. Subsides pour les enfants trouvés et abandonnés, sans préjudice du concours des communes et des provinces : fr. 145,000. »

- Adopté.


« Art. 42. Subsides pour le patronage des condamnés libérés : fr. 20,000. »

- Adopté.


« Art. 43. Etablissement des écoles de réforme pour mendiants et vagabonds âgés de moins de 18 ans : fr. 185,000. »

- Adopté.

Chapitre X. Prisons

Première section. Service domestique
Articles 44 à 53

« Art. 44. Frais d'entretien, d'habillement, de couchage et de nourriture des détenus : fr. 1,300,000. »

- Adopté.


« Art. 45. Gratifications aux détenus employés au service domestique : fr. 34,000. »

- Adopté.


« Art. 46. Frais d'habillement et de couchage des gardiens et des surveillants : fr. 20,000. »

- Adopté.


« Art. 47. Frais de voyage des membres des commissions administratives des prisons, ainsi que des fonctionnaires et employés des mêmes établissements : fr. 11,000. »

- Adopté.


« Art. 48. Traitement des employés attachés au service domestique : fr. 435,000. »

- Adopté.


« Art. 49. Frais d'impression et de bureau : fr. 10,000. »

- Adopté.


« Art. 50. Constructions nouvelles, réparations et entretien des bâtiments, y compris 145,000 francs pour l'achèvement des travaux de construction d'une prison cellulaire à Courtrai, 196,000 francs pour la continuation des travaux de construction d'une maison de sûreté civile et militaire à Anvers, et 79,000 francs pour l'appropriation de la maison de sûreté de Bruges.

« Charges ordinaires : fr. 160,000.

« Charges extraordinaires : fr. 420,000. »

- Adopté.


« Art. 51. Honoraires et indemnités de route aux architectes, pour la rédaction de projets de prisons, la direction et la surveillance journalière des constructions, charges extraordinaires : fr. 22,000. »

- Adopté.


« Art. 52. Traitement et frais de route du contrôleur des constructions dans les prisons ; charges extraordinaires : fr. 6,000. »

- Adopté.


« Art. 53. Achat et entretien du mobilier dans les prisons : fr. 55,000. »

- Adopté.

Section II. Service des travaux
Articles 54 à 57

« Art. 54. Achat de matières premières et ingrédients pour la fabrication : fr. 570,000. »

- Adopté.


« Art. 55. Gratifications aux détenus : fr. 165,000. »

- Adopté.


« Art. 56. Frais d'impression et de bureau : fr. 5,000. »

- Adopté.


« Art. 57. Traitements et tantièmes des employés : fr. 85,000. »

- Adopté.

Chapitre XI. Frais de police

Article 58

« Art. 58. Mesures de sûreté publique : fr. 58,000. »

- Adopté.

Chapitre XII. Dépenses imprévues

Article 59

« Art. 59. Dépenses imprévues non libellées au budget : fr. 5,000. »

- Adopté.

Vote de l'article unique et sur l'ensemble du projet

La Chambre passe au texte du budget :

« Article unique. Le budget du ministère de la justice est fixé, pour l'exercice 1855, à la somme de 11,869,085 francs, conformément au tableau ci-annexé. »

- Adopté.


Il est procédé au vote, par appel nominal, sur l'ensemble du budget.

Le projet de loi est adopté à l'unanimité des 69 membres qui ont répondu à l'appel nominal.

Il sera transmis au Sénat.

Ont adopté : MM. de Ruddere de Te Lokeren, de T'SercIaes, de Wouters, Dumon, Jouret, Landeloos, Lange, Laubry, Lebeau, Lejeune, Lelièvre, Lesoinne, Loos, Maertens, Manilius, Mascart, Matthieu, Mercier, Moncheur, Moreau, Osy, Pierre, Pirmez, Rodenbach, Rogier, Ch. Rousselle, Thiéfry, Thienpont, Tremouroux, Van Cromphaut, Vanden Branden de Reeth, A. Vaudenpeereboom, E. Vandenpeereboom, Vander Donckt, Van Grootven, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Van Remoortere, Van Renynghe, Verhaegen, Vilain XIIII, Visart, Allard, Anspach, Boulez, Brixhe, Clep, Closset, Coppielers 'T Wallant, Dautrebande, David, H. de Baillet, de Baillet-Latour, de Breyne, de Bronckart, de Brouwer de Hogendorp, de Haerne, Delehaye, de Liedekerke,. de Man d'Attenrode, F. de Mérode, de Merode-Westerloo, de Muelenaere, de Naeyer, de Perceval, de Portemont, de Renesse, de Royer et Delfosse.

Projet de loi modifiant la loi sur les monts-de-pitié

Dépôt

(page 1669) M. le ministre de la justice (M. Faider). - J'ai l'honneur de déposer un projet de loi ayant pour objet de modifier l'article 15 de la loi du 30 avril 1848 sur les monts-de-piété ; il s'agit d'une modification dont la nécessité est démontrée dans l'exposé des motifs et sur laquelle je suis d'accord avec l'honorable M. de Decker qui a été rapporteur de la loi.

La Chambre voudra bien examiner ce projet ; si elle pouvait le voter avant sa séparation, elle ferait chose utile.

- Il est donné acte à M. le ministre de la présentation du projet de loi qu'il vient de déposer.

Ce projet.et les motifs qui l'accompagnent seront imprimes et distribués.

La Chambre en renvoie l'examen à la section centrale qui a examiné le budget de la justice.

Projet de loi prorogeant la loi sur les péages du chemin de fer

Rapport de la section centrale

M. de Man d'Attenrode. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale sur le projet de loi ayant pour objet de proroger le tarif des marchandises jusqu'au 1er juillet 1855.

- Ce rapport sera imprimé, distribué et mis à la suite de l'ordre du jour.

Ordre des travaux de la chambre

M. A. Vandenpeereboom (pour une motion d’ordre). - Messieurs, parmi les objets portés à l'ordre du jour il en est quatre qui sont relatifs à des demandes de crédits supplémentaires s'élevant à 11,274,670 fr. ; indépendamment de ces quatre demandes, il en est trois autres sur lesquelles les rapports ne sont pas encore faits et qui montent à fr. 291,964 ; la somme totale des crédits demandés s'élève donc à 11 millions 566 mille francs.

Dans peu de jours, d'après toutes les probabilités, la Chambre se séparera ; de sorte que le gouvernement nous convie à voter avant la fin de la session, en 3 ou 4 séances, une somme qui égale la neuvième partie de toutes les dépenses de l'Etat.

Dans mon opinion, et j'ai entendu plusieurs collègues dire qu'ils partageaient ma manière de voir à cet égard, il est impossible que nous nous livrions dans de pareilles circonstances à un examen réellement sérieux. Plusieurs de ces demandes de crédit ont été présentées tout récemment, il en est même qui n'ont été déposées que le 4 et le 5 de ce mois, c'est-à-dire depuis 4 ou 5 jours.

Or, dans un délai si bref, est-il possible que ces projets soient imprimés, distribués, étudiés par chacun de nous, que l'examen s’en fasse en section d'abord, puis en section centrale ; enfin que nous les discutions sérieusement en séance publique ?

Dans d'autres circonstances la Chambre n'a pas montré autant d'empressement ; elle a examiné et discuté très longuement des demandes de crédits supplémentaires au département de l'intérieur et ne les a votés qu'après un mûr examen.

Je crois donc qu'il serait impossible de discuter avant la fin de la session tous les crédits à l'ordre du jour ; dernièrement nous avons discuté pendant plusieurs heures pour savoir si un crédit de 3,000 francs pour indemnités à des entrepreneurs serait alloué, et maintenant le gouvernement veut en trois séances nous faire voter onze millions et demi de dépenses, c'est-à-dire trois à quatre millions par séance.

On répondra peut être que sous le crédit de 3,000 francs se cachait une question de principes ; mais sous les crédits de onze millions qu'on demande ne se cache-t-il pas aussi plusieurs questions très graves ?

J'ai lieu de le croire, car il en est une surtout qui me semble s'y rattacher et qui est très importante.

On a émis dans une section le vœu de voir créer un conseil supérieur d'administration des chemins de fer. Le rapport de la section centrale n'est pas distribué, mais on m'a assuré que ce vœu y a été reproduit ; or, il pourrait se faire qu'après la session, le gouvernement, s'appuyant sur le rapport, jugeât convenable d'instituer ce conseil supérieur.

Ce serait là un fait très grave, car il s'agit de savoir si le ministre des travaux publics sera admis à s'abriter derrière un conseil supérieur d'administration des chemins de fer, à mettre sa responsabilité à l'abri derrière un corps irresponsable, administrant l'administration même de nos chemins de fer. S'il s'agissait de faire entrer dans ce conseil des membres des chambres législatives, la question de principe emprunterait de cette circonstance un caractère de gravité plus prononcé encore. Car il y aurait à examiner s'il n'y a pas incompatibilité entre ces fonctions et le mandat de représentant. Mon intention n'est pas d'examiner cette question ; mais seulement de l'indiquer pour montrer que des questions de principe peuvent sa cacher derrière les crédits supplémentaires que nous n'avons pas le loisir d'examiner à fond.

Les simples éléments de la science financière exigent que quand un corps politique ou administratif vote des dépenses, il examine quelles sont les ressources destinées à y faire face ; c'est là un principe élémentaire que la loi de comptabilité a traduit en disposition formelle et qu'appliquent même les adminislrations communales.

Il me semble qu'à la fin de cette session il serait peu prudent de voter 11 millions de dépenses sans voter en même temps des recettes équivalentes, et je doute que le gouvernement soit disposé à présenter des projets de loi d'impôt avant notre séparation.

Je ne veux donc pas voter ces dépenses, parce que je ne veux pas engager ni mon vote, si je reviens au parlement après les élections, ni celui de mon successeur, si le corps électoral juge convenable de me remplacer.

Je termine en disant que le gouvernement aurait très bien pu présenter ces projets dans le cours de cette session, elle n'a pas été tellement remplie qu'on n'eût pu trouver le loisir de les examiner.

Je n'aurais peut-être pas pris la parole si le fait que je signale se produisait pour la première fois. Mais depuis que j'ai l'honneur de siéger dans cette Chambre, il ne se passe pas une année sans qu'à la fin de la session l'on présente un grand nombre de projets de loi de crédits supplémentaires. Nous n'avons pas le temps de les examiner. En un mot, on vote en quelques heures et à la hâte plus de fonds que dans le reste de la session.

C'est par ce motif que je demande qu'on ajourne la discussion de tous les projets de loi de crédits supplémentaires qui sont à l'ordre du jour et de ceux qui onl été présentés depuis peu et qui sont envoyés à des sections centrales. Je le demande pour la bonne expédition des affaires et pour protester contre cette tactique qui a pour résultat de nous faire voter sans examen des dépenses considérables.

Je propose l'ajournement. Si la Chambre ne le prononce pas, je ne voterai aucune des demandes de crédits supplémentaires à l'ordre du jour.

M. le président. Je ferai remarquer que la Chambre n'a pas décidé qu'elle se séparerait samedi prochain.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Je crois qu'il est beaucoup plus logique d'aborder l'examen des projets de loi à l'ordre du jour. Si, dans la discussion, des incidents, des questions se présentent, la Chambre aura naturellement le droit de prononcer le renvoi à une autre session.

Quant à moi, je dois faire remarquer qu'il y a deux projets de loi qu'il importe de discuter maintenant.

Il y a d'abord un projet de loi qui a pour but de régulariser les crédits se rattachant à l'exercice 1853. Ici je dois rectifier l'erreur où est tombé l'honorable préopinant quand il a dit qu'à la fin de la session on présentait des crédits supplémentaires qui ne sont pas examinés avec maturité.

Le crédit supplémentaire, qui concerne le département des travaux publics, a été soumis à la Chambre il y a plusieurs mois. Il a été examiné avec soin par les sections qui ont demandé de nombreux renseignements. Le rapport a été déposé, il y a plusieurs jours ; de sorte que les membres de cette Chambre onl eu le temps de l'examiner.

Du reste, c'est dans l'intérêt du trésor, de la bonne administration, que je demande que le crédit soit voté. La Chambre ne perdra pas de vue qu'il s'agit de liquider des créances arriérées depuis longtemps. Plus il y aura de retard, plus sera lourde la responsabilité du trésor, en ce qui concerne les créances arriérées.

Il y a un projet qui a pour objet de mettre à la disposition du département des travaux publics non pas un crédit supplémentaire, mais un crédit extraordinaire de 9 millions.

Je m'étonne en vérité que l'honorable M. A. Vandenpeereboom qui a entendu tout ce qui a été dit, qui a vu tout ce qui s'est fait depuis plusieurs années lorsqu'il a été constaté que les fonds et le matériel étaient insuffisants, puisse croire que l'on peut se dispenser de voter ces fonds.

Il s'agit de savoir si l'on n'a pas un intérêt d'économie à mettre de nouvelles ressources à la disposition du département des travaux publics. Si la Chambre estime que cet intérêt n'existe pas, elle rejettera le projet de loi ; mais je demande qu'on en aborde la discussion. Je le considère comme extrêmement urgent. Il est à remarquer que ce projet a été examiné en sections, et qu'il a été adopté à l'unanimité par tous les membres de la section centrale.

Il y a, dit-on, une question de principe. Il s'agit de savoir si on organisera au département des travaux publics un conseil supérieur permanent derrière lequel s'abriterait le ministre.

Mais cette question n'est pas en discussion. Le ministre prendra, le cas échéant, cette mesure sous sa responsabilité personnelle ; et la Chambre, si elle désavoue la résolution prise, si elle pense que la mesure est contraire à l'intérêt public, a le droit de censure et de contrôle. Au reste, il ne s'agit pas de cela en ce moment ; il ne s'agit pas même, dans l'opinion de la section centrale, dont le rapport est encore à l'impression, de décréter le principe. Laissons donc au gouvernement, sous sa responsabilité, toute liberté d'apprécistion et d'action.

Dans ces circonstances, ce qu'il y a de mieux à faire, c'est de suivre l'ordre du jour, et je me rallie à l'observation de M. le président que rien ne démontre que la Chambre doive se séparer samedi.

M. A. Vandenpeereboom. - Je n'ai pas contesté l'utilité des dépenses dont il s'agit dans ces crédits supplémentaires. Je ne dis pas qu'elles ne doivent pas être faites. Mais je prétends que la présentation de ces projets, à la fin d'une session, quand nous n'avons pas le temps de les examiner, est inopportune.

S'il faut, pour le chemin de fer, une augmentation de dépenses, je suis disposé à la voter. Mais je voudrais avoir le temps d'en faire un examen scrupuleux. Lorsque je vote neuf millions, je veux savoir pourquoi je les vote.

(page 1670) C'est sur le défaut d'opportunité de la présentation des projets de loi et non sur les projets mêmes que portent mes observations.

M. le ministre de la justice (M. Faider). - Un seul mot au sujet du crédit supplémentaire de 500,000 fr. demandé pour le département de la justice. L'honorable M. A. Vandenpeereboom proteste contre la présentation tardive des projets de loi. Le crédit de 500,000 fr. se rattache au travail dans la prison de Saint-Bernard, à la question des russias qui est connue depuis longtemps.

La Chambre peut donc voter sans aucune difficulté.

M. Dumortier. - Je me lève pour appuyer la proposition de l'honorable M. A. Vandenpeereboom, et je le félicite du meilleur de mon cœur de la motion qu'il a faite, non pas qu'il y ait là une attaque contre les ministres anciens ou contre les ministres présents, mais je trouve que l'honorable membre a parfaitement raison, lorsqu'il signale comme un abus ce système qui consiste à arriver, à la fin de la session, avec des crédits supplémentaires que la Chambre n'a pas le temps d'examiner.

Maintenant, je sais qu'il est prudent de faire une distinction entre les crédits supplémentaires. Je veux bien croire que celui dont parle M. le ministre de la justice pour le travail dans les prisons ne peut pas souffrir de retard. Je ne fais pas opposition à ce qu'on le discute.

Quant à tous les autres crédits supplémentaires que nous avons à l'ordre du jour, je dis que nous devons les examiner d'une manière extrêmement approfondie, si nous voulons remplir le mandat pour lequel nous sommes envoyés ici, qui est de veiller à l'équilibre entre les recettes et les dépenses. Chaque fois qu'on présente un budget, il offre un excédant de recettes, et toujours dans les comptes il y a un excédant de dépense. Chaque année, nous avons un déficit. Ce sont ces déficits qui, plus tard, se résument en émissions de bons du trésor, en grands embarras pour l'Etat, et qui, finalement, augmentent la dette du pays.

Il n'y a qu'un moyen de s'opposer à cela, c'est d'éviter avec le plus grand soin les crédits supplémentaires, car, je le dis avec la plus profonde conviction, il n'y a pas de système financier qui puisse tenir là contre.

Il n'existe pas de pays qui puisse continuer à marcher, au point de vue de ses finances, en se maintenant chaque année en déficit, en amenant ce résultat de présenter chaque année des budgets qui se balancent avec un boni en recette, et des comptes qui se balancent avec un excédant eu dépenses. Un pareil système est un système essentiellement vicieux qui doit un jour mener la Belgique à une ruine complète. Car lorsque vous aurez ainsi augmenté sans cesse le déficit, comment ferez-vous pour le combler ? Ce sera encore par de nouveaux impôts.

Mais la corde des impôts, quand on veut la tendre avec trop de rigueur, finit par se briser entre vos mains.

Il faut donc de toute nécessité que nous portions un œil très attentif sur la question de l'équilibre de nos budgets. Or, cette question de l'équilibre des budgets réside exclusivement, je viens de le démontrer, dans les crédits supplémentaires.

Je remercie donc notre honorable collègue M. Vandenpeereboom de la motion qu'il a faite, et je viens l'appuyer de tous mes moyens. Je demande donc, modifiant quelque peu sa proposition sans modifier, je crois, sa pensée, que si dans les crédits supplémentaires, il y en a de très urgents comme celui que je viens d'indiquer et que demande M. le ministre de la justice, ils soient votés par la Chambre.

Mais que quant à ceux qui n'ont aucun caractère d'urgence, ils soient renvoyés à la session prochaine, afin que la Chambre ait le temps de les examiner avec toute la maturité nécessaire. Car ce n'est pas dans les derniers jours d'une session qu'on examine avec maturité les projets. Nous avons tous fait la même faute, nous sommes tous coupables, mais vous tous qui m'écoutez, vous devez reconnaître que dans les derniers jours d'une session on n'examine plus, on vote. Eh bien, cet état de choses ne doit pas exister en matière de finances.

Je demande donc que la Chambre, dans sa sagesse, veuille bien examiner avec maturité toutes les lois de crédits supplémentaires, et comme cela ne pourra se faire qu'à la session prochaine, je demande que toutes les demandes de crédits, qui ne sont pas relatives à des objets urgents, à des objets de première nécessité, soient renvoyées, conformément à la proposition de l'honorable M. Vandenpeereboom, à la session prochaine.

M. le président. - Il y a deux propositions d'ajournement. M. Vandenpeereboom demande l'ajournement de tous les projets de crédits supplémentaires. M. Dumortier demande que l’on vote ceux de ces crédits qui sont urgents et que l’on ajourne les autres. Mais M. Dumortier n’a pas désigné ceux de ce scrédits qui lui paraissent urgents.

M. Dumortier. - Je demande que la Chambre décide le renvoi à la session prochaine de tous les projets qui ne sont pas excessivement urgents et MM. les ministres peuvent nous indiquer quels sont ces projets.

M. le ministre des finances (M. Liedts). - La proposition la plus rationnelle en apparence est celle de l'honorable M. Dumortier. Ou comprend très bien qu'il est impossible que la Chambre se rende responsable des conséquences d'une remise à la session prochaine d’un projet qui peut avoir un caractère d'urgence bien constaté. Il consent donc à ce qu'on mette en discussion tous les crédits supplémentaires reconnus urgents. Or, comment veut-on que la Chambre sache si tel crédit est urgent, sans entendre les explications des ministres ? Si parmi les projets que développera M. le ministre des travaux publics, il y en a qui n'ont aucun degré d'urgence, vous ferez bien de les ajourner ; je n'y verrait pas d'inconvénients. Mais si M. le ministre des travaux publics vous démontre qu'en ne payant pas, l'Etat s'expose à des dommages-intérêts, s'expose à des condamnations, vous reconnaîtrez que ces dépenses sont urgentes et qu'il vaut mieux les voter.

Je demande donc qu'on se livre à l'examen des projets de loi à mesure qu'ils se présentent sur l'ordre du jour, et qu'on entende les explications du gouvernement.

M. le président. - Je crois que M. Dumortier se rallie à la proposition de M. le ministre des finances. Reste la proposition de M. Vandenpeereboom.

M. A. Vandenpeereboom. - Je retire ma proposition ; mais je me réserve de la représenter à chaque projet que nous discuterons.

Projet de loi accordant des crédits supplémentaires au budget du ministère de la justice

Vote des articles et sur l'ensemble du projet

Personne ne demandant la parole dans la discussion générale, la Chambre passe à la délibération sur les articles.

« Art 1er. Le budget des dépenses du ministère de la justice pour l'exercice

1853, fixé par la loi du 18 décembre 1852, est augmenté d'une somme de cinquante-cinq mille trois cent quarante-quatre francs cinquante et un centimes (fr. 55,344-51) répartie comme suit :

« Chapitre premier, article 5. Matériel de l'adminislralion centrale : fr. 7 00.

« Chapitre VI, article 19. Impression du Moniteur et du Recueil des lois : fr. 3,288 76.

« Chapitre VI, article 21. Publication des anciennes lois : fr. 2,048 75.

« Chapitre IX, article 34. Frais d'entretien de mendiants, etc. : fr. 50,000 00.

« Ensemble : fr. 55,344 51. »


« Art. 2. Le budget des dépenses du même département pour l'exercice 1854, fixé par la loi du 15 juin 1853, est augmenté :

« 1° D'une somme de quarante mille deux cents francs (fr. 40,200) répartie comme suit :

« Chapitre II, article 8. Cours d'appel, personnel : fr. 32,500

« Chapitre II, article 10. Tribunaux de première instance, personnel : fr. 7,700. »

« 2° Pour imputation de dépenses concernant l'exercice clos de 1852 et les exercices antérieurs, jusqu'à concurrence d'une somme de soixante-six mille francs (fr. 66.000) laquelle sera répartie sous un chapitre XIII nouveau conformément au détail ci-après :

« Chapitre XIII.

« Paragraphe premier.. Matériel de l'administration centrale.

« Art. 56. Pour quelques fournitures à l'administration centrale : fr. 207 13.

« Paragraphe 2.

« Art. 57. Frais de justice en matière criminelle, correctionnelle et de police en 1850 et 1852 : fr. 612 62.

« Paragraphe 3. Cultes.

« Art. 58. Termes arriérés de pensions à des ministres du culte catholique : fr. 190 75.

« Paragraphe 4. Etablissements de bienfaisance.

« Art. 59. Frais d'entretien et de transport d'indigents étrangers au royaume ou dont le domicile de secours est inconnu : fr. 15,000 00.

« Paragraphe 5. Prisons.

« Art. 60. Frais d'entretien des détenus et remboursements de frais du chauffage d'une salle affectée aux réunions de la commission administrative des prisons d'Anvers : fr. 1,069 62.

« Art. 61. Frais d'habillement des gardiens : fr. 2,697 27.

« Art. 62. Constructions dans les prisons : fr. 40,893 86.

« Art. 63. Honoraires et indemnités aux architectes : fr. 36 00.

« Art. 64. Achat de matières premières pour la fabrication dans les prisons : fr. 2,819 50.

« Paragraphe 6. Dépenses diverses.

« Art. 65. Dépenses diverses de toute nature mais antérieures à 1853 : fr. 2,473 25.

« Total du chap. XIII : fr. 36,000 00. »

- Adopté.


(page 1671) « Art. 3. Les allocations portées aux articles 1 et 2, qui s'élèvent ensemble a la somme de cent soixante et un mille cinq cent quarante-quatre francs cinquante et un centimes (fr. 161,544 51) seront couvertes au moyen de bons du trésor. »

- Adopté.


« Art. 4. Le ministre de la justice est autorisé à appliquer à l'achèvement du quartier cellulaire pour les hommes, détenus à la maison de sûreté de Bruges, les cinquante mille francs qui, d'après le libellé de l'article 45 du budget de la justice pour 1854, étaient destinés à l'achèvement des travaux de construction d'une prison cellulaire à Courtrai.

« Il ne sera pas disposé des vingt mille francs, votés pour la construction, ajournée, d'une nouvelle maison d'arrêt à Hasselt. »

- Adopté.


Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet. En voici le résultat :

72 membres ont répondu à l'appel nominal.

69 ont adopté.

3 se sont abstenus.

En conséquence, le projet est adopté.

Ont voté l'adoption : MM. de Ruddere, de T'Serclaes, de Wouters, Dumon, Jouret, Landeloos, Lange, Laubry, Lebeau, Lejeune, Lelièvre, Lesoinne, Loos, Manilius, Mascart, Matthieu, Mercier, Moncheur, Moreau, Osy, Pierre, Pirmez, Rodenbach, Rogier, Ch. Rousselle, Thiéfry, Thienpont, Tremouroux, Van Cromphaut, Vanden Branden de Reeth, E. Vandenpeereboom, Van Grootven, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Van Remoortere, Van Renynghe, Verhaegen, Veydt, Vilain XIIII, Visart, Allard, Anspach, Boulez, Brixhe, Clep, Closset, Coomans, Coppieters, Dautrebande, David, H. de Baillet, de Breyne, de Bronckart, de Brouwer de Hogendorp, de Haerne, Delehaye, de Liedekerke, de Man d'Attenrode, F. de Mérode, de Mérode-Westerloo, de Muelenaere, de Perceval, de Portemont, Dequesne, de Renesse, de Royer et Delfosse.

Se sont abstenus : MM. Dumortier, A. Vandenpeereboom et Vander Donckt.

M. Dumortier. - Messieurs, indépendamment de ce que j'ai eu l'honneur de dire tont à l'heure, il est encore un motif sur lequel je dois appeler votre attention et qui m'a porté à m'abstenir sur ce crédit supplémentaire qui ouvre une série de plusieurs autres. Il est écrit dans la Constitution, article 115 :

« Chaque année les Chambres arrêtent la loi des comptes et votent le budget.

« Toutes les recettes et dépenses de l'Etat doivent être portées au budget et dans les comptes. »

Voilà, messieurs, le mandat que nous avons ici à remplir. Eh bien, que chacun de nous se demande si nous remplissons ce mandat quand nous votons des crédits supplémentaires ! Je crois pour mon compte que nous sommes ici en opposition formelle avec la Constitution.

M. Vander Donckt. - Je me suis abstenu par les mêmes motifs que l'honorable M. Dumortier.

M. A. Vandenpeereboom. - Je n'ai pas voulu voter contre le projet parce qu'il peut avoir un effet utile. Je n'ai pas voté pour, parce que je suis décidé à ne voter, sauf le cas d'urgence bien constatée, aucuu crédit supplémentaire, complémentaire ou extraordinaire dans les derniers jours d'une session.

Projet de loi, amendé par le sénat, de code forestier

Rapport de la commission

M. Orts dépose le rapport de la commission spéciale qui a été chargée de l'examen du Code forestier, sur les amendements adoptés par le Sénat.

- La Chambre ordonne l'impression et la distribution de ce rapport et en met la discussion à l'ordre du jour de demain.

Projet de loi accordant un crédit supplémentaire au budget du ministère des travaux publics

Discussion générale

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke) déclare qu'il se rallie au projet de la section centrale.

M. Dumortier. - Je demanderai s'il y a urgence ?

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - A. la demande que m'adresse l'honorable M. Dumortier je répondrai de la manière la plus affirmative qu'il y a urgence, et pour le démontrer à la Chambre je n'aurai besoin, pour ainsi dire, que de citer deux chiffres : dans le crédit de 1,500,000 fr. les insuffisances de salaire figurent pour plus de 500,000 fr. et les réparations extraordinaires qu'il a fallu faire au matériel y figurent pour près de 400,000 fr. Il en résulte que la majeure partie du crédit est destinée à des dépenses qui doivent être liquidées le plus promptement possible.

Je pense, messieurs, qu'en présence de ce simple fait on ne peut pas contester l'urgence du projet.

M. Frère-Orban. - Messieurs, je ne prends pas la parole pour m'opposer à l'allocation du crédit qui est demandé pour le département des travaux publics, mais je crois devoir, à l'occasion de ce crédit, dire un mot des motifs qui sont donnés par la section centrale pour le justifier. C'est l'introduction au projet de crédit de 9 millions de francs que nous aurons, je suppose, à discuter dans quelques jours, et les considérations que la section centrale fait valoir à l'appui de la demande me paraissent tellement extraordinaires, que je ne puis m'empêcher de les signaler à la Chambre. On demande, dit-on, un crédit supplémentaire de 1,426,870 fr. pour l'administration des chemins de fer, postes et télégraphes. Cette somme, dit le rapport, a paru excessive à toutes les sections et toutes, une seule exceptée, en ont demandé une justification plus complète. La troisième section a pensé qu'une demande de justification serait inutile.

« La cause du mal, dit-elle, c'est une organisation défectueuse, c'est une voie défectueuse, un matériel défectueux. Il ne sert à rien de s'attaquer à un passé sur lequel on ne peut revenir ; il ne sert à rien de rechercher les auteurs du mal, lorsque leur responsabilité n'est pas engagée et que le mal est connu ; ces recherches ne pourraient donner lieu qu'à des discussions sans résultat ; il est oiseux de demander la justification de dépenses que l'état des choses justifie en grande partie. Il n'y a qu'une voie à suivre, c'est de détruire la cause du mal, en changeant une organisation qui ne permet pas de bien faire et de dépenser peu, c'est de mettre le chemin de fer en état d'être exploité avec économie. Alors, et seulement alors, si les dépenses sont encore trop grandes, on pourra en demander compte avec quelque succès, car la responsabilité des agents sera encourue. »

La section centrale, dit le rapport, partage, sur ce point, l'avis de la troisième section, et la section centrale développe, en effet, et fort longuement le même thème. Il est inutile d'examiner ; à quoi bon demander des justifications ? A quoi bon s'éclairer sur les motifs qui font solliciter un crédit de 1,507,653 francs ? Organisation défectueuse, matériel défectueux, voie défectueuse, cela répond à tout !

J'ai voulu me rendre compte de cette situation qui pouvait passer pour être très alarmante. Je suis entré dans les détails ; j'ai scruté chacun des articles du crédit qui est réclamé et il m'a été impossible d'y trouver la justification des assertions de la section centrale. Vous allez en juger.

« Art. 57. Salaires des agents payés à la journée, 80,000 fr. »

Cette somme est destinée, d'après M. le ministre des travaux publics, à payer les agents chargés de la police et de la surveillance de la voie et les agents employés à l'entretien ordinaire.

Il est probable que ce n'est pas cet article qui sert à justifier l'organisation défectueuse, le matériel défectueux et la voie défectueuse.

« Art. 58. (Matériaux, engins, outils et ustensiles), et art. 59 (travaux et fournitures). Ensemble 150,000 fr. »

Ce crédit même est insuffisant ; il faut y ajouter un crédit de 100,000 fr. déjà voté par une loi du 24 juin 1853.

Mais pourquoi vote-t-on les deux crédits portés aux articles 58 et 59 ? Pourquoi y applique-t-on, en outre, le crédit de 100,000 fr. déjà voté par la loi du 24 juin 1853 ?

Le rapport nous dit que cette allocation a pour but de pourvoir à la dépense à résulter des travaux de remplacement, par des remblais, des ponts établis sur les fossés de la place d'Ath pour le passage du chemin de fer de Tournai à Jurbise.

Cet article ne tient pas encore à l'organisation défectueuse, au matériel défectueux et à la voie défectueuse. Ce sont des dépenses qui sont faites à la décharge de la compagnie du chemin de fer de Tournai à Jurbise. Le rapport nous apprend, en effet, que, d'après les réponses du département des travaux publics, il y a contestation sur la question de savoir à qui incombent ces dépenses : on se réserve de statuer ultérieurement ou de déférer la question aux tribunaux.

« Art. 61. Salaires des agents payés à la journée, fr. 123,570. »

D'où provient cette insuffisance ? du matériel défectueux, de la voie défectueuse, de l'organisation défectueuse ? Pas le moins du monde. Elle provient d'abord de ce qu'il y a un mouvement plus considérable de marchandises, mais elle résulte encore, et surtout - c'est M. le ministre des travaux publics qui nous l'apprend - de la nécessité où s'est trouvée l'administration d'augmenter le salaire d'un grand nombre d'ouvriers qui n'avaient que fr. 1-20 et fr. 1-40 par jour.

Ce qui se justifie, aux yeux du gouvernement et aux yeux de la section centrale, comme cela se justifiera devant la Chambre, par l'augmentation.du prix des vivres. Mais encore une fois cela ne provient ni de l'organisation défectueuse, ni du matériel défectueux, ni de la voie .défectueuse.

Je passe aux articles mouvement et trafic.

« Art. 67. Salaires des agents payés à la journée et des manœuvres, 271,000 francs. »

L'allocation a été insuffisante, parce qu'il y a eu un trafic beaucoup plus considérable ; il a fallu pour le chargement, déchargement, péage des marchandises et bagages, une somme supérieure à celle qui avait été prévue ; il a fallu, en outre, une allocation plus considérable, pour le nettoyage des voitures et bureaux, pour payer les portiers, gardiens, gardes-freins, veilieurs, etc. ; c'est ce que nous apprend le rapport de la section centrale qui transcrit les réponses du ministre. Cela n’a encore rien de commun ni avec l'organisation défectueuse, ni avec le matériel défectueux, ni avec la voie défectueuse.

« Art. 71. Traitements et indemnités des fonctionnaires et employés, fr. 4,000. »

De quels employés ? Des employés des télégraphes.

« Art. 72. Salaires des agents payés à la journée, fr. 12,000. »

(page 1672) De quels agents ? Des agents des télégraphes.

« Art. 73. Entretien, fr. 3,000. ».

De quel entretien ? Toujours de l'entretien des télégraphes.

« Art. 76. Matériel et fournitures, de bureau, fr. 77,200. »

C'est toujours assez étranger à l'organisation défectueuse, à la voie défectueuse et au matériel défectueux.

« Art. 81. Traitements et indemnités des facteurs et autres agents subalternes (postes), 10,000 fr. »

« Art. 82. Transport des dépêches, 26,000 fr. »

« Art. 84. Matériel, fourniture de bureau, frais de loyer et de régie, 23,008 fr. »

Toujours de plus en plus étranger à l'organisation défectueuse, à la voie défectueuse, au matériel défectueux !

En additionnant les diverses sommes dont je viens de donner le détail, j'obtiens un million. Voilà donc un million de francs qui n'a rien de commun avec la critique générale qu'on fait circuler dans la Chambre, dans un but que nous expliquerons ultérieurement.

Restent deux articles qui peuvent rentrer dans le cadre général de la critique que je signale.

« Art. 64. Entretien, réparation, renouvellement du matériel, 383,000 francs. »

Cet article ne se trouve en aucune façon expliqué par la section centrale. Voici ce que je lis à la page 11 de son rapport :

« La quatrième section a élevé des plaintes contre l'état du matériel pour le transport des marchandises et contre son insuffisance. Une grande partie de la somme demandée à cet article, dit-elle, a servi à exécuter des travaux de réparation à nos waggons, et cependant ces travaux sont loin d'être suffisants ; car beaucoup de véhicules continuent à être dans un état déplorable : on ne voit sur nos lignes que des waggons ayant subi de grandes avaries, spécialement aux buttoirs. Elle demande que des mesures soient prises, dans le plus bref délai possible, pour mettre notre matériel en bon état de service et pour le compléter.

« La section centrale a adhéré unanimement à ce vœu. »

J'admets, pour ma part, que M. le ministre des travaux publics n'a pas sollicité sans raison ce crédit supplémentaire, qu'il est en mesure de le justifier complètement ; ce n'est pas sur ce point que portent mes observations ; mais si, en raison du trafic plus considérable, on a dû faire des réparations plus importantes, rien d'étonnant ; si on a renouvelé une partie du matériel, l'on conçoit qu'on a fait cette dépense plus importante pour laquelle on demande un crédit supplémentaire.

Mais était-il indispensable de faire cette dépense ? ne pouvait-on pas attendre le vote du crédit supplémentaire qu'on demande ? C'est ce qui n'a pas été examiné par la section centrale.

Le second article est l'article 65. « Redevances aux compagnies fr. 4,000. »

Cet article peut encore rentrer dans le cadre général du chiffre de discussion indiqué par la section centrale.

On peut dire que l'on n'aurait pas eu à payer cette somme, si l'on avait eu un matériel suffisant. Il y aurait erreur cependant à le prétendre d'une manière absolue. Il y a inévitablement, lorsque nos lignes se joignent à celles de compagnies ou de pays voisins, il y a un parcours réciproque du matériel de l'Etat sur le chemin étranger et sur les lignes concédées et du matériel des compagnies sur les chemins de fer de l'Etat ; c'est un décompte à faire, ce n'est pas nécessairement par suite de l'insuffisance du matériel qu'on se trouve dans ces conditions.

Consultez l'état qui se trouve à la suite soit de l'exposé des motifs soit du rapport de la section centrale et vous y verrez qu'à l'égard de certaines compagnies le chemin de fer est créancier, qu'on lui paye des sommes plus ou moins considérables ; par compensation il se trouve débiteur à l'égard d'autres compagnies. Ainsi le chemin de fer rhénan pour l'emploi de locomotives de voitures à voyageurs et de waggons appartenant à l'Etat, a payé une somme de plus de quatre-vingt mille fr. D'un autre côté l'Etat s'est trouvé débiteur d'une somme plus ou moins considérable de la compagnie du chemin de fer de Mons à Manage. Il n'y a là rien d'extraordinaire, rien d'étonnant d'où l'on puisse induire qu'il y a insuffisance du matériel de l'Etat.

La compagnie du chemin de fer de Mons à Manage a un matériel ; elle l'emploie autant que possible, elle n'a pas la prétention de faire des reliques de son matériel, elle en use autant qu'elle peut ; elle a un parcours très restreint entre Mons et Manage ; ses waggons ont un parcours plus considérable sur le chemin de l'Etat que ceux de l'Etat sur ce chemin de fer à cause de son peu d'étendue.

Il en résulte que dans les décomptes entre le chemin de fer de Manage et celui de l'Etat, c'est l'Etat qui est débiteur ; mais encore une fois, il n'y a aucune induction à tirer de ces faits contre la suffisance ou l'insuffisance du matériel de l'Etat.

Cela est si vrai que pour faire face à la situation toui à fait exceptionnelle, anormale, qui s'est présentée dans le cours de cet hiver pour faire face à tous les besoins résultant de la fermeture des canaux et de l'interruption des autres voies de transport, l'Etat n'a fait de conventions extraordinaires pour locations de waggons que dans une proportion restreinte et qui n'a pas entraîné, si mes renseignements sont exacts, une dépense supérieure à une trentaine de mille francs.

Or, qu'on veuille bien le remarquer, cette dépense résultait d'une situation tout à fait exceptionnelle.

Je ne viens pas prétendre qu'il n'y a rien à faire au chemin de fer de l'Etat, je ne prétends pas qu'il ne faille pas augmenter d'une certaine quantité de waggons, ni quand le trafic augmente tous les jours, qu'il ne faille pas augmenter des locomotives. Ce que je dis, c’est qu'on exagère de la manière la plus déplorable la situation du chemin de fer de l'Etat.

On affirme, et l'on peut juger maintenant comment de telles affirmations sont justifiées, que l'organisation est défectueuse, que le matériel est défectueux, que la voie est défectueuse, et l'on cherche ainsi à pousser la Chambre et le gouvernement dans une voie qui ne sera pas sans inconvénient pour les finances de l'Etat ; c'est afin de prémunir la Chambre contre les inductions qu'on voudrait tirer de semblables affirmations, si elles n'étaient pas contredites, que j'ai cru devoir prendre la parole.

M. de Brouwer de Hogendorp. - Messieurs. je ne suis nullement préparé à cette discussion ; je savais bien qu'elle viendrait un jour, mais je ne m'attendais pas à la voir surgir aujourd'hui. Je croyais que l'honorable M. Frère aurait saisi l'occasion de la discussion du crédit de 9 millions pour se disculper de l'accusation, qui a été parfois produite contre lui, d'avoir négligé les intérêts du chemin de fer. Je devais naturellement, dans cette occasion, être en butte à ses coups, puisque j'ai le malheur de penser et de dire que la situation de notre chemin de fer est déplorable ; mais je ne m'attendais pas au réquisitoire que vous venez d'entendre.

J'avais oublié que l'honorable M. Frère a passé par le ministère des travaux publics et qu'il n'est pas donné à son caractère de souffrir qu'on n'admire pas tout ce qu'il a fait. Or, outre que je suis d'avis qu'on aurait pu mieux traiter le chemin de fer qu'on ne l'a fait, je me suis permis de trouver mauvaise l'organisation qu'il avait donnée à son département. M. Frère est donc revenu de Liège afin d'accabler l'audacieux.

Je vais, messieurs, successivement passer en revue les diverses objections qu'a faites l'honorable membre contre cette proposition du rapport, que si M. le ministre des travaux publics est obligé de venir demander à la législature l'ouverture d'un crédit supplémentaire de 12 à 13 cent mille francs, en d'autres termes que si les 9 millions et demi de francs accordés par le budget de 1853 n'ont pas suffi à l'exploitation du chemin de fer, c'est parce que l'administration est défectueuse, que la voie est défectueuse, que le matériel est défectueux.

Y a-t-il dans cette Chambre un seul membre, je n'en excepte pas l'honorable M. Frère, qui puisse dire, la main sur le cœur, que l'organisation de nos chemins de fer soit bonne ?

Y a-t-il un seul homme qui ose dire que cette administration ne soit pas trop nombreuse sous le rapport du personnel, que les attributions soient assez nettement définies, que le travail soit bien divisé, que la responsabililé des agents soit clairement tracée ? Y a-t-il un seul membre qui ose soutenir que notre administration ne soit inférieure, à tous ces points de vue, aux administrations des principales compagnies, et j'ajouterai à toutes les administrations dirigées par l'Etat en pays étranger ? S'il n'y avait pas tous ces défauts dans l'organisation de nos chemins de fer, pour quelle cause n'aurions-nous pas mieux réussi dans notre exploitation ? La Belgique n'est-elle pas un pays riche, populeux ? Ne présente-t-rlle pas de plus grands avantages qu'aucun autre pays ? Les transports sont nombreux, la main-d'œuvre est peu coûteuse, le fer, le coke sont moins chers que dans aucun autre pays du continent. Où est la cause de notre insuccès ? Pourquoi notre exploitation coûte-t-elle plus cher qu'ailleurs ? Pourquoi quand il y a des réseaux dont les conditions d'exploitation ne sont pas plus favorables qus les nôtres et où les frais d'exploitation de toute nature coûtent, toute proportion gardée, 30 et même 40 p. c. moins cher que chez nous, faisons-nous cet énorme sacrifice de l'argent des contribuables ?

Il y a un chemin de fer anglais, le Great-Norlhcrn, où chaque convoi coûte pour chaque kilomètre parcouru - et veuillez le remarquer, messieurs, le nombre des kilomètres parcourus est à peu près le même que chez nous, et le réseau a à peu près la même étendue que le nôtre, ses difficultés d'exploitation ne sont pas moins grandes que sur nos lignes ; - sur le Great-Northern, dis-je, le convoi-kilomètre coûte moins d'un franc vingt-cinq centimes pour tous frais ; et nous, que payons-nous ? A peu près le double. Nous payons deux francs vingt-cinq. Il est désolant que l'honorable M. Frère n'ait pas employé les immenses facultés qui le distinguent à nous faire obtenir ces résultats. Il me semble que cela eût mieux valu que d'imposer au pays de nouveaux impôts. Et pourquoi ne l'a-t-il pas fait ? L'organisation, d'après lui, n'était point défectueuse, c'était un instrument parfait qui lui permettait de produire les meilleurs résultats.

Pourquoi, sous son administration, l'exploitation de nos chemins de fer n'a-t-elle pas été moins coûteuse qu'aujourd'hui ? A moins de l'accuser, je ne puis m'en prendre qu'à une organisation défectueuse ; à moins de soutenir qu'il n'a pas fait ce que son devoir l'obligeait de faire, je ne puis que répéter avec la section centrale, qu'il accuse à tort, que quelque grande que soit la bonne volonté, elle ne sera jamais assez grande pour faire des améliorations importantes avec un instrument vicieux. M. Frère aime-t-il mieux l'autre proposition du dilemne ? Je lui en laisse le choix.

J'ai admis, et la section centrale à l'unanimité a admis avec moi, que les causes générales pour lesquelles l'exploitation de nos chemins de fer coûte trop, c'est, outre une organisation défectueuse, une voie défectueuse, un matériel défectueux.

Je suis tenté de croire que c'est la défectuosité de la voie et du matériel que l'honorable M. Frère a le plus d'intérêt à contester. Voyons, analysons ses arguments.

(page 1673) Premier point. A l'article 57, il est demandé un crédit supplémentaire de 80,600 fr. pour salaire des agents payés à la journée et employés à l'entretien de la voie. Ce n'est, dit l'honorable membre, ni une organisation défectueuse, ni une voie défectueuse, ni un matériel défectueux qui ont pu occasionner cette dépense. Donc, l'argumentation de la section centrale est fausse.

Je demanderai à l'ex-ministre des travaux publics s'il croit qu'une voie défectueuse doive, oui ou non, produire un effet sur la quantité de main-d'oeuvre nécessaire à son entretien ? Je m'imagine qu'une voie faible et usé, exige un remaniement fréquent. Je m'imagine que plus les rails sont faibles, plus la flexion qu'ils éprouvent par les charges qu'ils supportent, est grande ; je m'imagine que plus cette flexion est grande, plus elle doit tendre à desserrer les coins, à creuser les coussinets, à faire déverser les billes, tantôt de l'un tantôt de l'autre côté, à tasser le ballast ; je m'imagine enfin que plus une voie est faible et usée, plus elle exige des soins d'entretien, plus grande est la somme des salaires à payer aux poseurs.

Pour nier la conclusion de la section centrale, l'honorable M. Frère aurait dû prouver que la voie n'est pas trop faible, que les causes de perturbation que nous avons indiquées n'existent pas. Il aurait pu alors nous reprocher d'avoir exagéré le mal ; aujourd'hui je ne vois, dans ce reproche, qu'une déclamation plus ou moins adroite pour se justifier devant le pays.

Pour nier nos conclusions il aurait dû prouver que la voie est bonne, rigide, bien nivelée, qu'elle n'est pas cahotante, qu'on n'éprouve ni chocs ni secousses ; je l'attends à cette preuve. Il aurait dû prouver qu'il n'est pas vrai qu'une grande partie des rails ondulés, qui sont encore dans nos voies, soient déformés ; que les rails parallèles à simple bourrelet présentent toutes les conditions de rigidité requise pour supporter les grands poids de nos machines et les grandes vitesses ; mais il voudra bien nous prouver en même temps qu'il n'est pas vrai que la durée moyenne des rails et des coussinets ne soit que de quinze à vingt années ; il nous prouvera que des poids de 16 et de 22 kilog. par mètre suffisent, que le chemin de fer du Nord a fait un acte insensé en votant le remplacement de ses rails de 30 kilog. par des rails d'un poids plus élevé ; que le chemin de fer d'Orléans a commis une véritable dilapidation de ses capitaux en substituant des rails de 36 kilog. aux rails de 30 kilog. qu'il estime trop faibles pour son trafic actuel !

Lorsque l'honorable M. Frère aura fait toutes ces preuves, il aura produit de bonnes raisons pour combattre notre opinion ; mais jusque-là je pense que ses attaques, quelques vives qu'elles soient, ne produiront guère l'effet qu'il en attend.

Tous les membres de cette Chambre ont pu juger par eux-mêmes de l'étal où se trouve une partie de nos voies. J'en appelle au témoignage de tous ; y en a t-il un seul qui ne soit plaint maintes fois des cahots, des chocs qu'il éprouve sur quelques sections de nos lignes ? Qu'en disent nos collègues qui ont parcouru, par exemple, la voie de Gand à Ostende et de Courtrai à la frontière ?

Il y a une partie de nos lignes, je l'ai déjà dit à une autre occasion, qui est, par suite de la vétusté, de la faiblesse de la voie, dans un état si déplorable que si elle appartenait à une compagnie vous demanderiez que la circulation y fût interdite.

J'arrive au deuxième point ; c'est l'article 61 : Salaires des agents payés à la journée et employés à la traction et aux ateliers, 123,570 fr. La section centrale attribue la demande de ce crédit à une organisation défectueuse, à une voie défectueuse, à un matériel défectueux.

Exagération ! Erreur ! s'écrie l'honorable M. Frère ; cette insuffisance n'a rien de commun avec les défauts que la section centrale reproche à notre chemin de fer.

Sans avoir été ministre des travaux publies, on devrait, ce me semble, savoir qu'une organisation défectueuse, une voie défectueuse, un matériel défectueux exercent une influence très marquée sur les dépenses de main-d'œuvre en ce qui concerne le service de la traction.

Une organisation défectueuse ! L'honorable membre pense-t-il qu'il soit indifférent comment le service de la traction soit organisé ? Pense-t-il qu'il ne serve à rien, surtout en ce service, d'établir une responsabilité réelle des agents ? Pense-t-il qu'il soit possible de faire, en cette partie surtout, autrement qu'on ne fait dans tous les établissements industriels, c'est-à-dire d'avoir un seul homme responsable de tout ce qui concerne le service des machines, un seul homme qui tient constamment la main à ce qu'il y ail en bon état de service, un nombre de machines suffisant pour le transport des convois et à ce qu'il soit tiré des machines le meilleur parti possible, qui veille à ce que les machines reçoivent tous les soins d'entretien courant et les réparations dont elles ont besoin et à ce que ces réparations soient faites avec soin, célérité et économie, qui s'applique à obtenir des machines le service le plus efficace et à diminuer le plus possible les consommalions ?

L'honorable M. Frère croit-il que tout cela soit indifférent et reste sans influence sur les dépenses de main-d'œuvre ? Croit-il que le système adopté pour les réparations, système qui fait partie de l'organisation, je pense, soit chose indifférente sous le rapport de la dépense ?

Et la voie, son bon ou son mauvais état n'exerce-t-il aucune action sur le matériel de traction ? L'expérience a montré partout, pour autant que je sache, que le matériel roulant est nécessairement usé plus rapidement sur une voie qui, parce que les rails sont trop faibles, parce que les bouts des rails sont usés, les coussinets creusés, les billes déversées, le ballast lassé irrégulièrement, soumet les roues à des choc continuels. Les dégradations du matériel qui en résultent ne sont-elles pas une cause d'augmentation dans les dépenses ?

Reste le matériel défectueux. De quelle époque datent le plus grand nombre de nos locomotives ? Quelle est la durée moyenne d'une locomotive ? L'honorable M. Frère ne peut pas l'ignorer : pour avoir un matériel en bon état de service, les machines doivent être remplacées graduellement au bout d'un certain nombre d'années ou du moins subir des transformations complètes ; aussi quelques compagnies ont-elles un fonds de renouvellement spécial pour le matériel roulant.

Nous, qu'avons-nous fait ? Avons-nous remplacé successivement les machines qui vieillissaient ou du moins les avons-nous transformées ? Oui, nous en avons reconstruit deux, je pense ; nous avons fait de légères transformations à d'autres ; quelques machines ont été améliorées, je le reconnais ; mais nous n'avons pas fait ce que font des hommes prudents ; nous n'avons pas annuellement, sur les fonds du budget, augmenté notre matériel dans la proportion qu'il vieillissait ; nous avons laissé arriver la détérioration au point le plus déplorable. On ne veut pas qu'on dise la vérité à cet égard, et l'audacieux qui se le permettra sera exposé aux foudres de l'honorable M. Frère.

Eh bien, soit ! je n'en dirai pas moins que nos locomotives sont, en grande partie, dans un état très défevtueux, et que cela étant, leur entretien a dû occasionner un excès de dépense.

Je ne parlerai pas des doubles et triples attelages que vous voyez tous les jours pour traîner des poids qu'une seule bonne locomotive traînerait, ni des doubles et triples frais qui en résultent.

A l'article 67, il est demandé un crédit supplémentaire de 271,000 fr. pour salaires des agents payés à la journée et attachés au service du mouvement et du trafic.

Même erreur ! s'écrie l'honorable M. Frère. Qu'est-ce qu’une administration défectueuse, une voie défectueuse, uu matériel défectueux ont de commun avec cette dépense ?

Je pourrais dire qu'ici encore les trois causes agissent : l'administration défectueuse ne permet pas qu'il y ait, à un point suffisant, de l'ordre dans le service des transports et des haltes ; je pourrais dire que c'est en partie à cause de l'organisation du service que les manœuvres sont si fréquentes dans certaines stations ; l'insuffisance des voies y est pour une large part ; mais la cause principale des dépenses considérables de main-d'œuvre qu'exige le service des marchandises, c'est l'absence de hangars munis de grues et de tous les appareils qui facilitent le travail. Lorsqu'on est obligé de faire les chargements et les déchargements sans engins, qu'on manque de tout ce qui est nécessaire pour faire ces opérations d'une manière prompte et facile, serait-il défendu de dire que les défectuosités que présentent nos chemins de fer sous ce rapport sont une des causes qui nous empêchent d'exploiter nos lignes à aussi bon marché qu'on le fait ailleurs ?

Mais voyez, messieurs, combien la force de la vérité est grande ! Tout est bien au chemin de fer aussi longtemps qu'il s'agit d'opposer des arguments à la section centrale, de terrasser, d'anéantir sou rapporteur. L'organisation est excellente, la voie est bonne, le matériel est dans des conditions de service très tolérables et en quantité suffisante ; seulement on le cache comme des reliques (le mot m'a frappé, car il s'applique très bien à une partie de notre matériel). Je croyais que l'honorable membre serait arrivé à la conclusion que me formulait, il y a quelques jours, un honorable ami de M. Frère qui, lui aussi. a été ministre des travaux publics, et qui consistait dans l'expédient qui suit : Il ne faut pas dépenser uu centime pour le chemin de fer ; ceux qui veulent voter le crédit de 9 millions sont les ennemis de l'exploitation du chemin de fer par l'Etat ; le matériel est suffisant ; seulement le chemin de fer dort la nuit. Si on faisait marcher les convois pendant 24 heures, on n'éprouverait pas cette insuffisance dont on se plaint aujourd'hui ; nos locomotives et nos waggons suffiraient à tous les transports.

L'honorable membre oubliait sans doute que le service de nuit exigerait un personnel supplémentaire et qu'un des effets les plus fâcheux de l'insuffisance actuelle de notre matériel c'est précisément qu'il est trop longtemps et trop souvent en service. L'honorable M. Frère n'arrive pas à cette conclusion ; il a fini par avouer qu'un certain nombre de waggons en plus est nécessaire, qu'il faudra augmenter le nombre des locomotives ; il ne s'oppose pas même à ce qu'on change les rails. Dois-je donc penser que l'honorable membre n'a fait ce long réquisitoire conttre moi que pour le plaisir de le faire ?

Quoi qu'il en soit, je m'en sens très peu touché ; mais l'honorable membre a parlé de mystères ; il a parlé de motifs qu'on pouvait avoir pour exagérer le mal, pour entraîner le gouvernement dans une voie fâcheuse. Je voudrais que l'honorable membre s'expliquât. Quels sont ces mystères ? De qui a-t-il voulu parler ? Que il Frère veuille bien me répondre sur ce point.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Mon intention est de me renfermer strictement, rigoureusement dans la discussion du projet de loi.

Il me paraît d'abord incontestable qu'une cause générale justifie à beaucoup d'égards le crédit supplémentaire qui est demandé aujourd'hui à la Chambre. Cette cause générale est bien dans l’insuffisance du matériel, dans la nécessité où l'on s'est trouvé, surtout à la fin de l'exercice, de fatiguer outre mesure ce même matériel. Cette cause est bien aussi dans les accidents, dans les bris d'essieux, dans les déraillements en pleine route qui ont été la conséquence de la faiblesse de certaines parties de nos voies.

(page 1674) Il est incontestable également, cela tombe sous le sens, qu'un matériel qui est privé d'abri, qu'un matériel qui ne peut pas être remisé, est soumis à des détériorations beaucoup plus rapides que le matériel des compagnies bien pourvues. Cette cause générale pèse d'une certaine influence, qui est incontestable, sur l'exercice 1853 ; le gouvernement, en soumettant à la Chambre le projet de crédit de 1,500,000 francs, a eu aussi soin d'expliquer les causes spéciales, les raisons de fait, si je puis m exprimer ainsi, qui ont aggravé la situation de l'exercice 1853.

Il y a d'abord le renchérissement extraordinaire de toutes les matières mises en œuvre, de tous les objets de consommation. Il y a en second lieu les réparations extraordinaires qu'il a fallu faire au matériel et sur lesquelles je vais revenir tantôt. Il y a en troisième lieu les mesures que les circonstances calamiteuses dans lesquelles le pays s'est trouvé, les mesures qu'il a fallu prendre dans l'intérêt du personnel ouvrier, et enfin, messieurs, il y a le développement extraordinaire, le développement hors de toute proportion des transports.

Voilà les quatre causes principales qui elles aussi justifient les insuffisances des allocations.

Les causes générales que j’indiquais tantôt, nous pourrons les discuter lorsque la Chambre sera saisie du crédit extraordinaire de 9 millions. Pour le moment je tiens à fournir à la Chambre quelques explications se rapportant aux causes spéciales que je viens d'indiquer.

D'abord, messieurs, je voudrais présenter à la Chambre une observation générale ; c'est qu'il est de toute impossibilité d'établir, en ce qui concerné les allocations du chemin de fer, des prévisions exactes, et je mets au défi tous les ministres des travaux publics qui se succéderont, à moins qu'ils n'aient recours à un procédé que je vais signaler, de répondre d'avance que les allocations ne seront pas dépassées. Il y a pour cela une excellente raison, c'est que, bien que l'accroissement en mouvement et en recette soit continu sur nos chemins de fer, cet accroissement n'est pas proportionnel, cet accroissement ne suit pas la loi d'une proportion en quelque sorte mathématique. Je vais en fournir à la Chambre quelques preuves.

En 1850, en 1851, en 1852 le mouvement pour les petites marchandises est resté sensiblement le même ; les quantités transportées ont peu varié. Pour les grosses marchandises, l'année 1852 a été, par rapport à l'année 1851, une année exceptionnelle, c'est-à-dire qu'il y a eu de ce chef une augmentation d'environ 200,000 tonnes.

Arrive l'année 1853. Le budget de cette année a dû être présenté, aux termes de la loi de comptabilité, au commencement de l'année 1852. Comme ce budget n'a été discuté qu à la fin de l'exercice, par conséquent à la veille de l'ouverture de l’exercice 1853, je suppose que l'on eût pris pour point de départ les résultats de 1852, c'est-à-dire que l’on se fût dit : l'année 1853 sera par rapport à 1852 une année aussi heureuse que l'année 1852 l'a été par rapport à l'année 1851 ; eh bien ! tous les calculs auraient été déjouées, puisque le mouvement des petites marchandises qui, comme je le disais tantôt, est resté pendant plusieurs années à peu près le même, a presque doublé. Il a été, en 1853, de 436,000 quintaux, tandis qu'il n'avait élé, dans les années précédentes, que de 200 et quelques mille quintaux. D'autre part, il y a eu 300,000 tonnes de plus transportées aux tarifs n°2 et 3 que dans le cours des exercices précédents

Pour les voyageurs également, au lieu d'avoir un mouvement à peu près le même, il y a eu 235,000 voyageurs de plus.

Mais, messieurs, l'exemple serait bien plus frappant, si l'on invoquait l'exercice 1854.

Le budget de 1854 a été présenté au commencement de 1853 ; il a été discuté à la fin de cette année. Je suppose que j'eusse pris pour base les évaluations de l'exercice 1853, exercice qui a été extrêmement onéreux à raison des circonstances spéciales qui ont pesé sur lui, à raison des circonstances calamiteuses que nous avons traversées, à raison du renchérissement extraordinaire qu'oui subi tous les matériaux et tous les objets de consommation, à raison du développement extraordinaire qu'ont pris les transports. Messieurs, si je m'étais basé sur l'exercice 1853 pour les allocations de 1854, le département des travaux publics eût encore vu toutes ses prévisions déjouées.

Et pourquoi cela ? Parce que les trois premiers mois de l'exercice 1854 offrent comme transports une augmentation de mouvement double de celle qui a eu lieu dans le cours de l'exercice 1853, comparé à l'exercice antérieur. C'est-à-dire qu'en 1853 nous avions eu 300,000 tonnes de plus qu'en 1852, tandis que les trois premiers mois de 1854, comparés aux trois premiers mois de 1853, présentent un accroissement de 664,000 tonnes. En présence le ces faits, qui renversent tous les calculs, il est impossible d'établir des prévisions exactes. Je sais qu'il y aurait un moyen, ce serait de prendre le trop plein pour toutes les allocations, d'aller au hasard, d'aller témérairement, de faire des budgets fantastiques ; mais je ne pense pas que ce moyen soit propre à permettre au ministre d'établir un contrôle sévère sur toutes les parties de l'administration.

Du reste, messieurs, pour me rendre, dans l'avenir, à moi-même un compte exact des motifs qui déterminent à excéder les allocations budgétaires, j'ai rappelé, dans une circulaire récente, les conditions auxquelles seraient soumises les dépenses dépassant les articles du budget. Ces prescriptions sont scrupuleusement observées. Messieurs, comme je le disais tantôt, une des principales charges qui ont pesé sur l'exercice 1853, c'est le renchérissement de tous les objets de consommation. J'ai eu soin de publier à la fin de l'exposé des motifs un état comparatif des prix des principaux matériaux pendant les années 1852, 1853 et 1854, et la Chambre peut se convaincre par cet état comparatif que l'augmentation a été, pour des articles très importants, tels que les bois de sapin, les caisses à eau en tôle, l'étain, le cuivre rouge en feuilles, de 40, de 51, de 50, de 65 et de 69, d un exercice à l'autre.

Maintenant, messieurs, j'ai voulu savoir également quelle influence ces augmentations de prix avaient exercée sur l'année 1853, et je me suit fait produire toutes les adjudications qui ont eu lieu postérieurement au vote du budget de 1853 ; or, il résulte du tableau que je tiens ici que depuis le mois d'avril, époque à laquelle le budget a été voté, les adjudications ont dépassé de plusieurs centaines de mille francs la somme que l'on pouvait prévoir d'après les prix antérieurs.

Mais, peut-on se demander, les réparations faites au matériel étaient-elles nécessaires ?

Je prie la Chambre de croire qu'avant d'autoriser ces dépenses, je me suis entouré de tous les renseignements nécessaires ; je me suis fait adresser des rapports spéciaux par les divers chefs de service, et il en est résulté qu'à moins de compromettre la circulation sur nos voies ferrées, je ne pouvais pas ne pas ordonner les dépenses dont il s'agit. Un seul fait suffira pour la Chambre à lui donner la mesure de ce qu'ont été ces réparations extraordinaires. Pendant l'année 1853 les réparations ont porté sur un chiffre de près de 1,200 waggons. Ces réparations ont eu pour résultat, non pas seulement de renouveler le matériel, mais de le transformer en quelque sorte complètement. De plus, ce matériel roulant était insuffisant, il a fallu s'adresser aux compagnies concessionnaires, à la compagnie de Charleroi à Louvain, à la compagnie du Luxembourg et à la compagnie d'Anvers à Rotterdam. Voici maintenant un extrait du rapport qui m'a été adressé par l'inspecteur général du service technique.

(M. le ministre donne lecture d'un extrait de ce rapport, d'où il résulte que les réparations extraordinaires aux machines ont été impérieusement commandées par les nécessités du service.)

Pour le coke, les prévision sont été considérablement dépassées ; de ce chef il y a encore une insuffisance de plus de 100,000 fr.

Les prévisions du budget de 1853 portaient sur le nombre de locomotives-lieues qu'on pouvait présumer d'après les résultais de 1852 ; en 1852 le nombre avait été de 1,038,543 locomotives-lieues ; on l'a évalué pour 1853 à 1,054,000 et en fait ce chiffre a été notablement dépassé.

Il y a, messieurs, j'ai déjà eu l'occasion de le dire, un fait supérieur à tous ces faits de détail que je viens d'indiquer, c'est que dans le crédit de 1,500,000 francs l'insuffisance des salaires figure pour plus de 500,000 fr. et les réparations extraordinaires du matériel pour plus de 400,000 fr. L'insuffisance des salaires provient de toutes les causes que j'ai indiquées et aussi de l’insuffisance du matériel et de l'état dans lequel se trouvent plusieurs parties, plusieurs sections de la voie.

(page 1677) M. Frère-Orban. - L'honorable M. de Brouwer a commencé ses observations avec autant d’obligeance que d’esprit en insinuant que si je venais élever des critiques sur le rapport qu'il a soumis à la Chambre c'est que, ayant passé par l'administration des travaux publics j'étais à peu près obligé à soutenir que tout était bien comme je l'avais laissé et que désormais on ne pouvait plus introduire aucun changement, aucune innovation, sans qu'on fît une chose que je dusse nécessairement critiquer.

Ceci peut être fort spirituel, comme je le disais tout à l'heure ; mais assurément cela manque de sens. J'ai passé par le département des travaux publics, cela est vrai, mais d'une manière fugitive, et pendant les.quelques mois que j'ai dirigé ce département, je n'ai eu le temps ni d'y introduire de vastes réformes, ni d'y poser de grands principes que je serais aujourd'hui obligé de défendre ; je ne suis engagé sur aucun point, pas même pour une question d'amour-propre ; je n'ai de parti pris sur aucune question.

J'ai fait deux choses au département des travaux publics ; j'ai d'abord repoussé une demande de crédit qui s'élevait à plusieurs millions de francs, et qui avait pour objet de remplacer dans les voies les rails qui étaient inférieurs à un poids de 34 kilog. par mètre courant. Sans contester l'utilité de la dépense d'une manière absolue, j'ai pensé qu'il y aurait un grand préjudice pour l'Etat à changer tout à coup les rails inférieurs au poids que je viens d'indiquer, placés depuis peu de temps et qu'on pouvait, en opérant successivement, agir avec beaucoup plus d'économie, sans aucune espèce de préjudice pour l'exploitation du chemin de fer.

J'ai défendu cette opinion contre une partie de l'administration, mais après mettre bien éclairé et avoir acquis la conviction qu'en procédant autrement, on dépenserait plusieurs millions en pure perte, j'ai fait connaître à la Chambre les motifs qui m'avaient alors déterminé, et la Chambre m'a approuvé.

Eh bien, dans une séance précédente dont j'ai lu le compte rendu, car je n'étais pas présent, l’honorable M. de Brouwer a reproduit littéralement les motifs qui m'avaient été donnés à cette époque, et qui avaient été condamnés par les hommes les plus compétents. L'expérience m'a donné raison.

On n'a pas dépensé ces millions immédiatement ; on a opéré successivement le remplacement, les rails inférieurs au poids de 34 kilog. ; est qu'est-il arrivé ? les périls que l'on faisait craindre se sont-ils révélés ? Les résultats déplorables dont nous menace encore l'honorable rapporteur ont-ils été constaté ? En aucune façon ; vous trouvez aujourd'hui la voie dans une situation qui est satisfaisante. La voie comprend 637,000 mètres. Combien dans une voie de 637,000 mètres avez-vous de rails inférieurs au poids maximum de 34 kilog. par mètre courants. Il en reste environ soixante mille mètres... (Interruption.) J'ai pris ce chiffre dans l'exposé des motifs du projet de loi relatif au crédit de 9 millions...

M. de Brouwer de Hogendorp. - Il y a 90,000 mètres au-dessous du poids de 27 kilog.

M. Frère-Orban. - L'exposé des motifs du projet de loi que je viens d'indiquer, porte : « En 1845, on adopta le modèle actuellement employé de rails à double bourrelet du poids de 54 kilog. par mètre courant.

« Il se trouve actuellement dans les voies... »

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Voulez-vous me permettre de dire un mot ?

M. Frère-Orban. - Volontiers.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Au 1er janvier 1852, il y avait dans les voies 850,000 mètres à doubles bourrelets ; l'importance totale des voies en mètre courant de rails était au 1er janvier 1853, de 2,499,800 mètres. Je crois que l'honorable M. Frère-Orban confond le nombre de rails avec les quantités en mètres courants.

M. Frère-Orban. - Je lis dans l'exposé des motifs du projet de crédit de 9 millions ; page 3 : « Il se trouve actuellement dans les voies environ 1,200,000 mètres courants de rails de ce dernier modèle (34 kilog. par mètre courant) soit 600,000 mètres de voie. »

C'esl ce que j'ai dit, s'il y a des erreurs, elles se trouvent dans l'exposé de ces motifs.

Maintenant de ce qu'il reste une quantité de 90,000 mètres, je prends le chiffre indiqué par l'honorable M. de Brouwer, est-on autorisé à déclarer que la voie est dans un déplorable état, que la voie est très défectueuse, qu'elle est périlleuse ? Cela est-il raisonnable, sérieux ?

Qu'il soit désirable qu'on remplace les rails inférieurs au poids de 34 kilog., j'en tombe d'accord ; mais qu'il fallût le faire dès 1847, lorsque je m'y suis opposé, oseriez-vous le soutenir ? qu'il fallût alors dépenser incontinent des millions pour remplacer des rails en bon état, afin d'arriver sur-le-champ et non par suite des renouvellements successifs, à n'avoir plus que des rails du poids de 34 kilog. par mètre courant, personne ne le prétendra. Mais si la voie est dans un mauvais état d'entrelien, comme on le dit toujours, et je m'étonne que M. le ministre des travaux publies n'ait pas relevé, comme il l'a fait dans d'autres circonstances, des affirmations de ce genre ; si les voies sont dans un mauvais état d'entretien, vous n'avez qu'une chose à faire : destituer ceux qui sont chargés de les entretenir.

La Chambre, en effet, n'a jamais refusé les allocations qui étaient allouées pour l'entretien des voies ; on a pu entretenir, on a entretenu, on doit entretenir les voies en bon état ; les voies doivent toujours être en bon état, du moment que l'allocation est suffisante.

Pour le matériel, remarquez bien que je ne m'élève que contre vos exagérations, exagérations qui ont été réfutées par M. le ministre des travaux publics.

Votre exagération consiste à prétendre que tout est mauvais, voies, locomotives, waggons, organisation, tout est défectueux. Pour moi, je ne prétends pas que tout soit bon, excellent, qu'il n'yait rien à faire, mais il est déplorable de venir prétendre que tout est détestable, parce que cela n'est pas vrai.

Pour votre matériel, à part l'excès de travail qu'il afallu peut-être lui imposer dans ces derniers temps, à raison d'un transport beaucoup plus considérable, comme vient de le signaler avec raison M. le ministre des travaux publics, il doit être en bon état ; il doit l'être avec les allocations qui sont votées pour son entretien. Les locomotives, vous les signalez comme épuisées, comme constituant un matériel usé. Ignorez-vous qu'une locomotive ressemble assez au couteau de Janot.

- Un membre. - C'est ce qui ne doit pas être.

M. Frère-Orban. - C'est précisément ce qui doit être ; quand une partie vient à manquer, on la remet à neuf ; une autre partie manque ensuite, on la remet encore à neuf et la locomotive dûment entretenue se trouve toujours en bon état.

Je sais parfaitement que pour ceux qui n'ont pas un intérêt direct dans la dépense, il est beaucoup mieux d'avoir une locomotive toute neuve du dernier système, avec les derniers et les plus raffinés perfectionnements. Je me trouverais d'accord sur ce point si la chose devait être examinée d'une manière absolue. Que la locomotive neuve vaille mieux que celle qui n'a pas subi les derniers perfectionnements, c'est ce que personne ne contestera en termes généraux.

Mais au point de vue mercantile il faut s'attacher à faire durer son matériel le plus longtemps possible, et malgré tous ses X M. de Brouwer ne parviendra pas à prouver que sous le rapport industriel il ne faut pas se servir de ses engins aussi longtemps qu'il est possible de les utiliser avec bénéfice.

Voilà pour le matériel et pour la voie. Pour l'organisation, je ne sais au juste ce qu'elle est aujourd'hui ; je ne m'en porte pas le défenseur, mais ce que je dis c'est que l'organisation dont M. de Brouwer s'est fait l’éditeur responsable, serait une organisation déplorable et que le jour ou elle serait admise par impossible par un ministre des travaux publics quelconque, je ferais immédiatement la proposition d'abandonner le chemin de fer de l'Etat à une compagnie.

Voici la théorie de l'organisation de M. de Brouwer ; il lui faut d'abord au drapeau un mot qui séduise. Organisons, dit-il, le chemin de fer commercialement ! tout le monde est d'accord. Comment, dit-il, est exploité un chemin de fer par une compagnie ? II a un directeur gérant, un conseil d'administration, et une assemblée d'actionnaires, ettlout marche pour le mieux, car chacun sait que dans les compagnies tout est toujours parfait, témoin ce qui s’est passé en Angleterre et cette histoire édifiante du roi des chemins de fer.

(page 1678) Quoi qu'il en soit, l'honorable M. de Brouwer applique au chemin de fer de l'Etat un directeur gérant qui concentre tous les pouvoirs dans ses mains ; comme nous avons un gouvernement représentatif et un ministre qui est obligé de parler devant la Chambre ; il ne fera rien sans être autorisé par le ministre. Mais le ministre n'existera que pour la forme et en guise de mannequin. A côté du ministre il y aura un conseil composé d'une douzaine d'amateurs choisis par lui, qui l'éclaireront sur les besoins de l'exploitation, sur les améliorations à y introduire et sur les dépenses à faire pour cette grande entreprise. Ainsi un directeur comme les compagnies, un conseil d'administration comme les compagnies, et tout est pour le mieux.

Il n'y a qu'une petite différence, toute petite, c'est que dans les compagnies, le directeur est un personnage qui a une part dans les bénéfices, qui est intéressé à dépenser le moins possible et à faire le plus de recettes possible ; c'est là pour les actionnaires une garantie qui ne se reproduit pas dans l'exploitation d'un chemin de fer au compte de l'Etat ; il y a ensuite un conseil d'administration, composé des plus gros actionnaires qui ont un grand intérêt dans l'entreprise, qui contrôlent sévèrement toutes les dépenses et, comme le directeur, ont intérêt à opérer le plus de recettes possible. Mais ce conseil composé d'une douzaine d'amateurs, quel intérêt aura-t-il dans l'entreprise dont nous nous occupons ? L'honorable membre ne peut pas prétendre qu'on puisse exiger de ces personnes qu’elles s’occupent régulièrement, constamment, d’une opération comme celle de l’entreprise d’un chemin de fer, gratuitement et en négligenat leurs propres affaires.

On trouvera peut-être une personne comme M. de Brouwer qui s'en occupera gratuitement, « con amore », mais nous ne faisons pas des organisations de services publics pour des exceptions. L'administration du chemin de fer organisée de cette façon se réduirait, en un mot, à ces termes fort simples : un chef qui n'a de compte à rendre à personne. Le ministre, la cour des comptes, la Chambre ne pourraient rien connaître de ce qui se passerait dans cette entreprise. Et sur quels motifs s'appuie M. de Brouwer pour préconiser ce nouveau genre d'autocratie ? C'est que l'organisation suivie jusque dans ces dernières années donne lieu à des tiraillements. On discute, on débat ou du moins on le faisait, les propositions des agents chargés de l'exécution.

Le ministre ayant des actes à défendre, une responsabilité à sauvegarder, s'entourait des lumières qu'il puisait dans ses bureaux ; on examinait, on surveillait, on contrôlait.

Voilà les tiraillements ! Il n'en faut plus ; il n'y en aura plus, selon de Brouwer ; une douzaine d'amateurs donneront en aveugles des conseils au ministre, et M. de Brouwer, ému et ravi, déclarera que tout est parfait !

Conçoit-on, en effet, que sous notre régime administratif et constitutionnel, on contraigne un agent, un fonctionnaire supérieur à l'obligation de faire passer ses propositions par l'examen des bureaux du ministre ? Que le ministre, entouré si l'on veut d'une douzaine d'amateurs consultants, statue sans autre formalité et ce sera la perfection du genre.

C'est comme si un gouverneur de province venait dire au ministre de l’intérieur : A quoi bon vos bureaux ? vous avez confiance en moi ou vous ne l'avez pas ; si vous avez confiance en moi, admettez les propositions que je vous fais ; il est inutile que vos bureaux, que vos commis examinent ma proposition et me contredisent.

Supprimons donc les administrations centrales, et c'est en réalité à quoi tend la proposition de l'honorable M. de Brouwer de Hogendorp, en ce qui touche le département des travaux publics. Il y aura confusion de tous les pouvoirs et de toutes les attributions ; le même agent proposera, avisera, exécutera. Celui qui devrait être contrôlé sera son propre contrôleur, et il faudra renoncer à parler de la responsabilité du ministre.

Je ne puis donc approuver l'organisation que préconise l'honorable M. de Brouwer de Hogendorp. C'est en vain qu'il veut chercher un appui en sa faveur dans les paroles d'un membre anonyme de la troisième section (ce membre ne serait-il pas peut-être M. de Brouwer lui-même ?) ; c'est en vain qu'il reproduit ces paroles avec éloges dans ce rapport qu'il a rédigé au nom de la section centrale. Ce n'est pas assez pour justifier l'étrange innovation dont il s'est fait le parrain.

Encore une fois qu'on ne se méprenne pas sur ma pensée. Je ne prétends pas qu'il n'y ait rien à faire, moins encore que l'organisation actuelle soit bonne et parfaite. Je conteste seulement que l'organisation que l'on préconise soit bonne ; je dis qu'elle est la plus mauvaise de toutes celles qui ont été proposées.

Mais l'honorable M. de Brouwer de Hogendorp m'a fait une objection. Répondez, m'a-t-il dit, à cette question : Comment se fait-il que l'exploitation du chemin de fer de l'Etat soit la plus coûteuse de tous ? Il n'y a pas, dit-il, de compagnie qui exploite à d'aussi grands frais que l’Etat. Je charge M. le ministre des travaux publics de lui répondre. Il l'a fait plusieurs fois lorsque j'avais l'honneur de siéger à côté de lui. A vingt reprises différentes, il lui a démontré qu'il était tombé à cet égard dans des erreurs grossières.

M. de Brouwer de Hogendorp. - Vous m'encouragiez.

M. Frère-Orban. - Jamais ! Je protestais formellement contre vos assertions. Je vous ai encouragé ! A quoi vous ai-je encouragé ? A critiquer la situation du chemin de fer, comme vous le faisiez, comme vous le faites aujourd'hui ? Ne venez-vous pas de dire que vous vous attendiez à me rencontrer parmi vos adversaires ?

Prétcndais-je qu'il n'y avait ni abus à corriger, ni abus à faire disparaître ? Non. Mais je soutenais, comme je soutiens encore aujourd'hui, qu'il est déplorable de venir prétendre que tout est défectueux, qu'il n'y a rien de bon au chemin de fer de l'Etat.

Je dis que l'honorable ministre des travaux publics vous a répondu alors, et qu'il doit aujourd'hui, comme il l'a fait à une autre époque, protester contre les exagérations de votre rapport ; car lorsque vous prétendiez que le matériel était complètement insuffisant, l'honorable ministre des travaux publics répondait avec raison, avec bon sens.

« Je ne prétends pas qu'un matériel plus considérable ne puisse être utile, sinon nécessaire ; mais je nie complètement qu'il soit absolument insuffisant comme vous l'affirmez. » Et il donnait comme preuve de la vérité de ses assertions un état comparatif du matériel du chemin de fer de l'Etat et du chemin de fer du Nord ; il établissait une comparaison entre l'un et l'autre, et il en tirait des inductions favorables au chemin de fer de l'Etat. Ses démonstrations sout restées sans réplique.

Dans votre rapport, vous avez tout exagéré dans le but de préparer la justification d'une dépense considérable que nous examinerons ultérieurement, et vous n'osez le nier.

Voyez ce que vous énoncez à la page 7. Vous citez le crédit de 1,500,000 fr. comme étant sollicité pour le chemin de fer, et vous déclarez que ce crédit supplémentaire a uniquement pour cause l'insuffisance du matériel, le mauvais état de la voie, et l'organisation défectueuse.

Or, je vous ai prouvé, par la simple lecture des articles, que c'est à des causes tout à fait différentes qu'il faut attribuer la demande d'un crédit supplémentaire, et que dans cette grosse somme de 1,500,000, il y a même un grand nombre d'articles qui sont absolument étrangers au chemin de fer de l'Etat.

Je sais bien que vous affirmerez le contraire. Mais M. le ministre des travaux publics s'est levé après vous ; a-t-il confirmé vos assertions qui sont contraires à l'évidence ? Il s'en est bien gardé. Il a justifié le crédit comme il convient de le faire ; il a indiqué les causes générales ou les causes spéciales qui l'ont rendu nécessaire.

(page 1674) M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - L'honorable M. Frère s'étonne que je ne soulève pas une question d'exploitation, que je ne reproduise pas ici les considérations que j'ai fait valoir dans d’autres temps pour démontrer, contrairement à l'opinion de l'honorable M. de Brouwer, que les dépenses d'exploitation ne dépassent pas sur le chemin de fer belge les dépenses de même nature sur les lignes concédées. Messieurs, je ne crois pas devoir m’occuper de cette question en ce moment. Ce que je me rappelle parfaitement, c'est que lorsque cette discussion a été engagée devant la Chambre, tout le monte à peu près a été d'accord pour dire : « Nous ne comprenons rien à certe dissertation ; l'honorable M. de Brouwer et l'honorable ministre des travaux publics se livrent ici à une dissertation sur l’unité de trafic ; ils supputent longuement combien coûte par kilomètre la traction sur le chemin de fer belge ; on compare ce prix de revient à celui que l'on obtient sur d'autres chemins de fer ; mais personne ne saurait trancher le débat ; de pareilles questions doivent trouver leur place ailleurs. Voilà ce que l'on disait à cette époque, et puis tout le monde était d acord pour engager le gouvernement à instituer une commission spéciale. On le conviait même à ne pas tarder, à y appeler tous les hommes spéciaux qui s'étaient livrés, au sein du parlement, à de semblables études.

Ces conseils je les ai mis à profit, une commission consultative a été instituée.

On a prétendu d'abord qu'elle était trop nombreuse, qu'elle n'aurait pas réalisé le but de son institution. Eh bien, la commission s'est occupée tout d'abord de la question des tarifs. La question des tarifs résolue, elle a eu à examiner quelles étaient, au point de vue d'une bonne exploitation, les dépenses nécessaires, urgentes.

Ces dépenses ne peuvent plus être celles qui avaient été reconnues nécessaires en 1848, par cette raison que le réseau a subi un développement nouveau résultant de l'adjonction de la ligne de Dendre-et-Waes. Avant un an d'ici, le réseau comportera de ce chef 20 lieues de plus.

Il est donc rationel que le matériel roulant, qui est de 37,000 fr. par kilom., soit augmenté en proportion des sections nouvelles. Il est certain également que les chiffres produits en 1848 ne se trouvent plus en concordauce avec les nécessités actuelles, quand on sait qu'en 1848 il était de toute impossibilité de prévoir le développement qu'auraient (page 1675) reçu les transports en 1852 et en 1853. En 1848, on avait évalué les prévisions des dépenses sur un trafic d'environ 1,200,000 tonnes et je crains pas d'être démenti par les faits en affirmant qu'avant deux ans, ce mouvement sera doublé.

L'honorable M. Frère, dit : Je m'étonne que le ministre des travaux publics ne réponde pas à l'articulation de l'honorable M.de Brouwer, qui dit que la voie est dans un état déplorable.

Messieurs, je ne puis pas nier que certaines parties de la voie ne laissent énormément à désirer ; je puis déduire cela des rapports unanimes de tous les chefs de service, et j'ai un autre fait à invoquer ; c'est celui-ci.

En 1853 les chefs de service avaient reconnu à l'unanimité que pour suffire aux besoins de l'entretien de la voie, il fallait environ 5,000 tonneaux de rails. Ces 5,000 tonneaux de rails devaient provenir, d'une part, des commandes directes à faire à concurrence d'environ 3,400 tonnes et d'autre part du remaniage des vieux rails à concurrence de 1,000 tonnes. Il est évident que si j'avais pu en 1853 rencontrer les prix des rails qui avaient été offerts en 1851 et en 1852, j'aurais pu remplir entièrement les vues de l'administration, j'aurais pu suffire aux nécessités du service telles qu'elles ressortaient de l'avis unanime de tous les chefs de service.

Or, en fait, cela ne s'est pas présenté ; on n’a pas pu avec les allocations portées au budget de 1853, faire face aux nécessités reconnues, c'est-à-dire qu'au lieu d'avoir les 5,000 tonneaux de rails, jugés nécessaires pour le renouvellement et pour le bon entretien de la voie ; il s'est trouvé que par suite de l'élévation des prix qui s'étaient élevés de 170 à 226 fr. la tonne, au lieu de 5,000 tonneaux, je n'ai pu en avoir que 3,000. Eh bien, je dis que cette situation est encore vraie pour 1854 ; qu'elle peut encore être vraie pour 1855, et qu'alors il faut nécessairement des crédits supplémentaires pour faire face à une situation aussi anormale.

Je pense du reste que lorsque le crédit de 9 millions sera en discussion, ce sera le moment de rencontrer les questions de principe qu'a développées l'honorable M. Frère.

Je n'admets pas l'institution d'une commission dans les conditions que lui fait l'honorable M. Frère. Je n'admets pas qu'une commission doive être instituée ou puisse être instituée pour amoindrir la responsabilité du ministre ; à cet égard les précédents parlementaires existent. Il existe surtout au Moniteur un discours de l'honorable M. Devaux, qui a déclaré à quelles conditions il comprendrait l'institution d'une commission consultative. Et je dirai qu'en fait, il n'y a pas un seul des chemins de fer exploités par l'Etat en Allemagne, qui n'ait une commission consultative chargée d'examiner certaines questions qui ne peuvent être débattues en détail devant une chambre.

Messieurs, quelle était la position du ministre des travaux publics vis-à-vis de l'administration et vis-à-vis des Chambres ? Tous les ans on venait remettre en question l'existence du chemin de fer ; on parlait de commission d'enquête parlementaire ; on disait que les dépendes d'exploitation étaient en disproportion avec ce qui se faisait ailleurs, et quand la discussion se produisait devant la Chambre, on disait aussi : la Chambre ne peut décider de semblables questions ; nous ne pouvons les approfondir ; il faut une commission spéciale pour les examiner.

Voilà la situation qui était faite au ministre, et le mal allait en s'aggravant ; n'est-il pas dès lors évident que si l'on veut fortifier l'action du ministère vis-à-vis de l'administration d'une part, vis-à-vis du parlement d'autre part, que si l'on veut offrir à l'administration elle-même un rempart contre des préventions injustes, un élément de force et de sécurité, il faut à côté du ministre un nouveau rouage, ce rouage ne doit pas consister dans l'institution d'une commission qui absorbe le ministre, il doit consister dans l'institution d'une commission purement consultative.

M. Osy. - Messieurs, c'est dans la commission temporaire dont la Chambre avait demandé l'institution auprès de M. le ministre des travaux publics, que j'ai pu m'éclairer et puiser la conviction qui m'a fait me rallier à l'opinion de la troisième section, qui est critiquée aujourd'hui par l'honorable M. Frère. Messieurs, je crois que le gouvernement, depuis bien des années, n'a pas osé dire quel était le remède au mal, et que, sous ce rapport, l'institution de la commission a rendu de très grands services parce que maintenant on sait ce qu'il y a à faire pour que le gouvernement ne perde pas le chemin de fer et que l'opinion qui commençait à prévaloir, il y a peu d'années, qu'il fallait vendre le chemin de fer ou le céder à une compagnie, ne se reproduise plus. Pour moi, je suis convaincu que si l'on ne changeait pas l'administration du chemin de fer, le gouvernement perdrait le railway. Je crois que les expressions dont s'est servi l'honorable rapporteur et auxquelles j'ai donné mon adhésion en section centrale, sont très justes : certainement le matériel est tout à fait défectueux, et vous avez vu, messieurs, dans le commencement de l'année, que le gouvernement aurait dû abandonner le service s'il n'avait pas trouvé les compagnies concessionnaires des lignes qui ne sont pas encore en exploitation pour lui prêter le matériel dont il avait besoin.

Eh bien, messieurs, d'ici à la fin de l'année et l'année prochaine ces compagnies ouvriront leurs lignes, et vous n'aurez plus ce matériel ; de manière que si nous ne prenons pas des mesures pour améliorer notre chemin de fer, il est certain que nous le perdrons.

L'honorable M. Frère prétend que dans les 1,400,000 fr. demandés il n'y a que 300,000 fr. qui soient strictement pour le chemin de fer, que le reste concerne les salaires et les réparations extraordinaires du matériel.

Mais, messieurs, c'est parce que le matéiicl est insuffisant qu'il faut le réparer trop souvent, qu'il faut y faire des dépenses considérables ; c'est à cela qu'une grande partie des 1,400,000 fr. a été employée.

Ensuite le trafic ayant considérablement augmenté, notre matériel est non seulement insuffisant sous le rapport du nombre, mais il n'a pas la force nécessaire pour faire le service.

Nous avons commencé avec des remorqueurs beaucoup trop faibles, parce que nous ne nous attendions pas à un mouvement aussi considérable que celui que nous avons aujourd'hui.

Ensuite, comme le dit l'honorable ministre des travaux publics, nous aurons dans le courant de l'année prochaine un service de 100 kilomètres de plus ; il faut prévoir la dépense de cette nouvelle exploitation.

Déjà en 1848, messieurs, le gouvernement savait ce qu'il fallait pour le chemin de fer : la veille des événements de France, le gouvernement vous avait présenté un projet de loi qui allouait 25 millions pour le chemin de fer ; ce projet n'a jamais pu être discuté par suite des événements qui sont survenus ; mais en 1851, l'honorable M. Rolin, après avoir été pendant 2 ans au ministère des travaux publics, nous disait qu'il était indispensable d'augmenter le matériel du chemin de fer, que sans cela le service serait arrêté, et il nous proposa un crédit de 5 millions Eh. bien, messieurs, celui qui s'est le plus opposé à cette proposition, c'est l'honorable M. Frère. Ce n'est que deux ans après, dans le courant de la dernière session, que M. le ministre des travaux publics nous a demandé un crédit de 4,800,000 francs, pour les besoins du chemin de fér. Nous avons donc perdu deux ans pour le renouvellement nécessaire de notre matériel.

Je conçois que l'honorable M. Frère, qui a refusé les cinq millions demandés par M. Rolin et qui a retardé ainsi pendant deux ans des dépenses indispensables, je conçois que l'honorable membre critique nos expressions et trouve que tout est assez bien au chemin de fer.

Eh bien, messieurs, à l'heure où nous sommes, nous avons 180 locomotives et 40 toujours en réparation.J 'ai constamment assisté aux séances de la commission dont on m'a fait l'honneur de me nommer, j'ai tout vu de près ; nos honorables collègues ont eu le courage, pendant l'hiver, d'aller sur les lieux, examiner ce qui se passait dans chaque section pour vous faire un rapport ; eh bien, je suis convaincu que tout ce qu'a dit l'honorable rapporteur de la section centrale n'est que la stricte vérité et qu'il est absolument nécessaire que nous portions remède au mal. Or, nous ne pourrons le faire que si le ministre des travaux publics a à côté de lui, non pas un conseil qui l'absorbe, mais un conseil consultatif qui puisse l'éclairer. Si l'on juge convenable de ne pas établir ce conseil, je suis bien convaincu, je le déclare, que d'ici à peu d'années nous en reviendrons tous à demander que le chemin de fer passe dans les mains d'une compagnie, car il est de toute impossibilité que l'état actuel des choses continue à exister. Le mal a été tellement en augmentant qu'en 1848 le gouvernement disait qu'il avait besoin de 25 millions et que nous trouvons aujourd'hui qu'après avoir dépensé 12 millions il faut encore pour le strict nécessaire, non pas 13 millions, mais 23 millions ; de sorte qu'au lieu de 25 millions, dépense prévue en 1848 on aura eu besoin de 35 millions.

M. de Brouwer de Hogendorp. - L'honorable M. Frère disait, en terminant, qu'il n'avait eu d'autre but que d'attaquer ce qu'il y a d'exagéré dans mon rapport. Soyez un peu plus franc, M. Frère ; dites que ce n'est pas là votre but. Pourquoi avez-vous attaqué mon rapport sur le budget des travaux publics de 1852 ? Vous êtes retourné loin en arrière ! Il me souvient cependant que vous m'encouragiez à cette époque ; il y avait des abus qu'il fallait détruire !

Depuis lors j'ai insisté sans relâche, sans varier sur les moyens de réforme, et aujourd'hui vous n'avez que des paroles de blâme, de réprobation. Vous n'avez d'autre but, dites-vous, que d'attaquer mes exagérations, et vous attaquez no -seulement mes actes, mes écrits, mes intentions ; vous attaquez jusqu'à l'œuvre de la commission des chemins de fer tout entière ; car cette organisation que vous trouvez si détestable, elle a été acceptée à l'unanimité des membres de la commission des. chemins de fer.

M. Rogier. - Des membres présents.

M. de Brouwer de Hogendorp. - M. Rogier et un autre membre exceptés, lesquels après avoir assisté à deux ou trois séances n'y sont plus venus, parce que leur opinion concernant les tarifs n'avait pas prévalu.

Et qui vous autorise à traiter cette œuvre avec un si grand dédain : ? La connaissez-vous ? D'après ce que vous en avez dit tout à l'heure, je dois dire que vous ne la connaissez pas.

Vous blâmez pour blâmer.

Vous êtes passé par le ministère des travaux publics ! Oui, on s'en souviendra. Je me rappelle que vous vouliez réorganiser cette administration qui alors était détestable à vos yeux, et qu'avez-vous fait ? Le ministre ne peut pas entrer dans les détails de l'administration, disiez-vous ; il ne peut pas tout voir par lui-même, il lui faut donc un intermédiairc entre lui et le directeur général.

Où êtes-vous allé chercher cet intermédiaire ? Dans les rangs inférieurs et je dirai parmi les gens qui se faisaient un honneur de ne pas (page 1676) connaître les chemins dé fer. C'était un avantage, disait-on, car l'ignorance était un motif d'impartialité.

M. Frère-Orban. - C'est absurde !

M. de Brouwer de Hogendorp. - J'accepte le mot : oui, c'était absurde, mais c'est historique. A quoi devaient survir vos intermédiaires ? A créer l'autagonisme, les frottements ; c'étaient vos moyens de bien administrer, c'étaient vos moyens pour introduire l'économie dans l'administration des chemins de fer. C'était tout simplement l'anarchie, ou, comme vous venez de le dire, l'absurde. Si vous n'aviez pas confiance dans l'homme qui était à la tête de vos chemins de fer, vous aviez un moyen simple, légal de vous en débarrasser. Pourquoi ne l'avez-vous pas employé ?

Vous vous faites un titre d'avoir résisté à une proposition qui vous a été faite, en 1847, pour le remplacement d'un certain nombre de bills et de rails. Mon rapport contient, dites- vous, littéralement, mot pour mot, ce qui vous a été écrit à cette époque pour vous engager à signer le renouvellement.

Je repousse les inductions que vous voulez en tirer ; je repousse votre assertion ; je ne suis le compère de personne. Le rapport que j'ai eu l'honneur de faire au sein de la commission est l'expression fidèle de l'opinion de tous ses membres ; je n'ai puisé mes convictions que dans un examen sérieux des faits et je n'ai pas eu besoin d'aller puiser mes termes ailleurs que chez moi-même.

Eh bien, ce dont vous vous faites un titre, je vons en fais un grief, la voie exigeait le renouvellement que vous repoussiez ; en repoussant la proposition qui vous était faite, vous n'avez produit d'autre effet que de charger l'avenir, puisque de 1847 jusqu'en 1853 il a fallu dépenser, pour le même objet, une somme de 6,419,000 francs ; et la situation de nos voies est devenue telle qu'en 1853, pour continuer le service, il a fallu emprunter 3,000 rails à la compagnie de Dendre-et-Waes. Et vous venez parler, en face de faits pareils, de la destitution des hommes qui auraient laissé tomber la voie dans l'état de délabrement que j'ai décrit ! Mais à qui la faute ? N'est-ce pas à ceux qui ont refusé les moyens de la renouveler ?

Mon projet de réorganisation a été un objet de vive critique pour l'honorable M. Frère. Il la trouve si mauvaise, si dangereuse, que si un ministre des travaux publics tentait de la mettre à exécution, il aurait recours aux mesures extrêmes. Je puis me passer de l'approbation de M. Frère, puisque j'ai reçu l'approbation unanime des membres de la commission.

M. Rogier. - Sauf les absents.

M. de Brouwer de Hogendorp. - Oui, sauf M. Rogier. Je connais des gens qui sont d'avis que l'administration du chemin de fer ne présente pas plus de difficultés que la gestion de l'hôtel de Belle-Vue. Il s'explique donc que tous les membres n'aient pas voulu assister à nos délibérations.

Mon organisation est basée sur celle des compagnies, et, permettez-moi de le dire, sur celle de tous les chemins de fer administrés par l'Etat, car dans une affaire essentiellement commerciale et industrielle les gouvernements n'ont pas voulu adopter d'autres formes que celles que le succès des compagnies sanctionnait.

Entre le ministre qui ordonne et le directeur général qui exécute, il y a un conseil consultatif. C'est le conseil d'amateurs dont parlait l'honorable M. Frère. Je ne sais si ce titre leur est mieux appliqué qu'il ne le serait à un ministre qui de son cabinet d'avocat passe, sans transition, sans études préliminaires, par la grâce de la science infuse, au banc ministériel pour y diriger les travaux publics.

Ce conseil d'amateurs, comme il le nomme d'avance, sans connaître comment il sera composé, l’honorable M. Frère le réprouve ; il lui donne un brevet d’incapacité, d’impuissance, et quel est le motif de ce jugement si sévère ?

C'est que les membres de ce conseil ne recevront pas de traitement ! Est-ce donc l'argent seul qui donne le dévouement ? Ne fait-on rien pour le bien public ? L'honorable M. Frère doit avoi rune petite opinion de nos collègues de Bruxelles qui remplissent gratuitement leur mandat et ne doit guère croire au dévouement et à l'activité de la Chambre tout entière.

- La discussion est close.

Discussion des articles

Article premier

« Art. 1er. Il est ouvert, au département desiravaux publics, des crédits supplémentaires à concurrence de un million six cent treize mille cent vingt-six francs trente-neuf centimes (fr. 1,613,126-39), destinés à couvrir les insuffisances que présentent certaines allocations du budget des dépenses pour l'exercice 1853.

« Ces crédits sont répartis de la manière suivante et rattachés aux divers services indiqués ci-après :

« Chapitre premier. Administration centrale

« Art. 9, Traitement des fonctionnaires, employés et gens de service : fr. 15,564 50.

« Chapitre II. Ponts et chaussées.

« Art. 8ter" (nouveau). Première annuité due à la ville de Bruxelles pour distribution d'eau, d'après le nouveau mode, aux bâtiments civils situés en cette localité : fr. 6,400.

« Art. 9. Canal de Gand au Sas-de-Gand : fr. 9,443 62

« Art. 17. Service de la Lys : fr. 25,000.

« Art. 20. Service de la Dendre : fr. 1,159 04

« Art. 26. Canal de la Campine : fr. 1,189.

« Chapitre III. Mines.

« Art. 50. Traitements et indemnités du personnel du corps des mines : fr. 3,472 93.

« Chapitre IV. Chemins de fer, postes et télégraphes.

« Première section. Voies et travaux.

« Art. 57. Salaires des agents payés à la journée : fr. 80,600.

« Art. 58. Matériaux, engins, outils et ustensiles : fr. 57,819 89.

« Art. 59. Travaux et fournitures : fr. 192,180 11.

« Deuxième section. Traction et arsenal.

« Art. 61. Salaires des agents payés à la journée : fr. 123,570.

« Art. 62. Primes d'économie et de régularité : fr. 16,000.

« Art. 63. Combustibles et autres consommations pour la traction des convois : fr. 113,500.

« Art. 64. Entretien, réparation et renouvellement du matériel : fr. 383,000.

« Art. 65. Redevances aux Compagnies : fr. 40,500.

« Troisième section. Mouvement et trafic.

« Art. 67. Salaires des agents payés à la journée et des manœuvres : fr. 271,000.

« Art. 68. Frais d'exploitation : fr. 25,000.

« Art. 69. Camionnage : fr. 48,500.

« Art. 70. Pertes et avaries : fr. 18,000. »

« Quatrième section. Télégraphes.

« Art. 71. Traitements et indemnités des fonctionnaires et employés : fr. 4,000.

« Art. 72. Salaires des agents payés à la journée : fr. 12,000.

« Art. 73. Entretien : fr. 3,000.

« Cinquième section. Service général (chemins de fer et télégraphes.)

« Art. 76. Matériel et fournitures de bureau : fr 77,200.

« Sixième section. Postes.

« Art. 81. Traitements et indemnités des facteurs et autres agents subalternes : fr. 12,000.

« Art. 82. Transports des dépêches : fr. 26,000.

« Art. 84. Matériel, fournitures de bureau, frais de loyer et de régie : fr. 23,000.

« Chapitre VII. Dépenses imprévues

« Art. 87. Service du canal de Zelzaete (dépenses à rembourser par les (page 1677) provinces de la Flandre orientale et de la Flandre occidentale, en vertu de l'article 4 de la loi de 26 juin 1842 : fr. 22,801.

« Restitution à l'ancienne caisse des pensions instituée en faveur du personnel des chemins de fer et de l'administration centrale du département des travaux publics, de retenues perçues en son nom par le trésor : fr. 1,220 30.

« Ensemble : fr. 1,613,126 39. »

- Adopté.

Articles 2 et 3

« Art. 2. La loi du 26 juin 1853 (Moniteur, n°182) est rapportée. »

- Adopté.


« Art. 3. Les crédits mentionnés à l'article premier seront couverts au moyen de bons du trésor. »

- Adopté.

Vote sur l’ensemble du projet

- Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet.

En voici le résultat :

63 membres sont présents et votent pour l'adoption.

La Chambre adopte.

Ont voté pour l'adoption : MM. de Ruddere de Te Lokeren, de T'Serclaes, de Wouters, Dumon, Frère-Orban, Jacques, Landeloos, Lange, Lebeau, Le Hon, Lejeune, Lelièvre, Lesoinne, Loos, Maertens, Mascart, Mercier, Moncheur, Moreau, Moxhon, Orts, Osy, Pierre, Pirmez, Prévinaire, Rodenbach, Rogier, Ch. Rousselle, Thiéfry, T'Kint de Naeyer, Tremouroux, Van Cromphaut, E. Vandenpeereboom, Vander Donckt, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Van Overloop, Van Renynghe, Vilain XIIII, Visart, Allard, Boulez, Brixhe, Clep, Closset, Coomans, Coppielers ’t Wallant, Dautrebande, David, H. de Baillet, de Breyne, de Bronckart, de Brouwer de Hogendorp, de Haerne, F. de Merode, de Mérode-Westerloo, de Muelenaere, de Naeyer, de Perceval, de Portemont, de Renesse, de Royer et Delfosse.

- La séance est levée à 4 heures 3/4.