(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1852-1853)
(Présidence de M. Delfosse.)
(page 1645) M. Maertens procède à l'appel nominal à midi et un quart ; il donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier, dont la rédaction est approuvée, et fait connaître l'analyse des pièces adressées à la chambre.
« Le sieur Emile Joseph Hazard, propriétaire et industriel à Fontaine-Valmont, né à Solre-le-Château (France), demande la naturalisation ordinaire. »
- Renvoi à M. le ministre de la justice.
« Des cultivateurs à Audeghem réclament l'intervention de la chambre peur obtenir l'indemnité qui leur est due pour abatage d'animaux en 1851. »
- Renvoi à la commission des péiitions.
« Le sieur Van Genabel, ancien militaire, demande une gratification. »
- Même renvoi.
« Le conseil communal de Waterloo demande que la société concessionnaire du chemin de fer de Nivelles à Groenendael établisse une station à Waterloo. »
- Même renvoi.
« Par message du 9 juin, le sénat informe la chambre qu'il a adopté le projet de loi qui alloue des crédits supplémentaires au département de la justice. »
« N Bergeron fait hommage à la chambre de son drame : la Comtesse de Leicester. »
- Dépôt à la bibliothèque.
M. de Renesse (pour une motion d’ordre). - Messieurs, au moment où la discussion a été ouverte sur la concession à accorder à la société d'Aix-la-Chapelle à Maestricht, l'on a fait distribuer aux membres de la chambre une carte des chemins de fer du Limbourg ; cette carte pouvant induire en erreur par la fausse indication qu'elle a donnée au tracé de M. l'ingénienr Delaveleye, surtout pour la direction de Tongres à Bilsen, je crois devoir m'élever contre la distribution d'une pièce aussi fautive ; ce qui, me semble, doit avoir été fait à dessein pour fausser l'appréciation que la chambre est appelée à émettre, particulièrement sur l'amendement de la section centrale qui tend à faire décréter l'embranchement de Bilsert par Tongres à Ans.
Le tracé de cet embranchement y est figuré, surtout pour la partie de Tongres à Bilsen, comme devant se diriger par différentes communes où jamais ce tracé a dû passer, et où, par conséquent, le parcours rendrait cette ligne ferrée beaucoup plus longue qu'elle ne doit réellement l'être, d'après le plan que la viile de Tongres a fait dresser par M. Ledent, ingénieur civil à Liège ; et certes, l’on doit supposer que, pour que l'embranchement d'Ans par Tongres à Bilsen puisse offrir une utilité incontestable, et être accepté par tous, il faut que son tracé soit le plus direct possible, et il ne s'agit réellement pas de faire des détours inutiles, que, d'ailleurs, la configuration du terrain ne comporta pas.
Je conçois que l'on se combatte avec des moyens loyaux que tout homme d'honneur peut avouer ; mais, contre la distribution d'une carte aussi fautive, je crois devoir protester, d'autant plus que la distribution en a été faite sans l'autorisation du bureau.
En présentant mes observations sur cette carte, j'ai cru devoir prémunir mes honorables collègues contre l’inexactitude de ce document.
(page 1646) M. le président. - M. de Renesse se plaint de la distribution d’une carte. Cette carte n'avait pas été communiquée au bureau ; elle n'a aucun caractère officiel.
M. de Theux. - Je prie la chambre de ne pas s'occuper de la motion de l'honorable M. de Renesse jusqu'à l\arrivée de M. le ministre des travaux publics. Il a pris des renseignements auprès de l'ingénieur en chef de la province, et il pourra dire ce qui en est de cette carte.
M. le président. - M. . le ministre de la justice devant se rendre au sénat, demande que la chambre s'occupe d'abord du projet de loi allouant un crédit de 550,000 fr. à son département. S'il n'y a pas d'opposition, la discussion est ouverte sur ce projet.
« Art. 1er. Il est ouvert au département de la justice un crédit supplémentaire de cinq cent cinquante mille francs, à titre d'avance pour l'exercice courant.
« Cette somme sera ajoutée à celle qui est portée à l'article 49, chapitre X du budget du département de la justice pour l'exercice 1853. »
M. Coomans. - Je demanderai une explication à M. le ministre de la justice.
On a dit que le déparlement de îa justice renonce au système de travail qu'il avait adopté non sans succès.
Je m'explique. Oa a dit que l'administration de la prison de Saint-Bernard ne continuera plus à confier au dehors, à des industriels privés, le travail dont le produit est destiné à l'exportation.
Je demanderai à l'honorable ministre de s'expliquer à cet égard, afin que les intéressés sachent à quoi s'en tenir.
M. le ministre de la justice (M. Faider). - L'article 2 du projet de loi déclare que le crédit est affecté à la fabrication, dans les prisons, de toiles destinées à l'exportation. Voilà à quoi se borne l'application du crédit à l'espèce de travail dont il est actuellement question. On a renoncé à employer dans les Flandres des ouvriers et l'on se borne à alimenter, au moyen des fonds que nous réclamons de la chambre, 400 métiers dans les prisons d'Alost, de Vilvorde et de St-Bernard, comme cela est du reste indiqué dans l'exposé des motifs.
Les détails de l'opération y sont suffisamment expliqués. Ainsi comme réponse au renseignement que demande l'honorable M. Coomans, je réponds qu'à l'heure qu'il est on ne fait plus travailler hors des prisons à la fabrication des toiles dites russias.
M. Coomans. - On ne le fera plus ?
M. le ministre de la justice (M. Faider). - Non.
M. Loos. - Messieurs, personne ne conteste l'indispensable nécessité de maintenir dans les prisons le travail des détenus. Ainsi que vous l'indique l'exposé des motifs du projet de loi en discussion, on occupe aujourd'hui les condamnés, indépendamment de la fabrication de toiles pour l'exportation, du tissage de la toile et de la confection d'objets d'habillement pour la troupe et les prisons. Je pense, messieurs, que les succès obtenus à la prison de Saint-Bernard devraient décider le gouvermmeni à ne plus occuper les détenus qu'à la fabrication de tissus pour l'exportation par mer. Ce travail ne fait aucune concurrence à l'industrie libre et peut s'étendre indéfiniment, il ne fait concurrence qu'a l'industrie étrangère qui occupe presque exclusivement les marchés transatlantiques. Je suis donc d'avis que le gouvernement ferait chose utile sous tous les rapports, d'abandonner à l'industrie libre toutes les fournitures de l'armée, ces fournitures étant d'ailleurs très peu profitables au trésor public. Le travail des détenus cesserait ainsi de faire concurrence à l’industrie libre sur le marché intérieur, tandis qu’il aiderait efficacement à ouvrir de nouveaux débouchés à notre industrie linière sur les marchés étrangers, si importants et où nos produits jouissaient autrefois d’une si grande faveur. J’engage le gouvernement à prendre des mesures dans ce sens.
M. Rodenbach. - Je n'ai demandé la parole que pour appuyer ce que vient de dire l'honorable député d'Anvers. Comme lui, je pense qu'il ne faut occuper les détenus qu'à la fabrication des russias pour l'exportation, car nos ouvriers libres peuvent tisser tout ce qui est destiné à l'année.
Je prie le ministre de tenir la main à ce que les toiles fabriquées dans les prisons soient exportées ; car si elles ne l'étaient pas elles feraient une concurrence nuisible aux ouvriers libres ; car les détenus ne sont pas payés comme les ouvriers libres, leur salaire n'est presque que nominal, on leur donne ce qu'on veut, il faut se borner à ne leur faire faire que des produits destinés à l'exportation.
M. Coomans. - Je ne repousse pas le projet de loi, je l'adopterai en entier. L'honorable M. Loos s'est mépris sur les quelques mots que j'ai prononcés, je me suis borné à demander un renseignement indispensable.
Je ne ne joindrai pas à l'honorable M. Loos pour engager le gouvernement à ne plus faire travailler dans les prisons que pour l'exportation ; je l'engage à faire travailler assidûment les détenus et à leur donner le genre de travail auquel ils sont le plus propres et qui est le plus profitable au trésor et aux prisonniers.
Je ne veux pas limiter faction du gouvernement en cette matière.
Je ne comprends pas que les les partisans du libre échange s'effrayent que le travail des Belges entre dans la consommation quand ils font tout ce qu'ils peuvent pour favoriser l'importation du travail étranger.
Je trouve qu'il y a là une contradiction étrange ; d'une part, on redoute que les produits fabriqués par des Belges, dans les prisons, ne fassent une sorte de concurrence au travail libre ; et d'autre part, on demande l'importation libre de tous les produits étrangers dans le pays. Je ne me charge pas de concilier ces prétentions contraires.
Ainsi, je demande que le gouvernement maintienne toute sa liberté d'action.
M. le président. - J’espère bien que l'on ne va pas discuter la question du libre échange ; l'article n'est pas contesté.
M. Prévinaire. - Un seul mot.
- Un grand nombre de voix. - Aux voix !
- L'article premier est adopté.
« Art. 2. Ce crédit sera affecté à la fabrication, dans les prisons, de toiles pour l'exportation. »
- Adopté.
« Art. 3. Une somme de cinq cent cinquante mille francs sera portée au budget des recettes de 1853. »
- Adopté.
« Art. 4. Il sera rendu compte de l'opération aux chambres législatives dans la session de 1853 et 1854. »
- Adopté.
Il est procédé au vote par appel noninal sur l'ensemble du projet dr loi ; il est adopté à l'unanimité des 74 membres présents.
Ce sont : MM. Matthieu, Mercier, Moncheur, Moreau, Orban, Orts, Osy Peers, Pirmez, Prévinaire, Rodenbach, Rogier, Roussel (Adolphe), Rousselle (Charles), Thibaut, Thiéfry, Thienpont, T'Kint de Naeyer, Tremouroux, Vandenpeereboom (A.), Vandenpeereboom (E.), Vander Donckt, Van Groolven, Van Iseghem, Van Remoortere, Van Renynghe, Veydt, Visart, Allard, Anspach, Boulez, Cans, Closset, Coomans, Dautrebande,, David, de Baillet (H.), de Brouwer de Hogendorp, de Decker, de Haerne, de La Coste, Deliége, de Man d'Attenrode, de Mérode (F.), de Naeyer, de Perceval, de Portemont, de Renesse, de Ruddere, de Sécus, Desmaisières, de Theux, de T'Serclaes, Devaux, d'Hoffschmidt, Faignart, Jacques, Jouret, Julliot, Landeloos, Laubry, le Bailly de Tilleghem, Lebeau, Le Hon, Lejeune, Lesoinne, Loos, Maertens, Malou et Delfosse.
M. de Haerne dépose le rapport de la section centrale qui a été chargé de l'examen du projet de loi relatif à l'érection d'un monument en mémoire du Congrès.
- Plusieurs membres. - La lecture.
M. de Mérode. - Je demande l'impression.
- La chambre décide que le rapport sera imprimé et distribué.
M. Thiéfry. - Je crois, messieurs, que ce rapport pourrait être imprimé assez promptement pour être distribué dans le cours de la séance. Je demande qu'on veuille bien y mettre toute la célérité possible.
M. de Man d’Attenrode, rapporteur. - Messieurs, le rapport de la section centrale exige quelques rectifications qui s'expliquent par la rapidité avec laquelle le travail a dû se faire.
Le gouvernement a compris dans son projet primitif, sous le n°36, une somme de 1,419 fr. 30c. pour frais des commissions médicales provinciales. M. le ministre ayant insisté pour que cette dépense fût régularisée immédiatement, la section centrale y a consenti ; le procès-verbal tenu par M. le président le constate. Cette décision a été omise dans le rapport.
Ensuite, messieurs, à l'article 41, page 4 du rapport, vous verrez que dans sa séance du 4 juin, la section centrale a rejeté par 3 voix contre 3 l'ajournement à la session prochaine, ainsi que le crédit lui-même. Ce crédit est relatif aux lettres et sciences.
Mais dans la séance du 5 juin, on est revenu sur cette discussion et le crédit a été adopté alors à l'unanimité des 5 membres présents, à la condition toutefois que l'on insérerait dans le rapport les explications qui ont été fournies par le rapporteur.
Enfin il y a une rectification à faire à la page 11, en ce qui concerne le Cercle artistique et littéraire. Le rapport constate le nombre de mètres de toiles peintes qui a été cédé à l'Etat.
Le total y est porté pour 11 mètres 60 centimètres, tandis qu'il faut dire 273 mètres 96 centimètres pour déterminer la surface des toiles acquises par l'Etat.
Telles sont les rectifications que j'avais à faire.
M. le président. - Je mets en délibération le premier des crédits supplémentaires sur lesquels porte le deuxième rapport de la section centrale et qui figure dans le projet de loi sous le n°3.
« 3° Construction de l'hôtel du gouvernement provincial, à Arlon. Trois mille francs, restant dus aux entrepreneurs de la construction de l'hôtel du gouvernement provincial, à Arlon (transfert) : fr. 3,000. »
La section centrale propose le rejet de cet article.
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Messieurs, je demande la paroie pour justifier cet article, et je pense que c'est par suite d’une remarque incomplète faite par la section centrale qu'elle en a propose le rejet. Voici ce qui s'est passé à ce sujet :
Les entrepreneurs de l'hôtel du gouvernement provincial avaient réclamé de deux chefs, d'abord pour le retard apporté au payement ; en (page 1647) second lieu, pour le dommage éprouvé pour une autre cause, et cette autre cause, c'éiait un accident qui était survenu dans le cours des travaux et qui avait déterminé la mort d'un homme. Le gouvernement était disposé à accorder une indemnité aux entrepreneurs du chef du retard apporté au payement.
Cette demande a fait l'objet d'un procès que les enterpreneurs ont gagné, mais il n'en est pas moins vrai qu'après la prise de possession de l'hôtel, les entrepreneurs ont été pendant deux ans privés de leurs fonds. A la vérité, les intérêts judiciaires de 5 p. c. leur ont été privés ; mais les entrepreneurs ont fait remarquer que, malgré ces intérêts, ils avaient été obligés d'emprunter ; que, dans des circonstances semblables on ne peut pas emprunter à 5 p. c. et qu'ils avaient eu des pertes à essuyer.
Le gouvernement a fait une espèce de compromis, et au lieu des 6,000 fr. demandés aujourd'hui, il a consenti à payer la moitié seulement de la somme ; cette somme a été allouée par la loi du 22 novembre 1851 « pour solde des dépenses restant à payer du chef de la construction de l’hôtel du gouvernement provincial ».
Quand on a liquidé la somme, on a inséré dans le mandat ces mots : « du chef des pertes et dommages qu'ils (les entrepreneurs) ont éprouvés pour retard dans le payement. » La cour des comptes a vu dans la correspondance que les entrepreneurs avaient aussi réclamé du chef de dommages résultant de la mort d'un homme. La cour a fait remarquer au ministre qu'il y avait sans doute erreur dans cette appréciation, en présence du libellé de la demande de payement, libellé que je viens de rappeler.
Mais, messieurs, ce n'est pas seulement une indemnité pour le dommage causé par l'exécution des travaux que les entrepreneurs réclamaient, ils réclamaient des deux chefs dont j'ai parlé tantôt ; l'un des deux était relégué à la fin du rapport ; il aura échappé à la cour des comptes.
Le gouverneur du Luxembourg, chargé de l'instruction de l'affaire, a fait connaître, le 2 novembre 1850, que les entrepreneurs réclamaient des deux chefs dont j'ai fait mention.
Ainsi, il n'y a pas de doute à élever sur le double fait de dommage, sur le compromis par lequel on a réduit de moitié la somme de 6,000 francs réclamée et que la chambre a alloué cette somme daus la loi du 2 novembre.
Si j'avais pu m'expliquer devant la section centrale, elle eût admis l'explication appuyée de preuves authentiques prouvant que le retard de payement a causé un dommage à l'intérêt légal de 5 p. c. alloué par l'arrêt de la cour d'appel de Liège.
Je pense donc que la chambre n'hésitera pas à allouer le crédit demandé.
M. de Man d’Attenrode, rapporteur. - Que M. le ministre de l'intérieur veuille bien répondre à la question suivante : Les 3,000 fr. qu'il réclame au profit des entrepreneurs, leur sont-ils dus, oui ou non ? Ces 3,000 fr. constituent-ils une dette pour l'Etat ?
Si l'honorable M. Piercot est capable de le démontrer, je me range à l'instant de son côté, et je propose l'adoption du crédit.
Si l'Etat ne doit rien aux entrepreneurs, et c'est mon avis jusqu'à preuve du contraire, puisque l'Etat a payé non seulement les intérêts des sommes qu'il devait jusqu'au jour du paiement, mais que le gouvernement a pris sur lui de leur faire remise des amendes considérables encourues d'après le cahier des charges, à cause du retard apporté à l’exécution des travaux.
Si l'Etat ne doit plus rien aux entrepreneurs, je dis que les 3,000 fr. qu'on nous propose d'allouer, constituent tout simplement une gratification que MM. les ministres prétendent accorder dans leur munificence.
Or, messieurs, ce système de gratification présente beaucoup de dangers. Cette question est plus grave que l'on ne pourrait se l'imaginer.
Elle est grave, parce qu'il s'agit du maintien du mode d'adjudication pour les travaux publics.
Quede est la conséquence de l'adjudication ? C'est le forfait.
Qu'est-ce que le forfait ? C'est un traité par lequel une des parties s'oblige à faire ou à fournir quelque chose pour un certain prix à perte ou à gain.
Si donc vous accordez des indemnités aux entrepreneurs qui prétendent avoir fait des pertes, il n'y a plus de forfait. Il est inutile dès lors de procéder à des adjudications. Cependant nos lois ont posé le principe obligatoire de l'adjudication pour les travaux qui s'exécutent aux frais du trésor.
Il est inutile de procéder à des adjudications ; en effet, avec le système des indemnités, l'administration a la faculté d'admettre une soumission insuffisante, une soumission préférée, qui ne se présente que sur la promesse d'indemnités, de travaux supplémentaires à bordereau de prix.
J'ajouterai que ce système constitue une injustice pour les concurrents, pour ceux qui, ayant offert des soumissions plus élevées, ont été évincés. S'ils avaient pu prévoir que les clauses onéreuses du cahier des charges n'étaient qu'illusoires, ils eussent soumissionné à plus bas prix.
Ce sont là des abus fort graves, que la commission permanente des finances a signalés plusieurs fois à la chambre par mon organe, à l'occasion de l'examen ces travaux entrepris par le département des travaux publics.
J'espère donc, messieurs, que vous ne consentirez pas à porter atteinte au mode d'adjudication exigé par la loi sur la comptabilité en allouant des indemnités aux entrepreneurs de l’hôtel provincial à Arlon.
Ce qui me surprend dans ce débat, c'est le rôle que joue M. le ministre de l'intérieur. Comment ! c'est le chef de l'administration qui prend la défense des intérêts, des prétentions des entrepreneurs aux dépens de ceux des contribuables ! Cela m'étonne.
Ce n'est pas au gouvernement à jouer à rôle. Son rôle est de défendre les intérêts généraux du pays.
Laissez faire les entrepreneurs ; ils savent fort bien défendre les leurs, ils n'ont que faire de l'appui que leur accorde si gratuitement l'administration malgré l'avis de la cour des comptes.
J'insiste donc, messieurs, pour que vous ne consentiez pas à allouer les 3,000 fr.
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Le gouvernement défend ce qui est juste ; quand l'Etat a tort il le reconnaît franchement, c'est ce qu'a fait la chambre quand elle a voté ce qui est demandé aujourd'hui.
Le rapporteur vient de faire le procès à la chambre et à la loi. Le gouvernement a fait connaître toutes les circonstances de cette affaire en 1851, il a fait connaître le double dommage éprouvé par les entrepreneurs, et l'indemnité qui leur était due, par suite de la résistance injuste de l'Etat à la prise de possession de l'hôtel du gouvernement ; je dis injuste, parce que la cour de Liège a reconnu que le gouvernement avait tort et l'a condamné sur toutes ses prétentions.
La perte occasionnée par la retenue illégale des fonds a été supérieure à 5 p. c, taux auquel les intérêts sont judiciairement alloués. Ce n'est donc pas une gratification.
Appelez-là comme vous voudrez, indemnité ou gratification, la chambra a été d'avis de l'accorder sous quelque nom que ce soit. La chambre a considéré qu'il y avait eu dommage, perte réellement subie. Ce n'est donc pas une faveur. En repoussant aujourd'hui une allocation votée en 1851, c'est le procès qu'on fait à une décision formelle de la législature, sous un vain prétexte, celui d'une erreur commise dans le libellé de l'article.
M. Osy. - Nous avons voté en 1851, mais alors nous n'étions pas éclairés comme nous le sommes aujourd'hui.
Nous voyons à la page 3 du projet que la cour des comptes dit que les trois mille francs ont pour objet de diminuer la perte des entrepreneurs ; et malgré le vote la chambre, elle a refusé de viser l'ordonnance de paiement au profit des entrepreneurs. Vous voyez que la cour des comptes, sentinelle avancée du trésor, vous dit que cette allocation avait pour objet non de réparer un dommage causé par l'Etat, mais de diminuer la perte subie par les entrepreneurs. Je ne comprends pas que le ministre de l'intérieur, après les avis de la cour des comptes, vienne plaider comme il le fait une cause pareille.
Si on entre dans ce système, à l'avenir les entreprises ne seront pas plus sérieuses que les budgets. Les entrepreneurs viendront dire : Nous avons perdu autant, donnez-nous une indemnité. Nous arrivons déjà à faire des dépenses énormes parce que les allocations des budgets sont dépassées. Que sera-ce si les adjudications deviennent sans objet ?
Je pense que la chambre repoussera ce système et répondra aux entrepreneurs que s'ils font de mauvaises affaires, ils no doivent s'en prendre qu'a eux et qu'ils n'ont rien à demander au gouvernement.
M. de Man d’Attenrode, rapporteur. - J'avais évité de parler de l'incident qui s'est levé entre le gouvernement et la cour des comptes à propos de la liquidatiou de la somme de 3 mille francs. J avais évité d'en parler, parce que la question est assez délicate, et que le gouvernement semble avoir usé à notre égard d'un procédé qui au premier abord paraît fort étrange.
Dans une demande ue crédit supplémentaire, qui s'élève à 897,355 francs 70 c. et qui a encore été présentée le 29 avril 1851 pour le compte du département de l'intérieur, se trouve compris un crédit de 89,361 fr. 47 c. pour ia construction de l'hôtel du gouvernement a Arlon.
Les développements littera A indiquaient que 3,000 fr. étaient destinés aux entrepreneurs poar les motifs que voici :
« Indemnité aux entrepreneurs pour pertes et dommages éprouvés par suite du retard de payement, etc. »
Ce projet fut traduit en une loi qui porte la date du 29 novembre 1851.
Mais lorsque le gouvernement transmit à la cour des comptes l’ordonnance de payement de 3 mille francs destines aux entrepreneurs pour qu'elle la revêtit de son visa, la cour opposa une résistance énergique, qui ne s'est pas ralentie malgré les instances réitérées de l'administration pendant l5 mois.
Elle fit valoir que les 3,000 francs n'étaient pas destinés à indemniser les entrepreneurs pour les pertes et dommages qu'ils avaient éprouvés par suite du retard mis à les payer, comme le disaient les développements présentes à la chambre par le gouvernement.
Elle fit valoir que la chambre avait été induite en erreur, que le motif réel de cette demande d'indemnité était de leur tenir compte des pertes qu'ils prétendent avoir faites dans leur entreprise, attendu que l'Etat leur avait payé tous les intérêts exigibles par suite du retard mis à payer ce qui leur était dû du chef de leurs travaux.
(page 1648) Elle fit valoir que les motifs énoncés par l'administra'ion et qui avaient déterminé le vote de la législature étaient « erronés ». C'est le mot dont la cour s'est servie dans la dépêche du 19 octobre 1852, c’est-à-dire que l'on avait trompé la chambre. (Interruption.) Je n'entends pas assurer qu'on l'ait fait sciemment. Je me borne à constater le fait.
M. Rogier. - Tout le monde peut se tromper.
M. de Man d’Attenrode, rapporteur. - J'aime à croire que l’on s'est trompé. Mais il n'en n'est pas moins vrai que la cour des comptes n'a pas révêtu l'ordonnance de son avis, les termes du libellé s'y opposaient. La correspondance intervenue entre le gouvernement et la Cour établit à l'évidence qu'il ne s'agit pas ici de l'acquittement d'une dette légitime, mais simplement d'une gratification. J'espère, messieurs, que vous adopterez les conclusions de la section centrale, elle a été unanime pour vous proposer le rejet des 3,000 fr.
M. Rousselle. - Nécessairement je dois m'expliquer.
La section centrale n'a pas eu connaissance de tous les faits articulés par l'honorable ministre de l'intérieur. Elle s'est trouvée en présence de déclarations de la cour des comptes qui n'avaient pas été contestées, et puisque aujourd'hui elles le sont, il y a un examen à faire.
Quant à moi, je désire que l'examen se fasse, et à cet effet, je demande que cet article soit renvoyé à la session prochaine, pour être compris dans le troisième rapport à faire par la section centrale.
M. Orban. - Je viens appuyer la demande d'ajournement.
M. le président. - On est d'accord.
M. Orban. - Oui. M. le président ; mais, à l'occasion de cet article j'ai une interpellation à adresser à M. le ministre de l'intérieur.
Il paraît qu'il y a eu plus d'une irrégularité dans cette affaire. Si la chambre le désire je donnerai des détails.
M. le président. - Ce qui est en discussion, c'est la demande d'ajournement. Je vous engage à ne pas vous en écarter.
M. Orban. - M. le président, je crois les détails que j'ai à donner de nature à justifier la demande d'ajournement.
M. le président. - L'ajournement n'est pas contesté.
- L’ajournement à la session prochaine est mis aux voix et prononcé.
« 7° Exposition provinciale des produits de l'agriculture, de l'horticulture et de l'industrie du Hainaut. Trois mille francs, pour payer le complément du subside alloué par l'Etat, en faveur de l'exposition agricole, horticole et industrielle du Hainaut, qui a eu lieu à Mons en 1851 : fr. 3,000.
« Cette somme formera l'article 129, chapitre XXIV du budget de 1852. »
M. Rogier. - Je trouve dans le second rapport de la section centrale les traces de l'esprit qui a présidé à la rédaction du premier. Ce sont les derniers coups de fusil à la fin de la campagne en l'honneur du drapeau qu'on a arboré.
Je lis dans le rapport de la section centrale que tout en proposant d'allouer l'article, elle émet « l'avis qu'on n'aurait pas dû faire, sans l'autorisation des chambres, une dépense qui n'était ni nécessaire ni urgente. »
Eh bien, la dépense n'est pas faite, On demande précisément à la chambre l’autorisation de la faire. C'est un des crédits subordonnés au vote de la chambre.
Que s'est-il passé lors de l'exposition agricole et industrielle qui a eu lieu, à Mons, et à laquelle les princes ont assisté ? La province et la ville ont fait des dépenses. Le gouvernement a décidé qu'il interviendrait pour un tiers calculé sur le pied de 21,000 fr.
La dépense s'est élevée à plus de 30,000 fr. La province du Hainaut et la ville de Mons ont demandé que le gouvernement combla le déficit de 10,000 fr. Le gouvernement s'est montré très sévère. Je me rappelle fort bien cette affaire. J'ai dit que je n'accorderais pas 10,000 fr. J'ai promis que l’Etat contribuerait pour un tiers.
Les fonds étant épuisés, on vient demander s'il est juste que l'Etat intervienne jusqu'à concurrence de 10,000 fr. dans les dépenses de l'exposition agricole et industrielle du Hainaut qui se sont élevées à plus de 30,000 francs. La ville et la province se trouveront encore en déficit si le crédit de 3,000 francs est alloué.
La chambre est maîtresse d'acorder ou de refuser ce crédit. La chambre n'est pas liée. Je pense qu'il y a lieu d'allouer ce crédit ; toutefois je le repète, la chambre peut le rejeter. Mais en l'adoptant il ne faut pas blâmer le gouvernement comme ayant fait une dépense irrégulière. La dépense n'est pas faite. On vous prie de la faire.
M. Orban. - Eh bien, ne la votons pas.
M. Rogier. - On a laissé à la ville de Mons et à la province du Hainaut l'espoir d'obtenir une allocation s'il y avait des fonds disponibles. Mais il n'y a pas eu d'arrêté royal ; il n'y a pas eu de dépense faite.
M. le président. - La section centrale a dû croire qu'il y avait engagement pris. Cela résultait pour elle du passage suivant de l'exposé des motifs (note justificative 7) : « sur la somme de 10,000 fr., part contributive du gouvernement 7.000 fr. sont liquides, mais l'insuffisance des allocations de l'agriculture et de l'industrie n'a pas permis de solder les 3,000 fr. « restant dus » par le gouvernement. »
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Les faits sont parfaitement exacts.
L'exposition a coûté 34,000 fr. La ville de Mons y a contribué pour 16,000 fr., la province y a contribué pour 8,000 fr. Le gouvernement a pensé qu'il devait y contribuer pour 10,000 fr. Ces 10,000 fr. sont indiqués en exécution de ce qui s'est fait pour les autres expositions provinciales. Comme le gouvernement ne tenait pas à sa disposition une somme excédant 7,000 fr. il n'a été pris d'arrêté royal que pour 7,000 fr. mais le gouvernement s'est réservé d'examiner s'il n'y avait pas lieu d'allouer encore 3,000 fr. Il n'y a pas eu d'engagement formel ; mais il y a un engagement moral, sur lequel la ville de Mons pouvait compter. C'est donc à l'équité de la chambre qu'on s'adresse pour obtenir l'allocation d'un subside qu'on a cru pouvoir promettre à la ville de Mons.
M. de Man d'Attenrode. - L'honorable M. Rogier vient de déclarer que cette dépense n'a aucun caractère d'irrégularité. Il se fonde sur ce qu'il n'existe que des engagements, sur ce que la dépense n'est pas accomplie. Ce qui veut dire que les fonds ne sont pas sortis du trésor public.
Messieurs, ce moyen de s'excuser n'est pas admissible.
En effet qu'est ce qu'un ministre peut faire de plus que de contracter des engagements de dépenses ? Il lui est impossible de se faire ouvrir le trésor public, nos lois sur la comptabilité publique et sur la cour des comptes y ont heureusement pourvu.
Mais les engagements ont les mêmes résultats que la disposition du trésor. Vous savez tous que la chambre se croit obligée de respecter ces engagements, qu'il est en quelque sorte impossible de ne pas y faire honneur.
Ne pas les reconnaître est une mesure tellement extrême, qu'on ose à peine songer à y recourir. Le gouvernement se fie à nos bons procédés. Il faut cependant que cela ait une fin et que l'on cesse de violer indirectement nos lois de finances. Le seul moyen d'y parvenir, ce sera dans l'avenir de ne plus reconnaître la validité de ces engagements, puisque cette manière de procéder paraît régulière à l'ancien ministre de l'intérieur, l'honorable M. Rogier.
L'esprit qui a dicté le rapport de la section centrale a fait de nouveau le sujet des plaintes de l'honorable membre.
Ces plaintes ne sont pas fondées, il oublie constamment qu'il est responsable de ses actes, qu'il a en répondre devant la législature. Nous exerçons donc un droit constitutionnel et en critiquant ses actes, nous remplissons un devoir pénible mais inévitable.
L'honorable député d'Anvers se plaint de notre conduite. Comment ! messieurs, on nous plume, et nous n'aurions pas le droit de crier au moins ; on dispose des derniers des contribuables sans le consentement de leurs représentants pour subsidier les entreprises les plus inutiles, et nous n'aurions pas le droit de nous plaindre ! Cela n'est pas sérieux.
On a jeté dans ce débat les mots de coups de fusil, on a dit que c'étaient sans doute les derniers ; on se trompe, je les ajourne à la session prochaine. Le débat à cette époque de l'année ne peut être complet, nous le compléterons lors de la discussion du troisième rapport.
- L'article 7 est mis aux voix et adopté.
« 20° Matériel de l'administration centrale. Trente et un mille six cent treize francs quarante-neuf centimes, pour payer les dépenses restant dues des exercices 1851 et 1852 : fr. 31,613 49.
« Cette somme sera ajoutée à l'article 3, chapitre premier du budget de 1852. »
La section centrale propose d'allouer 23,000 fr. et ajourne le reste du crédit à la session prochaine.
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Messieurs, le déficit est de 31,000 fr., toutes dépenses qui ont été faites par nécessité, et si bien par nécessité, que, depuis l'époque où ces dépenses ont été faites, la chambre a reconnu la nécessité d'augmenter le crédit du ministre de l'intérieur de 10,000 fr. Il était de 30,000 francs à l'époque où le déficit a été constaté ; il a été porte à 40,000 fr.
Je demande à payer des dettes qui sont le résultat de la nécessité.
La section centrale propose de retrancher 6,000 fr. J'avoue que je serais assez embarrassé ; toutes ces dettes sont urgentes. Il s'agit de sommes dues a des fournisseurs. A qui payer ? Sur qui faire porter la retenue de 6,000 fr. ? Je n'en sais rien.
Il me semble qu'il n'y a pas deux manières de faire justices : ou il faut la faire complète, ou il faut ne pas la faire du tout. Et, comme il n'est pas dans les habitudes de la chambre de ne pas faire justice, je pense qu'elle voudra voter la somme entière.
M. Osy. - Je croyais véritablement que la section centrale en vous proposant d'allouer au gouvernement une somme de 25 mille francs à compte de 31 milie francs, faisait preuve d'un esprit de conciliation. Il a été impossible à la section centrale d'examiner avec attention les nombreux états qui nous ont été remis quant à ces dépenses. M. le ministre de l'intérieur est venu en section centrale et y a plaidé la cause de ces fournisseurs. La section centrale, à l'unanimité, lui a répondu : Nous voulons bien vous accorder 25 mille francs, mais nous ajournons le vote du reste de la somme jusqu'à la session prochaine pour faire alors un rapport sur le tout.
Maintenant, M. le ministre s'oppose à notre proposition. Je m'étonne que tout en parlant continuellement de conciliation, on ne veuille jamais tendre la main à ceux qui sont disposés à en faire.
M. le ministre dit que nous avons été obligés d'augmenter de 10,000 francs le crédit pour les frais de matériel du ministère de l'intérieur. Cela est vrai ; mais entre 10,000 fr. et 30,000 fr. il y a une très grande différence. Si nous avions voulu examiner cette affaire dans tous ses détails, nous n'aurions pas pu faire notre rapport avant huit jours. C'est (page 1649) pour nous rendre au vœu de la chambre que nous avons fait une proposition toute de conciliation
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - On parle de conciliation Mais dépend-il du gouvernement de se concilier sur les intérêts des tiers. Peut-il retenir des fouds qui appartiennent aux créanciers de l'Etat ? Ilne peut être question là de conciliation.
Je ne demande pas mieux que de mettre un terme à une discussion très pénible pour le gouvernement. Mais quand il s'agit d'intérêts des tiers, je suis bien obligé d'insister.
M. de Man d'Attenrode, rapporteur. - Messieurs, j'ai été sur le point de renoncer à la pénible mission de rédiger le rapport de la section centrale. Le temps me semblait trop court pour accomplir ma tâche d'une manière convenable.
Je suis revenu de cette résolution ; il m'a semblé que j'avais un devoi à accomplir. J'y ai consacré une nuit. Mais j'avais demandé à M. le ministre de l'intérieur de bien vouloir, de son côté, adhérer aux deux amendements que nous proposons. Il m'a déclaré qu'il y consentait ; je ne m'atttendais donc pas à l'opposition qu'il nous fait maintenant.
Ce que nous voulons, messieurs, c'est nous réserver la faculté d'un examen sérieux dans la session prochaine, parce que nous n'avons pas eu en ce moment le temps suffisant. Si vous voulez voter les yeux fermés et sans rapport, vous êtes libres d'user de votre prérogative. Mais je crois qu'à la manière dont ce crédit augmente sans cesse, il est nécessaire d'examiner plus mûrement, et je vous supplie de ne régulariser les dépenses de l'administration qu'à concurrence de 25,000 fr
Vous savez, d’ailleurs, que les créanciers de l'Etat se font en général payer 10 p. c. de plus que lorsqu'il s'agit de créances qui concernent les particuliers. Ils peuvent donc attendre. D'ailleurs, ces créances sont dues depuis un an. Comment ! Le gouvernement a cru pouvoir les faire attendre un an et il ne serait pas permis à la chambre, pour faire respecter ses prérogatives, de les faire attendre encore pendant quatre mois ! J'espère, messieurs, que vous ratifierez la résolution de la section centrale.
M. Orban. - Le gouvernement a fait pour 31,613 fr. de dépenses au-delà des crédits portés au budget pour le matériel de l'administration centrale.
Cette dépense comprend une foule d'articles. La section centrale, qui a examiné toutes les dépenses avec un soin particulier, a cru qu'il était impossible de vous en proposer immédiatement l'adoption. Elle a cru qu'une discussion particulière, qu'un droit d'examiner particulier devait être réservé à la chambre et à cet effet elle a proposé, à l'unanimité des six membres présents, de réserver une partie du crédit pour la prochaine session. Eh bien, ne serait-ce pas méconnaître la section centrale qui s'est livré à ce travail sérieux, que de rejeter une proposition qui vous est faite à l'unanimité et d'adopter une décision contraire sur les explications évasives et incomplètes que vient de vous présenter M. le ministre de l'intérieur ?
M. Rogier. - Si cela ne contrarie pas M. le ministre de l'intérieur, je crois qu'on pourrait accepter la proposition de la section centrale qui n'ayant pas eu le temps d'examiner tout le crédit, accorde 25,000 fr. et se réserve, à l'occasion du restant, d'examiner le crédit tout entier à la session prochaine.
Quant aux fournisseurs, je crois qu'il y a un ordre à suivre : c'est de payer d'abord les plus anciens fournisseurs. Ainsi, les fournitures qui ont été commandées en dernier lieu par mon honorable successeur qui a dû faire aussi des dépenses pour son compte, pourraient venir aussi en dernier lieu. De cette manière, les fournitures les plus anciennes seraient payées les premières.
Quant à moi, je pense que M. le ministre de l'intérieur pourrait adopter la proposition de la section centrale. C'est un de ces chiffres qui reviendront dans la prochaine discussion à laquelle l'honorable M. de Man d'Attenrode m'ajourne et à laquelle je l'attends, si, comme je l'espère, il continue d'être rapporteur de la section centrale.
- Le chiffre de 31,613 fr. 49 c. est mis aux voix ; il n'est pas adopté. Le chiffre de 25,000 fr. est adopté.
« 21° Frais de route et de séjour du personnel de l'administration centrale. Deux cent vingt huit francs, pour payer les frais de voyage restant dus pour 1851 : fr. 228.
« Cette somme sera ajoutée à l’article 4, chapitre premier, du budget de 1852. »
La section centrale propose l'ajournement à la session prochaine.
M. Osy. - J'espère que cette fois M. le ministre de l'intérieur se ralliera à notre proposition. Ce n'est qu'un chiffre de 228 fr. qu'il n’est pas urgent de voter. Mais nous avons demande le compte total des frais ce voyage de l'année entière ; comme nous ne l'avons pas reçu nous ferons notre rapport à la session prochaine.
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - C'est parce qu'il s'agit d'une misère que je ne comprends pas l'ajournement.
Veut-on savoir quelle est la dépense générale ? Elle est de 3,500 fr. et il y a déficit de 228 fr.
M. Rousselle. - Je veux expliquer la résolution de la section centrale.
Sous de très petits chiffres il se présente quelquefois de grosses questions de principe. Ici il faut détacher la personne du ministre, qui ne saurait tout voir, des pratiques administratives qui se sont infiltrées relativement à la disposition des crédits budgétaires.
Eh bien, ces questions intéressent essentiellement, non seulement les chambres, mais même les ministres, et il convient que tout soit bien éclairci. Je demande donc le renvoi à la session prochaine.
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - M. le président, j'attendrai.
- L'ajournement est prononcé.
« 22° Statistique générale, personnel. Quinze cents francs, pour payer des dépenses dues pour les frais de la commission centrale et des commissions provinciales : fr. 1,500.
« Cette somme sera ajoutée à l'article 8, chapitre III du budget de 1852. »
- Adopté.
« 23° Garde civique. Douze mille huit cent quatre-vingt-seize francs trente-neuf centimes, pour frais d'armement et d'équipement de la garde civique en 1852 (transfert) : fr. 12,896 39.
« Cette somme sera ajoutée à l'article 44, chapitre VII du budget de 1852. »
- Adopté.
« 28° Encouragements à l'agriculture. Trente-cinq mille quarante-cinq francs onze centimes, pour payer des dépenses faites pour l'encouragement de l'agriculture en 1852 : fr. 35,045 11.
« Cette somme sera ajoutée à l’article 52, chapitre XI du budget de 1852. »
La section centrale, à l'unanimité de ses six membres présents, consent à allouer 30,000 francs, en ajournant le surplus par les motifs énoncés au n°20.
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Nous attendrons.
- La proposition de la section centrale est adoptée.
« 36° Frais des commissions médicales provinciales. Quatorze cent dix-neuf francs trente centimes, pour payer des frais de route restant dus à des membres des commissions médicales provinciales : fr. 1,419 30.
« Cette somme sera ajoutée à l'article 114, chapitre XX du budget de 1852. »
- Adopté.
« 41° Encouragements aux lettres et aux sciences. Trente-cinq mille cinq cent soixante-six francs quatre-vingt-quatre centimes, pour payer des dépenses relatives aux encouragements aux lettres et aux sciences : fr. 35,566 84.
« Cette somme formera l'article 128, chapitre XXIV du budget de 1853. »
M. Rogier. - Messieurs, la section centrale trouve que le gouvernement a très mal fait d'engager les crédits et de les dépasser sans autorisation. Je ferai remarquer à l'honorable rapporteur de la section centrale que si le gouvernement a dû anticiper sur les exercices, c'est que lui-même a trouvé l'exercice dans lequel il est entré en fonctions, surabondamment chargé d'engagements.
On nous dit que « le découvert que constate l'exposé du gouvernement pour l'exercice 1852, s'élève à 19,666 fr 84 c. dont 15,500 fr. environ du chef de souscriptions, dont la plupart sont antérieures à l'ouverture du budget de 1852. » Eh bien, messieurs, voulez-vous savoir à quelle somme s'élevait le découvert en 1847, à la date du 1er juin ?
Les engagements pris par mes honorables prédécesseurs à la date du 1er juin 1847, s'élevaient à la somme de 48,146 fr. Or comme le chiffre annuel n'est que de 44,000 fr., le crédit se trouvait déjà dépassé, au mois de juin, de plus de 4,000 fr.
C'est cet arriéré qui a constamment pesé sur l'administration. La même observation s'applique à l'article « beaux-arts » ; là les charges léguées par l'administration antérieure à la mienne sont encore beaucoup plus lourdes, je le démontrerai par dates, par chiffres et s'il le faut par noms. Et à propos de noms propres, l'honorable M. de Man a cru devoir publier dans le corps de son rapport les noms de toutes les personnes à qui des subsides ont été accordés sur les lettres et arts ; eh bien, l'honorable M. de Man, à une autre époque, trouvait de graves inconvénients à cette publication. Il disait ceci :
« Comme le dépôt de l'emploi de la lettre A sur le bureau de cette chambre était de nature à soulever des questions personnelles, que nous devons éviter, dans l'intérêt de la dignité parlementaire, je n'ai pas demande ce dépôt, j'espère que mes honorables collègues ne se jetterons pas sur ce terrain glissant sur lequel je ne les suivrai pas. »
Voilà quelle était la doctrine de l'honorable M. de Man, sous d'autres ministères.
M. de Man d'Attenrode. - Quelle année ?
M. Rogier. - Le 26 janvier 1844, sous le ministère de M. Nothomb. Je constate seulement le changement de doctrine de l'honorable M. de Man ; non seulement, M. de Man tolérerait aujourd'hui le dépôt sur le bureau au tableau des engagements pris et des dépenses faites, mais il publie dans le corps de son rapport tout la série des noms auxquels des subsides ont été accordés ou auxquels des commandes ont été faites.
Js ne m'en plains pas, je demande seulement que dans le prochain rapport, qu'il sera, j'espère, chargé de faire, il veuille bien publier aussi le tableau de toutes les dépenses faites avant mon entrée au ministère. Ce sera une mesure équitable qui permettra de faire des comparaisons.
(page 1650) Sans doute, l'honorable M. de Man ne se refusera pas à ce travail. Du reste, je me réserve d'en faire la demande lorsque nous discuterons le troisième rapport de la section centrale.
M. Malou. - La session est trop avancée pour que nous venions discuter d'une manière approfondie la question qui se présente maintenant. D'après mes souvenirs, l'honorable M. Rogier a présenté en 1847 des crédits supplémentaires pour tous les articles sur lesquels il y avait des engagements pris. Voilà mes souvenirs ; je n'ai pas, comme l'honorable membre, compulsé les Annales parlementaires ; je me réserve de le faire lorsque nous discuterons la question.
M. de Man d'Attenrode. - Le fond du discours de l'honorable M. Rogier peut se résumer ainsi : l'honorable rapporteur est partial à l'égard de mon administration ; il ne procédait pas e la même manière quant aux administrations antérieures à 1847.
Eh bien, messieurs, cette idée est complètement erronée et dépourvue de justice. L'honorable membre devrait se rappeler ce qui s'est passé à propos des crédits supplémentaires demandes pour le compte du département des travaux publics dont l'honorable M. Dechamps avait eu l'administration. La section centrale, dont plusieurs amis de l'honorable M. Rogier faisaient partie, me chargea de la tâche de faire le rapport.
Je ne récusai pas cette tâche, et je le demande à l'honorable M. de Brouckere, aujourd'hui ministre des affaires étrangères, qui siégeait à la section centrale, je me permets de lui demander, si les conclusions que j'ai formulées à cette époque ne furent pas sévères à l'égard de mon honorable ami. J'ai procédé ainsi à diverses reprises, même à l'égard de mes amis.
L'on m'interpellait à cette époque en me disant : « Mais votre conduite est inexplicable, vous tirez sur vos propres amis. » Et je répondais aux représentants de la gauche :
« Vous nous prédisez votre avènement aux affaires ; et quand vous y serez arrivés, j'entends me préparer une position qui me permettra d'attaquer vos actes sans que vous puissiez atténuer l'effet de mes paroles, en attribuant mes critiques à l'esprit de parti. »
Je crois avoir atteint mon but.
J'ai donc constaté que je n'ai pas usé de plus de ménagements à l'égard des actes des administrations antérieures à 1848, qu'à l'égard de ceux de nos adversaires politiques. Je suis donc resté conséquent avec moi-même.
J'ai entendu dire encore dans cette discussion, que l'honorable M. Rogier avait agi tout comme ses prédécesseurs. Cela n'est pas tout à fait juste.
Je conviens que les crédits supplémentaires sont un mal qui toujours existé sous tous les cabinets. Les crédits supplémentaires ont toujours été considérables au département des travaux publics ; aussi, n'est-ce pas un modèle à suivre que ce département. Mais quant au département de l'intérieur, jamais ces crédits supplémentaires n'ont été aussi considérables que depuis 1847, et je dirai en passant que les crédits supplémentaires qui ont des travaux publics pour origine sont bien moins critiquables que ceux qui sont nécessaires parce que l'on a accordé des subsides tous d'intérêt personnel et créé des services dont le pays se passera fort bien sans se plaindre.
Maintenant, messieurs, voulez-vous savoir d'où provient cette exubérance de crédits supplémentaires ? Elle provient de ce que la chambre a vote deux millions en 1848 et un million en 1849, qui ont servi à augmenter le budget d'une manière considérable ; aussi je me rappelle que l'honorable M. Rogier déclarait que la plupart de ces dépenses pourraient être inscrites définitivement au budget, et il n'y a pas manqué : c'est là la source de toutes ces dépenses qui ont excédé les crédits législatifs ; on avâit contracté l'habitude de disposer de 2 à 3 millions. Une fois que ces millions ont été dépensés, on a procédé par la voie de crédits supplémentaires.
D'ailleurs, l'honorable M. Rogier doit convenir que le système d'administration qu'il a pratiqué depuis 1847 à 1852 et que nous discutons aujourd'hui, n'est que la continuation de son système d'administration quand il était, en 1841, ministre des travaux publics chargé du service des lettres, sciences, arts.
Alors aussi l'honorable député d'Anvers faisait des dépenses sans égard pour les crédits qui lui étaient confiés, et, les crédits supplémentaires qui en ont été la conséquence ont fait le sujet de rapports de MM. Peeters et de Decker. Le style de ces documents exprime la désapprobation de la chambre.
Voici ce que l'on lit dans le rapport de M. de Decker du 31 janvier 1842, n°182.
« C'est d'abord une question de constitutionnalité, puisqu'il ne s'agit de rien moins que de savoir si un ministre, pour quelque motif ou de quelque manière que ce soit, peut, sciemment et sans nécessité absolue, dépasser les sommes que la législation met annuellement à sa disposition, la section centrale ne pense pas que quelqu'un songe, en présence de l'article 115 de la Constitution, à accorder au gouvernement le droit exorbitant de fouler aux pieds les dispositions formelles de la loi ou d'éluder les restrictions que la législature juge convenable de poser aux dépenses a faire chaque année. »
J'étais donc fondé à dire que l'ancien ministre de l'intérieur est coutumier du fait ; il a continué en 1848 et années suivantes son système d'administration de 1841.
- Le chiffre est adopté.
« 42° Encouragements aux beaux-arts. »
Le gouvernement demande sous ce numéro :
« 1° 90,085 70 fr., montant de l'état qui figure aux pages 63, 64 et 65 de l'exposé des motifs.
« 2° 1,750 fr. demandés pour le tableau de M. de Taege.
« 3° 34,049 fr. 64 réclamés en faveur de M. Wiertz.
« 4° 5,000 fr. destinés à M. de Biefve.
« 5° 3,000 fr. pour solder le subside accordé pour une peinture à fresque.
« 6° 5,000 fr. demandés par le Cercle artistique.
La section centrale propose d'adopter les cinq premiers numéros ; quant au n°6°, elle en proposa l'ajournement.
M. Osy. - Messieurs, lors du premier rapport, je me suis élevé contre les dépenses qu'on faisait en dehors du budget ; aujourd'hui j'ai à me plaindre de ce qu'on n'affecte pas à leur destination les sommes que nous votons. Nous avons alloué au budget de 1852, pour les beaux-arts, un crédit de 100 et quelques mille francs ; cette somme est divisée en litteras, et au littera D figurent 40,000 francs pour les académies, autres que celle d'Anvers. Le gouvernement peut, à la vérité, transférer d'un littera à l'autre ; mais quand nous voyons 40,000 fr. pour des académies désignées, nous devons présumer qu'il y a des engagements ; eh bien, nous avons découvert en section centrale que le gouvernement avait dépensé cet argent, et entre autres les 28,000 fr. dus à l'académie des beaux-arts de Bruxelles, d'une toute autre manière. C'est un détournement de fonds. Il est beaucoup moins irrégulier de dépenser de l'argent en dehors du budget que n'affecter à un autre objet un crédit voté par la chambre avec une destination déterminée.
M. le ministre de l'intérieur, qui n'approuve par les irrégularités, doit convenir avec moi que les 28,000 francs de l'Académie des beaux-arts de Bruxelles auraient dû être sacrés pour l'administration. Et aujourd'hui, on vient nous demander des fonds pour payer de nouveau cette somme que nous avions déjà votée.
Sous ce rapport, je trouve que l'ancien ministre de l'intérieur a agi d'une manière extrêmement irrégulière.
Je dirai à cette occasion que, n'ayant pas peur des foudres de l'honorable député de Bruges, je ferai jusqu'à la fin mon devoir et que je révélerai à la chambre tout ce que nous avons appris du chef des crédits supplémentaires.
Que l'honorable M. Rogier vienne lire ici ce que j'ai dit en 1848 et dans d'autres circonstances, cela m'est indiffèrent ; j'ai la conscience nette ; depuis tant d'années que je siège dans cette enceinte, je n'ai eu d'autre mobile que mon devoir et mon dévouement au pays. Cela me console des attaques dont je puis être l'objet.
M. Rogier. - Messieurs, je ne pense pas que l'honorable M. Osy ait à se plaindre de moi ; j'ai rendu, au contraire, hommage aux services qu'il a rendus à la chambre, par le contrôle sévère qu'il a porté dans les dépenses publiques ; je trouve seulement que l'honorable membre n'est pas toujours juste dans ses attaques.
L'honorable membre me reproche d'avoir négligé de paver à l'académie des beaux-arts de Bruxelles le subside qui lui revient et d'avoir affecté cette somme à une autre destination.
D'abord, l'article qui figure au budget est un article global. Les allocations de l'académie de Bruxelles n'y figurent que sous des litteras. Que s'est-il passé pour Bruxelles ? La ville de Bruxelles ne reçoit pas seulement un subside pour l'académie des beaux-arts ; elle en reçoit encore pour les statues de l'hôtel de ville ; elle en a reçu pour las groupes sculptés qui servent d'ornement aux avenues du parc ; elle en a reçu d'autres encore ; la ville de Bruxelles n'a pas à se plaindre sous ce rapport. Or, qu'a-t-on fait ? On a payé à la ville de Bruxelles les subsides qui étaient les plus urgents, et l'on a ajourné le crédit affecté à son académie.
Voilà, messieurs, tout ce qui s'est passé. Pourquoi le gouvernement a-t-il fait cela ? parce qu'il a été reconnu par tous les ministres qui se sont succédé, même par M. Piercot qui a annoncé l'intention de se renfermer dans les crédits votés au budget, il a été reconnu après des études approfondies que le crédit pour les beaux-arts était insuffisant. Je prie l'honorable M. Osy de vouloir bien ne pas perdre cela de vue. M. le ministre a demandé au budget de 1854 un supplément annuel de 38 mille francs, après que la chambre l'aura dégagé de toutes les charges antérieures.
Savez-vous pour quelle somme le crédit des beaux arts était engagé quand je suis arrivé aux affaires ? Pour une somme de 197 mille francs ; et en présence de quel chiffre me trouvais-je ? En présence d'une allocation de 67 mille francs. J'avais au mois d'août à faire face à 197 mille francs d'engagements avec 67 mille francs ; et une grande partie de ces engagements dut donc se trouver sur les exercices suivants. J'en ai les détails.
Comment voulez-vous qu'avec 197 mille francs de charges et 67 mille francs de ressources je ne me suis pas trouvé en déficit ?
Je ne parle pas des engagements, des commandes pour lesquelles on n'avait pas fait de prix. La section centrale a dit que la prudence la plus vulgaire s'opposait à une pareille pratique administrative. Cependant cette pratique a existé de tout temps, sous tous les ministres, à toutes les époques. Ce n'était donc pas un reproche qui me revenait à moi, puisque c'était un usage constant, commandé d'ailleurs par le sens commun ; le contraire est impossible. Je me réserve de prendre la parole à l'article relatif au Cercle artistique.
(page 1651) M. Rousselle. - J'ai demandé la parole pour faire mes réserves au sujet d'une opinion que vient d'exprimer l'honorable M. Rogier. Cette opinion est celle-ci : Quand un crédit est divisé en littéras le gouvernement est maître de disposer à volonté du crédit, quand même ces littéras s'appliqueraient à des objections résultant de dispositions législatives ou d'engagements antérieurs au vote du budget.
Je ne veux pas traiter cette question en ce moment, je me borne à faire mes réserves pour la combattre lorsque nous nous occuperons du troisième rapport.
M. de Theux. - Je me borne à faire mes réserves sur le discours de l'honorable M. Rogier. Je prie M. le ministre de l'intérieur de mettre les archives de son département à la disposition des membres de la chambre qui voudraient les compulser.
- Un grand nombre de voix. - La clôture ! la clôture !
- La discussion est close.
Les crédits dont la section centrale propose l'adoption sont mis aux voix et adoptés.
La section centrale propose l'ajournement du crédit de 5 mille francs demandés pour le Cercle des arts.
M. Rogier. - Je ne sais si M. le ministre se rallie à cette proposition. M. le rapporteur a eu très peu de temps pour son second rapport ; il y a passé, dit-il, la nuit ; c'est un acte méritoire dont on doit lui savoir gré ; mais, dès lors, il n'est pas étonnant qu'il se soit introduit ces erreurs dans son travail. En voici cependant une qui est inexplicable : Il a proposé de tenir en réserve l'article relatif à la convention passée avec le Cercle des arts. Voici par quelles raisons la section centrale a été engagée à ajourner cette dépense :
« Enfin, 5,000 fr. ont encore été demandés par M. le ministre de l'intérieur, en exécution d'une convention faite avec le Cercle artistique, et payables en 1853.
« Cette convention, approuvée par un arrêté royal du 10 février 1852, accorde à cette société un subside de 30,000 fr., payable par annuités de 5,000 pour couvrir le déficit d'une fête donnée le 24 septembre 1851.
« D'après l'article premier, la société du Cercle artistique cède au gouvernement belge, par compensation, les tableaux à l'huile qui ont orné la salle érigée pour cette fête.
« D'après les termes de l'article 2, ces tableaux consistent :
« 1° En douze vues de villes, mesurant 3 mètres 30 centimètres, sur un mètre 95 centimètres.
« 2° En trente-deux portraits en pied, mesurant 2 mètres 75 centimètres, sur 1 mètre 40 centimètres.
« 3° En 46 paysages, scènes de genre, mesurant 1 mètre 60 centimètres carrés ; de sorte que l'Etat a reçu en échange d'une promesse de 30,000 francs, 11 mètres 60 centimètres de toile peinte.
M. de Man d'Attenrode. - C'est une erreur que j'ai rectifiée au début de la séance, c'est 273 mètres !
M. Rogier. - « La section centrale propose, à l'unanimité de six membres présents, l'ajournement de l'examen des questions qui se rattachent à ce subside.
« Lors du rapport que la section centrale fera sur toute cette affaire, la chambre aura à apprécier s'il y a lieu de régulariser cette dépense. »
D'après le calcul primitif du rapporteur de la section centrale, le gouvernement aurait acheté pour 50 mille francs 11 mètres 60 centimètres de toile peinte, d'après la rectification ce serait 273 mètres, niais en réalité c'est 518.
Il ne faut pas jeter ainsi du ridicule sur le gouvernement en le représentant comme capable d'acheter pour 30 mille francs, 11 mètres ou 273 mètres de toile peinte. Il y a là une appréciation peu digue d'hommes sérieux qui ne sont pas étrangers aux beautés de l'art.
Est-ce que la section centrale n'a pas été entraînée ici à son insu à une conclusion qu'elle doit regretter ? Son rapporteur lui dit : le ministre de l'intérieur a si peu de souci des deniers des contribuables (car on les fait figurer à propos d'un crédit de 3,250 francs) qu'il achète quelques mètres de toile peinte pour 30,000 francs ! L'honorable rapporteur s'est complètement trompé. Le métré qu'il a se rapporte à chaque unité et non à l'ensemhle.
M. de Man d’Attenrode, rapporteur. - La rectification que j'ai faite à l'ouverture de la discussion porte sur ce calcul-là.
M. Rogier. - Mais elle contiinl une seconde erreur. C'est sans doute l'effet de la nuit que vous avez passée à travailler. Je conçois que dans de telles circonstances on commette des erreurs ; cependant celle-ci passe un peu la permission.
Ce ne sont pas des toiles sans valeur que le gouvernement a acquises, ce sont des toiles précieuses dues à la plupart de nos meilleurs artistes qui sont tous intervenus avec le plus grand désintéressement peur concourir à l'éclat d'une grande fête artistique à laquelle ont été conviés les artistes étrangers de toute l'Europe. Tous nos artistes ont fait preuve de désintéressement en même tempe que de talent. Il y a un grand nombre de toiles pour lesquelles ou n'a rien demandé, sauf (encore plusieurs ne l'ont-ils pas accepté) le remboursement des frais matériels.
Ces 80 tableaux qui représentent une valeur de plus de 30,000 francs ont été cédés au gouuverneraent pour cette somme, moyennant laquelle le Cercle artistique a pu faire face à ses engagements.
On donne une analyse du contrat ; mais dans cette analyse on a négligé une clause importante : le Cercle artistique rend à la capitale de grands services. C'est ce qu'a reconnu un honorable membre qui siège sur d'autres bancs. Les conférences données pendant tout l'hiver au Cercle sont extrêmement utiles. C'est une institution que j'ai voulu encourager. Moyennant ce subside de 30,000 francs, le Cercle s'est engagé à continuer ces conférences sur les arts et les sciences indépendamment de la cession des tableaux dont j'ai parlé.
Voilà les engagements que j'ai pris au nom du gouvernement et au sujet desquels j'attends de pied ferme la discussion.
J'ai voulu seulement redresser l'erreur incroyable commise par l'honorable rapporteur et compléter les renseignements au sujet du contrat avec le Cercle artistique. Au reste, je ne demande pas un vote immédiat.
- Plusieurs membres. - La clôture !
M. Orban. - Je conçois qu'on demande la clôture lorsqu'on ne présente aucune observation sur le rapport de la section centrale ; mais l'honorable M. Rogier ayant cherché à justifier une convention au sujet de laquelle il avait jusqu'à présent ajourné toute explication, il doit être permis de lui répondre.
M. de Man d’Attenrode, rapporteur. - La note insérée au rapport de la section centrale a fait le sujet des critiques du l'honorable député d'Anvers, il a cherché à déverser le ridicule sur ses observations.
Je demande à lui répondre en deux mots.
- La clôture demandée est mise aux voix et rejetée.
M. de Man d’Attenrode, rapporteur. - Je ne veux pas prolonger le débat, je tiens trop à respecter les convenauces pour vous demander à m'entendre longuement.
Vous voulez terminer la session, c'est de toute justice, vous avez des droits légitimes à vouloir rentrer dans vos familles.
L'intention de la section centrale a été de ne pas faire surgir un débat sur cette question dans les circonstances présentes, mon intention a été de l'ajourner à la session prochaine.
Le rapport résume en quelques mots le contrat qui est intervenu entre l'administration et la société du Cercle artistique, le 16 février 1852.
L'honorable M. Rogier ni'a cherché querelle à propos du passage du rapport de la section centrale, qui concerne cette question, à propos d'une annuité de 5,000 fr. réclamée par le gouvernement, d'une annuité destinée à combler le déficit résultant d'une fête donnée par cette société en 1851.
Vous n'aurez sans doute pas compris d'abord, messieurs, le motif des critiques de l'honorabîe député, la cause de son mécontentement.
La voici : j'avais prévu la sortie de l'honorable député d'Anvers.
Savez-vous ce qu'il trouve inconvenant ? C'est que le vote de la section centrale fasse le calcul par mètres carrés des toiles peintes, qui ont été cédées à l'Etat en échange de son subside.
Le calcul a aussi fait l'objet ce ses critiques ; il ne s'agit pas, a-t-il dit, de 11 mètres 60 cent. de tableaux, le nombre en est beaucoup plus considérable ; cela est exact, j'ai reconnu mon erreur, d'ailleurs fort justifiable quand le temps presse autant, je l'ai reconnue des le début de la séance. J'ai estimé la surface de ces toiles à 273 mètres 96 centimètres.
Au reste si l'honorable membre tient tant à connaître la surface exacte de ces toiles, la section centrale pourra en charger un geomètre-jurè pour la session prochaine. (Interruption.)
Mais ce n'est pas dans le nombre de mètres que gît la question.
Ce qui paraît inconvenant, c'est d'avoir calculé en mètres et centimètres, comme de la toile d'ameublement, les toiles peintes cédées au gouvernement.
Eh bien, ce manque de respect pour les toiles qui ont décoré la fête du Cercle artistique ne peut être imputé à la section centrale. S'il y a manque de convenance, cette imputation ne peut être adressée qu'à l'administration de l’honorable M. Rogier.
Cette inconvenance gît dans les termes mêmes de la convention annexée à l'arrêté royal du 10 février 1852.
En voici les termes :
« Art. 1er. La société du Cercle artistique et littéraire cède au gouvernement belge, etc.
« Art. 2. Ces tableaux consistent :
« 1° Enu douze vues de ville, mesurant 3 mètres 20 centimètres, sur un mêtre 95 centimètres, etc.
« 2° En trente-deux portraits en pied, etc., etc., mesurant deux mètres 75 centimètres, sur 1 mètre 40 centimètres, etc.
« 3° En 40 tableaux, représentant le paysage, les scènes intérieures et le genre, mesurant 1 mètre 60 centimètres carrés.
« 4° De son côté le gouvernement s'engage à allouer à la société un subside total de 30,000 fr. »
Messieurs, quand cet arrêté fut publié, les termes m'en semblèrent fort singuliers.
Afin de faire apprécier la valeur de ces toiles peintes, ceux qu’il l’on rédigé ont fait constater le metré, comme s’il s’agissait de tissus de coton ou de toiles peintes, destinées à l’ameublement.
L’honorable M. Rogier n’a donc pas le droit de se plaindre des termes (page 1652) dont s'est servie la seciion centrale, elle s'est bornée à faire usage des termes mêmes de son arrêté.
Elle s'est bornée à la transcrire, afin de le faire connaître ; il avait été perdu de vue.
- La discussion est close.
L'ajournement est mis aux voix et prononcé.
M. le président. - Le n°42 est rédigé comme suit :
« °42. Encouragements aux beaux-arts : fr. 135,885 34. »
- Adopté.
« 43°. Subsides aux provinces pour restauration des monuments : fr. 22.800. »
La section centrale, d'accord avec le ministre de l'intérieur, propose d'allouer 10,000 fr., en se réservant d'examiner le surplus dans son prochain rapport.
M. A. Vandenpeereboom. - Le but de mon amendement est de mettre le gouvernement à même de faire face à l'engagement pris par lui de fournir un subside de 4 mille francs pour achat de statues destinées à orner la façade de la halle d'Ypres.
La section centrale s'étant ralliée à mon amendement et M. le ministre de l'intérieur ayant promis d'imputer sur le crédit extraordinaire le subside dont je viens de parler, je renonce à développer mon amendement ; je ne veux pas abuser des moments de la chambre, je me contente de prendre acte de la promesse faite par M. le ministre de l'intérieur en seciion centrale.
- L'article 43 est adopté avec le chiffre de 10,000 fr.
La chambre passe au vote du texte du projet de loi.
« Art. 1er. Le budget des dépenses du ministère de l'intérieur pour l'exercice 1852, fixé par la loi du 29 août 1851, est augmenté d'une somme de 667,737 fr. 88 c, répartie comme suit : (Suit le détail des articles votés par la chambre.) »
- Adopté.
« Art. 2. Le budget des dépenses du ministère de l'intérieur pour l'exercice 1853, fixé par la loi du 3 janvier 1853, est augmenté d'une somme de 164,952 francs 18 c, répartie comme suit : (Suit le détail des articles volés par la chambre.) »
- Adopté.
« Art. 3. Les crédits spécifiés aux articles 1 et 2 ci-dessus seront couverts au moyen de bons du trésor. »
- Adopté.
Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet de loi.
79 membres sont présents.
59 votent l'adoption.
14 votent le rejet.
6 s'abstiennent.
En conséquence, le projet de loi est adopté ; il sera tranmis au sénat.
Ont voté l'adoption : MM. Mascart, Matthieu, Mercier, Moreau, Orts, Pirmez, Prévinaire, Rodenbach, Rogier, Roussel (A.), Rousselle (Ch.), Thiéfry, T'Kint de Naeyer, Tremouroux, Vandenpeereboom (A.), Vandenpeereboom (E.), Van Grootven, Van Hoorebeke, Van lseghem, Van Overloop, Van Remoortere, Van Renynghe, Verhaegen, Vermeire, Veydt, Visart, Allard, Anspach, Boulez, Cans, Closset, Dautrebande, David, de Baillet (H.), Dechamps, de Decker, de Haerne, de Liedekerke, Deliége, de Perceval, de Pitteurs, Desmaisières, de Theux, de T'Serclaes, Devaux, d'Hoffschmidt, Faignart, Janssens, Julliot, Laubry, le Bailly de Tilleghem, Lebeau, Le Hon, Lejeune, Lesoinne, Loos, Maertens, Manilius et Delfosse.
Ont voté le rejet : MM. Moncheur, Orban, Osy, Thibaut, Thienpont, Vanden Branden de Reeth, Vander Donckt, Coomans, de Man d'Attenrode, de Mérode (F.), de Mérode-Westerloo, de Portemont, Magherman et Malou.
Se sont abstenus : MM. de La Coste, de Naeyer, de Renesse, Dumortier, Jacques et Landeloos.
M. le président. - Les membres qui se sont abstenus sont invités à faire connaître les motifs de leur abstention.
M. de La Coste. - Messieurs, je n'ai pas voulu me prononcer contre la loi, parce que très souvent les personnes envers lesquelles le gouvernement prend des engagements ou avec lesquelles il contracte, ne peuvent pas savoir si la dépense est régulière ou irrégulière et que dès lors on ne peut faire tomber sur ces personnes les inconvénients d'un rejet.
D'un autre côté, je n'ai pu donner mon approbation à ces dépenses, non seulement à cause de leur irrégularité, mais parce que je pense que la manière dont on éparpille les fonds destinés aux lettres, aux sciences et aux arts, peut être agréable à ceux qui profitent pour le moment des avantages qu'on leur accorde, mais qu'elle est infiniment nuisible, qu'elle fait que les fonds que nous accordons ne laissent rien de durable ni de solide.
M. de Naeyer, rapporteur. - Je n'ai pas voulu voter contre le projet de loi, parce qu'il renferme quelques dépenses obligatoires en vertu de la loi et d'autres qui ont été commandées par d'urgentes nécessités.
Mais d'un autre côté je n'ai pas voulu donner au projet de loi un vote approbatif, parce que j'y vois figurer plusieurs dépenses faites sans credit législatif et pour lesquelles les mêmes motifs de justification ne sauraient eue sérieusement invoqués.
Ces dépenses constituent à mes yeux une violation de la loi que je ne crois pas avoir le droit de sanctionner par mon vote.
M. de Renesse. - Je me suis abstenu par les mêmes motifs que l'honorable M. de Naeyer.
M. Dumortier. - Il m'est impossible de voter contre un projet de loi relatif à des faits dans lesquels des tiers sont intervenus de bonne foi. Mais il m'est impossible de voter une loi dans laquelle les principes les plus sacrés de la Constitution sont violés.
M. Jacques. - Je me suis abstenu parce que le projet de loi renferme quelques crédits que je n'approuve pas.
M. Landeloos. - Je me suis abstenu par les motifs qu'a fait valoir l'honorable M. de Naeyer.
Au 5° de l'article 197, la chambre après les mots : « l'article 73 est supprimé », a ajouté : « à partir du 1er janvier 1854 ».
- Cet amendement est définitivement adopté.
Le 7° du même article a été adopté dans les termes suivants :
« 7° Les dispositions suivantes remplacent l’article 83 :
« Les gardes peuvent être exercés au maniement des armes ou aux manœuvres, huit fois par an. Ce nombre d'exercices ne peut être dépassé, si ce n'est en verlu d'une autorisation écrite ducollége des bourgmestre et échevins. »
- Ce paragraphe est mis aux voix par appel nominal. En voici le résultat :
80 membres sont présents.
44 adoptent.
36 rejettent.
En conséquence l'amendement est définitivement adopté.
Ont voté l'adoption : MM. Matthieu, Mercier, Moncheur, Orban, Osy, Pirmez, Rodenbacb, Thibaut, Thienpont, Vauden Branden de Reeth, A. Vandenpeereboom, E. Vandenpeereboom, Vander Donckt, Van Overloop, Van Renynghe, Vermeire, Boulez, Coomans, H. de Baillet, de Brouwer de Hogendorp, Dechamps, de Decker, de Haerne, de La Coste, de Liedekerke, de Man d'Attenrode, F. de Merode, de Mérode-Westerloo, de Naeyer, de Portemont, de Ruddere, de Sécus, Desmaisières, de Theux, de T Serclaes, Dumortier, Faignart, Jacques, Janssens, Julliot, Landeloos, le Bailly de Tilleghem, Magherman et Malou.
Ont voté le rejet : MM. Mascart, Moreau, Orts, Prévinaire, Rogier, A. Roussel, Ch. Rousselle, Thiéfry, T'Kint de Naeyer, Tremouroux, Van Grootven, Van Hoorebeke, Van lseghem, Van Remoortere, Verhaegen, Veydt, Visart, Allard, Anspach, Cans, Closset, Dautrebande, David, Deliége, de Perceval, de Renesse, Devaux, d'Hoffschmidt, Laubry, Lebeau, Le Hon, Lejeune, Lesoinne, Loos, Maertens, Manilius et Delfosse.
-Le changement de rédaction qui consiste à substituer le mot « accompli » au mot « atteint », dans le dernier paragraphe du projet, est ensuite mis aux voix et définitivement adopté.
Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet qui est adopté par 51 voix contre 30.
Ont voté l'adoption : MM. Mascart, Matthieu, Mercier, Moncheur, Orban, Osy, Pirmez, Rodenbach, Ch. Roussselle, Thibaut, Thienpont, T'Kint de Naeyer, Tremouroux, Vanden Branden de Reeth, A. Vandenpeereboom, E. Vandenpeerebooù, Vander Donckt, Van Grootven, Van lseghem, Van Overloop, Van Renynghe, Vermeire, Boulez, Coomans, H. de Baillet, de Brouwer de Hogendorp, Dechamps, de Decker, de Haerne, de La Coste, de Liedekerke, de Man d'Attenrode, F. de Mérode, de Mérode-Westerloo, de Naeyer, de Portemont, de Renesse, de Ruddere, de Sécus, Desmaisières, de Theux, de T Serclaes, Dumortier, Faignart, Jacques, Janssens, Julliot, Landeloos, le Bailly de Tilleghem, Magherman et Malou.
Ont voté le rejet : MM. Moreau, Orts, Peers, Prévinaire, Rogier, A. Roussel, Thiéfry, Van Hoorebeke, Van Remoortere, Verhaegen, Veydt, Visart, Allard, Anspach, Cans, Closset, Dautrebande, David, Deliége, de Perceval, Devaux, d'Hoffschmidt, Laubry, Lebeau, Le Hon, Lejeune, Lesoinne, Loos, Maertens, Manilius et Delfosse.
La discussion générale continue. La parole est à M. Julliot.
M. Julliot. - Après la cession de la moitié de sa population et de son territoire, l'arrondissement de Tongres a conservé néanmoins quelqu'importance de plus que celui de Hasselt ; la première de ces villes est donc restée chef-lieu de province sous le rapport judiciaire, tandis que Hasselt en est le chef-lieu administratif, résidence du gouverneur et des administrations provinciales.
Le projet de loi que nous discutons a pour objet, dans les termes où le gouvernement vous le présente, de favoriser, pour la troisième fois, la construction d'une partie de chemin de fer dans l'arrondissement de Hasselt alors que l'arrondissement que je représente en est encore frustré d'une manière absolue et ne recevra aucune satisfaction sérieuse par le vote du projet qui nous est soumis.
(page 1653) On dira, je le sais, si les capitaux n'ont pas confiance à se placer en chemin de fer dans votre arrondissement, mais qu'ils en aient dans les localités de l'arrondissement de Hasselt, qu'avez-vous à y dire ? Le concessionnaire doit être libre de son choix, du moment que cela ne coûte rien à l'Etat. Oui, c'est vrai, et mon opposition serait inadmissible s'il en était ainsi ; mais loin de là, car les charges respectivement les plus lourdes pour le trésor de l'Etat ont été imposées pour doter l'arrondissement rival du nôtre, alors que pour ce dernier on n'a que des promesses, des faux fuyants et des contradictions à fournir.
L'honorable comte de Theux a paru produire hier un certain effet sur la chambre en additionnant le produit des barrières au point de Bilsen ; mais, messieurs, cet argument n'en est pas un, car Bilsen actuellement ne sert pas de point de passage à nos relations avec le nord de la province, nos populations sont séparées de ce bourg par le Demer, et par un chemin qui a toujours été impraticable entre Bilsen et Maestricht, nos affaires se font en partie encore par des chemins des traverse, et par une partie de la route de jonction et le grand nombre se font par nos négociants sur les lieux mêmes et sont à défaut de chemin de fer expédiées sur Liége par eau, d'où on amène les marchandises à Tongres. Dans notre système Bilsen deviendra un point de passage des plus importants, car toutes les relations entre Liège et Tongres d'une part et Hasselt et Maestricht d'aulre part se feront par là ; il en sera encore de même des quatre cantons de notre arrondissement qui se trouvent au-delà. La force naturelle des choses s'oppose à ce que, dans l'état actuel, les affaires se fassent en passant à Bilsen, voilà tout.
Mais, messieurs, là n'est pas la question, et vous allez le voir. Lors de l'exécution du traite de paix dont la rançon fut des hommes et du territoire, l'arrondissement de Hasselt ne perdit ni un clocher ni un citoyen.
A celui de Tongres on arrachait la moitié de sa population et les trois quarts de ses affaires, car depuis le négociant jusqu'au plus petit boutiquier, tous virent dans les 24 heures briser leurs ressources principales.
L'intérêt qui s'attache à cette cause et dont la défense est au-dessus de mes forces, est de l'ordre le plus élevé, et l'honorable comte de Theux devra bien quitter le cadre étroit des barrières de Bilsen ou de Cortessem pour répondre à mon discours que je recommande à l'indulgence de la chambre ; le jury parlementaire ne me condamnera pas sans m'avoir entendu, car l'honorable député de Hasselt, par son ardeur comme par son refus à toute conciliation, me donne la position trop belle pour que je n'en use pas. Je regrette que cet honorable collègue ait cru devoir se montrer le plus hostile à une population qui se souvient déjà trop de lui. Je ne recule jamais devant mon devoir, et je dois lui dire que par son attitude il s'est constitué le héros de cette discussion.
La question qui vous est soumise n'est pas une question d'intérêt matériel pour la Belgique, elle n'est question d’intérêt matériel que pour les actionnaires, mais pour le pays comme pour la chambre c'est une question de moralité, de justice et de dignité nationale.
Comment ! la chambre se trouve en présence d'un arrondissement auquel on disait du haut de la tribune :« Ceux qui nous restent seront comblés de tant de bienfaits moraux et matériels, que nous les forcerons à oublier le sacrifice immense qn'ou leur impose comme prix de notre indépendance. » Et cela s'adressait à nous et se passait en 1839, je parle en 1853 et ces populations ont encore la première fiche de consolation à attendre, alors que la Belgique tout entière n est plus qu'un réseau de chemins de fer et de canaux.
On décrétera encore un chemin de fer onéreux ponr l'Etat dans le Limbourg, et Tongres n'aura rien à y voir.
Le chemin de fer du Limbourg n'est pas une question de parti. Je me trompe, messieurs, c'est une question de parti, mais non pas entre ceux qui existent, elle est tout entière entre les partis anciens dont l'un trafiquait des populations, alors que l'autre les défendait, 1830 pour nous tous était la veille de 1839 et pour nous seuls 1853 en est encore le lendemain.
L'honorable comte de Theux se trouve encore le premier sur la brèche pour nous combattre, et c'était son devoir pour rester conséquent. Quand cet honorable homme d'Etat nous repousse, quand il veut empêcher une ville qui a tout perdu et qui n'a rien reçu d'arriver une première fois simultanément avec une ville qui a tout reçu et qui n'a rien perdu, il lie son passé à son présent, c'est un mérite comme un autre, et je le félicite sur la force de son esprit comme sur l'immobilité de son cœur.
La première section du chemin de fer faite dans le Limbourg fut celle de Landen à Saint-Trond, elle a été construite par l'Etat au prix de douze cent mille francs au profit de Hasselt sous le ministère d'un député de cette localité, et je ne m'en plains pas. Car si un député tongrois avait été ministre, j'ai la bonne foi de dire que le chemin se serait dirige de Waremme à Tongres et non pas de Landen à Saint-Trond.
Et cela se conçoit. La mission naturelle et normale d'un député ministre, c'est de faire faire tous les travaux possibles dans l'arrondissement qui l'a élu.
Ce n'est, après tout, qu'une récompense nationale décernée par le ministre à ses électeurs pour le bien qu'ils ont fait indirectement au pays en le portant aux affaires.
C'est un prix Montyon politique donné à un groupe de gens bien pensants dont la position du donateur dépend.
La second section est celle de Saint-Trond à Hasselt, elle fait l'objet de la convention du 10 mai 1845 avec la compagnie Mackenzie. Cette convention, dit l'honorable ministre des travaux publics, consacre un droit exclusif et exorbitant au profit de la compagnie concessionnaire.
Voir au rapport de la section centrale, réponse à la 9ème question.
A cette époque, l'honorable député de Hasselt n'était plus ministre, ce n'était qu'un de ses amis, mais souvent j'entends dire sur les bancs où siège l'honorable comte de Theux, qu'il est fâcheux qu'un ministre succédant à un autre de la même opinion doive toujours s'inspirer chez son prédécesseur, et alors, en supposant qu'au 16 mai 1845 les hommes fussent ce qu'ils sont aujourd'hui, je suis autorisé à conclure, que l’honorable député de Hasselt n’aura pas fait de grands efforts pour empêcher son ami de signer ce contrat aussi nuisible à l’intérêt public qu’il était profitable à la ville de Hasselt.
La troisième seciion qu'on vous propose et que l'honorable ministre déclare devoir être envisagée comme bonne pour le pays, est la plus mauvaise des trois, car elle ne se borne pas à enlever au chemin de fer de l'Etat les trois quarts du produit du transit, mais si elle n'est pas complétée par l'amendement de la section centrale, elle déplacera en sus gratuitement beaucoup d'intérêts respectables alors que par une bonne combinaison on pourrait laisser toutes les positions acquises existantes en les élevant toutes ensemble ; cette combinaison n'est autre que le projet de la section centrale ; ce projet est en même temps celui qui donne le plus d'assurance a Liège comme à Hasselt, car en le repoussant, ces villes mêmes renoncent à un élément de plus de réussite en lâchant gratuitement au profit de la société d'Aix-la-Chapelle une ligne qu'elle est obligée de payer cher si on tient bon, parce qu'elle ne peut s'en passer.
Le système de la seciion centrale se résume dans une combinaison qui donne pour résultat de relier entre elles le plus économiquement et par le moindre détour en moyenne les quatre villes de Liège, Tongres, Hasselt et Maestricht, en rapprochant leurs populations respectives des campagnes, chacune du point où se font les affaires. Ce système, qui est d'une logique inexorable, n'a cependant plus l'assentiment qu'il avait naguère, parce que d'une part une demi-douzaine d'exploitants de charbons et d'autre part une vingtaine de consommateurs de ce combustible se sont emparés de la question, et ceux-là ne veulent pas d'un kilomètre de détour, parce que le Hainaut pourrait leur enlever un clocher de village pour la consommation.
Les ingénieurs de leur côté nous combattent, parce que dans notre système le terrain est trop facile, l'art n'y trouve pas sa satisfaction, car il est impossible d'y créer soit un tunnel, soit un pont tube ; la ressource de la situation fait défaut.
On me dira : La compagnie repousse le projet de la section centrale. Eh bien, que la loi à intervenir repousse les prétentions de la compagnie en décrétant les deux lignes ensemble et alors, ou la compagnie exécutera la loi ou le projet sera ajourné, une meilleure combinaison se présentera, mais vous n'aurez pas gratuitement donné une valeur que l'on doit forcément vous payer. Vous savez trop que la ligne entre Maestricht et Aix-la-Chapelle aboutissant à deux pays divirs, n'a aucune valeur tant qu'elle ne peut se rattacher à Hasselt, pour y pomper le transit entre Anvers et l'Allemagne, et il n'y a pas péril en la demeure. Renvoyez donc ce projet, qui n'a d'autre mérite que celui de réduire les revenus de l'Etat, à une nouvelle élude afin de ne pas bouleverser sans examen toutes les relations établies, mais comme on a réponse à tout, je m'attends à ce qu'on me dise que ce sont les idées de mes commettants sur les conséquences probables de la loi qui sont bouleversées.
Mais ces idées étaient, it y a deux mois, partagées par le Limbourg tout entier, y compris l'honorable comte de Theux, et même par l'administration de la ville de Liège, car sa première délibération le constate.
Mais un industriel de Hasselt qui n'avait pas été consulté trouvait qu'en reliant toutes les villes par des lignes séparées, on arrivait à des lignes droites, il soutenait que la ligne droite devait être plus courte que la bifurcation.
Cette idée nouvelle fit grande sensation dans le camp de nos associés, nous fûmes immédiatement abandonnés par Liège et Hasselt, les régences de ces deux villes adoptèrent cette découverte, et après l'ordre, de nous soutenir, un contre-ordre fut expédié ; et ce qui me paraît assez probable, c'est que de cet ordre et de ce contre-ordre naîtra le désordre dans toutes ces entreprises financières dont nous sommes menacés, parce qu'elles ne présentent que de mauvaises combinaisons. Il n'y a pour le Limbourg qu'une solution sérieuse admissible, c'est d'attirer sur la ligne la plus courte la plus grand trafic possible, et notre système seul présente la solution de ce problème, car toute la difficulté se résume dans un détour de 5 kilomètres, sur 40 en ce qui concerne Hasselt.
Messieurs, j'ai soutenu bien des fois que la protection que doit le gouvernement à la société ne consiste pas à épuiser le trésor commun au profit de l'un ou de l'autre groupe ; mais que le devoir d'empêcner le mal de se produire est un devoir sacré pour lui et le seul dont il ait à se préoccuper sérieusement, et quand le gouvernement veut donner une concession quelconque, il doit examiner, avant tout, si en posant cet acte de telle manière au lieu de telle autre, il ne blessera pas de nombreux droits acquis qu'il peut ménager, s'il ne détruira pas de nombreuses valeurs acquises par le travail libre, si, en un mot, en cherchant à améliorer le sort d'une partie de la population, il n'appauvrit pas telle autre partie de la même quotité, et c'est de quoi l'honorable ministre, dans la proposition qu’il nous fait, ne s'est pas préoccupé. On vous propose de voter à la hâte un acte irréfléchi, odieux même à ceux qui en seront les victimes, et où sont les motifs, de cet empressement ?
(page 1654) La construction du chemin de fer que l'on propose dépasse son but d’une part, et n’est motivée que par des mots, d’autre part.
Ce chemin de fer dépasse son but, parce que, au lieu de créer des valeurs nouvelle, il ne fait que déplacer et par conséquent amoindrir celles qui existent sur les divers points de la province en brisant de nombreuses relations que par une bonne combinaison, nous pouvons sauvegarder.
Il dépasse son but, parce que, au lieu de laisser au chemin de fer de l'Etat les recettes qu'il a, le chemin de fer demandé l'en dépouillera !
Il dépasse encore son but à un autre point de vue, car si le gouvernement a le pouvoir discrétionnaire d'exproprier, cela ne peut être que pour l'utilité publique nationale, et non pas alors que l'utilité des spéculateurs et des intérêts étrangers est seule en jeu.
Le projet de loi n'est pas motivé, car vous portez une atteinte grave aux recettes de la ligne de l'Etat sans compensation aucune.
La perte que fera le chemin de fer n'est pas à évaluer, dit-on ; mais on pense qu'elle ne sera pas considérable. Je ne puis accepter cette réponse. On convient que le transit d'Anvers à Düsseldorf tout entier se fera par cette nouvelle ligne parce qu'elle sera de 9 kilomètres plus courte : on opine dans les régions gouvernementales qu'une ligne directe d'Anvers à Düsseldorf serait une entreprise fructueuse, cette ligne n'existe pas, donc le trafic se fera par la ligne que vous voulez concéder ; et en même temps on nous dit que le trafic ne sera que peu de chose ; ainsi les relations entre Anvers et le nord de l'Allemagne sont des plus considérables ou ne sont presque rien, d'après les besoins de la cause. Pour ma part je n'accepte pas ces arguments élastiques.
La ligne que voulez concéder est plus courte de un kilomètre dans la direction de Cologne. dit-on, ce que je ne puis garantir, car j'en ai assez vu pour savoir que les chiffres sont aussi capricieux que les arguments ; donc la ligne de l'Etat conservera le transit sur Cologne, dit-on encore ; pourquoi ? Parce qu'il y aura concurrence par l'égalité dans les distances. Mais qui de vous ignore que quand l'Etat est en concurrence dans des conditions égales avec l'intérêt privé, c'est toujours l'Etat qui est battu ? Avez-vous jamais vu le contraire ? Citez-le ! Le ministre restera maître de sa ligne, dit-il. Oui, à condition qu'il vexe ses concurrents par des retards, des droits fines et autres pauvres expédients dont le commerce souffre toujours, consultez les annales parlementaires de vingt ans, et vous lirez à chaque page que toujours l'Etat paye les frais des contrats.
L'Etat a fait une foule de contrats avec les intérêts privés, et tous, en général, ont été reconnus défavorables à l'Etat ; ils sont tous bons, comme celui-ci même, quand on nous les présente, et le lendemain du vote ils sont mauvais, onéreux quand ils ne sont pas détestables. Si l'Etat veut faire de bonnes affaires avec les particuliers, il doit s'en prendre à des mineurs ou à des interdits, parce que tant qu'il traitera avec des hommes qui ont l’intelligence et l'amour de leur propriété, il sera battu sur toute la ligne.
On me dira peut-être : Si nous sacrifions par cette concession une partie de notre transit, nous trouvons une compensation 1° dans la dispense d'exploiter la ligne de Landen à Hasselt, qui est onéreuse pour l'Etat, 2° nous faisons disparaître des procès que devait soutenir le gouvernement contre la compagnie Mackensie, tant du chef d'une somme de 70 mille francs avancée par l'Etat que du chef de bâtiments et travaux à faire dans les stations de Landen, Saint-Trond et Hasselt ; ces avantages réunis compensent le sacrifice que fait l’Etat d'une partie de son transit.
Eh bien, messieurs, si vous voulez suivre l'exposé que je vais vous faire, vous verrez que cette compensation se réduit à peu près à rien.
Le ministre nous dit que l'exploitation de Landen est onéreuse pour l'Etat, mais dix fois il nous a dit le contraire ; lisez ses discours dans les discussions du budget des travaux publics et là vous voyez que si cette ligne prise isolément est mauvaise, l'ensemble de cette exploitation est bon, très bon même, attendu qu'un affluent donne à la ligne de l'Etat le triple du mouvement qu il a lui-même. Or en 1852 la ligne de Landen a donné 200,000 fr. de recette brute ; prenez le calcul du ministre et vous voyez que c’est un bon ensemble.
Le ministre a dit encore que les frais généraux étant les mêmes, plus l'Etat exploitait de lignes plus il bénéficiait ; qu'on ne vienne donc pas soutenir le contraire aujourd'hui, car cet argument n'est pas sérieux, et je ne me laisse pas payer de mots.
Nous évitons des procès dit-on. Messieurs, il n'en est encore une fois rien, car si dans les stations de Saint-Trond à Hasselt il y a encore des travaux contestés a faire, il y en a aussi sur la ligne de Jurbise, car dans la séance du 21 février dernier, l'honorable M. Dumortier a dit :
« Quant à la ligne de Tournai à Jurbise, ceux qui l'ont parcourue nous certifieront ce qui suit : le manque d'abris pour le matériel et les marchandises existe partout. »
Et le ministre ne l'a pas le moins du monde contredit.
Ainsi par votre contrat nouveau, la moitié de l'élément de ce procès, si procès il y a, vous restera ; donc le procès lui-même tout entier vous reste sur les bras. On vous restitue sur Landen 70,000 fr., et c’est encore un procès, mais alors encore le procès vous reste, car les 75,000 fr. qui vous sont dus sur Jurbise, on vous les refuse. Ainsi les procès vous restent tous ; vous vous défaites d’une exploitation que vous déclarez bonne ; nous abandonnons bénévolement les recettes de l’Etat par le transit, dont l’honorable ministre ne sait pas plus évaluer la quotité que moi ; et vous blessez vivement la moitié de la province qui a encore la première ligne de chemin de fer à recevoir.
Eh bien. M. le ministre, la chambre ne vous suivra pas, elle vous donnera le temps d'étudier une meilleure combinaison, car vous-même vous lui avez donné le conseil de ne pas vous suivre alors qu'il y a une opposiiton sérieuse contre un projet. Vous avez dit, à la séance du 11 mai dernier :
« Si le gouvernement reconnaissait qu’il est utile de faire une enquête, que des intérêts divers se trouvent en présence, que la direction qu'on propose pour la ligne à concéder peut contrarier des intérêts légitimes, des intérêts rivaux, le gouvernement aurait recours à l'enquête, et s'il n'y avait pas recours lui-même, la chambre serait là pour l'obliger à envoyer les divers projets présentés à l'instruction. »
Eh bien, messieurs, voilà ce que nous demandons à la chambre.
Car l'opposition de la moitié de la province contre ce projet est manifeste, les hommes les plus honorables comme la généralité de cette contrée qu'il n'est pas facile d'agiter, se lèvent pour protester contre le projet du gouvernement. Refuser l’enquête dans cette circonstance, c'est déclarer qu'on repousse les enquêtes en tout état de cause. En votant l'amendement de la section centrale, vous ne votez rien autre chose qu'une enquête.
Au mois de février, dans la discussion du budget des travaux publics, l'honorable M. Dumortier comme M. de Theux reconnurent qu'il ne pouvait y avoir lieu à procès sérieux, et le ministre répondait qu'il était suffisamment armé. Au mois de mars, l'honorable député de Hasselt déclarait avec nous que notre système satisferait le mieux les intérêts généraux du Limbourg, et au mois de juin de la même année cet honorable représentant dit tout le contraire de ce qu'il a dit en février et en mars ; l'honorable comte de Thcux se jette quelque peu, dans cette question, dans le tournoi de la basoche, en cherchant à nous prouver que toutes ies propositions sont soutenables.
Comment, messieurs, c'est au moment où les idées s'élèvent, où le sentiment patriotique reprend le dessus, que nous précipiterons des décisions très contestées et très contestables, et que nous refuserons une enquête qui est due aux intérêts qui s'inquiètent ! Je n'y crois pas. La pression du dehors exercée par l'agiotage ne peut pas aller jusque-là ; son règne est trop près de finir et de là cet empressement, et on ne votera pas une loi qui n'intéresse la Belgique par la part de transit qu'elle enlève au chemin de fer de l'Etat ; le vote de l'amendement sera ou la construction de la route entière ou un ajournement en attendant une meilleure combinaison, où le pays trouvera du moins une satisfaction quelconque, et j'ai confiance dan» le patriotisme de la chambre.
- M. de Wouters demande un congé.
- Accordé.
M. Coomans (pour une motion d’ordre). - Messieurs, un grand nombre d'honorables membres ne sont plus présents ; d'autres sont probablement sur le point de se retirer. Il est important de savoir s'il y aura, oui ou non, séance ce soir. Il n'y a que les membres qui resteront jusqu'à la fin de la séance qui sauront s'il y a une séance du soir.
M. le président ; - Il été décidé hier que si les travaux de la chambre n'étaient pas terminés le lendemain dans la séance du jour, il y aurait une séance du soir. Je proposerai de fixer cette séance à huit heures.
- Adopté.
M. le président. - M. Deliége, Veydt, Matthieu, Ch. Lesoinne et A. Roussel ont présenté l'amendement suivant :
« Le gouvernement est autorisé à concéder, après enquête, les embranchements de chemin de fer de Hasselt à Liège par Tongres, de Bilsen à Liège ou de Tongres à Maestricht par la vallée du Geer. »
La parole est à M. Deliége pour développer cet amendement.
(page 1665) M. Deliége. - Messieurs, après avoir voté en section centrale l'article 2 du projet de loi en discussion, j'ai présenté avec plusieurs de mes honorables collègues un amendement qui va tout à fait à l'encontre de cet article ; je dois donc des explications à la chambre.
En section centrale la question a été posée entre trois projets seulement ; nous n'avons eu à nous prononcer qu'entre ces trois projets.
Le premier de ces projets est celui qui a été signé par M. Delaeleye.
Il y a, au ministère des travaux publics, une demande en concession, faite par l'ingénieur civil Delaveleye. Cette demande tend à obtenir la concession d'un chemin de fer allant de Wespelaer vers Aerschot, d'Aerschot vers Diest, de Diest vers Hasselt et de Hasselt vers Maestricht.
Voilà, quant au projet Delaveleye, la seule pièce authentique devant laquelle nous nous sommes trouvés.
La seconde demande que nous avions à examiner, est celle qui a été formée par la société Clermont. Vous connaissez, messieurs, cette demande. Vous savez qu'il y a solution de continuité dans la voie ferrée de Landen à Aix par Hasselt ; vous savez que le chemin de fer d'Aix, arrivé à Maestricht, n'est pas continué vers Hasselt. Le projet Clermont a pour objet de combler cette lacune.
Il y a un troisième projet, c'est le projet Benard.
Messieurs, vous savez qu'aux limites de la province de Limbourg ou près de ces limites, se trouvent,du'un côté, la Meuse, d'un second côté, le chemin de fer de l'Etat ; d'un troisième côté, le chemin de fer de Hasselt ; d'un quatrième côté, le chemin de fer projeté de Hasselt à Maestricht.
Le projet Benard a pour but de couper le terrain ainsi limité et qui forme un carré long, en deux parties égales, en partant de l’un des angles, et se dirigeant vers l’angle le plus éloigné.
Le sieur Benard a demande, en outre, la concession d'un autre (page 1666) chemin de fer : c'est celui qui se dirigerait de Tongres par le canton de Glons vers Maestricht.
Voilà les trois projets devant lesquels nous nous sommes trouvés. Je n'ai pas hésité un seul instant à me prononcer pour la demande qui a été formée par la société Clermont, et il me sera très facile de prouver à la chambre que ce projet doit être adopté. C'est celui qui fait l'objet de la loi en discussion.
Le projet dont je parle présente beaucoup d'avantages. D'abord, vous savez que sur la ligne de Saint-Trond à Hasselt, il y a beaucoup de travaux de parachèvement à faire ; les députés de ces localités se sont maintes fois plaints amèrement de ce que ces travaux n'étaient pas terminés ; eh bien, la sociéié Clermont s'offre à le faire.
Vous savez que la société Clermont a fait le chemin de fer de Maestricht à Aix, qu'elle a dépensé pour ce chemin de fer un capital de 10 millions ; vous savez que, malgré les circonstances, ses actions sont cotées à plus de 80 p. c. à la bourse. On peut avoir foi dans ses engagements, puisqu'elle possède un capital de 8 à 9 millions.
Je répète que cette société s'engage à faire les travaux de parachèvement. Voilà donc un premier avantage.
La société Mackensie doit au gouvernement, pour travaux de parachèvement, une somme de 70,000 fr. La société Clermont vient dire au gouvernement : « Nous vous rembourserons ces 70,000 fr. » Voilà un second avantage.
Il y a un troisième avantage ; les membres de la chambre qui ont fait parties de la section centrale du budget des travaux publics, et j'étais un de ces membres, savent combien est onéreuse l'exploitation du chemin de fer de Landen à Hasselt.
La société Clermont vient vous offrir de se charger de cette exploitation.
On vous a rappelé les paroles de l'honorable ministre des travaux publics qui a dit, prétend-on, que ce chemin n'est pas onéreux pour l'Etat. Il est vrai que prenant l'opération dans son ensemble, elle peut être considérée comme avantageuse. C'est un affluent utile que le chemin de Landen à Hasselt ; mais l'exploitation, la charge attachée à cette avantage est onéreuse. En adoptant le projet de loi, nous conservons l'affluent et nous nous libérons de la charge.
Par conséquent c'est un avantage réel.
Il y a un cinquième avantage : il est clair pour tout le monde que la société Maekensie a le droit (droit qu'elle a cédé à la société Clermont) de faire la ligne proposée aujourd'hui, aux mêmes conditions que la ligne que celle société a faite de Saint-Trond à Hasselt. La clause de la concession première ne laisse pas le plus petit doute sur ce point. La voici :
« Les concessionnaires auront la faculté d'exécuter aux mêmes conditions (que pour la ligne de Saint-Trond à Hasselt), le prolongement du «hemin de fer de Hasselt vers la limite du Limbourg, dans le cas où le gouvernement le jugerait nécessaire et vers le point qu'il indiquerait.
« Le gouvernement ne pourra user de cette faculté qu'en vertu d'une loi. »
Cette clause est on ne peut plus claire. Cependant des doutes ont été élevés sur sa portée. Qu'a fait le ministre ? Il nons l'a dit en section centrale.
Je m'exprime ici avec franchise, avec bonne foi. Quand le gouvernement a raison, il fauL qu'il obtienne justice ; quand il a tort, il faut qu'on le dise.
M. le ministre a consulté les avocats les plus distingués de la viile de Bruxelles ; tous ont dit que là société Mackensie avait un droit de préférence pour obtenir la concession de la ligne de Hasselt à la limite du Limbourg ; concession qui devait lui être accordée aux conditions stipulées pour la construction de la ligne de Sl-Trond à Hasselt.
Si, au mépris de ce droit de préférence, vous autorisiez une autre société à faire le chemin de Hasselt à Maestricht, l'Etat aurait un procès dont il subirait les conséquences.
En préférant la demande de la société Clermont, on évitera donc un procès dont l'issue est peu douteuse. C'est uu nouvel avantage.
il y a un sixième avantage ; c'est que si vous donnez la préférence au projet de M. Delaveleye, cette ligne fera un très forte concurrence au chemin de fer de l'Etat.
Il est indubitable qu'une ligne de Wespelaer à Maestricht aurait l'influence la plus désastreuse sur les produits de notre chemin de fer ; qu'elle nous enlèverait une forte partie des transports vers l'Allemagne ; qu’elle profiterait, à notre grand préjudice, d'une partie du transit et de l'exportation vers cette contrée ; il suffit de jeter les yeux sur la carte pour en être convaincu.
Si vous pouvez faire autrement, vous ne décréterez pas une semblable perte ; vous ne pourriez la décréter que si les intérêts de l'industrie et du commerce nous en imposaient le devoir.
On vous a dit qu'il fallait soumettre la demande de la société Clermont à une enquête. Quand naguère la question a été posée d'une manière générale à la chambre, quand vous vous êtes demandé si chaque demande en concession serait soumise à i'enquête, j'ai répondu affirmativement.
Maintenant que c'est une chose décidée, maintenant que la majorité de cette chambre a repoussé l'enquête, je crois que les avantages que présente la convention qui nous est soumise sont trop nombreux, trop patents pour vous départir de ce que vous avez décidé à une forte majorité, il y a peu de jours.
Les honorables collègues qui donnent la préférence au projet Delaveleye n'y pensent pas. La ligne Delaveleye est celle des deux lignes qui ferait la plus forle concurrence au chemin de fer de l'Etat, et ils disent que le projet Clermont aura le tort de faire concurrence à l'Etat. Je prends l'argument tel qu'on l'a produit. Il est certain que le projet Delaveleye nous enlèverait une forte partie du transit et de l'exportation, tandis qu'il est très douteux que la ligne que nous voulons établir fasse le moindre tort à notre chemin de fer.
D'abord la ligne de Landen à Aix restera le chemin le plus court ; il y aura un kilomètre de moins ; c'est peu de chose, sans doute, mais an moins on ne pourra pas invoquer contre nous le principe de la plus courte distance.
En suivant ce principe, le chemin de fer de l'Etat doit conserver l'exportation et le transit. (Interruption.) Je répondrai tout à l'heure à l'interruption.
Il y a un deuxième point : le gouvernement est maître de son chemin de fer ; ce n'est pas, comme l'honorable M. Julliot l'a dit, pour faire ce qu'il ne doit pas faire, nous ne le prétendrons jamais. Ce n'est pas nous qui engagerons le gouvernement à susciter des tracasseries aux sociétés qui apportent leurs fonds et viennent faire des travaux utiles dans le pays. Mais il est certain que la société Clermont ne pourrait enlever le transit à l'Etat que par de mauvais moyens.
Voyez ce qui se passe : on donne une certaine quantité de marchandises au chemin de fer de l'Etat ; quel est l'intérêt de celui qui les lui confie ? Ce n'est pas de traverser une partie de la ligne de l'Etat, de passer ensuite sur la ligne Mackensie et ensuite sur la ligne Clermont, puis sur le chemin de fer rhénan. La société Clermont ne pourrait attirer le transit sur une ligne aussi divisée que par des moyens peu avouables, que M. le ministre des travaux publics ne manquerait pas de déjouer.
La concurrence n'est donc pas à craindre, si vous adoptez le projet qui vous est présenté. Il y a un autre motif encore pour ne pas la redouter ; c'est que nos tarifs font de très grands avantages à l'exportation et au transit.
Jusqu'à présent aucune société n'a fait d'aussi grands avantages. Sous ce rapport nos tarifs défient toute concurrence, lorsqu'elle tenterait de s'exercer sur une ligne plus longue.
Un quatrième motif est que la ligne de la société Clermont aura l'inconvénient de passer sur le territoire hollandais où il faudra se soumettre à certaines formalités de douane ; nouveau motif pour donner la préférence au chemin de l'Etat.
Tous ces motifs ne laissent pas le plus petit doute sur la question de savoir si la ligne proposée peut faire le moindre tort, au chemin de fer de l'Etat. On me dira : S'il en est ainsi, pourquoi avez-vous, en section centrale, voté l'article 2 du projet de cette section ? Pourquoi avez-vous, à la fin d'une session, décidé que la concession d'un chemin si avantageux, dont vous prônez si longuement les avantages, serait soumise à une condition si onéreuse ? Comment avez-vous adopté un article qui peut faire manquer l'opération ?
Ma réponse se trouve dans le rapport de la section centrale, dans lequel je lis :
« Avec un peu de fermeté on obligerait les demandeurs à accepter l'embranchement vers Tongres et Liège...
« Il y a un fait certain, c'est la nécessité pour la compagnie d'Aix-la-Chapelle de faire cesser la solution de continuité qui existe entre le chemin de fer de Landen à Hasselt et celui de Maestricht vers Dusseldorf.
« Un second fait est également certain, c'est l'intérêt puissant qu'a la société Mackensie à ce que cette solution de continuité vienne à cesser.
« Forts de ces deux faits, nous pouvons, sans crainte, n'adopter le projet qui vous a été proposé, qu'avec la condition sine qua non, que les concessionnaires exécuteront la ligne de Bilsen à Ans par Tongres. »
Voilà, messieurs, tout le secret de cette affaire. Nous avons loyalement, ouvertement voulu imposer à la société Clermont, qui, disait-on, éiait disposée à l'accepter, la condition contenue dans l'article 2. Cette société nous a répondu qu'elle ne pouvait pas, qu'il lui était complètement impossible de la remplir. J'avais déclaré à la section centrale que, si la proposition n'était pa.s acceptée ( et elle ne l'a pas été, on a prouvé qu'elle ne pouvait pas l'être), je voterais contre l'article 2, et que je vous présenterais, messieurs, l'amendement que je viens d'avoir l'honneur de vous proposer.
Mais, dit-on, la malheureuse ville de Tongres qui a déjà tant souffert, paie les frais du procès, elle n'aura pas de chemin de fer. C'est le seul arrondissement qui en soit privé.
Messieurs, pour faire un chemin de fer, il faut un concessionnaire et je crois que l'honorable ministre des travaux publics en trouvera un.
Vous savez que M. Bénard demande la concession d'un chemin de fer de Liége à Tongres et de Tongres à Hasselt. M. le ministre des travaux pnblics pourra traiter avec M. Bénard. Il y a encore moyen d'arranger cette affaire de manière à satisfaire tous les intérêts légitimes.
Voici lemoyen qu'on pourrait employer.
Il est certain, on vous l'a affirmé, messieurs, que le détour par Bilsen n'est que de 5 kilomètres.
Vous avez voté la garantie d'un minimum d'intérêt sur un million de francs pour la construction d'un chemin de fer d'Ans à Tongres. Vous avez reconnu que le Limbourg avait droit à notre sollicitude.
Moyennant certains avantages, le sieur Benard ne consentirait-il pas à diriger son chemin de fer vers Bilsen ?
(page 1667) D'un autre côté, il pourrait intervenir un arrangement avec la société Clermont qui, moyennant indemnité, laisserait passer les convois venant de la ligne Benard avec une réduction proportionnée aux 5 kilomètres à parcourir ; c'est-à-dire qu'au lieu de calculer la distance réelle pour le péage, il y aurait, comme pour le chemin de fer de l'Etat, une distance légale.
Mon amendement permettra au gouvernement de traiter sous ce rapport.
Les résultats de ces conventions, messieurs, ne seraient pas plus onéreux pour le trésor que la garantie d'intérêt que vous avez promise.
L'honorable ministre des travaux publics a montré dans toute cette affaire la meilleure volonté. Il résulte des explications qu'il a données à la section centrale, qu'il a fait tout ce qu'il était possible de faire pour satisfaire tous les intérêts. J'espère qu'il continuera à interposer ses bons offices et qu'il pourra obtenir une solution qui nous satisfera tous. Mais on ne peut refuser la concession d'un chemin utile, en imposant au concessionnaire une condition impossible. On ne peut dire à la société Clermont : Vous ferez, outre la ligne qu'on vous propose, telle autre ligne, lorsqu'elle vous prouve qu'elle ne peut pas la faire ; et elle ne peut la faire, messieurs, son bilan le prouve.
La société Clermont a dépensé 10 millions. Ses dix millions action valent aujourd'hui à la bourse de 8 à 9 millions. Elle vous propose de faire un chemin de fer de Hasselt à Maestricht qui lui coûtera plus de 5 millions. Elle peut trouver 5 millions pour faire cette ligne ; mais sur une valeur de 8 à 9 millions, elle ne peut trouver les 9 millions qui seraient nécessaires pour la construction des deux lignes, de celle qui va d'Ans à Bilsen et de celle qui, partant de Hasselt, se dirige vers Maestricht. Voudriez-vous lui imposer une charge qu'elle ne pourra remplir ? Au lieu d'en agir ainsi, que les honorables député de Tongres se joignent à nous ; qu'ils joignent leurs efforts aux nôtres, à ceux de M. le ministre des travaux publics,et par son intervention nous obtiendrons, je l'espère, pour le Limbourg, un bon système de chemins de fer.
(page 1654) M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Je n'ai assurément pas la prétention de mieux connaître que les honorables MM. Julliot et de Renesse les intérêts de l'arrondissement qu'ils représentent. Je dois avouer cependant que je ne comprends en aucune façon l'opposition très déraisonnable, selon moi, que ces messieurs font au projet du gouvernement.
Je tiens à faire en peu de mots à la chambre l'historique de cette affaire pour donner la mesure de l'esprit de conciliation et de parfaite loyauté dont j'ai fait preuve dans tout le cours de la négociation.
La chambre se rappellera que dans la loi de 1851, on avait introduit, sur la proposition de la section centrale, un amendement qui, dans l'intérêt de l'arrondissement de Tongres, admettait la garantie d'un minimum d'intérêt, à concurrence d'un million pour l'exécution d'un embranchement d'Ans ou de Fexhe à Tongres.
J'ai fait à plusieurs reprises, mais inutilement des efforts pour donner une solution à cette affaire. J'ai reconnu qu'un million pouvait suffire pour couvrir les frais de premier établissement de cette section, mais qu'avec cette somme on ne pouvait pourvoir à une exploitation séparée et couvrir les frais généraux de l'entreprise.
J’étais disposé (l'exposé des motifs était même prêt et écrit de ma main) à soumettre à mes collègues un projet de loi qui aurait stipulé la garantie d'un minimum d’intérêt sur une somme d'un million pour (page 1655) l'exécution d'un embranchement d'Ans à Tongres, moyennant l’exploitation de cette section par l'Etat, comme pour le chemin de fer de Jurbise. Sur ces entrefaites, qu'est-il arrivé ? Deux demandeurs en concession sont venus soumettre au gouvernement deux projets d'ensemble, qui avaient pour objet de rattacher le Limbourg au réseau de l'Etat et aux lignes hollandaises et allemandes ; l'un de ces projets émanait de l'ingénieur Delaveleye, il consistait primiiivement dans une ligne partant de Louvain, passant par Aerschot, Diest, Hasselt et Maestricht, où il s'embranchait sur les lignes allemandes vers Düsseldorf. L'autre projet était de M. Benard.
M. Benard proposait de faire une ligne allant d'Ans par Tongres vers Hasselt avec un embranchement qui de Glons se dirigeait vers Maestricht.
Les honorables députés du Limbourg, je fais ici un appel à leurs souvenirs, furent unanimes pour recommander auprès de moi le projet de M. Delaveleye, projet dont j'ai indiqué tantôt le tracé.
J'éprouvais des scrupules. D'une part, je me trouvais en présence d'une disposition formelle de la convention conclue en 1845 avec la compagnie de Tournai à Jurbise, convention aux termes de laquelle la compagnie Mackensie qui a fait la ligne de Landen à Hasselt, conservait le droit de privilège dans des conditions, je dois le dire, exorbitantes pour la ligne de Hasselt à Maestricht.
Mes doutes furent entièrement confirmés par l'instruction à laquelle cette partie de l'affaire donna lieu. Voici, messieurs, la lettre que j'écrivais à l'avocat de l'administration à la date du 23 février 1853. Je tiens à rappeler ces faits, parce qu'ils sont la justification la plus complète de la conduite qu'a tenue le gouvernement dans cette affaire. (M. le ministre donne lecture de cette lettre.)
L'avocat de l'administration me répondit par un avis motivé que j'ai ici sous les yeux, dans lequel il soutient, par de longs arguments que je n'ai pas besoin d'énumérer, que l'article de la convention de 1845 est formel, qu'il constitue un droit en faveur de la société Mackensie, et, qu'à moins d'exposer l'Etat à des dommages-intérêts considérables, je ne pouvais traiter avec une autre compagnie.
Je continuai cependant à avoir des doutes sur l'interprétation qu'on donnait à cette clause de la convention conclue avec la compagnie Mackensie. Je revins plusieurs fois à la charge, le dossier en fait foi. Je consultai même d'autres jurisconsultes de la capitale, des plus éminents ; tous me confirmèrent dans cette opinion que la clause était formelle, était expresse.
C'est alors que je me décidai à réunir chez moi les honorables députés du Limbourg et à leur exposer les doutes dans lesquels j'étais, l’espèce d'impossibilité légale dans laquelle j'étais de conclure une convention pour la ligne de Louvain à Maestricht. J'ajoulai d'autres considérations puisées dans l'opinion du corps des ponts et chaussées.
En ce qui concerne la demandede Delaveleye, le conseil des ponts et chaussées disait : De Hasselt vers Louvain, vers Bruxelles, vers Anvers, vers la ligne de l'Ouest comme vers la ligne du Midi, il n'y aura pas moins de trajet par le projet Delaveleye que par la ligne actuellement existante. Par conséquent ces localités sont complètement désintéressées dans l'exécution de la ligne de Louvain à Hasselt. D'autre part, après l'exécution de la ligne de Louvain à Maastricht, il n'y aura pas pour Aix-la-Chapeile et Cologne plus de trajet par la ligne existante que par la ligne projetée, de manière qu'en ce qui concerne le transit d'Anvers vers Cologne et vers Aix-la-Chapelle, ii n'y a pas le moindre intérêt à ce qu'on concède cette ligne.
Enfin une autre observation qui ne manquait pas d'importance, c'est que ce projet était présente par M. Delaveleye. Il est certain que dans les conditions où la conveniioa se produit aujourd'hui, où la concession de Hasselt à Maestricht a été accordée, il y a plus de garanties d'exécution que dans une demande isolée, appuyee par un homme qui peut être parfaitement honorable, mais qui n'offre pas autant de garanties financières qu'une société constituée et qui a déjà donné des preuves de la loyauté qu'elle apporte dans ses engagements.
Je ne pouvais donc adopter le projet de M. Delaveleye.
Je me rejetai sur le projet Benard. Mais survint la proposition de la compagnie d'Aix-la-Chapelle qui, d'accord avec la compagnie Mackensie, vint soumettre une demande de concession qui réalisait pour le gouvernement des avantages notables. L'honorable M. Deliége les a rappelés ; je crois inutile de revenir sur ce point. Il doit être évident par la seule lecture de la convention que la concession de Hasselt à Maestricht a été accordée dans des termes entièrement favorables au trésor.
L'honorable M. Julliot prétend que j'ai soutenu à une autre époque que l'exploitation de la ligne de Landen à Hasselt n'était pas onéreuse et il a voulu me mettre en contradiction avec moi-même parce que j'ai soutenu devant la section centrale que l'exploitation de cette ligue était onéreuse.
Messieurs, le tout est de s'entendre. Il est évident que si vous prenez, pour évaluer l'importance de la section da Landen à Hasselt, les recettes circonscrites dans le parcours même de Landen à Hasselt, que si vous isolez ces recettes, que si vous supposez que les habitants de Hasselt qui se rendent à Bruxelles ou à Liege ne donnent à l’Etat que la recette de Hasselt à Landen, que si vous morcelez ainsi le revenu, vous arriverez à constater que l'exploitation est très onéreuse.
Et c'est l'erreur à laquelle on s'est livré. C'est à cette comparaison qu'avait faite un honorable membre, que j'ai répondu en affirmant que la réaction favorable que l'exécution de cette ligne avais exercée sur le réseau de l'Etat compensait et au-delà les frais d'exploitation que cette ligne nécessitait.
Mais ces avantages, je prie l'honorable M. Julliot de vouloir le remarquer, nous les conservons, et les charges de l'exploitation qui seules peuvet constituer l’Etat en déficit, nous nous en débarrassons.
Mais, dit-on encore, la ligne projetée de Hasselt à Maestricht va constituer l’Etat en perte en ce qui concerne le transit.
Messieurs, je ne regrette qu'une chose, c'est que cette ligne ne puisse peut-être pas, dans une mesure plus considérable, réaliser le désir que tous nous devons avoir en ce qui concerne le mouvement international entre Anvers, entre notre premier port de mer et l'Allemagne.
Messieurs, depuis plusieurs années ce mouvement va en décroissant. J'ai ici les chiffres sous les yeux. En 1850, le transit des marchandises entre Anvers et le Rhin par le chemin de fer belge-rhénan présentait un total de 76,937 tonnes et en valeur de 147,679,000 fr,
En 1851, ces chiffres se sont abaissés à 55,924 tonnes et à 101,668,000 fr. Il y a donc décroissante de près de 45 millions, soit de 44 p. c. ; et ce qu'il y a de remarquable, c'est que le mouvement de. Cologne vers Anvers pendant la même période de temps a augmenté, et que ce sont les expéditions d'Anvers vers le haut Rhin et vers la Suisse qui ont surtout diminué.
A quoi cela tient-il ? Cela tient d'abord à la concurrence de la Hollande par les voies navigables et à la concurrence de la Hollande par les voies ferrées, car il ne faut pas l'oublier, lorsque le chemin de fer d'Arnhem à Oberhausen sera construit, la distance de Rotterdam à Cologne ne sera plus que de 52 lieues ; elle est aujourd'hui, d'Anvers à Cologae, de 49 lieues.
Ensuite le chemin de fer de Strasbourg qui met le Havre en communication avec le haut Rhin, rend la concurrence de jour en jour plus redoutable.
Je regrette, messieurs, que le projet de loi en discussion ne puisse pas mieux réaliser, sous ce rapport, les vues que la chambre de commerce d'Anvers a émises lorsqu'elle a examiné le chemin de fer du Luxembourg.
La chambre de commerce d'Anvers a formellement déclaré que cette ligne présentait une importance internationale parce qu'elle devait permette au port d'Anvers de rétablir en quelque sorte l'équilibre, rompu par suite des faits qui s'étaient succédé.
La ligne projetée pourra-t-eile exercer une influence défavorable aux recettes de l'Etat en ce qui concerne le transit ? Je ne le crois pas et j'ai, pour me prononcer dans ce sens, les faits.
Les distances constituent ua élément d'appréciation très important.
Par la ligne actuelle, passant à Liège, il y a de Landen à Aix-la-Chapelle 94 kilomètres ; de Landen à Liège 39 kilomètres et de Liége à Aix-la-Chapelle 55 kilomètres. Par Maestricht, il y aura, de Landen à Hasselt 28 kilomètres, de Hasselt à Maestricht, 29 kilomètres, de Maestricht à Richterich 30 1/2 kilomètres, et de Richterich à Aix-la-Chapelle, 5 1/2 kilomètres. Il y aura donc, en tout, 95 kilomètres ; différence 1 kilomètre, et l'honorable M. Deliége vous a dit les raisons décisives qui doivent faire disparaître cette différence insignifiante d'un kilomètre.
L'honorable M. Deliége vous disait que nos tarifs sont excessivement modères, surtout pour les transports internationaux et ces tarifs peuvent rester très modérés. Pourquoi ? Parce que nous avons un mouvement intérieur immense, parce que sur 15 ou 16 cent mille tonnes de marchandises que le chemin de fer transporte par an, il y en a à peine 3 à 4 cent mille qui constituent des transports mixtes ou internationaux, tout le reste forme des transports intérieurs. Nous pouvons donc maintenir nos tarifs modérés pour tout ce qui esi transit, pour tout ce qui doit alimenter la prospérité maritime d'Anvers.
Je dis, messieurs, que nous sommes ici dans des conditions de concurrence qui ne nous permettent pas de craindre le moindre détournement de ce chef.
Un autre point, messieurs, c'est celui-ci : la ligne de Maestricht peut-elle éventuellement nuire aux recettes acquises par suite du transit avec le nord de l'Allemagne ? Non ; et pourquoi ? Parce que le mouvement est à peu près insignifiant aujourd'hui.
C'est vers le haut Rhin que se font les expéditions à Anvers, expéditions qui ont pour point d'origine l'Angleterre ou les contrées transatlantiques.
Et dans quelle position le chemin de fer belge se trouvera-t-il encore par rapport à l'Allemagne du Nord, avec la ligne projetée ? Prenons les deux points communs : Landen (car tous les convois devront arriver à Landen) et Oberhausen qui est un point, sur la ligne de Cologne à Minden où doit venir aboutir le chemin de fer concurrent d'Arnhem.
De Landen a Oberhausen, il y aura, par la ligne actuelle, passant par Liège, 206 kilomètres, et par la ligne projetée, 194 kilomètres. Il y aura, doue une différence de 12 kilomètres. Eh bien, messieurs, je ie déclare, je serais, pour ma part, extrêmement heureux que la compagnie Clermont ou la compagnie Mackensie, en exécutant le chemin de fer de Maestricht, pût déterminer un mouvement beaucoup plus considérable vers cette partie de l'Allemagne avec laquelle nous faisons aujourd'hui peu d'affaires.
L'honorable M. Julliot m'a adressé un autre reproche ; il me dit : Quand on a discuté la loi de prorogation des chemins de fer, le minière des travaux publics a soutenu lui-même que lorsqu'il y a divergence d'intérêt, il devient nécessaire d'avoir recours à l'enquête ; pourquoi donc (page 1656) puisque la ville de Tongres et les communes environnantes s'opposent à l'approbation de la convention Ciermont, pourquoi donc le gouvernement n'admettrait-il pas un amendement qui aurait pour objet de consacrer l'obligation de l'enquête ?
Je prie l'honorable M. Julliot de remarquer que c'est précisément pour rester conséquent avec moi-même que j'appuie l'enquête, l'enquête pour le projet Benard, pour un projet qui intéresse...
Un projet se produit. Il a pour effet, non plus de donner à la ville de Tongres une petite section de Tongres à Ans, dont elle se déclarait très satisfaite, mais de la rattacher au chef-lieu de la province, de mettre Liège, qui a des rapports si nombreux avec Hasselt, de mettre Liège en communication directe avec Hasselt, en passant par Tongres. Je croyais, messieurs, que ce projet était fait pour réaliser tous les désirs des honorables députés de Tongres.
J'ai été fort surpris lorsqu'ils m'ont témoigné l'intention de voter contre ce projet ; mais il me suffirait que la ville de Tongres et d'autres intérêts mêlés à ce débat vinssent manifester des craintes relativement au projet Benard, pour que je me crusse obligé de ne pas traiter en ce qui concerne la ligne d'Ans à Tongres vers Hasselt, pour que je me crusse obligé de faire pour cette ligne ce que j'avais promis, c'est-à-dire de soumettre le projet à une enquête.
Messieurs, le projet de loi se borne à rappeler une promesse qui a été inscrite dans la loi qui a consacré l'exécution de la ligne de Landen à Hasselt. Le droit de Hasselt à être rattaché à la ville de Maestricht se trouve consacré par cette loi même.
En ce qui concerne le projet de Liège à Tongres et à Hasselt, il n'est pas nouveau non plus. En 1844 il a donné lieu, de la part de l'ingénieur en chef du Limbourg.qui était alors, je pense, M. Goetaers, il a donné lieu à plusieurs rapports de la part de cet ingénieur. A cette époque c'étaient MM. … qui demandaient la concession de cette ligne et la ville de Tongres appuyait cette demande.
M. Julliot. - C'est de l'histoire ancienne.
M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - C'est bon à rappeler parce que les intérêts restent les mêmes, et je ne comprendrais pas qu'une ligne qui était si bonne en 1844 fût devenue mauvaise en 1853.
L'honorable député de Tongres voudra bien me rendre cette justice, que je n'ai rien négligé pour amener l'exécution même de la ligue sur Bilsen qui est la ligne favorite de M. Julliot.
D'abord, je me suis adressé à M. Benard. L'administration a épuisé tous les efforts pour déterminer ce demandeur en concession à se diriger sur Bilsen : l'honorable M. Julliot était présent.
Deux démarches ont été également faites auprès de la société de Maestricht à Aix-la-Chapelle, aucune d'elles n'a réussi. La première a été provoquée sur mon initiative. La seconde est celle qui a suivi le vote par la section centrale de l'amendement sur lequel nous délibérons, c'était la une nouvelle et sérieuse tentative.
Le résultat n'a pas été plus heureux, et si l'on veut être juste envers tout le monde, en devra bien reconnaître que le refus de la compagnie se fondait sur des considération qui ce manquent pas d'avoir une certaine valeur.
La société d'Aix-la-Chapelle à Maestricht faisait valoir un argument décisif ; elle disait : « J'ai un fonds qui a une valeur de 8 millions ; vous me chargez d'un chemin de fer qui doit coûter 5 millions ; je comprends qu'en donnant un nantissement de 8 millions, je puisse emprunter jusqu'à concurrence de la somme qui m'est nécessaire pour l'exécution de la ligne de Hasselt à Maestricht.
« Mais si, en outre, le gouvernement voulait m'imposer une ligne que je ne connais pas, doat je ne puis évaluer les revenus probables, ni les dépenses, je ne pourrai plus, sur le fond de 8 millions, prélever un emprunt jusqu'à concurrence de la somme nécessaire. »
Il me semble que c’est un argument tout à fait de bonne foi devant lequel tous les hommes de bonne foi doivent s'incliner.
Dans ces conditions, je ne comprendrais réellement pas que la chambre n'adoptât pas une ligne qui ne doit faire aucun tort aux recettes du chemin de fer de l'Etat, une ligne qui va débarrasser le gouvernement de l'exploitation, onéreuse à certains égards, de la ligne de Landen à Hasselt et qui nous délivre des chances très périlleuses de contestations judiciaires. Car, quoi qu'en dise l'honorable M. Julliot, il y aurait des procès ; des avocats ont été consultés, et il résulte de l'examen auquel s'est livrée la commission, commission dans le sein de laquelle j'ai appelé les honorables MM. Vilain XIIII et de Man ; il résulte de cet examen qu'en ce qui concerne la ligne de Lauden à Hasselt, il aurait pu y avoir de graves difficultés avec la compagnie du chemin de fer de Jurbise à Tournai, si l'on n'était pas parvenu à les prévenir, en concluant une convention dans des conditions tout à fait avantageuses au pays.
M. le président. - M. le ministre, vous ralliez-vous à l'amendement de M. Deliége ?
M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Messieurs, en ce qui concerne cet amendement, la position du gouvernement doit être nettement établie. Cet amendement admet la nécessité de l'enquête, sous ce rapport, il rentre entièrement dans les vues que j'ai exprimées. D'autre part, cependant, il autorise ie gouvernement, après enquête, à concéder un chemin de fer dans la direction de Bilsen ou de Hasselt. Je dois dire quelles sont mes intentions à cet égard, et je pourrai alors m'y rallier.
Si l'enquête avait pour objet de continuer le doute qui peut exister, il est évident que je ne me croirais pas autorisé, par l'amendement, à conclure une convention, soit pour Bilsen, soit pour Hasselt ; mais si de l'enquête résultait pour moi une conviction complète, je pourrais donner suite à l'autorisation. Moyennant ces explications, je me rallie à l'amendement.
M. de Renesse. - Messieurs, l'honorable comte de Theux a présenté hier quelques objections à l'égard de l'amendement de la section centrale qui tend a faire décréter l'exécution de l'embranchement de Bilsen par Tongres à Ans ; peur pouvoir admettre cette voie ferrée, il faudrait, d’après cet honorable membre, un demandeur en concession, or, comme il n’en existe pas, ce projet lui paraît imaginaire, et ne reposerait sur rien de sérieux. Je ferai remarquer à la chalbre qu’il y a environ trois mois, ce projet d’embranchement de Bilsen par Tongres à Ans, paraissait tellement important pour l’arrondissement judiciaire de Tongresn que, conjointement avec les députations envoyées à Bruxelles, et surtout avec celle de la ville de Hasselt, l’honorable comte de Theux a fait les démarches les plus actives, avec nous, pour que cette ligne ferrée, faisant partie de la demande en concesison de M. Delaveleye, fût formellement accordée à cette partie du Limbourg, restée dans l’isolement depuis 1830. Si nous étions restés d’accord, si nous avions continué à soutenir ensemble les droits de cet arrondissement, il est à supposr que la concession actuelle du railway à construire enHasselt et Maestricht n’eût pas été accordée, parce qu’il y aurait eu une stipulation en faveur de l’embranchement de Bilsen. D’ailleurs, ce n’est pas la première fois que l’on aurait imposé des embranchements à des demandeurs en concesison, sans que les projets eussent été étudiés à fond ; presque chaque année, depuis 1845, nous avons vu de pareils projets surgir et aboutir à bonne fin ; ou toute autre société aurait pu se former pour l’exécution de cette voie ferre, si l’on n’y avait formé opposition ; mais par notre division l’on a profité de cette malheureuse circonstance pour sacrifier de nouveau les intérets d’une grand epartie de l’arrondissement de Tongres.
D'après l'honorable comte de Theux la ligue ferrée de Bilsen ne serait que de peu d'importance, pas ce que les routes parcourant cette contrée ne rapportent que peu de droits de barrières. A celie objection je crois devoir répondre que les deux routes qui traversent actuellement une partie de ce district ne sont pas encore achevées et celles qui doivent y aboutir sont en voie de construction ou de projets d'une exécution prochaine ; elles n'ont pas, par conséquent, pu produire tout ce que l'on doit en attendre, et sous ce rapport, il y aurait donc aussi inutilité de concéder un chemin de fer de Hasselt par Bilsen à Maestricht, le mouvement commercial actuel y éiaut peu important, si l'on ne prenait en considération avant tout le service international que ce railway est appelé à rendre. Si donc l'on ne doit pas tenir compte pour cette route du mouvement commercial de l'intérieur, que le seul commerce avec l’étranger doive prévaloir, il me semble résulter clairement, d'après l'opinion de mon honorable contradicteur, que le cheminde fer de Hasselt à Maestricht est ou inutile au commerce de l'intérieur, ou qu'il est surtout destiné a faire une rude concurrence au commerce de transit qui se tait actuellement par le chemin de fer de l'Etat.
Si, sur ce dernier point, nous sommes d'accord, nous eussions dû l'être ultérieurement, et il serait plus rationnel de nous appuyer mutuellement pour obtenir une compensation en faveur de l'arrondissement de Tongres, que de travailler contre les intérêts d'une partie de province à laquelle on reconnaissait formellement tous les titres pour obtenir à son tour une voie ferrée.
M. le ministre des travaux publics qui, à plusieurs reprises, a reconnu lui-même la très grande utilité de cet embranchement pour toute une partie de Limbourg, aurait dû montrer plus d’énergie, moins d’opinions variables, et aurait dû chercher les moyens de faire admettre cette voie ferrée, en compensation des grands avantages à accorder actuellement à la société concessionnaire d’Aix-la-Chapelle à maestricht ; à cet effet, il n’avait qu’à suivre le bon exemple de son honorable prédécesseur de 1845 ; qui, par sa volonté ferme, est parvenu à imposer à la société Mackensiz le chemin de fer de St-Trond à Hasselt, pour lequel aucun concessionnaire ne s’était présenté ; d’ailleurs, dans d’autres circonstances, et encore naguère, l’on a bien su imposer des embranchements à peine étudiés ; mais il faut bien le dire, l’arrondissement de Tongres est une contrée agricole, et sous ce rapport, ne paraît pas devoir mériter toute la sollicitude de son gouvernement ; toutes ses faveurs sont réservées pour d’autres localités où l’on a déjà des voies ferrées, où des canaux aux frais de l’Etat ont été décrétés ; pour l’arrondissement de Tongres, il ne lui est réservé que les charges extraordinaires à payer pour les grands travaux publics entrepris ailleurs.
Je dois combattre de toutes mes forces cette manière d'agir si peu équitable, et si dorénavant la plus grande partie de l'arrondissement judiciaire de Tongres doit être constamment acrifiée à d'autres intérêis, il ne me restera qu'à protester contre un tel grief, et à voter systématiquement contre tous les budgets.
Je crois aussi devoir faire remarquer à la chambre, et ceci est incontestable, que, par l'établissement de chemins de fer, le mouvement commercial se décuple, et souvent même au-delà. Si l'embranchement de Bilsen recevait son exécution, le commerce très important de la ville de Liège vers Hasselt et ses environs, ainsi que de Hasselt vers Liége et sa province, devra nécessairement prendre cette direction ; si surtout l'on tenait compte de la courte distance ; à ce commerce il faudrait ajouter celui des. cantons de Tongres, de Bilsen, de Mechelen, de Maeseyck et de Bree qui n'est pas à dédaigner, et qui, en partie, doit suivre actuellement d’autres routes ; les populations seules de ces différents cantons comportent plus de (page 1657) 60,000 âmes, et si des relations plus actives se forment avec la partie cédée du Limbourg, comme il y a lieu d'espérer, il faudrait aussi tenir compte du mouvement commercial provenant de ce pays.
L'on ne pourra donc pas soutenir avec une certaine raison que l'embranchement de Bilsen ne soit pas destiné à rendre des services réels à une grande partie du Limbourg, ainsi qu'à la province de Liège ; d'ailleurs cela a été encore reconnu, il n'y a pas longtemps, par le comte de Theux lui-même, quand il faisait des démarches avec nous pour appuyer les justes réclamations de Tongres et de son arrondissement ; il repoussait alors avec nous la ligne directe, disant que c'était au tour de l'arrondissement de Tongres d'être doté d'une voie ferrée utile à tous ses intérêts, qu'il ne s'opposerait pas à son exécution.
Pour que cet embranchement pût être d'une utilité incontestable, surtout pour les intérêts commerciaux des villes de Liège et de Hasselt, il y aurait lieu peut-être de faire une certaine modification au cahier des charges, à l’article 49, pour qu'il soit tenu compte de la courte distance, ce qu'en règle générale, on semble admettre lorsque, par une voie ferrée, on est oblige de faire un certain détour.
Par l'embranchement de Bilsen par Tongres à Ans, il y aurait, par rapport à la ligne directe de Liège à Hasselt, un parcours en plus d'environ 5 kilomètres, d'après un plan dressé par M. l'ingénieur civil Ledent, de Liège. Pour concilier les intérêts des villes de Hasselt et de Liège, et pour nous mettre d'accord, ne pourrait-on pas stipuler, dans le cahier des charges, que les convois venant de l'embranchement de Bilsen, et dirigés, soit de Hasselt sur Liège, soit de cette ville vers Hasselt, ne payeraient sur la ligne commune qu'un péage réduit, pour tenir compte de la courte distance entre la ligne directe et celle par Bilsen ?
Cette stipulation ne pourra être onéreuse à la société concessionnaire de Hasselt à Maestricht, parce que, si l'embranchement de Bilsen parvenait à prévaloir, la ligne directe d'Ans à Hasselt devient inutile, et tous les transports allant de Hasselt a Liège, et de cette ville à Hasselt, devraient prendre nécessairement l'embranchement de Bilsen qui deviendrait alors un affluent très important pour la nouvelle ligne de Hasselt à Maestricht.
J'ose espérer, que l'honorable ministre des travaux publics voudra bien prendre en sérieuse considération les observations que j'ai présentées à la chambre, sur la modification à apporter à l'article 49 du cahier des charges.
Je crois aussi devoir présenter une observation à l'égard d'une réclamation adressée à la chambre, par le conseil comiuuual de Bilsen, ainsi que par plusieurs autres conseils communaux, pour demander qu'une station soit établie à Bilsen, chef-lieu du canton judiciaire, où il y achaque semaine un marché, et qui est en outre le point intermédiaire entre Hasselt à Maestricht.
Je recommande tout particulièrement cette réclamation à l'honorable ministre des travaux publics ; j'espere qu'il y aura possibilité de faire droit à cette demande, d'autant plus que la commune de Bilsen est la plus importante de la contrée que le chemin de fer doit traverser.
Je crois devoir répondre à l'honorable ministre des travaux publics qui a voulu nous mettre en contradiction, parce que en 1845 nous avions appuyé avec la ville de Tongres la ligne directe d'Ans par Tongres a Hasselt, qu'actuellement nous ne serions pas conséquents avec nous ; mais, en nous y opposant, je ferai remarquer à cet égard que lorsqu'il s'est agi de cette ligne directe de Liège à Hasselt, il n'était pas question de prolonger le chemin de fer de Hasselt vers Maestricht, et la discussion qui a eu lieu alors prouve à l'évidence, même d'après le discours de l'honorable comte de Tueux, que ce prolongement devait avoir lieu vers la ville de Maeseyck, parce que par le traité de 1839, nous avions le droit de diriger par le canton de Sittard, partie cédée à la Hollande, un chemin de fer vers l'Allemagne ; le chemin de fer demandé alors par MM. Blyckaerts et de Tiége, tout en se dirigeant de Liège par Tongres, à Hasselt, était, en outre, destiné à être prolongé vers la Hollande, et n'avait pas pour but, comme celui de Hasselt à Maestricht, de relier Hasselt à plusieurs cantons de l'arrondissement judiciaire de Tongres, et de les détourner de leur marché naturel la ville de Tongres, leur chef-lieu judiciaire, comme le fait le projet en discussion.
Quant aux observations présentées par M. le ministre sur le projet de M. Delaveleye, je crois devoir persister dans mon opinion, que si ce projet avait été mieux accueilli, si d'autres intérêts n'avainetz pas prévalu, il est plus que probable que ce projet si utile pour plusieurs de nos provinces eût pu obtenir une solution favorable ; M. le comte de Pourtalés, demandeur en concession, est assez haut placé dans le monde financier à Paris, pour pouvoir à cet égard donner toute sécurité pour le cautionnement, et pour la formation du capital qui eût été nécessaire à l'organisation de cette voie ferrée ; mais au lieu de lui donner les conditions qu'il demandait pour s'entendre a cet égard avec le gouvernement, on ne lui a pas donné de réponse, quoi qu’elle nous ait été promise, et cependant l'on fournissait des conditions à d'autres sociétés.
Quant à la question de concurrence que ce chemin de fer aurait pu faire à celui de l'Etat, je dois observer que pour d'autres localités on n'y a nullement égard ; c'est ainsi que pour la province de Liège, l'on a accordé le chemin de Namur à Liége ; dans les provinces de Brabant et de Namur, celui de Bruxelles à Namur, faisant une concurrence directe à celui de Bruxelles par Charleroi à Namur, puis celui de Gand à Bruxelles ; probablement sous peu le gouvernement sera pareillement amène a proposer la ligne du côté de Bruxelles à Louvain ; ainsi, cette question de concurrence ne pourrait nous être objectée avec une certaine raison, d'autant plus, que la ligne de M. Delaveleyje, partant de Louvain, se dirigeant par Aerschot, devait faire un détour de plusieurs lieues, pour arriver par Diest et Hasselt à Maestricht, que par conséquent, cette concurrence n'était pas plus à craindre que celle que doit faire, d'après le gouvernement, la ligne de Landen par Hasselt à Maestricht ; puisqu'il n'y a que quelques kilomètres de différence entre le parcours du projet Delaveleye et celui de la société concessionnaire du chemin de fer de Hasselt à Maeslricht ; mais avant tout, ne faut-il pas prendre en considération le bien-être qui résulte, pour toute une contrée, de l'établissement d'une voie ferrée, dont elle a été privée jusqu'ici, et la nouvelle ligne de M. Delaveleye eût été une ligne affluente très importante pour le chemin de fer de l'Etat, puisqu'elle passait par un pays où il y a beaucoup d'usines, par conséquent beaucoup d'affaires.
On nous a encore aussi objecté que le génie militaire s'opposait à tous chemins de fer vers la forteresse de Diest, du moins cela se trouve dans l'avis du conseil supérieur, du conseil des ponts et chaussées, et cependant en 1845, sur la proposition du gouvernement les chambres ont décrète un chemin de fer de Vertryck vers Diest, comme un embranchement du chemin de fer de la Sambre à Louvain. Si la crise financière n'était pas survenue alors, il est probable que cette voie ferrée aurait été exécutée ; à la séance d'hier encore, M. le ministre nous a fait voter un chemin de Jemeppe à Gembioux et de Perwez à Diest par Tirlemont ; l'opposition formée par le génie militaire n'était donc pas sérieuse, elle ne pouvait pas nous être opposée, puisqu'on a dirigé plusieurs chemin de fer vers différentes de nos forteresses.
Mais, lorsqu'il s'agit de l'arrondissermnt judiciaire de Tongres, il en est tout autrement, alors de nombreuses objections sont faites, lorsque la ville de Tongres et la grande majorité des communes de son arrondissement judiciaire réclament avec instance d'obtenir la vote ferrée qui leur paraît être la plus utile à tous leurs intérêts, et l'on doit bien supposer qu'elles doivent à cet égard les connaître pour le moins aussi bien que le gouvernement.
Je ne puis que protester contre une telle manière d'agir envers l'arrondissement de la province de Limbourg, qui en 1839 a été mutilé, a perdu une forte partie de son territoire et de sa population, où toutes les anciennes relations commerciales ont été brisées, et qui jusqu'ici est rejelée en dehors de tous les grands travaux publics.
- Un grand nombre de voix. - Faites-la ! faites-la !
- Un grand nombre de voix. - La clôture ! la clôture !
M. Julliot (contre la clôture.) - Je voudrais adresser une simple question à M. le ministre.
M. Moncheur, rapporteur. - J'aurais eu quelque considérations à faire valoir pour justifier les propositions de la section centrale, mais la chambre me paraît tellement fatiguée que je crois entrer dans ses intentions en ne prolongeant par les débats.
- La clôture est mise aux voix et prononcée sous la réserve de la question à adresser au gouvernement par M. Julliot.
M. Julliot. - J'ai proposé un amendement conjointement avec quelques collègues. L'honorable M. Deliége a fait connaître qu'il serait possible de concilier deux compagnies de manière à obtenir ce que nous demandons. M. le ministre des travaux publics prévoit-il que ceia ait quelque chance de s'arranger ?
M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Il serait difficile de répondre d'une manière précise, positive à l'interpellation. J’ai fait connaître les tentatives infructueuses que j'ai faites près de la compagnie Benard et de celle d'Aix-la-Chapelle pour les déterminer à se charger de faire un embranchement de Tongres sur Bilsen. M. Julliot connaît parfaitement tous les faits, il sait que mes efforts sont restes sans résultat ; je prends l'engagement de les renouveler avec le désir consciencieux d'aboutir. C'est tout ce que je puis dire.
M. le président. Le projet du gouvernement se compose d'un article unique, il y a un article 2 proposé par la section centrale, je le mettrai ensuite aux voix.
« Art. 1er. Le gouvernement est autorisé à accorder à la société anonyme du chemin de fer de Maetricht à Aix-la-Chapelle, dûment représentée, la concession d'un chemin de fer de Hasselt à la frontière du duché de Limbourg, vers Maeslricht, aux clauses et conditions de la convention provisoire du 3 mai 1853 et du cahier des charges annexé à la présente loi. »
M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Dans un projet on a maintenu les mots « annexés à la présente loi », qu'on a retranches dans, les autres.
Je proposerai de dire « aux clauses et conditions de la convention provisoire et du cahier des charges en date du 3 mai 1853, et sous les modifications ci-après : »
- L'article premier ainsi modifié est mis aux voix et adopté.
« Art. 2 (propose par la section centrale). Si, endéans les deux ans, une ligne perpendiculaire à celle demandée partant du point de Bilsen par Tongres et Ans, n'est pas concédée, le gouvernement est autorise à imposer cette construction à la société anonyme du chemin de fer de Maestricht à Aix-la-Chapelle. »
Le vote par appel nominal est demandé sur cet article. En voici le résultat :
59 membres prennent part au vote.
24 votent pour l'article.
35 votent contre.
(page 1658) En conséquence, la chambre n'adopte pas.
Ont voté l'adoption : MM. Matthieu, Moncheur, Orban, Orts, Prévinaire, Rodenbach, A. Roussel, Ch. Rousselle, Thiéfry, Thienpont, Vander Donckt, Van Overloop, Vermeire, Boulez, de Naeyer, de Perceval, de Renesse, de Ruddere, Dumortier, Janssens, Julliot, Laubry, Loos et Magherman.
Ont voté le rejet : MM. Mascart, Moreau, Moxhon, Osy, Pirmez, T'Kint de Naeyer, Tremouroux, Alp. Vandenpeereboom, Ern. Vandenpeereboom, Van Grootven. Van Hoorebeeke, Van lseghem, Veydt. Allard, Anspacb, Closset, David, H. de Baillet, de Haerne, Deliége, F. de Mérode, de Mérode-Westerloo, de Pitteurs, de Sécus, Desmaisières, de Theux, de T'Serclaes, d'Hoffschmidt, Jacques, Le Hon, Lejeune, Lesoinne, Martens, Manilius et Delfosse.
M. le président. - Nous arrivons à l'amendement de MM. Deliége et autres membres.
M. Rousselle. - Il me paraît que si cet amendement était adopté, il y aurait communication de cette branche avec les stations de l'Etat, et dans ce cas il conviendrait de reproduire dans cette loi la disposition qui a été adoptée dans les autres au sujet des changements à faire dans les stations.
M. le président. - Le gouvernement mettrait cela dans le cahier des charges.
M. Rousselle. - Du moment que c'est ainsi entendu, je n'insiste pas.
M. Dumortier. - Il y a toujours un danger extrême à adopter ces amendements improvisés. Il est évident qu'un chemin de fer par la vallée du Geer sur Maestricht aura pour résultat d'enlever à la ligne de l'Etat une partie des transports vers l'Allemagne.
Le Geer passe à Waremme et se jette à Maastricht dans la Meuse. (Interruption.)
Il est un fait incontestable, c'est qu'on uous présente des chemins de fer qui n'ont été examinés en section centrale ni nulle part et que nous ne pouvons même comprendre ce qu'ils signifient. Je demande si l'on doit admettre de pareilles propositions.
Trois systèmes sont présentés, si j'ai bien compris l'amendement, car nous ne l'avons pas sous les yeux, ce n'est que par la lecture qu'a bien voulu nous en faire M. le président que nous le connaissons.
Vous présentez trois systèmes et vous laissez au gouvernement l'option entre ces trois systèmes. L'exécution des trois lignes est donc possible.
Eh bien, dans ces lignes il en est une qui me paraît extrêmement dangereuse, c'est celle qui irait par la vallée du Gheer vers Maestricht, car le Geer passe à Waremme, chacun le sait. (Nouvelle interruption.)
M. Deliége. - Je demande la parole.
M. Dumortier. - On paraît dire que je ne connais pas l'amendement ; je prierai M. le président d'en donner une nouvelle lecture.
- M. le présidenl fait cette lecture.
M. Dumortier. - Vous aurez donc un chemin de fer de Tongres à Maestricht. Mais le jour où vous aurez ce chemin de fer, vous aurez une route beaucoup plus courte que par la vallée de la Vesdre. Au reste il est impossible de discuter des amendements pareils, quand on ne les a pas examinés. Je demande donc l'ajournement de cet amendement à la session prochaine pour qu'il soit examiné comme tous les autres projets de chemin de fer.
M. Lesoinne. - Cet amendement est, de tous ceux qu'on a votés depuis quelques jours, celui qui présente le moins de dangers. Car il dit que le gouvernement n'est autorisé à accorder la concession qu'après enquête.
Cet amendement a été produit par nous dans le but de concilier les intérêts de Tongres avec ceux de Hasselt et en même temps avec ceux de Liège.
L'honorable M. Dumortier dit qu'il aura pour effet de créer une voie plus courte d'Anvers vers l'Allemagne. Notre honorable collègue n'a pas la carte sous les yeux ; sans cela il s'apercevrait qu'il est dans l'erreur.
M. Moncheur, rapporteur. - Je ne m'opposerai pas à l'amendement proposé par M. Deliége, mais il doit être entendu, selon moi, que le gouvernement ne pourra scinder les projets sur lesquels il y aura enquête, c'est-à-dire accorder une partie, sans imposer en même temps l'obligation de construire l'autre partie.
L'honorable M. Deliége ne m'a pas bien compris. Voici ma pensée : Il y a deux sysèmes de chemins de fer possibles : l'un de Hasselt directement par Cortessem et Tongres sur Ans, avec embranchement de Glons à Maestricht ; l'autre de Bilsen à Ans par Tongres. Or, j'ai voulu dire que si on adoptait le tracé de Hasselt à Ans par Tongres, il faudrait, en même temps, imposer au concessionnaire l'embranchement de Glons à Maestricht ; car, sans cela, Tongres n'aurait d'autre communication avec Maestricht que par Hasselt ; ce qui est un immense détour.
M. Deliége. - Il est entendu que le gouvernement devra nécessairemnt scinder les concessions des chemins de fer qui font l'objet de cet amendement.
Il est évident que si l'on adopte la ligne directe d'Ans à Hasselt par Tongres il sera possible d'y rattacher la ligne vers Maestricht par Glons. Si l'on adopte la ligne de Bilsen il en sera tout autrement. Mais vouloir imposer à celui qui offrira de faire la ligne d'Ans à Hasselt, la construction de la ligne vers Maestricht, ce serait peut-être décider à tout jamais qu'on ne fera aucune de ces lignes.
Je ferai du reste, remarquer à la chambre, pour répondre à ce qui a été dit que la ligne d'Ans à Hasselt, à Bilsen par Tongres n'a pas été étudiée qu'elle l'a été au moins pour une partie, puisque par la loi de 1851, la législation a garanti un minimum d'intérêt 4 p. c. sur un million, puis la construction d'un chemin de fer d'Ans à Tongres.
M. Dumortier. - Je reconnais que, tout a l'heure, j'ai fait erreur ; mon erreur provient de ce qu'il y a, dans cette province, deux cours d'eau du même nom.
Il n'en résulte pas moins qu'il est très imprudent de statuer sur des amendements improvisés, qui n'ont été ni imprimés ni distribués.
M. le président. - La section centrale propose les deux amendements suivants qui viendront à la suite de l'article :
« Les mots : « la totalité », sont ajoutés à l'article 49 du cahier des charges après les mots : « si le gouverncaement jugeait que. »
« Les mots : « ni perçu aucun droit », sont supprimés dans l'article 55 da même cahier des charges. »
M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Je me rallie à cet amendement.
- Ces amendements sont adoptés.
La chambre, après avoir décrété l'urgence, adopte définitivement les amendements introduits dans le projet de loi, et procède au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet de loi. En voici le résultat :
59 membres sont présents.
6 (MM. Moncheur, Ch. Rousselle, Orban, Vermeire, Julliot et de Renesse) s'abstiennent.
53 prennent part au vote.
50 votent pour.
3 (MM. Dumortier, Margherman et Vander Donckt) votent contre.
La chambre adopte.
Ont voté pour : MM. Mascart, Matthieu, Moreau, Moxhon, Orts, Osy, Pirmez, Prévinaire, Rogier, Roussel (Adolphe), Thiéfry, Thienpont, Tremouroux, Vandenpeereboom (Alphonse), Vandenpeereboom (Ernest), Van Hoorebeke, Van lseghem, Veydt, Allard, Anspach, Cans, Closset, David, de Baillet (Hyacinthe), de Haerne, Deliége, de Mérode (Félix), de Mérode-Westerloo, de Perceval, de Pitteurs, de Ruddere, Desmaisières, de Theux, de T'SercIaes, d'Hoffschmidt, Jacques, Janssens, Landeloos, Laubry, Lebeau, Le Hon, Lejeune, Lesoinne, Loos, Maertens, Manilius et Delfosse.
M. le président. - Les membres qui se sont abstenus sont invités à présenter les motifs de leur abstention.
M. Moncheur, rapporteur. - Je me suis abstenu parce que d'une part, je n'ai pas voulu m'opposer à la construction d'un chemin de fer qui peut être utile à quelques localilés, mais que, d'autre part, j'ai des doutes sur son utilité au point de vue des intérêts généraux du pays.
M. Orban. - Je me suis abstenu pour les mêmes motifs que l'honorable M. Moncheur.
M. Rousselle. - Je me suis abstenu par les motifs que j'ai exprimés dans la séance d'hier.
M. Vermeire. - Je me suis abstenu parce que je n'ai pas été mis à même de bien calculer les conséquences de l'amendement qui vient d'être adopté.
M. de Renesse. - Je n'ai pas voté pour, parce que la chambre a repoussé l'amendement de la section centrale, qui tendait à relier une grande partie de l'arrondissement de Tongres, d'un côté au chemin de fer de l'Etat, de l'autre au chemin de fer à concéder à la société d'Aix-la-Chapelle à Maestricht. Je n'ai pas voté contre parce que la ligne à concéder de Hasselt à Maestricht doit être d'une certaine utilité pour une partie de la province de Limbourg.
M. Julliot. - Notre amendement étant resté sur le champ de bataille, la loi ne m'inspirait plus assez de sympathie pour obtenir mon vote favorable ; d'un autre côté il n'y avait rien à gagner à voter contre, et je n'ai pas voulu faire de l'opposition au ministère.
- La séance est suspendue à 4 heures et demie.
(Présidence de M. Veydt, vice-président.)
A 8 heures et un quart, la séance est reprise.
(page 1658) M. Maertens présente l'analyse des pièces adressées à la chambre depuis ce matin.
« Par dépêche du 10 juin, le sénat informe la chambre qu'il a adopté :
« 1° Le projet de loi qui autorise le gouvernement à négocier un capital de 11,964,600 fr. à rembourser par la conversion des emprunts de 1840, 1842 et 1848, et à réduire la dette flottante au moyen de la réserve des emprunts de 1840 et 1842 ;
« 2° Le projet de loi relatif à la construction d'un chemin de fer du bassin du Centre à la Sambre. »
- Pris pour notification.
- M. de Ruddere, ne pouvant assister à la séance du soir par suite du décès d'un parent, demande un congé.
- Ce congé est accordé.
M. Loos. - Messieurs, le gouvernement a jugé convenable d'instituer une commission chargée d'examiner tout ce qui concerne les chemins de fer, leur achèvement, les tarifs et tous les intérêts qui s'y rattachent. Cette commission a été spécialement chargée d'examiner aussi l'utilité, l'urgence des divers travaux qui restent à exécuter. Le gouvernement lui a soumis tous les documents qui concernent cette partie du service. Il reste à achever un grand nombre de stations et une quantité de travaux ; il m'avait paru, en lisant l'exposé des motifs du projet de loi en discussion, qu'il n'y avait aucune urgence pour les travaux qu'on propose d'exécuter immédiatement et que par conséquent ils auraient parfaitement pu être ajournés avec tous les autres travaux qui attendent des propositions du gouvernement ; d'un autre côté, il y a une compagnie qui est en cause et à qui l'on prétend qu'une partie de ces travaux incombe.
Ce sont là des questions, messieurs, qui pourraient recevoir une solution d'ici à la session prochaine, et je ne vois pas pourquoi les travaux qui existent déjà et qui satisfont aujourd'hui aux besoins de l'exploitation, ne pourraient pas y satisfaire une année de plus. On pourrait alors nous faire une proposition d'ensemble pour tous les travaux qui restent à exécuter.
Je crois donc, messieurs, qa'il conviendrait d'ajourner le projet en discussion.
M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Messieurs, l'urgence des travaux qu'il s'agit d'exécuter au moyen du crédit de 100,000 francs a été reconnue à plusieurs reprises par l'administration du chemin de fer ; c'est même à la suite des rapports successifs qu'elle a adressés à la commission instituée près du département des travaux publics relativement aux moyens de régler les difficultés qui existent avec la compagnie de Tournai à Jurbise, c'est à la suite de ces rapports que cette commission m'a fait une demande à l'effet de solliciter la somme de 100,000 fr. reconnue nécessaire, d'autant plus nécessaire que pour pouvoir autoriser les travaux à faire par la compagnie de Dendre-et-Waes à l'intérieur de la forteresse ; il faudra que le gouvernement en lasse de son côté.
Je m'engage du reste formellement, messieurs, avant de dépenser quoi que ce soit, à épuiser tous les moyens en mon pouvoir pour que la compagnie de Tournai à Jurbise participe à ces travaux dans la mesure des obligations qui lui sont imposées par le cahier des charges.
M. Loos. - M. le ministre dit que la nécessité des travaux dont il s'agit a été signalée plusieurs fois ; mais la nécessité d'achever les stations dans diverses villes a été signalée plus de vingt fois dans cette enceinte. Il y a entre autres la station d'Anvers. C'est une honte de la laisser dans l’état déplorable où elle se trouve : il n'y a pas d'abri pour les voyageurs ; les bagages sont exposés en plein air. Quant à moi, messieurs, je m'opposerai à tout crédit pour le chemin de fer tant que les stations ne seront pas comprises dans les travaux proposés.
Messieurs, sans les travaux de démolition qui se font aujourd'hui à la forteresse d'Ath, il ne pourrait pas être question de faire un changement quelconque au chemin de fer ; c'est donc parce que les circonstances politiques exigent la démolition des fortifications d'Ath que les travaux demandés aujourd'hui sont rendus possibles. C'est donc par suite d'une circonstance toute fortuite que le crédit nous est demandé, et je dis qu'il y a bien plus d'urgence pour une infinité de travaux soumis à la commission des chemins de fer que pour ceux dont il s'agit en ce moment. Je ne vois pas pour quel motif ces travaux doivent être faits avant ceux qui concernent des lignes existant depuis 1836 et qui attendent encore leur achèvement.
M. Rodenbach. - Messieurs, nous allons nous séparer pour six mois ; je saisis cette occasion pour prier M. le ministre de songer au chemin de fer qu'une compagnie anglaise doit établir entre Deynze et Roulers par Thielt. A l'heure qu'il est, la compagnie n'a pas encore satisfait à ses engagements.
Et cependant la Belgique s'est imposé pour cette compagnie un sacrifice de plusieurs millions ; la compagnie n'avait plus d'argent pour continuer ses travaux, et la Belgique a fait preuve a son égard d'une générosité extraordinaire. Le gouvernement doit donc fortement tenir la main à ce qu'on exécute promptement et ponctuellement ce que les contrats imposent à la compagnie.
M. Desmaisières. - Messieurs, je ne viens pas contester l'urgence, proclamée par l'honorable M. Loos, d'achever les autres stations du chamin de fer. Je crois qu'en considérant le chemin de fer de Jurbise à Tournai en lui-même, il n'y a pas plus d'urgence à achever ia station d'Ath que d'autres stations du chemin de fer.
Mais il y a ici une raison toute spéciale qui réclame l'urgence : c'est que les travaux à exécuter à la station d'Ath si lient intimement aux travaux de démolition des fortifications de cette ville.
Vous avez pu lire, messieurs, dans le rapport que j'ai eu l'honneur de faire à la chambre, au nom de la section centrale, que la cinquième section a demandé que M. le ministre des travaux publics s'entendît avec M. le ministre de la guerre pour l'exécution simultanée des déblais de la démolition et des remblais nécessaires pour l'établissement du chemin de fer ; il a paru à cette section qu'il pouvait résulter de cette exécution simultanée une économie notable sur les deux dépenses. La section centrale a partagé cette opinion et y a vu un motif tout spécial d'urgence pour accorder le crédit demandé par M. le ministre des travaux publics.
M. le Bailly de Tilleghem. - Messieurs, j'ai demandé la parole pour déclarer que je partage entièrement les sentiments que vient d'exprimer mon honorable collègue M. Rodenbach pour recommander au gouvernement l'exécution ponctuelle, par la compagnie concessionnaire, des travaux qu'elle est obligée de faire à l'embranchement du chemin de fer de Deynze par Thielt.
Je prie vivement M. le ministre de tenir la main à ce que la compagnie remplisse exactement ses engagements, et j'ose espérer que le gouvernement ne faillira pas à son devoir.
M. Malou. - Messieurs, je crois que deux mots suffiront pour démontrer qu'il est nécessaire et urgent de voter le crédit demandé. Je connais les fails, par suite de la position que j'occupe hors de cette enceinte.
Il ne s'agit pas, ici, de compléter la station d'Ath, de préférence à d'autres stations ; il s'agit d'avoir égard à des fails : la démolition des fortifiations de la ville d'Ath, et la construction du chemin de fer dans cette ville. Dans la traverse d'Ath, on a construit le chemin de fer dans les conditions exigées pour la défense de la place. Il s'agit aujourd'hui de supprimer des ponts dangereux pour le service, il s'agit de prémunir l'Etat contre une dépense périodique assez considérable.
Voilà la véritable cause de la dépense à laquelle doit faire face le crédit de 100,000 francs, dépense qui, en réalité, lorsqu'on se reporte à une période assez longue, constituera une économie pour l'Etat.
Le deuxième motif d'urgence, c'est que d'après la convention conclue avec la compagnie de la Dendre, ce chemin de fer doit se raccorder avec celui de l'Etat dans la station d'Ath. Il est à désirer que la compagnie ne fasse pas de raccordement dans l'état actuel des lieux. La chambre se rappellera qu'après l'achèvement de ce chemin de fer, toute dépense ultérieure doit être à la charge de l'Etat. Si vous ne changez pas maintenant l'état des lieux dans la station d'Ath, la compagnie de la Dendre reliera son chemin de fer à cette station dans les conditions actuelles ; et lorsqu'elle aura rempli ses obligations, le gouvernement plus tard, pressé par la nécessité de changer l'état des lieux, devra faire une dépense nouvelle, pour que le service soit possible, soit du moins facile, comme il l'est dans les autres stations.
Voilà les deux motifs péremploirts qui exigent, selon moi, que le crédit demandé par le gouvernement ne soit pas ajourné.
- Personne ne demandant plus la parole, la proposition d'ajournement est mise aux voix et n'est pas adoptée.
L'article unique du projet de loi est ainsi conçu :
« Article unique. Le crédit de 303,000 francs, formant l'article 59 du lodgct du ministère des travaux publics pour l'exercice 1853, est majoré d'une somme de 100,000 fraucs, destinée à pourvoir à la dépense résultant de l'exécution des travaux ayant pour but de remplacer par des remblais les ponts établis sur les fosses de la place d'Ath, pour le passage du chemin de fer de Tournai à Jurbise.
« Ce supplément de crédit est alloué sous la réserve du droit qui résulte pour l'Etat des conventions décrétées par arrêté royal, en date du 19 mai 1845, pour la concession du chemin du fer de Tournai à Jurbise, d'exiger que la société concessionnaire lui restitue, dans la dépense à faire pour les travaux dont il s'agit, une part égale à la somme que celle-ci aurait dû dépenser pour mettre les ponts, qu'il est question de remplacer, en état de complète réception, s'ils avaient été maintenus. »
- Il est procédé au vote par appel nominal sur l'article unique du projet de ioi.
63 membres répondent à l'appel.
59 répondent oui.
2 (MM. Moxhon et Loos) répondent non.
2 (MM. Rogier et A. Vandenpeereboom) s'abstiennent.
En conséquence, le projet de loi est adopté. Il sera transmis au sénat.
Ont répondu oui : MM. Mascart, Moreau, Orban, Osy, Prévinaire, Rodenbach, A. Roussel, Ch. Rousselle, Sinave, Thiéfry, Thienpont, T'Kint de Naeyer, Tremouroux, E. Vandenpeereboom, Vander Donckt, Van Grootven, Van Hoorebeke, Van lseghem, Van Overloop, Vermeire, Allard, Anspach, Boulez, Cans, Closset, Coomans, David, H. de Baillet, de Brouwer de Hogendorp, de Decker, de Haerne, Delfosse, Deliége, de Man d'Attenrode, F. de Mérode, de Mérode-Westerloo, de Naeyer, de Perceval, de Pitteurs, de Renesse, de Sécus, Desmaisières, de Theux, de T’Serclaes, Devaux, Dumortier, Faignart, Jacques, Janssens, Laubry, le Bailly de Tilleghem, Lebeau, Lejeune, Lesoinne, Maertens, Magherman, Malou et Veydt.
Les membres qui se sont abstenus sont invités à faire connaître les motifs de leur abstention.
M. A. Vandenpeereboom. - Je me suis abstenu parce que j'ai cru qu'il n'était pas indispensable de voter immédiatement sur cette question ; que ce vote pouvait très bien être ajourné et que je n'ai pas eu le temps d'examiner sérieusement la question.
M. Rogier. - S'il y avait des motifs pour l'adoption du projet, il y avait aussi des motifs contre cette adoption, motifs que l'honorable M. Loos a fait valoir. J’ai donc cru devoir d'abstenir.
La discussion générale est ouverte.
(page 1660) >M. le ministre des affaires étrangères (M. H. de Brouckere). - Messieurs, je ne viens pas faire l'éloge de la convention qui vous est présentée. Le gouvernement croit avoir agi selon l'intérêt et le voeu du pays, mais c'est à vous qu'il appartient d'apprécier l'acte qu'il a posé.
Je me bornerai done, messieurs, à indiquer quelques faits, quelques considérations qui pourront contribuer, si je ne m'abuse, à éclairer vos résolutions.
Nous est-il ulile d'avoir des communications rapides et régulières avec les Etats-Unis ?
Si les avantages de l'entreprise ne peuvent être niés, ne les avons-nous pas, du moins, achetés à un trop haut prix ?
Enfin n'aurait-on pu les obtenir à de meilleures conditions ?
Voilà les trois côtés de l'affaire sur lesquels j'arrêterai un instant votre attention.
Quant aux amendements proposés par la section centrale, je m'en occuperai lorsque la discussion s'engagera sur les questions spéciales qui en font l'objet.
Ce n'est pas devant des chambres belges, messieurs, qu'il est encore nécessaire de démontrer l'utilité d'un service de navigation à vapeur entre la Belgique et l'Amérique du Nord. La question a été jugée, il y a longtemps déjà, par la législature elle-même, et si un premier essai n'a pas réussi, ç'a été, assurément, au vrai regret de tout le monde. L'utilité qui existait, que l'on reconnaissait il y a douze ou treize ans, est-elle devenue, par le cours du temps, moins réelle, moins pressante, moins impérieuse ? Si l'on pouvait en douter, il suffirait de regarder autour de soi : l'Angleterre, le premier pays commercial de l'univers, multiplie, pour ainsi dire, à l'infini ses communications à vapeur ; Brème double, à l'heure qu'il est, sa ligne vers New-York ; la Sardaigne s'impose, dans le même but, un lourd sacrifice ; la France s'agite à la recherche de combinaisons qui ne tardent à se réaliser que parce qu'on les veut trop larges et trop grandioses. En 1840, nous devancions le mouvement ; aujourd'hui nous ne faisons plus que le suivre ; nous avons encore les mêmes profits à espérer, nous avons un danger de plus à prévenir, l'isolement !
Toutes les fois qu'il s'agit chez nous de l'établissement de services transatlantiques de navigation à vapeur, il est une idée, vous en aurez souvent fait la remarque, messieurs, qui frappe tout d'abord les esprits : C'est qu'entre ce projet et notre système de chemins de fer, il existe une connexité étroite, une sorte de filiation. L'un paraît la suite, la conséquence naturelle et tout indiquée de l'autre. Cette appréciation spontanée et générale constitue toujours une grande présomption de vérité ; dans le cas actuel, le jugement public ne fait qu'exprimer la réalité des choses. En construisant nos voies ferrées sur une échelle si vaste relativement à l'étendue du pays, on a eu forcément en vue d'en faire l'instrument, non seulement de nos transports intérieurs, mais encore des transports entre une partie du continent européen et les grands centres du commerce étranger.
On a voulu, en un mot, en faire les grandes artères commerciales du centre de l'Europe. J'ajouterai, messieurs, et c'est une observation à laquelle je me permets de rendre la chambre particulièrement attentive, j'ajouterai que de moment où l'on s'est décidé à mettre la construction de nos principales lignes du chemin de fer à la charge de l'Etat, les chemins de fer devenaient pour nous, non seulement une question commerciale, mais encore une question financière. Et, effectivement, ils forment maintenant, vous le savez, un des éléments très sérieux de notre état financier. C'est assez vous dire s'il est d'une bonne politique, à ce point de vue, de favoriser tout ce qui peut multiplier les transports et avec les transports, les revenus de nos chemins de fer.
Mais si notre projet emprunte à ses rapports avec le système des chemins de fer un intérêt qu'on ne saurait contester, toute son importance, il s'en faut, n'est point là. Les chemins de fer, je l'ai déjà dit, ne sont qu'un instrument. L'intérêt principal ce sont les affaires qu'il convient de créer ou de développer. Ce qui caractérise la Belgique sous le rapport économique, c'est sa puissance de production. Tout Etat dont la production dépasse les besoins du marché intérieur, doit, par tous les moyens en son pouvoir, se créer des débouchés au-dehors. C'est une loi de sa position, une nécessité de son existence. Nous avons déjà des débouchés extérieurs, mais quels sont-ils ? Ce sont, pour la plus grande part, les contrées qui nous avoisinent. Ces marchés placés à nos portes, nous devons soigneusement chercher à les garder, à les élargir, pour leur profit comme pour le nôtre ; mais enfin ils sont exposés à des crises ; ils peuvent se restreindre sinon se fermer ; dans tous les cas, ils ne nous suffisent point.
Il importe donc que nous n'en dépendions pas exclusivement et, pour cela, il faut chercher à étendre nos affaires dans d'autres directions. Ces principes ne sont pas nés d'hier. Ils sont dans le fond des choses. Telle est leur force, que l'on a été jusqu'à subordonner toute notre législation maritime à cette règle fondamentale qu'il importe, par dessus tout, d'activer nos échanges avec les pays transatlantiques. Je n'examine pas jusqu'à quel point la loi de 1844 a justifié les espérances qu'elle avait fait naître ; mais ce qui ne me semble pas pouvoir être révoqué en doute, c'est que, parmi les moyens de conduire au but que l'on avait alors en vue, l'un des plus efficaces doit être d'établir entre les producteurs et les consommateurs des communications rapides, régulières et fréquentés.
Tous les éléments d'un commerce important existent entre la Belgique et les Etats-Unis. L'Amérique du Nord demande à l'étranger un grand nombre de produits industriels que nous pouvons fournir à des conditions qui défient la concurrence. La Belgique, à son tour, fait une consommation très notable des produits naturels de l'Union américaine, outre qu'elle peut devenir, quant à ces articles, un marché d'approvisionnement pour l'Europe centrale. Tout se réunit donc pour rendre possible un grand courant d'affaires entre la Belgique et les Etats-Unis ; mais pour l'animer et le maintenir, il est indispensable de lui creuser un lit, si je puis m'exprimer ainsi. Il ne suffit pas qu'il y ait des occasions d'expédition ; il faut qu'elles soient connues, certaines, répétées sans cesse. La facilité des communications a encore un autre avantage ; elle permet aux producteurs de se rendre sur les lieux de consommation, aux consommateurs de venir sur les lieux de production. L'esprit d'entreprise en reçoit une heureuse impulsion, et, dans un pays comme le nôtre, ce résultat n'est pas sans prix.
En vous parlant ainsi, messieurs, ce n'est pas ma manière de voir seulement que j'exprime ; c'est encore celle de toutes les sommités commerciales et industrielles que j'ai entendues ; c'est l'opinion unanime des agents commerciaux du gouvernement. Mais il est une autorité plus sûre encore, c'est celle des faits.
Le service de navigation à vapeur entre Brème et New-York a été établi en 1848. Il n'a employé, jusqu'à l'année actuelle, que deux navires, partant une fois par mois. J'ai sous les yeux le relevé des produits allemands importés directement aux Etats-Unis par la voie des villes hanséatiques depuis 1847. Savez-vous quelle a été la progression ? De 10 millions de francs l'importation s'est montée à plus de 30, c'est-à-dire qu'elle a plus que triplé.
J'ai demandé personnellement à une personne en position de bien connaître et de bien juger, j'ai demandé, dis-je, des renseignements sur l'organisation et le degré d'utilité des services de navigation à vapeur qui existent à Liverpool. Je vais textuellement reproduire un extrait de sa réponse : « Je vous remets une liste d'une partie de nos bateaux à vapeur. Quant à vous donner une liste complète, c'est presque impossible ; le nombre en a tellement augmenté et augmente tant encore journellement qu'il n'y a presque pas de pays avec lequel nous n'ayons des communications par bateaux à vapeur. L'influence exercée sur notre commerce par suite de l'augmentation extraordinaire de tous ces services à vapeur est incalculable. On ne peut en donner une idée, si ce n'est que nous avons tellement accru nos affaires depuis dix ans que nous possédons aujourd'hui le double de docks qu'en 1840 et que souvent nous manquons de place pour les navires. »
Mieux que tous les commentaires, de semblables résultats font ressortir l'heureuse action des communications maritimes à vapeur. Et cependant, quant à nous, cet aperçu n'est pas complet encore ; deux de ses faces les plus importantes n'ont pas été indiquées. Je veux parler du transport des émigrants et du commerce du transit.
Le transport des émigrants est devenu, depuis quelques années, l'un des aliments les plus actifs des opérations maritimes. Vous en expliquer les causes, vous dire tous les intérêts qui s'y rattachent, serait prendre un soin superflu. Il est peu de questions aujourd'hui mieux comprises, témoin la vivacité de la lutte engagée, à ce sujet, entre les ports de l'Europe occidentale. Le nombre des émigrants qui viennent s'embarquer à Anvers a été grandissant dans ces derniers temps, mais il est encore loin des limites qu'ont atteintes les ports rivaux. Tandis que la part d'Anvers restait fixée à 14,900 émigrants par année, celle du Havre s'élevait à 60,000, celle de Hambourg à 30,000 et celle de Brème à 58,300. Cette proportion peut et doit se modifier. Il est à ma connaissance que des propositions très favorables sont faites pour imprimer une nouvelle activité au passage des émigrants par le port d'Anvers, dès que celui-ci sera doté d'un service de navigation à vapeur vers New-York.
L'autre question a pour le pays un caractère plus général et plus élevé encore. Il n'est personne d'entre vous, messieurs, qui ignore le rôle que joue le transit dans notre vie commerciale. Régime libéral d'entrepôts, taxes et formalités à peu près nominales, système de chemins de fer, tout a été combiné pour lui venir en aide. Aussi notre succès a-t-il été prompt et considérable ; notre commerce de transit dépasse 200 millions de francs, mais ne sera-t-il pas plus difficile de conserver ce résultat qu'il n'a été de l'obtenir ? La voie néerlandaise, d'un côté, la ligne du Havre à Strasbourg, de l'autre, nous font une concurrence qui n'est encore qu'à ses débuts. Je n'insisterai pas sur ce fait mais, je crois devoir le livrer aux méditations de la chambre. C'est une des plus graves questions de notre politique commerciale, et aucune peut-être ne fait mieux saisir la véritable portée du projet qui nous occupe.
Mcssieuurs, j'ai rapidement indiqué par quels point la création d'une ligne de navigation à vapeur entre la Belgique et les Etats-Unis touche à notre système de chemins de fer, à notre commerce d'exportation, au transport des émigrants et à notre commerce de transit. J'ai signalé plutôt que je n'ai cherché à démontrer les avantages que nous pouvons nous promettre du projet soumise votre examen, mais, si ces avantages ne sont ni contestables ni contestés, ne sont-ils pas, du moins, achetés trop chèrement ?
Je vais passer en revue les engagements de l'Etat. Ils sont au nombre de cinq.
1° Admission en franchise de deux navires construits à l'étranger. Ce n'est pas un sacrifice pour l'Etat, puisque les droits qu'il abandonne, il ne les percevrait pas si la convention n'exislait punt. D'ailleurs, la (page 1661) chambre elle-même a consacré le principe dans la récente discussion de la loi sur l'entrée des machines.
2° Exemption des droits de tonnage et de feux. Cela n'avait pas besoin d'être stipulé. L'article 5 du traité en vigueur entre la Belgique et les Etats-Unis en fait un droit pour la société.
3° Abandon à la Compagnie de la taxe de mer des lettres transportées par ses navires. Cela est de toute justice. D'ailleurs, cette taxe est aujourd'hui perçue par l'office britannique. L'Etat ne renonce donc à rien de ce chef.
4° Subside de 1,200 fr. par voyage. Il est partout de règle que les services transatlantiques soient exempts des droits de port. C'est ce que nous voyons à Brème, à Gênes, etc. Ne pouvant accorder la même faveur, d'une manière complète, à la Société belge, peut-on trouver mauvais qu'on lui accorde une subvention qui n'égale pas même le montant des taxes qui demeurent à sa charge ?
5° Garantie de 4 p. c. d'intérêt sur le capital employé. C'est là, en définitive, la seule participation de l'Etat. Je n'aurai pas de peine à prouver qu'elle n'expose le trésor à aucun risque sérieux.
D'abord, jusqu'à la mise en activité du service et, par conséquent, jusqu'à ce que le pays en profite, l'Etat ne garantit rien. (Article 10 de la convention.)
A partir de l'entrée en activité jusqu'à la fin du service, que peut il arriver ? L'une de ces trois choses :
Que le service donne constamment 4 p. c. du capital. Il est clair que, dans cette hypothèse, l'Etat n'aurait jamais de sacrifice à faire.
Que, dans le cours des dix années, il se trouve exceptionnellement une ou deux années, entre les autres, qui ne rapportent pas 4 p. c. Dans ce cas, l'Etat pourrait avoir à parfaire les 4 p. c, mais si l'on prévoit des années de pertes, il est juste d'admettre aussi qu'il y aura des années de bénéfices. La compensation s'établirait alors aux termes de l'article 11, qui oblige la Société à verser au trésor, en pareille occurrence, l'excédant de ses bénéfices au-delà de 7 p. c.
Enfin, qu'il y ait une succession d'années pendant lesquelles le produit net de l'entreprise n'atteindrait pas 4 p. c. du capital. Je n'hésite pas à déclarer que, d'après l'ensemble des renseignements que je possède, cette hypothèse ne paraît pas pouvoir se présenter ; je ne fonde pas mon opinion sur de vagues suppositions ou de douteuses espérances, mais sur des faits certains, quoique non officiels. Mais enfin admettons que, contre toute attente, le cas posé vienne à s'offrir. Eh bien ! je dis que cette situation ne saurait se prolonger même pendant un petit nombre d'années, et cela pour une raison fort simple. La plus grande partie du capital social sera représentée par la valeur des navires. Or, si la société n'avait plus d'autres ressources que l'intérêt de son capital à 4 p. c., cette subvention ne suffirait pas, en général, pour couvrir la seule usure des bâtiments, sans parler des autres dommages qui auraient nécessairement amené cet état de choses. La position deviendrait ruineuse pour l'entreprise, et c'est la société elle-même qui aurait le plus d'intérêt à mettre fin à un contrat onéreux. Tous les hommes experts dans les questions d'armement et que j'ai pu consulter, m'ont exprimé cet avis.
Voilà quels seront les risques du trésor. La perspective n'offre, à coup sûr, rien que de rassurant. Il n'entre pas dans les vues du gouvernement d'engager la garantie de l'Etat dans tous les genres d'entreprises. Son intention, au contraire, est plutôt de marcher en sens npposé ; mais dans le cas actuel, alors qu'on se trouve devant un grand but à atteindre et que les chances mauvaises ou n'existent pas ou n'ont rien de grave, ne servirait-on pas plus mal les vrais intérêts du pays en refusant qu'en accordant la garantie de l'Etat ? C’est, messieurs, ce que nous avons pensé, et c'est cette considération qui nous a décidés.
Veuillez remarquer que je n'ai examiné jusqu'ici la garantie d'intérêt que dans ce qu'elle peut avoir d'onéreux. Il faut bien reconnaître qu'elle n'est pas sans apporter avec elle des compensations et des profits. C'est à elle, en définitive, que nous devrons l'existence d'un service trop longtemps refusé à notre commerce, à notre industrie. A part ce bienfait direct, nous lui devrons encore les ressources indirectes que procurera au trésor l'augmentation des affaires commerciales et l'accroissement du transport des émigrants. Nos sacrifices, si nous en faisons, seront donc des sacrifices productifs et féconds, et nous devons d'autant moins hésiter à nous y exposer que si les profits sont certains, les sacrifices eux-mêmes restent tout au moins hypothétiques, et, dans tous les cas, très limités ?
Mais encore, dira-t-on, et c'est par là que je finirai, ne pouvait-on échapper même à ces sacrifices : ne pouvait-on parvenir au même résultat à des conditions meilleures ?
Depuis sept ou huit ans, le gouvernement a reçu une longue série de propositions pour l'établissement d’un service de navigation à vapeur entre la Belgique et les Etats-Unis. Il en est venu d’Amérique, d’Angleterre, d’Allemagne, de Belgique. J’ai rendu compte, dans l’exposé des motifs, des propositions qui ont été adressées au cabinet actuel. L’une, c’est le projet dont vous êtes saisis ; l’autre réclamait du gouvernement une subvention annuelle de 1,200,000 francs. Je me suis fait représenter les propositions remises aux divers cabinets qui nous ont précés. Tantôt c’était, outre d’autres avantages, une garantie d’intérêt variant de 4 à 8 p. c. que l’on voulait ; tantôt, c’était un subside annuel en écus, ici, de 25,000 francs par voyage, là de 500,000 francs et plus par an ; tantôt encore c’était la moitié du capital social que l’Etat devait fournir ; d’autres, enfin, réunissaient dans des proportions diverses toutes ces combinaisons. C’est assez vous faire comprendre, messieurs, que jamais le gouvernement n'a pu traiter à des conditions aussi favorables que celles qui vous sont soumises.
Je me plais donc à compter qne vous approuverez la solution que nous sommes parvenus, non sans efforts, à donner à une question qui, pour le bien du pays, ne pouvait être plus longtemps ajournée. Peut-être aussi éprouverez-vous quelque satisfaction à penser que si l’entreprise est belge par les intérêts qu’elle est appelée à favoriser, elle est encore belge par les hommes qui s’en chargent, belge par les capitaux qu’elle emploie, belge enfin par le drapeau qui couvrira ses navires. Pour moi, je ne craindrai pas de dire avec l’un des derniers présidents de l’Union amérivaine, « qu’un juste orgueil national, non moins que nos intérêts commerciaux, doit nous enggaer à seconder les entreprises de cette nature ! »
M. Sinave. - Messieurs, le projet de loi en discussion présente une grave question préalable à résoudre par la législature.
Le système des minimums d'intérêt accordés aux chemins de fer est repoussé aujourd'hui vigoureusement par le gouvernement et par la législature.
Par un revirement inconcevable, le gouvernement propose à la législature un système beaucoup plus dangereux ; c’est celui de faire l'application de la garantie d'un minimum d'intérêt aux entreprises commerciales. Cependant on vient de supprimer toute espèce de primes sur toute espèce d'entreprises. C'est l'application d'un nouveau principe qui est soumis à votre décision.
La chambre est-elle suffisamment éclairée ponr résoudre la question ? Je n'hésite pas à dire non. Certes ce n'est pas l’exposé des motifs ni le rapport de la section centrale qui peuvent nous doonner des apaisements.
L'exposé des motifs et le rapport de la section centre affirment qae cette institution a un caractère d'utilité générale. S'il en est ainsi, d'où vient que les chambres de commerce n'ont pas été préalablement consultées ? Si jamais leur avis était nécessaire, c'était dans cette circonstance. Il faut en conclure qu'on n'a pas voulu le faire.
Cet important projet nous a été soumis à la fin de la session pour être discuté à la dernière heure. C'est la une haute inconvenance qui excitera une pénible sensation dans tout le pays.
L'exposé des motifs constate que le gouvernement lui-même ignore la portée de la convention. Pour le prouver, il suffit de poser une seule question : les cinq bateaux à vapeur doivent-ils coûter 5 millions ? C'est la base de la convention. Le gouvernement n'a pris aucune information : car il n'aurait pas admis ce chiffre de 5 millions. D'après les informations que je possède, deux millions et demi à trois millions au plus sont suffisants.
Il n'est donc pas possible de délibérer sur un pareil projet. Car on sait qu'en laissant cette latitude de 5 millions au gouvernement celui-ci est engagé pour les 5 millions, et il est très facile, dans l'achat de ces navires, de porter le prix au taux que l'on veut.
Pour ces motifs je propose l'ajournement à la session prochaine et je conjure la chambre de l'adopter. En agissant autrement nous compromettons la dignité de la chambre.
Je le répète, soyons prudents avant tout. Si la chambre repousse l’ajournement, je continuerai mes observations.
M. le président. - La chambre veut-elle décider d'abord la question d’ajournement ?
- Plusieurs membres. - Non, non, continuons la discussion.
M. le président. - En ce cas la discussion sur l’ajournement se confond avec la discussion au fond.
La parole est continuée à M. Sinave.
M. Sinave. - Messieurs, dans le premier système, le gouvernement était couvert contre toute éventualité par son privilège sur les chemins de fer. Dans le second et nouveau système, il ne possède aucune garantie. Le trésor est obligé d’emprunter les fonds nécessaires pour payer le minimum d'intérêt.
Il en résulte qu'on grève le pays d'une dette perpétuelle sur 3 millions de capital pour favoriser une localité et des entreprises qui ne peuvent pas aboutir à un bon résultat.
Il est impossible de contester ces faits ; les antécédents sont irrécusables.
Lors de la première entreprise de navigation à vapeur avec l'Amérique du Nord, on l'a échappé belle. Voyez à quoi malheur est bon. Au lieu de 10 millions on en a été quitte pour 5 millions. Pour couvrir cette dépense, on a dû recourir à l'emprunt, et les bons contribuables peuvent considérer comme très heureux de payer seulement à perpétuité une rente sur le capital de 5 millions.
Soyons de bonne foi : la ville d'Anvers pèse sur le gouvernement et force celui-ci à proposer un pareil projet de loi. La ville d'Anvers devrait être plus généreuse. Elle est dotée par la nature du plus beau fleuve de l'Europe. La ville est opulente ; elle est le siege de plus de 100 maisons de commerce et de banque qui possèdent un million et au-delà. Avec de pareils éléments on peut être tranquille sur son avenir, nous formons tous des vœux pour la continuation de cette prospérité ; mais nous demandons à Anvers de ne pas continuer à rançonner les pauvres contribuables.
Si l'étendue du commerce d'Anvers exige un développement plus considérable de sa navigation, elle-même peut y pourvoir. Elle n’a qu'à (page 1662) suivre l'exemple de St-Nicolas et de Tamise qui demandaient il y a quinze jours 50,000 fr. Aujourd'hui ils remercient la chambre ; ils ont formé une société à leurs dépens. Suivez cet exemple, messieurs d'Anvers.
Les primes sous toutes les dénominations sont supprimées. Pourquoi ce privilège, qui est une véritable prime ? On empêche ainsi à tout jamais le développement de toute industrie. C'est contraire à la Constitution et à nos mœurs.
On se plaît à nommer la ville d'Anvers la métropole du commerce. En présence de tous les privilèges dont elle jouit et que je vais énumérer, un autre titre serait mieux appliqué, elle a le droit de porter celui de monopole du commerce.
1° Anvers jouit du péage sur l'Escaut : un million annuellement. Ce privilège constitue le monopole du transit ; en effet, les marchandises arrivent aux frais des contribuables à Anvers à 25 lieues plus rapproché de l'Allemagne, par conséquent, un tiers de frais de transport de moins par le chemin de fer, que les marchandises expédiées en transit par Ostende. Ne serait-il pas juste de modifier le tarif du chemin de fer et de fixer pour les deux localités le même prix peur le transport des marchandises en transit ?
2° Anvers jouit des eaux intérieures de la Hollande : un demi-million annuellement.
3° Anvers jouit d'un subside transatlantique de 175 mille francs annuellement.
4° Anvers jouit d'un droit réduit sur le café venant de la Hollande : un demi-million. Ce privilège entraîne avec lui la ruine de ce commerce avec les grandes Indes, lieu de provenance de cette qualité de café.
5° Anvers jouit d'une prime énorme à l'exportation du sucre, de deux millions au moins annuellement. C'est une industrie sans aucun avenir, et qui tombera le jour même de la suppression de cette prime ; cependant on a supprimé les primes pour les industries ayant un caractère national avec les matières premières provenant du sol.
Quand on a démontré l'utilité des primes en vue de relever certaines industries momentanément en souffrance, vous allez créer, disait-on, une industrie ou un commerce factice. Que fait-on en accordant le minimum d'intérêt (prime déguisée) appliquée aux entreprises commerciales ? Qu'on explique cette contradiction.
En ce qui concerne la ville d'Anvers, depuis 23 années les sacrifices que les contribuables ont eu à subir sont énormes, on peut les jestimer à plus de soixante et dix millions en capital.
Aujourd'hui, vous le voyez, les priviléges dont jouit encore Anvers excèdent les quatre millions annuellement. Si l’égoïsme ne présidait pas au conseil de cette ville, elle renoncerait à tous ces privilèges en faveur des contribuables ; mais au lieu de rencontrer ces nobles sentiments on exige impérativement de nouveaux privilèges, qui infailliblement coûteront au pays plus de 3 millions.
Dans l'exposé des motifs, on pose d'abord ce principe ; Qui dit grande vitesse, dit grande dépense. On n'obtiendra pas la grande vitesse. Mais le pays aura à supporter la grande dépense.
On a trois choses en vue :
L'intérêt postal ;
Le transport des passagers émigrants ;
Et les marchandises.
La grande vitesse est impossible avec les départs d'Anvers. On cite toujours l'Angleterre pour modèle à suivre. Mais dans la métropole commerciale du monde, à Londres, existe-t-il un seul steamer transatlantique ? Non ; et il n'en existera pas, par la raison toute simple qu'il faut trop de temps pour rencontrer la rivière. Anvers se trouve dans une position identique.
En ce qui concerne l'intérêt postal, ici encore les lettres font défaut. Les lettres de Belgique en destination de l'Amérique du Nord (je ne parle que de celles-là ; car, sans doute, on n'a pas la prétention de faire concurrence à l'Angleterre pour le transport des lettres dans les autres parties de l'Amérique) peuvent être évaluées à 1,500 annuellement. On vote un subside s'élevant, d'après le contrat, à 300,000 fr. Chaque lettre coûtera donc 200 fr. au trésor belge. Personne ne contestera cela.
M. le ministre des affaires étrangères (M. H. de Brouckere). - Assurément, on ne s'en donnera pas la peine.
M. Sinave. - Il est facile de répondre ainsi.
Et l'on paye aujourd'hui pour l'Angleterre 1 fr. 65 c.
L'exposé des motifs ajoute que l'on pourrait aisément réduire la taxe de mer à 50 centimes.
Quant au transport des émigrants, ce n'est pas un commerce à citer. La Hollande a, pendant plus de dix ans, refusé ce genre de transports.
D'ailleurs, pour tout le continent, maintenant que le chemin de fer de Strasbourg est exploité, le port du Havre est celui qui offre le passage direct pour l'Angleterre.
M. le ministre des affaires étrangères (M. H. de Brouckere). - C'est une petite réclame pour le Havre.
M. Sinave. - Lisez les journaux de Paris et vous apprécierez l'importance des départs du Havre qui est la route directe de l'Amérique, comme Calais est la route directe de l'Angleterre. On fait le trajet de Calais à Douvres en 90 minutes. Jamais vous ne pourrez faire en 90 minutes le passage d'Ostende à Douvres.
La question du transport des marchandises est la plus sérieuse. L'honorable ministre des affaires étrangères vient de dire : Mais depuis l'existence des bateaux à vapeur à Brème, il y a un accroissement considérable. Cet accroissement n'est pas plus considérable qu'en Belgique où il n'y a pas de bateaux à vapeur. Nous étions en 1846 à 3 millions 500 mille, nous sommes aujourd'hui à 13 millions.
Comment ! on commence par payer une indemnité de 3 millions et l'industrie n'obtiendra pss un centime de modération sur le fret.
On devrait établir sur le fret du jour une réduction notable. Dans la section centrale nous avons fait des efforts dans ce but, il nous a été impossible de rien obtenir.
Les Belges doivent contribuer aux dépenses et on les place au niveau de l'étranger.
La convention n'impose aucune obligation à la société autre que celle de dépenser les trois millions. Cette entreprise manque de base, les 300,000 francs seront annuellement absorbés sans utilité générale, car on accorde à la société un subside sans l'obliger à exporter des produits belges ; si on l'avait fait, il y aurait un motif pour doter un pareil établissement ; mais la société ne veut pas s'engager à exporter pendant les dix années pour un centime de produits belges.
Ainsi trois millions de francs deviendront la proie de quelques commissionnaires d'Anvers, et le pays payera à perpétuité les intérêts du capital, car vous êtes forcés de faire un emprunt pour tous les fonds à employer pour cet objet.
On prétend qne la France et l'Angleterre accordent des subsides à ces sortes d'entreprises. C'est une grave erreur ; il n'en est rien, les pays cités n'accordent aucun subside à ces opérations commerciales, mais on leur a livré le service des malles postes pour les pays transatlantiques, et par contre ces bateaux ne peuvent prendre qu'une certaine quantité de marchandises afin de conserver la rapidité de marche.
Dans le compte rendu, on prétend que ces combinaisons offrent une énorme économie.
La section centrale, contrairement à l'exposé des motifs, affirme qu'il faut renoncer au système de grande vitesse. « Ce serait se bercer de trop de présomption que de vouloir lutter de force et de rapidité avec l'étranger. C'est un service de vitesse moyenne, c'est-à-dire à petite journée. » Cette considération est la condamnation du système, car vous éloignez de votre entreprise les passagers, les marchandises, les correspondances ; si vous avouez que vous ne pouvez lutter de vitesse, que vous reste-t-il de votre système ? Absolument rien.
Il y a 15 jours, on stipulait des garanties à l'entrée des machines, et maintenant on décide qu'on pourra introduire non pas deux bateaux, mais les cinq, alors que la loi dit qu'on ne pourra introduire qu'un bateau modèle ; et par une convention avec un particulier vous admettez une introduction de 5 bateaux ; ce ne sont plus des modèles ; tout cela dénote que vous ne possédez aucun système commercial et que vos lois n'offrent aucune garantie aux capitaux engagés dans le commerce et dans l'industrie.
La convention renferme encore d'autres anomalies en les affranchissant du péage sur l'Escaut et des droits de fanaux.
La section centrale produit à cet égard un argument qui n'a aucun fondement : elle dit que le gouvernement n'abandonne que ce que, sans ce service, il n'aurait pas reçu. Mais, messieurs, il est évident qu'en l'absence de ces bateaux à vapeur, les marchandises s'expédieraient par d'autres bâtiments qui seraient obligés de payer tous ces frais. Ainsi cet argument n'en est pas un. Jusqu'à présent on n'avait supprimé les droits que par des traités internationaux ; aujourd'hui on le fait par des conventions avec des particuliers.
Vous le voyez, mtssieurs, on est en progrès. Il a été question a plusieurs reprises dans cette chambre d'une société d'exportation ; toujours Anvers y a été contraire, par une raison toute naturelle, c'est qu'il y aurait eu perte pour les commissionnaires de cette localité. On disait, alors : Où sont donc les capitaux pour former cette entreprise ? C'était couper court à toute demande de ce genre. Si le gouvernement admettait pour cette institution le même principe du minimum d'intérêt, le capital serait bientôt trouvé, et une pareille institution rendrait au moins des services d'utilité générale.
Pour tous ces motifs, mtssieurs, je voterai contre la loi si l'ajournement n'est pas admis.
M. le ministre des affaires étrangères (M. H. de Brouckere). - Vous ne vous attendez pas, sans doute, messieurs, à ce que le gouvernement réponde au discours que vous venez d'entendre ; vous avez pu remarquer, comme moi, que ce discours fourmille d'erreurs depuis le commencement jusqu'à la fin. Il peut, du reste, être traduit en quatre mots : le grand vice de la convention présentée, le voici, c'est que le service est établi entre Anvers et l'Amérique du Nord ; si le service avait pu être établi entre l'Amérique du Nord et un autre port que vous connaissez, la convention serait excellente.
M. Osy. - Messieurs, après le discours prononcé par M. le ministre des affaires étrangères, je n'ai pas besoin de démontrer l'utilité d'une navigation à vapeur entre la Belgique et les Etats-Unis.
Mais, comme représentant d'Anvers, il m'est impossible de ne pas répondre quelques mots à l'honorable M. Sinave.
Lorsqu'on entend l'honorable M. Sinave, on croit qu'il rêve au XVIème siècle, alors que Bruges était très florissante tandis qu'Anvers ne faisait que de naître.
Certes Bruges a plus ou moins profité de la fermeture de l’Escaut, et véritablement en entendant l'honorable M. Sinave parler de tous les (page 1663) millions qui seraient sacrifiés à la ville d'Anvers, il semble vraiment que l'honorable membre serait très charmé de voir de nouveau la fermeture de l'Escaut.
Le grand grief de l'honorable M. Sinave, c'est vraiment le péage de l'Escaut, nous n'avons pas besoin de dire pourquoi. Le gouvernement hollandais, en 1839, a voulu nous imposer un droit sur l'Escaut.
La Hollande voulait rester souveraine de l'Escaut, et c'est pour faire reconnaître cette souveraineté qu'elle exigeait ce droit ; le gouvernement belge a consenti au payement du droit, mais en le considérant tout simplement comme une augmentation de la dette. Cette conduite était extrêmement sage.
Maintenant, messieurs, par tous les traités de commerce que nous faisons, nous affranchissons tous les étrangers du payement du droit dont il s'agit, et je suis très étonné dès lors que l'honorable M. Sinave fasse un grief au gouvernement d'en affranchir les navires belges.
L'honorable M. Sinave considère encore comme un grand grief l'introduction de 7 millions de café ; mais, messieurs, Anvers n'en a qu'une très faible partie, en proportion de son importance ; Liège, Gand, Bruxelles et le Limbourg en ont une forte partie ; aujourd'hui, on nous en enlève encore 700,000 kilog. pour les donner à Bruxelles, à Liège et au Limbourg. Nous ne nous en plaignons pas, mais qu'on ne nous fasse pas un grief de la faible part que nous avons à cet avantage.
Pourquoi, messieurs, a-t-on admis 7 millions de café à un droit réduit ?
Ce n'est pas dans l'intérêt d'Anvers, c'est dans l'intérêt général de l'industrie belge : la Hollande admet nos produits industriels à un taux réduit, nous admettons par compensation 7 millions de kilogrammes de café hollandais à un taux réduit.
Un autre grief de l'honorable M. Sinave, ce sont les 175,000 fr. pour la navigation vers les colonies. Mais, messieurs, cet avantage n'est pas accordé à Anvers : quand on adjuge ce service de navigation, tout le monde est appelé, si vous avez à Bruges des navires qui peuvent concourir, on les admettra, (Interruption.)
Je ne répondrai pas à ces reproches que l'honorable membres fait à Anvers de peser sur la Belgique, d'absorber je ne sais combien de millions ; tout cela est tellement outré que la chambre, probablement, n'y fera pas attention.
L'honorable membre se plaint que les chambres de commerce n'aient pas été consultées. Mais, messieurs, il y a douze ans que les chambres de commerce de tout le pays demandent chaque année l'établissement d'une navigation à vapeur vers l'Amérique.
Aujourd'hui les industriels sont obligés souvent d'envoyer leurs produits soit au Havre, soit à Rotterdam, faute de trouver régulièrement des moyens d'expédition à Anvers ; quand nous aurons un départ tous les quinze jours, tous les industriels pourront envoyer leurs produits à Anvers au lieu de devoir les envoyer au Havre.
Maintenant, en ce qui concerne les émigrants, je crois que nous devons tâcher autant que possible de les attirer en Belgique ; la position de la Belgique est tellement belle, que nous pouvons à cet égard lutter avec Brème. (Aux voix ! Aux voix !)
Y a-t-il arrière-pensée dans ces cris « aux voix ! aux voix ! » qui m'interrompent à tout moment ? Je n'en sais rien ; mais il s'agit d'une affaire assez importante pour que la chambre se décide au moins à entendre deux discours.
Je suis persuadé que si nous pouvions augmenter le nombre des émigrants... (Aux voix ! aux voix ! La clôture !)
- Des membres. - Nous sommes d'accord.
- D'autres membres. - Tout à l'heure nous ne serons plus en nombre.
M. Osy. - J'ai pris des notes pendant le discours de l'honorable M. Sinave ; je crois qu'un discours pareil doit être réfuté. (Aux voix ! aux voix !)
- L'orateur s'assied.
M. Lesoinne. - Je n'avais que quelques mots à dire ; mais si la chambre veut clore, je renoncerai à la parole.
- Plus de dix membres demandent la clôture.
M. Vermeire (sur la clôture). - Messieurs, quand j'ai demandé la parole, j'avais cru que le rapport de la section centrale aurait été assez vivement attaqué par l'honorable M. Sinave ; le discours que vous venez d'entendre n'est que la reproduction de celui que l'honorable membre a déjà prononcé en section centrale et qui y a été réfuté ; cette réfutation étant consignée dans le rapport de la section centrale, je n'ai pas à y revenir. Il y a cependant quelques faits, avancés par l'honorable M. Sinave, lesquels me paraissent nécessiter une courte réponse. Elle serait fort courte et n'occuperait l'attention de la chambre que durant quelques instants. Si cependant la chambre veut clore, je n'insisterai pas.
M. Loos (sur la clôture). - Messieurs, j'aurais désiré prendre la parole dans cette circonstance pour convaincre la chambre, car je suis convaincu que la chambre est toute disposée à voter le projet de loi qui lui est soumis ; pour convaincre la chambre, dis-je, de l'utilité du service qu'il s'agit d'établir.
J'aurais voulu que des explications que je suis prêt à donner à la chambre, pût ressortir la même conviction pour le pays. Mais je conviens qu'à l'heure qu'il est et au dernier jour de notre session, il serait très difficile d'entrer dans des développements. Je renoncerai donc à la parole si les autres orateurs y renoncent.
M. Osy (sur la clôture). - Je me borne à constater que sur la fin d'une session, on ne laisse pas parler les orateurs sur une question aussi importante ; j'espère bien que ce sera le dernier objet dont nous nous occuperons dans la session actuelle. Je constate qu'on m'a empêché de parler ; j'avais, je le répète, pris des notes pendant le discours de M. Osy et j'étais loin d'avoir fini. (Aux voix ! la clôture !)
M. Orban (sur la clôture.) - Messieurs, je suis fâché qu'une discussion sérieuse ne puisse pas avoir lieu sur un projet de loi aussi important. En 1840, à une séance du soir, comme celle-ci, et à la veille de la séparation de la chambre, le ministère présenta un projet de loi ayant pour objet d'autoriser le gouvernement à disposer annuellement d'une somme de 400,000 fr., pendant dix ans, pour établir un service de bateaux à vapeur transatlantiques. La discussion fut écoutée comme celle ci, et la loi fut arrachée à l'impatience de la chambre, comme va l'être le projet de loi actuel ; la chambre se sépara ; et pendant la séparation de la chambre, le subside annuel de 400,000 fr. fut converti en quatre millions qui servirent à acheter la British-Queen. Vous savez ce qui est advenu de ce navire.
M. Rogier. - J'ai demandé la parole au moment où M. Osy disait que l'objet que nous discutons serait le dernier. Il y a un autre objet ; c'est une question de bonne foi, de loyauté parlementaire. Je ne pense pas que l'intention puisse être de se retirer après le vote de la loi en discussion. On est libre de voter contre le projet de loi, mais il est de la dignité de la chambre de rester pour ce projet. Je suis prêt à entendre M. Osy, mais je crois qu'en présence des dispositions de la chambre en faveur du projet, il peut se dispenser de pousser plus loin sa démonstration.
M. Osy. - Je demande seulement à répondre à quelques-unes des assertions de M. Sinave. La chambre, fatiguée, ne pouvant plus donner son attention à un objet aussi important, j'ai dit que je croyais qu'après le vote sur les bateaux à vapeur elle ne pourrait pas aborder d'autre objet.
M. le président. - Cela ne se rapporte pas à la question actuelle, vous aurez l'occasion de contester cela.
M. Devaux. - M. Osy a renoncé à la parole.
- Plusieurs voix. - Non ! non !
M. Devaux. - Sans cela nous n'aurions pas le droit de discuter la clôture. Par conséquent, si M. Osy prétend n'avoir pas renoncé à la parole, nous devons continuer à l'écouter, on n'a pas le droit de demander la clôture pendant le discours d'un orateur.
M. Osy. - M. Sinave a dit que le transport coûtera 200 fr. par lettre. S'il voulait bien examiner l'exposé des motifs et le rapport, il verrait qu'il n'est pas question de transporter des lettres en Amérique.
On en transportera ; celles qui ne sont pas pressées et pour lesquelles on payera moins que par la voie d'Angleterre. Le but du service est le transport des émigrants et des marchandises.
M. Sinave dit encore que c'est une dette perpétuelle de 300 mille francs par an dont nous chargeons la Belgique.
Mais le gouvernement ne garantit que pendant 10 ans, et entre dix ans et la perpétuité il y a une énorme différence.
Sous ce rapport l'honorable membre a encore tout à fait tort. Je veux admettre que tout aille au plus mal et que le gouvernement paye les 200 mille francs de garantie. Entre 200 et 300 milie francs il y a encore une énorme différence.
Quant à l'exemption des droits de tonnage et de fret, le ministre vous a dit que ce n'est pas un sacrifice, parce que sans l'établissement de ce service on ne les aurait pas perçus.
Maintenant les 1,200 fr, par voyage, c'est une compensation d'autres frais dont le gouvernement ne peut pas les dégrever sans une loi spéciale. Les bassins appartiennont à la viile d'Anvers ; il faut payer les droits de bassin. Le gouvernement donne une compensation, ce n'est pas là non plus une dette perpétuelle.
L'honorable membre parle toujours comme si le gouvernement devait payer les 4 p. c. sur 5 millions ; on ne participe à la perte que sur 3,500,000 fr., le gouvernement aura des commissaires auxquels on ne pourra rien cacher sur le coût des navires.Dans les dix ans il peut y avoir de bonnes et de mauvaises années ; les bonnes années couvriront les pertes des mauvaises.
L'honorable membre parle aussi de grande vitesse ; mais il n'est pas question de grande vitesse ; le gouvernement demande à pouvoir faire des navires à hélice afin de pouvoir naviguer à la voile quand le vent est favorable et à la vapeur quand il ne l'est pas.
Il reproche à la société de ne pas s'engager à exporter des produits belges ; ce sont les négociants qui exporteront ; ce ne sont pas les armateurs qui peuvent s'engager à exporter.
Je n'en dirai pas davantage, je crois que l'utilité de cette navigation est reconnue par tout le monde. Un essai fut fait il y a quatorze ans qui ne réussit pas par suite de diverses circonstances, le sacrifice était plus considérable, il était de 400 mille francs pendant 14 ans.
- Plusieurs voix. - La clôture !
M. Rogier. - J'espère que la chambre ne se séparera pas sans avoir décidé qu'elle aura séance demain dans le cas où l'on ne serait plus en nombre avant d'aborder le dernier projet que nous avons à l'ordre du jour.
- La clôture est prononcée.
La chambre passe à la discussion des modifications proposées par la section centrale à la convention.
M. le président. - La section centrale fait sur l'article 10 l'observation suivante ;
« Il est entendu que le subside de 1,200 francs fait partie des recettes brutes dont parle l'article suivant. »
M. le ministre des affaires étrangères (M. H. de Brouckere). - J'adhère à cette observation.
M. le président. - A l'article 11, la section centrale adopte un paragraphe additionnel, ainsi conçu :
« Le ou les commissaires du gouvernement ne pourront être actionnaires de la société. »
M. le ministre des affaires étrangères (M. H. de Brouckere). - Je me rallie à ce paragraphe additionnnel.
- Ce paragraphe additionnel est adopté.
M. le président. - La section centrale propose de rédiger l'article 13 de la manière suivante :
« Si la Société n'était pas définitivement constituée avant le 1er novembre 1853, la présente convention se trouverait résiliée de plein droit pour les deux parties contractantes, sans qu'il soit besoin d'aucune mise en demeure.
« Il en serait de même, si le service n'était pas mis en activité dans le délai fixé par l'article 5, sauf l'exception établie par cet article.
« Toutefois, dans ce dernier cas, comme aussi dans le cas de l'article 12, le gouvernement conserve la faculté de forcer la Société à exécuter ses engagements. »
M. le président. - Le gouvernement se rallie-t-il à cette rédaction ?
M. le ministre des affaires étrangères (M. H. de Brouckere). - Non M. le président.
Je crois que la stimulation résultant de l'article 13 est parfaitement suffisante, et que l'amendement proposé par la section centrale n'a aucune portée, tout en pouvant être entièrement désagréable sous le rapport moral aux signataires de la convention.
Il s'agit dans l'amendement de la section centrale de décider que, dans le cas prévu par l'article 12, le gouvernement aura la faculté de forcer la société à exécuter ses engagements. Je vous avoue que si ce cas se présentait le gouvernement serait extrêmement embarrassé pour user du bénéfice de l'amendement, car il n'existe aucun moyen de forcer les gens à faite ce qu'ils ne veulent pas faire ; tout ce qu'on peut obtenir ce sont des dommages-intérêts. Si l'une des parties est lésée, elle peut toujours réclamer des dommages-intérêls. C'est le droit commun, il n'est pas nécessaire que ce soit dans la convention.
M. Sinave. - Je demande que l'ajournement soit mis aux voix. C'est une question préalable.
M. le président. - Je mettrai la proposition d'ajournement aux voix, quand elle sera parvenue au bureau.
M. Vermeire, rapporteur. - Il y a trois cas de résolution du contrat :
Le premier, si le projet de loi n'était pas adopté par la législature dans cette session.
Le deuxième, si la société n'était pas constituée le 1er novembre.
Le troisième, si le sertice n'était pas établi, un an après que la compagnie aura été constituée.
Il pourrait arriver, d'après les examens que nous avons fait de cette dernière stipulation, que le fait de non-exécution de ses engagements pourrait devenir, pour la société, une faveur au lieu de constituer une pénalité, comme cela paraîtrait devoir êire.
Si le gouvernement pense que dans l'ensemble de la convention il trouve des clauses assez rigoureuses pour exercer ses droits, je ne vois pas pourquoi, par notre dernier amendement, nous aggraverions la position de la société.
- L'amendemcnt de la section centrale est mis aux voix et n'est pas adopté.
M. le président. - La section centrale propose de rédiger ainsi un article nouveau : « Le montant des pertes essuyées par suite de sinistres ou d'avaries non couvertes par l'assurance maritime, n'entrera pas en compte pour fixer la garantie du minimum d'intérêt à servir par l'Etat. »
M. le ministre des affaires étrangères (M. H. de Brouckere). - Je me rallie à cette disposition.
- L'article 14 (nouveau) est mis aux voix et adopté.
M. le président. - L'article 14 (nouveau) devient l'article 13.
- La proposition d'ajournement faite par M. Sinave est mise aux voix : elle n'est pas adoptée.
M. le président. - Par suite des votes que la chambre vient d'émettre, il faut ajouter au premier alinéa de l'article les mots « sous les modifications ci-après » et supprimer le dernier alinéa ainsi conçu : « cette convention restera annexée à la présente loi. »
« Article unique. Les clauses et conditions de la convention passée, le 29 mai 1853, entre l'Etat belge, représenté par M. Henri de Brouckere, ministre d'Etat et ministre des affaires étrangères et les sieurs Guillaume Nottebohm, Edouard Weber et Spilliaerd-Caymax, négociants armateurs, à Anvers, et ayant pour objet l’établissement d'un service régulier de navigation à vapeur entre Anvers et New-York, sont et demeurent approuvées, sous les modifications ci-après. » (Suit le texte des cinq amendements adoptés par la chambre.)
Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet de loi.
57 membres sont présents.
46 membres votent l'adoption.
1 vote contre.
10 se sont abstenus.
En conséquence, le projet est adopté. Il sera transmis au sénat.
Ont voté l'adoption : MM. Mascart, Moreau, Osy, Pierre, Prévinaire, Rogier, Roussel (A.),. Rousselle (C), Thiéfry, Thienpont, T'Kint de Naeyer, Tremouroux, Vandenpeereboom (A)., Vandenpeereboom (E.), Van Hoorebeke, Van Iseghek, Van Overloop, Vermeire, Veydt, Allard, Anspach, Boulez, Cans, Closset, Coomans, David, de Baillet (H), de Decker, de Haerne, Deliège, de Perceval, de Pitteurs, de Sécus, Desmaisières, de T'Serclaes, Devaux, Dumortier, Jacques, Janssens, Lebeau, Le Hon, Lejeune, Lesoinne, Loos, Maertens et Magherman.
A voté le rejet : M. Faignart.
Se sont abstenus : MM. Orban, Rodenbach, Vander Donckt, Delfosse, F. de Mérode, de Mérode-Westerloo, de Naeyer, de Renesse, de Theux et le Bailly de Tilleghem.
Les membres qui se sont abstenus sont invités à faire connaître les motifs de leur abstention.
M. Orban. - Messieurs, le projet de loi qui nous est soumis contient en principe tout nouveau : celui de l'application du minimum d'intérêt à des entreprises commerciales et industrielles. La portée de ce principe est extrêmement difficile à apprécier, et il aurait fallu, pour se former une opinion sur la portée de ce principe, un temps d'autant plus considérable que celui qui nous est donne, puisque la convention n'a été signée que le 31 du mois dernier.
Etant donc dans l'impossibilité de me former une opinion consciencieuse sur ce projet, je me vois dans la nécessité de m'abstenir.
M. Rodenbach. - Je me suis abstenu, parce qu'à la fin d'une session, à dix ou onze heures du soir, je ne puis voter sur un projet de cette importance qu'on n'a pas eu le temps d'examiner, sur lequel on n'a pas même entendu les orateurs qui avaient des observations à faire.
Je me suis abstenu parce que je n'ai pas voulu voter à grande vtlesse un minimum de 4 p. c. sur une somme qui s'élèvera peut-être à 4 ou 5 millions, parce que je ne puis admettre un projet auquel on n'a pas donné de publicité. Si l'on avait donné plus de publicité à cette entreprise, je lui aurais donné un vote favorable dans l'intérêt des exportations du pays et notamment des Flandres. Mais, je le répète, il n'y a pas eu de publicité ni de temps suffisant pour étudier mûrement la question.
M. Vander Donckt. - Je me suis abstenu pour les mêmes motifs.
M. Delfosse. - Je me suis abstenu parce que l'on n'a pas donné un temps suffisant à l'examen et à la discussion de cette importante affaire.
M. de Mérode. - Je me suis abstenu parce que je n'aime pas des lois bâclées.
M. de Mérode-Westerloo. - Je me suis abstenu par les mêmes motifs.
M. de Naeyer, rapporteur. - Après un premier examen, j'étais contraire au projet de loi ; cependant j'aurais voulu m'éclairer par la discussion pour former définitivement mon opinion ; comme la discussion n'a pas eu lieu d'une manière sérieuse, j'ai dû m'abstenir.
M. de Renesse. - Je n'ai pas voté pour, n'étant pas partisan de la garantie d'intérêt à accorder par l'Etat ; d'un autre côté, comme une navigation à vapeur plus régulière peut être ulile aux intérêts commerciaux du pays, je n'ai pas voté contre.
M. de Theux. - Je n'ai pas voté contre le projet, parce que je crois utile d'encourager la navigation à vapeur avec l'Amérique. D'un autre côté je n'ai pas voulu voter pour le projet de loi, parce que, ainsi que je m'en suis exprimé en section centrale, une convention de cette nature, qui n'a pas reçu une large publicité, sur laquelle les personnes d'expérience et le commerce intéressé n'ont pu émettre une opinion, faire parvenir aucun éclaircissement à la chambre, ne m'inspirait pas suffisamment de confiance, soit quant aux intérêts du trésor,s oit quant aux intérêts du commerce lui-même qui peuvent être également compromis par une trop grande précipitation, comme ils l'ont été en 1840.
M. le Bailly de Tilleghem. - Je me suis abstenu parce que je ne puis accepter le système du traité, autrement dit de la convention.
Si d'un côté il peut être vrai que l'entreprise offrirait de l'avantage pour notre commerce national, d'un autre côté, je ne puis avoir la parfaite conviction que les intérêts du pays sont suffisamment garantis.
M. le ministre des affaires étrangères (M. H. de Brouckere). - Je n'ai nullement l'intention de répondre à ce qui a été dit, et je n'en ai pas le droit. Mais je dois constater que si la discussion a été un peu précipitée, (page 1665) peut-être un peu écourtée, ce n'est pas le gouvernement qui en a manifesté le désir, et qu'il n'y a, sous ce rapport, aucun reproche à se faire.
- De toutes parts. - C'est vrai.
M. le président. - Nous avons maintenant à l'ordre du jour le projet de loi relatif à l'achèvement du monument du Congrès et du monument de la Reine.
M. Osy. - Messieurs, vous avez vu ce qui vient de se passer pour une loi très importante ; à peine sommes-nous en nombre, et on ne permet pas aux orateurs de s'expliquer. D'ailleurs le rapport sur le projet dont il s'agit vient seulement de nous être distribué, personne n'a eu le temps de le lire, il est impossible que nous le discutions maintenant.
Messieurs, il faut bien le reconnaître, ce qui se passe sous nos yeux l'atteste, la chambre est fatiguée et nous sommes véritablement à la fin d'une session qui a été très longue. Je propose formellement à la chambre de l'ajourner indéfiniment.
M. de Brouwer de Hogendorp. - Je viens appuyer la proposition d'ajournement qu'a faite l'honorable M. Osy, et je supplie la chambre de croire que ce n'est pas un motif d'hostilité au projet de loi qui m'inspire mon opinion.
La section centrale a été unanime pour approuver l'idée qui a dicté le projet ; elle a été unanime pour conserver au monument sa destination primitive ; mais elle s'est divisée sur des détails ou plutôt sur une question de complément du monument.
Deux membres de la section centrale ont mis en avant une idée qui mérite d'être mûrie ; cette idée est consignée dans le rapport ; mais ce rapport, personne n’a eu le temps de le lire. Je suis persuadé, pour ma part, que lorsque la chamhre y aura réfléchi, elle accueillera avec bonheur la proposition faite par ces membres ; car leur voeu n'est que l'écho d'une pensée populaire.
Que la chambre y réfléchisse, qu'elle ajourne la discussion du projet au commencement de la session prochaine, et je suis sûr qu'il sera voté, non pas peut-être, comme aujourd'hui, à la suite de discussions irritantes, mais par acclamation ; car s'il est des sentiments dans lesquels nous nous confondons tous, c'est le respect pour le Congrès, c'est l'amour de la Constitution et du Roi.
M. Rogier. - Messieurs, je fais un appel à la loyauté de la chambre. Je fais un appel au patriotisme de ceux de mes collègues qui ont encore au cœur l'amour et le respect de la Constitution. (Interruption.)
Je prie ces messieurs de ne pas m'interrompre. Je fais un appel à ceux qui ont témoigné tant de respect et de vénération pour la mémoire de la Reine, au souvenir de laquelle le projet vient encore se rattacher d'une manière si heureuse. (Interruption.) Je m'adresse surtout à ceux qui, depuis 15 ans, ont défindu avec moi la Constitution, qui y sont restés attachés de cœur et d'âme, et, sous ce rapport, le travail de notre ancien et honorable collègue, M. de Haerne, rend parfaitement la pensée qui a inspiré l'idée du monument dont nous nous occupons.
Et pourquoi, messieurs, nous ajourner ? Qu'est-ce qui nous force, aujourd'hui vendredi 10 juin, à cesser nos travaux ? Si vous voulez consacrer par un vote solennel, par un vote bien mûri, cette pensée qui, quoi que vous en disiez, est une pensée nationale, consacrée par tous les grands corps de l'Etat, par tous ceux qui se sont succédé en Belgique depuis 1830. Si vous voulez consacrer cette pensée par un vote solennel et réfléchi, remettez la discussion à demain, mais ne venez pas par un honteux ajournement repousser une pensée à laquelle le pays entier a applaudi.
Je crois, moi, qu'il y aurait une responsabilité grave pour la chambre si elle s’ajournait avant d'avoir pris un parti sur ce projet.
Si l'on veut une discussion approfondie, je ne demande pas mieux, mais si l'on veut un honteux ajournement, je le répète, ce serait une grave responsabilité pour les membres de la chambre qui auraient provoqué cet ajournement et pour ceux qui s’y associeraient.
M. de Mérode. - Je suis d'autant plus étonné d'entendre l'orateur qui vient de parler, le prendre sur un ton si haut, qu'il a absorbé une partie de la souscription.... (Interruption.) Il vient de dire que c'est honteux de demander l'ajournement ; eh bien, je ne suis pas honteux de cela, je le demande ; mais je serais honteux d'avoir détaché d'une souscription particulière pour un mouvement déterminé, d'en avoir affecté une partie à je ne sais quel acte de favoritisme, auquel la souscription n'était pas destinée.
Voila ce qui est honteux et ce qui preuve que l'arbitraire le plus grand présidait aux actes de l'ancien cabinet.
M. Rodenbach. - Je pense, messieurs, que demain nous aurons une discussion infiniment plus calme. Je demande que la chambre se réunisse demain à midi, et j'espère qu'elle ne fera pas demain un sabbat comme celui qui vient d'avoir lieu, bien que ce soit demain samedi.
M. Osy. - J'ai proposé à la chambre de s'ajourner indéfiniment ; je maintiens ma proposition.
M. Roussel. - Je demande la parole.
M. de Haerne. - L'honorable M. Osy propose l'ajournement de la chambre ; d'autres membres proposent de se reunir demain ; ces deux propositions se confondent ; l'adoption de l'une est le rejet de l'autre.
Permettez-moi, messieurs, de faire une observation. La chambre doit rester conséquente avec elle-même : il y a quelques jours, on a proposé l’ajournement de ce projet, et l'ajournement a été rejeté ; il me semble donc que la chambre ne peut plus l'adopter aujourd'hui.
Voilà, ce me semble, ce qu'on doit se dire dans le calme de la raison.
Maintenant, puisque la chambre veut en finir le plus tôt possible, je proposerai une séance demain à 10 heures.
M. Roussel. - J'appuie la remise à demain. Je suis persuadé qu'après qu'on y aura réfléchi, on ne discutera guère sur ce projet de loi et qu'on se réservera de discuter M. Rogier plus tard. Il ne faut pas mélanger des questions aussi importantes que celles qui se rattachent à ce projet de loi ; il ne faut pas les mélanger avec la discussion des actes d'un ancien ministre. Réellement il est triste de voir qu'à propos d'un projet de loi qui tend à consacrer par un monument la conquête de notre indépendance et de notre nationalité, ainsi que le souvenir d'une Reine chérie, on veuille s'occuper de discuter un acte d'un ancien ministre ; réservons cela pour le premier budget.
M. le président. - M. Rodenbach demande qu'on se réunisse demain à midi.
M. David. - Je demande que la séance soit fixée à 10 heures.
M. Dumortier. - J'avais fait une autre motion. Je ne laisse à personne le monopole du patriotisme. Je ne dois pas accepter comme vérité démontrée tout ce qu'on vient nous présenter ici au nom du patriotisme. Moi aussi je veux la colonne de la Constitution, mais ce que je veux aussi, c'est d'examiner quel est le meilleur mode d'exécution, quelle sera la dépense ; je veux en un mot examiner attentivement toutes les questions qui se rattachent à ce projet. Je ne veux pas qu'on escamote la discussion sur une question de cette importance. Je veux donc un examen approfondi. Il n'est pas essentiel que cela se fasse demain ; nous pouvons faire cela à notre retour. Ce n'est pas une question de patriotisme empressé, mais une question de patriotisme mûri et sérieux.
Je dis donc que la première chose à faire en ce moment c'est de décider qu'après la séance de demain, la chambre s'ajournera. (Interruption.) Il pourrait se faire que la chambre ne fût plus en nombre après la séance de demain, je désire qu'elle le soit ; mais moi-même, après la séance de demain, je devrai m'absenter pour des raisons majeures ; d'autres membres sont peut-être dans le même cas ; il serait regrettable de voir la chambre n'être plus en nombre, alors surtout que l'ajournement n'aurait pas été prononcé.
Je répète en terminant que je n'admets pour personne dans cette enceinte le monopole du patriotisme. Chacun de nous doit avoir le droit d'en avoir sa part, mais chacun de nous a aussi le droit et même le devoir d'examiner avec soin tous les projets de loi, même quand ils sont présentés au nom du patriotisme. Quoi ! quand il s'est agi de la question de l'armée, question patriotique par excellence, il vous a fallu trois ans pour vous décider à émettre un vote ; et vous ne pourriez pas ajourner de quelques mois le vote qu'on vous demande en ce moment !
- La discussion est close.
L'appel nominal esi demandé sur la question de savoir si la chambra se réunira demain à 10 heures ou à midi.
M. le président. - Les membres qui veulent que la séance soit fixée à 10 heures répondront oui, ceux qui veulent que la séance soit fixée à midi, répondront non.
- L'appel nominal constate la présence de 55 membres seulement. La chambre n'est plus en nombre.
La séance est levée à 11 heures.