(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1852-1853)
(Présidence de M. Delfosse.)
(page 1669) M. Maertens procède à l'appel nominal à midi et en quart.
M. Vermeire lit le procès-verbal de la séance d'hier ; la rédaction en est adoptée.
M. Maertens présente l'analyse des pièces qui ont été adressées à la chambre.
« Les membres du septième district agricole de la province de Limbourg demandent que la compagnie coecessionnaire du chemin de fer de Hasselt vers Maestricht soit obligée de construire un embranchement de Bilsen sur Ans par Tongres, et d'établir une statien à Lanaken. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Les sieurs Laridon et Blondeel, huissiers de justice de paix, demandent l'établissement d'une caisse de pension en faveur des huissiers, la diminution du nombre des huissiers, la substitution d'une indemnité annuelle et fixe au salaire éventuel qu'ils reçoivent pour les exploits en matière de police et pour le service des audiences, et l'autorisation d'instrumenter dans les matières du ressort de la justice de paix. »
- Même disposition.
« Des fabricants de coke et d'autres intéressés à cette industrie à Charleroi prient la chambre d'accorder à la compagnie Lejeune la concession d'un chemin de fer industriel du centre et de jonction des railways du Hainaut. »
- Même disposition.
« Le sieur Lambotte, professeur des sciences à Namur, proteste contre les assertions de M. le ministre de l'intérieur au sujet de la réorganisation de l'athénée de cette ville, et demande l'autorisation de le poursuivre de ce chef. »
- Même disposition.
« Des électeurs à Meerle demandent que chaque circonscription de 40,000 âmes nomme un représentant et que l'élection se fasse, sinon dans la commune, au moins au chef-lieu de canton. »
- Renvoi à la commission des pétitions du mois de mars.
« M. T Kint de Naeyer, retenu chez lui par une indisposition, demande un congé. »
- Accordé.
« M. Mercier, obligé de s'absenter, demande un congé. »
- Accordé.
M. le président. - Le gouvernement se rallie-t il au projet de la section centrale ?
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Oui, M. le président.
M. le président. - En conséquence, la discussion s'ouvre sur le projet de la section centrale.
Messieurs, nous allons nous occuper d'une assemblée qui a laissé d'impérissables souvenirs, d'une Reine qui a emporté dans sa tombe d'unanimes regrels. Faisons un instant trêve à nos luttes politiques, pour nous placer à la hauteur du débat ; ne mêlons aucune parole amère aux sentiments de reconnaissance et d'admiration que nous devons tous éprouver.
Voici un amendement qui a été déposé sur le bureau par MM. de Brouwer de Hogendorp et Coomans :
« Les noms des membres du Congrès et le texte de la Constitution seront retracés sur le monument, qui sera surmonté de la statue de S. M. Léopold Ier. »
M. Thiéfry (pour une motion d’ordre). - Le projet de loi qui nous est soumis a pour but de perpétuer un hommage de reconnaissance aux auteurs de la Constitution, aux hommes qui nous ont légué les institutions les plus libérales qu'il y ait en Europe, et à une Reine dont les vertus et la bonté ont excité une manifestation de regret jusque dans le plus petit village du pays.
Il s'agit donc ici, messieurs, d'une manifestation nationale, et chaque fois qu'il a fallu en Belgique donner, dans de grandes circonstances, des preuves d'attachement au pays, l'esprit de parti a entièrement disparu, toute division a toujours cessé.
Il est désirable qu'il en soit encore ainsi aujourd'hui, et, pour atteindre ce résultat, j'ai l'honneur de proposer à la chambre de réserver pour des discussions ultérieures les observations que l’on serait en droit de présenter sur les dépenses déjà soldées. En oubliant nos dissensions politiques dans un semblable moment, nous gagnerons en estime aux yeux de l'étranger, notre nationalité prendra de plus profondes racines : et je ne ferai à personne l'injure de croire qu'il y ait dans cette enceinte moins de patriotisme d'un côté de cette chambre que de l'autre. Je sais qu'il ne s'élèvera pas une seule voix contre les conclusions de l'excellent rapport de la section centrale. Eh bien, je demande que le vote soit digne de la chambre, digne du pays.
- La discussion générale est ouverte.
- De toutes parts. - Aux voix ! aux voix !
M. de Mérode. - Il n'y a plus de liberté ici ; je demande formellement qu'il y ait une discussion.
M. Lebeau. - Messieurs, je demande instamment qu'on entende tous les orateurs qui se proposent d'exposer leur opinion et M. de Mérode lui-même qui s'est complètement trompé sur les intentions de l'honorable M. Thiéfry ; bien certainement les paroles de l'honorable M. Thiéfry sont celles, je ne dirai pas de la majorité, mais de l'unanimité de la chambre. C'était un appel à d'anciens souvenirs sur lesquels il ne devait pas y avoir l'ombre d'un dissentiment et sur lesquels, je l'espère, le vote de la chambre prouvera dans quelques instants qu'il n'y en a point ; l'honorable M. Thiéfry n'a nullement eu l'idée d'étouffer la discussion. Mais on comprend bien de quelle nature délicate, surtout depuis quelque temps, cette discussion est empreinte, et par conséquent les sages recommandations de M. le président, si bien accueillies et appuyées par l'honorable M. Thiéfry, ne doivent perdre leur caractère aux yeux de personne et moins encore de l'honorable M. de Mérode.
M. de Mérode. - J'ai réclamé, quand j'ai entendu crier « aux voix ! aux voix ! »
M. le président. - La discussion est ouverte sur l'ensemble du projet.
La parole est à M. Jacques.
M. Jacques. - Je n'ai que quelques mots à dire. Je ne veux pas abuser des moments de la chambre, dans cette dernière réunion ; je ne prends la parole que pour motiver mon vote et je le ferai en très peu de mots.
Je pense que la meilleure manière d'honorer la mémoire du Congrès c'est de rester fidèle aux principes que le Congrès a introduits dans l'administration du pays. L'un de ces principes, et es n'est pas le moins important, consiste à ne disposer des fonds prélevés sur les contribuables que pour des dépenses nécessaires ou pour des dépenses qui, sans être d'une nécessité absolue, se présentent au moins avec le caractère d'une utilité certaine et incontestable.
Donner un autre emploi aux fonds des contribuables, ce n'est pas, je le sais, commettre un vol prévu par le Code pénal ; mais ce n'est pas moins détourner les fonds de leur destination légitime, ce n'est pas moins un acte condamné par les lois de la morale.
Le Congres national a su créer lui-même des monuments qui suffirent à sa gloire.
La Constitution libérale qu'il a décrétée, la monarchie et le gouvernement démocratique qu'il a fondés, la nation belge qui vit calme et heureuse sous les institutions que le Congrès lui a données, voilà, selon moi, des monuments durables que le Congrès s'est érigés à lui-même, des monuments précieux qu'il suffit de conserver et d'entretenir pour que la mémoire du Congrès soit à jamais respectée ; voià des monuments qui, sans rien coûter aux contribuables, valent mieux que les colonnes, les statues et les emblèmes indiqués par les artistes consultés par M. le ministre de l'intérieur.
Attachons-nous, messieurs, à conserver ces monuments magnifiques, ces monuments si pleins de vie, ces monuments si glorieux pour la Belgique et pour le Congrès national.
Gardons-nous bien de les remplacer par un amas de briques, de pierres et de bronze. Ce ne serait là qu'un monument sans vie, sans importance et qui ne correspondrait nullement à l'élévation du sujet.
On pourra prélever un million sur les poches des contribuables, pour favoriser quelques entrepreneurs et quelques artistes. Mais la liberté, la prospérité et l'indépendance de la Belgique n'y gagneront rien.
Je voterai contre le projet.
M. Vander Donckt. - En présence de la manifestation qui a es lieu dans la chambre, je renonce à la parole.
M. Osy. - C'est sans doute lorsqu'il s'agit de faire un monument à notre Constitution, qu'on doit respecter la lettre et l'esprit de la Constitution. C'est à cette occasion qu'on devait consulter la chambra et ne pas décréter le monument par arrêté royal.
Nous aurions examiné ce qu'il serait convenable de faire pour un monument destiné à perpétuer ce que nous avons fait en 1830.
Mais pas du tout. Le gouvernement ne s'est pas soucié du parlement, et il a décrété d'office un monument qui doit être payé par le pays.
Comment a-t-on pu croire que la nation, les particuliers, les communes, auraient payé 7 ou 8 cent mille francs, lorsque les communes, pour la moindre dépense qu'elles ont à faire, demandent l'aide de l'Etat. Aussi je me suis opposé au vote des crédits de 5,000 fr. et de 25,000 fr. portés aux budgets de 1851 et de 1852. Tout cela a été fait de la manière la plus irrégulière et la moins convenable pour la chambre.
(page 1670) Je dis, messieurs, qu'on aurait pu nous consulter. Nous aurions pu voir ce que nous avions à faire. Mais il y a eu des souscriptions, comme vous l'avez vu, pour une somme de 150,000 francs. Qu'a-t on fait de ces 150.000 francs ? On a dépensé au-delà de 27,000 francs pour faire des constitutions illustrées qui forment de véritables caricatures et l'on a dépensé 2,727 francs pour une histoire du Congrès.
Convenez que ce n'est pas dans ce but que les communes et les particuliers ont souscrit.
Sous ce rapport, je proteste de la manière la plus formelle contre ce qui a été fait.
Messieurs, une proposition a été déposée sur le bureau. Si cette proposition est admise, je voterai pour le projet de loi, parce que de cette manière nous aurons eu notre mot à dire dans cette affaire. En effet, qu'aurait été la Constitution sans le Roi ; eh bien, c'est en surmontant le monument de la statue du Roi que nous ferons une œuvre digne de l'avenir.
Si cet amendement n'est pas adopté, je voterai contre l'érection de ce monument. Car si nous voulons la Constitution, et nous l'avons prouvé dans toutes les circonstances, nous n'avons pas besoin de quelques pierres mises les unes sur les autres pour montrer le respect que nous lui portons.
Quant à l'amendement qui a été introduit par la section centrale, je le voterai avec la plus grande joie. Car nous ne pouvons assez faire pour une Reine chérie dont nous avons déploré si vivement la perte, et je suis charmé que cette fois il s'agisse d'une résolution due à l'initiative de la chambre et non à un arrêté royal.
M. Rogier. - Le monument de la Reine a été décrété par arrêté royal.
M. le ministre de la justice (M. Faider). - Messieurs, j'ai lu avec une profonde émotion l'excellent rapport de votre section centrale sur le projet de loi actuellement en discussion. Si le témoignage d'adhésion d'un bon patriote et d'un membre du gouvernement peut être agréable à l'honorable rapporteur, je le lui adresse ici avec une grande sincérité.
Je pense également, messieurs, que la chambre donnera son adhésion unanime au projet de loi, pour les raisons qui ont été si éloquemrnent développées par l'honorable abbé de Haerne.
Je vois figurer dans le projet de loi en discussion un crédit pour l'achèvement du monument érigé en commémoration de notre Reine tant regrettée.
Je viens d'entendre l'honorable baron Osy se féliciter de ce que l'initiative de cette allocation vient de la chambre. Je dois m'associer, messieurs, aux sentiments de satisfaction que l'honorable baron Osy exprime. Mais je dois également revendiquer dans cette disposition la part du gouvernement.
La chambre ne perdra pas de vue qu'un arrêté royal a déjà approuvé le plan de l'église de Laeken, et ordonné la mise en adjudication des travaux, et que dans la séance du 12 mai dernier, lors de la discussion du budget de la justice, j'ai annoncé à la chambre qu'un crédit extraordinaire devrait être demandé ultérieurement pour assurer l'achèvement de ce monument. J'ai prévu alors ce qui se réalise aujourd'hui ; j'ai prévu que tous les cœurs de la chambre donneraient une adhésion spontanée à la proposition et je reçus de la part d'un des honorables membres, l'honorable M. Dumortier, l'expression d'une approbation qui était aussi sincère que celle de tous les membres de la chambre aujourd'hui.
Messieurs, les détails dans lesquels l'honorable ministre de l'intérieur est entré au sein de la section centrale concordent parfaitement avec les résolutions qui ont été arrêtées au département de la justice. Nous nous étions mis d'accord, mes honorables collègues et moi, dans une correspondance qui date déjà de plusieurs semaines sur les bases du projet. Nous avons reconnu en conseil des ministres la nécessité de demander ultérieurement un crédit à la chambre, mais nous ne l'avons pas demandé immédiatement parce que nous pouvions marcher quelque temps avec les fonds dont nous sommes actuellement possesseurs.
Je pense donc, messieurs, que l'idée de faire partir de l'exercice 1854 l'allocation du crédit à répartir sur cinq années est parfaitement conforme à toutes les convenances et je ne puis, messieurs, qu'adhérer à la rédaction de la section centrale pour ce qui concerne la construction de l'église de Laeken.
Messieurs, au moment de vous séparer, vous aurez, par le vote du projet actuellement soumis à votre approbation, consacré deux grands fails et assuré l'établissement durable de deux grands symboles, celui de nos libertés publiques dans la colonne du Congrès et celui de la perpétuité de notre dynastie dans l'église de Laeken.
M. de Mérode. - Les contemporains qui s'éîèvent à eux-mêmes des monuments doivent être sobres dans leur construction doivent y appliquer un goût très délicat ; parce que la sanction du temps leur manque, et notre œuvre politique est loin de l'avoir encore acquise, ce qui n'est pas notre faute, puisqu'il ne nous est pas donné de transformer les mois en années et de supprimer les chances éventuelles.
Selon ma conviction, en unissant le présent au passé à l'égard d'un monument qui concerne des faits très nouveaux, nous ne risquons point que l'avenir le transforme en œuvre vaine, comme il est arrivé ailleurs.
Les enfants du royaume belge pourront selon la nature des événements qui nous suivront juger plus sûrement la valeur des actes de notre époque. Si leurs conséquences n'étaient pas conformes à l'importance que nous leur attribuons, l'excès de vanité que nous aurions montré trop tôt tournerait contre nous. On n'attaque pas facilement la modestie, on rit de la boursouflure.
C'est pourquoi je repousse la colonne, parce qu'il faudrait sur cette colonne quelqu'un qui ait vécu pour lui donner de la vie et du sentiment.
Peu de personnages ont été représentés sur des colonnes. Je ne connais pas de roi de France qu'on ait posé si haut. Quant aux figures d'imagination symbolique et de fantaisie, on les place où l'on veut. Elles n'ont point de convenances personnelles à ménager.
Ne croyant pas que la chambre eût le loisir de discuter encore le projet de monument qui nous occupe, j'avais indiqué par la presse le rapport intéressant qui existe entre l'œuvre du Congrès et le règne des princes Albert et Isabelle destines à fonder à la fin du XVIème siècle une dynastie belge indispensable à l'indépendance politique du pays.
J'ai donc proposé de rattacher à leur mémoire, vénérée des contemporains, le souvenir de l'assemblée fondatrice des libertés et de l'indépendance nationales récemment conquises.
Si l'extrême goût de la nouveauté exclusive et l'amour-propre peu raisonné qui pense avoir créé une Belgique en 1830, s'imaginant qu'on forme un Etat en quelques jours de révolution, écartent le projet que je crois le meilleur, je me rattache à l'idée produite par deux membres dans la section centrale et qui fait de la statue du Roi partie essentielle du monument.
Je voudrais y joindre celle de la Reine, compagne intime de la fondation de l'indépendance belge, et qui sut acquérir pleinement l'estime et l'affection du peuple.
Ces figures remplaceraient avec infiniment d'avantages le fût d'une colonne. Le piédestal soigné sur lequel seraient inscrits les noms des députes au Congrès et quelques articles capitaux de la Constitution, au lieu de prêter son appui à un cylindre bronzé très coûteux, porterait les images des deux personnes royales qui furent nécessaires à la consolidation de l'œuvre du Congrès constituant ; car la royauté y joua un principal rôle dont nous avons grandement à nous féliciter.
Si j'ai cru et crois encore supérieure en prévoyance une autre ornementation, c'est par attachement pour notre royauté même ; je voudrais, en effet, la présenter toujours non pas seulement comme le résultat de l'émotion populaire de 1830, mais comme une institution que nos pères désiraient ainsi que nous l'avons voulu plus tard et qu'ils regrettèrent de n'avoir pas obtenue faute d'une postérité princière exclusivement nationale pour la Belgique et qui fit défaut à leur espoir.
Dans mon esprit, cette pensée s'applique également à l'indépendance récemment gagnée. Je voudrais que notre monument rappelât qu'elle n'est pas sortie d'un caprice tout neuf ; mais de très anciennes réminiscences, de droits très respectables par les souvenirs qui les appuient. Voir je ne sais quels fantômes féodaux dans ma conception, serait une erreur complète. Je n'ai pas coutume de déguiser mes vues, je les montre toujours telles qu'elles sont, parce que je désire vivement ce qui me semble bon pour mon pays, pas autre chose, et dès lors pourquoi craindrais-je m'exposer mes sentiments sans réticence ? Si je me fourvoyais, je suis sûr de trouver des contradicteurs, et dès qu'ils me démontreraient que je me trompe, je m'empresserais de me rendre à leurs arguments.
J'en ai dit assez, messieurs, pour que vous ne voyiez point, dans le désir que j'ai manifesté de rattacher au souvenir d'Albert et d'Isabelle notre nouvelle existence nationale et notre dynastie propre, des combinaisons subtiles et cachées. J'ai mis toutes mes prétentions quelconques sous vos yeux.
C'est donc à tort qu'on s'est montre indigné afin d'obtenir la précipitation des votes de la chambre. A quoi mènerait une fougue prétendument patriotique à ce sujet ? Elle conduirait à l'exclusion de toute idée de royauté sur le monument. Oui, la colonne admise, cette pensée ne trouve plus de place.
Il est facile de s'en convaincre lorsqu'on examine les précédents ; en effet le Roi a rendu d'immenses services à la Belgique ; mais grâce à l'insouciance du gouvernement qui le précéda à l'égard de l'armée et aux avantages qu'avait la Hollande de posséder presque tout le corps d'officiers et les anciens chevaux de troupe, grâce aussi à l'indiscipline excusable qui suit une révolution, Léapold à peine arrivé en Belgique, surpris par un subit envahissement contraire à des conventions formelles, ne put la défendre avec succès, et sans l'assistance prompte de la France notre cause était perdue ; or ces circonstances historiques ne rendent pas la colonne, surmontée de la statue du Roi, judicieusement applicable ici ; nous sommes trop près de la colonne de la place Vendôme.
L'existence de notre chef se distingue sous un point de vue bienfaisant, non sous un point de vue triomphal. Par lui notre peuple a joui des bienfaits de la liberté, il n'a pas été victime du fléau de guerres continuelles, et en fin de compte, désastreuses après la grandeur des victoires. Mais chacun le sait, les très grands gagneurs de très grandes batailles ont le privilège d'éblouir les imaginations, même quand ils compromettent et perdent les nations. Ils peuvent donc, sans sortir des coutumes qu'admet le monde, paraître au sommet d'une colonne ; et cependant aucun roi de France, je l'ai dit, n'a été mis si haut. Voilà comment dans l'occurrence la colonne exclurait de notre monument le soutenir de la royauté, et en arrachant par surprise le vote d'une chambre (page 1671) inattentive et pressée de se séparer, on supprime la part qui revient à la couronne tutélaire de la Belgique sur le monument destiné à consacrer la fondation reprise de sa nationalité, on manque de la sorte à la reconnaissance de la vérité ; parce que sans cette couronne l'œuvre du Congrès n'eût point été durable.
Voilà donc aussi pourquoi mon patriotisme réfléchi n'a pas été honteux de s'opposer éncrgiquement à une délibération précipitée sur la colonne de M. Rogier qui mériterait plutôt ce nom que celui de monument du Congrès ; car M. Rogier en serait le père tout seul, n'ayant mis au concours que cela.
Après ces explications, l'on peut comprendre avec moins de peine à quoi sert en toute chose sérieuse et délicate un sérieux examen.
M. de Haerne. - Messieurs, comme rapporteur de votre section centrale, je désire vous présenter quelques observations sur ce qui s'est passé au sein de cette section, et répondre, avec toute la réserve qu'exigent de hautes convenances, à certaines objections qui viennent d'être articulées.
J'ai besoin d'abord, messieurs, de vous dire que lorsqu'il fut question pour la première fois, dans cette enceinte, du monument à ériger au Congrès, je pris la parole, il y a de cela quelques mois ; je reconnus, en principe et d'après les circonstances qui s'étaient présentées, l'utilité, la nécessité de cette construction monumentale, mais j'exprimai en même temps l'opinion que la chose n'était pas très urgente.
J'entendais dire par là qu'il ne fallait pas immédiatement voter toute la somme nécessaire à la construction de ce monument ; nous nous trouvions alors en face de grands besoins, qu'une discussion récente venait de révéler, par rapport aux malheurs qui affligeaient certaines parties du pays, par suite des inondations.
Je trouve que le projet, tel qu'il est conçu, satisfait au désir que je fis connaître alors, puisque enfin le principe que j’ai émis y est consacré et qu'en échelonnant sur cinq exercices la somme à consacrer à ce monument, on ne peut pas dire qu'on en déclare l'urgence.
Je tenais, messieurs, à vous donner ces explications afin de ne pas avoir l'air de revenir d'une opinion que j'ai énoncé il y a quelque temps. Du reste j'en reviendrais volontiers, je conviendrais même franchement de mon erreur en présence des circonstances sur lesquelles j'aurai l'honneur d'appeler votre attention.
Messieurs, il y a dans la vie des peuples, comme dans la vie des individus, des moments décisifs, des occasions solennelles qu'il faut savoir saisir sous peine de s'exposer à compromettre l'avenir.
Le régime constitutionnel est menacé dans plusieurs pays ; pour la Belgique, ce régime est sa raison d'être, son ancre de salut. Faisons voir à l'Europe que nous y tenons plus que jamais et que la Constitution, comme une colonne immobile, a des fondements inébranlables dans le sol de la patrie.
Un grand événement se prépare. Le pays va épouser dans la personne d'un de ses princes une fille de celle qu'on a appelée un grand roi ; en érigeant un monument à une autre fille de Marie-Thérèse que le ciel nous a ravie, faisons voir comment la Belgique vénère la mémoire de la Reine Louise-Marie et comment elle respectera les reines futures qui viendront remplir le vide qu'elle a laissé. Ces deux monuments annonceront au monde que la Belgique a autant d'attachement pour ses institutions que pour ses souverains qui les respectent et les font respecter.
L'honorable M. Jacques se plaignait tout à l'heure de certaines irrégularités ; l'honorable M. de Mérode a fait entendre les mêmes plaintes. Toutes ces observations ont été faites au sein de la section centrale ; nous nous sommes beaucoup occupés de ces questions, mais je dois vous dire franchement, qu'en présence du grand but qu'on veut atteindre, la section centrale a écarté le côté politique et le côté financier du débat.
Messieurs, pour aborder un autre point de vue qui nous a été présenté, le point de vue artistique, permettez-moi de vous faire à cet égard quelques observations.
Les nations, comme les individus, ne vivent pas de pain seulement ; elles vivent encore d'idées et de sentiments, elles vivent de la vie de l'intelligence et des arts. C'est la vie morale qui doit soutenir la vie matérielle ; c'est par là qu'une nation se comprend elle-même, qu'elle a le sentiment de sa dignité et de sa force.
Pour faire fleurir et prospérer une nation, il faut le concours, l'union de toutes ses forces, de toutes ses facultés, de tous les éléments, tant intellectuels que matériels, qui se rencontrent dans son sein. Lorsque l'idée de la beauté morale, qui a ses racines dans les profondeurs de l'âme humaine, est exprimée et rendue palpable par les arts, elle devient le centre autour duquel gravitent tous les efforts, toutes les tendances de la société ; elle devient la source de la vie commune, de la gloire, de la prospérité morale à laquelle se rattache la prospérité matérielle.
J'aime les merveilles de l'industrie ; la locomotive qui efface les distances, la vapeur qui triomphe de la nature, et le télégraphe qui transmet la pensée avec la rapidité de l'éclair ; mais j'aime encore plus les grandes pensées qui viennent du ciel qui prennent un corps, qui s'incarnent, qui se personnifient dans la pierre, le bronze, sur la toile, sous le ciseau ou sous le pinceau de l'artiste.
En dehors de cette enceinte, bien des gens poussent au matérialisme. Opposons-leur les idées religieuses, les idées morales qui s'expriment par les arts.
Je dirai à celui qui ne comprend pas ces idées, qui les résume dans un calcul : « Vous voulez être riche, et vous ne savez pas être homme ! »
Les intérêts matériels me préoccupent toujours vivement. Vous serez assez justes pour reconnaître que j'en ai fait une partie essentielle de mon mandat ; mais je croirais êire infidèle à ce mandat, si je ne défendais avant tout les idées morales, les idées qui se rattachent au beau moral et qui constituent l'âme, l'intelligence et la vie des nations.
Je consentirais volontiers avec certains honorables membres auxquels je réponds, à ériger, au-dessus de la colonne, une statue à celui qui, nous le savons, a décliné à cet honneur, et je graverais à côté de cette statue, l'emblème de la modestie. Mais ne comprenez-vous pas qu'en mettant un tel article dans la loi, vous vous exposez à briser la plume qui doit la signer. (Interruption.)
Je pourrais m'expliquer d'une manière plus claire.
- Un grand nomdre de membres. - On a très bien compris. Continues.
M. de Haerne. - Messieurs, on a parlé de statues à élèver à Albert et à Isabelle, qu'on voudrait aussi placer sur le monument du Congrès.
Certes, ces souvenirs sont chers à la patrie. Je ne repousserai pas non plus cette idée, mais j'hésiterais, je le répète, à en faire un article de loi, dans la crainte d'introduire dans le monument une certaine confusion qui en rendrait le but insaisissable.
J'abandonne ces idées à l'opinion publique, à celle des artistes ; elle les mûrira, et si plus tard on croit devoir adopter certains changements, au point de vue de l'art, on pourra toujours le faire.
A ce propos, on a parlé de statues allégoriques. On ne comprend pas assez, ce me semble, que le symbolisme a toujours joué un grand rôle dans les arts et surtout depuis le christianisme qui s'attache, avant tout, à la pensée, à la beauté morale, à cette beauté qui ne peut se rendre que par des emblèmes.
Le symbole règne dans la plupart des monuments, depuis les Pyramides d'Egypte jusqu'à ces modestes chapelles qui rappellent l'antique héroïsme des Suisses, jusqu'au lion de Lucerne dont nous a parlé avec le talent qui le distingue, l'honorable comte de Mérode, ce lion devant lequel j'ai éprouvé la plus profonde émotion, et qui m'a arraché des larmes en me faisant penser au courage malheureux des Suisses, d'une autre et trop mémorable époque.
La plupart des monuments n'ont leur signification que par l'inscription ou par la tradition ; les statues historiques mêmes sont presque toujours dans ce cas et deviennent une lettre morte, à moins qu'elles ne soient expliquées.
Je ne parlerai pas de la statue équestre de Godefroid de Bouillon : je n'en ai guère vu de plus poétique et de plus expressive ; cependant, on veut la rendre encore plus significative par l'inscription des vers du Tasse :
« Canto l’armi pietose et il capitano
« Che'll grand' sepolcro libero di Cristo. »
A Paris, à Londres, à Berlin, une foule de statues équestres s'élèvent sur les places publiques ; mais lorsqu'on a vu celle de Marc-Aurèle qui orne la place du Capitule à Rome, on dirait que presque partout ou a voulu faire des Marc-Aurèles.
De grâce, si les statues de Charles de Lorraine, de Belliard, de Vésale que nous avons érigées à Bruxelles, ne portaient pas d'inscription, en feriez-vous autre chose que ce que le peuple, chez nous, appelle des postures, pour me servir de l'expression pittoresque qu'a employée un honorable préopinant.
Messieurs, j'ajouterai encore une réflexion sur le symbolisme, puisque enfin d'après le plan qui nous a été soumis en section centrale, toute la colonne doit être symbolique, non seulement par la pensée qu'exprime sa forme et son ornementation générale ; mais aussi par les bas-reliefs en pierre et les statues en bronze, représentant la Belgique, les neuf provinces, les principales libertés et la Constitution. Ceux d'entre vous qui ont visité l'église du Vatican ont été frappés sans doute, comme moi, du peu d'effet qu'elle produit, quand on la voit pour la première fois ; on est même tenté d'admettre les critiques sévères dont elle a été l'objet de la part des admirateurs exclusifs du gothique ; mais quand on la contemple avec le regard de Michel-Ange, alors on comprend toute sa grandeur, alors on comprend la profondeur de ce mot : « Je porterai le Panthéon au ciel » ; on voit la merveille de l'art païen transformée, portée au Ciel, christianisée, et la croix qui la surmonte s'élever au-dessus de tous les monuments du monde pour annoncer son triomphe urbi et orbi.
C'est le symbole qui révèle la beauté de la grande basilique. Il en est de même de la colonne à élever au Congrès ; il en est de même de l'église monumentale qu'on vous propose de décréter pour perpétuer le souvenir de la Reine. Comme toute église gothique et comme l'art chrétien en général, cette église sera aussi, d'après les plans qui nous ont été communiqués, toute symbobique, tout allégorique daas son ensemble, dans la chapelle de la Reine, dans la crypte sépulchrale.
Pour ne parler que du premier des monuments, de la colonne, cette forme annonec quelque chose de stable et d'élevé : c'est l'expression de la Constitution belge.
Mais cette pensée ne peut que gagner à être expliquée par les inscriptions et les emblèmes doat le monument sera couvert ; comme les Obélisques, comme la colonne Trajane, comme la colonne Antonine, comme la colonne Vendôme, elle portera des sculptures historiques et allégoriques.
(page 1672) Quant à la statue qui doit couronner le monument, pour en dire un mot au point de vue de l'art, je voudrais, je le répète, celle du Roi élu par le Congiès, du Roi qui a juré et qui a observé fidèlement la Constitution, mais je ne sais si les règles de l'esthétique n'en souffriraient pas, si l'unité, qui est la forme de toute beauté, n'en recevrait pas quelque atteinte. J’abandonne cette idée au jugement d'hommes plus compétents que moi.
Ils auront le temps de réfléchir à cette idée, à celle de l'honorable comte de Mérode et à d'autres encore qu'en pourrait présenter. Quand on pense que les plus grands maîtres échappent rarement à la critique, comment oserait-on trancher ici les questions d'art ? Discutons, mais ne décidons pas. Les chefs-d'œuvre sont le fruit de l'inspiration qui est individuelle. Dans tous les cas, ce qui est au fond du cœur de la Nation doit trouver tôt ou tard une expression monumentale, indépendamment de celle qui ne servirait que de complément à une autre œuvre. La question économique, qui a été mise en avant en section centrale, ne me paraît pas discutable ici. Je m'abstiens, messieurs, d'aller plus loin ; vous en comprendrez le motif.
Toutes les nations civilisées, les petites comme les grandes, ont toujours encouragé les arts.
Voyez Florence et d'autres capitales, dont les places publiques sont comme des musées d'art. Le gouvernement et les chambres ne peuvent rester indifférents à cet égard. Nous ne sommes pas les représentants d'une localité, nous sommes les représentants de la nation ; comme tels nous devons prendre l'initiative, et éclairer au besoin les parties du pays qui ne comprendraient pas ce côté de notre mission.
En principe, il est incontestable que les arts doivent entrer pour une part dans les moyens dont le gouvernement dispose, peur faire marcher la nation dans la voie de la civilisation.
Qu'on ne dise pas que ce sont des dépenses inutiles, que les fonds doivent être employés au creusement de canaux, à la construction de routes, à l'encouragement de l'industrie ; ces entreprises sont bonnes, excellentes, mais ce qui concerne les arts ne peut pas être négligé. Je sais qu'on doit s'imposer des limites dans cette matière, qu'on ne saurait y marcher avec trop de prudence, que l'entraînement serait dangereux, mais je me hâte d'ajouter que s'il est des monuments dont l'utilité, la nécessité même est incontestable, ce sont les deux monuments que la section centrale vous propose de décréter. S'il est des œuvres d'art devant l'exécution desquelles on ne peut reculer, ce sont celles-là ; il faut ériger ces monuments ou n'en ériger jamais.
Remarquez aussi que les monuments attirent la foule, les étrangers, et contribuent ainsi à répandre dans le pays une prospérité matérielle. L'église sépulcrale de Laeken qu'on vous propose d'ériger deviendra un but de pèlerinage. Déja l'on vient visiter les restes mortels de celle que nous pleurons. Que sera-ce lorsqu'on lui aura construit un tombeau digne d'elle ?
Qu'on élève donc en même temps une colonne au corps qui a constitué la nation et qui lui a donné son Roi, et un mausolée à la fondatrice de la dynastie ; que les deux monuments s'élèvent ensemble. Qu'on donne aux artistes cinq ans pour les achever et les décorer.
Encore un mot : du haut de la colonne, on verra l'église monumentale, et du haut de l'église, on verra la colonne. La même pensée les élève ; la même pensée les unira. La colonne et l'église sont inséparables. Votons-les l'un et l'autre à l'unanimité.
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Le gouvernement constate avec bonheur pour le pays et pour cette assemblée l'adhésion unanime que reçoit, dans la chambre, le projet en ce moment soumis à vos délibérations. Vous allez satisfaire à une grande pensée, en perpétuant le souvenir de l'illustre assemblée qui nous a donné à la fois la liberté et l'indépendance, et en même temps répondre à un sentiment de piété et d'admiration en élevant un monument à cette Reine, qui sera l'éternel honneur du Trône, comme un éternel objet de regrets pour les populations.
Je n'ai rien à ajouter. Je me borne à rendre hommage aux sentiments qui débordent de toutes parts, sentiments de respect et de reconnaissance.
Je ne dirai qu'un mot sur l'amendement présenté par deux honorables membres, qui désirent que les noms des membres du Congrès et les articles de la Constitution soient inscrits sur le fût de la colonne. A cette pensée généreuse le gouvernement adhère pleinement.
Les auteurs de l'amendement ont ainsi exprimé le désir que la statue du Prince, dont la sagesse a consolidé l'œuvre du Congrès, vînt couronner le monument. Toute la nation applaudira, messieurs, à cette grande et généreuse pensée ; mais vous comprenez la réserve qui est imposée à cet égard aux ministres du Roi. Nous estimons, avec l'honorable rapporteur de la section centrale, qu'une respectueuse omission est préférable, dans cette circonstance, à une disposition formelle inscrite dans la loi ; et pour concilier toutes les convenances avec les sentiments de l'assemblée, nous émettons l'avis que la chambre se borne à exprimer le vœu que l'image du Roi soit placée au sommet de la colonne monumentale.
- La discussion générale est close.
« Art. 1er. Le gouvernemer interviendra dans les frais d'achèvement du monument à ériger en commémoration du Congrès national, jusqu'à concurrence d'une somme de cinq cent dix-huit mille francs (518,000 fr.), à répartir sur cinq exercices »
- Adopté.
La chambre passe à la discussion sur l'article 1bis (amendement de MM. de Brouwer, de Hogendorp et Coomans). (Voir plus baut.)
M. de Brouwer de Hogendorp. - M. le président, les paroles que vient de prononcer l'honorable ministre de l'intérieur suffisent pour nous décider, mon honorable collègue, M. Coomans et moi, à retirer notre amendement. Nous avons atteint notre but. Il nous importe peu qu'il soit écrit dans la loi que la statue du Roi couronnera la colonne ou que le vœu de la chambre et la promesse du ministère soient consignés au procès-verbal ; ce qui nous importe, c'est que notre pensée se réalise.
Je disais, dans la séance d'hier, que tous, quelles que soient les divisions qui existent dans cette chambre, nous nous confondons dans un même sentiment de respect pour le Congrès, d'amour pour la Constitution et pour notre Roi. L'amendement que nous avons présenté est la traduction de cette pensée. Mon honorable collègue et moi nous avons voulu que la colonne du Congrès devînt l'image de cette union de sentiments.
Au reste, lorsqu'on veut rendre honneur et gloire au Congrès, il faut le glorifier dans toute son œuvre. Le décret de cette belle Constitution, sous laquelle nous avons le bonheur de vivre, est certes un titre de gloire éternelle peur cette assemblée ; mais dire que c'est là son œuvre tout entière, ce serait amoindrir le Congrès. Ce n'était pas assez de proclamer l'indépendance nationale et de voter la loi fondamentale qui déterminait la forme du gouvernement et réglait nos droits politiques, il fallait fonder ce gouvernement sur des bases solides, garantir cette indépendance.
Le Congrès accomplit cette tâche avec sagesse et bonheur en appelant à venir présider à nos destinées un prince d'un sens droit et haut placé dans le respect de l'Europe. En faisant honneur et gloire à notre Roi d'avoir accepté la mission du Congrès, mission alors entourée de tant de périls, nous glorifions notre assemblée constituante dans le choix qu'elle a fait ; en faisant honneur au Roi d'avoir sauvé notre indépendance cetla Constitution au milieu des désastres de 1831 et des orages de 1848, en rendant hommage à sa prudence, à sa sagesse, à la fidélité qu'il a gardée à son serment nous honorons le Congrès qui nous a donné ce Roi. La fondation de la dynastie a été une œuvre glorieuse ; ne la séparons pas de la fondation de la Constitution.
J'ai été heureux d'entendre M. le ministre se rallier à notre pensée ; j'ai été heureux de voir toute cette chambre applaudir à l'engagement que le gouvernement a pris. Il était impossible qu'il en fût autrement, car notre proposition n'est que l'écho du vœu du peuple dont vous êtes ici, messieurs, les organes ; je disais hier avec une entière conviction que vous adopteriez notre pensée par acclamation ; je ne pouvais point me tromper.
M. Coomans. - Je me réfère à ces explications.
M. Osy. - Je trouve la réserve du gouvernement très naturelle. Mais comme je crois que tous nous désirons que la statue du Roi surmonte la colonne du Congrès, je propose que ce vœu soit mentionné au procès-verbal.
M. le ministre des affaires étrangères (M. H. de Brouckere) et >M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - C'est cela.
M. le président. - Voici la proposition déposée par M. Osy :
« Je propose d'ordonner l'insertion au procès-verbal de la proposition de MM. de Brouwer et Hogendorp et Coomans, et d'exprimer le vœu que la colonne soit surmontée de la statue du Roi. »
M. Prévinaire. - Il me paraît que c'est une manière assez insolite de procéder. Le désir exprime par l'honorable M. Osy résultera du procès-verbal s'il est rédigé convenablement. Que contiendra le procès-verbal ? Que l'amendement avait été formulé dans ce but, qu'ensuite des explications de M. le ministre de l'intérieur qui seront consignées dans les Annales parlementaires, l'amendement a été retiré ; et les motifs de ce retrait seront également consignés aux Annales et résulteront du discours de l'honorable M. de Brouwer. De sorte que le procès-verbal convenablement rédigé, commenté par les Annales parlementaires, suffit complètement.
M. le ministre des affaires étrangères (M. H. de Brouckere). - Si l'on admettait l'opinion de l'honorable M. Prévinaire, il en résulterait que le procès-verbal ne contiendrait que le vœu de deux membres, tandis qu'en faisant cette insertion au procès-verbal, on saura que c'est le vœu de toute la chambre.
M. Dumortier. - Il est évident que sous une circonstance aussi solennelle que celle où nous nous trouvons, il ne peut y avoir de doute sur le vœu de la chambre, et je suis convaincu que ce vœu sera unanime. Vous élevez une colonne au Congrès. Quelle est l'œuvre da Congrès ? Elle comprend deux choses ! la Constitution et la dynastie ; l'une sans l'autre serait une œuvre incomplète. Je pense qu'il ne peut y voir qu'une voix à cet égard.
- De toutes parts. - On est d'accord.
- La discussion est close.
- La proposition de M. Osy est mise aux voix et adoptée.
« Art. 2. Le gouvernement interviendra dans les frais de construction du monument à ériger en commémoration de la Reine Louise-Marie, jusqu'à concurrence d'une somme de quatre cent cinquante mille francs (fr. 450,000), à répartir sur cinq exercices. »
- Adopté.
(page 1673) « Art. 3. Le premier cinquième pour le monument du Congrès sera porté au budget des dépenses du département de l'intérieur pour l'exercice 1854. »
- Adopté.
« Art. 4. Le premier cinquième pour le monument de la Reine sera porté au budget des dépenses du département de la justice pour l'exercice 1854. »
- Adopté.
- Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet.
62 membres sont présents.
61 votent pour le projet.
1 vote contre.
En conséquence le projet de loi est adopté ; il sera transmis au sénat.
Ont voté l'adoption : MM. Lesoinne, Loos, Maertens, Magherman, Malou, Manilius, Mascart, Moreau, Orban, Orts, Osy, Pirmez, Prévinaire, Rodenbach, Rogier, A. Roussel, Ch. Rousselle, Thierry, Thienpont, Tremouroux, A. Vandenpeereboom, E. Vandenpeereboom, Vander Donckt, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Van Overloop, Verhaegen, Vermeire, Veydt, Allard, Anspach, Boulez, Cans, Closset, Coomans, Dautrebande, David, H. de Baillet, de Brouwer de Hogendorp. de Decker, de Haerne, Deliége, F. de Merode, de Mérode-Westerloo, de Naeyer, de Perceval, de Pitteurs, de Sécus, de T'Serclaes, Devaux, d'Hoffschmidt, Dumortier, Faignart, Janssens, Jouret, Julliot, le Bailly de Tillegbhem, Lebeau, Le Hon, Lejeune et Delfosse.
A voté le rejet : M. Jacques.
- La chambre s'ajourne indéfiniment.
La séance est levée à 2 heures.