(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1853-1854)
(Présidence de M. Delfosse.)
(page 691) M. Ansiau procède à l'appel nominal à 1 heure et un quart.
M. Vermeire donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier.
La rédaction en est approuvée.
M. Ansiau présente l'analyse des pétitions adressées à la Chambre.
« Le sieur E.-J. Dupont adresse à la chambre des observations sur l'exploitation des minerais de fer. »
- Renvoi à la section centrale chargée de l'examen du projet de loi sur le tarif des douanes et à la commission d'industrie.
« L'administration communale de Rosée demande l'établissement d'un tribunal de première instance à Philippeville. »
« Même demande de l'administration communale d'Yves-Gomezée. »
- Renvoi à la commission des pétitions, avec demande d’un prompt rapport, sur la proposition de M. de Baillet-Latour.
« Le sieur Bombeke Jaspar demande l'adoption de la proposition de loi relative à l'expulsion de certains locataires. »
- Même renvoi.
« Le sieur Loiselet, échevin de la ville de Deynze, décoré de la Croix de fer, prie la Chambre de voter au budget de l'intérieur, pour être distribuée avec son concours par l'autorité communale, la somme qui lui reviendrait comme décoré de la Croix de fer s'il était nécessiteux. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget de l'intérieur.
« Les membres du conseil communal de Eyne prient la Chambre d'accorder aux sieurs A. et J. Hertogs, la concession d'un chemin de fer de Gand vers Thulin. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Les bourgmestre et échevins et conseillers communaux d'Hillegem prient la Chambre de décréter le chemin de fer direct de Gand à Saint-Ghislain avec embranchement sur Grammont. »
- Même renvoi.
« Le sieur Suylen, curé à Tirlemont, né à Sittard (Limbourg), demande la naturalisation. »
- Renvoi au ministre de la justice.
« Des habitants du canton de Fauvillers demandent la nomination d'un second notaire dans ce canton. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Bucquoy, ex-sous-officier, décoré de la croix de Fer, prie la Chambre de lui faire obtenir une place. »
- Même renvoi.
« Des habitants de Swynaerde demande que la langue flamande ait sa part dans l'enseignement agricole. »
« Même demande d'habitants de Gand. »
- Renvoi à la section centrale chargée de l'examen du projet de loi sur l'enseignement agricole.
« Des membres du comité central flamand adressent des observations sur le projet de loi relatif à l'enseignement agricole. »
- Même renvoi.
« Des habitants de Stockheim déclarent adhérer à la pétition du comité flamand du 25 décembre 1853. »
« Même déclaration d'habitants de Turnhout. »
* Même déclaration des membres de la société dite Voor tael en kunst, à Anvers. »
- Renvoi à la section centrale chargée de l'examen du projet de loi sur l'enseignement agricole et à la commission des pétitions.
« Des habitants de Renynghe demandent que cette commune ne fasse plus partie du territoire réservé à l'administration douanière par l'arrêté royal du 4 mars 1851. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
M. Van Renynghe. - Je demande que la commission des pétitions soit invitée à faire un prompt rapport.
- Cette proposition est adoptée.
« Le sieur Oudart, employé au commissariat d'arrondissement à Philippeville, demande à être admis à participer à la caisse de retraite. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
M. de Baillet-Latour. - Je demande que la commission soit invitée à faire un prompt rapport.
- Cette proposition est adoptée.
« Un grand nombre d'habitants de Gand demandent qu'il soit pris des mesures pour faire cesser la perception du droit de mouture, en 1851, dans la ville de Gand, et qu'il soit fait une loi qui enlève aux communes le droit d'imposer le pain. »
- Même renvoi.
M. Manilius. - J'appelle l'attention de la Chambre sur la pétition dont vous venez d'entendre l'analyse. Cette pétition émane d'une grande partie de la population de Gand ; elle est signée par un grand nombre de pères de famille, de chefs d'établissements et autres personnes qui ont un grand nombre d'individus à nourrir. Tous se plaignent du maintien, malgré la situation fâcheuse des temps, du droit de mouture.
Je pense que cette pétition devra être envoyée à la commission. Si j'appelle dès à présent votre attention sur l'objet de cette pétition, c'est pour vous invitera vous joindre à moi pour demander un prompt rapport. J'espère que la Chambre ne s'y refusera pas.
Je saisis cette occasion pour adresser une interpellation à M. le ministre de l'intérieur ; elle est basée sur le besoin que j'éprouve, sur le désir que j'ai de faire connaître que l'administration de la ville de Gand n'est pas restée sourde aux premières plaintes que ces pétitionnaires ont fait entendre, car un égal nombre de personnes s'est adressé à la commune, dès le commencement de la cherté des vivres, lorsque en 1853 on commençait à appréhender la situation fâcheuse où nous nous trouvons. La commune a délibéré, et finalement, elle a décidé que cet impôt serait aboli à partir du 1er janvier 1854.
Mais, vous le savez, toutes les résolutions des communes doivent, aux termes de la loi communale, être soumises à l'approbation du gouvernement.
Le gouvernement s'est réservé le droit d'examiner avec intérêt, d'examiner mûrement la question, et en attendant, il a maintenu l'ancien tarif.
Mon interpellation tend donc à savoir du ministre de l'inlérieur si son examen est terminé et s'il peut donner bientôt satisfaction à une grande ville qui demande une chose si bien fondée et qu'il est si désirable de voir arriver à son dernier succès, suspendu jusqu'à présent par le veto du gouvernement.
La commune ne veut plus du droit de mouture ; le conseil tout entier s'est prononcé pour qu'il fût aboli. Il ne s'agit plus que d'obtenir l'assentiment du gouvernement pour ne plus voir ce droit peser sur une population aussi intéressante que celle de la ville de Gand, dont la grande majorité appartient à la classe laborieuse.
M. le ministre sera, je pense, à même de me répondre ; il a promis d'examiner la question avec intérêt ; j'espère que sa réponse sera favorable.
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - La réponse que je puis faire à l’interpellation que l'on vient de faire, est celle que j'ai faite à l'administration communale de Gand lorsqu'elle a consulté le gouvernement sur les propositions qui ont été sont mises à l'autorité supérieure, à l'effet de remplacer le droit perçu sur les farines de froment.
Voici dans quelle situation s'est présentée l'affaire : le conseil communal de Gand a résolu de supprimer l'impôt-mouture, et il a soumis au gouvernement une série de propositions destinées à remplacer dans la caisse communale le déficit qui allait résulter de la suppression de cet impôt.
Or cet impôt produit 300,000 francs. Il s'agissait donc de trouver 300,000 francs, pour permettre à la ville de Gand de continuer tous les services administratifs qui lui incombent. On a soumis une série de propositions qui tendaient à remplacer cet impôt. J'ai tout examiné avec soin ; j'ai fait tout ce que le gouvernement avait à faire. Le résultat de mon examen a été, que les propositions financières destinées à remplacer ces 300,000 francs étaient complètement insuffisantes, et qu'il y avait à compter sur ces propositions pour une somme de 140,000 fr. tout au plus.
Le gouvernement, d'accord en cela avec la députation permanente du conseil provincial de Gand, a fait connaître qu'il ne suffisait pas à une ville de désirer l'abolition d'un impôt, désir partagé par le gouvernement ; qu'il fallait faire des propositions, telles qu'il n'y eût pas de déficit dans la caisse de la commune. Il a indiqué les points sur lesquels il était impossible de faire porter l'approbation du gouvernement. Il a déclaré que l'impôt dont la ville de Gand, comme le gouvernement lui-même, désirait l'abolition ne pouvait être supprimé, en présence de mesures aussi incomplètes que celles qui lui avaient été soumises. Il a invité le conseil communal de Gand à délibérer et à proposer un système tel que l'impôt qu'il s'agit de supprimer fût réellement remplacé par des recettes équivalentes.
Dans cette situation, y avait-il deux mesures à prendre ? En attendant, ce qu'il y avait à faire, c'était de maintenir provisoirement pour une année le tarif en vigueur.
Je maintiens qu'il n'y avait pas d'autre moyen que celui-là. Je le répète, afin que tout le monde le sache, l'initiative pour remplacer l'impôt-mouture par des ressources nouvelles et complètes, doit venir de l'autorité communale. Le gouvernement n'a pas d'initiative à prendre. Tout ce qu'il a pu faire c'était de recommander que l'impôt dont on demande l'abolition fût remplacé le plus tôt possible. Je le répète, nous devons attendre des propositions efficaces, suffisantes.
M. Coomans. - Les explications de l'honorable ministre de l'intérieur ne me satisfont pas le moins du monde. Je n'admets pas que le gouvernement se montre plus soucieux des intérêts financiers d'une (page 692) ville que ces villes elles-mêmes. Lorsque la ville de Gand, lasse et honteuse de percevoir l'impôt-mouture, vient vous proposer de le supprimer, votre premier acte devrait être un acte d'acquiescement, et vous devriez le poser avec joie, avec empressement.
En vain me direz-vous que le déficit de 300,000 francs à résulter de la suppression de l'impôt-mouture, n'avait pas été remplacé en totalité par la ville de Gand. Je réponds que la ville de Gand, qui porte à son budget toutes sortes de dépenses de luxe, faciles à supprimer, peut rétablir l'équilibre de son budget au moyen d'économies.
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Qu'elle les propose.
M. Coomans. - La ville de Gand délibérera. Lorsqu'elle aura constaté le déficit de sa caisse, elle sera la première intéressée à le combler, et elle le fera. Du reste, c'est là une simple question d'administration, de finances, qui est dominée par une grande question d'humanité et d'équité, laquelle n'est pas improviste dans cette séance, car nous l'avons apportée ici, il y a plusieurs années, nous avons toujours soutenu qu'il est injuste, inique, absurde de faire, payer un droit élevé sur le pain belge, alors que vous avez supprimé tout droit sur le pain étranger. Quoi ! la ville de Gand, de l'aveu du gouvernement, perçoit 300,000 fr. sur le pain consommé par sa population ! Cela fait 3 fr. par tête, et lorsque nous proposions de percevoir de 10 à 15 centimes par tête sur le pain étranger, on osait nous qualifier d'affameurs !
Dans cette enceinte même, on nous a accusés d'avoir fait l'éloge de la disette, de la désirer, ainsi que le prix élevé du pain ; on s'est permis cette accusation malveillante, uniquement parce que nous pensions qu'il était convenable et raisonnable que l'Etat prélevât à la frontière un droit très modéré sur les céréales étrangères et qu'il accordât une protection modérée à l'agriculture quand les autres industries jouissent de la prohibition.
Les mêmes honorables membres qui nous adressaient ce reproche foncièrement injuste, pour ne pas dire absurde, trouvent qu'on peut maintenir sur le pain consommé par les Belges un impôt dix fois plus considérable.
« Il faut, dit M. le ministre, que la ville de Gand comble le déficit avant de supprimer l'impôt sur le pain. » Mais le gouvernement a-t-il procédé de la sorte ? Non. Je voudrais qu'il commençât par suivre lui-même les conseils qu'il donne aux autres.
N'aviez-vous donc plus de déficit, il y a trois mois ? N'était-il pas de 27 millions, somme qui s'élève à 33 au moins aujourd'hui ? Vous êtes-vous arrêtés devant la suppression de tout droit de douane sur les denrées alimentaires, suppression qui vous a causé un déficit de 1,800,000 fr. Vous avez passé outre ; vous avez affronté un déficit de 27, de 33 millions, qui s'élèvera bientôt à 60 millions ; la ville de Gand peut donc dire à l'honorable ministre : « Medice, cura te ipsum. »
Vous qui conseillez aux autres de ne pas innover en matière d'impôts, par crainte du déficit, commencez vous-même par ne pas créer un déficit. Le droit qui est prélevé à Gand et ailleurs sur le pain belge, est dix fois plus élevé que le droit que nous proposions sur le pain étranger.
La question de l'impôt-mouture n'est pas improvisée. Il y a des années que nous nous plaignons du maintien dans plusieurs villes de ce reste fâcheux d'un régime financier établi par une domination étrangère. Il y a deux ans et demi, j'ai déposé une proposition de loi, d'après laquelle les villes ne seraient plus autorisées à percevoir des droits sur les denrées alimentaires de première nécessité. Ce projet a été pris en considération à l'unanimité par cette assemblée. Dès lors, il était du devoir du gouvernement d'étudier la matière. Du reste, je regrette qu'on ait besoin d'étudier si longtemps une question de ce genre ! Quand la conscience parle, l'étude doit cesser.
L'initiative doit venir de la commune, dit l'honorable ministre. Non pas, messieurs, l'initiative, dans des questions de ce genre, doit venir du gouvernement et de la législature. Quand il y a des communes qui abusent de l'octroi, c'est au gouvernement à les ramener dans la bonne voie et à poser des limites à l'ambition fiscale de certainesvilles ; nous aurions déjà dû, sans l'initiative gouvernementale, décréter qu'il ne serait pas permis à des villes de percevoir un impôt aussi élevé sur des denrées alimentaires de première nécessité. C'est notre droit, c'est notre devoir.
Ce que j'ai l'honneur de dire, messieurs, s'applique aux cinq ou six villes qui continuent à percevoir cet impôt ; mais la ville de Gand a particulièrement raison de s'en plaindre, car aucune ville de Belgique ne renferme une population ouvrière aussi considérable ; de plus, à Gand tous les membres de la familie, le mari, la femme, les enfants, travaillent dans les fabriques, il en résulte qu'il ne reste personne au logis pour soigner le pot-au-feu, de sorte que lorsque les ouvriers rentrent chez eux, au lieu de soupe, ils n'ont que du pain.
Par conséquent le pain est d'une consommation beaucoup plus générale à Gand que partout ailleurs ; l'élévation de ce chiffre odieux de 300,000 fr. le prouve assez.
Messieurs, je vais plus loin que l'honorable M. Manilius ; je prie le gouvernement de nous dire formellement quelles mesures il compte prendre, sans retard, cette fois, pour faire cesser l'état de choses dont il s'agit, et je prie itérativement notre honorable président de convoquer au plus tôt la section centrale chargée d'examiner mon projet de loi.
Il y a quelques semaines, messieurs, lorsque le gouvernement vint proposer la suppression des droits de douanes sur les denrées alimentaires, je fis remarquer que certaines villes percevaient des droits beaucoup plus élevés chez elles ; on m'interrompit en disant que l'impôt-mouture était aboli ; je dis qu'il ne l'était pas encore, on me répliqua : Il va l'être ; et aujourd'hui l'honorable ministre déclare qu'il ne sait pas quand il sera aboli. Eh bien, messieurs, je tiens à le savoir ; la ville de Gand, surtout, la première intéressée dans le problème, tient à savoir jusques à quand une anomalie aussi fâcheuse figurera dans nos lois.
M. le président. - La question étant très importante et ayant un caractère d'urgence, je ne veux pas arrêter les orateurs. Je dois cependant faire observer qu'il ne s'agit pas en ce moment du fond de la pétition : il ne s'agit que du renvoi à la commission.
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - On veut ici changer complètement les rôles ; le gouvernement a le sien, la ville de Gand a le sien aussi.
L'honorable membre a une manière fort commode de raisonner ; il dit : Renversez d'abord, vous édifierez ensuite. Eh bien, messieurs, cela n'est possible ni pour le gouvernement, ni pour la ville de Gand. Le gouvernement, en cette matière, ne peut rien faire si ce n'est par voie de recommandation ; les finances communales sont administrées par la commune ; le gouvernement n'a pas d'action directe à exercer sur la gestion des intérêts financiers des communes.
C'est un principe que l’honorable membre doit reconnaître fondé ; eh bien, si cela est vrai, que peut le gouvernement ? Il ne peut pas autre chose que ce qu'il a déclaré officiellement à la ville de Gand, à savoir qu'il désirait comme elle que l'impôt-mouture cessât de peser sur les populations ; mais avant de proposer l'abolition de cet impôt, il fallait que la ville indiquât au gouvernement les moyens de remplacer les 300,000 fr. qu'elle allait enlever à la caisse communale ; le gouvernement n'avait pas un mot à dire de plus ; et un ministre quelconque n'aurait pu aller au-delà sans enfreindre la loi et les prérogatives des communes.
A la théorie qu'on vient de reproduire dans cette enceinte, je reconnais le système facile de quelques hommes qui, lorsqu'un impôt les gêne, disent au gouvernement et aux communes : Abolissez l’impôt ; nous rechercherons après le moyen de le remplacer.
N'est-ce pas ainsi qu'on a raisonné depuis quelques années à propos de l'octroi ?
Que de fois déjà on s'est lamenté ici sur cet impôt qui pèse dit-on, d'une manière si injuste sur les populations ! Et quand on a demandé à ceux qui déploraient l'existence des octrois, les moyens qu'ils connaissaient pour remplacer cet impôt, ont-ils pu indiquer quelque chose, même par voie de conseil seulement ? Non. Ces apôtres de la réforme ont été impuissants. Le gouvernement ne veut pas entrer dans cette voie ; le gouvernement est le tuteur des communes ; son rôle à l'égard des communes est un rôle de conservateur, il doit les empêcher de commettre des fautes, alors même qu'elles auraient en vue un but d'humanité ; et c'est dans cette voie dangereuse que vous nous conduiriez avec votre système qui consiste à abolir immédiatement l'impôt-mouture, sauf à chercher ensuite le moyen de remplacer les 300,000 francs que produit cet impôt.
En résumé, le gouvcrnemenl a fait ce qu'il devait. Que la ville de Gand se mette à l'œuvre, et si ses propositions sont acceptables, le gouvernement s'empressera de seconder ses efforts.
M. Rodenbach. - Messieurs, je pense que si la ville de Gand avait voulu sérieusement abolir l'odieux impôt-mouture, il y a longtemps qu'elle aurait pris cette mesure. Depuis quelques années déjà, plusieurs de nos honorables collègues et moi, nous l'avons demandé à grands cris dans cette enceinte ; nous avons rappelé que cet impôt était un des griefs principaux qui avaient soulevé la nation belge contte le gouvernement hollandais. Quoi ! la révolution est accomplie depuis plus de 25 ans, et cet impôt exécrable existe encore dans 4 ou 5 villes du pays, notamment à Gand ! C'est inconcevable !
Et savez-vous sur qui pèse cet impôt ? Sur une population ouvrière de 50,000 âmes... (interruption) ; il paraît qu'il y a 50,000 ouvriers dans les faubourgs et dans la ville ; c'est sur cette classe malheureuse que l'impôt-mouture pèse le plus lourdement.
En effet, cet impôt a produit à Gand 275,000 francs. C'est le quart de tout le revenu de cette ville. Je vous le demande, messieurs, y a-t-il en Belgique une autre cité où l’on ose faire payer le quart des revenus communaux à la classe ouvrière !
Je sais qu'à Gand on a aboli le droit sur le seigle ; mais en général l'ouvrier à Gand ne mange pas de pain, de seigle ; ce sont les pauvres tisserands à la campagne qui mangent du pain de seigle ; à Gand, l'ouvrier mange généralement du pain de froment ou de méteil.
Je le répète, si la ville de Gand eût voulu sérieusement l'abolition de l'impôt-mouture, elle aurait cherché le moyen de le remplacer par d'autres impôts communaux, comme on l'a fait ailleurs. Qu'a-t-on fait à Gand ? A-t-on remplacé les 275,000 fr. ? On s'est borné à voter 140,000 francs en sus des autres impôts.
Je pense que le gouvernement a dû se trouver dans l'embarras, puisque M. le ministre vient de dire qu'il ne demandait pas mieux que de voir abolir cet abominable impôt.
En entendant l'honorable député de Gand, j'étais disposé à partager son sentiment et à voter dans son sens ; mais M. le ministre lui a répondu qu'il était prêt à consentir à la suppression de l'impôt-mouture, dès que l'administration communale aurait paré au déficit qui devait voir en résulter.
En effet, l'initiative des mesures à prendre à cet égard doit partir de la ville ; si elle veut que cet impôt disparaisse, c'est à elle à proposer soit d'autres impôts, soit des réductions de dépenses. Les plus petits villages sont bien forcés de chercher les moyens de faire face à leurs (page 693) besoins, sans imposer le pain. La ville de Gand, qui a d'immenses ressources, ne peut pas avoir la prétention de s'affranchir de cette obligation.
La ville de Paris fait d'immenses sacrifices pour atténuer les effets de l'élévation du prix du pain, les douze arrondissements se sont cotisés pour maintenir le prix du pain à un taux modéré en payant aux boulangers la différence du prix réel ; les Gantois, ou plutôt leurs édiles, qui sont d'excellents patriotes et qui se trouvent en face de la misère, auraient dû s'inspirer de l'exemple de la ville de Paris pour agir autrement qu'ils ne l'ont fait.
- La discussion est close.
La pétition est renvoyée à la commission, avec invitation de faire un prompt rapport.
M. de Man d'Attenrode (pour une motion d’ordre). - Messieurs, il est constant que les Annales parlementaires, en publiant le compte rendu de nos séances, défigurent souvent le sens de nos paroles. Je vais en donner un exemple. L'erreur que j'ai à rectifier est tellement grave que je ne puis la laisser passer sans réclamation, et cela d'autant moins qu'un grand journal en profite, avec une insigne mauvaise foi, pour me faire dire des paroles que je n'ai pas prononcées. Qu'ai-je dit dans la séance du 8 février ? Au début de la séance, après avoir, sur l'invitation de M. le président, retiré une expression blessante pour M. le ministre de l'intérieur, qui m'était échappée dans une réponse improvisée, j'ai maintenu l'exactitude des faits que j'avais énoncés la veille.
Dans le cours de la même séance, M. le président lui-même est venu confirmer mes paroles, en disant : « M. de Man a retiré une expression blessante ; il n'a rien retiré d'autre, » que disent les Annales parlementaires ? Elles me font dire que « Je suis d’accord avec la section centrale pour maintenir l’INEXACTITUDE des faits. »
Messieurs, des erreurs de l'espèce sont intolérables ; il est nécessaire d'introduire quelques améliorations dans le mode de publication de nos séances. Le relevé de nos discours, la correction des épreuves ne sont pas surveillés d'une manière suffisante. Après une journée laborieuse, nous passons notre soirée à revoir péniblement nos discours au Moniteur et nous avons encore à relever des erreurs qui blessent souvent la vérité et le sens commun comme celle que je viens de relever.
M. le président. - C'est une faute d'impression.
- M. Lange, retenu par une maladie grave de sa mère, demande un congé.
- Accordé.
M. Dumortier. - J'ai l'honneur de déposer le rapport sur la proposition relative à la pension des décorés de la Croix de fer.
- Ce rapport sera imprimé, distribué et mis à la suite de l'ordre du jour.
M. Thiéfry. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission de comptabilité qui a examiné les comptes et le budget de la Chambre.
- Ce rapport sera imprimé et distribué. La mise à l'ordre du jour sera ultérieurement fixée.
M. David. - J'ai l'houucur de déposer le rapport de la commission d'industrie sur la pétition du sieur R. Ullens, qui demande qu'on impose le tan brut à la sortie.
- Ce rapport sera imprimé, distribué et mis à la suite de l'ordre du jour.
M. le président. - A la séance d'hier, M. Verhaegen a demandé communication de pièces qu'il n'a pas indiquées par écrit. La Chambre a renvoyé sa décision à la séance d'aujourd'hui pour entendre M. le ministre de la justice.
M. le ministre a la parole.
M. le ministre de la justice (M. Faider). - Messieurs, j'aurai d'abord quelques rectifications à faire au discours que l'honorable M. Verhaegen a prononcé hier à propos de sa demande d'impression de pièces.
Il a eu pour but principal de faire considérer comme essentiellement confidentielles les procès-verbaux de la commission des fondations ; il a argumenté d'une lettre d'envoi de son honorable président, pour s'étonner de ce qu'on consentît à faire imprimer des procès-verbaux confidentiels, tandis qu'on se refusait à communiquer des pièces officielles se rattachant à une autre affaire.
Je crois que l'honorable membre a oublié ce qui s'est passé à la séance du 30 janvier. Quand l'honorable comte de Theux a demandé que les procès-verbaux de cette commission fussent imprimés, voici ce qui s'est passé ; il est impossible que cela soit effacé de votre mémoire en si peu de jours. Je me suis attaché à expliquer par quels scrupules de convenance je m'étais abstenu de faire imprimer les procès-verbaux de la commission des fondations.
J'ai ajouté que mon intention était de communiquer ces procès-verbaux manuscrits à la section centrale ou de les déposer sur le bureau, mais que je ne pensais pas qu'on pût les imprimer comme documents de la Chambre.
Je me suis fondé, pour exprimer cette pensée, sur ce que ces procès-verbaux n'avaient pas de caractère définitif, qu'ils ne présentaient que l'opinion provisoire de la commission sur un certain nombre de questions qui avaient été discutées dans son sein, qu aucun rapport n'avait été fait au gouvernement par la commission, et qu'aucun projet de loi n'avait été formulé par elle. Cette pensée a tellement été comprise, que M. le vicomte Vilain XIIII qui présidait la Chambre, a dit : La Chambre prendra une résolution quand M. le ministre aura déposé les procès-verbaux dont il vient d'être question.
La Chambre a réclamé contre la position de la question en ces termes et a demandé que l'impression fût décidée immédiatement. J'ai déclaré alors, après avoir rappelé les motifs de convenance qui, selon moi, s'opposaient à ce que l'impression eût lieu, que je me conformerais à la décision que prendrait la Chambre.
Je n'ai pas prononcé le mot « pièces confidentielles », en parlant des procès-verbaux de la commission des fondations, parce que ces pièces ne pouvaient pas être confidentielles, bien qu'elles eussent cette qualification dans la lettre du président de la commission.
En effet, la commission a été créée par arrêté royal ; elle a eu une mission déterminée par cet arrêté ; elle a rempli cette mission d'une manière officielle ; il ne pouvait pas dépendre de la commission de transformer sa mission ainsi acceptée en mission purement confidentielle. Le gouvernement a toujours le droit de considérer comme officiels les travaux des commissions qu'il institue et de faire de ces travaux l'usage qu'il juge convenable.
Maintenant j'ajoute en fait que la commission n'a jamais considéré les procès-verbaux comme confidentiels. C'est ainsi qu'il a été convenu, dès le début des travaux de la commission, que les noms des membres ne seraient pas mentionnés dans les procès-verbaux. Cela a été fait, en vue d'une publicité éventuelle qui devait résulter de la nature même de la mission de ces honorables membres.
La Chambre sait maintenant par quel motif la commission a dû interrompre ses travaux. En transmettant ses procès-verbaux, l'honorable président de la commission les a présentés comme une appréciation provisoire, comme le pivot de discussions ultérieures, mais non comme la formule défiuitive de l'opinion de la commission. C'est à ce point de vue que j'ai considéré les procès-verbaux dans une précédente séance et non au point de vue confidentiel.
J'ajouterai que ce caractère confidentiel était si peu dans l'esprit de l'honorable président de la commission, qu'il a ultérieurement reconnu, même par écrit, dans la correspondance avec le ministère, qu'il n'y avait aucun inconvénient à ce que ces documents reçussent, suivant les circonstances, la publicité qu'on croirait devoir y donner.
Dans la séance du 26 août 1851, l'honorable comte de Muelenaerc a demandé à quoi en était le travail de la loi des dons charitables et des fondations. En l'absence de l'honorable M. Tesch, ministre de la justice, l'honorable ministre des finances a exprimé l'espoir que le projet pourrait être présenté dans le cours de la session ou tout au moins dans la session suivante. Il a même exprimé l’intention de faire imprimer le projet dans l'intervalle des deux sessions ; A cette occasion, l’honorable M. Malou a dit qu'il faudrait imprimer les procès-verbaux.
L'honorable ministre des finances a répondu :
« Tous les documents nécessaires seront joints au projet de loi. »
L'idée de faire imprimer les procès-verbaux a donc surgi alors. Il n'était pas du tout question du caractère confidentiel de ces documents.
Voilà pour cette partie du discours de l'honorable M. Verhaegen.
Maintenant, quant à la demande d’impression des documents, je dois connaître quels sont les documents que l'honorable M. Verhaegen désire voir livrer à l'impression. Il a parlé de l'avant-projet qu'on a rédigé au ministère de la justice. Sur ce projet, je puis fournir à la Chambre quelques explications, pour bien faire comprendre l'état de la question.
Lorsque, au mois d'août 1850, les procès-verbaux de la commission ont été transmis à l'honorable M. de Haussy, on a considéré cette commission comme dissoute ; les travaux n'ont plus été repris ; ils se sont arrêtés à la date de juillet 1850. C'est en août que l'honorable M. Tesch est entré aux affaires : il a ordonné, dans ses bureaux, qu'on préparât un projet de loi sur la réorganisation des bureaux de bienfaisance et sur les fondations. L'avant-projet de loi sur la réorganisation des bureaux de bienfaisance se composait de 216 articles. Mais la plupart de ces articles étaient purement réglementaires.
J'ai repris cet avant-projet ; je m'en suis servi pour donner la forme définitive au projet que j'ai eu l'honneur de soumettre à la Chambre, et qui est composé de 41 articles. Parmi ces 41 articles, il en est un qui tend à confier au gouvernement le soin d'établir, au moyen d'un règlement d'administration publique, toute l'organisation des fondations et des établissements de bienfaisance. Le surplus des 216 articles était destiné à entrer dans ce règlement d'administration.
J'ai même dit dans l'exposé des motifs que je déposerais sur le bureau de la Chambre des projets de règlements organiques pour les bureaux de bienfaisance, qui ont été imprimés dans le temps et qui émanent de commissions créées au département de la justice. J'avais espéré en réunir un nombre assez grand d'exemplaires pour les distribuer aux membres de la Chambre, mais il n'y en a plus. Je serai obligé de me borner à en joindre un exemplaire comme annexe au projet de loi, en indiquant d'où il émane et quelle est son importance.
Quant à ce projet de réorganisation des bureaux de bienfaisance, il m'est presque impossible de faire imprimer ces 216 articles, puisque (page 694) j'ai fait entrer tout ce qui était organique et législatif dans le projet de loi que j'ai présenté, sauf les modifications quej'ai indiquée, à quelques articles.
Outre cela, il y a un avant-projet sur les fondations qui renferme 83 articles. J'ai en l'honneur de dire que le gouvernement s'était borné à un projet de loi sur les dons et legs charitables et qu'il attendait la fixation de certains principes pour s'occuper des fondations de bourses d'études, des fondations d'instruction.
Le gouvernement en a délibéré à plusieurs reprises et il a pris la résolution de se borner aux dons et legs charitables. Le motif principal, c'est qu'il y a dans le projet du gouvernement plusieurs dispositions destinées à fixer certains principes, qui régleront également la législation sur les bourses de fondation. D'ailleurs, je dois, pour les fondations d'instruction, me mettre d'accord avec mon collègue de l'intérieur, et nous n'avons pas pu jusqu'ici en délibérer. Les pièces réunies au département de la justice, sous la direction de M. Tesch, renferment une bonne moitié de documents relatifs aux fondations d'instruction publique ; c'est une partie dont je m'occupe encore et qui sera l'objet de mes études ultérieures.
Veut-on que l'on imprime ce qui, dans l'avant-projet de M. Tesch, concerne les dons et legs charitables ? On y trouvera le fond du projet que j'ai présenté, sauf certaines modifications que j'ai cru devoir adopter. Ces différences sont pour moi d'une certaine importance ; elles peuvent paraître insignifiantes pour d'autres appréciateurs, mais je crois qu'on doit s'en tenir à ce que j'ai eu l'honneur de soumettre à la Chambre et ne pas s'arrêter à certaines nuances de l’avant-projet rédigé primitivement. Je ne trouve donc pas que cet avant-projet ait un grand intérêt pour la Chambre. Cependant si la Chambre trouvait nécessaire cet élément d'appréciation, je suis loin de me refuser à l'impression d'autant plus que l'honorable M. Tesch a dit hier que si l'on croyait cette impression utile il se résignerait à la faire à ses frais.
M. Tesch. - J'ai dit que je me réserverais de la faire à mes frais.
M. le ministre de la justice (M. Faider). - C'est ce que je voulais dire ; mais je ne crois pas que cela puisse être ; ce serait tout à fait sans précédents. C'est au gouvernement que ce soin doit être laissé.
Je résume la véritable situation des choses sur cet incident.
L'honorable M. Verhaegen demande que non seulement l'avant-projet mais que tous les documents soient imprimés. Je ne sais pas à quels documents il fait allusion, je désire qu'il le dise. J'examinerai quels documents doivent être imprimés oui ou non.
Je m'entendrai sur ce point avec l'honorable M. Tesch qui a réuni beaucoup de documents au point de vue de son projet général, mais qui reconnaîtra avec moi, probablement, qu'il serait inutile de les imprimer tous, parce que plusieurs d'entre eux sont imprimés ailleurs et qu'on peut les consulter, et parce que le système qui a été adopté ne comporte pas l’impression d'un aussi grand nombre de documents.
M. Verhaegen. - Vous vous rappelez dans quels termes j'ai eu l'honneur de demander l'impression de quelques pièces. Je l'ai fait, parce qu'on avait demandé l'ajournement à une dizaine de jours de l'examen en sections. J'ai profité de cette demande pour vous soumettre la mienne. Les pièces dont je demande l'impression ce sont tout bonnement les documents recueillis par le ministère. C'est l'exposé des motifs et l'avant-projet préparé sur les dons et legs et sur les fondations.
J'ai fait cette demande parce que j'ai vu dans les pièces qui émanent de la commission que l'ouvrage de la commission était reconnu incomplet, qu'il n'était, comme l'a dit M. le ministre, que provisoire et préparatoire, et que le gouvernement devait s'en aider pour présenter immédiatement un projet de loi à la Chambre.
Ce projet était prêt dès le mois d'août 1851 ; on l'annonçait alors. Le projet devait être présenté dans deux mois au plus tard.
Un projet de loi a été préparé non seulement sur les dons et legs, mais sur les fondations. Pourquoi ne pas imprimer le projet dans son ensemble ?
Je demande l'impression des pièces qui ont un intérêt historique ; car cette instruction a été faite avec de très grands détails. Je n'ai pas fait allusion à d'autres pièces.
Au reste, je ne vois aucun inconvénient à ce que M. le miuislre de la justice s'entende avec son prédécesseur pour savoir quelles seront les pièces qui seront livrées à l'impression. Je m'en rapporte volontiers à leur appréciation.
M. le ministre de la justice (M. Faider). - Je renonce à la parole, nous sommes d'accord.
M. Tesch. - Je ne sais si les Annales parlementaires me font dire que je me résignerais...
M. le ministre de la justice (M. Faider). - Nullement. J'ai voulu dire « réservais ».
M. Tesch. - J'ai dit que je me réservais de faire imprimer les pièces à mes frais si je le jugeais utile, et si je n'y voyais pas d’objection.
Maintenant, messieurs, j'ai assigné hier à toutes ces pièces leur véritable caractère. J'ai dit qu'il s'agissait d’avant-projets dont la rédaction n'était pas définitivement arrêtée et qui n'engageaient la responsabilité de personne. Je pense même qu'il se trouve sur la minute différentes modifications à introduire, indiquées par moi au crayon. Je crois qu'il y a une seule chose à faire : c'est, comme le disait M. le ministre, de nous entendre sur le point de savoir quels documents on pourrait publier.
M. de Decker. - Messieurs, j'appuie la demande d'impression formulée hier par l'honorable M. Verhaegen. Comme lui, je désire que pour la discussion des projets de loi sur l'organisation de la charité en Belgique, nous soyons entourés de tous les renseignements qu'il est possible de recueillir, et je remercie M. le ministre d'avoir bien voulu accéder à la demande de M. Verhaegen, du reste parfaitement légitime en elle-même.
Ce bon vouloir de M. le ministre m'engage à étendre encore quelque peu la demande de renseignements faite pur M. Verhaegen.
En parcourant l'exposé des motifs qui accompagne les deux projets de lois, il m'a semblé qu'il présente quelques lacunes très regrettables.
Dans une matière aussi grave, où il s'agit surtout de bien se pénétrer de l'esprit de nos anciennes institutions, de nos traditions nationales j'aurais voulu que M. le ministre nous eût donné un court aperçu historique relativement à nos anciennes fondations pieuses. Ce travail eût été très facile à M. le ministre ; car personne ne s'est livré avec plus de succès que lui à l'étude de nos anciennes institutions.
Voici une autre lacune que je crois devoir signaler. Un des principaux éléments indispensables pour la confection d'une bonne loi, c'es l'étude des législations comparées.
Puisqu'il doit encore s'écouler une douzaine de jours avant l'examen des projets en sections, je demanderai si M. le ministre ne pourrait pas d'ici là, nous fournir les législations sur les dons et legs charitables des principaux pays de l'Europe et de l'Amérique, mais surtout de ceux qu ont avec le nôtre une grande analogie d'institutions, je veux parler de l'Angleterre et des Etals Unis. Peu de personnes parmi nous, il fau bien le dire, et la chose s'explique parfaitement, peu de personnes parmi nous peuvent connaître ces législations, et il serait essentiel à tous égards que nous en eussions connaissance.
M. le ministre pourrait ajouter à sa communication les législations de la Prusse et de la Hollande, entre autres le dernier projet de loi soumis aux états généraux des Pays-Bas ; je ne demande pas l'exposé des motifs, je demande seulement le texte du projet de loi. Il pourrait ajouter aussi la législation française, bien que celle-là soit plus connue. Ce que je demande surtout, c'est un aperçu officiel des législations qui régissent actuellement la matière des dons et legs charitables aux Etats-Unis et en Angleterre, principalement en Angleterre ; car c'est le pays où l'on s'est le plus préoccupé du problème du paupérisme.
Il n'y a pas de pays au monde qui ait fourni plus d'hommes d'Etat distingués qui se sont occupés ex professo de la question du paupérisme. Le nombre des ouvrages qui ont paru sur cette matière en Angleterre depuis un siècle, est immense ; les titres seuls forment un volume. Il n'y a pas de pays où le droit d'association ait produit des résultats plus féconds, sous le rapport de la bienfaisance même ; il vient de paraître une liste des fondations qui existent dans la seule ville de Londres ; le volume est à notre bibliothèque, il renferme à peu près 600 fondations charitables, qui jouissent la plupart du droit d’exister par elles-mêmes et d'acquérir ; il est donc essentiel que nous connaissions la législation sous l'empire de laquelle une telle activité se manifeste et se développe.
Messieurs, j'insiste sur la communication de tous ces renseignements, parce que, plus j’étudie le mécanisme de nos lois, plus je suis convaincu qu'une fatale routine nous domine à notre insu.
Nous avons l'habitude, je dirai presque la manie, de ne consulter que les lois qui nous viennent de France ; nous-mêmes, nous nous traînons toujours dans la vieille ornière des lois françaises ! On dirait vraiment que nous sommes encore une province française ! Nous ne connaissons que la législation française ; elle est constamment notre modèle, notre type.
Il est temps que nous devenions nous. Nous avons conquis notre nationalité ; il ne s'agit plus de chercher nos inspirations dans des lois qui nous furent imposées par nos anciens maîtres. Il est temps de nous retremper dans l'esprit de nos anciennes institutions, il est temps de renouer la chaîne des vieilles et nobles traditions du pays.
M. Frère-Orban. - Les dernières paroles que vient de prononcer l'honorable préopinant prouvent qu'il n'a pas fait jusqu'à présent une étude bien attentive de la législation charitable de notre pays. L'étude de cette législation démontre que le point où nous sommes arrivés, et celui qui, dans ses principes généraux, essentiels, reparaît dans le projet déposé par l’honorable ministre de la justice, est tout à fait conforme à nos traditions nationales.
M. de Decker. - C’est ce que nous verrons.
M. Frère-Orban. - Lorsque vous accusez le gouvernement et un grand nombre de personnes de se traîner dans l'ornière des traditions françaises et d'être à la remorque des idées qui ont cours en France, j'ai le droit de vous dire que vous vous trompez, que vous méconnaissez notre histoire nationale.
Il n'est point de pays où l'autorité laïque ait eu une part aussi large qu'en Belgique, dans l'administration des établissements charitables.
Vous demandez la publication de documents relatifs aux législations des pays voisins...(interruption) et d'autres pays du monde entier. Je la désire aussi, car ce sera encore là que vous trouverez la confirmation des idées que nous avons défendues et que le gouvernement défend encore aujourd'hui dtns ses principes essentiels.
Je sais qu'en a trouvé commode de répondre qu'aux Etats-Unis et en (page 695) Angleterre, pays qui connaissent la liberté, qui savent la pratiquer infiniment mieux que nous, on ne fait pas ce que l’ont fait ici ; eh bien, ce que vous apprendrez des ces législations comparées, c'est qu'on y fait ce que nous faisons ici et qu'en Angleterre notamment on fait, depuis 1819, un travail immense qui n'a pas d'autre but que d'établir par l'administration et par l'autorité publique un contrôle permanent sur les établissements charitables.
Vous apprendrez que depuis 1819 en Angleterre on s'est livré à d'immenses enquêtes sur les fondations charitables. Il existe dans les archives du parlement 40 volumes in-folio sur cette matière, et ce que vous apprendrez aussi, c'est qu'on a découvert que par suite des vices de la législation, faute d'une intervention efficace de l'autorité, il y a eu les abus les plus scandaleux, les abus les plus déplorables dans les administrations charitables, abandonnées à elles-mêmes.
Vous apprendrez qu'on a découvert des dilapidations incroyables, c'est-à-dire l'état de choses qui a été constaté en France et dans notre pays à d'autres époques et qui existe encore aujourd'hui dans certains pays, par exemple dans les Etats Romains.
La législation anglaise se préoccupe incessamment d'empêcher que de pareils abus ne soient commis à l'avenir. Ce que vous apprendrez, c'est que, il y a peu de temps, en 1852, un nouveau bill a été porté précisément pour établir des administrations se rapprochant de plus en plus de celles que possèdent la France et la Belgique., Je tenais à constater ces faits, et je laisse à M. le ministre de la justice le soin de produire tel exposé qu'il croira devoir faire des législations comparées des divers pays ; mais je tiens à la disposition de l'honorable membre certains documents propres à l'éclairer et je l'avertis qu'en Angleterre on ne considère pas comme dans notre pays ce qu'on nomme le fantôme de la mainmorte ; on y fait des enquêtes sur la mainmorte, depuis dix ans, et on a reconnu qu'il y a là, en effet, un très grand danger.
La législation anglaise s'occupe de ce danger et, comme vous le verrez, on arrivera en Angleterre à des résultats identiques à ceux que l'on poursuit ici.
M. de Decker. - Je me félicite de ce que l'honorable M. Frère-Orban a demandé la parole pour répondre aux observations que j'avais faites en formulant ma demande de la publication des législations comparées relativement à la bienfaisance publique. Je ne révoque nullement en doute la parfaite compétence de l'honorable membre pour traiter ces matières, mais qu'il ne soit permis de lui dire que, de mon côté, ce n'est pas d'aujourd'hui que je m'occupe de les étudier. Si l'honorable membre peut me communiquer des documents, je pourrais peut-être, à mon tour, lui en communiquer une foule qu'il ne connaît pas et que je possède depuis 15 ans ; entre autres, tous les traités qui ont paru à l'époque de la grande réforme ses administrations publiques de bienfaisante, en Belgique, au XVIème siècle. Mais là n'est pas la question.
L'honorable membre croit que lorsque je demande la communication d'un résumé de la législation anglaise, je veux y trouver des armes pour combattre les projets de lois qui nous sont soumis ; mais puisque, d'après lui, cette publication ne peut avoir pour résultat que de donner raison au système du gouvernement, je ne comprendrais pas qu'il s'opposât à ma motion.
Si la législation anglaise consacre des mesures propres à établir un contrôle sévère sur les fondations charitables, je serai heureux d'en connaître toutes les dispositions, car je désire, je veux un contrôle sévère pour les institutions libres ; mais aussi, je ne veux qu'un contrôle. Si, sous prétexte de contrôle, ou veut s'immiscer dans la gestion et dans la direction des établissements libres, je m'y opposerai de tous mes moyens ; cela n'est plus un simple contrôle.
Je le répète, le contrôle, je le veux sévère ; je le voudrais même plus rigoureux au besoin que ne le propose le gouvernement ; je le voudrais, si cela était nécessaire, avec des pénalités contre les administrateurs qui n'accepteraient pas ce contrôle d'une manière convenable. Je serais donc heureux de trouver dans la législation anglaise des dispositions qui fussent de nature à établir un contrôle réellement efficace.
A en croire l'honorable préopinant, les enquêtes auxquelles on se livre aujourd'hui en Angleterre ont pour résultat de faire constater des abus graves dans les administrations charitables de ce pays ; soit, cela nous prouvera, une fois de plus, que ces abus ne sont pas, comme on a souvent l'air de l'insinuer, sans avoir le courage de le dire hautement, ne sont pas spécialement la conséquence des administrations religieuses dans les fondations de charité, contre lesquelles on semble vouloir prendre particulièrement des précautions.
Sous les administrations laïques comme sous les administrations ecclésiastiques, dans les pays protestants comme dans les pays catholiques, ces mêmes abus se produiront toujours ; ils ne tiennent donc pas à telle ou telle forme d'administration, ils tiennent au cœur humain.
Ainsi, cette législation anglaise dont je demande la production par le gouvernement, ne nous apprît-elle que cela, je serais fort heureux de nous la voir communiquer. L’étude de la législation anglaise nous éclairera déjà beaucoup, parce qu'elle nous apprendra que des abus existent partout, comme il en existera toujours ; et qu’un des meilleurs moyens de les prévenir est un contrôle, contrôle que mes honorables amis et moi nous voulons sérieux et efficace.
M. Frère-Orban (pour un fait personnel). - Messieurs, j'avais demandé tout à l’heure la parole, en entendant les dernières observations de l'honorable préopinant ; je voulais rectifier ce qu'il y avait d'inexact dans ses dernières assertions ; il déclarait qu'on se traînait dans l'ornière des idées lrançaises.
M. de Decker. - Je l'affirme.
M. Frère-Orban. - Je le nie.
Comme je croyais être dans le vrai, j'ai rectifié ce qu'il y avait d'inexact dans cette appréciation.
L'honorable membre vient d'émettre une seconde opinion que je crois aussi devoir relever immédiatement. Il a insinué d'une manière très claire que l'objet de la critique porte sur l'intervention de l'autorité religieuse.
Il faut véritablement s'égarer à plaisir pour se permettre de pareilles insinuations. Les mêmes vices et même des vices plus graves se représenteront dans les mêmes conditions là où n'existe pas l'autorité religieuse. Il y a encore dans l'élément qui anime l'autorité religieuse un sentiment qui peut paralyser davantage que lorsque des personnes qui ne sont pas animées des mêmes sentiments sont chargées des mêmes administrations.
Mais le vice où est-il ? Il est dans l'absence de responsabilité, et cette absence de responsabilité existera toujours, partout où vous n'aurez pas pas une administration élue, temporaire et responsable.
Là sont les vices absolus qui paralysent tout ; laïques, protestants, ecclésiastiques, cela revient absolument au même ; c'est la permanence, c'est la personne irresponsable. Or, c'est ce que vous avez dans les pays auxquels vous faites allusion. Lorsque vous voulez faire intervenir des personnes sur lesquelles l'autorité publique ne peut avoir d'action, il n'y a pas de contrôle, il ne peut pas y en avoir, il n'y en aura jamais. C'est ce que démontre l'état des faits en Angleterre et dans d'autres pays encore.
Je déduis de là que les gouvernements sous lesquels se passent de pareils abus, sont impuissants à les réprimer ; tous les gouvernements, le gouvernement anglais comme le gouvernement papal, s'efforcent de réprimer les abus ; mais le vice de l'institution est bien plus puissant que l'énergie que peuvent mettre ces gouvernements à rectifier, à paralyser les abus qu'entraîne une organisation essentiellement vicieuse par la base. Ce sera l'objet des discussions auxquelles nous nous livrerons sur le fond même du projet de loi.
M. Tesch. - Messieurs, j'ai une simple observation à préseuler : l'exposé des motifs qui a été préparé sous mon administration renferme une partie historique qui pourra tenir lieu en partie de celui dont l'honorable M. de Decker demande la production.
M. Malou. - Messieurs, je ne demande pas la parole pour un fait personnel, comme vient de le faire l'honorable M. Frère-Orban, je la demande seulement pour définir deux systèmes. Nos adversaires, au pouvoir comme aujourd'hui, veulent absorber la liberté au profit de l'administration.
M. le président. - C'est ce qu'on discutera plus tard.
M. Malou. - Nous, au contraire, nous acceptons et nous voulons maintenir la liberté, en admettant le contrôle le plus large et le plus efficace de l'administration.
M. le ministre de la justice (M. Faider). - Messieurs, le projet de loi que j'ai eu l'honneur de soumettre à la Chambre a un caractère propre et ne copie aucune législation étrangère. C'est peut-être son tort, mais enfin nous démontrons la valeur du projet en lui-même.
A ce projet, j'ai ajouté un exposé des motifs qui m'a paru résumer d'une manière nelle et précise les principes qui me semblent devoir être admis en matière d'administration des dons et legs, et de fondations charitables.
Il est possible que ce système soit considéré, par un certain nombre d'esprits, comme vicieux, comme antichrétien, comme le résultat de l'influence des francs-maçons, ennemis de Dieu et de la religion, comme l'imprimaient facétieusement, il y a peu de jours, quelques journaux de ce pays ; (erratum, page 702) mais enfin il y a un caractère ; ce caractère, on en démontrera la valeur, et on verra jusqu'à quel point le contrôle que j'ai cherché à réaliser doit être admis, doit être considéré comme le seul efficace pour l'avenir.
Maintenant on demande que les diverses législations des pays qui nous entourent et même des pays d'outre-mer soient produites ou analysées de façon que chacun des membres de la Chambre puisse voir ce qui se passe dans ces pays. Je n'ai pas cru devoir aller si loin dans l'exposé des motifs. En effet, les législations étrangères sont analysées d'une manière suffisante dans divers ouvrages et notamment dans un ouvrage en trois volumes in 8° qu'a publié tout récemment en France M. Moreau-Christophe et où j ai trouvé une analyse très exacte et très intéressante des législations en vigueur dans les divers pays auxquels l'honorable M. de Decker a fait allusion. Là, il y a un élément à la portée de tout le monde propre à guider ceux qui veulent étudier les législations étrangères.
Pour ce qui concerne les documents dont le département de la justice est en possession, je dirai que tout récemment j'ai fait venir de Hollande les documents parlementaires relatifs au projet de loi qui ont été dernièrement présentés aux chambres à la Haye sur cette matière. J'ai reçu il y a peu de temps, par l'intermédiaire de M. le ministre des affaires étrangères, le bill de 1852 sur la régularisation des fondations et des administrations charitables en Angleterre. Ces documents prouvent une chose, suivant moi, c'est que dans ces deux pays, le gouvernement fait des efforts énergiques pour régulariser ce qui est il régulier.
Si la Chambre désire que ces deux projets soient imprimés, j'y consens volontiers, et je les joindrai aux documents qui seront très (page 696) prochainement remis à l'imprimeur. Quant aux Etats-Unis, on n'a pas obtenu sur ee pays de renseignements bien précis.
Je vérifierai ce qui existe au département de la justice ; s'il y a des documents intéressants, je les produirai ; je n'ai qu'un désir, c'est d'éclairer la Chambre, c'est de voir si le gouvernement est allé au-delà ou est resté en deçà de ce qui était nécessaire pour régulariser les dons charitables et les fondations ; mais l'exposé de motifs devait, dans ma pensée, se borner à indiquer d'une manière précise les principes et les raisons pour lesquelles les principes ont été formulés en loi. Le gouvernement devait se réserver de communiquer à la section centrale ou dans la discussion publique certains documents et certains faits qui venaient à l'appui de son système et étaient de nature à le faire apprécier.
- La discussion est close.
M. le président. - Je mets aux voix la proposition de M. de Theux, de fixer au mercredi 22 l'examen en sections des projets de lois relaliis à l'organisation des bureaux de bienfaisance et aux dons et legs charitables.
M. Frère-Orban. - Je demande la parole sur la position de la question.
Il me semble qu'il conviendrait de décider d'abord quels sont les documents qu'on imprimera, car selon l'importance des documents dont l'impression sera ordonnée on pourra les avoir ou ne pas les avoir pour le jour auquel on propose de fixer l'examen en sections.
M. le président. - On a paru d'accord que la communication des pièces n'était pas de nature à retarder encore l'examen en sections.
M. Frère-Orban. - Il suffira que la section centrale soit saisie des pièces.
- La proposition de M. de Theux est mise aux voix et adoptée.
M. le président. - Je ne puis pas mettre aux voix la proposition relative aux pièces à communiquer ; elle n'est pas formulée ; il faut s'en rapporter à M. le ministre de la justice.
M. Dumortier. - Il faut en effet s'en rapporter à M. le ministre de la justice, puisqu'il est à même de faire imprimer la loi anglaise et la loi des Pays-Bas. Je désire que nous puissions en profiter, car, à mon avis, ce n'est pas d'après l'histoire ancienne, mais d'après les faits présents que nous devons nous guider.
M. le président. - M. le ministre verra quelles sont les pièces qu'il convient d’imprimer conformément aux désirs qui ont été exprimés.
- M. Vilain XIIII remplace M. Delfosse au fauteuil.
M. le président. - La discussion continue sur l'article 121.
M. Julliot propose sur cet article une réduction de 1,000 fr.
(page 698) M. de Theux. - Messieurs, dans la discussion d'hier on a agité diverses questions relatives à l'Académie de médecine. Je pense qu'il est bon de mettre sous les yeux de la Chambre quelques-uns des statuts de cette institution.
L'article 14 porte : Le bureau de l'Académie se compose d'un président, de deux vice-présidents et d'un secrétaire.
Le secrétaire remplit en outre les fonctions de trésorier.
Le président et les deux vice-présidents sont élus directement par l'Académie parmi ses membres titulaires.
Ils le sont pour trois ans ; le président n'est rééligible, même comme vice-président, qu'après un intervalle de trois années.
Le secrétaire est nommé par le Roi, parmi les titulaires de l'Académie, sur une liste triple de candidats.
Il peut être révoqué par le Roi.
L'élection du président et des vice-présidents et la présentation des candidats pour les fonctions de secrétaire, se font d'après le mode prescrit par l'article 12.
On s'est plaint de ce que la présidence se perpétue dans les mêmes mains depuis l'institution de l'Académie. L'article 14 des premiers statuts avait prescrit la non-rééligibilité avant l'expiration du terme de trois ans ; d'autre part, l'article 21 statue que les dispositions qui précèdent formant les statuts organiques ne peuvent être changées que du consentement de l'Académie, donné à la majorité requise pour les élections.
Je n'ai pas sous les yeux l'arrêté royal qui a changé les statuts primitifs, mais ils doivent avoir été changés sur la demande de l'Académie, exprimée dans la forme prescrite pour ses délibérations.
Quant à moi, je suis partisan du renouvellement de la présidence. Je crois qu'il y a des inconvénients à avoir un président perpétuel dans une institution de ce genre. Mais, pour arriver à ce résultat, il faudrait que le ministre soumît de nouveau la question à l'Académie, qui, aux termes des statuts, doit en délibérer et donner son consentement, car je ne propose pas de contrevenir à l'arrêté qui a primitivement réglé ses statuts.
Quant au secrétaire, il est nommé à vie, sauf révocation ; le secrétaire de l'Académie des sciences est nommé de la même manière.
On s'est occupé de l'indemnité de 1,000 fr. allouée, tant au président qu'au secrétaire ; on s'est aussi occupé de la gestion financière de l'Académie. L'article 17 des statuts porte :
« Le bureau est chargé de la gestion administrative et financière de l'Académie. »
Maintenant le règlement organique de l'Académie détermine les attributions des membres du bureau.
D'après ces attributions, la Chambre pourra apprécier si celui qui a fondé l'Académie a eu tort d'allouer une indemnité au président et aux secrétaires (l'indemnité du président était d'abord de 500 fr. parce que la dotation de l'Académie était excessivement restreinte), et si plus tard j'eus tort de la porter à mille francs. Voici les attributions des membres du bureau.
L'article 7 porte : Le bureau de l'Académie se compose du président, des deux vice-présidents et du secrétaire.
Il représente l'Académie hors le temps de ses séances, exécute les décisions, contrôle et ordonnance les dépenses et rassemble, rédige et publie ou fait publier dans la forme convenable les divers travaux de la compagnie. Il se réunit tous les quinze jours et plus souvent si les circonstances l'exigent.
Comme vous voyez, les travaux du bureau sont assez considérables ; le bureau est appelé à émettre son avis sur toutes les affaires courantes que le gouvernement juge à propos de lui communiquer en dehors des sessions de l'Académie.
A l'Académie des sciences, le secrétaire seul est rétribué ; mais le président ne participe pas aussi activement qne celui de l'Académie de médecine aux travaux du bureau, et là le traitement du secrétaire est de 3,200 fr. tandis que celui de l'Académie de médecine n'a que mille francs. Il est vrai qu'il y a un secrétaire adjoint au traitement de 1,500 fr. ; mais il a été créé par suite des instances de l'Académie, en vue de rédiger et de publier le bulletin de ses séances. Tous les ans elle fait paraître un volume comprenant les bulletins de toutes ses séances ; c'est un travail considérable ; la somme de 1,500 fr. n'a rien d'exagéré.
Messieurs, il est à remarquer que le président de l'Académie ne doit pas être nécessairement un fonctionnaire public rétribué de ce chef. L'Académie a élu pour la première fois librement son président ; à l'avenir, elle continuera de l'élire librement. Elle peut très bien nommer un membre qui n'appartient pas à l'administration, et même un médecin dont la résidence n'est pas à Bruxelles.
_ Il faut considérer que pour un homme qui a une profession lucrative, pour un médecin qui a une grande clientèle, et qui doit consacrer beaucoup de temps à des travaux de bureau, une indemnité de 1,000 fr. n'a rien d'exagéré. Supprimer cette indemnité, ce serait restreindre le choix de l'Académie, l'obliger à ne choisir son président que parmi les fonctionnaires publics, qui auraient pour s'indemniser une rétribution suffisante.
Du reste, je le dis à propos du secrétaire de l'Académie, nous voyons un fonctionnaire rétribué pour des fonctions spéciales recevoir comme secrétaire une indemnité. Ainsi le secrétaire perpétuel de l'Académie des sciences est directeur de l'observatoire ctàce titre a un traitement. ; Ce qui ne l'empêche pas de recevoir une indemnité de 3,200 fr. pour remplir les fonctions de secrétaire perpétuel de l'Académie des sciences.
Vous voyez donc qu'il n'y a rien de contraire aux précédents dans les dispositions qui concernent le bureau de l'Académie de médecine, et que globalement cette dépense n'excède pas celles qui sont attribuées à l'administration d'établissements de ce genre.
Je pense qu'il est inutile d'étendre ces observations au-delà de ce peu de paroles. La question principale à examiner par le gouvernement estde savoir s'il convient de maintenir les modifications apportées aux statuts d'après lesquelles la présidence pourra être perpétuée dans les mêmes mains, ou s'il ne vaut pas mieux revenir aux statuts primitifs, et même étendre cette disposition, comme elle l'a été pour l'Académie, des sciences, en ce sens que le président est rééligible annuellement, et qu'il ne peut être immédiatement réélu.
(page 696) M. de Perceval. - A l'occasion de l'article en discussion, j'ai cru devoir signaler les abus qui existent dans l'organisation actuelle de l'Académie royale de médecine.
Quelques-unes des considérations que j'ai émises à ce sujet ont été combattues par M. le ministre de l'intérieur et par mon honorable ami M. Orts. J'ai demandé la parole pour répondre à ces orateurs.
Quand j'ai indiqué les traitements, ou pour mieux dire, les indemnités allouées annuellement à quelques dignitaires de l'Académie, l'honorable M. Orts et M. le ministre de l'intérieur ont affirmé qu'elles avaient été accordées directement par le gouvernement et sans l'intervention du bureau ; et à l'appui de cette affirmation, l'honorable M. Orts a donné lecture de l'arrêté ministériel du 30 juin 1847. Eh bien, l'opinion que j'ai émise à ce sujet, je la maintiens encore, et elle trouve sa justification dans ce même arrêté ministériel.
En effet, un des considérants porte : a Vu les propositions du bureau consignées dans sa lettre du 26 juin 1847. »
N'ai-je donc pas raison de dire que les membres du bureau n'ont point été si étrangers à la fixation du chiffre des indemnités allouées ?
Pour justifier le subside de 1,680 fr. que le bureau envoyait tous les ans à une feuille médicale de Paris, M. le ministre de l'intérieur s'est exprimé en ces termes :
« Il importe que les travaux de l'Académie ne restent pas renfermés dans nos petites frontières ; c'est dans la capitale de la France qu'il importe de les faire connaître parce que c'est là que les publications qui intéressent la médecine sont les plus nombreuses, et que c'est de là qu'elles rayonnent vers toutes les contrées du monde.»
Soit, je le veux bien, mais comment se fait-il que notre Académie ait jugé cependant convenable et opportun de supprimer cette dotation ? Ne faudra-t-il donc plus que ses travaux soient connus dans une capitale où les publications qui intéressent la médecine sont les plus nombreuses et d'où elles rayonnent vers toutes les contrées du monde ?
Je voudrais savoir maintenant le motif pour lequel une pareille rente n'est plus constituée au profit de la presse médicale de Paris.
Du reste, je le devine à peu près ; c'est que probablement elle a apprécié le mérite négatif d'un semblable subside. Elle a cru devoir le retirer, et je la félicite de cette décision qu'elle a prise.
A l'occasion d'une critique très juste qui a été émise par l'honorable M. Osy, M. le ministre de l'intérieur a voulu justifier la décision prise par l'Académie délibérant à huis clos sur le projet de loi relatif à l'art de guérir. Il nous a dit que l'examen de ce projet ne rentrait pas dans les travaux ordinaires de cette assemblée, et que, quand elle s'en occupe, c'est un acte de dévouement de sa part.
Je suis fâché de devoir le dire, mais l'honorable ministre ne connaît pas ou n'apprécie pas la portée de l'article 2 des statuts organiques de l'Académie.
Pourquoi a-t-elle été instituée ? L'article 2 nous l'apprend.
L'Académie a pour objet : 1° de répondre aux demandes du gouvernement sur tout ce qui concerne l'hygiène publique, la médecine légale et la médecine vétérinaire ; 2° de s'occuper de toutes les études et recherches qui peuvent contribuer aux progrès des différentes branches de l'art de guérir.
Est-ce clair ? et le gouvernement peut-il mettre en doute le droit qu'il possède de faire examiner par l'Académie le projet de loi sur l'art de guérir ?
Mais ce n'est qu'à condition que cette assemblée se livre à des examens de cette nature que la législature lui vote une dotation de 20,000 fr.
Je n'ai pas été le seul à dénoncer les abus qui existent dans l'organisation actuelle de l'Académie. Je constate avec satisfaction que plusieurs de mes honorables collègues ont joint leurs instances aux miennes,dans les séances d'hier et de ce jour, pour engager le gouvernement à les réprimer, à les faire disparaître. Ce sera le meilleur service que l'on pourra rendre à la science et à l'Académie elle-même.
Je les résume encore, et je demande d'abord que l'Académie vote elle-même son budget ; c'est son droit et c'est en même temps son devoir. Ensuite, que l'on rétablisse dans les statuts primitifs cette sage disposition que le président n'est réeligible qu'après un intervalle de trois années. L'on évitera ainsi que cette assemblée ne devienne un foyer d'intrigue et de camaderie. Enfin je réclame avec l'honorable M. Osy que le comité secret cesse pour la discussion du projet de loi sur l'art de guérir et que les débats sur une aussi importante matière aient lieu en séance publique.
M. Thiéfry. - Mon intention n'était pas de prendre la parole pour disputer au budget l'économie de 1,000 fr., donnés au président de l'Académie de médecine comme compensation de frais administratifs, ou comme frais de représentation, si l'on veut. Ce que j'ai vu et entendu dans cette enceinte m'oblige à dire aussi ma pensée.
Je ferai d'abord remarquer aux honorables membres qui ont si fortement attaqué cette allocation, que quand il s'agit du budget de la guerre ils ne se font pas tant de scrupule d'accorder 30,000 fr. de frais de représentation. C'est bien autrement important, et beaucoup moins mérité que ceux dont il est question, puisque d'un côté, il y a de très beaux appointements pour remplir la place, tandis que de l'autre, il n'y en a pas.
L'honorable M. de Theux vient du resle de développer les motifs pour lesquels cette allocation de 1,000 fr. est juste et doit être maintenue. Je n'ai rien à ajouter.
On a fait un grief au président de l'Académie de médecine d'être réélu chaque année, car s'il y avait un autre président il n'y aurait aucune réclamation ; il semble que ce fonctionnaire ait fait lui-même lz règlement pour faciliter sa réélection. Eh bien, messieurs, voici ce qui a eu lieu à l'occasion de ce règlement. Le président actuel a pris effectivement une grande part à la rédaction, et c'est lui-même qui y avait fait inscrire que le président ne serait pas immédiatement réeligible ; il a défendu cette opinion au sein de l'Académie, et qu'a-t-on fait ? Les académiciens, au nombre de 30, ont à l'unanimité demandé la rééligibilité indéfinie du président ; c'est ce que prouve le procès-verbal de la séance de l'Académie du 1er février 1842, le président est élu au scrutin secret et l'Académie peut toujours demander la révision de son règlement.
L'honorable M. Osy dit que c'est dans le rapport de M. de Man, que les membres de l'Académie ont lu que le président recevait une indemnité... Si cela est vrai, c'est qu'ils l'ont bien voulu, car tous les arrêtés du gouvernement sont déposés aux archives de l'Académie. Les membres peuvent en prendre connaissance.
Le bureau, a ajouté l'honorable membre, ne communique jamais ni le budget, ni les comptes ; c'est là, dit-il, une grave irrégularité. L'honorable membre est dans l'erreur, on se conforme au règlement ; cela est si vrai, que dans sa séance du 25 septembre 1843 et après une discussion longue et approfondie, l'Académie a décidé que, conformément à ses statuts, elle n'avait rien à voir, rien à contrôler dans les actes administratifs du bureau.
On reproche au gouvernement les indemnités payées à l'inspecteur général du service de santé ; on a déjà répondu en indiquant les motifs d'économie qui ont engagé plusieurs ministres à employer ce fonctionnaire. On a cité un gros chiffre que l'on dit être son traitement ; pour être juste, il faudrait en défalquer les frais de bureau, les frais de route et de séjour, que les missions occasionnent.
On s'est récrié contre ce que l'inspecteur générsl a reçu comme président du jury d'examen, et ici je le constate, ce n'est pas dans un but d’économie que cette observation est faite ; car si ce n'est pas à lui que l'indemnité est payée, elle le sera à un autre : c'est parce que la loi défend de cumuler les traitements. Or, je demande si ce n'est pas mal interpréter la loi que de lui donner cette signification ? Je voudrais bien que les honorables préopinants me disent où le ministre choisira les présidents des jurys, s'il lui est interdit de désigner, pour remplir ces fonctions, une personne touchant un traitement de l'Etat. Et, en effet, (page 697) je vois dans le Moniteur du 17 mars 1853, la composition des jurys universitaires.
Pour les grades à délivrer dans la faculté de philosophie et lettres ; président : M. Vanhoegarden, conseiller à la cour de cassation.
Pour les grades à délivrer dans la faculté des sciences ; président ; M. le colonel Nerenburger, membre correspondant de l'Académie royale de Belgique.
Pour les grades à délivrer dans la faculté de droit ; président : M. Dcwandre, conseiller à la cour de cassation.
Pour les grades à délivrer dans la faculté de philosophie et lettres : président : M. Beltjens, substitut du procureur général près la cour d'appel de Liège.
Pour les grades à délivrer dans la faculté de droit ; président : M. de Cuyper, conseiller à la cour de cassation.
Pour les grades à délivrer dans la faculté de médecine ; président : M. Vleminckx, inspecteur général du service de santé militaire, président de l'Académie royale de médecine.
Si l'opinion des honorables préopinants était admise, aucun des fonctionnaires que j'ai cités ne pourrait être président du jury. Et j'ajouterai que c'est souvent malgré lui que l'inspecteur général du service de santé a accepté ces fonctions.
Toutes ces attaques ont un but, elles tendent évidemment à déconsidérer l'homme, et quel moment choisit-on ? Précisément celui où il vient de rendre un service émiunnt au pays : ce qui s'est passé hier m'autorise à en parler.
L'inspecteur général du service de santé, dans la séance de l'Académie du 25 juin 1853, dont j'ai ici le procès-verbal, a dit après avoir indiqué certaines améliorations :
« Je me serais probablement contenté de ce succès, qui me semblait déjà bien beau, sans un article de M. Gibert, publié par « la Gazette médicale » en 1851, dans lequel cet honorable médecin signalait les succès obtenus à l'hôpital Saint-Louis, à l'aide de la pommade d'Helmerich employée d'après le procédé de MM. Bazin et Hardi.
« M. Hardi affirme que sur plusieurs centaines de sujets, c'est à peine s'il a eu à constater deux ou trois récidives.
« C'était là, à mes yeux, un fait d'une portée immense, digne de fixer à tous égards l'attention générale, et de provoquer spécialement les méditations de ceux qui sont placés à la tête du service de santé des armées.
« Je résolus tout aussitôt de prescrire des essais dans le genre de ceux qu'on était en train de faire à l'hôpital du Gros-Caillou. Deux de nos médecins de régiment, bons et patients observateurs, MM. Dechange et Delatte, les entreprirent spontanément. »
Vous le voyez, messieurs, l'inspecteur général n'a jamais prétendu être l'auteur de l'invention du traitement rapide. Pus loin il a ajouté :
« Je me croyais donc suffisamment autorisé à donner des instructions tendant à modifier dans tous nos établissements sanitaires le traitement de la gale, mais une seule difficulté me retenait. C'était la désinfection des objets de couchage et d'habillement.
« Il y a trois mois environ, je reçus de M. le ministre de la justice une demande d'avis au sujet d'un appareil destiné à détruire la vermine, proposé par la commission administrative des prisons d'Anvers. Cet appareil consistait tout simplement en une armoire en fer d'une certaine dimension, placée sur un foyer d'une grande simplicité.
« Avant de me prononcer sur la valeur du moyen, je voulus le voir fonctionner, afin d'être parfaitement renseigné sur sa puissance.
« Je me rendis donc à Anvers, pour assister aux essais que la commission administrative avait bien voulu faire faire en ma présence.
« Des objets remplis de vermine d'un détenu entré la veille, furent suspendus dans l'armoire dont je viens de parler, et dans laquelle je fis placer, en outre, un thermomètre.
« Au bout de 25 minutes, le thermomètre marquant 100° centigrades, lesdits objets furent étalés et examinés à la loupe avec le plus grand soin. Toutes les personnes présentes à l'opération purent se convaincre que les parasites et leurs œufs étaient privés de vie, sans que les vêtements eux-mêmes eussent subi la moindre altération. »
Enfin, dans la séance de l'Académie du 31 décembre dernier, M. Vleminckx dit :
« J'ai constaté depuis ma communication du mois de juin que la désinfection pouvait se faire non moins promptement à l'aide d'un fort dégagement de chlore, que par une température élevée. »
Voici, messieurs, comment l'inspecteur général a rendu un service bien important au pays ; il a trouvé les moyens de désinfection. Il a donné des ordres pour que l'on construisît dans les hôpitaux des armoires semblables à celle d'Anvers, et pour que l'on soumît tous les hommes atteints de cette maladie cutanée au traitement qu'il a indiqué. Et savez-vous, messieurs, à quoi on a abouti ? L'armée avait annuellement 4,000 à 5,000 hommes qui restaient chacun 10 à 12 jours en traitement ; aujourd'hui il n'y en a plus un seul, tout se borne à 2 heures de traitement. Il y a une économie de 40,000 à 50,000 fr. par an ; on a fait disparaître complètement de l'armée une maladie dégoûtante, on a conservé 4,000à 5,000 hommes de plus pour le service actif. Au point de vue militaire et de l'humanité, ce sont là des avantages immenses ; on les apprécie mieux en pays étranger qu'ici, et à l'heure où je vous parle, messieurs, il y a à Bruxelles un médecin distingué envoyé par le gouvernement hollandais pour observer et suivre le nouveau traitement, et il n'est pas douteux qu'avant peu d'années, on imitera partout ce qui se pratique avec tant de succès dans nos hôpitaux.
Eb bien, messieurs, quand un fonctionnaire rend de semblables services à son pays, il faut lui rendre justice et ne pas chercher à le déconsidérer.
M. Julliot. - J'ai demandé la parole d'abord pour opposer quelques considérations à une des conclusions qu'a formulées l'honorable M. de Perceval, dans le discours qu'il a prononcé hier, et qu'il vient de répéter tout à l'heure.
L'honorable membre a fait un devoir au ministre de faire concourir à l'avenir l'Académie de médecine tout entière à discuter et à régler son budget, tandis qu'actuellement ce soin est dévolu à son bureau composé de quatre savants.
Si j'ai bien compris, l'honorable ministre approuve ce projet et a déclaré qu'il tiendra la main à la mise en pratique de cette réforme.
Cette modification inspirée par une idée fort libérale, je le veux bien, porte néanmoins dans ses flancs une nouvelle menace à l'adresse de nos finances, et je vais le prouver.
Quand 20,000 fr. sont à distribuer au gré de quatre personnes, le partage à faire de ce fonds doit être assez facile.
Mais, alors que trente académiciens devront statuer sur le meilleur emploi à donner aux 20,000 fr., l'importance relative de cette somme décroîtra en raison de l'accroissement du nombre des destinateurs.
Chacun y émettra son opinion et tous connaîtront un emploi utile à ces fonds, qui par conséquent ne suffiront plus pour répondre à tous les besoins qui sont à la connaissance des trente.
Je ne me cache pas que dans cette hypothèse le chiffre pétitionné montera en peu d'années de 20,000 à 50,000 fr. Je tiens d'autant plus à prendre mes précautions que l'honorable ministre de l'intérieur nous a dit hier que l'Etat pouvait se servir de l'impôt pour soulager des misères ; idée des plus risquées.
Messieurs, la défense de l'intérêt public n'est ni assez éclatante ni assez méritoire pour qu'elle soit briguée par beaucoup de monde, je dirai même que plus une assemblée est nombreuse, plus les finances ont à souffrir de ses délibérations, la nature des choses le veut ainsi. C'est à ce point de vue que j'engage M. le ministre à ne pas faire arrêter le budget académique par la compagnie entière, mais à continuer l'usage établi.
Si, en règle générale, il est vrai que plus une assemblée délibérante est nombreuse, plus elle détruit de finances, il est cependant parfois une honorable exception.
En qualité de représentant, la modestie me défend de citer l'assemblée dont je fais partie. Mais le Sénat, par exemple, vous avouerez qu'il est bien rare que par ses votes il aggrave notre situation financière, et pourquoi ? Parce que pour lui c'est un fruit défendu.
Je demande donc qu'on laisse au bureau le règlement du budget académique mais qu'on reconnaisse aussi avec moi, que le gouvernement qui a le haut contrôle sur cette comptabililé est principalement responsable des abus qui s'y commettent.
Messieurs, j'ai assez lu et entendu pour savoir qu'il y a une profonde scission entre MM. les académiciens médecins et que le crédit que nous votons revêt quelque peu la forme de la pomme de discorde qui les divise.
Nous avons ici une mission à accomplir, c'est de rappeler le gouvernement à toute la rigueur de son devoir envers ces corporations plus ou moins organisées qui gravitent autour de lui ; tantôt c'est l'Académie qui fait du bruit et cause des embarras, tantôt le corps de MM. les professeurs, puis le corps des ponts et chaussés, toutes ces pressions sur les ministres doivent disparaître. L'intérêt moral de la société comme ses finances ont tout à y gagner ; le pouvoir vis-à-vis toutes ces pressions doit être fort pour qu'il reste juste et respecté, le principe d'autorité s'affaiblit trop dans ce contact.
Si, messieurs, vous pensez comme moi, nous saurons bien y mettre ordre en fortifiant le gouvernement, et j'engage l'honorable M. Piercot à se laisser faire, car c'est au profit du principe qu'il représente que je travaille.
Je vous propose donc à titre de premier avertissement, qui s'adresse plus au gouvernement qu'à l'Académie elle-même, de réduire le chiffre de mille francs.
Cela n'embarrassera pas la comptabilité de la compagnie pour l'année commencée, car les fonds n'étant pas encore votés sont tous disponibles.
Si d'ici à la discussion du budget prochain la paix n'est pas rétablie, je vous proposerai de faire disparaître la cause tout entière du conflit afin de rappeler la concorde au sein de cette docte assemblée.
Cette mesure serait, du reste, conforme au programme du ministère lui-même, puisqu'elle serait destinée à produire une conciliation. Si ces motifs peuvent vous engager à voter cet avertissement, vous rendrez un service à la science, car l'homme prévenu en vaut deux, dit-on ; il en sera de même de l'Académie, ce sera donc tout bénéfice.
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Messieurs, si l'on n'avait réellement en vue dans cette discussion, que je puis de nouveau appeler très déplorable, que d'inviter le gouvernement à examiner s'il y a lieu ou non à réformer quelques dispositions du règlement de l'Académie de médecine, il n'y avait rien de plus simple que d'en faire la proposition au gouvernement. J'avais eu l'honneur de dire hier à la Chambre que je ne me refusais nullement à étudier cette question et à proposer les (page 698) réformes qui pourraient être utiles à un double point de vue, soit pour prévenir les abus de ce qu'on appelle la perpétuité de la présidence, soit pour amener dans la manière de voter le budget la régularisation que l'on vient d'indiquer et que l'honorable M. Julliot repousse.
Mais tout en voulant donner un avertissement au gouvernement, l'honorable M. Julliot frappe l'institution elle-même ou plutôt ceux qui sont chargés de lui donner le mouvement, d'imprimer au travail administratif la direction qu'il doit recevoir.
L'honorable M. de Perceval croit que les indemnités qui ont été fixées pour indemniser le bureau des travaux qui lui ont été imposés, l'ont été sur la proposition même du bureau. Hier j'ai dit que c'était une erreur, et je dois persister, parce que je tiens à la main la preuve que c'est une erreur. Vous ne connaissez pas tous les arrêtés ministériels et vous n'avez pas pu remonter à la source, à la cause première qui a déterminé les arrêtés dont il s'agit.
Pour cela, messieurs, il faut rétrograder jusqu'à l'établissement de l'Académie, en 1842. C'est alors que le gouvernement en l'absence de toute disposition, sans que personne l'ait provoqué, a admis qu'il était nécessaire d'attacher à l'Académie des fonctionnaires chargés de toute la partie administrative, et d'accorder aux fonctions administratives dont je parle une légère indemnité.
Un arrêté du 16 avril 1842 porte ce qui suit : « Vu le budget économique de l'Académie de médecine en date de ce jour (et ce budget ne portait rien comme indemnité aux fonctionnaires de l'Académie), article premier : « Il sera prélevé sur le lilt. C Matériel, une somme de 500 fr., laquelle est allouée à Mêle président de l'Académie à charge par lui de pourvoir, en 1842, aux frais d'écriture et du service de la présidence. »
Cette légère indemnité, spontanément indiquée par le gouvernement comme une mesure d'ordre que tout le monde comprend, a duré jusqu'en 1847.
Alors on a jugé convenable, d'après les observations qui avaient été faites par le bureau d'administration, lequel avait eu cinq années d'expérience pour apprécier si l'indemnité établie par le gouvernement en 1842 était suffisante, le gouvernement, dis-je, a jugé convenable d'élever l'indemnité de 500 fr. à 1,000 fr. et c'est l'honorable M. de Theux qui a posé cet acte, parce qu'il avait la preuve que l'indemnité était insuffisante.
L'honorable M. de Perceval a fait observer qu'on avait commis un second abus en employant une somme de 1,680 fr. pour une correspondance étrangère. Ce prétendu abus avait un but d'utilité scientifique. Ob me demande aujourd'hui pourquoi on l'a supprimé ? On l'a supprimé, parce que l'Académie a pensé que la forme dans laquelle cette somme avait été employée à Paris pendant quelque temps, n'atteignait pas le but que l'on s'était proposé.
Mais l'Académie s'est réservé d'examiner comment elle devait continuer à encourager à l'avenir les publications qui lui sont utiles, soit dans le pays, soit à l'étranger.
Ainsi c'est encore là une de ces appréciations erronées et que l'on ne ferait pas si l'on se rendait un compte plus complet de tout ce qui compose le travail administratif de l'Académie et du but qu'elle se propose.
Messieurs, ne pensez-vous pas qu'il est temps d'en finir avec ces critiques sans but utile bien déterminé et surtout qu'il ne faut pas donner suite à cette proposition qui contient une censure directe pour le personnel de l'Académie ? L'honorable M. Julliot l'avoue, il n'a qu'un but : c'est d'appeler l'examen sur les prétendus abus signalés, sur les erreurs qui peuvent exister dans les statuts. Eh bien ! le gouvernement s'engage à faire cet examen, et s'il y a quelque chose à modifier, le gouvernement le fera.
Cela ne satisfait-il pas à toutes les exigences ? Faut-il à l'appui d'un système de révision qui est raisonnable, s'attacher à jeter la déconsidération sur les hommes ? Qu'on veuille bien réfléchir, on n'attaque jamais un homme éminent, placé à la tête d'une institution, sans appeler la défaveur sur l'institution elle-même.
M. Julliot. - Je n'ai attaqué personne.
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Vous ne l'avez pas fait, mais c'est le résultat de toute proposition du genre de celle qui vient de surgir ; c'est, en s'attaquant aux hommes, d'affaiblir l'institution elle-même.
- Plusieurs membres. - La clôture !
(page 699) M. Rogier. - Si l'on n'insiste pas, si la proposition de l'honorable M. Julliot est retirée...
M. Julliot. - Non ! elle n'est pas retirée.
M. Rogier. - Je suis alors obligé de la combattre.
Si je comprends bien, cette proposition a pour but de jeter un blâme sur certain fonctionnaire de l'Académie ?
M. Julliot. - De réformer les abus.
M. Rogier. - De réformer les abus ! En quoi consistent ces abus ? On les a signalés ; il y a un président de l'Académie qui touche 1,000 fr. par an.
M. Julliot. - Je n'ai pas parlé de cela.
M. Rogier. - Il faut que votre proposition soit franche et claire. Voici ce qu'elle veut dire : il y a un abus à l'Académie. Le président touche 1,000 francs d'indemnité ; il faut retrancher ces 1,000 francs. Voilà ce que veut dire, je pense, la proposition de l'honorable M. Julliot ; sinon, je le prierai de nous en donner la signification ; il a assez d'esprit pour cela.
Messieurs, après ce qu'a dit l'honorable M. Thiéfry, il reste peu de chose à ajouter. Je dis seulement que la position que l'on fait à la Chambre est bien regrettable. Depuis le commencement de cette longue discussion, à chaque article, vous avez eu ici le spectacle de représentants du pays, se plaisant à jeter le discrédit, le blâme sur tous et chacun des fonctionnaires du département de l'intérieur. Qu'on en fasse la récapitulation, depuis le premier chapitre jusqu'au dernier, il y a eu ici un blâme sévère jeté sur l'ensemble des fonctionnaires du département de l'intérieur et sur la plupart des fonctionnaires ressortissant à ce département.
Ces attaques, messieurs, viennent de qui ? Principalement des membres de cette Chambre qui se posent comme appartenant au parti de la modération, de la conservation, de l'autorité, qui se posent comme voulant faire respecter le principe d'autorité. Et chaque jour nous avons eu à défendre ici des fonctionnaires injustement attaqués, qui, depuis des années, remplissent leurs fonctions de manière à être approuvés par tous les ministres qui se sont succédé.
Mais il faut qu'en l'an de grâce 1851 ces fonctionnaires qui avaient traversé toutes les administrations depuis 15 ou 20 ans et qui, probablement, avaient fait preuve de capacité et de dévouement puisqu'ils avaient été maintenus par tous les ministres, il faut qu'ils reçoivent un certificat d'incapacité, un certificat de nullité, voire même un certificat de corruption.
Voilà, messieurs, de quelle manière on traite les fonctionnaires publics en Belgique. Comme si déjà leur position était si brillante, comme si, en effet, ils occupaient dans le pays de ces situations dignes d'exciter l'envie et la jalousie !
Messieurs, je considère de pareilles discussions comme déplorables et je le dis, elles nuisent surtout à l'efficacité du contrôle parlementaire. Lorsque vous aurez, à tort et à travers, sur chacun des articles du budget, voulu signaler à toute force des abus, créer des abus, inventer des irrégularités, qu'arrivera-t-il ? C'est qu'on ne vous croira plus lorsque, par hasard, vous viendrez à mettre la main sur un véritable abus. Et à force de vous être trompés, à force d'avoir eu des démentis par les faits, je le répète, vous qui vous attribuez le rôle de redresseurs d'abus, s'il vous arrive, par hasard, de rencontrer un véritable abus, de découvrir un fonctionnaire qui soit véritablement coupable, vos accusations ne trouveront plus aucune créance parce qu'on dira qu'elles viennent de passions qui veulent voir des abus partout.
C'est avec peine que j'ai vu un honorable représentant d'Anvers, homme jouissant d'une haute position, d'une fortune considérable, remuant de grands capitaux, venir ici additionner un à un les jetons de présence que roucherait un fonctionnaire en ses diverses qualités, les frais de route qu'il perçoit, et arriver ainsi au chiffre épouvantable de 17,000 fr. par an. Quel scandale ! Il y a dans le pays bon nombre d'industriels, de commerçants, de notaires, d'avocats, qui gagnent 20,000, 30,000, 40,000 fr. par an ; de ceux-là on n'a rien à dire ; mais il se trouvera dans le pays un, deux, peut-être trois fonctionnaires qui consacrent tout leur temps, toutes leurs peines, tous leurs soins à la chose (page 700) publique et qui touchent sur le budget 15,000, 16,000 ou 17,000 fr. ; il faut crier au scandale, il faut faire cesser ces abus, un tel état de choses n'est pas tolérable : vite retranchons mille francs au budget et jouons au président de l'Académie de médecine cet excellent tour de retrancher 1,000 fr. des émoluments qu'il perçoit.
Eh bien, messieurs, je suppose que ce président, qui se perpétue parce que le corps académique continue à l'élire, je suppose qu'il soit remplacé par une personne qui ne jouisse pas de tous ces avantages dont on parlait tout à l'heure : retrancheriez-vous encore ces mille francs ? Non, évidemment, personne ne songera à traiter l'Académie de médecine plus mal qu'on ne traite l'Académie des sciences.
Eh bien, à la tête de l'Académie des sciences il y a un fonctionnaire public qui jouit aussi de plusieurs avantages accumulés et qui les gagne bien ; ce fonctionnaire touche à perpétuité 3,200 fr. environ, 1,500 florins des Pays-Bas, comme secrétaire perpétuel. Celui-là se, perpétue, non par le choix des académiciens, mais en vertu de l'organisation de l'Académie. Ne lui adresserez-vons pas aussi le même reproche ? Pourquoi ne le frappez-vous pas de la même manière ?
Pourquoi ne redressez-vous pas, à l'Acidémie des sciences, ces abus monstrueux dont on fait un si grand crime à l'Académie de médecine ? Est-ce peut-être une question de personne ? Je suis bien tenté, de le croire. (Interruption.) Plusieurs représentants, à leur insu, cèdent à quelques petites passions personnelles ; on va trouver des représentants, non pas seulement pour l'Académie de médecine, mais pour d'autres institutions encore ; on leur dit qu'il se commet des abus scandaleux ; on colporte certains faits, et le représentant qui s'est donné la mission de redresseur d'abus, est enchanté de la découverte qu'il croit avoir faite et vient, sans plus d'examen, la porter devant la Chambre, sauf le chapitre des rétractations.
Le fonctionnaire dont il s'agit est donc président de l'Académie de médecine, non par mon fait, car il arrive que, par extraordinaire, je suis entièrement étranger à l'objet du débat actuel. C'est, à la fin de son rapport que l'honorable M. de Man a découvert que ce fait-là ne me concerne pas. Je suis donc ici parfaitement à I'aise. Ce fonctionnaire est président de l'Académie de médecine ; il est chargé, en outre, de présider les jurys de médecine, et d'après les calculs du très exact M. Osy, il paraîtrait qu'il touche de ce chef 3,000 à 4,000 fr. Eh bien, cette fonction il ne l'a pas demandée, elle lui a été imposée par le gouvernement ; c'est une charge ; et pourquoi le gouvernement la lui a-t-il imposée ? Est-ce pour le plaisir d'accumuler dans les mêmes mains des fonctions différentes ?
Mais non : le gouvernement n'est pas ami du cumul ; le gouvernement est intéressé à répartir ses faveurs sur le plus grand nombre de personnes possible. Pourquoi donc a-t-il choisi ce fonctionnaire ? Parce qu'il est indispensable, parce que le gouvernement n'en trouvait pas d'autre, indépendamment d'ailleurs des qualités précieuses qu'il déploie dans i'exercice de ses fonctions. Que demande-t-on pour le jury ? Des hommes importants, des hommes haut placés par les fonctions qu'ils occupent. Eh bien, ou a nommé le président de l'Académie de médecine ; celui qui, par le choix de ses collègues, est à la tête de l'Académie de médecine, je pense qu'il peut figurer à la tête d'un jury de médecine.
Supposons un médecin non-fonctionnaire à la tête de l'Académie de médecine, et que le ministre de l'intérieur lui propose d'aller présider, pendant des semaines, le jury de médecine à Gand, à Liège ou à Louvain, votre médecin, qui n'est pas fonctionnaire, refusera ; il ne fera pas au pays le sacrifice de sa clientèle pour aller présider des jurys hors de Bruxelles. Le fera-t-il même à Bruxelles ? Cela est douteux. Il est donc indispensable, notamment pour les fondions de président des jurys de médecine, de choisir des fonctionnaires publics, car vous ne trouveriez aucun médecin, apte à présider, qui consentira à abandonner sa clientèle, pour se livrer à ces fonctions laborieuses et qui ne doivent rien lui rapporter, si vous défalquez de ce qu'il doit recevoir ses frais de route et de séjour.
Je n'hésite pas à déclarer que si les membres de la Chambre se trouvaient par trop offusqués des émoluments que reçoit le président d'un des jurys de médecine, on lui rendrait très certainement service en obtenant de M. le ministre de l'intérieur de vouloir bien le décharger de ses fonctions.
Et ce que je dis pour celui-là, je le dis pour tous les fonctionnaires publics qui président les jurys. Ils sont dans le même cas ; ils touchent des traitements comme fonctionnaires publics, et des indemnités comme membres du jury.
Vous ne trouveriez pas, en dehors des fonctionnaires publics, beaucoup de particuliers qui voulussent s'assujettir à des fonctions si onéreuses et si peu rétribuées ; c'est dans les fonctionnaires publics d'un ordre élevé que le gouvernement est obligé de choisir les présidents des jurys, car en dehors des fonctionnaires publics qui doivent leurs services à l’Etat, trouveriez-vous, par exemple, un seul avocat qui abandonnât sa clientèle pour aller présider des jurys ? On prend donc des présidents dans l'armée, dans la magistrature, dans le service de santé militaire, et personne, je pense, n'a le droit de reprocher, comme spéculation, à ces membres du jury les émoluments très faibles qu'ils reçoivent en retour des services qu'ils rendent.
Le reproche qu'on fait peser sur le président d'un des jurys de médecine retombe sur les présidents de tous les autres jurys. Et croyez-vous que ce reproche puisse produire une bonne impression sur ces hommes honorables ? Mais que feriez-vous, s'ils venaient à refuser leur concours à l'Etat ? Ils en auraient le droit.
M. de Man d'Attenrode. - Il n'y a pas de danger.
M. Rogier. - Respectez, je vous prie, ce qu'il y a de respectable dans le pays ; livrez, si bon vous semble, vos attaques violentes contre ceux qui peuvent se défendre ici, mais n'attaquez pas ceux qui sont en dehors de cette enceinte et qui, sous le rapport de l'indépendance, du caractère et de la délicatesse des sentiments valent bien l'honorable député de Louvain.
Je borne là mes observations, je demande que l'auteur de l'amendement veuille bien le préciser, afin que nous sachions ce que nous votons en le votant.
M. de Man d'Attenrode. - Messieurs, je ne puis laisser sans réponse les provocations qui viennent de m'être adressées de la manière la plus directe. Je suis obligé de prendre la parole, je m'étais cependant déterminé à garder le silence.
L'honorable préopinant s'est plaint maintes fois de ce que ces débats se prolongeaient outre mesure, et voilà maintenant qu'il vient de vous faire rentrer en pleine discussion générale pour recommencer les récriminations qu'il a déjà adressées à l'organe de votre section centrale.
Or, ce n'est pas là le moyen d'en finir de ces discussions ; je ne sais en vérité ce que veut l'honorable membre ; où veut-il en arriver ? Entend-il interdire aux sections, aux sections centrales, qui en sont l'expression et à la Chambre tout entière, la discussion, l'examen des actes de l'administration ? On serait en droit de le supposer. Car quels sont les membres de cette Chambre qui consentiront, à l'avenir, à remplir les pénibles fonctions de rapporteur, si un travail consciencieux et approfondi doit avoir d'aussi vives récriminations pour résultat et pour récompense ?
Quant à moi, que l'honorable M. Rogier en soit bien convaincu, ses attaques n'affaibliront pas mon courage, elles né feront qu'augmenter l'énergie que m'inspire l'accomplissement bien complet de mon mandat de représentant du pays.
Nous avons créé des abus imaginaires ! Voilà ce que l'on ose déclarer. Voilà les aménités que l'on se permet d'adresser au rapport de la section centrale. Une accusation aussi vague est facile. Mais qu'on indique un article de ce budget, si on le peut, à propos duquel on est parvenu à établir que le travail de la section centrale avait mis la Chambre en erreur ? Tout ce que la section centrale a avancé, elle l'a établi sur des motifs, sur des preuves que vous avez été incapable de renverser. Au commencement de cette discussion vous avez cependant avancé sans hésiter que le travail de la section centrale était un tissu d'erreurs, nous voilà arrivés à la fin ; quelles sont ces erreurs dont vous avez établi la réalité ? (Interruption.) Vous n'en avez pas établi une seule.
On dit que nous cherchons à déconsidérer les fonctionnaires publics. Il est par trop commode d'abriter ses actes derrière l'intérêt du personnel. Nous nous sommes élevés contre des actes posés par des ministres responsables devant cette Chambre, contre des actes que nous sommes en droit de critiquer.
Y a-t-il de ma faute si le budget de l'intérieur est un composé de traitements, d'indemnités, de subsides, de gratifications personnelles ? S'interdire les questions des personnes, ce serait s'interdire l'examen du budget.
Je ferai donc remarquer à la Chambre qu'il est extraordinaire que l'honorable député d'Anvers, qui se pose souvent ici comme le défenseur-né du système parlementaire, cherche à entraver l'exercice de nos droits de représentants du pays. Au reste, messieurs, c'est l'honorable M. Rogier lui-même, qui, par des destitutions imméritées, a déconsidéré les fonctionnaires publics et qui les a découragés ; ce n'est donc pas à lui qu'il appartient d'adresser ce reproche à n'importe qui dans cette Chambre.
Maintenant, à quel propos m'adresse-t-on ces attaques ? C'est à propos d'une simple note, insérée dans le rapport de la section centrale, car je n'ai pas encore prononcé une parole dans cette discussion. On ne peut donc m'attaquer qu'à propos d'un renseignement dont l'insertion a été adoptée par la section centrale. C'est donc à une section centrale, représentant la Chambre, le parlement tout entier, que ces attaques s'adressent.
J'hésitais à prendre la parole, on m'a provoqué sans motifs plausibles ; mon devoir, mon honneur, m'obligent de parler ; j'en laisse toute la responsabilité à mon honorable provocateur.
Voyons un peu en quoi consiste cette note insérée dans le rapport de la section centrale, cette note qui soulève tant de tempêtes ?
Elle se borne à faire connaître quoi ?
Que le président de l'Académie de médecine touche une indemnité de 1,000 fr.
Que le secrétaire et le secrétaire-adjoint jouissent d'un traitement de 2,500 fr.
Qu'un subside de 1,680 fr. est alloué sur la dotation de l'Académie à un homme de lettres de Paris pour faire valoir les travaux de cette compagnie savante.
Maintenant, comment se fait-il qu'une note aussi simple ait causé autant d'émotion ? Comment se fait-il que la publicité donnée à quelques dépenses de l'Académie cause autant d'irritation chez certaines personnes contre le rapporteur de la section centrale, contre un acte très légitime de la section centrale ?
La cause en est facile à indiquer.
C'est que ces dépenses ne sont pas faites au point de vue des intérêts (page 701) du pays ; c'est évident puisque la publicité, qui est de droit dans notre gouvernement constitutionnel, excite tant de mécontentement.
D'ailleurs j'espère que cette discussion portera ses fruits, j'espère qu'elle mettra fin à des divisions, à des discordes peu compatibles avec les progrès de la science.
J'espère, dis-je, que cette discussion ne sera pas stérile.
L'organe du gouvernement ne s'est-il pas cru obligé lui-même de déclarer que la révision de certaines dispositions des statuts, du règlement était nécessaire ? n'a-t-il pas pris l’engagement d'une réforme ?
Cette réforme se serait-elle faite sans cette discussion ?
Il a donc été reconnu par le gouvernement et par l'honorable M. de Theux lui-même qu'il y avait quelque chose à faire, d'abord, quant à la réélection du président.
Dans toutes les compagnies savantes, les présidents qui sont arrivés au terme de leurs fonctions ne sont pas rééligibles pendant quelque temps.
Cette règle était inscrite dans les statuts primitifs ; à peine le titulaire fut-il assis dans le fauteuil, que cet article fut rapporté.
Les statuts furent modifiés de manière à permettre de faire du premier titulaire de ces fonctions un président perpétuel, une espèce de dictateur du corps médical.
Il sera donc convenable d'en revenir aux statuts primitifs.
Qu'est-ce que cette discussion nous a appris encore ? C'est qu'il existe en Belgique un corps savant auquel nous allouons un crédit, qui ne vote pas le budget de ses dépenses et qui n'arrête pas ses comptes, tandis que sens notre régime constitutionnel il n'est pas de corps constitué, depuis le conseil communal du plus petil village jusqu'à la Chambre des représentants, qui n'envisage comme l’une de ses attributions les plus essentielles à son existence, le vote, de ses dépenses et l'approbation des comptes !
Or, ces attributions, l'Académie ne les exerce pas ; c'est son bureau qui les remplit en son nom ; aussi suis-je en droit de prétendre que nos efforts, loin de jeter la déconsidération sur l'Académie, tendent à la soustraire à une tutelle, à un joug humiliant. Le mot m'échappe, je ne résiste pas à le dire.
En général on n'a pas nié ce qui a été avancé.
Mais, d'après certaines personnes, cette situation est inattaquable, elle est même légitime, puisque l'Académie lui a donné la sanction de son vote. Le joug dont je viens de parler est donc une illusion.
Eh bien, messieurs, je le dis sans détour, la liberté est ici quelque peu compromise par la conduite du gouvernement lui-même.
Quand un gouvernement accumule sur une même personne les faveurs, les traitements, les distinctions, les moyens d'influence, n'est-il pas tout simple que cette conduite persuade aux hommes, que le moyen d'obtenir de l'avancement, des distinctions si désirées, c'est de céder aux puissances de l'époque, c'est de céder à ceux qui ont l'oreille du pouvoir, qu'il est au moins prudent de garder le silence.
C'est là, malheureusement, l'histoire du ceeur humain. Or, il vient ensuite un moment où le joug paraît trop lourd pour quelques-uns, où les plaintes surgissent, il arrive un moment où l'on cherche à le secouer.
M. Tesch. - Prenez garde, M. de Man, vous tirez sur vos amis ! (Interruption.)
M. de Man d'Attenrode. - On m'a poussé dans ce débat malgré moi ; je demande que l'on ne m'excite pas à aller plus loin par des interruptions.
Au reste, je vais vous énumérer les positions qui créent cette puissance :
L'inspection du service de santé de l'armée, l'inspection du service de sauté des prisons, l'inspection du service de santé de la marine, la présidence perpétuelle de l’Académie de médecine, la présidence annuelle des jurys d'examens universitaires, la vice-présidence du conseil supérieur d'hygiène publique, la surveillance de l'Ecole vétérinaire de l'Etat, etc., etc., etc.
Cette énumération suffit pour établir ce que je viens d'avancer.
Messieurs, l'on a cru pouvoir blâmer l'honorable M. Osy, parce qu'il s'est permis de vous faire le compte des traitements réunis dans une même personne. Je me rappelle que l'honorable M. de Royer de Wolder s'est livré à la même démonstration dans une séance du Sénat.
D'après l'honorable M. Osy, ces divers cumuls aboutissent à un traitement d'environ 18,000 fr.
J'ai exercé le même droit constitutionnel que mon honorable ami, et mes recherches m'ont démontré, qu'en récapitulant les traitements, les indemnités, les frais de bureau, les frais de route, etc., on arrive à un total d'environ 21,000 fr. pendant l'année 1851, en y comprenant toutefois les indemnités qu'assure la présidence des jurys d'examens universitaires.
Or, le chiffre de ces indemnités ne peut être évalué que d'une manière approximative par suite de la mesure prise en 1850 par l'arrêté du 24 juillet ; arrêté qui a soustrait au contrôle de la cour des comptes ainsi qu'à celui de la législature les dépeuses faites pour ces jurys d'examens universitaires.
M. Rogier. - C'est si peu secret que le Moniteur les publie.
M. de Man d'Attenrode. - Le Moniteur publie, il est vrai, un compte rendu des dépenses, deux fois par an. Mais ce compte est rendu de manière à ce qu'il est impossible de vérifier quelles sont les indemnités, soit d'un président, soit d'un examinateur.
D'ailleurs, vous le savez, messieurs, les cahiers de la cour des comptes constatent ses réclamations. La cour a déjà fait remarquer à trois reprises, que le contrôle des frais des jurys, lui avait été enlevé par l'arrêté du 24 juillet 1850. J'en ai d'ailleurs acquis la preuve, en voulant, mais en vain, m'assurer du chiffre des indemnités de toute nature que réunissent les présidents du jury.
L'on s'csl étonné à bon droit, dans cette enceinte, que l'Académie de médecine ne votât pas son budget, qu'elle n'arrêtât pas ses comptes.
C'est au bureau que sont réservées ces fonctions.
Cependant l'article 101 du règlement dit : que le secrétaire... présente tous les trois mois au bureau le compte de sa gestion financière, elil se termine par ces mots : « ces comptes sont vérifiés et approuvés tous les ans. »
Or n'est-il pas évident que ce dernier paragraphe ne s'applique pas au bureau qui déjà examine la gestion financière de la compagnie quatre fois par an, mais que ce paragraphe s'applique à l'Académie elle-même ?
Eh bien, cet article a été interprété de telle façon, qu'on ne lui soumet pas ses comptes, qu'elle ne les arrête pas.
Est-il dès lors surprenant qu'une somme de 1,680 fr. ait été envoyée chaque année à un homme de lettres de Paris pour faire valoir les travaux de notre corps médical, et que cette dépense ait été un objet de surprise pour l'Académie de médecine ?
Le gouvernement a soutenu que cette dépense était utile, afin de faire connaître à Paris les travaux de l'Académie, afin de leur faire franchir nos petites frontières.
Or, il est évident que lorsque ces travaux offriront quelque chose de remarquable, ils sauront bien franchir nos frontières ; la presse étrangère sera même heureuse de les accueillir. Cela est si vrai, que des travaux exécutés en dehors de l'Académie ont obtenu l'accueil le plus flatteur dans les journaux qui, à Paris, s'occupent des sciences médicales.
Cette dépense est donc inutile, l'Académie l'a reconnu elle-même, le bureau a été obligé d'y renoncer.
Cette dépense était d'autant moins excusable, que l'Académie de médecine, ou je dirai plutôt son bureau ne trouve que 4,000 fr. de disponible pour favoriser les publications scientifiques.
Or, quel emploi plus utile peul-on donner au crédit que nous votons ici ?
Et lorsque l'Académie ne dispose que de 4,000 fr. pour des publications, une société particulière, celle des sciences médicales et naturelles de Bruxelles, est parvenue à en dépenser 6,000 fr. pour le même objet.
Or, cette société ne jouit pas d'un subside de 20,000 fr. comme l'Académie, mais d'un léger subside de 1,000 fr. que l'impartialité de l'honorable M. Piercot a bien voulu lui accorder.
M. le ministre de l'intérieur a fait à cette occasion un acte de justice dont je tiens à lui tenir compte ; car voici ce qui est arrivé : cette société, fondée en 1822, jouissait depuis longtemps d'un subside de 600 fr. En 1850 ce léger subside lui fut retiré, on ne sait trop pourquoi.
Mais voici un fait qui prouve que l'Académie doit être débarrassée d'une tutelle qui nuit à sa dignité.
En 1850, l'Académie voulant récompenser les travaux scientifiques remarquables d'un docteur en médecine, l'inscrivit par une décision solennelle sur la liste des aspirants au titre de membre correspondant.
Trois places devinrent vacantes en mars 1853, la majorité de la commission composée de membres du bureau s'arrogea le droit de faire disparaître de la liste le nom du jeune écrivain.
En octobre des places deviennent vacantes, la radiation est maintenue, et il a fallu que l'Académie décidât que personne n'avait le droit d'annuler ses décisions, pour réintégrer le nom du candidat.
Il faut avouer, messieurs, que l'on ne sait comment qualifier un fait semblable.
Ajouter au procès-verbal d'un assemblée une décision qui n'aurait pas été prise est une grande faute ; mais rayer de son procès-verbal un nom qu'elle y a inscrit est une faute plus grande encore.
Messieurs, ce serait m'engager dans de trop longues discussions, si je vous disais que les commissions prolongent certains travaux d'une manière démesurée.
Ainsi, l'examen du projet de loi sur (erratum, page 711) l’article vétérinaire voté en 1850 a coûté 1,780 fr. au trésor sans les frais de route.
La pharmacopée belge est en discussion depuis 11 ans ; on présume que ce travail, qui aurait dû être terminé en 2 ans, a déjà coûté 20,000 fr. en indemnités de toute nature au trésor.
Maintenant, messieurs, avant de terminer je demande que l'Académie se conforme dans la tenue de ses séances aux règles en vigueur dans toutes les assemblées.
Qu'elle vote son budget et ses comptes ;
Que son président soit élu annuellement, et ne soit pas rééligi le pendant quelque temps ;
Que son secrétaire soit rétribué convenablement, pourvu qu'il soit assidu au travail.
Quant à l'amendement de l'honorable M. JuIIiot, je l'adopterai, s'il est mis aux voix, afin que la Chambre puisse se prononcer.
Mon but n'est pas de réduire le budget de l'Académie, je serai tout disposé à lui restituer cette somme dans la suite, si elle est nécessaire. Ici je termine.
- Plusieurs voix : La clôture ! La clôture !
(page 698) M. le président. - La parole est à M. de Perceval.
M. de Perceval. - La discussion prend un caractère tellement personnel, qu'elle me paraît de nature à compromettre plus ou moins la dignité de la Chambre. Ne voulant pas la continuer sur ce terrain, je renonce à la parole.
M. Mercier. - M. le ministre a dit qu'il porterait son attention sur les points qui ont fait l'objet de ce débat et qu'il examinerait si les statuts et le règlement d'organisation ne sont pas susceptibles de modification sous certains rapports. Cette déclaration me suffit et je me permets d'engager mon honorable ami M. Julliot à en prendre acte et à retirer sa proposition sauf à la représenter plus tard s'il y a lieu.
M. Julliot. - Messieurs, je m'applaudis d'avoir fait ma proposition. M. le ministre vient de s'engager formellement à réviser les statuts de l'Académie, afin de prévenir tout abus futur ; je prends acte de cet engagement ; le but que je me proposais est atteint et je retire ma proposition.
- L'article 121 est mis aux voix et adopté.
La séance est levée à 4 1/2 heures.