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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mardi 31 mai 1853

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1852-1853)

(Présidence de M. Delfosse.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 1521) M. Maertens procède à l'appel nominal à 1 heure et un quart.

La séance est ouverte.

M. Ansiau donne lecture du procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Maertens fait connaître l'analyse des pièces suivantes adressées à la chambre.

« Le conseil communal de Libin prie la chambre de rapporter la loi du 25 mars 1847, sur le défrichement des terrains incultes. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Wester présente des considérations relatives à l'industrie linière. »

- Même disposition.


« Les sieurs Fontaine et Bonus, meuniers à Chaumont-Gisloux, se plaignert de ce qu'on veut assujettir à une contribution les deux chevaux qui servent uniquement à l'approvisionnement de leurs moulins. »

- Même disposition.


« Des électeurs à Solre-St-Géry demandent que les élections aux chambres se fassent au chef-lieu du canton. »

« Même demande d'électeurs à Sainle-Cécile. »

- Renvoi à la commission des pétitions du mois de mars.


« Le conseil communal de Lillois-Witterzée prie la chambre d'accorder à la compagnie du chemin de fer du Luxembourg la concession d'un embranchement de Nivelles à Groenendael. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi relatif à cette concession.


« La compagnie Houdin-Lambert prie la chambre d'examiner simultanément la concession qu'il a demandée d'un chemin de fer de Soignies à Ninove et celle du chemin de fer de Tubise aux Acren, et de ne se prononcer sur la question d'un embranchement de Braine-le-Comte à Enghien, qu'après avoir été mise à même de prendre une décision sur son chemin de fer dit du Centre. »

- Dépôt sur le bureau pendant îa discussion du projet de loi relatif au chemin de fer de Tubise aux Acren.


« Le sieur Sluyck, notaire à Uccle, demande que les notaires cantonaux puissent instrumenter dans le ressort du tribunal de première instance, et que la troisième classe de notaires soit supprimée. »

- Renvoi à la commission des pétitions.

M. Rodenbach. - Je demande, en outre, un prompt rapport. Le pétitionnaire est membre d'une commission de 350 notaires du royaume qui l'a nommé son secrétaire. Il fait valoir que les motifs qui ont dicté.la loi du 25 ventôse an xXIsur le notariat n'existent plus, et que la division des notaires en trois classes est une atteinte portée à l'honneur, à la probité et à la capacité de ceux qui sont compris dans les dernières. Je suis tout à fait du même avis. Cette injustice doit disparaître d'un pays constitutionnel.

- La proposition de M. Rodenbach est adoptée.


« Par dépêches du 30 mai, M. le ministre de la justice, transmet avec les pièces de l'instruction, deux demandes de naturalisation ordinaire. »

- Renvoi à la commission des naturalisations.


« M. Vilain XIIII, retenu par l'indisposition de sa mère, demande un congé. »

« M. de Royer demande un congé pour cause d'indisposition. »

Projet de loi interprétatif de l’article 112 de la loi du 8 janvier 1817 sur la milice

Vote sur l’ensemble du projet

Nombre des votants 66.

60 membres répondent oui.

2 (MM. Jacques et Vander Donckl) répondent non.

2 (MM. Vermeire et Orban) s'abstiennent.

En conséquence, le projet de loi est adopté. Il sera transmis au sénat.

Ont adopté : MM. Veydt, Visart, Ansiau, Brixhe, Closset, Coomans, Dautrebande, David, de Baillet (Hyacinthe), de Brouwer de Hogendorp, de Decker, de Haerne, Deliége, de Man d'Attenrode, de Naeyer, de Perceval, de Portemont, Dequesne, de Renesse, de Ruddere de Te Lokeren,de Sécus, de Steenhault, de Theux, de T'Serclaes, Devaux, de Wouters, Jouret, Landeloos, Lange, Laubry, le Bailly de Tilleghem, Lebeau, Le Hon, Lesoinne, Loos, Maertens, Magherman, Mascart, Matthieu, Moreau, Moxhon, Orts. Osy, Pierre, Pirmez, Rodenbach, Rogier, Adolphe Roussel, Ch. Rousselle, Sinave, Thiéfry, Thienpont, Tremouroux, A. Vandenpeereboom, Ernest Vandenpeereboom, Van Iseghem, Van Overloop, Van Remortere, Van Renynghe et Delfosse.

M. le président invile les membres qui se sont abstenus à faire connaître les motifs de leur abstention.

M. Vermeire. - Je me suis abstenu, parce qu'il m'a été impossible d'assister à la discussion.

M. Orban. - Le principe qui fait l'objet de cette loi étant incontestable, je ne pouvais voter contre. Mais ce principe n'étant pas, selon moi, violé par les arrêts des députations permanentes soumis à cassation, j'ai cru que la loi était inutile, et je n'ai pas voulu voter pour.

Projet de loi accordant des crédits supplémentaires au budget du ministère de la justice

Vote des articles et sur l'ensemble du projet

M. Moreau, rapporteur. - J'ai demandé la parole pour signaler une erreur typographique dans le rapport. Le quatrième alinéa est ainsi conçu :

« Depuis 1848 inclus 1851, les sommes qui ont été dépensées pour cet objet, montent à 527,000 francs (savoir : crédits ordinaires des budgets 235,000 fr., crédits supplémentaires 292,000 francs). »

11 faut lire : « Depuis 1848 jusqu'à 1853 inclus, les sommes, etc. »

J'ai cru qu'il convenait de rectifier cette erreur.

- La discussion générale est close.


« Art. 1er. Le budget des dépenses du ministère de la justice pour l'exercice 1852, fixé par la loi du 10 avril 1851, est augmenté d'une somme de quarante-huit mille neuf cent dix-neuf francs soixante-quatre centimes (fr. 48,919 64 c.) répartie comme suit :

« Chapitre VI, article 21. Publication d'un recueil d'anciennes lois, etc. : fr. 2,919 64.

« Chapitre IX, article 34. Frais d'entretien et de transport d'indigents : fr. 46,000. »

- Adopté.


« Art. 2. Le budget des dépenses du même déparlement pour l'exercice 15c3, fixé par la loi du 18 décembre 1852, est augmenté, pour imputation de dépenses concernant les exercices clos de 1851 et antérieurs, jusqu'à concurrence d'une somme de quatre-vingt-treize mille francs (fr. 93,000), laquelle sera répartie, sous un chapitre XIII nouveau, conformément au détail suivant :

« Chapitre XIII.

« Paragraphe 1. Frais de justice.

« Art. 55. Frais de justice en matière criminelle, correctionnelie et de police, en 1851 : fr. 728 65. »

« Paragraphe 2. Cultes

« Art. 56. Pensions pour les ministres des cultces en 1851 : fr. 517 50.

« Paragraphe 3. Etablissements de bienfaisance

« Art. 57. Frais d'entrelien et de transport d'indigents étrangers au royaume ou dont le domicile de secours est inconnu, de 1828 à 1850 : fr. 8,000.

« En 1851 : fr. 76,000.

« Ensemble : fr. 84,000 ?

« Art. 58. Subsides à des établissements de bienfaisance en 1851 : fr. 121 40.

« Paragraphe 4. Prisons

« Art. 59. Frais d'entretien de détenus en 1851 : fr. 1,137 79.

« Art. 60. Constructions nouvelles et réparations dans les prisons :

« En 1851 : fr. 1,511 45

« De 1849 à 1851 : fr. 625 26.

« Ensemble : fr. 2,136 71 ?

« Art. 61. Honoraires et indemnités de route aux architectes, en 1850 : fr. 8 33.

« Art. 62. Entretien du mobilier dans les prisons : fr. 1,190 65.

« Paragraphe 5. Dépenses diverses

« Art. 63. Dépenses diverses de toute nature, mais antérieures à 1852 : fr. 3,158 97.

« Total du chapitre XIII : fr. 93,000. »

- Adopté.


« Art. 3. Les allocations portées au articles 1 et 2, qui s'élèvent à 141,919 fr. 64 c, seront couvertes au moyen de bons du trésor.”

- Adopté.


(page 1522) Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet de loi.

Il est adopté à l'unanimité des 66 membres présents qui ont répondu à l'appel. Il sera transmis au sénat.

Ont répondu à l'appel : MM. Vermeire, Veydt, Visart. Ansian, Brixhe, Closset, Coomans, Dautrebande, David, de Baillet (Hyacinthe), de Brouwer de Hogendorp, de Decker, de Haerne, Deliége, de Man d'Attenrode, de Naeyer, de Perceval, de Portemont, Dequesne, de Renesse, de Ruddere, de Sécus, Desmaisières, de Steenhault, de Theux, de T'SercIaes. Devaux, de Wouters, Jacques, Jouret, Julliot, Landeloos, Lange, le Bailly de Tilleghem, Le Hon, Lesoinne, Loos, Maertens, Magherman, Mascart, Matthieu, Mercier, Moreau, Moxhon, Orban, Orts, Osy, Peers, Pierre, Pirmez, Rodenbach, Rogier, Roussel (Adolphe), Rousselle (Ch.), Sinave, Thiéfry, Thienpont, Tremouroux, Vandenpeereboom (A.), Vandenpeereboom (E.), Vander Donckt. Van Iseghem, Van Overloop, Van Remoortere, Van Renynghe et Delfosse.

Projet de loi accordant un crédit supplémentaire au budget du ministère de la justice

Dépôt

M. le ministre de la justice (M. Faider). - Le Roi m'a chargé, ainsi que mon collègue des finances, de présenter un projet de loi ayant pour objet d'ouvrir au département de la justice un crédit de 550,000 francs à titre d’avance pour l’exercice courant.

Ce crédit sera affecté à la fabrication de toiles pour l'exportation dans les prisons. La chambre sait que c'est une simple avance de fonds à charge de remboursement avec bénéfice. L'exposé des motifs explique la situation de cette fabrication de la prison de Saint-Bernard.

- Il est donné acte à M. le ministre de la présentation du projet de loi qu'il vient de déposer.

Ce projet et les motifs qui l'accompagnent seront imprimés, distribués et renvoyés à l'examen des sections.

M. le ministre de la justice (M. Faider). - Je prie la chambre de remarquer que ce projet de loi est très urgent ; il a pour but d'assurer le travail dans la prison de Saint-Bernard.

Projet de loi relatif aux conditions d’admission et d’avancement dans les armes spéciales

Vote des articles et sur l'ensemble du projet

M. le président. - M. le ministre de la guerre étant présent, demande qu'on s'occupe maintenait du projet de loi réglant les conditions d'admission et d'avancement dans les armes spéciales, projet qui a un certain caractère d'urgence. Y a-t-il opposition ? (Non ! non !)

En ce cas, nous abordons la discussion de ce projet de loi.

La section centrale conclut à l'adoption des cinq articles présentés par le gouvernement et propose d'ajouter au projet un sixième article ainsi conçu :

« Les lois du 19 mai 1845 sur l'organisation de l'armée et du 17 mai 1846 sur l'avancement des officiers de l'artillerie et du génie au grade de capitaine, sont abrogées. »

Le gouvernement se rallie-t-il à cet amendement de la section centrale ?

M. le ministre de la guerre (M. Anoul). - Oui, M. le président.

M. le président. - En conséquence la discussion est ouverte sur le projet de la section centrale.

- Personne ne demandant la parole dans la discussion générale, la chambre passe à la délibération sur les articles.


« Art. 1er. Le corps d'état-major se recrute à l'école militaire et dans l'armée. Les 2/3 des emplois vacants de capitaine de 2ème classe sont assurés aux lieutenants du corps ; le 1/3 restant est réservé aux capitaines de 2ème classe et aux lieutenants de toutes armes qui ont satisfait à un examen dont le programme est déterminé par arrêté royal. Les lieutenants de cette catégorie doivent avoir au moins 4 années de grade pour être admis à subir l'examen. Toutefois, à défaut de concurrents parmi les capitaines de 2ème classe et les lieutenants des autres armes, les emplois vacants de capitaine peuvent être accordés en totalité aux lieutenants du corps d'état-major.

« Les capitaines et les lieutenants de l'armée, admis dans le corps d'état-major, y prennent rong à la suite des capitaines de 2ème classe, dans l'ordre de leur ancienneté de grade. »

- Adopté.


« Art. 2. Les officiers anciens élèves de l'école militaire, ne peuvent être admis définitivement dans le corps d'état-major, avant d'avoir été promus au grade de capitaine.

« Ils obtiennent ce grade à la suite d'un examen dont le programme est déterminé par arrêté royal. Les officiers qui ne satisfont pas à l'examen sont places dans un corps d'infanterie ou de cavalerie.

« Les lieutenants et sous-lieutenants qui fout actuellement partie du corps d'état-major conserveront cette position ; toutefois, les dispositions relatives à l'avancement leur sont applicables. »

- Adopté.


« Art. 3. Les emplois vacants de sous-lieutenant dans l'état-major particulier du génie sont donnés exclusivement aux élèves de l'école militaire qui ont satisfait aux examens de sortie exigés pour les armes spéciales.

« Les emplois vacants de sous-lieulenant dans les troupes du génie sont donnés : les 2/3 aux élèves de l'école militaire ayant satisfait aux conditions prémentionnées, à moins d'insuffisance de sujets capables ; 1/3 aux sous-officiers de ces troupes qui, après examen, sont reconnus capables de remplir ces emplois.

« Les lieutenants ou capitaines de cette dernière catégorie ne sont admis aux emplois dans l'état-major particulier du génie, qu'après avoir satisfait à un nouvel examen, dont le programme est fixé par arrêté royal.

« Les règles de passage des officiers de l'état-major particulier du génie dans les troupes de cette arme, font l'objet de dispositions réglementaires à déterminer par arrêté royal. »

- Adopté.


« Art. 4. Par dérogation à l'article 8 de la loi du 16 juin 1836 sur le mode de l'avancement dans l'armée, nul lieutenant ne peut être promu au grade de capitaine dans les armes de l'artillerie et du génie, s'il n'a fait preuve des connaissances indispensables à ce grade, dans un examen dont le programme sera arrêté par le ministre de la guerre. »

- Adopté.


« Art. 5. La disposition de l'article précédent n'est pas applicable aux officiers sortis de l'école militaire qui ont satisfait aux examens prescrits pour l'admission dans les armes de l'artillerie et du génie, ni aux officiers qui, ayant fait partie des sections spéciales de l'école militaire, ont satisfait aux examens de la fin des cours. »

- Adopté.


« Art. 6. Les lois du 19 mai 1845, sur l'organisation de l'armée, et du 17 mai 1846, sur l'avancement des officiers de l'artillerie et du génie au grade de capitaine, sont abrogées. »

- Adopté.


Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet de loi qui est adopté à l'unanimité des 66 membres présents.

Ce sont : MM. Vermeire, Veydt, Visart, Ansiau, Brixhe, Closset, Coomans, Dautrehande, David, de Baillet (Hyacinthe), de Brouwer de Hogendorp, de Decker, de Haerne, Deliége, de Man d'Attenrode, de Naeyer, de Perceval, de Portemont, Dequesne, de Renesse, de Ruddere, de Sécus, Desmaisières, de Theux, de T'Serclaes, Devaux, de Wouters, Jacques, Jouret, Julliot, Landeloos, Lange, Laubry, le Bailly de Tilleghem, Lebeau, Le Hon, Lesoinne, Loos, Maertens, Magherman, Mascart, Matthieu, Mercier, Moreau, Moxhon, Orban, Orts, Osy, Peers, Pirmez. Rodenbach, Rogier, Roussel (A.), Rousselle (Ch.), Sinave, Thiéfry, Thienpont, Tremouroux, Vandenpeereboom (A.), Vandenpeereboom (E.), Vander Donckt, Van Iseghem, Van Overloop, Van Remoortere, Van Renynghe et Delfosse.

Ordre des travaux de la chambre

M. Osy. - Messieurs, je proposerai à la chambre de s'occuper maintenant du projet de loi relatif à la négociation d'un capital de 11,964,600 francs remboursé par la conversion des emprunts de 1840, 1842 et 1848.

- Cette proposition est adoptée.

M. Pierre (pour une motion d’ordre). - Messieurs, le pélitionnement est l'exercice d'un droit constitutionnel. Ce droit constitue une prérogative qui appartient à la nation. Il serait superflu de démontrer que cette sauvegarde des intérêts de chacun et de la chose publique en général mérite le respect de la chambre. Celle-ci en a toujours donner des preuves irrécusables, et chaque jour vient encore y ajouter un nouveau témoignage. Ne nous arrive-t-il pas à chaque instant d'ordonner un prompt rapport sur telle ou telle pétition, quoiqu'elles concernent assez souvent des objets d'importance secondaire et parfois fort contestables. Je ne blâme pas un aussi bienveillant accueil ; au contraire, je n'hésite pas à y prêter mon concours.

En présence de semblables précédents et du respect que nous avons constamment montré pour le droit de pétition, j'ai lieu de m'étonner que l'on paraisse vouloir entrer dans une autre voie.

Nous touchons à la fin de la session, et l'on semble généralement peu disposé à aborder la question de la réforme électorale, soulevée par plu de 700 pétitions, dont plusieurs émanent de corps constitués. Je ne puis, par mon silence, m'associer à une telle inertie, qui serait en opposition flagrante avec la marche suivie ordinairement par la chambre. Renvoyer à la session prochaine et peut-être indéfiniment la discussion de ces nombreuses pétitions, ce serait afficher une sorte de dédain pour le droit lui-même, ce serait lui porter indirectement atteinte.

Pour légitimer notre inaction, il ne nous resterait pas même le prétexte d'une excuse. Le rapport sur les pétitions dont je m'occupe a été déposé en la séance du 3 mai courant, il y a donc près d'un mois. Il a été aussitôt imprimé et distribué. Ce n'est pas le temps qui nous a manqué depuis lors pour entamer la discussion. Plusieurs fois l'ordre du jour s'est trouvé à peine suffisamment rempli.

N'aspirant pas à la prétention de diriger nos débats parlementaires, j'espérais voir d'un moment à l'autre surgir une demande de mise à l'ordre du jour et j'attendais.

Le terme de notre session approchant, comme je l'ai dit tout à l'heure, il ne m'était pas possible d'attendre plus longtemps.

D'ailleurs, en présence des déclarations faites dans l'une de nos dernières séances, par des représentants considérables des deux opinions qui divisent la chambre et le pays, il ne m'était plus permis de compter sur la discussion immédiate.

(page 1523) Je persistais néanmoins dans ma conviction qu'il était convenable, nécessaire, de ne pas tenir cette discussion en suspens, et qu'il fallait l'aborder avant de nous séparer.

Je me vis dès lors amené à user de mon initiative, en faisant la motion d'ordre que je viens vous soumettre.

N'importe-t-il pas, en définitive, de lever au plus vite la véritable suspicion que l'on fait peser sur une de nos lois importantes, votée à l'unanimité par les deux chambres, il y a moins de cinq ans ? Laisser planer sur elle une semblable incertitude, la mettre en quelque sorte au ban de l'opinion publique, n'est-ce point affaiblir sa force morale ? Evidemment. Il est devenu urgent que lumière se fasse. J'ai en conséquence, messieurs, l'honneur de vous proposer de mettre la discussion du rapport de la commission des pétitions sur la réforme électorale à l'ordre du jour de vendredi prochain. Ce délai me paraît indispensable afin que tous nos collègues absents puissent se rendre à leur poste.

M. Devaux. - Messieurs, je viens appuyer la motion de l'honorable M. Pierre. Je crois, avec l'honorable préopinant, qu'en présence de pétitions aussi nombreuses, il est impossible que la chambre ne procède pas à l'examen des griefs réels ou prétendus qui en sont l'objet. Il est impossible que la chambre éconduise des centaines de pétitionnaires, et il est étrange qu'on laisse à des membres de l'opinion libérale le soin de le rappeler. En présence d'un mouvement qu'on a étendu si loin dans le pays, en présence de toute cette agitation qu'on a provoquée dans les campagnes, la dignité exige ici des uns comme la justice des autres, qu'on fasse en cette circonstance ce qu'on fait pour le plus humble et le plus isolé des pétitionnaires, c'est-à-dire qu'on entende la lecture du rapport, qu'on le discute et qu'on vote sur les conclusions proposées.

Si au moins on avait été d'accord pour ne plus parler des prétendus griefs des pétitionnaires ; si le silence que gardent ceux qui semblent sympathiser plus ou moins avec eux, si ce silence était un abandon, on pourrait ne pas insister pour la discussion ; si nous ne fuyons pas les discussions politiques, ce n'est pas nous qui les cherchons.

Mais cette masse de pétitions que nous n'avons pas provoquées on ne les abandonne pas. Si on désire ne pas les discuter, on ne nous en menace pas moins d'en faire passer le contenu dans nos lois et de prendre l’année prochaine l'initiative d'une proposition formelle. Dès lors, puisque nos adversaires craignent si peu de prendre l'offensive, puisqu'ils n'abandonnent pas leurs projets, il n'y a plus à hésiter, il faut que la lumière se répande sur toutes ces réclamations, il faut que la discussion ait lieu.

Loin d'agiter les esprits, elle les calmera plutôt, elle empêchera qu'on ne s'agite davantage, car il ne me surprendrait pas que ceux qui semblent peu désirer que la question se discute ici ne se remissent, à la faveur de la clôture de la chambre, à agiter de nouveaux le pays dans l'intervalle des deux sessions.

J'ai vu dans plus d'une circonstance des questions de ce genre grossir au-dehors jusqu'à ce qu'arrivées ici elles perdent une grande partie de leur importance en se réduisant à leurs véritables proportions.

J'appuie donc la proposition de l'honorable M. Pierre, et je fais remarquer qu'il ne s'agit pas d'une longue discussion ; l'ajournement de la chambre ne sera que très peu retardé.

M. de Theux. - Messieurs, je nie joindrais très volontiers à la demande des honorables préopinants, pour fixer la séance dans laquelle le rapport de la commission des pétitions sera discuté ; mais cette discussion me paraît complètement inutile en ce moment, et je n'hésite pas à déclarer que si nous n'avons pas pris l'initiative de cette demande, c'est que nous croyions qu'il y aurait eu une double discussion, l'une, actuellement, et l'autre, plus tard.

La discussion qui aurait eu lieu actuellement, n'aurait pu être suivie d'effet, puisque la session est sur le point d'être close et qu'il ne peut être question de saisir la chambre d'un projet de loi dans ce moment. Nous avons cru que la discussion viendrait plus utilement dans le cours de la session prochaine lorsqu'un projet de loi serait présentée...

M. Rogier. - Par qui ?

M. Coomans. - Par nous.

M. Rodenbach. - Messieurs, il est certain que la loi électorale consacre de grandes injustices...

M. le président. - Il ne faut pas discuter le fond ; il s'agit uniquement de savoir si on mettra le rapport de M. Jacques à l'ordre du jour.

M. Rodenbach. - 700 pétitions sont la preuve irrécusable du grief que nous articulons contre la loi électorale. Je ne recule pas devant la discussion, et si on veut la fixer à l'ordre du jour, comme le propose un honorable préopinant, je ne demande pas mieux ; car plus tôt les iniquités disparaissent d'un pays constitutionnel, plus on doit s'en applaudir.

M. Visart. - Messieurs, il n'est pas possible de discuter convenablement, en ce moment, sur des pétitions abordant une question aussi importante et qui menace d'être aussi controversée que celle dont il s'agit. Il est évident, dès lors, que cet incident absorberait beaucoup de temps. Ce n'est pas quand elle est à la veille de se séparer que la chambre doit, prématurément, accepter une pareille discussion et cela inutilement, puisqu'elle n'aboutirait pas. Il faut éviter de multiplier dans cette enceinte des débats tendant à prendre un caractère irritant qui, dans les circonstances actuelles, serait plus regrettable que jamais, J'ai dit, messieurs ; j'ai dit en peu de mots, mes motifs étant, me semble-t-il, faciles à comprendre.

M. Coomans. - Je tiens à faire remarquer, messieurs, que le retard dont on se plaint aujourd'hui ne nous est pas imputable. Il y a trois mois, la commission des pétitions avait préparé un rapport étendu sur les réclamations des électeurs ruraux, et l'honorable M. Jacques était prêt à le déposer sur le bureau de la chambre. Nous pensions tous que l'heure du débat avait sonné, lorsque des bancs opposés à ceux où je siège surgit tout à coup une motion d'ordre tendant à remettre de plusieurs semaines une discussion devenue indispensable.

Cette motion, nous la combattîmes, mais elle prévalut ; M. Jacques fut dépossédé de son mandat, dans l'espoir qu'une autre commission et un autre rapporteur seraient moins favorable aux pétitionnaires. C’est espoir fut déçu, mais on avait gagné du temps. Si les honorables membres qui paraissent si empressés aujourd'hui d'ouvrir la lutte désiraient sincèrement que la question fût vidée, ils avaient une belle occasion il y a trois mois. Loin d'en profiter, ils l'ont repoussée. Quant à moi, j'accepte le rendez)vous qu'on nous offre ; je m'y rendrai avec plaisir, avec l'espérance de faire triompher la bonne cause, car c'est toujours avec plaisir que je vois disparaître une iniquité.

M. Devaux. - Messieurs, avant de dire que nos lois contiennent une iniquité, je crois qu'il faudrait laisser discuter la question de savoir si ce dont on se plaint est inique ou équitable. Les honoraires orateurs de la droite disent qu'ils veulent la discussion comme nous. Je regrette qu'ils ne l'aient pas demandée depuis un mois que le rapport est déposé ; c'était bien leur rôle et non pas le nôtre. Nous avons dû attendre, croyant qu'ils ne nous laisseraient pas le soin de le remplir.

L'honorable M. Coomans révoque en doute la sincérité de notre désir de voir aborder l'examen des pétitions ; sous ce rapport la sincérité des uns et des autres va être constatée à l'instant même par l'appel nominal que je réclame sur la motion d'ordre de l'honorable M. Pierre.

M. Dumortier. - Messieurs, quant à moi, je suis un de ceux qui ont désiré l'examen des réclamations relatives à la réforme électorale. Si cette discussion n'a pas eu lieu jusqu'à présent, ce n'est pas la faute de ceux qui voulaient cet examen, c'est au contraire, la faute, si faute il y a, de ceux qui sont opposés aux réclamations des pétitionnaires. L'honorable M. Jacqurs a annoncé il y a trois mois qu'il était prêt à déposer son rapport ; nous étions sur le point de le discuter. C'est précisément de la gauche qu'est venue la proposition d'ajourner la discussion à plusieurs mois, de retirer les fonctions de rapporteur à l'honorable M. Jacques et de renvoyer les pétitions à l'examen d'une commission qui ne devait se former que plus tard. Ainsi on a renvoyé le rapport à trois mois. Voilà comment les faits se sont passés. Ce n'est pat à ce côté de la chambre qu'on peut faire un reproche de tardiveté. S'il y a tardiveté, le reproche en est à ceux qui ne voulaient pas que M. Jacques fît un rapport que cependant il a fait malgré tout depuis. Alors je me suis opposé à ce qu'on empêchât M. Jacques de faire un rapport ; beaucoup de membres se sont levés pour demander que M. Jacques pût faire son rapport trois jours après, comme il l'indiquait ; si cela n'a pas eu lieu, à qui la faute ? A vous ! Vous n'aviez qu'à laisser faire le rapport.

Je crois même, je ne l'affirmerais pas, que l'honorable M. Devaux est un de ceux qui se sont opposés à ce que ce rapport fût fait. Comment pouvez-vous nous imputer à crime ce qui est votre fait ? Maintenant, c'est quand la chambre compte se séparer samedi, qu'on demande l'examen d'une question si délicate ; c'est vouloir arrêter la discussion des concessions de chemin de fer et de tous les intérêts matériels qui attendent une solution.

Quand M. Jacques est venu, au mois de février dernier, dire qu'il était prêt à déposer son rapport, quelle était la position ? C'est qu'en supposant qu'une réforme pût être introduite dans la loi électorale, elle trouvait son application au mois d'avril suivant, lors de la révision des listes électorales ; il y avait alors un motif sérieux pour presser l'examen de cette question ; mais aujourd'hui que les listes sont arrêtées, il n'y a plus rien qui presse ; car en supposant que la chambre adopte une modification, vous ne changerez pas pour cela les listes électorales qui ont été arrêtées. Ce qui était urgent en février quand M. Jacques voulait présenter son rapport ne l'est plus maintenant que nous sommes arrivés au mois de juin.

M. Rousselle. - Je ne vois pas de rapport entre la formation des listes électorales et la question soulevée.

M. Rousselle. - Il y a des demandes de réforme qui touchent à la formation des listes.

M. Rousselle. - C'est votre opinion ; vous me permettrez d'en avoir une autre.

Nous voyons la difficulté que la chambre a de se trouver en nombre pour s'occuper des objets matériels les plus urgents, pour terminer les travaux que le gouvernement désire voir finir avant la clôture de la session. Plusieurs projets très importants viennent encore d'être déposés ; les sections vont s'en occuper ; quoi que vous fassiez, vous en avez encore au moins pour huit jours. La chambre est fatiguée d'une session très longue et très remplie, chacun désire rentrer chez soi et ne se sent pas disposé à entamer une discussion politique de la plus haute importance.

Je m'oppose à la motion d'ordre ; elle ne peut avoir d'effet si ce n'est d’entamer une discussion politique qui serait très longue. S'il ne s'agissait que de voter sur les conclusions de la commission, le dépôt au bureau des renseignements, ce serait bientôt fait ; mais si l'on met le (page 1524) rapport à l'ordre de jour, il est impossoble qu'on n'aborde pas et qu'on ne traite pas très longuement le côté politique de la question électorale.

Puisqu'on annonce pour la session prochaine la présentation d'un projet de loi, peu importe de quelle part on le lance, quand nous en serons saisis ce sera le moment d'ouvrir la discussion.

Je m'oppose donc à la demande d'ordre du jour.

M. de Renesse. - Messieurs, conformément à l'opinion émise par l'honorable préopinant, je regrette, comme lui, que la motion ait été faite de discuter, dans quelques jours, le rapport de l'honorable M. Jacques, sur les pétitions relatives à la réforme électorale.

Il me semble que le moment n'est pas opportun, à la fin d'une session laborieuse, pour pouvoir s'occuper utilement d'une affaire aussi importante que la réforme d'une de nos lois organiques.

Je n'ai pas provoqué le pétitionnement, je regrette qu'il ait eu lieu ; il faut, autant que possible, éviter et ajourner les luttes politiques qui nuisent presque toujours au pays, surtout dans le moment actuel. J'eusse désiré, s'il fallait toucher à la loi électorale, que l'on eût attendu après les élections de l'année prochaine ; alors, si l'on persistait dans la résolution de modifier cette loi organique, on en aurait pu conclure qu'il y avait réellement lieu d'y apporter certains changements.

M. Pierre. - On vient de s'opposer à ma motion par de singuliers motifs. On a dit qu'elle a pour but de jeter l'agitation dans le pays, tandis qu'elle produira précisément l'effet inverse.

Si, avant de prendre part à ce grand pétitionnement, le pays avait connu la portée de ce qu'on lui faisait demander, il n'y aurait pas eu 700 pétitions, dont le plus grand nombre tend à la réforme ; beaucoup de pétitionnaires auraient reculé devant une réforme, réclamée inconsidérément.

Maintenant que le mal est fait, nous désirons qu'on ne puisse pas le pousser plus loin ; il importe qu'on ne l'aggrave pas en cherchant à passionner ultérieurement encore le pays.

La discussion que je demande a pour but de faire cesser une agitation factice... (Interruption.)

M. Rodenbach. - Vous insultez les pétitionnaires !

M. le président. - M. Rodenbacb, vous n'avez pas la parole.

M. Pierre. - Je n'insulte personne, je ne fais qu'exprimer mon opinion et j'en ai le droit.

M. le président. - J'engage M. Pierre à se maintenir dans la çueslion d'ordre du jour, et à ne pas exprimer maintenant d'opinion sur les pétitions.

M. Pierre. - J'entends m'occuper exclusivement de la question d'ordre du jour. Je ne crois pas d'ailleurs en être le moins du monde sorti.

M. Ch. Rousselle vous a dit que nous avons la plus grande peine à nous trouver en nombre pour nous occuper d'intéiêts matériels. Comment voulez-vous, a-t-il ajouté, que pour une question d'intérêt moral ou politique nous soyons en nombre suffisant ?

Je lui répondrai : Vous placez donc les intérêts matériels au-dessus des intérêts moraux ? C'est une singulière argumentation, dont je ne vous féliciterai pas. La chambre, j'en suis sûr, comprendra assez l'importance de la question qui va s'agiter, pour que chacun se trouve à.son poste. J'ai trop de foi dans le patriotisme de mes collègues pour en douter un seul instant.

On dit que nous allons nous séparer dans huit jours. Dans tous les cas, messieurs, le mois de juin sera commencé. Avant la clôture de la session, l'intérêt du pays exige que nous utilisions ce mois-là.

Je n'en dirai pas davantage. Chacun de vous saisira la portée de mes paroles.

M. Mercier. - Je suis partisan de la réforme électorale réclamée par les pétitionnaires. Je la demanderais pour mon arrondissement seul qui la sollicite depuis longtemps, alors qu'elle ne serait pas l'objet d'une mesure générale. Cependant, je ne puis appuyer la proposition de discuter cette question à la fin d'une session.

Je partage l'opinion des honorables MM. Ch. Rousselle et de Renesse. Il me semble que, bien loin de faire cesser l'agitation, la discussion la fera naître. Ce qui s'est fait avec calme jusqu'aujourd'hui se ferait avec passion par suite de débats irritants. Il me semble donc préférable de laisser dormir cette question pendant quelques mois, sauf à la reprendre plus tard.

Une des conséquences de la discussion immédiate serait, comme l'a fait remarquer l'honorable M. Rousselle, de faire ajourner à la session prochaine la discussion des projets d'intérêt immédiat tels que chemins de fer, dont la chambre est saisie ; ou bien la chambre devrait siéger jusqu’à la fin du mois. Si l’on y est disposé, j’y souscris pour ma part. Mais je doute fort que la chambre veuille, pour se livrer à une discussion inutile en ce moment, prolonger une session déjà fort longue.

Je ne puis donc adhérer à la proposition ; elle serait sans résultat ; la discussion immédiate n'aboutirait à rien. Les honorables membres qui ont manifesté l'intention de déposer un projet de loi pour décréter le vote au chef-lieu de canton le présenteront quelle que soit la résolution que vous preniez.

Ainsi vous n'aurez rien fait qu'exciter les passions dans cette enceinte et au-dehors, vous n'arrêterez pas le pétitionnement et vous empêcherez le vote des chemins de fer pendant cette session.

M. de Theux. - On a parlé d'agitation factice. Je ne vois pas d'agitation dans le pays. Des pétitions sont adressées à la chambre pour demander une chose qui me paraît juste et raisonnable.

Je ne vois là aucune cause de perturbation ou d'inquiétude ; les pétitionnaires ont confiance dans la justice de la chambre.

Un de mes honorables amis a déclaré dans une séance précédente qu'un projet de loi serait soumis à la chambre dans la session prochaine. De mon côté, je ferai la même déclaration sans hésiter.

Ainsi je n'hésite pas à déclarer que si une proposition n'était pas soumise par un autre membre, je prends l'engagement de soumettre une proposition à la chambre, dans la session prochaine. Ceci explique parfaitement pourquoi, arrivés au terme de la session, nous n'avons pas demandé que l'on discutât immédiatement le rapport de la commission des pétitions, parce qu'il nous est prouvé que, quel que soit le résultat de la discussion, on ne pourra paralyser l'initiative d'une proposition de loi. La discussion ne décidera donc rien. Les pétitions continueront, comme elles ont commmencé. Peut-être même arriveront-elles avec plus d'abondance à la chambre.

Puisque plusieurs honorables membres de cette chambre ont déclaré qu'ils désiraient que les discussions d'intérêts matériels, des divers projets de chemins de fer qui sont à l'ordre du jour, eussent la priorité, je consens à me rallier à cette proposition ; et quant à moi, je renonce à appuyer la discussion immédiate du rapport de la commission des pétitions, puisque, comme on l'a fort bien dit, cette discussion exigerait plusieurs jours, et peut-être ensuite la chambre ne serait-elle plus en nombre pour discuter les projets de chemins de fer.

Ce serait assumer une grande responsabilité que d'ajourner à une année, à la session prochaine pour avoir le plaisir d'avoir, dans cette session, une discussion politique qui n'amènerait aucun résultat pratique.

M. Pierre. - Ce n'est pas un plaisir, c'est un devoir.

M. de Theux. - Qu'elle que soit la résolution de la chambre, elle ne pourra paralyser l'initiative d'une proposition de loi ; elle ne pourra non plus arrêter les pétitions. Au contraire, je crois que la discussion ne fera qu'y donner une nouvelle impulsion, une nouvelle intensité.

Mù par ces considérations, je me rallierai très volontiers à l'opinion conciliatrice émise par plusieurs honorables membres. Je renonce donc à appuyer la mise à l'ordre du jour immédiate.

M. de Brouwer de Hogendorp. - L'honorable comte de Theux nous dit qu'il ne craint pas de voir naître l'agitation à la suite des débats que l'on provoque. Je ne partage pas cette sécurité. Si l'on s'engage dans la discussion de la réforme électorale, il y aura agitation dans cette chambre, il y aura agitation au-dehors. Croyez-vous pouvoir traiter cette question avec calme ? Vous ne le pouvez pas. Cette question vous passionnera et ne manquera pas d'émouvoir les passions du pays. Et dans quel temps viendriez-vous jeter la fermentation dans les esprits ? Dans un moment où les dangers les plus sérieux nous menacent peut-être.

Si d'autres sont assez imprudents pour s'engager dans cette voie, je ne les y suivrai pas : je ne veux pas compter au nombre des Grecs du Bas-Empire.

M. Devaux. - Ce qui peut agiter le pays, ce sont des propositions de changer nos lois les plus importantes. Ce qui agite le pays, ce sont des mesures comme celle qu'on vient de nous annoncer pour l'année prochaine. Si l'on ne veut pas d'agitation, qu'on déclare renoncer à de tels projets et nous n'insisterons pas sur la discussion. Mais qu'alors aussi on renonce à exciter chaque année dans le pays un pétitionnement nouveau. Qu'on ne s'évertue pas à faire comprendre au pays de prétendues iniquités de la loi qu'il a supportées pendant vingt-trois ans sans s'en apercevoir.

Mais si on ne cesse de faire du bruit au-dehors, si l'on nous inonde de pétitions chaque jour, qu'on ait au moins la dignité de les produire au grand jour de la discussion et de nous les laisser apprécier.

On parle de sincérité ; vous voyez où est la sincérité : en moins d'une demi-heure le langage a changé. Tout à l'heure on voulait une discussion. On ne la veut plus à présent.

Comment ! on a provoqué par tout le pays des pétitions contenant des demandes si hostiles à l'esprit de la Constitution que la commission des pétitions elle-même a été forcée de les condamner en grande partie, des pétitions d'un caractère si extraordinaire que les membres de l'opinion catholique dans cette chambre ont été profondément divisés à leur sujet, et quand arrive le moment de les apprécier, de condamner ce qu'elles ont de blâmable, c'est alors qu'on craint, dit-on, d'agiter le pays ; et on ne craint pas de l'inquiéter en annonçant ici à l'avance un projet de réforme électorale pour l’année prochaine.

Je demande que l'on fasse pour ces pétitions ce qu'on fait pour toutes les autres, qu'on n'ait pas honte de les discuter. C'est le droit des pétitionnaires ; c'est notre droit. Vous ne pouvez le refuser ni à eux, ni à nous. C'est votre opinion qui a fait les pétitions ; ce serait à vous à en provoquer l'examen.

Si on le refuse, c'est qu'on craint la lumière et qu'on se réserve de continuer d'agir à l'ombre.

On s'oppose, dit-on, à la discussion, parce que si elle a lieu on devra siéger un jour de plus. Eh bien, soit, au lieu de partir samedi, on partira mardi.

Qui donc nous presse tant ? Une chambre législative peut-elle dans une matière aussi grave se décider par une raison aussi futile ? Qu'avons-nous tant à faire ?

(page 1525) M. Orban. - Voyez l'ordre du jour.

M. Devaux. - L'ordre du jour, tout le monde s'y attend, sera épuisé samedi prochain. Quand il nous mènerait jusqu'à la semaine prochaine, quel est l'obstacle qui nous empêche d'ajouter une ou deux séances pour l'examen des pétitions ?

Je conçois qu'on désire retourner dans sa famiile. Mais sera-ce un si grand malheur si on y retourne deux jours plus lard ? En acceptant le mandat de représentant on s'est engagé à s'occuper d'autre chose encore que d'intérêts locaux. Si nous restons ici sans difficulté pour discuter quelques concessions de chemins de fer, nous pouvons certes bien y rester 48 heures de plus pour nous occuper du sort de nos institutions électorales.

Ce sera la première fois, messieurs, que dans un pays parlementaire, un pétitionnement qui a la prétention d'être l'écho des griefs de tout un parti, aboutira à ce bizarre dénouement, que le parti en faveur duquel toutes ces pétitions ont été demandées, provoquées, viendra s'opposer à ce que la chambre les examine, demandera à les mettre en poche et à les dérober à toute appréciation en se réservant cependant d'y faire droit l'année prochaine.

M. de Haerne. - Messieurs, je m’étonne des accusaitons qu’on lance contre nous. On dit que nous avons honte des pétitions, que nous reculons devant la discussion. Mais qu’est-ce qui vient de se passer ? Une proposition surgit de la part de M. Pierre. Cette proposition paraît généralement assez bien accueillie par la chambre ; elle reçoit de l’écho sur ces bancs et sur els autres. Quelques moments après, une proposition contraire est faite, mais du côté opposé au nôtre ; et parce que, parmi nous, quelques membres semblent se rallier à cette proposition de concilation, on vient dire que nous reculons devant la discussion.

Non, messieurs, ce n'est pas là reculer devant la discussion ; c'est entrer dans une voie de conciliation. Moi-même j'étais disposé à suivre cette voie ; mais, en présence de l'interprétation qu'on donne à cette proposition, je l'abandonne et je demande la discussion ; je la demande le plus tôt possible.

Je ne vois, quant à moi, d'agitation ni dans le pétitionnement ni dans la discussion qui doit avoir lieu. N'y a-t-il donc des pétitions que dans un seul sens ? N'y en a-t-il pas dans les deux sens ? On disait, il y a peu de temps, que les pétitions demandant le maintien du statu quo étaient aussi nombreuses que les autres ; et maintenant on paraît prétendre que toutes les pétitions sont dans le sens de ce qu'on appelle la réforme.

Si vous prétendez que nous agitons le pays, ce que je n'admets pas, ne pourrions-nous pas vous faire le même reproche ?

Pour moi je n'ai pas rencontré cette agitation dans le pays ; mais à force de la supposer ici, en la ferait naître. La cause du pétitionnement esl facile à saisir ; elle se trouve dans la première réforme qui a eu lieu ; c'est une opinion qui a surgi à la suite du nivellement électoral qui a été fait. Il n'y a pas là, je le répète, d'agitation, il y a l'intention d'arriver à un mode nouveau qui rectifie ce qui, selon quelques-uns, a été mal fait ou plutôt ce qui a été fait incomplètement.

Voilà toute la question à examiner, et pour faire voir que nous ne reculons pas devant cet examen, je répète avec quelques honorables préopinants que c'est nous qui, il y a trois mois, l'avons demandé, ei j'ajoute que je ne vois pas de motifs pour ne pas le demander encore.

M. de Decker. - Je suis du nombre de ceux qui ne reculent pas devant une discussion de la question de la réforme électorale. Jamais, la chambre me rendra cette justice, je n'ai reculé devant la manifestation franche et sincère de mon opinion, et c'est pour cela que j'ai demandé la parole lorsque l'honorable M. Devaux a accusé tout le parti auquel j'ai l'honneur d'appartenir et par conséquent m'a accusé moi-même, de reculer devant la manifestation de notre opinion, d'avoir honte de notre opinion.

Quant à moi, je déclare que je me crois supérieur à cette insulte ; elle ne saurait nous atteindre. Mais je m'oppose à la discussion actuelle de cette question naturellement irritante, parce que, avec le pays tout entier, je veux le calme, je veux l'apaisement des passions politiques.

Et dans quelles circonstances vient-on jeter l'agitation dans les esprits ? Voyez la position admirable de la Belgique ! Voyez-la entourée partout de sympathies et d'hommages !

Voyez-la, dans sa dynastie et dans ses institutions, honorée, exaltée par l’Europe entière !

Et il y a des gens qu'une si magnifique situation semble affliger, pour qui c'est sans doute trop de paix, trop de gloire, trop de bonheur ! Il y a des gens qui croient avoir intérêt à lancer de nouveau le pays dans la voie des luttes de partis ! Eh bien, à ceux qui ont intérêt à passionner les populations, je dis, avec le pays tout entier, que nous avons intérêt à maintenir le calme et la dignité qui honorent la nation, et qui lui permettent de s'abandonner sans réserve aux heureuses impressions des grands événements qui se préparent !

- La discussion est close.

La proposition de M. Pierre, tendant à mettre à l'ordre du jour de vendredi ta discussion du rapport de la commission des pétitions sur les pétitions relatives à la réforme électorale, est mise aux voix par appel nominal.

69 membres prennent part au vote.

25 votent pour la proposition

44 votent contre.

En conséquence, la proposition de M. Pierre n'est pas adoptée.

Ont voté l'adoption : MM. Closset, Coomans, David, de Haerne, de Perceval, Dequesne, de Steenhault, Devaux, Lebeau, Le Hon, Loos, Moreau, Moxhon, Orts, Peers, Pierre, Prévinaire, Rodenbach, Rogier, Thiéfry, Thienpont, Vandenpeereboom (Alphonse), Vandenpeereboom (Ernest), Van Hoorebeke, Van Iseghem.

Ont voté le rejet : MM. Vermeire, Veydt. Visart, Ansiau, Brixhe, Dautrebande, de Baillet (H.), de Brouwer de Hogendorp, de Decker, Deliége, de Man d'Attenrode, de Naeyer, do Portemont, de Renesse, de Ruddere, de Sécus, Desmaisières, de Theux, de T'Serclaes, de Wouters, Dumortier, Jacques, Jouret, Landeloos, Laubry, le Bailly de Tilleghem, Lesoinne, Maertens, Magherman, Mascart, Matthieu, Mercier, Orban, Osy, Pirmez, Roussel (Adolphe), Rousselle (Ch.), Sinave, Tremouroux, Vander Donckt, Van Overloop, Van Remoortere, Van Renynghe et Delfosse.

Pièces adressées à la chambre

M. le président. - Voici une lettre que je viens de recevoir de M. le maréchal de la cour :

« M. le président,

« J'ai l'honneur de porter à votre connaissance que le Roi recevra la chambre des représentants demain mercredi, 1er juin, à 1 heure, au palais de Bruxelles.

« Veuillez agréer, etc.

« Le maréchal de la cour,

« (Signé) Ch. de Marnix.

« Bruxelles, 31 mai 1853. »

Des voitures seront mises à la disposition de MM. les membres de la chambre.

Projet de loi relatif à la négociation d’un capital de 11,964,000 francs, remboursés par la conversion des emprunts de 1840, 1842 et 1848

Vote des articles et sur l'ensemble du projet

M. le ministre des finances (M. Liedts). déclare se rallier au projet de la commission.


« Article 1er. Le gouvernement est autorisé à négocier, au fur et à mesure des besoins du trésor, le capital de onze millions neuf cent soixante-quatre mille six cents francs (11,964,600 francs), faisant partie des emprunts à 5 p. c. de 1840, 1842 et 1848, qui a été remboursé en exécution de la loi du 1er décembre 1852 (Moniteur, n°337).

« Ce capital sera maintenu dans la dette constituée et soumis à la conversion décrétée par ladite loi. »

- Adopté.


« Art. 2. La somme de cinq millions neuf cent quatre-vingt trois mille sept cent soixante et seize francs vingt-sept centimes (5,983,776 fr. 27 c), montant de la réserve provenant des fonds d'amortissement des emprunts à 5 p. c. de 1840 et de 1842, viendra en déduction de la dette flottante. »

- Adopté.


« Art. 3. Le gouvernement esl, en outre, autorisé à négocier un capital de 15 millions de francs en titres nouveaux de 4 1/2 p. c.

« Le produit de cette négociation viendra en déduction de la dette flottante. »

- Adopté.


« Art. 4. Le ministre des finances rendra aux chambres un compte détaillé des négociations autorisées par les articles 1 et 3. »

- Adopté.


Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet, qui est adopté à l'unanimité des 66 membres présents.

Ce sont : MM. Vermeire, Veydt, Vicart, Ansiau, Brixhe, Closset, Coomans, Dautrebande, David, de Baillel (H., de Brouwer de Hogendorp, de Decker, de Haerne, Deliége, de Man d'Attenrode, de Naeyer, de Perceval, de Portemont, de Renesse, de Ruddere de Te Lokeren, Desmaisières, de Steenhault, de Theux, de T'Serclaes, Devaux, de Wouters, Dumortier, Jouret, Landeloos, Lange, le Bailly de Tilleghem, Lebeau, Le Hon, Lesoinre, Loos, Maertens, Magherman, Mascart, Matthieu, Mercier, Moreau, Moxhon, Orts, Osy, Peers, Pierre, Pirmez, Prévinaire, Rodenbach, Rogier, Roussel (Ad.), Rousselle (Ch.), Sinave, Thiéfry, Thienpont, Tremouroux, Vandenpeereboom (A.), Vandenpeereboom (E.), Vander Donckt, Van Hoorebeke, Van Iseghemn Van Overloop, Van Remoortere, Van Renynghe et Delfosse.

Prise en considération de demandes en naturalisation

Nombre des votants, 58.

Majorité absolue, 30.

Louis-Henri Delgetr, professeur à l'école de commerce et d'industrie né à Rotterdam (Pays-Bas), le 31 mai 1819, domicilié à Malines, obtient 45 suffrages.

Théodore Paterson, propriétaire, né à Londres, le 15 avril 1823, domicilié à Bruges, 45.

Antoine-Henri-Guillaume Berringer, sous-officier au régiment des carabiniers, né à la Rochette (Luxembourg cédé), le 23 janvier 1824, 47.

Corneille Oomen, docteur en médecine, né à Etten (Pays-Bas), le 25 février 1809, domicilié à Londerzeel (Brabant), 46.

(page 1526) Richard Stauthaemer, soldat au 2ème régiment de chasseurs à pied, né à Wetteren (Flandre orientale), le 21 mars 1813, 45.

Nicolas Hoscher, clerc de notaire, né à Useldange (Luxembourg), le 16 avril 1825, domicilié à Florenville (Luxembourg), 47.

François de Klerck, soldat au 2ème régiment d'artillerie, né à Bruxelles, le 31 juillet 1794, 45.

Fidèle-Benjamin-Alexandre Cauwel, instituteur primaire, né à Wallon-Cappel (France), le 18 août 1825, domicilié à Gand, 14.

Louis-Michel Neiman, préposé des douanes, né à Enkhuyzen (Pays-Bas), le 14 août 1812, domicilié à Eeckcren (Anvers), 13.

Jean-Alexandre Henry, dit Henry-Perkin, ingénieur civil, né à Douai (France}, le 18 octobre 1794, domicilié à Bruxelles, 13.

Edouard-Jean-François-Aimé Mullendorff, professeur de langues étrangères au collège communal, né à Luxembourg, 29 août 1821, domicilié à Charleroi, 14.

Thomas-Arnold Kessels, sous-brigadier des douanes, né à Gouda (Pays-Bas), le 24 octobre 1804, domicilié à Oostkerke (Flandre occidentale), 13.

François-Joseph Saigne, éclusier du canal de Charleroi, né à Paris, le 5 janvier 1811, domicilié à Ittre (Brabant), 13.

Jean Biresborn, ouvrier au chemin de fer de l'Etat, né à Echternach (Luxembourg cédé), le 7 mai 1815, 13.

Pierre-André Heuvekemeyer, soldat au 1er régiment de lanciers, né à Amsterdam (Pays-Bas), le 16 mars 1822, 13.

Adolphe-Louis-Jules Gaudes Voves, sous-lieutenant au 4ème régiment de ligne, né à Rouen (France), le 18 août 1818, 12.

Bonami-Victor-Joseph Delesalle, directeur du collège libre, né à Lille (France), le 12 mai 1815, domicilié à Renaix, 13.

François-Benoit Blanchard, portier-surveillant du génie, né à Arron (France), le 28 septembre 1787, domicilié à Fort de Hasegras, 13.

Evrard-Bernard-Joseph Delsart, employé au chemin de fer de l'Etat, né à Valenciennes (France), le 16 décembre 1809, 13.

Hubert-Edmond Jarlot, ouvrier cloutier, né à Mézières (France), le 7 janvier 1827, domicilié à Bohan (Namur), 13.

Jean-Gotllieb-Ferdinand Weber, musicien gagiste au 7ème régiment de ligne, né à Dresde (Saxe), le 10 août 1815, 14.

En conséquence la demande des sieurs Delgeur, Paterson, Berranger, Oomen, Stauthaemer, Hoschet et de Klerck, qui ont obtenu la majorité absolue des suffrages, est prise en considération.

Celle des autres pétitionnaires, au nombre de quatorze, qui n'ont pas réuni la majorité absolue des suffrages, n'est pas prise en considération.

- M. Veydt remplace M. Delfossc au fauteuil.


Demande en grande naturalisation faite par le sieur Jean-Philippe-Jacob Fuchs

Nombre des votants, 57.

Majorité absolue, 29.

Boules blanches, 51.

Boules noires, 6.

En conséquence, la demande est prise en considération.

La séance est levée à 4 heures.