Accueil Séances Plénières Tables des matières Biographies Documentation Note d’intention

Chambres des représentants de Belgique
Séance du mardi 7 juin 1853

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1852-1853)

(Présidence de M. Delfosse.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Ansiau fait l'appel nominal à 1 heure et un quart.

- La séance est ouverte.

(page 1589) M. Vermeire lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Ansiau présente l'analyse des pièces adressées à la chambre.

« L'administration de la société anonyme des chemins de fer belges de la Jonction de l'Est communique à la chambre la proposition qu'elle a faite au gouvernement pour l'exécution du chemin de fer de Nivelles à Groenendael. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi relatif à ce chemin de fer.


« Le conseil communal et des propriétaires d'Herstappe prient la chambre d'imposer à la compagnie concessionnaire d'un chemin de fer de Hasselt vers Maestricht, l'obligation de construire un embranchement de Bilsen à Tongres et Ans, ou de décréter tout autre moyen qui relierait Liège à Bilsen par Tongres. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi relatif à ce chemin de fer.


« Le conseil communal de Hese prie la chambre d'imposer à la compagnie concessionnaire du chemin de fer de Hasselt vers Maestricht l'obligation de construire un embranchement de Bilsen sur Ans et demande le rejet de la concession demandée par le sieur Benard. »

« Même demande du conseil communal de Vucht. »

« Même demande du conseil communal de Lanklaer. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi relatif au chemin de fer de Hasselt vers Maestricht.


« Par dépêche en date du 6 juin, M. le ministre de la guerre adresse à la chambre des explications sur la requête du sous-lieutenant pensionné Gillis, tendant à obtenir le payement d'une somme de 1,554 fr. pour les arriéres qu'il prétend lui être dus du chef de l'augmentation de sa pension. »

- Dépôt au bureau des renseignements.


« Par messages du 6 juin le sénat informe la chambre qu'il a adopté le budget de la justice pour 1854 et le projet de loi relatif à un arrangement de navigation avec le saint-siége. »

- Pris pour notification.


« M. de Portemonl demande un congé. »

- Accordé.

Rapport sur des pétitions

M. Vander Donckt, rapporteur. - Messieurs, par pétitions datées d'Uccle et de Courtrai les 28 et 31 mai 1853, le notaire Stuyck à Uccle et plusieurs notaires cantonaux de l'arrondissement de Courtrai demandent la révision de la loi sur le notariat, la faculté pour les notaires cantonaux d'instrumenter dans tout le ressort du tribunal de première instance, ainsi que la suppression de la troisième classe de notaires.

Vous avez eu à statuer sur de nombreuses demandes de cette nature dans votre session actuelle. Les paroles bienveillantes de M. le ministre et le bon accueil qu'il a fait à ces pétitions laissent entrevoir aux pétitionnaires l'espoir fondé que la chambre sera saisie, dans sa session prochaine, d'un nouveau projet de loi sur le notariat, et qu'ils obtiendront ainsi justice des griefs nombreux qu'ils signalent.

Votre commission, messieurs, s'est bornée à vous proposer le renvoi de ces requêtes à M. le ministre de la justice.

M. Rodenbach. - Messieurs, j'ai été chargé de déposer sur le bureau les pétitions dont l'honorable rapporteur vient de faire l'analyse. Elles émanent des notaires cantonaux de divers arrondissements judiciaires et notamment de celui de Courtrai, de la commune d'Uccle, etc. Ce grand nombre de notaires demandent avec instance qu'on fasse promptement disparaître cette loi injuste, inique qui divise les notaires en trois classes. Je crois, et je n'en doute pas, que M. le ministre de la justice a donné naguère des explications d'où il résulte que nous pouvons espérer de voir rapporter cette ancienne loi qui n'est pas dans nos mœurs constitutionnelles. Comme les pétitionnaires le disent avec beaucoup d'énergie, en Belgique tout doit être égal : les Belges sont égaux devant la loi, et on ne doit pas, en quelque sorte, parquer les notaires, pas plus que les médecins et les avocats.

Il est incontestable que les notaires des campagnes et des petites villes ont et doivent avoir autant de connaissances que ceux des grandes villes et de chefs-lieux d'arrondissements.

Messieurs, la loi actuelle n'est pas en harmonie avec notre pacte fondamental. Les examens pour les notaires dans tes universités sont égaux pour tout le monde, et, je le répète, cette classification de trois classes de notaires est une atteinte à leur honneur et à leur capacité.

- Les conclusions de la commission sont adoptées.

Projet de loi portant des crédits supplémentaires au budget du ministère de l’intérieur

Discussion des articles

Article premier, 1°

« Art. Ier. Le budget des dépenses du ministère de l'intérieur pour l'exercice 1852, fixé par la loi du 29 août 1851, est augmenté d'une somme de cinq cent quatre mille neuf cent quatre-vingt-deux francs soixante centimes (fr. 504,982-60), répartie comme suit :

« 1° Frais de rédaction et d'impression du rapport décennal, décrété par arrêté royal du 14 mars 1850. Douze mille francs soixante et quinze centimes, pour payer le complément des frais occasionnés par la rédaction et l'impression du rapport décennal sur la situation administrative des provinces, combiné avec la statistique générale du royaume : fr. 12,000 75.

« Cette somme formera l'article 123, chapitre XXIV du budget de 1852. »

- La section centrale propose de réduire ce crédit à 10,240 fr. 05.

M. le président. - M. le ministre de l'intérieur se rallie-t-il à la proposition de la section centrale ?

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Non, M. le président.

Messieurs, avant de passer à la discussion des articles, je désire, comme je l'ai annoncé à la chambre, présenter, à mon tour, quelques observations très sommaires sur les faits principaux dont il s'agissait dans les discours que vous avez entendus hier.

Je constate d'abord que la fin de la séance d'hier a été signalée par un acte de justice qui exercera, je l'espère, une heureuse influence sur la suite de cette discussion.

L'honorable M. Rogier envers lequel le projet de loi a été le sujet de critiques sévères et d'attaques passionnées qui se sont produites en dehors de cette enceinte, l'honorable M. Rogier a cru devoir protester énergiquement, dans la séance d'hier, contre de méchantes et calomnieuses insinuations. L'honorable rapporteur de la section centrale s'est empressé de saisir cette occasion pour rendre un hommage éclatant à la droiture, à la loyauté de l'ancien ministre de l'intérieur. Séparant complètement, dans ses appréciations, les actes ou plutôt le système d'administration qu'il a critiqué, le séparant de la personne de l'ancien ministre, l'honorable rapporteur a formellement déclaré qu'il ne voyait rien à reprendre dans les actes personnels à l'honorable M. Rogier, au point de vue de l'intention, qu'il n'avait jamais voulu incriminer et qu'il rendait un hommage complet à la loyauté, à l'intégrité du ministre.

Je puis ajouter que l'honorable M. Rogier n'avait pas besoin de se livrer à un sentiment de légitime indignation pour se défendre contre les attaques malveillantes dont il avait été l'objet. Messieurs, quand on est, comme lui, protégé par une existence publique de 23 années, dans laquelle il n'a cessé de donner des preuves de désintéressement, de patriotisme et de dévouement à son pays, je pense qu'on peut, sans se déconcerter, attendre le jugement de cette assemblée sur les actes d'une longue administration, et qu'on peut aussi avec calme attendre les arrêts de l'opinion.

Qae reste-t-il donc de ces actes nombreux reprochés à l'ancien chef du département de l'intérieur ? Que reste-t-il de ces illégalités, de ces inconstitutionnalilés dont il a été question plus d'une fois dans cette discussion ? Que reste-t-il surtout de cette polémique irritante à laquelle on s'est livré eu dehors des débats législatifs, pour attirer sur l'administration du département de l'intérieur toutes les défiances de la législature ?

Ce qui reste, ce sont des crédits démontrés insuffisants, des crédits qui ont dû être dépassés pour maintenir l'administration à la hauteur de tous les devoirs qu'elle avait à remplir ; ce qui reste, c'esl une liquidation à faire par suite d'un système d'anticipations que l'honorable M. Rogier n'a pas inventé, dont, il a subi, au contraire, en partie, les conséquences ; car lui aussi a dû faire ce que fait le cabinet aujourd'hui : il a dû liquider l'arriéré de ses prédécesseurs, et il l'a fait ; il a poursuivi ce système, je puis le dire, avec l'assentiment de la chambre, car toutes les fois qu'on s'est présenté devant cette chambre, pour demander des crédits supplémentaires, la chambre n'a pas hésité à les voter.

Ce qui reste de cette discussion, c'est que la chambre a cru devoir provoquer, pour l'avenir, un changement de système. Dans la chambre, plusieurs orateurs se sont exprimes à cet égard ; la section centrale est venue formuler sur ce point l'expression de ses voeux. L'on a rappelé l'opinion que j'avais exprimée, tant en section centrale que devant la chambre, sur les crédits supplémentaires.

Je répondrai aux observations qui ont été faites à ce sujet, d'abord, que je n'ai pas eu en vue de critiquer ce qui s'était passé au point de vue des personnes ; mais mon langage était dicté, d'une part, par la nécessité de régulariser autant que possible, notre système de comptabilité, d'autre part, par la conviction que j'ai, qu'il est désirable qu'on évite les demandes de crédits supplémentaires autant que possible.

Mais, messieurs, tout en exprimant l'intention de ne pas dépasser les crédits, j'ai dû faire connaître à quelles conditions c'était possible. Ces conditions étaient d'une part que l'arrieré fût entièrement liquidé, d’autre (page 1590) part, que les crédits normaux fussent suffisants pour pourvoir à tous les besoins du service.

Entrant dans l'appréciation des actes qui ont fait l'objet des demandes de crédits supplémentaires, j'ai reconnu que le ministre a été forcément conduit à dépasser les crédits portés au budget, soit parce que les crédits n'avaient jamais été mis entièrement à sa disposition, vu la nécessité de liquider l'arriéré ; soit parce que la plupart de ces crédits étaient insuffisants.

Que s'est-il passé ? J'ai apprécié toutes les demandes de crédits supplémentaires en elles-mêmes une à une. J'ai voulu, parce que je m'attendais aux critiques dont ces demandes seraient l'objet, je m'attendais au parti qu'on en tirerait pour déprécier jusqu'à certain point les actes d'une administration qui n'existe plus, j'ai voulu me rendre un compte exact des causes qui avaient amené le déficit ; et je suis resté convaincu, après avoir fait un examen minutieux de ces actes, qu'un ministre quel qu'il fût, placé dans une position analogue à celle où se trouvait l'honorable M. Rogier, n'aurait pas pu éviter de faire ce qu'il a fait. Voilà ce que j'ai dit tout en confirmant les paroles que j'ai prononcées, qui tendent à faire cesser un régime que je considère comme dangereux, mais qui ne peut cesser que par l'adoption des crédits destinés à purger le passé et par l'adoption de crédits normaux suffisants pour l'avenir.

Je persisterai dans cette manière d'administrer, non que je blâme ce qui s'est passé, mais parce que je pense qu'il faut, en général, dans l'intérêt de notre position financière, éviter de dépasser les crédits.

Je dirai aussi un mot de quelques faits spéciaux qui ont provoqué plus particulièrement les critiques dans cette chambre. D'abord en a cru faire une certaine sensation en portant d'office à l'un des articles qui figurent dans la demande, 300 mille francs à rembourser au département de la guerre.

Je dois une explication sur ce point, parce que ce qu'on a dit a appelé des réponses qui pourraient faire naître quelque susceptibilité dans l'esprit du chef du département de la guerre. On a dit : Comment se fait-il que le département de l'intérieur soit redevable d'une somme de 300 mille francs envers le département de la guerre ? Et on s'est demandé comment ce fait est arrivé à la connaissance de l'honorable rapporteur de la section centrale ?

N'est-il pas étrange, a-t-on dit, que le ministère de la guerre dénonce une créance à charge du ministère de l'intérieur ?

Une simple explication prouvera qu'il n'y a pas eu de dénonciation, mais une chose fort simple qui ne peut donner lieu à aucune difficulté d'interprétation.

M. le rapporteur de la section centrale avait demandé au département de la guerre des explications sur les dépenses de l'armement de la garde civique.

M. le ministre de la guerre, avant de communiquer sa réponse à la section centrale, avait demandé au ministre de l'intérieur s'il n'y voyait aucun inconvénient. Les faits qu'il s'agit de faire connaître étant l'expression complète de la vérité, je n'eus aucune objection à faire, et la réponse de M. le ministre de la guerre fut adressée à la section centrale. L'honorable M. Rogier, qui ne connaissait probablement pas cette circonstance, a cru voir dans la communication de ces documents des faits peu réguliers dans la forme, et qui au fond avaient pour but de grossir les crédits supplémentaires.

D'abord, la forme était irréprochable : il n'était entré dans la pensée de personne, ni du ministre de l'intérieur, ni du ministre de la guerre, d'avoir fait une espèce de découverte (je crois que ce mot rend mieux la pensée de l'honorable M. Rogier que le mot dénonciation). Mais au fond, j'ai dit ce que j'en pensais, à savoir que cette créance ne peut avoir à l'égard du département de l'intérieurce caractère sérieux et obligatoire. Je pense que cette observation est assez complète pour ne pas avoir à y revenir.

On a dit qu'au département de l'intérieur rien ne semblait régulier. On a signalé l'existence d'une caisse occulte à ce département. J'avoue que, quand on a présenté ces critiques, faisant allusion aux sommes immenses que cette caisse devait renfermer, j'ai été quelque peu étonné. Je n'avais pas entendu dire qu'il y eût au département de l'intérieur une caisse à part ; j'étais par conséquent dans une curiosité assez grande d'apprendre si j'avais réellement un trésor au ministère de l'intérieur.

Voulez-vous savoir ce que c'est que cette caisse occulte ? C'est bien simple ; cette caisse existe à peu près partout, c'est-à-dire que, dans toutes les administrations, il y a de ces menues dépenses pour lesquelles il est impossible de recourir chaque jour au visa de la cour des comptes. Il y a de ces dépenses, qui ne peuvent attendre 24 heures, pour lesquelles il faut toujours avoir de l'argent à la main. Non seulement cela existe partout ; mais c'est prévu par la loi de comptabilité ; l'article 15 de la loi de comptabilité prévoit précisément le cas où l'on est dispensé du visa préalable de la cour des comptes pour ces espèces de dépenses.

Celui qui est chargé de ces détails dans chaque département est en quelque sorte l'homme de ménage du ministère. Cela existe partout. Cet agent comptable a été créé au département de l'intérieur. Il a été spécialement chargé de recueillir les souscriptions pour le monument de la Reine ; ces souscriptions ont été versées dans ses mains ; à mesure qu'elles lui arrivaient, il les recueillait et les envoyait au département des finances, qui a reçu successivempnt par ses mains 390 à 400 mille francs. Voilà ce qui s'est passé pour ce monument, et pour le monument du Congrès.

Je le répète, dans toutes les circonstances où cet agent comptable a dû recevoir des fonds, parce qu'il est impossible de faire constamment des mandats sur le trésor, cet agent a reçu et a versé immédiatement après les fonds au trésor.

Maintenant il s'agit de petites dépenses d'administration, on doit avoir 2, 3, 4 ou 5 mille francs pour y satisfaire. Eh bien ! que se passe-t-il ? Un mandat, en vertu de l'article 15 de la loi de comptabilité, est délivré, et l'on paye à cet agent cemplable la somme demandée. C'est d'ordinaire par portions de cette importance que ces sommes sont demandées et l'on paye sur ces fonds les petites dépenses qui se présentent tous les jours.

Qu'arrive-t-il ensuite ? La loi de comptabilité veut qu'au bout de trois mois il soit rendu un compte exact de toutes les recettes et de toutes les dépenses. Tout cela se fait frès régulièrement. Dans le moment où je parle, cette caisse renferme 5,000 à 6.000 fr.

Voilà comment les choses se passent relativement à cette caisse qu'on a comparée à un petit trésor du département de l'intérieur.

Messieurs, le département de l'intérieur ne veut pas intervenir en toutes choses. Il ne se mêle absolument que des choses que vous connaissez et qui figurent au budget. Si les proportions de cette administration sont devenues si étendues, c’est à la force des choses qu’il faut l’imputer. C’est vous qui, par vos propres décisions, avez créé successivement des institutions destinées à répandre le progrès, sous quelque forme qu’il se montre. Eh bien, le département de l’intérieur est celui pù tous ces services viennent affluer. Ce n’est pas au département de la guerre que vous les enverrez ; ce n’est pas au département des finances ; ce n’est pas au département des affaires étrangères. C’est au département de l’intérieur que viennent se produire toutes ces affaires pour en ressortir en la forme légale déterminée par le budget.

Ce n'est pas par goût que le département de l'intérieur a toutes ses affaires dans ses attributions ; c'est par nécessité. Rien ne serait plus agréable au chef de ce département que de voir quelque peu diminuer le nombre des affaires dont ce ministère doit s'occuper.

Un mot encore au sujet d'une autre affaire, l'école vétérinaire. Ce qu'on a dit est assez grave pour permettre de répondre quelques mots.

On a dit que tout se faisait en dehors des crédits réguliers, que, non seulement on employait les fonds qui figuraient au budget, mais qu'on engageait encore l'avenir par des constructions qui devaient dépasser une somme de 300,000 francs.

Messieurs, ce sont des illusions. On a pris des aperçus, des idées qui ont trait à l'avenir, pour des réalités prêtes à s'accomplir. Il ne s'agit nullement de constructions qui doivent embrasser une dépense de 500,000 francs ; il n'y a pas le moindre plan approuvé pour ces constructions.

Ce qu'il y a, c'est ce que la chambre a voulu à plusieurs reprises, c'est qu'on utilisât successivement pour compléter les bâtiments de l'école vétérinaire, les crédits du matériel qui ne sont pas complètement absorbés.

Voilà ce que la chambre a voulu, et l'on n'a pas dépassé ces crédits.

J'attendrai les observations qui seront présentées sur les articles pour donner d'autres explications.

M. le président. - La discussion généra'e a été close hier. M. le ministre de l'intérieur avait annoncé qu'il aurait quelques observations générales à présenter à l'ouverture de cette séance. M. de Man vient de demander la parole. Je ne puis l'empêcher de répondre à M. le ministre ; mais je l'engage à être court, nous n'avons pas de temps à perdre.

M. de Man d’Attenrode, rapporteur. - Je regrette que M. le ministre de l'intérieur soit rentré dans la discussion générale. Mais il me paraît impossible de ne pas lui répondre.

D'après M. le ministre, tout serait pour le mieux au département de l'intérieur, et les observations que j'ai présentées n'auraient aucun fondement, ce ne seraient que de pures illusions.

Un mot de réponse d'abord en ce qui concerne l'école vétérinaire. M. le ministre prétend avoir le droit d'y faire des constructions par suite d'une simple déclaration de son prédécesseur. Je me bornerai à lui demander, par oui ou par non, si un crédit a été voté par la législature pour couvrir ces dépenses. S'il peut m'établir que la chambre a voté un crédit, je passerai condamnation. Mais, je le déclare, s'il n'existe pas de crédit législatif, je prends acte de cet incident, et quand il s'agira de régler les comptes, je prendrai des conclusions en conséquence. Je lui laisse toute la responsabilité de la conduite qu'il croira devoir tenir.

Quant au mode de comptabilité adopté au département de l'intérieur pour les dépenses, j'ai le droit de m'étonner que M. le ministre ait paru ignorer ce qui se passe dans son département ; mes observations faites hier l'avaient surpris, il en était même inquiet, mais il est revenu de cette inquiétude, parce qu'il a appris que la caisse, dont j'ai parlé hier, ne contient que 5,000 à 6,000 fr.

Or, comment se fait-il que le ministre ignorât l'existence irrégulière de cette caisse, alors que la cour des comptes a entrepris avec son département une longue correspondance pour en démontrer l'illégalité et lea conséquences fâcheuses ?

(page 1591) La cour des comptes a combattu ce système de tout ses moyens, par de longs mémoires, et M. le ministre semble ignorer l'existence de cette caisse. J'ai lieu de m'en étonner, je le répète : la loi du 29 novembre 1846 permet, il est vrai, de faire mandater quelques sommes pour de menues dépenses, pour des dépenses qui ne souffrent pas de délai. Mais le département de l'intérieur abuse de cette faculté tout exceptionnelle pour dépenser en régie de nombreux crédits de son budget. Il fait mandater au profit de son caissier des sommes destinées à des services qui n'exigent pas de menues dépenses, et qui peuvent être soumises aa visa préalable de la cour des comptes.

Il lui suffit de donner le caractère de régie à 8 articles de son budget pour faire verser 100,000 fr. dans sa caisse.

Et comme on n'en rend compte souvent qu'au bout d'une année, les valeurs sont utilisées dans l'intervalle pour faire des dépenses dépourvues de crédit, et ces dépenses se régularisent ensuite au moyeu de remboursements, quand les crédits sont votés.

Je citerai un fait : le département de l'intérieur s'est fait ainsi délivrer 15,000 fr. sur le crédit de la voirie vicinale.

On n'en a rendu qu'au bout d'un an, bien que la loi exige que le compte soit rendu au bout de 4 mois, et quand il a été rendu il a été reconnu que cette somme avait servi à payer deux subsides.

Or, les dépenses pouvaient fort bien subir le visa préalable de la cour, et ce n'étaient pas de menues dépenses. Des ordonnances de payement auraient pu être créées au profit des communes. L'abus que l'on fait ainsi de l'article 15 de la loi de 1846 se renouvelle fréquemment.

Il me reste à répondre à la déclaration faite par M. le ministre et qui consiste à établir que son département ne doit pas au département de la guerre le remboursement de 300,000 fr. pour les armes délivrées à la garde civique. S'il en est ainsi, pourquoi le département de l'intérieur s'est-il fait délivrer 300,000 francs pour cet armement ?

Si c'est le département de la guerre qui a dû pourvoir à cet armement, c'est à ce même département que le crédit de 300,000 fr aurait dû être alloué.

Du reste, messieurs, voici ce que porte l'article 17 de l'arrêté royal du 13 novembre 1849 :

« Les ministres ordonnancent au profit du trésor sur leurs budgets les prix d'achat ou de loyer de tous les objets qui sont mis à leur disposition pour le service de leur département respectif par les autres ministres. »

Ainsi, M. le ministre, voilà un article d'un règlement porté par un de vos collègues, et que vous semblez ignorer : il vous oblige à tenir compte au département de la guerre, cela est évident, des armes fournies à la garde civique.

Maintenant, j'espère, messieurs, que la discussion générale est terminée et que je puis passer aux articles.

Nous voilà donc arrivés à des questions de détails du projet.

L'honorable M. Rogier nous a mis en demeure de préciser les irrégularités dont nous avons parlé, je vais le satisfaire, mais avant tout, je crois qu'il est nécessaire de bien peser la question.

Il s'agit, messieurs, de mettre en jeu la responsabilité ministérielle, responsabilité à laquelle les ministres font appel avec tant de complaisance quand il s'agit de crédits, mais dont ils ne parlent plus quand il s'agit d'actes accomplis. Voici, messieurs, le principe qui est déposé à cet égard dans le rapport de la section centrale :

« La reconnaissance publique est due à celui qui engage courageusement sa responsabilité en posant un acte indispensable, dont l'ajournement eût compromis les intérêts du pays.

« Le blâme est mérité quand, pour des services simplement utiles, on engage le trésor sans crédit législatif. Aucun budget, quelque élevé qu'il soit, n'est capable de suffire aux dépenses réputées utiles. Mais quand la violation d'une loi de finances n'a d'autres résultats que de multiplier inutilement les dépenses, quand les deniers des contribuables sont appliqués à des services que le gouvernement n'a pas la mission de rendre, à des services plutôt d'intérêt personnel que public ; alors la faute de ceux qui ne craignent pas de s'en rendre responsables paraît évidente. »

Moi, messieurs, j'avais mis dans le rapport le mot « culpabilité » ; la section centrale y a substitué le mot « faute. » Je dis donc que les ministres se rendent coupables lorsqu'ils se passent de crédits législatifs pour faire des dépenses qui ne sont pas indispensables.

Nous eu sommes venus, messieurs, au n°1°. On nous y demande une somme de 12,075 fr.

Le gouvernement avait à sa disposition, pour la confection de la statistique décennale, l'article 8 du budget de l'intérieur portant une somme de 8,000 fr. 20,000 fr. ont été compris dans la loi de crédits supplémentaires de 1851 pour le même objet ; enfin une partie du crédit de 192,000 fr., pour le personnel, qui fait l'objet de l'article 2 du budget de l'intérieur. Lorsqu'il est intervenu en 1846 un règlement sanctionné par arrêté royal, sous le ministère dont l'honorable M. Malou faisait partie, on disait que ce crédit devait former la liste civile du personnel.

M. Rogier. - J'ai réduit le chiffre de 10,000 fr.

M. de Man d'Attenrode. - En 1848, quand il s'agissait de réduire toutes les dépenses, on a réduit ce crédit de 10,000 fr., c'est vrai, mais qu'est-il arrivé ? On n'a pas supprimé un seul employé, mais on a supprimé les gratifications. Au bureau de la statistique, qui fait partie du ministère de l'intérieur, on a réduit le personutl de quelques employés, mais ces employés ont été repartis dans les autres bureaux.

Je dis donc que les crédits alloues pour la statistique décennale auraient dû suffire. On les a dépassés de 12,000 fr., somme à peu près égale à celle qui a servi à accroître le crédit de l'article 2 du budget qui s'élève à 192,000. Il a été accru en accordant des traitements supplémentaires aux employés ordinaires, et des traitements à des employés extraordinaires.

Or, le gouvernement n'avait pas le droit de faire cette dépense, sans un crédit législatif. Si la dépense était nécessaire, il fallait demander un crédit à la chambre. D'ailleurs, je prétends que le chiffre de 192,000 fr. doit suffire pour le personnel de l'administration centrale ; et cependant, messieurs, j'ai acquis la conviction que le gouvernement ne se borne pas à dépenser ces 192,000 francs pour le personnel, mais qu'il glane encore sur 15 ou 16 articles du budget pour grossir le crédit de 192,000 francs.

De cette manière, messieurs, nous ne savons pas ce qu'on dépense pour le personnel. Il y a là un personnel d'interlope qui doit disparaître.

Je soutiens, messieurs, que quand on a fait une dépense aussi facultative, on est blâmable, et je persiste dans les conclusions de la section centrale qui consistent à réduire le chiffre demandé de 1,700 fr., somme égale à celle qui est encore due pour traitements aux employés ordinaires. Je soutiens que le chiffre de 192,090 fr. forme la liste civile du personnel ; il constitue un forfait entre les employés et le gouvernement, un travail extraordinaire ne fait que comprendre les heures nombreuses que les employés passent à tailler leurs plumes et à se promener aux frais de l'Etat.

Je crois en avoir dit suffisamment sur cette question. J'ai suffisamment établi que rien ne justifie la dépense qui a excédé les crédits alloués.

Cette dépense n'était pas indispensable, le gouvernement est repréhensible d'avoir méconnu la volonté souveraine de la chambre en dépassant la limite des crédits votés par elle.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Messieurs, on prétend que le crédit du personnel est suffisant. Un seul mot prouvera que ce crédit ne suffit pas pour des travaux de genre de celui ci : il est même insuffisant pour donner à un assez grand nombre d'employés le traitement minimum qui leur est assuré par un arrêté royal daté à la fin de 1846.

On dit à la vérité que les employés taillent leurs plumes et se promènent. Ce sont là des assertions pour le moins hasardées. Il me semble que pour bien apprécier les choses, il faut les connaître ; or, le ministre, je pense, est mieux placé que l'honorable rapporteur pour savoir si l'on travaille dans les bureaux, parce qu'il a les employés sous les yeux et qu'il les visite souvent. J'ai la certitude que les employés travaillent régulièrement pendant le nombre d'heures qui leur est assigné et qu'ils travaillent bien. J'en fais l'expérience tous les jours.

Il est très vrai, comme l'a dit l'honorable M. Rogier, que le crédit du personnel a été réduit en 1849 de 10,000 fr.

C'est une réduction dont il n'y a pas lieu de féliciter la chambre. Car les services ne sont pas rémunérés aujourd'hui ; je ne puis espérer de les rémunérer convenablement, qu'en faisant de temps en temps des réformes dans le personnel : et j'y parviendrai peut-être en centralisant quelques parties du service.

Quoi qu'il en soit, il n'a pas été possible de faire exécuter un travail, tel que le rapport décennal, pendant les heures ordinaires de bureau ; les employés l’ont fait en dehors de ces heures, et le crédit proposé n'est nullement exagéré.

La section centrale admet l'article ; mais elle retranche une somme de 1,700 fr., et à qui la dispute-t-on ? aux plus malheureux employés, à ceux qui n'ont pas le traitement minimum. La réduction, si elle était adoptée, aboutirait à retrancher un salaire mérité à des employés dont le traitement est tout à fait insuffisant. Je demande s'il serait de la dignité de la chambre d'adopter cette réduction.

- La clôture de la discussion est prononcée.

Le chiffre du gouvernement est mis aux voix et adopté.

Article premier, 2°

« 2° Frais de route et de séjour dus à des commissaires d'arrondissement, pour payer des frais de route et de séjour restant dus à des commissaires d'arrondissement, pour les années 1850 et 1851 : fr. 5,411 85 c. Cette somme formera l'article 124, chapitre XXIV du budget de 1852. »

M. de Man d’Attenrode, rapporteur. - Messieurs, puisqu'on prétend que cette dépense est extrêmement régulière, je tiens à établir que les dépenses qui paraissent les plus réguliers ne le sont pas.

Je prétends que si le département de l'intérieur avait écouté les observations qui lui ont été faites depuis bien des années par la cour des comptes, ce crédit supplémentaire n'eût pas été nécessaire.

La cour des comptes a fait observer, maintes fois, que le règlement qui détermine les frais de route des commissaires d'arrondissement, n'est plus en rapport avec les moyens de transport établis par le chemin de fer ; il y a même dans ce règlement des anomalies absurdes. Mais on n'a pas égard aux observations de la cour des comptes ; je suis même persuadé qu'on ne les lit même pas. Je mets donc le département de l'intérieur en demeure de modifier le règlement relatif aux frais de toute et de séjour de ses fonctionnaires.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Messieurs, il ne manque à cela qu'une chose : c'est que la chambre a condamné le système de l'honorable M. de Man, il y a à peine quelques mois. La demande de crédit supplémentaire provient de ce que le crédit ancien n'était pas suffisant, et j'ai obtenu au budget de 1853 une augmentation.

(page 1592) - La clôture est demandée.

M. de Man d'Attenrode (contre la clôture). - Je constate seulement ici que ce que j'avais prévu se réalise, que la discussion n'est pas libre, et que le moment est mal choisi pour discuter des questions si importantes. Vous êtes donc bien pressés de passer l'éponge sur les irrégularités de la politique ci-devant nouvelle !

M. Rogier (contre la clôture). - Puisqu'on a permis à l'honorable M. de Man de constater, je constate que tout à l'heure je n'ai pu répondre à l'honorable rapporteur, parce qu'on a clos la discussion.

- La clôture de la discussion est mise aux voix.

Il y a doute. La discussion continue.

M. de Man d'Attenrode, rapporteur. - Messieurs, je voulais seulement dire que je ne comprenais pas bien la valeur de la réponse de M. le ministre de l'intérieur ; j'ai établi que la cause de ce crédit supplémentaire était dans le règlement qui détermine d'une manière absurde les frais de route et de séjour des commissaires d'arrondissement. Le gouvernement n'a pas fait droit aux observations de la cour des comptes. Je dis donc que le département de l'intérieur est répréhensible de n'avoir pas modifié ce règlement.

Je constate que la réponse de M. le ministre de l'intérieur n'a pas renversé ce que j'ai eu l'honneur de dire. Il objecte que la chambre a augmenté le crédit ; cela ne signifie rien du tout. La chambre ignorait sans doute les observations de la cour qui sont d'une justesse frappante.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Ce règlement n'est pas aussi vicieux que le prétend l'honorable M. de Man, et je rappelle que la chambre n'a pas tenu compte de ses observations critiques, puisque, sur ma proposition, la chambre a voté une augmentation de crédit pour les frais de route et de séjour des commissaires d'arrondissement.

M. Dumortier. - Il y a un fait important à constater ici : c'est que la cour des comptes a signalé un abus et qu'on n'a rien fait pour le redresser ; la cour des comptes a dénoncé le tarif des frais de route et de séjour des commissaires d'arrondissement comme donnant lieu à des abus dans l'étal actuel des choses ; j'invite donc M. le ministre à examiner s'il n'y a pas lieu de réviser le tarif des frais de route.

M. de Mérode. - M. le ministre de l'intérieur vient de répondre qu'il avait proposé une augmentation et que la chambre l'avait adoptée.

Cela ne prouve pas que ce qu'il avait proposé était utile et convenable. Les observations de la cour des comptes sont là, le ministre n'a rien dit pour prouver que ces observations n'étaient pas fondées en raison ; s'il avait démontré cela, je ne dirais rien.

Il ne suffit pas de dire : J'ai proposé une allocation et la chambre a voté ; cela ne démontre pas que l'abus signalé n'existe pas.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - J'ai démontre que les observations de la cour des comptes n'étaient pas fondées. Car sur quoi basait-on la prétendue irrégularité ? Sur ce qu'on peut voyager par chemin de fer. J'ai répondu que les commissaires d'arrondissement devaient visiter des localités où l'on ne pouvait arriver par chemin de fer ; que les neuf dixièmes des voyages se faisaient au surplus, à pied ou en voiture. La cour des comptes n'a pas à s'occuper des règlements d'administralion, elle doit voir si les dépenses sont conformes au budget ; quant au règlement des frais de route, cela regarde le gouvernement ; la cour des comptes n'a rien à y voir.

- Le n° 2 est mis aux voix et adopté.

Article premier, 3°

« 3° Construction de l'hôtel du gouvernement provincial à Arlon : fr. 3,000. »

- Cet article est renvoyé à la section centrale.

Article premier, 4°

« 4° Dépenses d'ameublement faites à l'hôtel du gouvernement provincial de Mons : fr. 13,762 24. »

M. Orban. - Cet article présente un genre d'irrégularité particulière. En général, nous ne sommes exposés à des demandes de crédits supplémtntaires que parce que le ministre a fait des dépenses non comprises au budget. Ici c'est un gouverneur qui, sans autorisation du ministre, dispose des fonds du budget de l'Etat ; de sorte que nous voilà exposés à voir dépasser les allocations du budget, non seulement par le ministre, mais par les gouverneurs.

Il résulte, en effet, de la correspondance que j'ai vue dans les documents qui nous ont été soumis que lorsque le gouverneur s'est engagé dans cette dépense, il n'avait pas même demandé l'autorisation du ministre et qu'il l'a prévenu de la dépense alors qu'elle était faite.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Ces renseignements ne sont pas complètement exacts. J'ai trouvé dans les pièces que j'ai consultées la preuve que cette dépense avait été disculée contradictoirement avec le ministre. Ce genre de critique est sans intérêt, il s'agit ici d'ailleurs de dépenses dont personne n'a méconnu l'urgence.

M. Rousselle. - Lorsque cet arlicle est venu en délibération en section centrale, je devais assister à une autre section centrale, pour une affaire plus urgente, et j'ai demandé à mes honorables collègues de vouloir suspendre l'examen de l'article jusqu'au moment où je pourrais venir expliquer les motifs qui avaient nécessité cette dépense. La section centrale a bien voulu condescendre à mon désir, et le lendemain nous avons entamé cette discussion ; j'ai expliqué que pendant plusieurs années l'ancien gouverneur du Hainaut feu M. Thorn avait fait des économies considérables sur les budgets économiques de la province en négligeant l'entretien de l'hôtel du gouvernement, de manière que les gouverneurs qui lui ont succédé ont été obligés de faite des travaux de réparation considérables sans jamais pouvoir parvenir à remettre l'hôtel en bon état avec le budget économique qui était à leur disposition.

Il est arrivé un moment où l'on devait recevoir le Roi au gouvernement provincial ; force a été de faire faire des travaux d'appropriation et d'ameublement.

Comme j'avais articulé les faits de mémoire, allant à Mons, je me suis fait remettre le chiffre des sommes économisées par M. Thorn ; elles se sont élevées à 40 mille fr. en cinq ans, et la somme employée pour remettre le gouvernement en état ne monte qu'à 12 mille fr. Voilà les explications que j'ai cru devoir donner, puisque M. Orban est venu contester l'allocation demandée.

M. Rogier. - Je prends acte des paroles que vient de prononcer M. Rousselle. Il vient de justifier toute la doctrine combattue par la section centrale, quant aux crédits supplémentaires. J'attribue son opinion à l'égard de cet article, non pas à sa position personnelle, mais à la connaissance plus exacte des faits que lui donne cette position. Si l'on voulait trouver des irrégularités, on pourrait dire qu'il y a eu des dépenses faites sans crédit, des dépenses faites au-delà des crédits, mais la dépense était utile, indispensable, et M. Rousselle trouve qu'on a eu raison de les faire. Toute la doctrine se résume dans cet article. En l'approuvant l'honorable M. Rousselle a parfaitement défendu la doctrine. Je ne puis que m'en référer à son discours.

M. Rousselle. - C'est pour prolonger la discussion que l'honorable M. Rogier est venu me prendre à partie sur un fait semblable. On ne peut pas dire que j'attaque tous les crédits supplémentaires comme irréguliers. Il est des circonstances où le gouvernement doit engager sa responsabilité. Tous mes votes ont toujours été d'accord avec cette opinion et l'honorable Rogier n'était pas autorisé à diriger contre moi cette personnalité.

- L'article 4 est mis aux voix et adopté.

Article premier, 5°

« 5° Hôtel du gouvernement provincial à Bruges : fr. 20,000. »

- Cet article est ajourné de commun accord au deuxième rapport.

Article premier, 6°

« 6° Exposition universelle de Londres : fr. 40,008. »

M. Osy. - Je ne viens pas critiquer le chiffre demandé pour payer les frais de l'exposition de Londres. Mais nous avons à puiser là un grand enseignement. On avait demandé primitivement 75,000 francs. Déjà, lors de la discussion de ce premier crédit, nous avons demandé quel en serait l'emploi ; quelques mois après, le gouvernement est venu demander un supplément de crédit de 55,000 francs, cela faisait 130,000 francs ; eh bien, ces 130,000 francs n'ont pas suffi ; on vient encore demander un crédit supplémentaire de 40,000 francs, de manière que le crédit qui primitivement ne devait être que de 75,000 francs, monte à 171,000 francs. Voilà ce que nous coûte l'exposition de Londres.

A la suite du rapport de la section centrale, vous voyez le détail des frais qui y ont été faits, et vraiment il y a là des frais exorbitants.

Je ne conteste pas le chiffre, parce qu'il faut bien payer ceux qu'on emploie. Mais j'espère que ce sera un enseignement pour le pays, et que nous ne nous mêlerons plus d'affaires qui regardent les particuliers. Qae le gouvernement ne se mêle à l'avenir des expositions étrangères que pour y envoyer un commissaire chargé de lui faire la relation de ce qui s'y passera. Ainsi l'on ne nous a pas demandé de crédit pour l'exposition de Dublin, ni pour l'exposition agricole annoncée en Angleterre. J'espère que l'on suivra cette voie où vient d'entrer l'honorable M. Piercot, et qu'à l'avenir nous ne nous mêlerons plus de ces affaires-là.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Je n'ai qu'un mot à dire pour justifier cette demande de crédit, c'est que toutes les dépenses ont été faites ou contrôlés par une commission composée d'hommes les plus compétents. Il n'y a donc pas de critique à faire.

Quant à l'avenir, nous verrons ce qu'il y a à faire.

Si je n'ai pas demandé de crédit spécial pour l'exposition de Dublin, c'est qu'elle avait beaucoup moins d'importance que celle de Londres.

M. de Man d’Attenrode, rapporteur. - Vous conviendrez, messieurs, qu'il serait désirable que les ministres fussent plus scrupuleux à tenir les engagements qu'ils contractent en demandant des crédits, engagements qui toujours déterminent la chambre à les accorder. Or, quelle a été la déclaration qui a été faite lors de la discussion qui est intervenue et qui a précédé le vote du crédit destiné à l'exposition des Londres ? La section centrale avait proposé de diviser le crédit en deux articles, l'un destiné aux missions et frais divers ; l'autre destiné aux frais de transports, etc. M. le président demanda au ministre de l'intérieur s'il se ralliait à cette proposition, il répondit qu'il n'y voyait qu'un inconvénient, c'est qu'il ne pourrait reporter sur l'article des missions et frais divers les économies réalisables sur les frais de transport et d'installation. Or, loin de réaliser des économies sur les frais de transport et d'installation, on a été bien au-delà. Cela n'a pas empêché le gouvernement de dépenser le crédit de 12,000 fr. destiné aux missions et frais divers et de porter les dépenses de l'espèce à 28,270 fr. 96 c.

Je voudrais que l'honorable M. Rogier voulût bien nous donner quelques explications à cet égard. Je fais ici un appel à sa responsabilité. Pourquoi a-t-on excédé le chiffre du crédit destiné aux missions et frais divers ? M. le ministre de l'intérieur vient de déclarer sans hésiter que ces dépenses sont à l'abri de toute critique. Quant à moi, je pense que ces dépenses sont, pour la plupart, exorbitantes ; que, bien qu'il y ait eu une commission nommée pour les surveiller, il en est beaucoup qui sont injustifiables. Il me serait facile de prouver leur exagération, si le temps me permettait d'entrer dans des détails. Mais je tiens à épargner (page 1593) cette contrariété à la chambre, à une époque où chacun de nous tient à rentrer dans ses foyers. On en est arrivé ainsi à un chiffre de dépense excessif auquel nous avions le droit de ne pas nous attendre. La dépense est faite ; le payement est inévitable. Mais nous sommes dans notre droit en demandant que les ministres responsables s'expliquent.

M. Rogier. - Le ministre de l'intérieur est ici jusqu'à certain point en dehors du débat. Les dépenses concernant l'exposition de Londres ont été faites sous la direction et le contrat d'une commission spéciale. Sans doute, le ministre est responsable de tous les actes qu'il pose ou qu'il approuve. La commission était composée d'hommes très compétents qui ne se seraient pas prêtés à des irrégularités.

Le gouvernement a fait les dépenses sur les propositions de cette commission.

L'augmentation de la dépense tient à ce que le nombre des objets expédiés a été double de ce que l'on avait prévu, et de ce qu'on a envoyé des machines qui ont donné lieu à des frais considérables de transport et autres.

La correspondance entre la commission et le ministre atteste la sollicitude de celui-ci pour les intérêts du trésor. Constamment il a recommandé la plus grande économie dans les dépenses.

J'ajouterai que, de tous les gouvernements du continent (car tous ont concouru à l'exposition de Londres) le gouvernement belge est celui qui a fait les moindres dépenses pour cette exposition.

M. Coomans. - Il me semble que l'honorable député d'Anvers ne répond pas à la question posée par mon honorable ami M. de Man d'Attenrode.

Nous concevons tous qu'on ait pu se tromper sur les frais de transport et de débarquement des objets envoyés à l'exposition de Londres. S'il n'y avait eu erreur que sur ces frais-là, qui sont des frais variables, nous pourrions passer plus facilement l'éponge sur ces irrégularités. Mais l'on a demandé à M. Rogier pourquoi, après s'être engagé à ne pas dépasser le chiffre de 12 mille francs pour voyages, il a fini par dépenser 28 mille francs. Ce ne sont pas des frais variables ; ce sont des frais fixes, d'autant plus fixes que les conditions avaient été déterminées d'avance entre les ouvriers favorisés et le représentant de l'Etat. L'honorable ministre de l'intérieur de cette époque pouvait préciser à un sou près l'emploi des 12 mille francs affectés à ces frais-là. Je me rappelle parfaitement qu'à cette époque l'honorable M. Rogier prit l'engagement, devant la chambre, de ne pas dépasser ce chiffre. Or, il se trouve élevé à 28 mille francs. Ici il n'y a pas d'excuse possible ; il y a préméditation ; car, je le répète, il était facile de ne pas dépasser le chiffre. De la bonne volonté suffisait.

M. Rogier. - Comme l'honorable M. Coomans tient à des explications, je vais les donner.

Je n'ai pas déclaré à la chambre que, dans aucun cas, le chiffre de 12,000 fr. ne serait dépassé. Les missions ont été plus nombreuses que je n'avais cru. Quatre-vingts ouvriers se sont rendus à Londres, et ces voyages ont été très utiles.

Indépendamment de cela, il y a eu des membres de la commission et des jurés à qui l'on a dû rembourser des frais de route. Les uns ont refusé ; les autres ont demandé et ils en avaient le droit. La dépense pour les missions des délégués et des jurés et les frais de voyage de quatre-vingts ouvriers s'est élevée à 15,000 fr. Le restant de la somme n'a pas été affecté à des voyages ; il a été affecté par la commision au salaire d'un commis charge des écritures de l'agence à Londres et dépenses courantes de l'agent ; à des impressions, traductions, frais de bureau et menues dépenses de la commission.

Voilà comment les 28,000 fr. ont été complétés. Mais il n'y a eu pour les voyages et les missions que 15,000 fr. dépensés au lieu de 12,000 fr.

M. Orban. - Il est facile de se rendre compte de la manière dont on est parvenu à dépasser à ce point le chiffre voté par la chambre.

Le gouvernement s'est substitué aux exposants dans les frais à faire, absolument comme si les exposants étaient désintéressés dans cette affaire. Or, il me semble que si, dans une exposition semblable, le pays en général a un intérêt, les industriels dont les produits sont exposés ont un intérêt tout spécial qui ne permet pas qu'ils ne prennent aucune part à la dépense.

Le gouvernement, non seulement, s'est chargé du transport et de la réexportation des objets ; mais il a été plus loin encore à l'égard des exposants.

Je dis, dans le rapport de la section centrale, que ces mêmes exposants, dont on a transporté et réexporté les objets gratuitement, réclament encore du gouvernement des indemnités pour les avaries que peuvent avoir subies les objets exposés. Je demande si ce n'est pas dépasser toutes les bornes que de satisfaire à des réclamations semblables. Eh quoi ! vous êtes industriel ; vous transportez vos produits dans une exposition qui doit les faire connnaître, en faciliter le débit ; vous aviez un intérêt spécial dans cette exposition et vous viendrez dire au gouvernement : Vous transporterez mes produits ; vous les rapporterez ; et si ces mêmes produits vienneut à subir quelques avaries, vous devrez m'en indemniser.

L'honorable M. Rogier a l'air de douter du fait.

M. Rogier. - Les a-t-on indemnisés ?

M. Orban. - Je conçois les doutes de l'honorable membre. Le fait est assez étrange pour cela ; mais je vais lui donner ses apaisements en lisant le passage auquel je fais allusion. Ce sont les explications de M. le ministre sur l'empioi des sommes demandées :

« La somme de 3,552 fr. 71 c. est destinée, a répondu le gouvernement, non seulement à payer les intérêts sur les sommes dues, mais encore à l'apurement des comptes. Ainsi des exposants réclament pour avaries de leurs articles des indemnités que les tribunaux alloueraient au moins en partie, si l'administration ne prenait pas des mesures pour prévenir des contestations judiciaires. »

Où irons-nous, je vous le demande, avec ce système de mettre le gouvernement aux lieu et place de tout le monde ?

M. de Mérode. - Si l'on portait toujours un homme, il ne pourrait plus marcher. Si le gouvernement continue à porter ainsi tous les fardeaux possibles, personne n'aura plus d'épaules. Les observations de l'honorable M. Orban sont parfaitement justes. Il est absurde que le gouvernement se soit chargé de transporter tous les objets quelconques sans aucuns frais pour les intéressés, et qu'il soit même exposé à être responsable des avaries qui peuvent atteindre les objets exposés. Il aurait, au contraire, fallu donner aux industriels un subside à l'aide duquel ils auraient eux-mêmes transporté, à leurs risques et périls, les objets qu'ils voulaient produire à l'exposition de Londres.

Messieurs, il est évident que si l'on procède toujours de la même manière, on augmentera constamment la dépense et le budget des voies et moyens ne suffira pas pour satisfaire aux dépenses indispensables.

M. Devaux. - Ces observations, il fallait les faire quand le gouvernement a demandé le crédit.

M. Osy. - Nous les avons faites.

M. Devaux. - Oui, mais elles n'ont pas été accueillies par la chambre, puisque la chambre à adopté le crédit. La chambre ayant décidé qu'on suivrait le système contre lequel réclament l'honorable M. Osy et l'honorable M. de Mérode, le gouvernement n'avait pas le choix.

Maintenant je dis que l'exposition de Londres était chose assez importante, assez grande, assez nouvelle pour qu'on n'ait pas pu prévoir au juste la dépense. Cette dépense était nécessairement éventuelle ; elle dépendait de la quantité d'objets qui seraient envoyées par les industriels, et s'il y en a eu une plus grande quantité qu'on ne s'y attendait, il faut en féliciter le pays.

Que pouvait d'ailleurs faire M. le ministre, sinon suivre les avis de l'honorable commission qui s'est donné tant de peine et qui n'a pas prodigué l'argent ? Ce qu'on vient de dire du défaut d'ornement des marchandises belges à l'exposition prouve bien qu'il n'y a pas eu de prodigalité.

La chose, je le répète, était assez importante, assez nouvelle pour que l'excès de dépense se justifie naturellement. C'est une de celles dont il eut été le plus difficile de fixer au juste les limites à l'avance.

M. de Man d'Attenrode. - L’honorable M. Devaux vient de déclarer que c'est lors de la discussion du premier crédit que les observations que l'on présente aujourd'hui auraient dû être faites. J'ai relu le rapport de la section centrale, j'ei relu les discussions, et jamais la chambre n'a pris autant de précaution, n'a fait autant d'observations, afin de prévenir les demandes de supplément de crédits, que dans cette circonstance.

L'honorable M. Devaux prétend que le crédit n'était pas limitatif. Je conviens qu'il en est ainsi pour les frais de transport des colis. Mais quant aux missions et autres frais, le crédit était positivement limitatif. La section centrale avait posé le chiffre de 12,000 francs et le gouvernement, par l'organe de l’honorable M. Rogier, a pris l'engagement formel de borner la dépense à ce chiffre.

L'honorable M. Rogier a trouvé commode de se décharger de toute la responsabilité sur la commission. J'ai pris des renseignements à cet égard, et il m'a été déclaré qu'elle prenait la responsabilité de toutes les dépenses, hors celle qui concerne les missions. Cette dépense a été arrêtée au département de l'intérieur, et je trouve très irrégulier qu'on ait dépassé le chiffre de 12,000 francs pour le porter à 28,000 francs.

M. Devaux. - Comment est-il possible qu'on s'obstine à faire perdre du temps à la chambre en retenant aussi longtemps son attention sur des griefs de ce genre ? Il s'agit de quoi ? De 12,000 francs sur lesquels il y a eu une différence de 3,000 francs.

M. de Man d'Attenrode. - De 28,000 francs.

M. Devaux. - C'est encore une inexactitude, ou ne conteste que ce qui concerne les missions ; or, il n'a été dépensé pour les missions que 15,000 francs.

Il s'agit d'une différence de 3,000 fr. Je le demande, était-il possible que le gouvernement empêchât quelques membres de la commission, de se rendre sur les lieux ou qu'il leur limitât le nombre d'heures qu'ils pouvaient rester à Londres ?

Dans une matière de ce genre et dans une ville comme Londres était-il possible de prévoir la dépense à quelques milliers de francs de près ? 3 ou 4 membres de la section centrale ont beau mettre en commun tout ce que leur âme chrétienne renferme de deux sentiments à l'égard de M. Rogier, ils ne parviendront pas à donner aux yeux de la chambre de la gravité à de telles imputations.

M. Coomans. - Toute la passion de l'honorable M. Devaux ne nous fera pas sortir de notre calme. Les phrases ronflantes ne prouvent rien ; les gros mots encore moins. On se livre à ces feintes colères pour dissimuler son embarras.

Quant on a une bonne cause à défendrc, on s'exprime avec modération, avec sang-froid, surtout lorsqu'on a l'âge et l'expérience de l’honorable (page 1594) M. Devaux, et il faut que l'honorable membre sente bien combien la thèse qu'il plaide est mauvaise, pour s'exprimer avec tant de vivacité, d'injustice et de dépit.

L’honorable membre nous engage à être exacts. Nous avons été aussi exacts que les chiffres fournis par le gouvernement. Mais lui-même a commis une grave inexactitude. Il prétend qu'il n'y a qu'une différence de 3,000 francs...

M. Devaux. - Sur les missions.

M. Coomans. - Entre le chiffre voté par la chambre en 1851 et le chiffre dépensé par le gouvernement. Rien n'est moins vrai. Le chiffre voté par la chambre, en 1851, comprenait, outre les missions, les petits frais divers ; à cette époque nous fîmes observer que si ces derniers s'élevaient au-delà des prévisions, on pourrait réduire les missions ; le gouvernement a répondu qu'il n'enverrait en mission que le nombre d'hommes dont il pourrait payer le voyage. Aujourd'hui, le chiffre de 12,000 francs est porté à 28,000 francs et le libellé de la loi de 1851 est le même que celui du crédit supplémentaire. La différence est donc de 16,000 fr. et non de 3,000.

Eh bien, je dis qu'on aurait fort bien pu s'abstenir d'envoyer une centaine de Belges à Londres, quand on savait que le crédit était épuisé. L'intérêt public n'exigeait pas cette violation de la loi, j'en sais quelque chose ; j'ai été aussi à Londres ; on m'y a assuré que la camaraderie, le favoritisme n'ont pas été étrangers au choix de quelques personnes. (Interruption.) Je ne dis pas que toutes ne méritaient pas de voyager aux frais du budget ; de bons ouvriers ont joui de cette faveur ; mais parmi ceux qui ont profité des largesses ministérielles, il en est qui, amenées et hébergées à Londres aux dépens des contribuables, y ont fait autre chose que d'étudier l'exposition.

M. Osy. - Messieurs, j'ai été très étonné du langage de l'honorable M. Devaux. Comment ! des membres de la chambre, dans l'intérêt du pays, dans l'intérêt du trésor, veulent bien s'occuper d'une affaire aussi ingrate que l'examen des comptes du gouvernement, et l'honorable membre ne craint pas de les accuser de faire de l'opposition contre un homme. Quant à moi, messieurs, je ne connais que l'Etat, je ne connais que le trésor, et je dis que s'il n'y avait pas dans la chambre des membres qui veulent bien examiner les comptes, les dépenses deviendraient encore beaucoup plus considérables. De manière qu'au lieu de nous attribuer de la haine contre un ancien ministre, on devrait nous savoir gré du travail si considérable auquel nous nous livrons, surtout l'honorable rapporteur, qui se donne véritablement une peine inouïe pour éclairer toutes ces questions si épineuses.

M. Dumortier. - J'ai demandé la parole quand j'ai entendu l'honorable M. Devaux prononcer des paroles qu'on ne devrait pas entendre dans cette enceinte. De quoi s'agit-il, messieurs ? Il s'agit d'examiner les comptes du ministère. Je demanderai à l'honorable M. Devaux si avant la révolulion de 1830 lui-même n'était pas un de ceux qui réclamaient le plus haut la responsabilité ministérielle, c'est-à-dire l'examen des actes des ministres ? Que faisons-nous ? Nous examinons les actes des ministres et particulièrement des actes poses en dehors des limites du budget.

L'honorable M. Devaux trouve cela très mauvais, et il accuse une partie de cette chambre de mauvaises intentions, en des termes que je ne répéterai pas ; il accuse ainsi les membres de la section centrale, parce qu'ils exécutent ce que lui-même appelait de tous ses voeux avant 1830.

Je dis, messieurs, qu'il n'y a plus de responsabilité ministérielle, lorsque le gouvernement pose un acte en dehors de la Constitution, l'on est outragé pour avoir cherché à y mettre obstacle, c'est-à-dire pour avoir signalé la vérité des faits devant la chambre.

Pour moi, messieurs, quand je vois dépasser les chiffres du budget à tel point qu'il faille 900,000 fr. de crédits supplémentaires, je me demande s'il existe encore un article de la Constitution portant que toutes les dépenses doivent figurer au budget ? En présence de cet article, je ne comprends pas qu'on vienne ainsi accuser des membres de la chambre qui ne réclament en définitive que le libre examen des dépenses faites par le gouvernement.

Vous vous déclarez partisan du libre examen, et vous dites fréquemment que les libertés publiques sont menacées ; mais qui est-ce qui menace la liberté si ce n'est ceux qui font des dépenses en dehors du budget ? Mais déclarez alors qu'il n'y a plus de chambres !

M. Rogier. - Je ne me plains pas moi, des accusations de la section centrale, au contraire, j'en suis enchanté. (Interruption.) La séance d'hier s'est terminée pour moi de la manière la plus agréable. Je crois avoir démontré que les accusations de la section centrale n'ont aucune espèce de fondement ; dès lors plus elle se montrera sévère, plus j'aurai à l'en remercier.

Quant à l'article en discussion, je persiste à dire, messieurs, que la somme consacrée aux voyages et aux missions s'élevait à 15,000 francs ; le restant a été employé en frais de bureau, traductions, etc. Il y a la une insuffisance résultant du grand surcroît de colis envoyés par les industriels.

On vient de dire que tous les voyages ont été accordés à la camaraderie.

M. Coomans. - Je n'ai pas dit : « à tous ; » j'ai dit : « à quelques-uns. »

M. Rogier. - Quatre-vingts ouvriers ont fait le voyage de Londres ; sont-ce là les camarades dont on parle ? Est-ce là de la camaraderie ? Il y a eu des délégués et des jurés ; sont-ce là des camarades ? On vient dire que ces délégués s'occupaient à Londres de tout autre chose que de l'exposition. J'ai lieu d'en douter. L'honorable M. Coomans qui l'affirme les a-t-il surveillés à Londres ? Je vous demande, messieurs, si ce sont là des assertions fort obligeantes pour des hommes qui, en cette occasion encore, ont cherché à rendre des services au pays ? Je proteste, d'ailleurs, que, dans cette circonstance, pas plus que dans toutes les autres, je n'ai posé que des actes de camaraderie.

M. Devaux. - Messieurs, les observations que j'ai présentées tout à l'heure ne s'adressaient pas à tout un côté de la chambre, mais à trois ou quatre membres qui semblent se relayer pour faire durer cette discussion. On m'interrompt pour me dire que c'est leur droit. J'ai cru qu'il était de mon droit aussi de me rendre l'interprète de l'impatience de la chambre.

Je répondrai à l'honorable M. Dumortier que je suis très-loin de vouloir qu'on n'examine pas les actes et les dépenses du gouvernement ; mais il y a plus d'une manière de les examiner ; je répondrai que j'ai fait de l'opposition et de l'opposition très active dans cette chambre ; mais jamais, au grand jamais, j'en rougirais aujourd'hui, je ne me suis mis derrière de misérables petits prétextes administratifs pour faire de l'opposition politique.

L'occasion s'en est présentée plus d'une fois ; il y a eu à cette époque au banc des ministres des hommes auxquels on reprochait des irrégularités financières, contre lesquels des bruits fâcheux s'élevaient dans les journaux et dans le public ; je me suis toujours refusé à m'associer à ces accusations. Je leur faisais loyalement une opposition politique, mais dans des questions de comptabilité, dans des détails d'administration, je n'ai jamais essayé de faire prévaloir sur leur compte une opinion qui pût se ressentir de la moindre haine de parti.

Vienne demain un ministère catholique, je ne craindrais pas de me constituer son adversaire dans une discussion politique, mais jamais on ne me verra, après avoir fui une discussion franche de mes véritables griefs, lui faire derrière de petites questions administratives une opposition qui n’a d'autre source qu'un sentiment d'hostilité politique.

M. Coomans. - Messieurs, l'honorable M. Rogier me demande s'il a fait un acte de camaraderie en envoyant une centaine de personnes à Londres. Je réponds franchement que je ne le pense pas. Il est impossible que l'honorable M. Rogier ait signé, en connaissance de cause, toutes les faveurs qu'il a accordées à ces personnes-là. Il a approuvé les préférences de ses subordonnés, voilà tout. Je dis que tout gouvernement quelconque, qui distribue des faveurs, se trompe et doit se tromper ; que ces faveurs s'accordent souvent par des motifs qui ne sont pas d'intérêt public. Des milliers de personnes auraient voulu faire gratis le voyage de Londres ; vous avez été forcé d'en choisir un certain nombre ; vous n'avez pas toujours été heureux dans ce choix ; c'est bien naturel ; et c'est parce que le gouvernement est inhabile à se mêler de ces choses-là, que je voudrais qu'il y restât constamment étranger...

M. Rogier. - Ce sont les chambres de commerce qui m'ont désigné les ouvriers...

M. Coomans. - Soit, mais c'est la chambre des représentanls qui avait fixé la somme de 12,000 francs que vous deviez respecter plus que les vœux des chambres de commerce.

L'honorable M. Devaux vient de se vanter de n'avoir jamais fait d'opposition administrative.

D'abord, je dirai qu'il ne s'agit pas en ce moment d'une opposition administrative, mais d'une opposition légale, constitutionnelle. Nous affirmons que l'ancien ministre de l'intérieur a méconnu la loi et la Constitution, qu'il a outre-passé ses pouvoirs d'administrateur. Il ne s'agit pas d'administration ici. Nous sommes dans notre droit ; il y a plus : nous remplissons notre devoir, nous le remplissons dans la mesure de notre droit ; vous n'avez rien à dire, et vos réprimandes sont plus que déplacées.

Mais il est fort inexact que l'honorable M. Devaux et ses amis n'aient pas fait d'opposition sur des questions administratives, c'est-à-dire sur des questions qu'il dépendait du gouvernement de poser dans les limites de ses attributions ; l’honorable M. Devaux a fait ce genre d'opposition ; il a fait, sur ce terrain, avec passion, une opposition plus que mesquine.

Je lui rappellerai l'affaire Retsin. (Interruption.) Je ne suis pas embarrassé d'en parler. Dans cette affaire, le gouvernement avait pose des actes qu'il était en droit de poser. Les a-t-il bien ou mal posés ? C'est une question d'appréciation. Selon moi, Retsin ne méritait pas d'être ménagé ; mais le gouvernement était dans son droit, et vous avez vécu de cet incident cinq jours durant dans cette enceinte, et des années au-dehors. (Interruption.) Je crois même que la discussion a duré toute une semaine dans cette chambre. Jamais plus méchante querelle ne fut faite au gouvernement.

Voilà une opposition que j'appelle mesquine, avilissante, c'est vous qui l'avez faite à mes amis. Votre distinction de tout à l'heure est donc fausse, et la leçon que vous vouliez nous donner ne nous est pas applicable, à nous qui usons d'un droit constitutionnel, en critiquant des actes illégaux posés par vos amis.

Du reste, c'est moins contre nous que sont dirigées les remarques critiques de l'honorable M. Devaux que contre la section centrale, laquelle a été unanime avec toutes les sections, sans distinction d'opinion, pour blâmer les dépenses que nous examinons aujourd'hui.

Il conviendrait à l'honorable M. Devaux de déplacer le débat, de l'envenimer, de faire d'une question de comptes et de légalité une petite question de clérical et de linéral. Il n'y réussira pas. Sur tous les bancs (page 1595) de la chambre, on s'accorde à reconnaître que les dépenses dont l'approbation nous est demandée sont très irrégulières ; les propres amis de M. Rogier l'avouent, et vous ne parviendrez pas cette fois, M. Devaux, à fourrer du clérical dans cette affaire. Vous ne parviendrez pas à prouver qu'il est libéral de violer la loi et que les cléricaux sont seuls capables de s'en plaindre.

- La discussion est close.

Le chiffre est adopté.

Article premier, 8° à 11°

« 8° Primes pour l'exportation de tissus de coton. Deux mille deux cent quarante-cinq francs trente-huit centimes, pour payer les primes restant dues pour l'exportation de tissus de colon (transfert) : fr. 2,245 38.

« Cette somme formera l'article 130, chapitre XXIV du budget de 1852. »

- Adopté.


« 9° Achat de pommes de terre pour la plantation. Huit mille francs, pour payer des pommes de terre pour la plantation, destinées aux communes ardennaises de la province de Namur : fr. 8,000.

« Cette somme formera l'article 131, chapitre XXIV du budget de 1852. »

- Adopté.


« 10° Indemnités pour bestiaux abattus. Quarante-deux mille francs, pour payer les indemnités restant dues pour abattage d'animaux en 1851 : fr. 42,000.

« Cette somme formera l'article 132, chapitre XXIV du budget de 1852. »

M. de Man d'Attenrode, rapporteur. - Par suite d'une proposition faite par M. le ministre de l'intérieur, la seciion centrale a porté le chiffre à 43,000 fr.

- Le chiffre de 43,000 fr. est mis aux voix et adopté.


« 11° Service vétérinaire. Dix-neuf mille cent quarante-quatre francs soixante centimes, pour payer des frais de route dus à des vétérinaires, pour 1850 et 1851 et pour payer aux membres des commissions médicales provinciales, les frais occasionnés, en 1851, pour l'inspection des officines vétérinaires : fr. 19,141 60.

« Cette somme formera l'article 133, chapitre XXIV du budget de 1852. »

- Adopté.

Article premier, 12°

« 12° Commissions d'agriculture. Trois mille cinq cent quatre-vingt-onze francs cinquante centimes, pour payer des frais dus à des membres des commissions provinciales d'agriculture, et les frais de route dus à un membre du jury institué pour juger les mémoires du concours établi par le congrès agricole : fr. 3,591 50.

« Cette somme formera l'article 134, chapitre XXIV du budget de 1852. »

M. Osy. - J'espérais que M. le ministre de l'intérieur aurait donné à la chambre la note complète de toutes les dépenses arriérées que nous devons encore payer. Mais depuis que nous avons examiné les crédits soumis à la chambre, il nous est venu un renseignement qui ferait penser qu'il peut encore en rester. Vous vous rappelez qu'il y a quelques années, il y a trois ou quatre ans, la chambre, à deux reprises, par un vote solennel, par appel nominal, décida qu'il n'y aurait plus de subsides pour les courses de chevaux.

Eh bien, le gouvernement a pris des actions en dehors du budget, et cette année les amateurs de courses ont déclaré qu'il n'y en aurait pas, parce que le gouvernement ne tenait pas ses engagements, qu'ils étaient dans l'obligation de l'attaquer pour obtenir le payement annuel auquel il avait souscrit pour ses actions. Il est très désagréable d'entendre des plaintes semblables contre le gouvernement, de l'entendre accuser de ne pas remplir ses engagements.

S'il y a, comme on me l'assure, engagement pour 120 actions à 20 fr. par an, nonobstant le vote de la chambre, le gouvernement va être attaqué. Je prierai M. le ministre de nous donner des renseignements sur•cette affaire.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - C'est une affaire ancienne. En effet, le gouvernement s'est engagé à favoriser la société des courses. La deuxième année de l'engagement est échue ; il s'agit de la payer, il y a contestation entre le gouvernement et la société pour savoir jusqu'à quelle époque doit porter cet engagement. Je crois que si on persiste à ne pas vouloir favoriser les courses cet engagement finira après 1852.

M. Osy. - Il y avait une location de terrain et de baraques ; mais depuis le vote de la chambre supprimant le subside, le gouvernement doit avoir souscrit 120 actions à 20 fr. par an. C'est une souscription en dehors de la volonté exprimée par la chambre qui à deux reprises et par appel nominal a retranché le subside qui était porté au budget pour cet objet.

Le gouvernement doit être actionné pour cette affaire. C'est très fâcheux d'avoir à soutenir un procès pour des dépenses faites en dehors du budget.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Rien n'est demandé pour cet objet ; il serait imprudent de pousser plus loin la discussion en ce moment ; il y a difficulté entre la société et le gouvernement ; j'ai l'espérance qu'elle se réglera d'une manière satisfaisante, en ce sens que l'engagement ne sera pas porté au-delà de 1852. Je prie l'honorable membre de ne pas insister ; des négociations sont en ce moment entamées.

M. Rogier. - Quand on a rayé l'allocation pour courses de chevaux, il a été entendu que le gouvernement pourrait encore intervenir ; beaucoup de membres m'ont engagé à le faire, mais pour une somme moins élevée. Voilà ce qui a eu lieu. Le gouvernement a pris des actions pour une certaine somme dans l'association, la société prétend que le gouvernement est lié pour un grand nombre d'années. Le gouvernement prétend qu'il n'était lié que d'année en année ; je répète que quand l'allocation a été rayée, il avait été entendu que le gouvernement pourrait subsidier les courses organisées par la société de Bruxelles.

Cela n'a pas été fait en dehors du budget. Il n'y a pas là l'ombre d'une irrégularité. Faut-il continuer cet encouragement ? C'est au ministre à le voir. Je crois avoir fait un acte utile en continuant à intervenir dans ces courses pour des sommes peu élevées. Il est possible, si on ne le fait plus que les courses n'aient plus lieu ; ce sera un grand dommage.

M. Coomans. - Il est impossible de ne pas protester contre les étranges doctrines qu'on professe parfois dans cette enceinte. L'honorable membre reconnaît que deux fois l'allocation pour les courses a été repoussée par la chambre ; mais il assure qu'après le vote il a été entendu entre lui et quelques membres que ce vote n'en était pas un, qu'on ne devait pas en tenir compte, et que le cabinet pouvait continuer de faire ce que la chambre lui avait défendu.

Messieurs, cette théorie est aussi dangereuse que fausse.

Il n'appartient pas à des membres, mais à la chambre seule, de prendre des décisions ; il n'appartient pas à des membres, fussent-ils réunis en conseil de guerre particulier, de défaire ce que la chambre a fait. J'affirme que la chambre a formellement voulu supprimer toute allocation pour les courses de chevaux ; le fait est notoire. (Interruption.) Si M. Rogier en doute, je vais lui rappeler des faits qui lui rafraîchiront la mémoire.

Un jour, après une longue discussion, l'allocation pour ces courses esl mise aux voix par appel nominal et supprimée à une majorité assez forte ; deux jours après, l'honorable M.Rogier n'approuvant pas cette décision (je ne lui en fais pas un crime.je conçois qu'on ne soit pas de mon avis sur les courses, cela arrive à beaucoup de mes amis), M. Rogier, dis-je, revient à la charge et après une discussion plus longue, la chambre derechef à une majorité non moins forte confirme la suppression de toute allocation. Aucune des réserves dont parle l'honorable député d'Anvers ne fut mise en avant dans le débat ; on ne saurait en trouver de traces dans le compte rendu officiel de nos séances, qui fait foi plutôt que la mémoire de M. Rogier.

Un gouvernement qui respecte le régime parlementaire aurait dû tenir compte de cette resolution ainsi manifestée. C'est faire peu de cas du régime parlementaire que de passer outre et de se mettre au-dessus de la représentation nationale.

Libre à l'honorable M. Rogier et à d'autres honorables membres de regretter la résolution prise, de la considérer comme mauvaise. Ils nous disent que la suppression des courses sera un grand dommage. Je ne veux pas discuter là-dessus aujourd'hui. Je dirai seulement que nul n'a voulu supprimer les courses, que la chambre s'est bornée à supprimer les subsides. D'ailleurs dût le turf être déserté par suite de l'abolition des subsides, j'aime mieux supprimer les courses de chevaux que les prérogatives parlementaires ; or vous les supprimez en permettant à quelques membres, d'accord avec un ministre, de défaire ce que la chambre a fait.

Ces messieurs ont montré plus de sympathie pour les courses de chevaux que pour les droits de la chambre. Je ne les en complimenterai pas. Pour moi, je vote contre le crédit à cause de la question de principe qui s'y rattache.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Je ne demande pas de crédit pour cela.

M. Coomans. - Si vous prenez l'engagement de ne pas payer, j'accepterai l'article.

M. Osy. - J'ai indiqué qu'on ferait telle chose, dit M. Rogier. C'est ainsi que pour les écoles d'agriculture il a justifié la dépense : J'ai dit qu'on ferait des écoles d'agriculture. Mais maintenant il paraît qu'on va plus loin, il n'y a plus de Constitution, plus de budget, il suffit que quelques membres se disent : La chambre a décidé telle chose, n'exécutez pas la décision, n'en faites pas moins la dépense.

Comment ! nous décidons, comme vient de le dire l'honorable M. Coomans, par un vote solennel, confirmé au deuxième vote, qu'il n'y aura plus de courses de chevaux, et l'on continue d'accorder un subside à la société des courses !

M. Coomans. - C'est se moquer de la chambre.

M. Osy. - L'honorable M. Piercot a trouvé cette marche fort irrégulière ; il ne l'a pas continuée. En cela, il a eu parfaitement raison. Qu'arrive-t-il aujourd'hui ? Que la société des courses attaque le gouvernement. Voilà où cela nous conduit : des procès intentés au gouvernement, et être mal vus de ces messieurs, qui auraient respecté le vote de la chambre, mais qui ne le respectent plus après l'interprétation qu'y a donnée l'honorable M. Rogier. Le fait est que le vote de la chambre ne (page 1596) signifie plus rien. Je vous avoue que je ne comprends pins rien au système parlementaire ; nous n'avons plus de budget ; nos décisions ne servent à rien.

Je voterai contre ce crédit, parce que je veux que l'on respecte la Constitution et les votes de la chambre.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Je considère cette discussion comme parfaitement inutile. Je ne demande pas de crédit pour les courses de chevaux ; à quoi bon discuter à ce sujet ? Cet article ne comprend pas de crédit pour les courses.

M. Coomans. - S'il est bien entendu que le gouvernement ne présentera pas de crédit supplémentaire pour les courses, nous sommes d'accord.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Le gouvernement ne demande rien ; à quoi bon discuter ? Si un crédit est nécessaire je ferai une proposition à la chambre. En ce moment, je ne demande rien.

M. Rogier. - Lorsque la chambre a supprimé le crédit de 24,000 fr. pour les courses de chevaux, il n'a pas été décidé qu'aucune somme ne serait accordée à l'avenir pour les courses de chevaux.

M. Coomans. - Si fait !

M. Rogier. - Cela a été si peu entendu que, non pas après le vote, mais pendant la discussion (je fais appel au souvenir de la chambre), d'honorables collègues sont venus me dire : Renoncez à cette allocation, dont on n'aime pas à voir figurer le libellé au budget. Vous prélèverez sur l'allocation générale « agriculture » un subside pour les courses de chevaux.

M. Coomans. - Ce n'est pas dans le Moniteur.

M. Rogier. - Je fais appel à la mémoire de plusieurs de vos amis politiques, car c'est d'eux surtout qui sont venues les sollicitations, et au sénat l'article aurait été probablement rétabli si la chose n'avait pas été entendue ainsi.

Il s'agit d'ailleurs d'une allocation annuelle de 2,000 à 3,000 fr. que le gouvernement est libre de refuser quand il le jugera convenable. Il n'y a rien là de contraire aux prérogatives de la chambre. Dans cette circonstance, pas plus que dans aucune autre, je ne m'en suis montré oublieux. Je n'ai fait que me conformer à l'interprétation qui avait été donnée pendant la discussion, au vote de la chambre.

Je fais appel au souvenir de mes adversaires eux-mêmes.

M. Prévinaire. - Il est bon que les imputations soient rectifiées, lorsqu'elles ont quelque chose d'erroné contre les intentions de ceux qui les ont émises. (Parlez ! Parlez !)

J’avais l'honneur d'être rapporteur du budget de l'intérieur ; c'est sur ma proposition, tant en section centrale qu'au sein de la chambre, que le crédit de 24,000 fr. a été supprimé. C'était spécialement au point de vue du défaut d'encouragement à l'agriculture qui existait dans le système des courses qu'on attaquait le crédit. C'était précisément parce que l'on contestait aux courses un but encourageant au point de vue agricole.

L'année suivante, au budget de 1850, on voulut rétablir le crédit ; on alléguait alors à l'appui de cette demande la circonstance que le programme de la société des courses serait modifié de manière à constituer dans les épreuves des courses un véritable encouragement pour l'agriculture. Jamais on n'a contesté qu'en thèse générale, les courses de chevaux ne fussent un encouragement pour l'agriculture. Mais on n'admettait pas que le système suivi à cette époque constituât un encouragement. Telle a été la véritable cause de la suppression du subside pour les courses.

Lorsque M. le ministre de l'intérieur vit que la société des courses modifiait son programme de manière à constituer un encouragement à l'agriculture, il a pu, à mon sens, accorder un subside à cette société. C'est sous ce rapport que je ne partage pas les scrupules des honorables membres, qui croient qu'on a proscrit d'une manière absolue toute espèce de courses ; on les attaquait seulement comme ne constituant pas un encouragement pour l'agriculture. Sous ce rapport, je suis de l'avis de l'tionorable M. Rogier que, comme ministre de l'intérieur, malgré le vote de 1848, il a pu allouer un subside à la société des courses, en vue de la modification de son programme.

- L'article 12 est mis aux voix et adopté.

Article premier, 13°

« 13° Service ordinaire de l'instruction primaire. Cinquante mille quatre cent quatre-vingt-dix francs quinze centimes, pour aider les communes à subvenir aux dépenses ordinaires du service de l'instruction primaire, en 1851 ; fr. 50,490 15 »

« Cette somme formera l'article 135, chapitre XXIV du budget de 1852. »

M. Lelièvre. - A l'occasion de l'article en discussion, je crois devoir rappeler au gouvernemcnt l'application vraie de l'article 23 de la loi du 23 septembre 1842 sur l’instruction primaire. Le texte de cette disposition est clair et précis. Il est évident que l’intervention de la province et celle de l’Etat à l’aide de subsides deviennent obligatoires dans le cas spécifié à cet article. Le gouverbement n’exécute pas la disposition en ce sens, mais s’il veut persister dans cette voie, il est indispensable qu’on modifie l’article 23 dont j’ai parlé et dont le sens clair ne peut donner lieu à interprétation.

Lorsque la loi dit : « L'intervention de la province... L'intervention de l'Etat n'est obligatoire que lorsqu'il est constaté que l'allocation de la commune, en faveur de l'instruction primaire, égale le produit de deux centimes additionnels, etc., » il est évident que l'intervention de l'Etat est obligatoire dans cette hypothèse. » Il est impossible de donner à la loi une autre portée : si l'on estime que les conséquences de notre interprétation ne peuvent être acceptées par le gouvernement, il est indispensable de réviser la disposition dont il s'agit, et la législature statuera alors après examen.

Déjà l'honorable bourgmestre de Bruxelles a appelé dans une autre occurrence l'attention du gouvernement sur l'objet dont il s'agit. Il n'est pas possible de ne pas exécuter une disposition législative dont le sens est d'une évidence absolue. Si la loi est vicieuse, qu'on la change, mais tant qu'elle subsiste, elle doit être exécutée d'après son texte et son esprit, qui ne peuvent être méconnus.

M. Jacques. - Si je demande la parole, ce n'est pas pour discuter la question d'une manière approfondie ; la chose n'est plus possible à la fin d'une session.

Je veux seulement faire remarquer que si l'honorable M. Ch. de Brouckere a émis, en décembre dernier, une opinion sur la portée de la loi de 1842, cette opinion a été combattue par le ministère et n'a pas été adoptée par la chambre dans le vote du budget. J'ajouterai qu'il y a eu, quelque temps après, un rapport de la commission des pétitions sur les demandes de quelques communes tendant à faire appliquer la loi sur l'instruction primaire dans le sens qu'avait indiqué l'honorable M. de Brouckere et qu indique aujourd'hui l'honorable M. Lelièvre.

Ce rapport soutenait l'opinion contraire et venait ainsi à l'appui de l'interprétation que le gouvernement donne à la loi. La section centrale a reproduit, dans le rapport sur lequel nous discutons aujourd'hui, le discours de l'honorable M. de Brouckere, quoique l'opinion développée dans ce discours n'ait pas été admise par la chambre, puisque le chiffre du budget n'a pas été augmenté. Il me paraît donc utile, si la chambre veut me le permettre, de reproduire également l'opinion contraire, telle qu'elle se trouve exposée dans le rapport du 28 janvier de la commission des pétitions.

Voici ce que je trouve dans ce rapport :

« Il suffit de rapprocher les articles 20 et 23 de la loi du 23 septembre 1842 pour reconnaître que l'interprétation adoptée par le gouvernement n'est nullement contraire au texte de ces articles. A la vérité, l'intervention de la province devient obligatoire lorsque les besoins de l'instruction primaire ne sont pas couverts par le produit des dons, legs et fondations, et par une allocation communale égale à 2 p. c. du principal des contributions directes, sans être inférieure au crédit alloué au budget communal de 1852 ; mais de ce que l'intervention de la province devient alors obligatoire, il ne s'ensuit nullement que cette intervention doive couvrir seule le surplus des besoins constatés : il suffit que cette intervention soit accordée dans une mesure équitable, c'est-à-dire en laissant à la charge de la commune une partie du déficit à couvrir lorsque ses ressources le permettent.

« De même, l'intervention de l'Etat devient obligatoire lorsqu'il n'est pas satisfait aux besoins de l'instruction primaire tant par une allocation communale de 2 p. c. du principal des contributions, sans être inférieure au crédit alloué au budget communal de 1842, que par une allocation provinciale de 2 p. c. des contributions, sans être inférieure au crédit alloué au budget provincial de 1842. Mais deceque l'intervention de l'Etal devient alors obligatoire, il ne s'ensuit pas non plus que cette intervention doive aller jusqu'à couvrir seule l'excédant des besoins «constatés : le vœu de la loi est rempli, dès que cette intervention est accordée dans une mesure équitable, en laissant à la charge des communes et des provinces la partie du déficit que leurs ressources peuvent raisonnablement couvrir en sus des 2 p. c. du principal des contributions.

« Cette interprétation est d'ailleurs la seule que l'on puisse adopter si l'on veut tenir compte 1° du texte si positif de l'article 20 de la même loi du 23 septembre 1842 ; 2° de l'article 131, n°10 de la loi communale du 30 mars 1836 ; 3° de l'article 69, n° 18 de la loi provinciale du 30 avril 1836 ; 4° du texte primitif de l'article 23 de la loi de 1842, et des commentaires qui en ont expliqué successivement les nouvelles rédactions. Dans le projet de loi présenté par le gouvernement en 1834, l'article 23 était rédigé comme suit (n°430 des documents de la chambre, session 1841 à 1842).

« Art. 7. Si le conseil communal ne défère pas à cette injonction, la députation permanente, sur le rapport de la commission, portera d'office au budget communal une somme pour l'érection de l'école, et déterminera le subside provincial s'il y a lieu.

« En cas de contestation entre le conseil municipal et la commission la députation permanente décidera. »

« Art. 15. En cas d'insuffisance des ressources des provinces, il leur sera alloué des subsides sur le trésor public pour contribuer aux dépenses de l'instruction primaire. »

« Dans le projet de loi amendé par le gouvernement et par la section centrale, tel qu'il est inséré à la suite du rapport de l'honorable M. Dechamps (n°395 des documents de la chambre, session de 1841-1842), l'article 23 avait reçu la rédaction suivante :

« A défaut de fondations, donations ou legs qui assurent un local et un traitement à l'instituteur, le conseil communal y pourvoira.

« En cas d'insuffisance des revenus communaux ordinaires pour l'établissement et l'entretien de l'école primaire, il y sera pourvu au moyen d'une imposition spéciale, votée par le conseil communal et qui n'excédera pas deux centimes additionnels au principal des contributions directes.

« Lorsque des communes n'auront pu, soit isolément, soit par la réunion de plusieurs d'entre elles, procurer un local et assurer le traitement au moyen de l'imposition spéciale de deux centimes, il sera pourvu aux dépenses reconnues nécessaires à l'instruction primaire par des allocations sur les fonds provinciaux.

« En cas d'insuffisance des fonds provinciaux, il y sera pourvu par une imposition spéciale votée par le conseil provincial, et qui n'excédera pas deux centimes additionnels au principal des contributions directes.

« Si les centimes ainsi imposés aux communes et aux provinces ne suffisent pas aux besoins de l'instruction primaire, il y sera pourvu par le gouvernement au moyen de subventions prélevées sur le crédit qui sera porté annuellement pour l'instruction primaire au budget de l'Etat.

« Chaque année, il sera annexé à la proposition du budget, un état détaillé de l'emploi des fonds alloués pour l'année précédente. »

« Enfin, lorsque dans la séance du 19 août 1842, M. le ministre de l'intérieur présenta la nouvelle rédaction de l'article 18 qui fut adoptée le même jour par la chambre, et qui est devenue l'article 23 lors de la classification définitive des articles de la loi, il a justifié cette nouvelle rédaction non pas dans le sens d'affranchir les communes et les provinces des obligations qu'elles ont à remplir pour l'instruction primaire dans la limite de leurs ressources ordinaires, mais seulement afin que l'Etat puisse leur continuer les subsides qui leur étaient alloués précédemment sans exiger d'abord les impositions communale et provinciale de quatre centimes additionnels aux contributions. »

Je pense, messieurs, que les diverses considérations que je viens de reproduire telles qu'elles ont été présentées à la chambre le 28 janvier dernier, suffisent pour établir que d'après la discussion qui a eu lieu en 1842, c'est bien dans le sens que le gouvernement l'applique, que la loi de 1842 sur l'instruction primaire a été décrétée.

M. A. Vandenpeereboom. - La question qu'a soulevée l'honorable M. Lelièvre est extrêmement importante, et, à diverses reprises déjà, a été examinée dans cette chambre. Je crois que le moment n'est pas venu d'agiter cette question ; et si je prends la parole, c'est pour faire remarquer que, contrairement à ce que vient de dire l'honorable M. Jacques, la chambre n'a point implicitement décidé cette question. Je fais cette réserve parce que plusieurs fois déjà, lorsque des administrations communales ou des administrations provinciales ont réclamés, M. le ministre de l'intérieur a répondu que la chambre avait indirectement approuvé l'interprétation donnée par lui puisque personne n'avait attaqué cette interprétation dans cette chambre.

Je crois donc devoir faire remarquer que rien n'est préjugé et que lors de la discussion même du budget de l'intérieur, lorsque nous avons agité cette question, il a été décidé que M. le ministre de l'intérieur l'examinerait, et que conformément à l'opinion de l'honorable M. Ch. de Brouckere et de plusieurs autres membres, il présenterait un projet de loi pour interpréter la loi sur l'instruction primaire ou pour la modifier en ce qu'elle pouvait avoir de vicieux quant à l'interprétation qu'on donnait aux articles 20 et 23 de la loi.

La question reste donc entière, je tiens à le constater.

M. Dumortier. - J'ajouterai quelques mots à ce que vient de dire l'honorable préopinant.

L'honorable M. Piercot, dans le temps, a déclaré à la chambre qu'un projet de loi serait présenté dans le sens de l'opinion de l'honorable M. de Brouckere. Il me semble que l'honorable M. de Brouckere avait donné à la loi une interprétation excessivement satisfaisante.

J'engage vivement M. le ministre de l'intérieur à profiter de ses vacances pour préparer ce projet. Car il est impossible que ces espèces de conflits qui existent entre les communes et l'Etat, continuent, et je ne doute pas que, dans sa sollicitude, il ne nous saisisse d'un projet à l'ouverture de la session prochaine.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Les études sont faites ; le projet est préparé ; il sera soumis à la chambre dans la prochaine session. Mais il faut être attentif à une chose ; c'est qu'il est impossible de satisfaire tout le monde dans cette question et surtout le trésor public. Car si vous voulez appliquer la loi telle qu'elle semble faite ou qu'elle semble, aux yeux de certains membres, devoir être appliquée, ce n'est pas 50,000 fr., c'est plusieurs centaines de mille francs qu'il faudra voter. Nous tâcherons de concilier les intérêts du trésor avec les charges des communes. Car c'est une charge essentiellement communale que celle de l'instruction primaire.

- L'article est adopté.

Article premier, 14° à 24°

« 14° Bibliothèque royale. Huit cent quatre-vingt-dix-neuf francs trois centimes, pour payer des travaux exécutés au bâtiment occupé par la bibliothèque royale : fr. 899 03.

« Cette somme formera l'article 136, chapitre XXIV du budget de 1852. »

- Adopté.


« 15° Commission royale d'histoire. Huit cent quatre-vingt-dix-neuf francs cinquante centimes, pour payer des indemnités dues aux membres de la commission royale d'histoire, pour fais de route et de séjour et pour déboursés faits pendant les années 1848, 1849 et 1850 : fr. 899 50.

« Cette somme formera l'article 137, chapitre XXIV du budget de 1852. »

La section centrale d'accord avec le gouvernenvent propose de porter ce chiffre à 1,099 fr. 3 c. »

- Ce chiffre est adopté.


« 16° Exposition générale des beaux-arts. Deux mille sept cent soixante-deux francs quatre-vingt-neuf centimes, pour payer les dépenses restant dues de l'exposition générale des beaux-arts en 1851 : fr. 2,762 89.

« Cette somme formera l'article 138, chapitre XXIV du budget de 1852. »

- Adopté.


« 17° Place des Martyrs. Mille cinq cent cinquante francs, pour payer des frais de décoration et d'entretien à la place des Martyrs : fr. 1,550.

« Cette somme formera l'article 139, chapitre XXIV du budget de 1852. »

M. de Man d'Attenrode. - Messieurs, le crédit accordé par la chambre était de 2,000 fr., le gouvernement en a dépensé 3,550 ; je déclare, quant à moi, que c'est là une dépense très irrégulière, attendu qu'elle n'etail pas indispensable.

Je me borne à cette déclaration.

- Le chiffre est adopté.


« 18° Travaux exécutés d'office au ruisseau le Fléron à Jupille. Cent trente-six francs quarante-sept centimes, pour payer les dépenses occasionnées par des travaux faits d'office au ruisseau le Fléron dans la commune de Jupille : fr. 136 47.

« Cette somme formera l'article 140, chapotre XXIV du budget de 1852. »

- Adopté.


Le n°19° est ajourné de commun accord par la section centrale et le gouvernement.

Les n°20 à 23 ont été renvoyés à la section centrale.

Le n°24 est ajourné de commun accord.

Article premier, 25°

« 25° Récompenses honorifiques et pécuniaires. Sept mille cinq cent trente francs quarante-neuf centimes, pour payer des dépenses relatives aux récompenses et pécuniaires pour les actes de dévouement et de courage en 1851 et 1852 : fr. 7,539 49.

« Cette somme sera ajoutée à l'article 47, chapitre IX du budget de 1852. »

M. de Man d'Attenrode. - Je me borne encore ici à déclarer que non seulement cette dépeuse n'était pas indispensable, mais qu'elle était même peu utile et que par conséquent elle est fort irrégulière.

M. Rogier. - Je me borne à répondre qu'ici encore il n'était pas donné au gouvernement de prévoir les justes limites dans lesquelles ce crédit pouvait être renfermé. Cela dépend de beaucoup de circonstances. Cela dépend des sinistres qui peuvent se présenter. Ainsi des inondations considérables ont donné lieu en 1851 à un grand nombre d'actes de dévouement ; c'est bien ici le cas de dire qu'on ne peut pas tout prévoir. La section centrale voudra bien remarquer que dans les années 1846, 1847 et 1848 le crédit n'a pas été absorbé, pourquoi ? Parce que dans ces années les occasions de poser des actes de dévouement n'ont pas été aussi nombreuses que dans d'autres années.

La section centrale critique la distribution des récompenses à Bruxelles. Je crois, moi, que cette innovation a généralement produit un bon effet : les citoyens qui ont posé des actes de dévouement, qui appartiennent en quelque sorte au pays tout entier, à l'humanité, viennent recevoir de la main du Roi, de la main des princes, la récompense due à leur courage ; ils retournent dans leur commune, armés de leur médaille ; ils reçoivent des ovations de leurs concitoyens ; je crois que tout cela ne peut être que fort utile.

On a critiqué aussi la remise à quelques-unes de ces personnes de livrets de la caisse de retraite. Nous croyons, messieurs, que c'est un moyen de populariser cette institution dans la classe ouvrière, d'introduire successivement dans la classe ouvrière des habitudes d'ordre et de prévoyance. Le gouvernement n'est pas intervenu ici d'une manière exagérée, puisque le nombre de livrets distribués n'a pas dépassé six. C'est un bon exemple que la possession d'un livret pour un homme qui déjà se recommande à l'estime de ses concitoyens par des actes de dévouement.

Je profite de cette occasion pour informer l'honorable M. Malou que malgré ses prévisions et d'après le compte récemment rendu que j'ai eu sous les yeux, nous avons chaque mois et presque chaque jour des progrès à constater.

M. Malou. - J'en suis charmé.

- Le crédit est adopté.

Article premier, 26° à 29°

« 26° Indemnités pour bestiaux abattus. Quarante mille francs, pour payer des indemnités restant dues pour abattage d'animaux en 1852 : fr. 40,000.

« Cette somme sera ajoutée à l'article 49, chapitre XI du budget de 1852. »

(page 1598) - La section centrale, d'accord avec le gouvernement, propose de porter ce crédit à 76,516 fr. 22 c.

- Ce chiffre est adopté.


« 27° Service vétérinaire. Dix mille francs, pour payer des frais de route et de séjour dus à des vétérinaires pour 1852 et pour payer aux membres des commissions médicales piovinciales, les frais occasionnés en 1852 pour l'inspection des officines vétérinaires : fr. 10,000.

« Cette somme sera ajoutée à l'article 50, chapitre XI du budget de 1852. »

- Adopté.


Le n°28 a été renvoyé à la section centrale.

Le n°29 a été ajourné de commun accord.

Article premier, 30°

« 30° Universités de l'Etat. Dix mille sept cent dix-neuf francs, pour payer les frais de la clinique des accouchements à l'université de Gand et pour payer des instruments et appareils pour le cours d'anatomie et les leçons pratiques de pharmacie à l'université de Liège, ainsi que pour solder l'ameublement de trois auditoires construits à la même université : fr. 10,719. »

« Cette somme sera ajoutée à l'article 69, chapitre XV du budget de 1852, qui était voté lorsque le principe de la dépense a été admis. »

M. de Man d'Attenrode. - Je demanderai à l'honorable M. Rogier comment il se fait qu'on viole les lois de crédits pour faire des dépenses qui ne sont pas plus indispensables que celles-là ? Il s'agit de l'achat d'instruments, d'appareils, etc. ; il me semble qu'il serait plus convenable de respecter la volonté souveraine des chambres que de faire de semblables dépenses. Je constate donc que ces dépenses sont très irrégulières, je le constate parce qu'on a prétendu que toutes les dépenses étaient régulières.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Si l'honorable rapporteur de la section centrale était bien au courant de l'état du matériel de nos universités, il ne ferait pas la critique à laquelle il vient de se livrer.

On n'a pas satisfait à tous les besoins, on n'a satisfait qu'aux besoins les plus urgents, les plus indispensables, tellement indispensables que si l'on n'y avait pas pourvu, le service aurait été interrompu ; et je profite de l'occasion pour annoncer à l'honorable rapporteur que ce n'est pas à un crédit pareil que le gouvernement pourra s'arrêter s'il veut mettre les cabinets dans un état à peu près satisfaisant ; il faut s'attendre à d'autres crédits ; mais les dépenses dont il s'agit ne souffraient pas le moindre délai.

M. de Man d'Attenrode. - Il ne s'agit pas, messieurs, de justifier de l'utilité des dépenses dont il s'agit ; une dépense n'est pas régulière parce qu'elle est utile ; la question est de savoir si le gouvernement a le droit de violer les lois de crédit. Le devoir du gouvernement est de respecter les prérogatives de la chambre, de respecter les lois de crédits. Quand une dépense paraît utile, le devoir de l'administration est de demander un crédit avant de faire la dépense. Voilà en quoi consiste le régime parlementaire. Votre système est le renversement complet du vote des budgets ; c'est le renversement du gouvernement représentatif.

M. Rogier. - Messieurs, j'ai d'abord une rectification à faire. Dans le rapport de la section centrale, il est dit que le crédit voté au budget a été dépassé d'une somme de 10,719 fr. ; c'est une erreur :il y a d'abord une somme de 3,141 fr. qui n'est pas une dépense nouvelle ; cette somme se rapporte à un exercice qui a été clos avant qu'il fût possible de liquider les dépenses effectuées, il n'y a ici aucune espèce d'irrégularité.

Pour le reste du crédit, messieurs, il y a une distinction à faire entre les dépenses effectuées et les propositions de dépenses, que la chambre est entièrement libre de rejeter. J'ignore s'il y a eu des achats d'instruments faits en dehors des crédits.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Messieurs, une partie du crédit est demandée pour couvrir des dépenses qui n'ont pu être ajournées et qui intéressent le matériel de nos universités ; sans cette dépense, certains cours n'auraient pu se donner. Comme vient de le rappeler l'honorable préopinant, une autre partie du crédit est un simple transfert.

M. Malou. - Messieurs, je remarque que la discussion ne porte pas sur son véritable terrain. En effet, à chaque article qui se présente, on vient dire : « La dépense est utile ; elle est effectuée ; nous n'avons pas à la discuter. »

Mais, messieurs, il y a peu de dépenses qu'on ne puisse pas, à certains égards, représenter comme utiles. Mais les chambres sont instituées pour tracer au gouvernement les limites dans lesquelles il peut faire des dépenses utiles.

Lorsque le gouvernement dépasse ces limites, il doit prouver, non pas qu'il n'a pas gaspillé l'argent, mais qu'une nécessité absolue, des motifs d'intérêt général l'ont forcé de dépasser ces limites.

Ce sont là les véritables principes. Si nous nous en écartons, nous votons des budgets purement pour la forme, et cela revient à dire que les ministres peuvent dépenser autant qu'ils veulent.

J'ai cru devoir faire ces réservesn parce j’ai entendu tout à l'heure l'honorable ministre de l'intérieur justifier l'irrégularité qu'on débat en ce moment, en disant qu'il ne s'agit que d'une somme peu importante. Mais, messieurs, la question n'est pas là. Il s'agit d'un principe ; il s'agit de rendre aux budgets, dans l'avenir, un caractère sérieux qu'ils n'ont pas toujours eu sous l'administration précédente.

M. Rousselle. - Messieurs, je demande le retranchement des mots : « qui était voté lorsque le principe de la dépense a été admis » qui terminent le second paragraphe du n°30°. C'est un motif pour voter l'allocation, mais ce n'est pas du style législatif. »

M. Rogier. - Je demande encore pardon à la chambre de parler si souvent, mais je suis obligé de faire une courte réponse à l'honorable M. Malou. Je ne veux pas passer en revue les actes de son administration. Voici ce qu'en disait un de ses amis, l'honorable M. Osy, dans la séance du 17 mai 1848 :

« En examinant le rapport de la section centrale, nous y trouvons malheureusement encore des indices de ce qui s'est passé depuis trois années dans d'autres ministères. Il y a des crédits pour des sommes dues depuis 4 ans du chef d'objets qui n'ont pas été examinés par la chambre. C'est le ministère actuel qui a trouvé ces dettes arriérées qu'on n'avait pas jusque-là osé avouer. »

M. Malou. - Messieurs, je croyais que l'honorable M. Rogier avait assez à faire dans ce débat pour se défendre lui-même : mais il paraît qu'il vise à attaquer ses prédécesseurs. Eh bien, je lui répondrai que cela détruit une de mes illusions. Je suppose que la citation qu'il vient de faire soit parfaitement exacte, qu'elle ne s'applique pas à d'autres faits ; eh bien, il nous a toujours dit qu'il était rentré aux affaires en 1847 pour inaugurer une politique nouvelle ; il s'ensuivrait qu'en cette circonstance il aurait été simplement notre continuateur.

M. Rogier. - Messieurs, si l'honorable M. Malou n'était pas venu mêler ses attaques à celles de ses honorables amis, je me serais tu sur son administration.

M. Malou. - Quand vous voudrez, nous discuterons cela.

M. Rogier. - Nous sommes prêts à vous suivre.

J'ai sous la main des récriminations en abondance ; je n'ai pas voulu en user ; je me suis borné à opposer à l'honorable M. Malou l'opinion de l'honorable M. Osy, sur les dépenses de son administration.

M. Malou. - Messieurs, qu'ai-je fait ? J'ai rétabli le principe qui me paraît devoir être suivi, et je ne pense pas que parmi les dépenses auxquelles l'honorable M. Osy faisait allusion, il y eût beaucoup de dépenses facultatives.

Voici ce qu'on a fait en 1847 : pour les travaux publics, par exemple, qui étaient échelonnés sur plusieurs années, on a accumulé tous les crédits supplémentaires nécessaires ; si mes honorables collègues ont dépassé des crédits pour faire des dépenses facultatives, je le regrette, mais c'est ce qu'il faudrait prouver et ce que vous ne pourrez pas preuver.

M. Rogier. - Messieurs, parmi les dépenses relatives à l'administration de l'honorable M. Malou dont on a fait la critique en 1848, il se trouve des dépenses facultatives ; un long débat a eu lieu alors, notamment sur l'abus des distributions de décorations. Il ne s'agissait pas de travaux publics ; on proposa de laisser à la charge du ministre les allocations qui avaient été nécessitées par la prodigalité des distinctions honorifiques. Le ministère d'alors vota contre la proposition qui ne fut pas adoptée.

- La discussion est close.

L'amendement de M. Ch. Rousselle est mis aux voix et adopté.

Le numéro 30 ainsi amendé est adopté.

Article premier, n°31

La chambre passe au numéro 31.

« 31° Indemnités, pour 1852, à des professeurs de l'enseignement moyen, qui n'on pu être compris dans la réorganisation du personnel des athénées royaux et des cinquante écoles moyennes. Quinze mille francs pour payer des indemnités pour l'année 1852 à des professeurs de l'enseignement moyen qui n'ont pu être compris dans la réorganisation du personnel des athénées royaux et des cinquante écoles moyennes : fr. 15,000 00.

« Cette somme sera ajoutée à l'article 79 du chapitre XVI du budget de 1852. »

M. Lelièvre. - Messieurs, je rappellerai à M. le ministre de l'intérieur diverses réclamations qui lui ont été adressées par plusieurs professeurs de l'athenée de Namur qui attendent qu'on liquide la pension que leur est due. Plusieurs de ces professeurs sont sans fortune et ont un besoin urgent de voir apurer leur réclamation. Je la recommande doue à la sollicitude de M. le ministre.

M. Osy. - Messieurs, je vote cette somme à regret ; dans le budget de 1853, nous avons voté un crédit pour les professeurs de l'enseignement moyen qu'on n'a pas compris dans la réorganisation, il faut donc bien aussi les indemniser pour 1852.

Mais, messieurs, je pense que cette dépense tient beaucoup à la politique ; sinon, je ne puis comprendre comment, dans un seul athénée, celui de Namur, on a mis à la retraite jusqu'à 6 professeurs ; de manière que je dis, il faut que la ville ait eu des professeurs bien peu convenables ou qu'on les ait mis ce côté pour des raisons particulières.

Maintenant qu'ils sont en disponibilité, j'engage M. le ministre à les replacer le plus tôt possible afin de faire disparaître du budget l’allocation (page 1599) pour disponibilité, ce sera une économie, car avec l'allocation qu'on vous demande, cette dépense se trouvera portée de 15,000 à 20,000 francs. J'engage M. le ministre, dans le choix de ses professeurs, à ne pas s'enquérir s'ils sont libéraux ou cléricaux, mais à consulter seulement leur instruction, leur aptitude et leur moralité.

M. Orban. - J'ai demandé la parole pour faire une observation de principe quant aux traitements d'attente. Il me semble que le traitement d'attente ne doit être accordé qu'a celui dont la place a été supprimée, qui ne peut pas remplir ses fonctions par suite de circonstances de force majeure. Mais un pareil avantage ne peut pas être accordé à un fonctionnaire qui a cessé ses fonctions, parce qu'il ne réunit pas les conditions, les capacités nécessaires pour les remplir. La plupart des professeurs auxquels on a donné des traitements d'attente étaient dans ce cas.

Lors de l'organisation de l'enseignement moyen, il n'y a pas eu de places supprimées, au contraire, on a créé un grand nombre de places nouvelles. Pourquoi alors a-t-on mis des professeurs à la retraite ? Probablement parce qu'ils n'étaient pas à même de remplir convenablement leurs fonctions. Dans ce cas, je ne comprends pas qu'il puisse y avoir obligations de leur continuer un traitement, s'ils n'out pas droit à la pension.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Je puis donner à la chambre l'assurance que la politique n'est entrée pour rien dans le choix ou le déplacement des professeurs. Pour répondre à l'observation de l'honorable M. Osy, je dirai qu'indépendamment des positions antérieures, il est d'autres considérations dont il a fallu tenir compte dans la réorganisation de l'enseignement moyen ; on comprend que dans ua service aussi considérable qu'il s'agissait de réorganiser, un grand nombre de personnes ne se trouvaient plus à la hauteur de la mission qu'elles avaient à remplir au nom du gouvernement.

Le gouvernement, convaincu de la nécessité de donner un bon enseignement à la jeunesse, et voyant d'un autre côté que certains hommes n'étaient plus à la hauteur de leurs fonctions, les a remplacés. Fallait-il les laisser dans une position qui les eût réduits à un état voisin de la misère ? Le gouvernement ne l'a pas cru, il s'est adressé aux chambres et les chambres ont compris qu'il fallait déférer à sa demande ; elles ont voté les fonds nécessaires pour leur accorder un traitement d'attente. Je demande un simple supplément au crédit que vous avez voté.

M. de Mérode. - Il est difficile de s'expliquer comment six professeurs d'un collège urbain se sont trouvés inaptes à remplir leurs fonctions au moment de l'organisation de l'enseignement moyen par l'Etat ; comment l'administration communale de toutes une ville a laissé son collège entre les mains de professeurs tellement incapables que le gouvernement n'a pas pu les employer. C'est très difficile à concevoir. L'explication de M. le ministre ne me satisfait pas à ce point de vue.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - D'abord il n'y a pas eu six professeurs remplacés. Si mes souvenirs sont exacts, il y en a eu trois ou quatre au plus ; admettons qu'il y en ait eu six, si vous le voulez ; ce n'est pas le nombre qui importe, c'est parce que la situation du personnel a exigé que quelques personnes fussent remplacées. On conçoit que, pour diriger un athénée, un cours important, on ne peut pas employer des hommes insuffisants par l'âge ou le caractère. Le gouvernement a procédé à la réorganisation avec toute la bienveillance possible. Si trois ou quatre professeurs ont été remplacés à Namur, c'est le maximum.

Maintenant on demande de replacer ceux qui sont en disponibilité. Le gouvernement répond qu'il les placera aussitôt qu'il le pourra, à l'exception de ceux pour lesquels l'âge ou l'insuffisance de caractère ne permet pas de suivre ce conseil.

M. Rogier. - Il a déjà été question, dans la discussion du budget, des professeurs non replacés. On dit qu'à Namur on en a supprimé six et que la politique a joué un grand rôle dans cette affaire. Mais plusieurs de ces professeurs ont déjà été replacés ailleurs. Je suis convaincu que dans les budgets suivants on trouvera moyen de réduire l'allocation pour cet objet, parce que beaucoup de professeurs qui n'avaient pas reçu d'emploi d'abord ont été placés depuis ; c'est donc une allocation qui tend à aller en diminuant.

Il ne s'agit pas du reste de dépenses effectuées, mais de dépenses à faire ; il s'agit de savoir si vous voulez accorder, pour 1852, ce que vous avez accordé pour 1853 et ce qu'on vous propose pour 1854. La chambre est libre d'accorder ou de refuser, c'est une proposition de dépense, rien de plus.

- Une voix. - Elle n'est pas contestée.

M. Rogier. - Ce qui est attaqué, c'est la mise en disponibilité et on prétend qu'elle a été dictée par des motifs politiques. Or, parmi les professeurs conservés, il y a un ecclésiastique et parmi les non conservés, il en est, je crois, qui ne se rapprochent pas de l'opinion de M. Osy.

Je ne veux pas entrer dans des considérations personnelles : mais je nie de la manière la plus formelle, que la politique dans le sens dans lequel l'entend M. Osy, ait eu la moindre influence dans les décisions. Les titres qu'on à consultes ont été la capacité et la confiance dont ils jouissaient auprès des parents.

M. Dumortier. - A mon grand regret je dois contester qu'il soit exact de dire que la politique soit restée étrangère à la réorganisation de l'enseignement moyen, J'en ai la preuve la plus évidente dans ce qui s’est passé à Tournai. Comment ! il y avait là un professeur, M. Leschevin, que le Roi, sur la proposition de M. Rogier lui-même, avait décoré et récompensé des brillants succès qu'il avait obtenus dans le concours général, qui avait également eu de brillants succès à l'école militaire, et on ne lui a donné qu'une nomination provisoire, comme si un homme pareil ne répondait pas à la confiance des parents. Il est donc évident que la politique était en jeu.

M. Rogier. - C'est une erreur. J'ai expliqué ce fait.

M. Dumortier. - Ce n'est pas une erreur. M. Leschevin a été nommé à titre provisoire pour affaires politiques ; et M. Moguez, alors professeur de seconde, aujourd'hui professeur de rhétorique a également reçu une nomination à titre provisoire, parce qu'il faisait partie, disait-on, d'une société en opposition avec l'association libérale de Tournai.

Voilà cependant des hommes qui ont obtenu dans les concours des prix en faveur de leurs élèves, et qui ont fait leurs preuves !

N'est-il pas étrange qu'on n'accorde qu'une nomination provisoire à un homme comme M. Leschevin dont l'enseignement a obtenu non pas seulement la satisfaction, mais l'admiration de tous, et qui dans une note insérée au Moniteur par le général Willmar, ministre de la guerre, a été signalé à la confiance des parents, comme l'homme le plus aple à préparer les jeunes gens qui se destinent à l'école militaire. Il voudrait mieux reconnaître que l'on a eu tort de faire ce qu'on a fait.

Quant à l'athénée de Namur, il y a une autre observation : six professeurs sont mis en disponibilité ; mais depuis lors on les a replacés. De deux choses l'une, ou ils sont incapables, et il ne fallait pas les replacer, ou ils étaient capables, et comme le nombre des professeurs était non pas diminué, mais au contraire considérablement augmenté, il ne fallait pas les mettre en disponibilité.

Le replacement de ces professeurs est la plus amère critique de la première mesure prise à leur égard. Si vous aviez diminué le nombre des professeurs, la mise en disponibilité aurait été possible par suppression d'emploi.

Mais ce n'est pas le cas ; le nombre des professeurs était considérablement augmenté, et l'on met ceux-ci en disponibilité ; on ne pouvait cependant prétendre qu'ils étaient incapables, puisqu'ils ont été replacés. Cela prouve bien qu'ils étaient capables. Donc on a eu tort de les mettre en disponibilité.

J'engage donc le gouvernement à ne plus faire de ces nominations de parti, surtout en matière d'enseignement.

Certainement, il y a eu un grand vice jusqu'à présent ; je le dirai avec franchise, c'est que pour la majeure partie des professeurs de l'athenée de la ville que j'habite, on n'a eu égard qu'aux opinions ; ceux qui appartiennent à l'opinion dite catholique n'ont eu que des nominations provisoires, tandis que tous ceux qui appartiennent à l'opinion libérale ont reçu des nominations définitives. Je regrette de devoir le dire ; mais je le dis en acquit d'un devoir, parce que c'est la vérité.

Est-ce donc un parti pris de diriger l'éducation de la jeunesse, en dehors des principes religieux de l'immense majorité du pays ?

Ce serait un parti fatal et funeste. En définitive si des hommes ont des connaissances spéciales, et n'ont pas de principes religieux pourquoi leur confier l'instruction de la jeunesse, alors que l'instruction séparée de l'éducation religieuse laisse un vide immense, que tout le monde a déploré en France, et que nous ne devons pas avoir à déplorer chez nous.

Le fait est vrai, et je le déplore d'autant plus vivement que les fonds de l'Etat consacrés à l'instruction publique ne sont pas destinés à donner l'enseignement dans un esprit déterminé contraire à l'esprit du peuple belge, qui a toujours compris deux choses : la foi et la liberté !

M. Devaux. - Les nominations, dans l'organisation nouvelle des athénées et des collèges n'ont pas été faites dans un esprit politique ; elles ont été faites d'après l'avis de commissions qui ont examiné les candidats et ont pris des renseignements sur leur caractère.

Ces commissions n'étaient pas composées d'hommes politiques, je puis en parler dans ce sens, je n'en faisais pas partie.

Je vous citerai un exemple qui vous prouvera quel esprit a présidé à ces nominations. Dans la ville de Bruges, ou je suis membre du bureau administratif de l'athénée, il y a eu cinq professeurs déplacés. En passant je ferai voir à l'honorable M. Dumoriier que des professeurs ont pu être mis en disponibilité, puis replacés, qu'il peut y avoir eu des raisons pour les mettre momentanément dans cette position d'attente.

Des commissaires venus sur les lieux, ont reconnu à certains professeurs une aptitude spéciale pour des positions, en dehors de l'athénée ; c'est ainsi que deux professeurs de l'athénée de Bruges ont été appelés à la place de directeurs d'écoles moyennes. Mais comme plusieurs de ces écoles, n'ont pu être organisées la même année que les athénées, il a bien fallu dans l'intervate donner en attendant un traitement ou indemnité temporaire à ceux qui se trouvaient dans cette situation provisoire.

Maintenant ce qui s'est passé à Bruges prouve combien l'esprit de parti a été étranger aux nominations : cinq professeurs comme je le disais ont été déplacés, trois ont été placés ailleurs, deux ont été admis par la ville à la pension, l'un à cause de son âge, l'autre pour suppression d'emploi, tous les deux à leur demande, ces déplacements et plusieurs chaires qui ont été créées ont nécessité des nouvelles nominations ; or, parmi les professeurs nouveaux, il y en a trois qui sortent d'établissements dirigés par le clergé, où ils étaient professeurs, et un quatrième vient directement de l'université de Louvaia où il était élève. Voilà comment on a fait acceptation de parti.

(page 1600) Ces candidats se sont présentés ; les commissaires ont constaté leur capacité, des informations ont été prises sur leur conduite et leur caractère ; et leur aptitude sous ce double rapport ayant été établie. Il n'est venu, j'ose bien l'assurer, à l'esprit de personne l'idée de considérer comme un obstacle à leur nomination leur séjour comme professeur ou comme élève dans un établissement du clergé. Voilà dans quel esprit ont été faites les nominations. Le fait que je cite est je pense très significatif.

M. Dumortier. - Et M. Leschevin !

M. Devaux. - Je n'ai pas à entretenir la chambre de M. Leschevin, que je ne connais pas, j'ignore les faits qui le concernent ; il n'a d'ailleurs pas été déplacé. Je parle des nominations nouvelles que je connais.

Je ne puis m'associer à l'honorable M. Osy pour engager M. le ministre de l'intérieur à replacer tous les professeurs qui ont été mis en disponibilité ; je l'engage à ne replacer au contraire que les professeurs capables, que ceux qui auront été jugés moralement et scientifiquement en état de remplir leurs fonctions.

- L'article 31 est adopté.

Article premier, n°32 à 38

« 32° Service ordinaire de l'instruction primaire. Quatre-vingt-deux mille quatre cent quatre-vingt-dix-sept francs soixante-quatre centimes, pour aider les communes à subvenir aux dépenses ordinaires du service de l'instruction primaire en 1852 : fr. 82,497 64.

« Cette somme sera ajoutée à l'article 82, chapitre XVII du budget de 1852. »

- Adopté.


« 33° Archives générales du royaume. Deux mille cent francs, pour payer des frais de recouvrement d'archives tombées dans des mains privées, frais de copies de documents concernant l'histoire nationale, dépenses de matériel des dépôts d'archives dans les provinces, dépenses diverses relatives aux archives : fr. 2,100.

« Cette somme sera ajoutée à l'article 98, chapitre XVIII du budget de 1852. »

- Adopté.


« 34° Collection d'armes, d'armures et d'antiquités. Onze mille trois cent quarante-quatre francs soixante-cinq centimes, pour payer des acquisitions faites à la vente de la collection d'Huyvetter à Gand : fr. 11,344.

« Cette somme sera ajoutée à l'article 107, chapitre XIX du budget de 1852. »

- Adopté.


« 35° Commission royale des monuments. Quinze cents francs, pour payer des frais de déplacement et de matériel de la commission royale des monuments : fr. 1,000.

« Cette somme sera ajoutée à l'article 111, chapitre XIX, du budget de 1852. »


- Le 36° a été renvoyé à la section centrale.


« 37° Encouragements à la vaccine. Cent cinq francs quatre-vingt-six centimes, pour prix d'une médaille décernée à un vaccinateur : fr. 508 86.

« Cette somme sera ajoutée à l'article 115, chapitre XX du budet de 1852. »

- Adopté.


« 38° Restauration et appropriation du palais de la ville de Liège, pour payer les dépenses dues et faites en 1852 : fr. 158,202 32.

« Cette somme formera l'article 137, chapitre XXIV du budget de 1852. »

- Adopté.

M. Rousselle. - Je remarque que le projet de loi du gouvernement avait rattaché au budget de 1853 l'article 38 de la section centrale.

M. le président. - Je l'ai fait passer à l'article premier.

Article 2

M. le président. - Nous arrivons à l'article 2 proposé par la section centrale et ainsi conçu :

« Art. 2. Le budget des dépenses du département de l'intérieur pour l'exercice 1853, fixé par la loi du 3 janvier 1853, est augmenté d'une somme de deux mille francs (2,000 fr.).

« N° 42. Encouragements aux beaux-arts, pour payer un deuxième à-compte à M. Jacquet, sur le prix d'un groupe en marbre, représentant l'Age d'or : fr. 2,000. »

- Cet article est adopté,

Le vote sur l'ensemble du projet est suspendu jusqu'après le rapport de la section centrale sur les articles qui lui ont été renvoyés et la discussion de ces articles.

Projet de loi accordant un crédit supplémentaire au budget du ministère de la justice

Rapport de la section centrale

M. Moreau. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale sur le projet de loi tendant à allouer un crédit de 550,000 fr. au département de la justice.

- La chambre ordonne l'impression et la distribution de ce rapport et le met à la suite des objets à l'ordre du jour.

La séance est levée à 4 heures et demie.